Rue des beaux arts 47

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RUE DES BEAUX ARTS Numéro 47 : Avril/Mai/Juin 2014

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 47 : AVRIL/MAI/JUIN 2014


RUE DES BEAUX ARTS Numéro 47 : Avril/Mai/Juin 2014

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 46 ici.


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§1. Editorial Le chemin sinueux de De Profundis Le 20 mai 1897, au lendemain de sa sortie de prison, Wilde, en arrivant à Dieppe, remet à Robbie Ross une enveloppe contenant un manuscrit avec mission d’en faire établir deux copies dactylographiées. Il s’agit de l’original de la longue lettre qu’il a écrite à Douglas en prison. Il commencera à la rédiger en janvier 1897, après l’arrivée du nouveau gouverneur de Reading, le major Nelson, qui lui a permis de posséder du papier (remis le matin et repris le soir), et la terminera en mars, presque trois mois plus tard.


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Wilde confie cette lettre à Robbie pour qu’il la transmette à son destinataire – à savoir Lord Alfred Douglas – après en avoir fait deux copies pour que, sans doute, il en reste une trace au cas où il viendrait à l’idée de Bosie de la détruire. Wilde avait-il permis à son mandataire de la lire ? On sait qu’après

avoir

été

brièvement

amants,

Oscar

et

Robbie

entretinrent jusqu’au bout des liens d’amitié étroits. Cependant, malgré certains développements de caractère artistique ou philosophique, la lettre était terriblement personnelle. Même si certains passages contenaient en effet des épisodes relatifs à Robbie, la majeure partie en concernait un autre, envers lequel, de surcroît, Ross ne pouvait être impartial, étant donné le passé qui les liait, pour ne pas dire le passif qui existait entre eux. Quoi qu’il en fût, Ross en prit connaissance et Bosie Douglas ne la reçut jamais, du moins si l’on en croit ses dires. D’un autre côté, Ross affirmera qu’il lui en avait bien fait parvenir une copie (et non l’original, comme il était stipulé), après que la lettre ait été dactylographiée en août 18971. En admettant la supposée véracité de la version de Douglas, que s’était-il passé, et pourquoi Ross, qui avait toujours essayé de servir fidèlement les intérêts de Wilde, n’aurait-il pas respecté des volontés qui auraient dû lui être sacrées ? Pourquoi se serait-il Bosie prétendit d’abord l’avoir reçue, mais détruite, avant de nier en avoir eu connaissance. On peut se demander si, dans le cas où il l’aurait détruite, il l’a fait avant ou après l’avoir lue (ou après en avoir parcouru seulement quelques pages). Le second tapuscrit (différent de l’original, comme le premier) fut confié plus tard à Vyvyan Holland, le fils cadet de Wilde, qui s’appuya sur ce document pour l’édition qu’il fit de De Profundis. 1


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arrogé le droit de confisquer une lettre qui ne lui était pas destinée et, bien pire, de la censurer avant de l’éditer, au point de la défigurer ? Sans doute justement pour préserver les intérêts de Wilde en évitant les affrontements avec la famille Queensberry. Parce que la lettre était explosive, accusatrice, que sa publication in extenso n’aurait pas été sans produire de terribles remous qui risquaient de rallumer le scandale. Ross avait-il le droit de décider à la place de Wilde ? Nombreux sont les héritiers abusifs qui se sont permis de faire disparaître des correspondances et des documents jugés compromettants, causant ainsi d’irréparables préjudices à l’étude de l’œuvre de leur ancêtre célèbre. Toujours est-il que la version publiée par Ross en 1905, cinq ans après la mort de Wilde, est une version très expurgée où toute allusion aux Queensberry a disparu, de sorte qu’on pouvait croire la lettre adressée à Ross et non pas à Douglas. Le titre aussi avait changé. Wilde avait intitulé son texte « Epistola : in carcere et vinculis » (« Lettre : en prison et dans les chaînes »), Ross la rebaptisa « De profundis » en référence à la prière des morts, titre qui lui reste encore aujourd’hui. On peut remarquer qu’il est étrange de doter d’un titre un courrier censé être strictement personnel, comme s’il s’agissait en fait d’une œuvre littéraire. L’était-elle déjà dans l’esprit de Wilde au moment où il l’écrivit ? Cette arrière-pensée ôterait forcément de la sincérité à cette poignante réflexion si flottait déjà chez Wilde l’idée qu’elle était aussi rédigée en vue d’être un jour livrée au public, qu’elle lui servirait à restaurer sa réputation et son statut d’artiste aux yeux du monde.


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Mais revenons à l’envoi ou au non-envoi de la lettre à Douglas. Selon Robbie, elle aurait été expédiée après l’établissement des exemplaires dactylographiés, c’est-à-dire, s’il n’a pas tardé, dans le courant du mois d’août 1897. Or, c’est ce même mois que Bosie et Oscar se retrouvent pour la première fois après leur séparation. Le 28 Août, ils passent la journée ensemble à Rouen, se tenant par la main, et «parfaitement heureux, selon l’autobiographie de Lord Alfred. Oscar a pleuré en retrouvant son jeune amant à la gare. De toute évidence, Bosie n’a pas encore reçu cette lettre fatale qui aurait immanquablement provoqué une des terribles fureurs dont il a le secret, une scène abominable avec Wilde menant peut-être à une rupture. Or, les deux tourtereaux roucoulent. Ils sont dans la joie et l’émotion des retrouvailles. Même si l’exemplaire prétendument expédié a été plus ou moins retouché pour en gommer les aspérités trop blessantes, il est douteux qu’un texte, même adouci, n’eût pas provoqué de la part de Bosie des réactions de colère (ne serait-ce que par les hommages appuyés qui y sont rendus à Robbie). Il aurait, tout au moins, largement assombri le ciel sans nuages de Rouen où les deux amants réconciliés sourient aux anges. La missive est-elle arrivée plus tard, alors ? Le 20 septembre, Oscar rejoint Bosie à Naples. Ils y vivront ensemble jusqu’au départ du jeune homme, début décembre. La lettre a bien eu le temps d’arriver. Or, rien ne permet d’indiquer qu’elle est enfin parvenue

à

son

destinataire.

Il

y

a

un

nouveau

mystère: comment Wilde ne s’étonne-t-il pas que Bosie n’en


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souffle pas mot, qu’il ne lui demande pas des comptes sur ce dur (et beau) réquisitoire ? Des portes auraient claqué, des cris fusé, des valises se seraient bouclées illico si, à Naples, Bosie avait effectivement reçu le document qui lui était initialement destiné. Et pourquoi Wilde, ne voyant rien survenir, ne s’informe-t-il pas auprès de Ross du destin de sa lettre ? Il semble qu’on n’en trouve pas trace dans leur correspondance, comme si cette longue complainte n’avait jamais existé, qu’il l’eût effacée de son esprit. Comment est-ce possible ? Il ne s’agissait pas d’un poulet griffonné à la hâte, d’un billet écrit sur un coup de tête, mais d’un long travail de trois mois, repris patiemment jour après jour, où Wilde avait déversé ses chagrins et ses rancunes, où il avait livré son cœur et purgé son âme. Cette lettre, écrite avec son sang, l’a peut-être sauvé du désespoir, de la folie. En lui permettant de s’épancher, de retrouver l’écriture, elle lui a peut-être sauvé la vie. Elle est d’une importance capitale pour lui. Il se peut que Wilde, maintenant revenu à Bosie, regrette, dans l’exaltation des débuts napolitains, de l’avoir écrite, et juge-t-il bon de garder le silence pour ne pas allumer l’incendie. Mais alors, puisque la lettre n’a pas probablement pas encore atteint son destinataire, il peut encore essayer de réparer les dégâts en la récupérant auprès de Ross. Or, il ne tente rien, ni dans un sens ni dans un autre, comme si, se tenant coi, il annihilait l’effet ravageur de ses propres mots. N’a-t-il pas avoué à Bosie, comme une manière d’excuse, que la souffrance l’avait rendu fou ? Ce n’est donc pas un homme sain d’esprit, mais un homme égaré par


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la souffrance, qui a tracé ces lignes, un homme en qui il ne veut plus se reconnaître, qu’il souhaite abandonner derrière lui comme la dépouille du prisonnier écrasé qu’il fut à Reading. L’homme nouveau qu’il veut être ne peut s’embarrasser de ce cadavre encombrant. Si l’on en croit Douglas, ce n’est qu’à la parution de la biographie d’Arthur Ransome en 1913, qu’il découvrit la vérité sur le vrai destinataire de la lettre. Quand, au cours du procès qui l’opposa à Ramsome, les extraits qui étaient jusque-là restés secrets furent lus en Cour, Bosie se sentit trahi par l’homme qu’il avait aimé et qui lui avait attribué, sans qu’il le sût, de torts si considérables. Le choc de cette révélation fut dévastateur dans le sens où il se retourna furieusement contre Ross et contre son ancien amant, désormais regardé comme "la plus grande force du mal apparue en Europe durant ces 350 dernières années »1. Ransome gagna son procès, mais retira les extraits litigieux de la seconde édition de son livre.

Il fit cette déclaration devant la Cour pendant le procès Maud Allan versus Noël Pembroke Billing 1


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Treize ans après la mort de Wilde, De profundis demeure donc tronqué et mutilé. Il faudra attendre 1949, quatre ans après la disparition de Lord Alfred, pour que Vyvyan Holland publie une version complète, mais erronée, fondée sur le tapuscrit retouché, et 1962 pour que Rupert Hart-Davis, qui, le premier, a examiné l’exemplaire original déposé par Robbie Ross au British Museum en 19091, publie enfin la version véritable dans ses Letters of Oscar Wilde.2 Un facsimilé de l’original, introduit par Merlin Holland, a été publié par la British Library pour le centenaire de la mort de Wilde.

Sous condition qu’il ne serait pas porté à la connaissance du public avant 50 années. Rupert Hart-Davis, Complete letters of Oscar Wilde, New York, Harcourt, Brace & World Inc., 1962. 1 2


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Que serait-il arrivé si tout s’était déroulé selon les instructions données par Wilde à Ross au moment où il lui remet la lettre ? Nous en sommes réduits à de vagues suppositions. Bosie, découvrant ce qu’on lui reprochait, tôt après le drame qui avait changé le cours de leur vie, aurait-il admis plus facilement, se sentant un peu coupable, une part de responsabilité ? Étant donné son caractère volcanique et son égocentrisme, c’est peu probable. Au moins serait-il resté aux deux hommes une chance de s’expliquer. Treize ans après la mort d’Oscar, les souffrances endurées à Reading ne pesaient plus aussi lourd aux yeux de Bosie, qui avait eu le temps de se persuader de sa propre innocence. L’adhésion au catholicisme, et le reniement de son homosexualité avaient fait le reste. La plus mince tentative de compréhension

devenait

impossible.

Le

mur

qui

séparait

désormais Bosie de son ancien amant serait long à se fissurer.


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Si elles ont été abondamment débattues en anglais, les questions qui se posent autour de De Profundis méritent en tout cas d’être creusées plus avant pour un lectorat français. Danielle Guérin-Rose

Tapuscrit de De Profundis.

Les deux lignes manuscrites sont de la main de R. Ross.


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§ 2. PUBLICATIONS

Danielle Guérin-Rose – Oscar Wilde Collection « Qui suis-je ? » Editions Pardès, Grez-sur-Loing, avril 2014 ISBN 928 2 86714 475 2

Oscar Wilde – Le fantôme de Canterville,

suivi

Heureux,

Géant

Le

du

Prince

égoïste

et

autres contes Traduction Jules Castier et Albert Savine Librio Littérature, février 2014 ISBN 978-2290075906


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Oscar Wilde et la prison Traduction de Michel Borel Michel Borel, octobre 2013

Jean-François

Hamel

Camarade

Mallarmé, une politique de la lecture Collection « Paradoxe » Éditions de Minuit, Paris, janvier 2014 ISBN 9782707323378

Et ailleurs…


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Oscar Wilde – The Selfish giant and others classic tales Illustrations de Jenny Thorne Armadillo, avril 2014 ISBN 978-18614740320

Mark Hichens – Oscar Wilde’s Last Chance – The Dreyfus Connection Book Guild Ltd – avril 2014 ISBN 978-1909716780


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Geoff

Dibb

-

Oscar

Wilde,

A

Vagabond With a Mission: The Story of Oscar Wilde’s Lecture Tours of Britain and Ireland Édité par la Oscar Wilde’s Society, Londres


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§3. OSCAR WILDE ET LA BANDE DESSINEE OSCAR WILDE : LA RESURRECTION Par Dan Pearce Introduction — Deuxième episode — Troisième épisode — Quatrième épisode — Cinquième épisode — Sixième épisode — Septième épisode — Huitième épisode — Neuvième épisode — Dixième épisode — Onzième épisode — Douzième épisode – Treizième épisode — Quatorzième épisode — Quinzième épisode – Seizième épisode – Dix-septième épisode – Dix-huitième épisode – Dix-neuvième épisode -- Vingtième épisode

— Vingtième et unième épisode – Vingt-deuxième

épisode – Vingt-troisième épisode – Vingt-quatrième épisode – Vingt-cinquième épisode – Vingtsixième épisode - Vingt-septième épisode – Vingt-huitième épisode – Vingt-neuvième épisode – Trentième épisode

Trente-et-unième épisode


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À suivre…


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§ 4. Autour d’un tableau

Pas de rubrique « Expositions » dans ce numéro, mais quelques lignes au sujet d’un tableau où apparait Oscar Wilde : “A Private View at the Royal Academy” par William Frith, peint en 1883.

Qui est William Powell Frith ? Un peintre anglais, né en janvier 1819, dans le Yorkshire, spécialiste d’oeuvres narratives de la vie victorienne, décrit comme “le plus grand peintre britannique de la scène sociale depuis Hogarth”1. Traditionnaliste, c’est un adversaire

1

Harrogate Borough Council, William Powell Frith: Painting the Victorian Age


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du préraphaélisme et de l’esthétisme. Aussi, s’il représente Oscar Wilde dans son tableau “A private view at the Royal Academy, n’estce nullement pour lui render hommage, mais au contraire pour le brocarder.

La scène décrit un groupe de Victoriens distingués visitant l’exposition d’été à la Royal Academy en 1881. Au centre de la toile, barbu et en costume marron, bavardant avec la comtesse de Lonsdale (future Lady de Grey1), assise, se trouve Frederic Leighton, président de la Royal Academy. À ses côtés, en costume sombre et chapeau haut de forme, on reconnait le Premier Ministre William Gladstone. Mais Wilde, debout derrière le petit garçon vêtu de vert, entouré de femmes aux vêtements esthétiques, en est un des principaux personnages. Il porte un lys à la boutonnière et tient un 1

Oscar Wilde lui dédicacera sa pièce « A woman of no importance »


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catalogue dans la main. Sur la gauche, et immédiatement à la droite de Wilde, se tiennent Henry Irving et Ellen Terry, sans doute les deux plus célèbres acteurs anglais de l’époque. Il faut y ajouter la belle actrice Lillie Langtry, vêtue de blanc. Ils constituent le cercle des amis d’Oscar. Mais si on regarde sur la droite du tableau, on distingue très nettement un cercle d’opposants observant d’un œil critique un Wilde en train de discourir sur l’art. Ce sont les peintres Philip Calderon et Henry Stacy Marks, le sculpteur Joseph Boehm, et, en gilet blanc, le journaliste G.A. Sala.

William Frith dira avoir peint ce tableau, non seulement pour laisser une trace de l’engouement esthétique dans la mode féminine, mais aussi pour fustiger la folie de ceux qui se laissent abuser par les belles paroles des prétendus oracles du goût. « J’ai donc représenté un groupe, composé d’un apôtre bien connu de la beauté, entouré d’un troupeau de fidèles avides. »


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Peu importent les messieurs sévères et noirs, amis du peintre et qui partagent sa désapprobation. Ils ne perturbent nullement le jeune homme en haut de forme qui est leur cible. Punch l’a déjà caricaturé sous la plume acérée de George du Maurier. L’opérette « Patience » de Gilbert et Sullivan l’a pris pour modèle pour figurer l’un de ses personnages d’esthète. Il est sorti d’Oxford depuis à peine deux ans et n’a encore rien écrit qui vaille, mais il est plein d’espoir et d’assurance. Oscar Fingal O’Flaherty Wills Wilde sait déjà qu’il veut élever son amour de l’art au rang d’une philosophie, que cet amour constituera sa plus haute et sa plus constante poursuite tout au long de sa vie. A Private View at the Royal Academy appartient désormais à une collection privée. L’œuvre a été exposée au Barbican Centre en 2000, pour l’exposition du centenaire : Wilde Years, Oscar Wilde and the art of his time (Londres – 5 octobre 2000 – 14 janvier 2001)


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§5. OPERA ET THEATRE MUSICAL SALOME

Direction musicale : Enrico Delamboy Mise en scène : Markus Dietze Costumes : Claudia Caséra Théâtre de Coblence Première 22 mars 2014 28 mars, 8, 14, 17 et 28 avril, 18 Mai, 4 et 29 juin 2014

DAS GESPENST VON CANTERVILLE Opera de Marius Felix Lange sur un livret de Michael Frowin

Philharmonia de Zurich Direction : Michael Zlabinger Mise en scène : Jasmina Hadziahmetovic Décorateur : Paul Zoller


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Costumes : Gideon Davey

Avec : Yuriy Tsiple

Sir Simon Canterville (21 avril)

Alex Lawrence

Sir Simon Canterville (9 et 28 juin)

Rainhard Mayr

Georg Bürkli (21 avril, 9 et 28 juin)

Ivana Rusko

Virginia (21 avril et 28 juin)

Suzanne Grosssteiner

Virginia (9 juin)

Opéra de Zürich 21 avril, 9 et 28 juin 2014 (dates passées : 23 novembre, 1er, 7, 10, 11, 17, 26, 27, 29 décembre 2013, 1er et 2 janvier 2014)

DE PROFUNDIS, A musical

Une nouvelle œuvre musicale basée sur la lettre écrite en prison à Lord Alfred Douglas vient de remporter la compétition inaugurale


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du Leicester Square Theatre « The New Musical Project ». Plus de 100 projets y participaient. Six ont été retenus parmi les finalistes, et c’est finalement l’œuvre de Paul Dale Vickers qui a été choisie. « De profundis », inspiré de l’œuvre d’Oscar Wilde, sera à l’affiche au Leicester Square Theatre (The Lounge) du 1er mai au 8 juin 2014.

Vickers dit de sa pièce : « Presque tout le contenu de cette œuvre lyrique s’inspire directement de la lettre de Wilde, avec quelques ajouts jouant le rôle de liens. De profundis est une pièce de théâtre musical

au

sens

conventionnel

du

terme.

J’ai

cependant

expérimenté avec la forme en matière de structures, l’œuvre étant essentiellement un soliloque. » Musique et lyrics Paul Dale Vickers Mise en scène : Ketty Peskin Direction Musicale : Michael Riley 1er Mai au 8 juin 2014 Leicester Square Theatre (Lounge) - Londres


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§6. THÉÂTRE Salomé, variation polyphonique d’Oscar Wilde

Compagnie des Dramaticules Mise en scène Jérémie Le Louet 1er avril 2014 à 20H30 Théâtre de Corbeil-Essonne

Théâtre au Festival Wilde Le Festival Wilde, organisé par la Société Oscar Wilde et le Centre Culturel Irlandais, inclut plusieurs représentations théâtrales dans son programme: • Vendredi 6 juin à 20H00 : “Le mariage est aussi nocif que les cigarettes et tellement plus cher”, d’après Oscar Wilde. Avec Hélène Laurca et Laurent Themans.


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• Samedi 7 juin, à 17H00 De Profundis Avec Christophe Truchi

• Vendredi 13 juin, à 20H More Lives than one (texte en anglais) Par Dear Conjunction Avec Les Clack


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• Samedi 14 juin, 20H00 L’Importance d’être Constant Les Framboisiers

Mise en scène : Imago


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On a manqué … Le Fantôme de Canterville

Marionnettes et film d’animation à base d’images de synthèse en 3d. Compagnie Une poignée d’images La chanson du fantôme : http://www.youtube.com/watch?v=iuM76YoKPu4 27, 28, 29 janvier 2014 Espace culturel Saint-André – Abbeville

Prolong ations


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Le spectacle De Profundis, donné au Petit Théâtre de Bordeaux a été prolongé jusqu’au 29 mars.

Et Ailleurs… Le Portrait de Mr. W.H à New York


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§7.

Traduire Oscar Wilde Par Michel Borel

Avant même de parler d'Oscar Wilde, il serait bien de dire ce qu'est un traducteur. À l'instar du musicien, du chanteur, de l'acteur, du metteur en scène, le traducteur est un interprète ; c'est-à-dire que, comme eux, il a pour tâche de transmettre à d'autres l'œuvre d'un créateur. Et tout ce qui sera ainsi transmis viendra de la manière dont il l'aura interprétée. L'acte de traduire peut avoir plusieurs facettes. Il peut d’abord être une simple tentative de transcription d'un texte d'une langue dans une autre, sans autre but que d'en donner l'accès à des lecteurs d'une autre langue. C'est en particulier le cas lorsque l'on est amené à traduire des textes officiels, des contrats, des notices techniques ou des modes d'emploi de matériels; le souci du traducteur est de rendre à ses nouveaux lecteurs cette nouvelle version du texte intelligible, claire, précise et utile pour son objectif. Si la tâche du traducteur est alors souvent celle d’un simple transcripteur et reposerait avant tout sur des automatismes, il lui faut cependant apporter une clarté de pensée et un esprit critique aiguisé pour être sûr de ce qu'il transmet. Cela peut aussi être le cas lorsqu'il travaille sur des textes de divertissement où la seule attente est que le lecteur dispose d'un exposé distrayant dont la fidélité n’est pas le but premier, l'important étant que le destinataire y trouve son compte. Mais la langue, ici, prend toute son importance car la distraction n’est


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possible que si l’état d’esprit et la manière de penser du lecteur y est réceptive et la langue y contribue toujours plus ou moins. Un bon

traducteur

doit

en

général

transcrire

dans

sa

langue

maternelle, celle dont il maîtrise instinctivement l’expression. Et il y a l’interprète qui se propose de transmettre au public une œuvre artistique et l’impression qu’il en a à travers sa propre sensibilité. On s’aperçoit alors que cette transmission est rarement neutre car c’est la perception de l’interprète qui donne tout son sens à l’œuvre. Il suffit de se référer à la musique pour en comprendre toute l’importance. Quelle différence entre une symphonie dirigée d’une part par Herbert von Karajan et par sir Thomas Beecham, ou pour être plus contemporain du premier cité, par sir Neville Mariner. Dans une valse de Chopin, les nuances d’interprétation qu’y apporte une György Cziffra donnent un relief très personnel à l’œuvre ; et si on entend Dinu Lipatti, c’est autre chose, même si le mouvement est aussi valsant. Si l’on parle théâtre, le rôle de l’interprète qu’est le metteur en scène est encore plus flagrant. Certains, à l’instar de Raymond Rouleau attachèrent un point d’honneur à suivre l’auteur à la trace et se targuèrent d’une fidélité pointilleuse ; pour d’autres (Chéreau, Planchon, pour ne citer qu’eux, mais aussi tous ceux qui revisitent nos classiques), et les exemples sont nombreux, l’œuvre est un cadre dans lequel ils construisent avec bonheur souvent leur propre vision de la pièce.


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Sans parler des acteurs eux-mêmes. Y a-t-il comparaison entre le Cyrano depardieusant, dont la truculence arrive mal à nous convaincre de la fragilité du personnage et celui de Jacques Weber, tout en nuances ? Alors que dire du traducteur qui se trouve confronté à une difficulté inhérente à sa tâche, celle de rendre l’œuvre dans notre langue avec ses mots, ses beautés mais aussi ses contraintes dont, notamment sa syntaxe et sa grammaire, sans parler de la rythmique du texte qui peut complètement en changer l’acceptation par celui à qui il est destiné. Lorsqu’il s’agit d’une pièce de théâtre, ce qui fut l’occasion de mes premières confrontations à l’acte de traduction, deux autres personnages interviennent dans l’exercice : l’acteur et le spectateur. Pour le premier, il est important que le texte qu’il dit ait une fluidité qui lui en facilite la diction, pour le second, que le texte lui parvienne à l’oreille et s’insinue en lui sans qu’il ait autre chose à faire qu’à le recevoir et s’en imprégner ; lorsque son entendement est trop sollicité par la compréhension de ce qu’il entend, il en perd forcément une partie, surtout son esprit et son sens. C’est ce que j’appelle rendre le texte « disible et entendable ». Heureusement, l’écriture d’Oscar Wilde se prête bien à cette exigence. Mais encore ! L’exercice prend une autre tournure lorsqu’il s’agit de traduire des vers. On conçoit bien que vouloir rimer, c’est-à-dire trouver en fin de vers des mots dont les consonances s’accordent, c’est prendre le risque inévitable de trahir l’écrit initial ; la traduction devient alors


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une sorte de transposition d’une langue dans une autre. Vouloir versifier selon un rythme prédéfini ou une succession de rythmes imposés est aussi une sorte de gageure, car la syntaxe n’est pas la même dans deux langues ce qui conduit à des longueurs de phrase différentes et ne rend pas aisée la recherche d’une régularité rythmique. Le parti que j’ai volontairement pris est de ne pas rimer, de respecter la découpe en vers et l’entièreté de ceux-ci, et de recourir au vers libre en s’attachant toutefois à en rechercher la musique. Pour illustrer le propos, je vais vous lire deux traductions des deux premières strophes de La Ballade de la geôle de Reading, l’une étant celle qui est proposée par le Livre de Poche, l’autre celle que j’ai réalisée, sans porter de jugement de valeur sur l’une ou l’autre. Il n’avait plus sa tunique écarlate : Rouge est le sang, rouge est le vin, Et quand au lit de la morte on le prit Le vin, le sang tachaient ses mains, – La pauvre morte qu’il avait aimée Avant d’en être l’assassin.

Il ne portait pas sa tunique écarlate, Car le sang et le vin sont rouges Et du sang et du vin s’étalaient sur ses mains Lorsqu’ils le trouvèrent avec la morte, La pauvre femme morte qu’il aimait, Et qu’il tua dans son lit.


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Il avançait parmi les prévenus Dans un costume grispoussière Coiffé d’une casquette de cricket, Sa démarche semblait légère,

Il marchait au milieu des Hommes de Justice Dans un habit d’un gris miteux ; Une casquette de cricket déposée sur la tête, D’un pas qui semblait léger, joyeux ; Mais je ne vis jamais un homme contempler D’un air si mélancolique le jour.

Mais jamais homme n’avait regardé Si passionnément la lumière. Il faut dire que, dans la traduction du Livre de Poche, le traducteur a voulu respecter une convention de la ballade anglaise où dans chaque strophe de 6 vers, les pairs plus courts que les impairs riment. Le traducteur a voulu rimer. Le traducteur se voit parfois soumis à des choix délicats quand il n’y a pas de traduction évidente. C’est le cas dans The importance of being earnest du prénom Constant qui est couramment utilisé (probablement provient-il d’un choix fait par Oscar Wilde lui-même lors de l’édition de ses œuvres en France). Le texte original contient ces deux répliques qui donnent son titre à la pièce : LADY BRACKNELL I have missed the last train!-My nephew, you seem to be displaying signs of triviality JACK On the contrary, Aunt Augusta, I've now realised for the first time in my life the vital Importance of Being Earnest.


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Triviality a le sens français de banalité, de futilité. Je n’ai jamais trouvé que « constant » fut une réponse appropriée. Après avoir pris connaissance d’une étude où il était dit que le prénom Ernest désignait au XIXe siècle, en Angleterre, celui qu’on appelle gay maintenant, ayant remarqué en outre que certains homosexuels masculins affichaient une certaine exubérance un peu maniérée, j’ai pensé que « parfait » y répondait mieux. Ainsi ai-je choisi comme titre L’importance d’être Parfait. La traduction du titre A woman of no importance m’a aussi posé un problème car Une femme sans importance ne me paraissait pas répondre au caractère très exclusif du « no importance », le sans ayant souvent en français le sens de négligeable plutôt que celui d’un privatif fort. Aussi ai-je choisi le titre Une femme de nulle importance. Enfin, pour terminer cet exposé de ce que peut demander la traduction d’Oscar Wilde, j’ai aussi été interpellé par le nom de Bunbury dans L’importance d’être Parfait. Jusqu’à présent, on ne l’avait jamais traduit ; or Lady Bracknell en parle en disant « Votre ami au nom ridicule » En quoi Bunbury est-il ridicule, je n’ai pas trop su ; mais s’il ne l’était pas en anglais, il l’était encore moins en français. Alors partant de bun « petit pain » et bury « enterrer » j’ai abouti à Painperdusse, ce qui permet aisément de painperduser avec les painperdusistes. Et là, le nom est ridicule !


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& 8 – Personnages secondaires Napoleon Sarony

Une des premières visites d’Oscar Wilde après son arrivée à New York fut pour le studio de Napoleon Sarony où toutes les personnes célèbres qui vivaient à New York ou qui y passaient venaient se faire photographier. Le fait remarquable était que ces clients étaient sollicités par Sarony lui-même, qui les payait pour obtenir l’exclusivité des droits sur leurs portraits qu’il pouvait alors diffuser à loisir puisqu’ils lui appartenaient légalement. Ainsi, une session de pose avec Sarah Bernhardt lui coûta-t-elle 1 500$, soit l’équivalent de 20 000$ actuels. Combien lui coûta la séance avec Wilde ? Certainement beaucoup moins cher, étant donné qu’Oscar n’était en fait qu’un débutant, même si c’était un débutant très médiatique. À l’époque, c’est en tout cas un personnage qui fait courir les foules, et Sarony ne fera pas moins de 27 portraits du jeune homme, s’exclamant à


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son entrée qu’il était « a picturesque subject, indeed ! ». Il le fit poser vêtu de sa pelisse bordée de fourrure, en veste d’intérieur, en veste de velours gansée, culottes à la française et bas de soie. Une série de photographies qui allaient imposer durablement l’image de l’esthète dans le public américain, mais aussi en Europe.

Quelques photographies prises par Napoleon Sarony en 1882

Napoleon Sarony n’est pas né aux États-Unis, mais au Québec, et c’est à l’âge de 15 ans qu’il rejoint New York pour y

travailler

comme lithographe, suivant en cela les traces paternelles. Il y établit bientôt sa propre entreprise en partenariat avec Henry B. Major, et se marie en 1846 avec Ellen Major, qui lui donne deux


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enfants, Ida et Otto, avant de mourir en 1858. Entre temps, un troisième

homme,

Joseph

F.

Knapp,

est

venu

rejoindre

le

partenariat, et leur entreprise est florissante. Assez pour que Napoleon Sarony et ses deux enfants fassent un long séjour en Europe (Berlin, Paris et Londres). En Angleterre, son frère aîné a magnifiquement réussi comme photographe, et Sarony décide d’embrasser cette carrière lucrative. De retour aux États-Unis, à la fin de la guerre civile (1865) Sarony ouvre son premier salon de photographies à New York au 630 puis 680 Broadway.

Fin 1871, Sarony s’installa au 37, Union Square où son studio occupait plusieurs étages. Un ascenseur hydrolique menait les clients et les visiteurs jusqu’au 5e étage.

Sarony's reception room at 37 Union Square.

C’est dans ce studio que furent prises les principales photos d’Oscar Wilde, le 10 janvier 1882. Elles allaient devenir les photographies les plus célèbres et les plus emblématiques du futur auteur du Portrait de Dorian Gray, reprises encore et encore pour


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illustrer les couvertures de ses œuvres et les affiches de théâtre, diffusées partout à travers le monde. Wilde revint à New York en août 1883, et Sarony fit de lui sept nouvelles photos où Wilde avait maintenant les cheveux courts.

L’une des photos d’Oscar Wilde (la numéro 18) donna lieu à un procès opposant Sarony à la Burrow-Giles Lithographic Compagny qui avait vendu 85 000 exemplaires de cette image sans aucune permission.


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Sarony prétendait être propriétaire du copyright, puisqu’il avait été en quelque sorte l’inventeur de la photo dans la mesure où il avait choisi le décors, les vêtements et les poses d’Oscar Wilde. Il obtint gain de cause, la Cour fédérale de New York lui ayant attribué une somme de 610$ (environ 13 000 $ actuels). Le jugement fut confirmé par the U.S. Circuit Court for the Southern District of New York, puis par la Cour Suprême des Etats-Unis. C’est ainsi que Sarony éleva la photographie au statut d’œuvre d’art, juridiquement fondée à générer des droits d’auteur.


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§9. Platon chez les Dandies Sur « Le portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde (1ere partie) Par Jean Delabroy

La branche de lilas qu'il tenait à la main tomba sur le gravier. Une blonde abeille vint, en bourdonnant, voltiger quelque temps alentour, puis se mit à grimper, de fleur en fleur, aux flancs ovales du petit globe étoile [...]. L'abeille ne tarda pas à reprendre son vol. Dorian la vit se glisser dans le calice pastellisé d'un volubilis tyrien. La fleur parut tressaillir, puis doucement se balança sur sa tige (p. 34).

1

1

. Les références sont faites à l'édition du Livre de Poche.


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Le lapsus minime et le regard inactif prêtés au personnage dans ce passage du Portrait de Dorian Gray, d'O. Wilde, sont faussement insignifiants, et le lecteur ne devrait pas être longtemps à lire en eux le développement d'une procédure de détournement thématique qui est dépourvue d'ingénuité. Ce n'est pas un hasard si les premières lignes du roman prenaient déjà soin de mentionner l'abeille des « herbes mûres » (p. 7) : symbole de l'accumulation et de la plénitude des moissons, mais cité et happé pour un effet dérisoire immédiat — « bourdonnement maussade » et « ronde monotone » (p. 7). Décrochée de la sorte de son vertueux horizon géorgique, l'abeille a pu librement dériver jusqu'à ce dont elle fait désormais la suggestion transparente : séduction, pénétration, orgasme — configuration « orientale ». Simple détail, certes ; mais il est justement révélateur qu'il soit à ce point chargé. La mise en question du motif entraîne avec lui un réseau d'implications culturelles si importantes et mémorables (par exemple : l'abeille de la fructification de l'avoir ou de l'envol de l'âme vers

l'être)

que

les

effets

de

la

contrebande

outrepassent

nécessairement l'objet sur lequel elle s'est appuyée. Le biais de l'anecdote nous convie à pressentir, au-delà d'elle-même, que se déroule une opération capitale, dont nous pensons qu'elle fait apparaître l'enjeu véritable du texte dandy : interpeller, dans une ironie légère mais calculée, les emblèmes toujours actifs d'une philosophie multiséculaire de la production du sens, signifier leur congé et disloquer leur pouvoir. Lu dans cette perspective, l'incipit déplacé du texte s'avère avoir déjà tout dit, et nous permet de serrer davantage le problème. Le


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livre a fait d'évidence à dessein le choix de s'ouvrir sur un enfermement. Voici par exemple la description liminaire de l'atelier, enfumé et enténébré, du peintre Hallward : Par instants, des vols d'oiseaux projetaient des ombres fantastiques sur les hauts rideaux de tussor tirés devant la fenêtre aux larges baies, et produisaient momentanément une sorte d'effet japonais (p. 7). Encore une citation, mais d'une absolue rigueur décadente et de quelle importance, puisque c'est la caverne platonicienne qui est ici prise à rebours et de telle manière que ses significations essentielles comparaissent, mais seulement pour être récusées. Aussi prenonsnous dès le départ la mesure de l'offense philosophique dans laquelle nous sommes emportés. Enumérons dans toutes les directions les incidences produites. L'ombre est substituée au soleil, les images à la réalité, l'étoilement des effets à l'unité des causes, la fugacité des traces à la stabilité de l'idéal, les fantômes des surfaces à la polarisation de la profondeur. En d'autres termes : le dandy se dérobe scandaleusement à la manière d'assomption vers la nature propre des choses que lui propose l'ordinaire du mythe. Il fait plutôt le choix de réactiver la fascination des figures aliénées, de s'absorber indéfiniment dans la fuite d'impressions inessentielles. Voleteurs, passagers, nocturnes, les signes en détachement du nonêtre imposent leur négativité puissante. Aucune procédure ne saurait

les

rabattre

vers

une

production

ou

une

positivité

quelconques. Interceptant toute volonté de sens et toute tentation de l'essence, ils introduisent de force le sujet à un changement de catégorie : des règlements de la capitalisation à la différence de la jouissance.


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Pour parler plus juste, telle est du moins la perspective dans laquelle le texte dandy s'engage. Car il est impensable que la lutte ainsi ouverte avec la robustesse, idéaliste ou spiritualiste, de quelques représentations dominantes puisse entièrement se lire en progressions de plus en plus extensives. L'œuvre d'O. Wilde est au contraire importante parce qu'elle nous propose l'inextricable alternance de reculées et d'avancées. Nous voudrions justement nous appliquer à rendre plus lisible ce travail de l'idéologie. *** Tactiquement, c'est sur la question du statut réservé aux signes que s'attaque la dislocation du platonisme. Une discussion significative de Dorian Gray peut servir de premier repérage : Votre cynisme n'est qu'une pose./ — Le naturel aussi est une pose, et la pose la plus agaçante de toutes, s'exclama en riant Lord Henry (p. 11). Si nous déplions les termes des deux positions confrontées pour saisir de quel point de vue chacune parle, nous pouvons traduire : du côté du monde, l'idée dominante concernant les signes est qu'il en existe un bon usage, celui qui sait conserver sans façon ni question leur adhésion à l'essence des choses. Partant tout usage qui ne sauvegarde pas le caractère naturel des signes est une affectation qu'il faut condamner, ou plutôt qui est nécessairement condamnée puisqu'elle est sans portée, masque qui ne tromperait au fond personne d'une authenticité indescriptible, indépassable. A quoi le dandy rétorque que tout est toujours au contraire affaire de


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code. Si déguisé soit-il, le code est fondamentalement lié à tout usage des signes. L'ordre en place ne fait que dissimuler l'acte d'arbitraire qui fonde ses dispositions de signes, comme celles des autres. Et c'est par cette dissimulation qu'il les fait passer pour naturelles et se donne pouvoir de disqualifier ce qui fait écart par rapport à elles. De ce double jeu de l'adversaire, le dandy tire quant à lui son droit à surenchérir dans tous les codes possibles, à multiplier les provocations excessives (ce qui s'appelle cynisme), à afficher son propre arbitraire de manière à contraindre autrui, c'està-dire la prétendue conformité du naturel bourgeois, à avouer le sien. Puisque l'on nous impose un seul usage des signes, qui est par surcroît l'usage d'un seul signe (ainsi de l'uniformité du «costume du XIX e siècle [...] odieux, trop sombre, trop attristant », p. 41), multiplions les maquillages, c'est-à-dire les fautes (puisque le péché est « la seule note de couleur vive qui subsiste dans la vie moderne », p. 41). La pose dandy bariole avec clairvoyance toutes compétences et propriétés, n'ignorant pas dans ses singularités entreprendre le procès de la fiction, ou de la vulgate, philosophique de l'unité. Trois instances cruciales nous permettent, avant d'aller plus loin, d'entrer dans le travail d'une telle dénaturation : successivement, le réel, le sujet, le langage. * ** Soit le décorum dandy, dont il est clair qu'on ne peut l'analyser qu'en rapport avec ce qu'il contrecarre, avec le maniement bourgeois des objets. Dans cet usage, totalisant et simplifiant, chaque pièce de l'environnement est disposée d'abord pour être par elle-même une image lisible de la possession, au titre d'un


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investissement, et ensuite au nom d'une manifestation, pour instaurer, alignée avec les autres marques de l'avoir, un espace réglé et homogène, capable de faire valoir l'être du sujet possesseur. Signes de la propriété, donc, et réciproquement aussi propriété des signes. Les objets dans la disposition bourgeoise sont fixés dans une fonctionnalité inaltérable, un emploi spécifique, dans cette convenance fondée en nature dont l'encadreur, par exemple, fait l'éloge : Je viens justement, monsieur, de mettre la main sur un cadre de toute beauté [...]. Du Florence ancien. Ça sort de Fonthill, je crois. Conviendrait admirablement pour un sujet religieux, monsieur Gray (p. 153). Si une satisfaction candide est trouvée dans l'unité académique, c'est parce qu'en arrière-fond se corrobore du même coup un essentialisme

commun

objet,

signe,

nature

se

lient

et

s'échangent les uns aux autres. Par rapport à ces organisations froides et unitaires du bourgeois, ce serait une erreur de croire que le décor dandy vise à substituer un antimonde organisé autour de modèles

différents.

Si

son

projet

peut

bien

être

qualifié

d'antimonde, c'est sous l'expresse condition d'entendre par là une entreprise qui interdirait à un monde quel qu'il soit de se faire. Par exemple,

en

allant

chercher

ses

références

vers

diverses

«périphéries» (ainsi le gothique, par anachronisme, ou le japonisme, par souci d'exotique), le dandy ne veut pas simplement changer de centre — autrement dit, troquer, contre les catégories devenues débiles sur lesquelles l'alentour bourgeois trouve à se développer,


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des pôles plus solides pour une meilleure totalité. Il cherche à empêcher les centres actuellement en vigueur, démunis par ces écarts,

de

fonctionner

dans

toute

leur

puissance,

tout

en

empêchant par ailleurs, et c'est là l'important, une homogénéisation quelconque de s'instaurer à nouveau dans l'espace. Le pluriel esthétique du dandy n'a pas pour objet de s'effectuer, de s'immobiliser dans la constitution d'un monde que des marques absolument spécifiques opposeraient à l'univers en place — puisque ce serait reproduire, en ceci semblable au précédent, un ordre du propre. Mais il est question, et il faut veiller ici à chaque mot, en un travail désordonnant et, comme il est compréhensible, interminable, de destituer toute stabilité, de différer toute identité possible des marques. La collection est sans doute la meilleure des stratégies de l'indisposition mises en course par le dandy. Objets affolés par le dérèglement

des

hiérarchies,

l'on

identifie

la

valeur

à

l'inévaluable, l'importance au futile, ce qu'il faut avoir à ce qu'on ne peut posséder, ce qui serait l’être même à ce en quoi se dérobe toute essence. Objets trouvés, c'est-à-dire dégagés de leur faire, et indécemment dégustés hors fonction par le caprice. Objets accolés les uns aux autres dans une multiplication hétéroclite que hante l'horreur esthétique d'une hétérotopie, dans un espace où la continuité n'est pas seulement abolie, mais où ce qui ne saurait se tolérer

ensemble

figure

ensemble.

Objets

ajoutés

pour

une

accumulation non cumulative, qui n'assure pas d'une totalité achevée, close et rentable, mais qui produit du déficit et ouvre sa tangence irrémissible à une impensable totalité-fantôme. Il faudrait citer ici tout le chapitre XI de Dorian Gray, où le dandy glisse d'objet en objet et dérape de collection en collection, sans trouver


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nulle part à s'immobiliser en une telle dérive, et où se dissipe admirablement toute fondation naturelle du monde. Il n'y a plus de réel, mais au contraire plus rien que du décor — et, faut-il compléter, interposé non pas en sorte qu'il ferait épaisseur, mais en tant qu'il s'évanouit en surface de fuite. Il n'y a plus possession de signes propres : seulement une consommation dévorante de figures, n'intervenant elles-mêmes que sous procédure de défiguration. Tapisseries, robes, broderies, draperies : matériaux de et pour 1'evanescence, « air tissé », « eau courante» (p. 175), dans la fugacité desquels s'emporte un imaginaire de la marque illisible, vaine, inconcevable enfin. Ce bouleversement de l'usage des signes du « réel » en vient à mettre en cause, avec notre maîtrise de l'objet, la loi de nos désirs. Si l'on doit passer de la volonté de système à la systématique de la variation, comme le dandy en fait l'invitation (« Jamais

il

ne

commit

l'erreur

d'arrêter

son

développement

intellectuel par l'acceptation formelle d'un système [...], de prendre pour une maison où abriter sa vie une auberge tout au plus suffisante pour y passer [...] quelques heures d'une nuit oubliée des étoiles », p. 168), c'est parce que c'en est fini de croire que l'on puisse jamais tenir la plénitude du désiré ou que la saisie puisse s'achever quelque part en une prise satisfaisante. Notre loi est celle de la répétition, comme l'indique l'expérience amoureuse ; L'amour vit de répétition [...]. Chacun de nous, dans son existence, a tout au plus une grande aventure, et le secret de la vie est de reproduire cette aventure le plus souvent possible (p. 246).


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Mais ce qui se réitère indéfiniment, encore faut-il préciser que ce n'est pas même, comme on serait tenté de le croire, un moment idéal et rêvé où le sujet aurait pu, une fois pour toutes, toucher l'objet désirable et la formule de ses plaisirs : c'est le premier effacement, cet inaccomplissement dans lequel s'est constituée toute une histoire individuelle, le leurre de l'origine qui, depuis, soumet les gestes à seulement mesurer des intervalles variables et semblables. Dans son théâtre d'ombres, cette scène légère que ne régit plus l'empire d'une profondeur, la jouissance dandy est flottement bondissant parmi les écarts. Le texte n'en répète pas par hasard la formule insistante, que ce soit à propos de Hallward s'amusant à l'écoute et à la vue d'un parterre hétérogène : Les jeunes gens [...] s'interpellaient d'une extrémité de la salle à l'autre, et partageaient des oranges avec les filles en toilettes criardes assises à leurs côtés. Des femmes riaient [...]. Leurs- voix montaient, odieusement aiguës et discordantes (p. 105). ou qu'il s'agisse de Gray abîmé dans ses concerts intimes de «musique presque sauvage où les rudes intervalles et les criardes dissonances avaient prise sur lui » (p. 169). C'est Lord Henry qui propose en définitive, de cette pratique bouleversée, à la fois l'objet et la théorie par excellence : Prenez une cigarette. La cigarette est le parfait exemple d'un parfait plaisir. C'est une chose exquise et qui nous laisse inassouvis. Que désirer de plus ?... (p. 103-104).


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Suspens du commentaire qui est en effet rigoureux : il n'y a pas de supplément des appétits, c'est-à-dire pas de saisie satisfaisante à envisager. Privée et privant d'être, dans son caractère insuffisant et insaisissable, la cigarette modèle ici un toujours-autre du désir. En d'autres termes, la désappropriation forcenée de la nature des objets ne va pas sans se redoubler en une désappropriation de l'être du sujet. *** Nous avons de cette indisposition nouvelle, qui donne à celle du réel son achèvement décisif, une représentation exceptionnelle, dans le passage du texte où sont évoquées les visites de Dorian Gray à la galerie des portraits de sa famille (p. 180 sq.). Si le personnage va faire le relevé des « traits variés de ces ancêtres dont le sang coulait dans ses veines », s'il amorce cette descente dans le passé, c'est justement en principe pour résoudre la question d'identité qui se pose à lui, pour trouver, au terme de son enquête, une origine explicative qui lèverait toute incertitude. Le trajet des tableaux est lié par le texte à une épreuve de la connaissance de soi, présenté comme une façon de rechercher l'histoire d'un corps impropre : Quelque germe étrange et empoisonné s'était-il transmis d'organisme en organisme pour se glisser enfin dans son propre corps ? Il faudrait que quelque part, mais on ne sait pas où, quelqu'un, mais on ne sait pas qui, ait soufflé, d'une effraction, le Je du héros. D'où cette genèse tentée d'un péché voleur, qui entreprend de


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barrer l'aliénation, qui se donne pour objet d'arrêter les effets d'une dépossession originelle et obscure, afin de permettre l'accès du sujet à l'être. Or, au lieu de se reconstituer au bout du compte, comme on dit, une homogénéité et une transparence à soi, au lieu d'atteindre dans les profondeurs à un centre d'interprétation qui lui permettrait de déployer le cours intégral d'un engendrement, seraitil même négatif, où obtenir une place impeccable, voici que le sujet se perd de vue. Renvoyé de visage en visage dans son longé des murs, il échoue à buter sur un quelconque lieu assignable à son identification. Discourir sur son « être » a perdu toute signification, puisque ce que l'on nommerait ainsi n'est pas autre chose que ces jeux de figures qui ne sauraient jamais en donner une : A l'amant de Jeanne de Naples devait-il quelque héritage de péché et de honte ? Ici, sortant d'une toile pâlie, souriait Lady Elizabeth Devereux [...]. Avait-il en lui-même un peu de son tempérament ? Et le second Lord Beckenham quelles passions lui avait-il léguées ? A côté du sien pendait le portrait de son épouse. De celle-là aussi le sang coulait dans ses veines. Que tout cela semblait donc étrange ! Le corps se trouve certes déterminé — mais en sorte que cela ne fournisse aucune assurance, puisque cette détermination se confond avec l'introuvable accumulation des traces ancestrales. Le glissement de la métaphore du legs est remarquable : dans son usage normal, comme maintien du capital par la circulation entre les générations, le legs marque la continuité et la permanence de la possession, alors qu'ici, comme ramifications à l'aveuglement affolant, il (dis)qualifie la discontinuité d'un même nécessairement


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autre. Tracé, figuré par tant de figures, le sujet n'est pas, comme il va de soi, unitaire — mais il n'est pas même pluriel. A ce point on ne saurait s'étonner du fait que le texte éprouve des difficultés et soit hanté par un recul, par la tentation de trouver refuge dans l'idée d'une multiplication de l'être, ce qui serait encore une manière de sauvegarder son homogénéité et de n'avoir pas à penser son altérité : [Gray] s'étonnait volontiers des vues de certains psychologues, assez naïfs pour concevoir le Moi humain comme un être simple, permanent, de tout repos, d'une seule et même essence. Selon lui, l'homme était un être doué de myriades de vies et de myriades de sensations, une créature complexe et multiforme, portant en elle- même d'étranges héritages de pensée et de passion, infectée jusque dans sa chair des monstrueuses maladies des générations défuntes. Tel ou tel accès de faiblesse du texte, pourtant, comme on le voit sur ce dernier exemple, ne peut pas masquer le saut décisif qui s'est produit vers la conception d'un non-être de l'être. Le revers infligé à la « scène familiale » n'est pas moins strict que le rebours produit naguère dans la scène platonicienne. Ici et là, il s'agit également de congédier les pesants schémas de l'essence. Le texte dandy plie la généalogie à dire l'impossibilité d'une généalogie. Mais il faut ajouter que nul désespoir n'est atteint par-là, et qu'au contraire on accède à la détente d'une liberté légère, débarrassée des contraintes fatidiques de l'origine. « Volontiers » heureuse est la tangence de Dorian Gray aux murs de cette galerie sans fond, où le moi maquillé renouvelle à plaisir, « de place en place » au gré des


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regards qui l'interpellent, sa dislocation. Une telle expérience est de toute évidence cruciale, puisqu'elle emporte avec elle la façon traditionnelle et presque intangible d'imaginer le sujet et son histoire. D'ordinaire, cette représentation pose et pense une virginité initiale, en termes moraux une pureté de l'être précédant l'imposition des désirs. Au demeurant, le texte de Wilde abrite souvent cette interprétation, parlant de Gray, conformément à la convention de la beauté grecque, comme de « ce jeune Adonis qu'on dirait fait d'ivoire et de feuilles de rose » (p. 9) dont la « belle et candide nature » (p. 23) serait corrompue par les tentations méphistophéliques de Lord Henry. Mais ce n'est pas un hasard si les commentaires de ce type sont tous affectés par le récit au personnage du petit bon sens, le peintre Hallward. Un tel discours de l'origine et de la chute n'est inscrit que pour permettre à un discours et à un personnage différents de s'en démarquer, aux énoncés de ce que nous avons appelé le texte dandy de venir faire pièce aux thèses essentialistes. L'idée qu'en réalité la logique de Dorian Gray impose est bien davantage qu'il n'y a dans l'être nul «avant » des marques, mais rien ni jamais que codages déjà actifs. En vertu de quoi Lord Henry touche nécessairement juste quand il évoque le passé dérobé du jeune homme : Vous-même, monsieur Gray, encore tout fleuri des roses vermeilles de la jeunesse et des roses blanches de l'enfance, vous avez senti des ardeurs qui vous ont effrayé ; conçu des pensées qui vous ont glacé d'horreur ; de tels rêves ont hanté vos veilles et vos nuits, que leur seule évocation vous ferait monter le rouge au visage (p. 29).


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L'individu porte encore sur lui les marques communes des descriptions amoureuses (le blanc, le rouge), mais ironiquement ce qui était couleur symbolique de la nature fait maintenant emblème pour son absence. Du même coup, la « séduction » d'un être change de sens : elle ne consiste pas à le tirer d'une unité primordiale et innocente, mais à le rendre aux traces dissimulées et forcément préalables de son désir. C'est aussi pourquoi, selon le dandy, l'influence est la seule modalité qui ne soit pas truquée des rapports interpersonnels. Car, d'une part, elle ne provient pas d'un sujet qu'on ne sait quel hasard aurait exempté de tout emportement de lui-même : le texte prend soin de mentionner, en perspective de notre lecture, l'histoire passée de Lord Henry : Se rappelant comme une lecture lui avait, à seize ans, révélé tout un monde de choses ignorées, il se demandait si Dorian ne tra versait pas, à cette même minute, une épreuve semblable (p. 30). Celui qui influence a déjà passé par l'influence d'un autre, et ne fait alors

que

poursuivre

l'enchaînement

de la

défiguration

sur

quelqu'un d'autre, simple porteur quant à lui de l'imparable certitude de la méconnaissance. D'autre part, il ne faut pas croire que l'influence fasse sortir autrui hors de lui, mais plutôt qu'elle le retourne pour produire en lui son altérité constitutive. L'initiation ne fonde donc pas de pos session, mais en dérobant le propre d'un sujet dérobe en même temps toute propriété que l'on pourrait escompter imposer. Si bien, par exemple, qu'il faut continuer en ligne de fuite, sous peine de les mal entendre, tels propos en forme de doctrine :


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Influencer quelqu'un, c'est lui donner son âme. Quiconque est influencé n'agite plus ses propres pensées, ne brûle plus de ses propres passions. Ses vertus ne lui appartiennent pas vraiment. Ses péchés — s'il existe jamais rien de tel — sont pareillement d'emprunt. Il devient l'écho d'une musique étrangère, il joue le rôle composé pour un autre (p. 27). Oui, mais écho d'écho, et rôle de rôle, puisque l'autre, comme il a été dit, est toujours quant à lui l'emprunt d'un autre. La réversibilité de l'aliénation ne peut conduire qu'à juger dérisoires les images et principes de l'être — fidélité et promesse. A la supplication naïve du peintre, le sourire du dandy répond en arguant de l'inadaptation des lois : N'essayez pas sur lui votre influence. Ne m'enlevez pas la seule personne qui donne à mon art tout ce qu'il a de charme. Ne trompez pas ma confiance ! — Quelles sornettes me contez-vous là ? fit Lord Henry, dans un sourire, (p. 23). Dès lors la mise en scène dont le texte de Wilde entoure l'achèvement du portrait de Dorian Gray (p. 35 sq.) est lisible comme le moment décisif où le vol de la métaphysique de l'essence entre en acte. En effet, l'image sur laquelle le peintre croit possible de s'arrêter — où il entend poser sa signature parce qu'il y aurait fixé définitivement l'état originaire de son modèle et bénéficié pour la beauté de sa propre œuvre de la beauté naturelle de son sujet- , Wilde la fait symptomatiquement coïncider avec l'instant précis où


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Gray est en train d'être accaparé par le discours de Lord Wotton et se trouve déjà dénaturé, inassignable dans la dérive active où il est emporté. Aussi bien tout le monde est-il piégé. Hallward n'a fait que tracer le rapport détraqué que Gray entretient désormais avec lui. Gray cherche-t-il son identité, qu'il ne peut que s'identifier en cette grâce sans identité de l'entre-deux de l'ange et de l'initié. Lord Henry évalue-t-il une idéale ressemblance de la copie au modèle ? Mais de quel modèle ce portrait serait-il tiré et à quoi serait-il ressemblant, puisqu'il peint le transit d'un sujet du même à l'autre? Le portrait est l'index de quelque chose d'inindexable : ce n'est pas la représentation d'un sujet qu'il offre, mais celle de son utopie — en d'autres termes, la figuration symbolique du sujet comme irreprésentable, comme cet ailleurs incessamment différent de, et différé par, les représentations qui en sont tentées. Ce n'est donc pas par pittoresque de beau parleur, mais parce que c'est dans la logique même de l'entreprise dandy, que le texte multiplie les effets de la défaillance de la conscience devant cette pratique démesurée du désir, irréductible aux catégories de l'être : Harry, vous ne devriez pas dire des choses pareilles devant Dorian. — Devant quel Dorian ? Celui qui nous sert présentement le thé ? ou celui du portrait ? ou encore Je resterai avec le vrai Dorian, dit le peintre tristement. — Est-ce bien le vrai Dorian ? s'écria l'original du portrait, s'avançant à son tour (p. 41-42).


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** Le nom propre est devenu impropre : perdue son adéquation spontanée à la personne, il flotte sans pouvoir accrocher aucune référence stricte. C'est le symptôme que la dislocation a porté son travail au cœur du langage. Ce dernier dérèglement est intrinsèque à la pratique dandy, puisque sans lui la déroute visée de la naturalité et de l'essence ne s'effectuerait pas vraiment. C'est pourquoi le parleur, loin d'en souffrir comme d'un accident contraignant, en exploite consciemment les effets. Lord Henry donne un clair exemple d'une telle volonté : Hier, je cueille une orchidée pour ma boutonnière. C'était une vraie merveille, toute semée de taches, émouvante comme les sept péchés capitaux. J'ai l'étourderie de demander le nom à un jardinier. L' « horreur » de la réponse lui fait ajouter cette critique en forme de théorie : C'est la triste vérité. Nous avons perdu la faculté de donner de jolis noms aux choses. Les noms, mais c'est tout [...]. Un homme capable d'appeler une bêche une bêche devrait être condamné à s'en servir. Il n'est bon qu'à cela (p. 243). Parole à l'outrage calculé, on peut en être sûr (et nous reviendrons sur ce point), mais qui apparente bien la relation du dandy au discours à son rapport polémique au réel. De la même façon que le décor vise à rompre avec l'accumulation (d'argent ou de sens) qui se


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réalise d'ordinaire à travers les objets (ceux-ci engendrant un accroissement du capital, mais réitérant aussi les marques d'une reconnaissance sociale), de même il faudrait en finir avec la régulation habituelle des mots. Les signes langagiers s'offrent, à l'instar des signes mobiliers — pleins, directs, de désignation efficace, producteurs de vérité transparente —, à une espèce d'investissement imperturbable. Le dandy souhaite précisément battre en brèche la pratique fiduciaire et la nature opératoire, socialement satisfaisante, du Logos. D'où son mot de désordre, si l'on peut ainsi parler, de « tout rebaptiser » (p. 242), ce qu'il faut entendre comme la volonté de substituer à la production organisée de l'univocité la production désorganisante de l'équivocité. Serait-il envisagé seulement du point de vue du temps que l'on perd à s'y absorber indéfiniment, que le parler mondain apparaîtrait vite comme l'opération par excellence où peut se manifester la dépense excessive, celle dont aucune obtention de gain, même déguisée, ne pallie l'inutilité foncière. (C'est pourquoi aussi, par la même nécessité interne, l'ordre narratif tout à fait classique du récit, avec son pouvoir statutairement producteur, tend à plusieurs reprises — chapitres 3 et 17 notamment — à s'immobiliser dans la scène de conversation, pur théâtre de la parole, nu de toute péripétie.) Le modèle fructueux du dialogue antique, face lumineuse de la grécité, est contrecarré par l'outrance, oblique et obscure, des manieurs de pointe.

Significativement,

le

vieillard

amateur

de

grands

bourgognes, au cours du premier dîner, n'arrive pas à comprendre les intentions du vertige verbal de Lord Henry, dont il subit pourtant volontiers la fascination — et cette méprise n'est là que pour montrer nettement la limite que la conscience de la société en


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place échoue à franchir, dans son appréhension attirée et repoussée du dandy : Le chemin des paradoxes est le chemin du vrai. Pour éprouver la réalité, il faut la voir sur la corde raide. On ne juge bien des vérités que lorsqu'elles se font acrobates (p. 54). L'erreur est ici d'assigner encore comme fin à la pensée paradoxale le test de certitudes améliorées et approfondies, alors qu'il s'agit pour elle de mettre en branle tous les moyens possibles pour tourner les vérités. Le paradoxe est le contrepied de la raison, qui empire l'incompréhensible, abolit les prétentions du discours à la profondeur. Avec sa force de dissémination, pesant jusqu'à l'éclatement sur les idées (« avec vos épigrammes, vous mettez la vie en lambeaux », p. 125), il est la seule parole moderne, si l'on entend par là la seule parole qui puisse par son indépendance traiter d'une histoire mise en pièces, d'un monde communément jugé en débâcle (« Fin de siècle ! — Fin de globe », p. 224). Dissociant les équivalences sentencieux

admises pour

ne

ou

les

rien

réversibilités

établir,

rieur

in

trop fine

commodes, pour

nier

rétroactivement les illusions laissées en chemin, le paradoxe est une machine à désimplication : La valeur d'une idée n'a [...] rien à voir avec la conviction de celui qui l'exprime. Bien mieux : moins le défenseur est sincère et plus l'idée a chance d'être purement intellectuelle, car elle ne reflète en ce cas ni ses intérêts, ni ses désirs, ni ses préjugés (p. 17).


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L'énonciateur n'est plus rien que le libre manipulateur de pièces de jeu, l'expérimentateur des bizarreries lancées par la cambriole du sens. Mais comment oublier que dans les brillants plaisirs du vide s'accomplit l'entreprise philosophique critique, déjà repérée à propos de la représentation du réel et du sujet : la faillite provoquée de la philosophie du Logos ? Ce n'est pas un hasard si l'on trouve en référence à deux des paradoxes de Dorian Gray les figures les plus célèbres de l'herméneutique occidentale : les questions du sphynx et les obscurités du labyrinthe : Définissez notre sexe. — Des sphynges sans secret (p. 248). Qu'êtesvous donc ? — Définir c'est limiter. — Donnez-moi un fil conducteur. — Les fils se brisent. Vous resteriez égarée (p. 245). Bien entendu, on comprend que l'homme s'octroie ici le rôle de maître occupant des profondeurs, qu'il soit celui qui les perce ou celui qui s'y dérobe, Œdipe ou Minotaure. Mais la misogynie ne se renverse-t-elle pas dans une certaine mesure pour contester le pouvoir des hommes patrons du sens et pour ménager la possibilité d'une libération par rapport à l'idéalisme ? Que peut-il advenir d'Œdipe, sinon qu'il devienne profondeur entre guillemets, creuse, soufflée, fausse, dès lors qu'il se confronte seulement à une belle surface ? Peut-être la femme, d'être ainsi réduite à une figure plate, amorce-t-elle en définitive contre son réducteur un changement de loi : l'abandon du signe lourd de mystère et véhicule immaîtrisable du

sens,

la

promotion

de

l'absence

de

secret,

la

fin

de

l'interprétation, le glissement dans la duplication sans cœur de traces vaines. Le dandy d'ailleurs n'est-il pas le premier, complice


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de

sa

partenaire,

à

substituer

aux

fixations

pauvres

des

interrogatoires d'identité, l'érotique des feintes, l'éruption des métaphores, la folie des signalisations ? Jean Delabroy La fin de cet article sera publié dans le prochain numéro de RDBA.

Platon chez les dandies, Sur le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, a originellement été publié dans la revue Littératures, n°25, 1977, pp.42 à 63.


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§ 10 Requiescat, mis en musique par George Butterworth par Tine Englebert

George Sainton Kaye Butterworth, né le 12 juillet 1885 à Londres, mort le 5 août 1916 à Pozières (Somme), est un compositeur de musique anglais connu pour ses arrangements de la poésie de A.E. Housman. Une de ses principales œuvres est The Banks of Green Willow. En plus de ses compositions, il est également connu pour sa contribution à la renaissance de l’intérêt pour la musique et la danse folklorique anglaise au début du XXe siècle. George Butterworth a été victime de la Première Guerre mondiale. Sa mort en action était une perte grave pour la chanson anglaise. Bien qu’il ait détruit beaucoup de ses manuscrits, assez a demeuré pour justifier sa réputation de grand compositeur.


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Le talent musical de George se manifeste à Eton College: sa Barcarole y est jouée par l’orchestre d’Eton en 1903. En 1904, il est à Trinity College, Oxford, où la musique l’occupe de plus en plus, en particulier après sa rencontre avec Cecil Sharp et Ralph Vaughan Williams. Avant de quitter Oxford, il renonce à toute idée de carrière juridique pour se consacrer à la musique. Après ses études, il écrit des critiques musicales pour The Times, enseigne pendant un an à Radley, puis étudie pendant une courte période au Royal College of Music. Butterworth devient par la suite de plus en plus actif dans l’English Folk Dance and Song Society. Son enthousiasme

est

stimulé

par

Vaughan

Williams

dont

il

accompagne souvent sur les voyages dans la campagne anglaise pour rassembler des chansons folkloriques et des danses. http://www.youtube.com/watch?v=tI5qxjWutrs Des images (1912) de quatre pionniers notables dans la chanson et la danse folklorique : Cecil Sharp, George Butterworth, et Maud et Helen Karpeles. La musique (qui a été ajoutée plus tard) est Ribbon Dance (rec. 1933), The Triumph (rec. 1927), The Queen's Jig (rec. 1934), Sellinger's Round (rec. 1938) et Hunt the Squirrel (rec. 1938). La musique n'a aucun rapport avec ce qu'ils sont en train de danser, mais il n'y a aucune trace de la musique utilisée. Butterworth a suggéré l’objet de la London Symphony de Vaughan Williams et a aidé à reconstruire les partitions lorsque l’original a été perdu. Il a également écrit les notes de programme pour la première représentation. En dépit de toute son activité Butterowrth était

souvent

tourmenté

par

un

sentiment

d’inutilité.

Le

déclenchement de la Première Guerre mondiale semblait offrir une


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solution. Bannissant toute pensée musicale, il détruit à ce momentlà les manuscrits qu’il jugeait indigne. Envoyé en France lors de la Bataille de la Somme en Septembre 1915, il se bat dans les tranchées et est abattu le 5 août 1916 par un sniper. Il a été enterré hâtivement par ses hommes sur le côté de la tranchée, mais son corps a été perdu dans les bombardements des deux années suivantes et n’a jamais été retrouvé. Son nom fut gravé sur un des piliers du Mémorial de Thiepval, à quelques pas de Pozières. Avec la mort de Butterworth on a perdu très jeune un excellent compositeur.

La découverte de la musique folklorique anglaise s’est avérée essentielle

au

développement

de

Butterworth

en

tant

que

compositeur. Il a incorporé différents airs folkloriques dans ses œuvres orchestrales Two English Idylls (1911) et The Banks of Green Willow (1912). Aucun compositeur n’a mis avec autant de talent les poèmes de A.E. Housman (1859-1936) en musique (Six songs from a Shropshire Lad (1911) et Bredon Hill and Other Songs (1912)). Ces cycles sont une véritable révélation.


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Butterworth écrivit peu de musique, et détruisit de nombreuses œuvres qu’il n’aimait pas, de peur de ne pouvoir les réviser s’il ne revenait pas de la guerre. Parmi celles qu’il a gardés, on retrouve l’adaption du poème Requiescat d’Oscar Wilde, sous forme d’une chanson pour voix et piano. À part les deux Housman-cycles de mélodies et Love blows as the Wind blows, un cycle de chansons sur des poèmes de W.E. Henley, seulement trois chansons ont survécu au feu : I fear thy kisses (Shelley, 1909), Requiescat (Wilde, 1911) et I will make you brooches (Stevenson, ca. 1909/1910). Les adaptions de Shelley et Wilde

partagent

de

nombreuses

similitudes:

les

sentiments

mélancoliques que les poètes ont mis en minuscules quatrains sont exprimées dans une musique d’une grande finesse. Butterworth a composé Requiescat dans les deux mois suivant la mort de sa propre

mère.

C’est

une

adaption

solide

et

singulièrement

appropriée. Le poème, déjà, est d’une grande justesse, et la mise en musique, très sobre, est une vraie réussite. La composition n’a pas de prétention innovante. L’harmonie comme la mélodie est simple, mais elles sont aisées, elles coulent de source, leur naturel et leur délicatesse témoignent d’un art très maîtrisé. L’adaptation semble simple, mais un bon chanteur pourrait en faire une chose poignante et sensible. Requiescat par Bryan Pinkall, tenor et Natalia Rivera, piano: http://www.youtube.com/watch?v=vVEkJmw7FGk


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Il existe quelques enregistrements contenant une version de cette chanson : Baritone Stephen Varcoe, baryton et Clifford Benson, piano dans “War’s Embers”: Hyperion CDA 6621/2

Roderick Williams, baryton et Iain Burnside, piano dans la série “The English Song Series; volume 20”: Naxos 8.572426


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Mark Stone, baryton et Stephen Barlow, piano dans “The Complete Butterworth Songbook”: Stone Records 5060192780024


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Tine Englebert


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§11. Wilde et Harris : Retour à La Napoule Véronique Wilkin nous a transmis un article de M. SabatierVellerut, découvert dans les archives de La Napoule et qui a aimablement été mis à sa disposition. Nous le reproduisons ici, car il apporte un précieux témoignage sur un épisode assez mal connu de la vie d'Oscar et de son amitié avec Frank Harris.

* Oscar Wilde à la Napoule En cet automne 1898, Oscar Wilde ne parvient pas à se remettre de l’épuisement

nerveux

l’ont

conduit

deux

années

d’emprisonnement dans la geôle de Reading1. Cependant, ses amis ne désespèrent pas de lui. Le plus obstiné dans sa confiance est Frank Harris – un curieux personnage trop oublié aujourd’hui pour que l’on puisse imaginer facilement le rôle fracassant qu’il a joué dans le monde journalistique et littéraire du Londres des années 90. Oscar est encore capable d’écrire un chef-d’œuvre ! affirme-t-il, de sa belle voix roucoulante, il suffit qu’on lui procure un refuge à l’abri des soucis financiers et des humiliations que lui causent les visages qui se ferment, les regards qui se détournent. Ce refuge, moi, je le connais et je le mets à sa disposition !

Wilde écrivait à Harris, le 13 juin 1897 : « You must try to realise what two years’cellular confinement is, and what two years of absolute silence means to a man of my intellectual power… I have now no storage of nervous force. » 1


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C’est ainsi qu’un jour de novembre 1898, Harris propose à Wilde de passer l’hiver avec lui à La Napoule ; à ses frais, bien entendu ! Pourquoi La Napoule ? Il faut savoir qu’à cette époque, Frank Harris qui a très provisoirement renoncé au journalisme, se lance avec la frénésie

qu’il

met

en

toutes

choses

dans

les

entreprises

immobilières. Il a acheté le Palace Hôtel de Monte Carlo, qu’il est en train de rénover somptueusement, et une vaste propriété à Eze, où il a fait construire un luxueux établissement dont il entend faire la Réserve de l’élite internationale. Il a également jeté son dévolu sur La Napoule – qui est encore une très modeste bourgade. Le propriétaire de l’Hôtel des Bains de mer, ébloui par les fulgurantes visions d’avenir que Harris a fait miroiter à ses yeux, l’attend avec une anxieuse impatience. Wilde, sceptique et désabusé, écoute distraitement Frank lui exposer un programme d’activité hivernale, plein à craquer de magnifiques réalisations. Lui, Harris, partagera son temps entre Monte Carlo et Eze où il supervisera les travaux de rénovation et de constuction, et La Napoule où il se ménagera des loisirs pour écrire ce livre sur Shakespeare qu’il porte en lui depuis des années. Pendant ce temps, Wilde produira le chef d’œuvre espéré. Et pourquoi ne trouveraient-ils pas, tous les deux le temps d’écrire une pièce de théâtre en collaboration ? Un beau programme, en effet. Seulement, à la dernière minute, Harris est retenu par ce que j’appelerai dans le langage de l’époque, des complications sentimentales.1 Oscar Wilde arrive à La Napoule vers le milieu de décembre.

Il entretenait deux ménages, l’un en France, l’autre en Angleterre, et ses deux femmes ne lui faisaient pas mener une vie de tout repos. 1


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L’hôtel des Bains de Mer se trouve au-delà du château, sur la route raboteuse de Théoule, comme dit le Guide Joanne du temps. Il est accueillant, confortable, admirablement situé, mais la déception et les récriminations de l’hôtelier agacent Wilde. Il écrit à Harris : « votre venue est anxieusement attendue par le propriétaire et par le digne Ribot1 qui souhaite que vous placiez son fils, un gentil garçon de dix-sept ans, au Palace Hôtel pour y apprendre le métier. Ribot a le projet de placer sur les rochers de porphyre, près de la mer, de petits pavillons aux parois de verre pour la dégustation des huitres. Je lui ai dit que vous ne le lui permettriez pas. » Wilde est conquis par cette symphonie de couleurs et de parfums qu’est l’hiver méditerranéen : bleu saphir de la mer, rouge chaud des porphyres, luminosité du ciel, profusion des fleurs. Mais il s’en dégage une invitation à la paresse plutôt qu’une incitation au travail. Oscar passe son temps en promenades le long des rochers et dans les bois de pins. Il s’ennuie doucement, résigné à l’inaction : « Je

ne

peux

pas

être

toujours

un

génie »,

pense-t-il,

mélancoliquement. Ainsi passe janvier, mais le 2 février, Frank Harris arrive, et aussitôt le ton change. L’hôtel des Bains de Mer prend les allures d’une ruche bruissante. Les journées se passent, pour les deux amis, en longues « séances de travail » qui ne sont peut-être que d’interminables bavardages, coupés de copieuses beuveries. « Frank est épuisant, confie Wilde à un ami, je rentre, le soir, dans ma chambre, trébucant et baigné de sueurs ».

1

Je ne suis pas parvenu à découvrir qui était ce Ribot.


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Heureusement pour lui, l’épreuve sera de courte durée. Harris, coutumier de tels revirements, annonce brusquement son départ le 15 février et charge Wilde d’une mission qu’il est bien incapable de remplir : acheter une villa à Nice ! Il ne reste plus qu’à régler la note, (celle de Wilde, pour huit semaines de séjour, se monte à 35 livres1) et à consoler l’hôtelier, consterné de ce départ précipité, par de mirifiques promesses. Elles ne seront pas tenues : il ne sera plus question de La Napoule dans la vie de Frank Harris.2 Robert Sabatier-Vellerut

(Photo transmise par Marie-Noëlle Zeender, que nous remercions)

Soit 875 francs. Ce n’est pas extravagant, commentait Wilde. Non, sans doute, mais c’est assez cher : à peu près le prix de la pension dans les plus grands hôtels de Nice. 2 Frank Harris finit ses jours à Nice. Une plaque commémorative a été apposée en mai 1875 sur l’immeuble 9, rue de la Buffa, où il mourut, le 26 août 1931. 1


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§12. BIBLIOGRAPHIE Wilde et les Douglas Titre

Auteur

Année

Éditeur

En français Oscar Wilde et moi

Lord Alfred Douglas

Emile Paul frères

Oscar Wilde et Lord Alfred quelques autres Douglas

Oscar Wilde et le Lord clan Douglas Queensberry Et Percy Colson

Librairie Gallimard Traduction, Arnold van Gennep

1950

Arts et Métiers graphiques Paris Traduction de Jules Castier

Couverture


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Bosie and Wilde

Isaure de SaintPierre

2005

Éditions du Rocher

En anglais The Genius of Lord W. Sorley Alfred Douglas: An Brown Appreciation

1913

Oscar Wilde myself

and Lord Alfred Douglas (et T.W.H Crosland)

1914

Duffield and company, New York

The life of Lord Patrick Alfred Douglas Braybrooke

1931

Cecil Palmer

My frienship with Lord Alfred Oscar Wilde Douglas

1932

Coventry House


RUE DES BEAUX ARTS NumĂŠro 47 : Avril/Mai/Juin 2014

Oscar Wilde, a summing up Oscar Wilde and the Black Douglas

Lord Alfred Douglas Marquis de Queensberry et Percy Colson

1940 1947

Gerald Duckworth Hutchinson

The life of Lord Alfred Douglas, Spoiled child of genius

William Freeman

1948

Herbert Joseph

Lord Alfred Douglas, His Poetry and His Personality

Marie Stopes

1949

Oscar Wilde, A summing up

Lord Alfred Douglas

1950

Richard Press Introduction Derek Hudson


RUE DES BEAUX ARTS NumĂŠro 47 : Avril/Mai/Juin 2014

Oscar Wilde, A summing up

Lord Alfred Douglas

1962

Icon London

The Story of lord Alfred Douglas, his friends and enemies

Rupert CroftCooke

1963

London, W.H Allen

Bosie, The definitive biography of Lord Alfred Douglas. One of the most maligned men in history

Rupert CroftCooke

1965

Four square books

The mad bad line : the family of lord Alfred Douglas

Brian Roberts

1981

Hamilton


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Lord Alfred’s Lover (play)

Eric Bentley

1981

Personal Library publishers

Lord Alfred Douglas : A Biography

H. Montgomery 1985 Hyde

New York, Dodd Mead

The Judas Kiss (Play)

David Hare

Grove Press

Bosie, Lord Alfred Douglas

Douglas Murray 2000

1998


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Bosie, A Biography of lord Alfred Douglas

Douglas Murray 2000

Hodder & Stoughton Ltd

Bosie, A Biography of lord Alfred Douglas

Douglas Murray 2000

Miramax Books

Bosie, A Biography of lors Alfred Douglas

Douglas Murray 2001

Sceptre éditions

Bosie, The man, the poet, the lover of Oscar Wilde (Titre anglais)

Douglas Murray 2002

Miramax books


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Bosie, A biography of Lord Alfred Douglas

Douglas Murray 2002

Oscar and Bosie : Trevor Fisher A Fatal Passion

2002

Sutton pub Ltd

My scandalous life (Play)

2004

Gallery Press

2007

Peter Owen

Thomas Kilroy

Alfred Douglas, A Caspar Poet’s life and his Wintermans First Work


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The Judas Kiss (Play)

David Hare

2012

Faber and Faber

The Marquess of Linda Queenberry : Stratmann Wilde’s Nemesis

2013

Yale University Press


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§13. Conférences et colloques

Festival Wilde au Centre Culturel Irlandais **Wilde Days in Paris 2014** 2014 marquera le 160e anniversaire de la naissance d’Oscar Wilde, et nous le célébrerons par toute une série d’évènements qui se dérouleront dans la première quinzaine de juin : exposition, conférences, théâtre et diffusion de films. La plupart de ces évènements se tiendront au Centre Culturel Irlandais, rue des Irlandais,

dans

le

Ve

arrondissement.

Mais

nous

pouvons

également compter sur une participation de l’American Library, pour une conférence, et du Musée des Lettres et des Manuscrits, qui a accepté de consacrer une de ses vitrines à Oscar Wilde. En outre, le 10 juin, en préambule au congrès, Monsieur Dominique Vibrac donnera également une conférence sur “Les amours déchirées d’Oscar Wilde”, dans un lieu qui reste à déterminer. Une matinée à la Sorbonne sera organisée dans l’amphithéâtre Descartes avec la participation de Pascal Aquien, Emily Eells, et plusieurs autres éminents universitaires. Cette matinée, fixée au 11 juin, s’articulera autour du chef-d’oeuvre théâtral de Wilde : The Importance of being Earnest, cette œuvre devant être inscrite pendant les deux prochaines années au programme de l’agrégation d’anglais.


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COSMOPLITAN WILDE: LE PROGRAMME Mercredi 11 juin : Lever de rideau

9H30/12H30 : Séminaire à la Sorbonne 14H/17H : Centre Culturel Irlandais 1. Michel Borel et ses traductions de Wilde en français. 2. Sandra Coffey à propos du Oscar Wilde Festival, Galway. 3. Thibaut d’Anthonay, sur sa pièce autour d’Oscar Wilde and Jean Lorrain Rencontre à Taormine, qui devrait être produite au Théâtre du Lucernaire, à la rentrée 2014. 4. Sean Doran, à propos du Oscar Wilde Festival, Enniskillen. 5. Lou Ferreira, sur ses pieces wildiennes. 6. Catherine Goebel, sur le journal des Etudes Whistlériennes Nocturne, avec un article sur ‘Wilde about Whistler: The Gentle Art of Critical Dialogue’.


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7. Ailbhe Greaney sur les idées qui inspirent son diptyque sur Oscar Wilde en relation avec les théories wildiennes sur The House Beautiful et The Decoration of Houses. 8. Danielle Guérin-Rose, sur son nouveau livre Oscar Wilde (Editions Pardès). 9. Andrew Lear, sur sa compagnie de voyages Oscar Wilde Tours. 10. Lise London, sur la creation de ses parfums, inspirés par Oscar Wilde. 11. David Rose, sur le lancement de sa base de données consacrée à Oscar Wilde. 12. Florina Tufescu, à propos du Projet WILLOW (WILde en ligne sur le Web). 13. William Wolkowski et son nouveau livre Oscar Wilde The Spirit and the Letter: A chirographic and semiotic study. 17H00 Discours d’ouverture par Declan Kiberd “La mondialisation d’Oscar Wilde” Suivi d’une réception.

Jeudi 12 Juin : Bienvenue. Scène I – Wilde at work 9H30/9H50

Niko Andres

9H50/10H10

Michael Patrick Gillespie Marylu Hill

10H10/10H30

10H30/10H50 Kristen Kesonen

Wilde gone Wild : the Pornographic Pictures of Dorian Gray The Post-modern Dorian Gray Wilde’s New Republic : Platonic questions in Dorian Gray Wilde and the City : Investigating Dorian Gray’s transition from the Dandy to the Flâneur in The Picture Of Dorian Gray


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10H50/11H15 Discussion et pause

SESSION A Scène II – Irish Wilde 11H15/11H35

Sos Eltis

11H35/11H55

Mathew Skwiat

11H55/12H15

Thomas Wright et Paul Kinsella

Nationalism, individualism and The Cosmopolitan The Irish influence of Charles Stuart Parnell and Michael Davitt on the life and works of Oscar Wilde Not mentionned in Despatches : Some new evidence on Oscar Wilde’s participation in Politics

SESSION B Scène III – Wilde and Others /Wilde as other 11H15/11H35

Ellen Crowell

11H35/11H55

G.R Taneja

11H55/12H15

Peter Bailey

Silence, Wilde and the Æsthetics of Queer futurity “One Scarlett Pattern” : Wilde on Friendship. A perfectly silly enthusiasm : Oscar Wilde’s critique of Queer Affective evidence

12H15/13H45 Discussion et Déjeuner SESSION C Scène IV – Musical Wilde 13H45/14H05

Tine Englebert

Mad, Scarlett Music : How “Music and Oscar Wilde evolves to “Music for Oscar Wilde”


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14H05/14H25

Samantha Ba al

14H25/14H45

Eoin Devereux Aileen Dillane et Martin Power Mark Fitzgerald

14H45/15H05

Lady Gaga’s ARTPOP : a Recovery Of Wildean Æsthetics in Millenial Pop Music Going Wilde at the Speedway : Morrissey, Martyrdom and Oscar Wilde Cutting through the conventions : Gerald Barry’s The Importance of Beinf Earnest

SESSION D Scène V – Cosmopolitan Wilde 13H45/14H05

James Eli Adams

14H05/14H25

Julia Brown

14H25/14H45

Anca Munteanu

14H45/15H05

Sean O’Toole

History and seduction : Wilde and the fascination of Heredity Hospitality divorced from the Home: The cosmopolitan Idea(l) from Oscar Wilde to Satyajit Ray. The foundations of Wilde’s Cosmopolitanism. Wilde’s Americans

15H05/15H15 Discussion SESSION E

Scène VI - Wilde in his time

15H15/15H35 Kostas Boyiopoulos Eros/Threnos : Mournful, Necrophilia in Wilde, Bion and Pessoa. 15H35/15H55 Noreen Doody Wilde, Yeats and the idea Incarnate 15H55/16H15 Abigail Joseph “Finely-carved Boys” : the Consolation of Transcience in Wilde’s late Letters. SESSION F

Scène VII – Irish Wilde (II)


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15H15/15H35 Laura Chilcoat

15H35/15H55

Sandra Coffey

15H55/16H15

Sarah Horgan

English Sonnets and Irish Identities : Wilde and Shaw’s Fictional Explanation of Shakespearian Figures. Oscar Wilde – The West of Ireland storyteller. “Phrasing about Beauty While a Hideous Tyranny Overshadows His Native Land” : Oscar Wilde, (Anglo-) Irishness and Irish America.

16H15/16H30 Pause

Scène VIII – Wilde on stage & Wilde at work SESSION G 16H30/16H50 16H50/17H10

Emily Hershman Elisa Bizotto

17H10/17H30

Nigel Ward

Dressing up Lady Windermere Salome and Saint Sebastian : Decadent Myths in Wilde and D’Annunzio. Nothing to declare : Wilde and border crossing.

SESSION H 16H30/16H50 Nicholas Arnold 16H50/17H10 Nazia Parveen

17H10/17H30 Heidi M. Silcox

Where and What is the Wit ? Close reading and Context in A Woman of no importance. Blue China, Peacock’s feathers, Sun flowers ans Lilies : Oscar Wilde’s Practical Application of Victorian Psychology. A World made by the Singer for the Dreamer : Oscar Wilde’s critical Legacy.


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Dîner au Bouillon Racine Vendredi, 13 juin – Acte II SESSION I Scène I – Cosmopolitan Wilde 9H30/9H50 9H50/1OH10 10H10/10H30 10H30/10H50

Leanne Grech Pietra DierkesThrun Ilze Ka ne John-Paul Riquelme

Æstheticism across the Atlantic : The Importance of Being from Oxford Wilde and Rachilde Latvian Oscariana as a cultural phenomenon Modernist Masking : Yeats and the Mask after Wilde

SESSION J Scène II – Godly Wilde 9H30/9H50 9H50/10H10

Molly Robinson Kelly Sushma Malik

10H10/10H30 Claire MasurelMurray 10H30/10H50 Marija Reiff

The spiritual center of Oscar Wilde’s De Profundis All Roads lead to Rome ? : Decadence, Paganism, Christianity and Rome in the Post-Prison letters of Oscar Wilde. “I am not a catholic : I am simply a violent papist”. Wilde’s protestant “Romishness” “Repentance is quite out of date”: Lady Windermere’s Fan, Antinomianism and fin de siècle Catholicism.

10H50/11H15 Discussion et pause


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Scène III – Wilde at work (2) 11H15/11H35 Leire BarreraMedrano 11H35/11H55 Michael Davis 11H55/12H15 Katherine 0’Keefe

“For the future, let those who come to play with me have no hearts”: Black Spain in Oscar Wilde’s The Birthday of the Infanta. A Portrait of the Artist as a young Girl : Oscar Wilde’s The Birthday Of the Infanta. The Innocent and grotesque subject : “The Birthday of the Infanta”.

12H15/13H45 Discussion et déjeuner SESSION K Scène IV – Intellectual Wilde 13H45/14H05 Deborah Logan 14H05/14H25 Nicoletta Pirredu 14H25/14H45 Andrea Selleri 14H45/15H05 Philip E. Smith II

Then and now, a legacy of Wildean Æsthetics The Wild(e) side of Oscar’s Æstheticism Wilde Æsthetics, then and now. Unpacking Wilde’s Historical Criticism’ Notebook.

SESSION L Scène V – Wilde on stage (I) 13H45/14H05 Anastasia Klimchyskaya 14H05/14H25 Christopher Nasaar 14H25/14H45 Kerry Powell 14H45/15H05 Dariusz Pestka

Wilde’s An Ideal Husband and Feydeau’s Le Dindon : a Comparison Hidden Meaning and the Failure of Art : Wilde’s A Woman of no Importance The Importance of being Earnest : Victorian or postmodern ? Oscar Wilde : in the Wake of the


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Romantic Heritage; Anticipating Modernism and Postmodermism 15H05/15H25 Discussion et pause

SESSION M Scène VI – Wilde on screen and stage (II) 15H25/15H45 Constantina Georgiadis Oscar Wilde’s social comedies in modern Greek Theatre (1908 – 1945) 15H45/16H05 Margaret Stetz The other Love That Dare not Speak its name : Wilde’s Jewish “Fans” in WWII-Era Cinema. 16H05/16H25 Heather Marcovitch Oscar Wilde Dramatized; or When Judas writes the Biography. 16H25/16H45 Elodie Degroisse From Salome veil to Lucky’s Net : tracing Wilde presence in Beckett’s works. SESSION N Scène VII – Miscellanæous Wilde 15H24/15H45 Christine et Siobh n Kinealy 15H45/16H05 Louise Mabille 16H05/16H25 Tracy Collins 16H25/16H45 Jamil Mustafa

“A Portrait of the Artist as young man”. Oscar Wilde and the Supreme Cour. Wilde, Nietzsche and “The Death of God”. Re-Writing Oscar Wilde as a Father. Haunting “The Harlot’s House”.

16H45/17H45 Discussion – Récapitulation des deux journées de Conférences – Le temps est-il venu de créer une Société Oscar Wilde internationale ?


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SAMEDI 14 JUIN – Acte III Scène I 9H30

Visite au Musée Gustave Moreau Scène II – Conférences en français

11H30/12H30

Pascal Aquien

12H15/12H35

Frank Pierobon

12H35/13H00

Molly Robinson Kelly

“Words! Mere Words ! Poetics of The Picture of Dorian Gray Le tragique de l’humour chez Oscar Wilde Wilde et Montaigne en face à face : une réflexion comparative

13H00/14H00 Déjeuner 14H00/14H20 Alexandre Burin

14H20/14H40 Claire Bitoun

“J’avais déjà vu cela quelque part” : Survivance de Dorian et de Wilde dans Monsieur de Phocas, ou la littérature de succession en quête de montages La présence fantastique de l’oeuvre d’art dans les œuvres d’Oscar Wilde et Théophile Gautier.

14H40/15H00 Discussion 15H20/15H40 Nicolas Estournel 15H40/16H00 Edita Kociubi ska 16H00/16H20 Lou Ferreira

Le dandysme chez Oscar Wilde et Jules Barbey d’Aurevilly, l’homme exceptionnel face à la Société. Le doux poison d’À Rebours : Hommage wildien à Joris-Karl Huysmans. Oscar Wilde, un individualiste anarchiste ?

16H20/16H30 Pause


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16H30/16H50 16H50/17H10 17H10/18H00

Xavier Giudicelli

Cosmopolitisme post-wildien : Ronald Firbank et Alastair Emmanuel Reprises, Récupérations et Vernadakis Recherche de sens dans Salomé d’Oscar Wilde. Noëlle Benhamou Déjouer le regard de Méduse : Avec Jerémie Le Salomé, variation polyphonique Louët de Jérémie Le Louët, entre tradition et modernité. Fin

Dans le cadre du Festival, seront également organisés : • Des représentations théâtrales (se reporter à la rubrique “Théâtre”. • Des projections de films au cinéma La Clef. Programme à préciser. • Un hommage au Père Lachaise le dimanche 15 Juin à 11H30 • Un rendez-vous littéraire consacré à Oscar Wilde le mardi 17 juin à 19H15, à L’Entrepôt. Pour toute modification ou ajout au programme, merci de vous reporter au site : http://oscholars-oscholars.com/wilde-inparis-2014/


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§14. Handbag

L’Adieu à Reading La prison de Reading, où Oscar Wilde passa la majeure partie de son temps d’incarcération a été fermée à la fin de l’an passé. Rien n’a encore été décidé pour son avenir. Espérons qu’elle ne va pas purement et simplement dispararaître. Des prisonniers y ont leur sépulture, et elle est un vivant témoignage d’histoire, les bâtiments carcéraux voisinant avec les ruines de l’Abbaye de Reading. Elle appartient aussi à la légende littéraire puisque c’est là que fut enfermé un des plus illustres auteurs dramatiques anglais pour «outrage aux mœurs », Oscar Wilde.


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C’est dans ces murs que fut exécuté le cavalier de la garde Charles Thomas Wooldridge dont la pendaison inspira à Wilde son magnifique poème, La Ballade de la Geôle de Reading. Wilde était incarcéré au dernier étage, dans l’aile C, cellule 33. Il y demeura de novembre 1895 à mai 1897.

La cellule C.3.3, telle qu’elle était encore récemment


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Jamais, je n’ai vu un homme scruter Avec des yeux aussi pensifs Ce petit pan de tente bleue, là-haut, Que les prisonniers nomment ciel. La Ballade de la Geôle de Reading


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§15. WILDE, PERSONNAGE THEATRAL L’Europe et les Etats Unis s’intéressèrent assez à la vie d’Oscar Wilde pour vouloir la porter à la scène (et plus tard à l’écran) quelques années seulement après sa mort. La première tentative est l’œuvre du néerlandais Adolphe Engers (1910). Il fut suivi en 1924 par Carl Sternheim, Oskar Wilde, Sein Drama, puis en 1928, par l’auteur américain Lester Cohen (New York, Boni and Liveright).

Enfin, en 1934, Flammarion édita la pièce de Maurice Rostand, Le Procès d’Oscar Wilde, qui sera créé en 1935 au Théâtre de l’Œuvre. L’année précédente, Leslie et Stewell Stokes avaient présenté pour la première fois sur une scène britannique leur pièce consacrée à la


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vie de l’écrivain irlandais, Oscar Wilde. Beaucoup d’autres pièces, écrites autour de Wilde, ou inspirées par lui, allaient suivre. Nous essayerons de vous les présenter au cours des divers numéros de Rue des Beaux-Arts. Nous commencerons par la pièce de Leslie et Sewell Stokes, et par celle de Maurice Rostand.

OSCAR WILDE de Leslie et Sewell Stokes 17 personnages Création : 29 septembre 1936 – Gate Theatre Studio – Londres

Distribution : Robert Morley (Oscar Wilde)


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Reginald Beckwith (Frank Harris) Harry Hutchinson (Sir Edward Carson) Andrew Cruikshank (Sir Edward Clarke) John Bryning (Lord Alfred Douglas) John Carol (Charlie Parker) Michael Morice (Allen) ***

Autres représentations 10 octobre 1938 – Fulton Théâtre - New York (257 représentations)

Mise en scène Norman Marshall


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Distribution : Robert Morley (Oscar Wilde) Harold Young (Frank Harris) Mark Dignam (Sir Edward Carson) J.W Austin (Sir Edward Clarke) John Buckmaster (Lord Alfred Douglas) John Carol (Charlie Parker) Arthur Gould Porter (Allen) * 25 Octobre 1938 – Arts Theatre Club - Londres Mise en scène : Ronald Adam

Distribution : Francis L. Sulllivan (Oscar Wilde)


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Peter Osborn (Lord Alfred Douglas) Alan Wheatley (Frank Harris) Bernard Merefield (Sir Edward Clarke) Earle Grey (Sir Edward Carson) Leonard Coppins (Charlie Parker) Julian Somers (Allen) * 1948 – Bolton’s Theatre Club – Londres Mise en scène : Leslie Stokes Distribution : Frank Pettingell (Oscar Wilde) Peter Reynold (Lord Alfred Douglas) Julian Somers (Frank Harris) Thomas Hutchinson (Sir Edward Clarke) John Probert (Sir Edward Carson) Edward Judd (Charlie Parker) Dennis Harkin (Allen) ***

Publication La pièce a été publiée en 1936 chez Random House – New York


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Et rééditée en 1937 chez Secker and Warburg, puis chez Ulan Press en 2012.


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LE PROCÈS D’OSCAR WILDE de Maurice Rostand

Pièce en 3 actes 14 personnages Création : Février 1935 au Théâtre de l’Œuvre à Paris avec Harry Baur (Oscar Wilde) André Fouché (Bosie)


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Autres représentations 13 Janvier 1948 – Comédie des Champs-Elysées

Distribution : Roger Gaillard (Oscar Wilde) Philippe Mareuil (Lord Alfred Douglas) Julien Lacroix (Frank Harris) Pierre Gérald

Décor du premier acte (salon du Savoy) – Lucien Aguettand


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Publication Flammarion, 1934

Le texte est également paru dans « Les Œuvres libres » (1935)


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§16. Poèmes The Real Death of Oscar Wilde de Gabriel Rosenstock The carnation withers, And the prison bars of life dissolve, The soft countenance of an Angel… Citizens of Paris pass Like figures in a painting. In Reading Gaol another number is given out. Mighty the figures created by man More plentiful than all the tears of the River Seine. Traduit du Gaëlique par Noel Griffin

Bás Mar a Tharla

Né en 1949, Gabriel Rosenstock est un écrivain qui travaille essentiellement en langue irlandaise. Poète et traducteur, il réside à Dublin


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§17. CINÉMA, CD, DVD

Sortie à la vente du DVD : L’éventail de Lady Windermere

Un film d’Otto Preminger Avec : Jeanne Crain, Madeleine Carroll, George Sanders, Richard Green.


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Titre original : THE FAN (Etats-Unis) Genre : Drame - Duree : 1H19 mn Editeur DVD : ESC Conseils Sortie à la Vente en DVD le 17 Mars 2014 Année de production : 1949 Le scénario est signé Dorothy Parker.


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§18. WWW.OSCHOLARS.COM www.oscholars.com abrite un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle. Le rédacteur en chef en est David Charles Rose (Université d’Oxford). THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose et son équipe de rédacteurs, consacré à Wilde et à ses cercles, il compte plusieurs mille lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre

2006

à

décembre

www.irishdiaspora.net.

2007

sont

abrités

par

le

site

Vous y découvrirez une variété d’articles,

de nouvelles et de critiques : bibliographies, chronologies, liens etc. L’appendice ‘LIBRARY’ contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Le numéro 51 : Mars 2010 est en ligne ; mais on peut trouver sur le site plusieurs feuilletons mensuels. Depuis automne 2012, THE OSCHOLARS apparaît chez http://oscholars-oscholars.com/ THE

EIGHTH

LAMP :

Ruskin

studies

to-day

rédactrices

Anuradha Chatterjee (Xi’an Jiaotong University, China) et Laurence Roussillon-Constanty (University of Toulouse). Désormais (janvier 2012), THE EIGHTH LAMP apparaît chez http://issuu.com/theeighthlamp/docs/l87.


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THE LATCHKEY est consacré à ‘The New Woman’. Les rédactrices sont Petra Dierkes-Thrun (Stanford University), Sharon Bickle (University of Queensland) et Joellen Masters (Boston University). Le numéro le plus récent en ligne est daté de Summer 2013. MELMOTH était un bulletin consacré à la littérature victorienne gothique, décadente et sensationnelle. La rédactrice était Sondeep Kandola, Université de Liverpool John Moores. Le numéro 3 est en ligne, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. MOORINGS est consacré au monde de George Moore, écrivain irlandais, bien lié avec beaucoup de gens du fin de siècle, soit à Londres, soit à Paris.

Le numéro 3, été 2008, est en ligne.

Actuellement, on trouvera sa nouvelle version ici. RAVENNA effectue une exploration des liens anglo-italiens à la fin de siècle. Les rédacteurs sont Elisa Bizzotto (Université de Venise) et Luca Caddia (University of Rome ‘La Sapienza’). Le numéro 3 en ligne est celui de fin mai 2010, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues.

Shavings est un bulletin consacré à George Bernard Shaw. Le numéro 28 (juin 2008) est en ligne ; désormais on le trouvera dans les pages de UpSTAGE.


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The Sibyl

(commencé au printemps 2007) explore le monde de

Vernon Lee, écrivaine anglaise, née le 14 octobre 1856 au Château St Léonard, à Boulogne sur Mer; décédée à Florence, le 13 février 1935. La rédactrice est Sophie Geoffroy (Université de La Réunion). Le

numéro

4

(hiver

2008/printemps

2009)

est

en

ligne.

Actuellement, on le reprend ici. UpSTAGE est consacré au théâtre du fin de siècle, rédactrice Michelle Paull (St Mary’s University College, Twickenham).

Le

numéro 5 est en ligne. VISIONS (deux ou trois fois par an) est consacré aux arts visuels de la fin de siècle. Les rédactrices associées sont Anne Anderson (University of Exeter), Isa Bickmann, Tricia Cusack (University of Birmingham), Síghle Bhreathnach-Lynch (anciennement National Gallery

of

Ireland),

Charlotte

Ribeyrol

(Université

de

Paris–

Sorbonne) et Sarah Turner (University of York). Le numéro 8 est en ligne, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. www.oscholars.com

est/était

édité

par

Steven

Rivendale Press, spécialiste de la fin-de-siècle.

Halliwell,

The


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§19. Signé Oscar Wilde Je reconnais que c’est une lettre sévère. Je ne t’ai pas épargné. Peut-être même diras-tu qu’après avoir reconnu que ce serait commettre à ton égard une réelle injustice que de t’évaluer par rapport à la plus légère de mes peines, à la plus négligeable de mes pertes, c’est pourtant ce que j’ai fait, pesant ta nature au trébuchet, gramme par gramme, le plus minutieusement possible. C’est vrai. Mais il faut que tu te rappelles que c’est toi-même qui t’es placé sur les plateaux de la balance. Des Profundis

Il will admit that it is a severe letter. I have not spared you. Indeed, you may say that, after admitting that to weigh you against the smallest of my sorrows, the meanest of my losses, will be really unfair to you, I have actually done so, and made scruple by scruple the most careful assay of your nature. That is true. But you must remember that you put yourself into the scales.


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