Rue des beaux arts 48

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RUE DES BEAUX ARTS Num茅ro 48 : Juillet/Ao没t/Septembre 2014

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RUE DES BEAUX ARTS Numéro 48 : Juillet/Août/Septembre 2014

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 48 ici.


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1. Editorial Oscar Wilde, star du glam rock

En 1997, sort « Velvet Goldmine », un film réalisé par le britannique Todd Haynes, dont le héros est une star bisexuelle du glam rock, inspiré de David Bowie et de ses relations avec Lou Reed et Iggy Pop. Mais il y a un second héros, plus subtil, dont la présence en filigrane n’en est pas moins essentielle : c’est Oscar Wilde. Le film commence avec son arrivée terrestre, quand un vaisseau spatial traverse la nuit et dépose un enfant-étoile sur le seuil d’une maison de Dublin. Sur ses langes, est épinglée une broche à pierre verte, broche d’émeraude qui va se transmettre de génération en génération, jusqu’à nos stars du rock. Wilde vient d’ailleurs. C’est un alien, un être différent, dont l’apparition est surprenante et magique. Son héritage va poser les fondements de la sulfureuse révolution glam rock. C’est sa philosophie qui ponctue le film et marque d’un fil rouge un grand nombre de scènes. Symbole de l’insoumission à l’ordre établi, Wilde y est considéré comme un inspirateur, le grand ancêtre, le précurseur du mouvement musical de ces sixties iconoclastes. Liberté d’esprit et de mœurs, brouillage


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des genres, goût de la provocation, de l’excès, esthétisme décadent, rejet de la notion oppressive de normalité, brillance et dandysme.

Cette filiation spirituelle se perpétue à travers d’autres stars de la musique

anglaise,

comme

les

Stones,

Morrissey,

Marianne

Faithfull, Jim Morrison etc... En 1967, les Stones sont les vedettes d’un film promotionnel de Peter Whitehead intitulé « I Love you ». Une des scènes montre Keith Richards en perruque de juge siégeant dans une cour victorienne. Il y a des œillets verts dans le box des accusés où trône Mick Jagger qui s’est attribué le rôle d’Oscar Wilde. Cheveux courts et blonds, Marianne Faithfull assure celui de Bosie Douglas, le jeune lord aimé. C’est à une reconstitution fantaisiste du procès de Wilde que se livrent les Stones, eux-mêmes sous le coup de la loi, et qui ont été arrêtés pour consommation de drogue. Wilde est leur frère en transgression.


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Quand un magazine demande à Marianne Faithfull qui était son modèle pendant son adolescence à Reading, elle répond sans hésiter « Oscar Wilde ». Cette admiration est largement partagée dans les milieux rock et pop britanniques. On sait la fascination de Morrissey, l’ex chanteur des Smiths, qui associe Wilde à la plupart de ses concerts et inscrit ses œuvres en bonne place dans la liste des

influences majeures qui ont porté sa vie. « Oscar Wilde et

James Dean ont été mes deux seuls compagnons pendant mon adolescence perturbée », confie-t-il, « chaque ligne écrite par Wilde me touchait énormément.» Il va jusqu’à donner à sa passion wildienne une connotation presque religieuse quand il avoue que la présence tutélaire ne le quitte jamais, que c’est à ses yeux comme porter avec lui son rosaire.

La sacralisation est sans doute moins forte chez d’autres, comme Jim Morrison, par exemple. Cependant, sans être un gourou, Oscar Wilde appartenait également au Panthéon du leader des Doors, juste après Rimbaud. Quand il quitte Los Angeles pour Paris, Morrison fuit une accusation d’outrages aux mœurs, comme Wilde


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avant lui. Avec sa compagne Pamela Courson, ils logent un temps à L’Hôtel où Jim a spécialement demandé la chambre du plus célèbre pensionnaire de l’ancien hôtel d’Alsace. Quelques temps avant sa mort, Jim s’est promené au Père Lachaise où il a visité les tombes de Gertrude Stein et d’Isadora Duncan et surtout celle d’Oscar Wilde. Peut-être est-ce là qu’il a décidé de se faire inhumer à Paris, lui qui, jusqu’alors, voulait que ses cendres soient dispersées sur une plage de Los Angeles. Il déclara en tout cas à un de ses amis qu’il souhaitait désormais être enterré au Père Lachaise, près d’Oscar Wilde. Ils ne partagent pas aujourd’hui la même division, mais reposent à quelques allées l’un de l’autre. Une pièce et un court métrage de Iain Weatherby, « Oscar et Jim », les réunissent sur une même affiche. De Bryan Ferry, dandy élégant et subtil, à Elton Jones, qui lui rend hommage dans sa chanson : « Oscar Wilde get out » (Freedom for the scapegoat leaving Reading Gaol/ Rheumy eyes just pierced his heart like crucifixion nails/Shaking fists and razors gleamed, you never stood a chance / When the ink ran red on Fleet Street, you turned your eyes to France), en passant par Pete Doherty et sa « Salome », héroïne de l’album « Grace Land », tous reconnaissent en Wilde l’homme qui s’est délivré des codes au prix de sa liberté et de sa vie. L’attraction qu’il a exercée sur deux générations de jeunes gens possédés par une insolente fureur de vivre, de briseurs de tabous qui brûlent leur mal-être dans la drogue, le sexe et la musique, vient peut-être de ce qu’il est cet étranger venu des étoiles, déposé comme un miraculeux cadeau sur le seuil d’une famille Irlandaise, un dissident bousculant la loi commune, un


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rebelle sophistiqué qui, jusque dans le malheur, ne se départit jamais de son élégance. Wilde est un homme qui suit gaiement des chemins périlleux en égrenant les bons mots, et qui défie les conventions avec grâce. Cette jeunesse turbulente des années glam rock, avec son étincelance désespérée et son goût suicidaire de l’autodestruction, a trouvé son bréviaire dans Dorian Gray, et son modèle dans la subversion insouciante d’Oscar Wilde. Avide d’une existence intense et fiévreuse, elle a nourri ses exigences et sa mélancolie sauvage du suc euphorisant des œuvres wildiennes, elle s’est reconnue dans le miroir de ce personnage hors-normes qui lui a enseigné le goût de la jouissance et la tentation vertigineuse de la chute. Avec ce dandy magnifique et vaincu, elle a appris l’extravagance, et l’art de se travestir en portant des masques pour aller, enfin, à la recherche de sa vérité. Parce que vivre est la chose la plus rare au monde. La plupart des gens se contentent d’exister. Danielle Guérin-Rose


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2. PUBLICATIONS Oscar Wilde – Le Fantôme de Canterville Marmaille Cie – septembre 2014 ISBN 978-2367730349 Lou Ferreira – Pour l’éternité L’Harmattan, avril 2014 Théâtre des 5 continents ISBN 978-2-343-03086-9 Oscar Wilde et Nietzsche, morts tous deux en 1900, vont se rencontrer dans l’au-delà. Nietzsche ne se remet pas

d’avoir

Andréas

été

Salomé,

séparé et

Oscar

soupire après Lord Alfred… Claude Beausoleil – Mystère Wilde Écrits des Forges, Montréal ISBN 978-2896452613 Mystère

Wilde

perspective

s’inscrit

poétique

dans explorant

une le

biographique et le fictif. Si le recueil est inspiré de la figure du poète irlandais, la réflexion sur l’écriture poétique et ses ramifications dépasse le simple recours aux références entourant la vie et l’œuvre de Wilde.

de

Lou Wilde


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Danielle Guérin-Rose – Oscar Wilde Collection « Qui suis-je ? » Editions Pardès, Grez-sur-Loing, Juin 2014 ISBN 928 2 86714 475 2

Oscar Wilde – The Importance of being Earnest – Marianne Drugeon, Emmanuel Vernadakis Atlante – septembre 2014 Clefs concours – littérature ISBN : 978-2350302775 Jim Yates – Oh ! Père Lachaise Traduction d’Agnès Potier Editions d’Amélie – août 2014

Daniel Salvatore Schiffer –


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Oscar Wilde. Splendeur et misère d’un dandy La Martinière – septembre 2014 ISBN 978-2732464039

Et ailleurs… Antony Edmonds – Oscar Wilde and the Scandalous summer of Earnest Amberley Publishing - Juillet 2014 ISBN 978-1445636184

Eibhear Walshe – The Diary of Mary Travers (roman) Dublin, Somerville Press – juin 2014 ISBN 9780992736422 Dans l’enfance d’Oscar Wilde, Mary Travers a été le personnage central d’un procès controversé qui l’a opposée à Jane Elgee Wilde, la mère d’Oscar. Des années plus tard, Oscar est à son tour devant les juges…


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3. OSCAR WILDE ET LA BANDE DESSINEE OSCAR WILDE : LA RESURRECTION Par Dan Pearce Introduction — Deuxième episode — Troisième épisode — Quatrième épisode — Cinquième épisode — Sixième épisode — Septième épisode — Huitième épisode — Neuvième épisode — Dixième épisode — Onzième épisode — Douzième épisode – Treizième épisode — Quatorzième épisode — Quinzième épisode – Seizième épisode – Dix-septième épisode – Dix-huitième épisode – Dix-neuvième épisode -- Vingtième épisode

— Vingtième et unième épisode – Vingt-deuxième

épisode – Vingt-troisième épisode – Vingt-quatrième épisode – Vingt-cinquième épisode – Vingtsixième épisode - Vingt-septième épisode – Vingt-huitième épisode – Vingt-neuvième épisode – Trentième épisode

Trente-deuxième épisode


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À suivre…


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4. Expositions

Wilde Art Au Centre Culturel Irlandais

Dans le cadre du Festival Wilde Days in Paris de juin 2014, le Centre Culturel Irlandais héberge une exposition réunissant quelques-unes des propositions les plus originales inspirées par les écrits et la vie de l’écrivain irlandais. Vous pourrez y admirer, entre autres, des planches de la BD de Patrick Chambon, parue dans Rue des Beaux-Arts, ainsi que des œuvres de Neil Bartlett, Seamus Harahan, Maggi Hambling, etc… (voir chapitre 14 - Echos du Festival) 16 mai au 26 juin 2014 Centre Culturel Irlandais – 5, rue des Irlandais – 75005 Paris Vernissage 15 mai 2014, 18h30-20h, entrée libre mar-sam : 14h-18h - me : 14h-20h - dim : 12h30-14h30


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fermé le lundi et jours fériés, ainsi que du 21 au 23 mai

Musée des Lettres et des Manuscrits À partir du 3 juin, et pour tout l’été, le musée des Lettres et des Manuscrits (223, bd Saint Germain, Paris) consacre une de ses vitrines à Oscar Wilde. Pour plus de détails, voir : http://oscholars.files.wordpress.com/2014/05/mlm.pdf Et consulter le chapitre « Echos du Festival ».

Paris 1900, La Ville spectacle Au Petit Palais

L’exposition « Paris 1900, La Ville Spectacle » invite le public à revivre les heures fastes de la capitale française au moment où elle accueille l’Exposition Universelle que visita Oscar Wilde pendant l’été 1900.


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Plus de 600 œuvres, peintures, objets d’art, costumes, affiches, photographies, meubles, bijoux, plongeront le visiteur dans le Paris de la belle époque. Le parcours est organisé autour de six pavillons et débute par une section intitulée : « Paris, vitrine du monde ». Le second pavillon est dédié aux œuvres de Mucha, Gallé, Guimard, Majorelle, Lalique, etc… Le troisième est dévolu aux Beaux-Arts, avec des œuvres de Cézanne, Monet, Pissaro, Vuillard, Maillol ou Maurice Denis. Le visiteur découvre ensuite les créations de la mode parisienne, à travers les robes des grands couturiers de l’époque comme Worth ou Paquin, accompagnées de grands portraits mondains ou d’œuvres peignant le monde des midinettes, comme celles de Béraud ou Degas. Les derniers pavillons nous plongent dans le Paris du divertissement, des triomphes de Sarah Bernhardt à ceux d’Yvette Guilbert, de Pelléas et Mélisande de Debussy à l’Aiglon de Rostand, de l’opéra au caféconcert, du cirque à la maison close. On y voit aussi les lieux mythiques de la nuit, comme Le Moulin Rouge ou Le Chat Noir, les grands restaurants fréquentés par les célèbres demi-mondaines comme La Belle Otero et Liane de Pougy. Des films d’époque sont projetés dans les couloirs reliant les divers pavillons.


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2 avril au 17 août 2014 Petit Palais – Paris

Et ailleurs … Ellen Terry : The Painter’s Actress


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Ellen Terry était une amie d’Oscar Wilde et l’une des plus grandes actrices de l’Angleterre victorienne. L’exposition qui lui est consacrée coïncide avec le 150e anniversaire de son mariage avec le peintre George Frederick Watts, dont elle était de 30 ans la cadette. Ils divorcèrent moins d’un an après, Ellen Terry l’ayant quitté pour un autre homme. L’exposition montre l’influence que la jeune femme exerça sur toute une génération d’artistes, à travers des peintures, des sculptures, des photographies et des films. 10 juin au 9 novembre 2014 Watts Gallery, Down Lane, Compton, Guildford, Surrey,

The Pre-Raphaelite Legacy British Art and Design

À New York


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Sir Edward Burne-Jones, The Love Song (détail),

L’exposition se consacre à la seconde vague du mouvement PréRaphaélite

qui

s’étend

de

1860

à

1890

et

se

consacre

essentiellement à Edward Burne-Jones, William Morris, and Dante Gabriel Rossetti, à travers une trentaine de leurs œuvres, incluant des peintures, des dessins, des meubles, des tissus, et des livres illustrés dont certains n’ont jamais été montrés au public. 20 mai au 26 Octobre 2014 Metropolitan Museum of Art – New York


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5. OPÉRA The Picture of Dorian Gray de Lowell Liebermann à Aspen (Colorado)

Les œuvres d’Oscar Wilde ont inspiré de nombreux compositeurs. « Le portrait de Dorian Gray » ne fait pas exception, qui a été illustré par des spectacles chorégraphiques (Boris Arapov, 1971 - Matthew Bourne, 2008), des musiques de film (Herbert Stothart, 1945), des spectacles musicaux (Dorian’s descent, au Met Theatre de Los Angeles

en

juillet

2014),

et

des

opéras,

comme

ceux

de


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W. Arundel Orchard (1919), de Hans Schaeuble (1947-1948), et du compositeur américain Lowell Liebermann.

The Picture of Dorian Gray est un opéra en deux actes qui fut créé le 8 mai 1996, à l’opéra de Monte-Carlo, sous la direction de Steuart Bedford, avec la distribution suivante : Jeffrey Lenz, tenor (Dorian Gray), John Hancock, baryton (Lord Henry), Korliss Uecker, soprano (Sibyl), Gregory Rheinhardt (Basil), et Ron Baker (James Vane). La mise en scène était de John Fox.


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La première américaine eut lieu le 5 février 1999, au Florentine Opera de Uihlein Hall, Milwaukee, Wisconsin, dans une mise en scène de Linda Brovsky. Mark Thomsen (ténor), jouait Dorian Gray, John Hancock, interprétait à nouveau Lord Henry, Kelly Anderson était Basil Hallward, Erie Mills, Sibyl et Kristopher Irmiter, James Vane. Comme à Monte-Carlo, l’orchestre était placé sous la baguette de Steuart Bedford. Il y eut seulement trois représentations, mais les critiques furent favorables. L’opéra de Lowell Liebermann sera redonné les 24 et 26 juillet 2014, au Wheeler Opera House, à Aspen, Colorado.


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§6. THÉÂTRE

Wilde à Avignon Festival off * La compagnie des Framboisiers présente à 19H15

L'importance d'être constant * à 21H05 Le Portrait de Dorian Gray * A 22H45

Salomé


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Du 3 au 27 juillet 2014 Théâtre Laurette – 14, rue Plaisance, Avignon

Salomé Theatre Lab Company

10 comédiens anglais dirigés par Anastasia Revi (joué en français et en anglais) 5 au 18 juillet 2014 Théâtre des Amants 1 Rue et Place du Grand Paradis – Avignon

De Profundis


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Mise en scène de Marjolaine Humbert Avec Christophe Truchi Du 6 au 26 Juillet à 12H30 (tous les deux jours) Théâtre Pixel 18, rue Guillaume Puy – Avignon

More Lives than one : Oscar Wilde and the Black Douglas Avec Leslie Clack Mise en scène : Patricia Kessler (spectacle en anglais)

Du 5 au 15 Juillet 2014 à 17H15 Théâtre du Chapeau Rouge 34-36 Rue du Chapeau Rouge – Avignon


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Et ailleurs… The importance of being Earnest à Londres

The Bunbury Company Players Adaptation : Simon Brett Mise en scène : Lucy Bailey Avec : Nigel Havers, Cherie Lunghi, Siân Phillips, Rosalind Ayres, Niall Buggy, Martin Jarvis, Christine Kavanagh 27 Juin – 20 Septembre 2014 Harold Pinter Theatre - Panton Street, London

The trials of Oscar Wilde


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Spectacle basé sur les minutes originales des procès. European Arts Company Tournée en Grande-Bretagne du 3 Mai au 12 Juillet 2014.

The Picture of John Gray de C. J. Wilmann

Mise en scène : Gus Miller Du 5 au 30 août 2014 Old Red Lion Theatre - 418 St John Street - Londres


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7. Personnages secondaires Sophia Lily Lees Qui était Sophia Lily Lees, la seconde épouse de Willie, le frère aîné d’Oscar ? Je n’ai trouvé ni portrait, ni photo d’elle, et elle occupe une très petite place dans les recherches wildiennes. Cependant, elle y a son importance, en tant que membre de la famille Wilde et mère de Dolly, l’exceptionnelle nièce d’Oscar. Willie Wilde l’épouse en janvier 1894, après avoir divorcé de sa première femme, la riche veuve américaine Mrs Frank Leslie, quelques mois plus tôt. La mariée a trente-cinq ans et c’est une irlandaise sans le sou qui ne peut se prévaloir que d’un revenu de £50 par an. Née Sophia Lees à Dublin, le 9 janvier 1859, Lily mène, jusqu’à sa rencontre avec Willie, une vie difficile de célibataire sans fortune. Au Pelican club où il avait croisé Willie, Frank Harris ne s’était pas privé de tailler une mauvaise réputation à la jeune femme qui, pourtant, prétendait connaître à peine Harris et ne lui avoir jamais causé aucun tort. Sans doute Willie n’accorda-t-il pas grande importance aux médisances de Harris, car le couple vécut en concubinage à Malvern, Broadstairs, au grand déplaisir de Lady Wilde. Cette mise en ménage contrariait tellement Speranza que sa logeuse, Mrs Faithful, fit prévenir Oscar et Constance que cette situation mettait Lady Wilde au bord de la crise de nerfs et qu’elle en mourrait si rien n’était fait. D’autant que Lily, se croyant enceinte, avait voulu se débarrasser du fœtus en avalant une poudre abortive.


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Oscar intervint-il ? Il était en froid avec son frère et ne lui adressait plus la parole depuis plus d’un an. Toujours est-il que Willie et Lily finirent par se marier. Après la cérémonie, le couple s’installa avec Lady Wilde au 146, Oakley Street. Cette cohabitation plus ou moins forcée (les nouveaux mariés étaient pratiquement sans ressources) était loin d’enchanter Lady Wilde. Elle soupçonnait sa belle-fille d’avoir forcé la main de Willy en lui faisant faussement croire qu’elle était enceinte, et n’appréciait pas sa belle-fille : « J’envisage parfois de prendre mes propres appartements et de leur laisser la maison et les meubles. J’ai horreur de partager la maison avec Miss Lees, avec qui je n’ai rien en commun. L’idée de l’avoir ici m’est totalement détestable, » écrivait-elle à Oscar le 4 février 1894.

Willie Wilde L’opinion de Lady Wilde sur sa belle-fille allait cependant changer rapidement. Elle devait déclarer par la suite que Lily était une jeune femme sensible et attirante, dotée d’un bon tempérament, et qu’elle arrangeait joliment la maison. La situation n’en était pas moins pénible pour les deux femmes. Willie traitait Lily avec brutalité. Il ne travaillait pas, et Lady Wilde était harcelée par de constantes demandes d’argent de la part de son fils ainé qui se laissait parfois aller à l’insulter. Oscar et Constance furent de nouveau alertés,


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mais quand Oscar, très remonté contre son frère, écrivit à sa mère, elle lui répondit en temporisant et en essayant – en vain – de réconcilier ses deux fils. On comprend combien la position d’Oscar a eu être intenable quand, au moment d’être libéré sous caution, il fut contraint à cohabiter avec cette branche folklorique de sa famille dans un climat de grande tension. C’est cependant en cette pénible occasion qu’il découvrit Lily qu’il connaissait à peine jusque-là. Loin d’imiter l’attitude réprobatrice de Willie, qui maugréait entre ses dents qu’au moins, « ses vices, à lui, étaient décents », elle fut amicale avec son beau-frère. Celui-ci était épuisé, malade de détresse et obligé de dormir sur un lit de camp inconfortable. En dépit de la sympathie témoignée par Lily, l’atmosphère restait irrespirable. Rapportant ce que lui avait raconté Alphonse Daudet, de retour d’une visite à Londres, Edmond de Goncourt note dans son journal, à propos des Wilde d’Oakley Street : « Triste famille, où la

belle-sœur

d’Oscar,

une

pauvre

créature

chez

laquelle

l’indignation est morte, disait à Sherard, que tous les Wilde étaient fous ».1 À ce moment-là, Lily est enceinte de huit mois. Oscar est en prison au moment où elle accouche, et le couple n’a pas le premier sou pour payer le médecin. Oscar avait reçu £1000 de Miss Adela Schuster. Bien qu’étant lui-même confronté à de graves difficultés financières, il donna £50 à sa belle-sœur pour payer les frais de son accouchement. Elle lui témoigna sa reconnaissance peu avant la naissance de Dolly, la 11 juillet 1895, dans une lettre au 1

Edmond et Jules De Goncourt, 28 mai 1895, Journal: Mémoires de la

vie littéraire (1891-1896), IV - Paris: Flammarion, 1956


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gouverneur de la prison où elle assurait son « infortuné beau-frère » de sa profonde affection. Elle ajoutait qu’elle pensait souvent à lui, avait hâte de le voir, et elle le rassurait sur la santé de sa mère qui, disait-elle, allait très bien. Elle se rendit à Wandsworth le 17 octobre 1895 pour une visite de trois quarts d’heure à Oscar. Il se trouvait alors à l’infirmerie et souffrait de dysenterie. Elle le trouva affamé et complétement démoralisé. « Toute la visite m’a rendue extrêmement triste », écrivit-elle à More Adey.1 L’amitié naissante entre Lily et son beau-frère fut cependant contrariée par un fait déplaisant. En quittant Oakley Street pour se réfugier chez les Leverson, Oscar avait laissé en garde à sa famille deux malles de vêtements et sa fameuse pelisse à col de fourrure qui l’avait accompagné en Amérique. Or, Willie, à court d’argent, comme toujours, n’avait rien trouvé de mieux à faire que de vendre à bas prix les effets de son frère. Lily sauva quelques chemises, mais Oscar les tint tous deux responsables de la disparition de la pelisse qu’il aimait tant. La colère d’Oscar à son égard fut ressentie par Lily comme une injustice. Après la mort de Lady Wilde, plus personne n’acquittant le loyer, il fallut quitter Oakley Street pour des petites pièces au 9 Cheltenham Terrace. Face à une situation financière pathétique, Lily fut contrainte de mettre son alliance en gage, et d’avoir recours à l’aide de sa soeur pour payer le terme. Le bébé Dolly était en nourrice et il fallait aussi trouver de l’argent pour payer la nurse. En dernier ressort, Willie vendit les bijoux de sa femme, et jusqu’à leur pendule! Il ne travaillait toujours pas (bien qu’il eût indiqué la profession d’ avocat en déclarant la naissance de sa fille). Alcoolique, il maltraitait Lily. Tous deux 1

Lillie Wilde à More Adey, 18 October 1895, Clark, Finzi,


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continuèrent à quémander de l’argent à Oscar en prison, et peutêtre même à Constance, qui finit par se brouiller définitivement avec sa belle soeur. Après la mort de Willie, la propriété de Moytura dont Willie avait hérité de son père, devait revenir à Oscar qui, avec sa générosité coutumière, se proposa de donner à la veuve de son frère une somme de £40 sur la rente de la maison estimée à £140. Il n’oubliait pas qu’elle avait une enfant à nourrir et qu’une aide serait la bienvenue pour la petite fille et sa mère. Hélas, Wilde se trouvait toujours sous le coup de la faillitte et ce fut la justice qui s’empara de la propriété, les privant, l’un et l’autre de leurs espoirs. Le vent tourna heureusement pour Lily dix-huit mois plus tard quand elle se remaria avec un ami de la famille, Alexander Texeira de Mattos, qui avait été témoin à son premier mariage. De Mattos était un journaliste, hollandais par son père et anglais par sa mère, critique littéraire et éditeur, connu surtout pour ses brillants talents de traducteur. Il épousa Lily le 20 octobre 1900, et devint alors le beau-père de Dolly, alors âgée de 5 ans. Le couple s’installa dans le quartier des avocats, au 3 Plowden Buildings, Middle Temple. Pour Lily, c’en était fini de la précarité.


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Alexander Teixeira de Mattos

Oscar les félicita de leur mariage quand Tex et Lily le visitèrent à Paris en octobre 1900. Esprit fin et cultivé, agréable compagnon, Teixeira de Mattos était certainement pour Lily un choix plus heureux que celui de Willie. Quelques jours avant leur arrivée, elle avait adressé une lettre à Oscar pour s’annoncer. « Comment allezvous ? », lui demandait-elle (…) Je serai si heureuse de vous voir » Et elle signait « votre sœur très affectionnée. Lily Wilde ». Oscar était déjà très malade au moment où ils se rendirent à l’hôtel d’Alsace et c’est à eux qu’il aurait déclaré « mourir au-dessus de ses moyens ». Teixeira mourut d’une crise cardiaque dans les bras de Lily le 5 décembre 1921 pendant des vacances en Cornouailles. Elle le suivit moins d’un an plus tard, le 7 octobre 1922. Ils avaient eu ensemble un fils qui n’a pas vécu. Elle est enterrée dans le cimetière de Kensal Green, à Londres, avec sa fille Dolly. Le même cimetière où repose aussi Speranza et le marquis de Queensberry.

Tombe de Lily Lees et de Dolly Wilde à Kensal Green


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8 - Témoignages d’époque Edmond de Goncourt

Le 5 mai 1883, alors que Wilde est à Paris, Edmond de Goncourt relate dans son journal un déjeuner qu’il a partagé avec Oscar, pendant lequel celui-ci a évoqué certains épisodes de sa tournée américaine, dont il est rentré seulement quelques mois plus tôt : Samedi 5 mai – Dîner avec le poète Oscar Wilde. Ce poète, aux récits invraisemblables, nous fait un tableau amusant d’une ville du Texas, avec sa population de convicts, ses mœurs au révolver, ses lieux de plaisir, où on lit sur une pancarte : Prière de ne pas tirer sur le pianiste qui fait de son mieux. Il nous parle de la salle de spectacle, qui comme le plus grand local, sert aux assises, et où l’on pend sur la scène, après le théâtre, - et où il


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a vu, dit-il, un pendu qui se raccrochait aux montants des coulisses, et sur lequel les spectateurs tiraient de leur place. *** Dans ces pays, il paraîtrait aussi que, pour les rôles de criminel, les directeurs de théâtre sont en quête d’un vrai criminel et, quand il s’agit de jouer Macbeth, on fait des propositions d’engagement à une empoisonneuse, au moment de sortir de prison : et l’on voit des affiches ainsi conçues : Le rôle sera rempli par Mme X***, et entre paranthèses (10 ans de travaux forcés). Journal d’Edmond de Goncourt – Samedi 5 mai 1883.


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9. Platon chez les Dandies Sur « Le portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde (2eme partie) Par Jean Delabroy

Comme nous l'avions indiqué dès le début, ce serait cependant une erreur que de s'arrêter à cette mise en place d'une lecture antiplatonicienne de l'œuvre de Wilde. Certes, nul doute que la déposition de Platon ne soit dans la mire du texte dandy. Que l'idéalisme constitue bien l'horizon philosophique de sa lutte, le jeu de figures primordiales qu'il s'agit pour lui de mettre en travail, c'est ce qu'indique nettement le triple appareillage des indispositions dont le réel, le sujet, le langage enfin se trouvent affectés. Mais on aurait tout aussi aisément de quoi soutenir l'analyse d'une perspective au contraire très platonicienne de Dorian Gray. Le problème posé en l'occurrence est à cet égard parfaitement comparable à celui de l'œuvre de Proust ou de Gide. Dans tous ces


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cas, l'écriture s'acharne à manœuvrer entre des forces idéologiques opposées. Aussi devons-nous d'abord tâcher de donner à chacune d'entre elles son statut. Disons donc qu'il est possible, et même nécessaire à un certain point, de voir dans le livre de Wilde un texte néo-platonicien. Le dandy, on le sait, accuse les formes instituées de la spiritualité d'avoir produit une « mutilation » (p. 28) de l'être, dissociant l'âme et le corps au détriment des deux partenaires, rendant par avance irrécupérable la totalité du Moi qu'elles affichent pour ambition de restituer, n'offrant que des retombées également condamnées, « l'ascétisme qui mortifie les sens » et « le libertinage qui les hébète » (p. 165), ou idéalisme inconsistant et réalisme vulgaire. Aussi rencontre-t-il aisément avec Platon, à l'origine de la philosophie, le modèle réconciliateur de la philosophie de l'origine. « Revenir à l'idéal hellène » (p. 28), selon les termes qui sont justement employés, c'est ouvrir la possibilité de remplacer désormais les essais insatisfaisants de synthèse que l'époque moderne tente autour du Génie (p. 20) par l'opération «divine» (p. 33) et immédiate de la Beauté. Dans cette phase, le dandy n'entreprend donc pas, à strictement parler, de sortir de la spiritualité. Il rêve seulement de son déplacement : exactement il voudrait en produire l'achèvement. La « spiritualisation des sens » (p. 164) marque l'assomption du « visible » comme vrai « mystère » (p. 33). La mention n'est pas faite pour rien, dans la première page encore une fois, de cette « rayonnante floraison d'un cytise dont les flexibles rameaux semblaient écrasés sous le poids flamboyant de leur propre beauté » (p. 7). Cela revient à signifier que dans la matière opèrent la transverbération, l'emportement de la beauté vers l'idéal. Le visible n'est plus le lieu négatif sur l'effacement


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duquel il conviendrait de fonder l'exercice de la spiritualité, il est le médium transparent de la Beauté modèle, l'accès merveilleux de l'être à l'unité perdue, par le chemin des apparences elles-mêmes. L'objet est la présentification d'une transcendance, la figure d'une plénitude échappant à l'accident. Avant les mutilations de la morale, la division des sexes, la complication des interdits, la beauté offre à l'état naturel une totalité de l'être. Du même coup se manifeste à nouveau le pouvoir d'un sujet de l'esthétique, à la volonté maîtresse et régulatrice des formes. Gray le dit sans ambiguïté : Je ne ressemble pas à ce jeune homme [...] qui déclarait que le satin jaune pouvait consoler de toutes les misères de la vie. J'aime les beaux objets [...]. Mais combien j'estime plus précieux le tempérament artistique qui naît de ces trésors, ou tout au moins s'y révèle (p. 141). La restriction finale est ici remarquable, puisqu'elle met un terme à l'autonomie des objets, et, leur interdisant d'être davantage la série indéfinie dans laquelle ricoche, s'oublie et s'abolit le moi, n'en fait plus que le support d'un accouchement à soi et de la réapparition en force d'un interprète organisateur, trop longtemps masqué dans sa supériorité. Au bout de ce dandysme platonicien, on touche au dandysme du « goût le plus exquis » (p. 163), qui n'a plus du tout un pouvoir inconciliable de rupture, mais se laisse facilement célébrer comme principe de réalisation sociale : ce qui n'est possible que parce qu'il est, dans son essence, sociable, soucieux seulement de l'ordonnance d'une toilette et de la distribution d'harmonies


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euphoriques. L'écart de l'exemple suivant par rapport à la détotalisation dandy analysée plus haut saute aux yeux : II faisait délicieux. L'air tiède était saturé de parfums. Une abeille entra et tourna, en bourdonnant, autour du vase bleu dragon, parmi des roses jaune soufre, que Dorian avait devant lui. Il se sentait parfaitement heureux (p. 121). Jeux de réponse entre les couleurs, plénitude et circularité : le décor, à nouveau producteur, se fait spectacle conspirant à l'hommage de son centralisateur, miroir scellant les retrouvailles du Moi

avec

lui-même.

Un

tel

usage

du

décor

se

ramène

symptomatiquement à l'accumulation de la société bourgeoise, qu'il corrige simplement dans le sens d'un meilleur épanouissement. Mais que ce Platon de Pall-Mall soit, du point de vue de ce qu'engage l'entreprise dandy, aussi logiquement insatisfaisant qu'il est nécessairement un point de passage; c'est ce que montre à notre avis l'aventure de Sibyl Vane. Cet épisode, si justement platonique au cœur de Dorian Gray, relance exemplairement l'exploration de l'aporie platonicienne, et contribue à dégager des tentations du dandysme mineur les conditions de possibilité de ce que nous pourrions appeler un dandysme souverain. Avec son emblématique « petite tête grecque » (p. 67) qui répond à l'air de « martyr grec » de Gray (p. 27), l'actrice au prénom suffisamment symbolique a la charge d'incarner et de réfléchir le motif de la beauté spirituelle jusqu'à son terme contradictoire. « Sacrée » (p. 69), puisqu'elle est la somme de toutes les figures de la beauté, elle est celle qui ouvre aux mystères du visible — individualité sans cesse dépassée par l'idéale généralité dont elle cumule les copies, submergée par la


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transcendance dont elle est porteuse, surréalité active qui fonde, selon Gray, l'ineffable concentration de son baiser : Mes lèvres montèrent vers ses lèvres. Nos bouches s'unirent dans un baiser. Ce que je sentis dans cet instant, je renonce à vous le décrire. Il me semble que ma vie s'était ramassée, toute, en un point idéal, de joie visible et rose (p. 99). Mais à partir de là, l'enchaînement obligé de l'idéalisme impose à l'actrice l'épreuve de la vérité. Si les signes du beau qu'elle réitère chaque soir sont autant de figures pour une réalité plus haute, ils sont

logiquement

destinés

à

disparaître

dans

l'appel

au

dépassement qu'ils supportent. Sibyl demande à sortir des rôles du théâtre

comme

d'ombres

caverneuses

qui

ont

ouvert

à

la

connaissance du dehors et sont maintenant interpellées par cet idéal. Il y aurait profanation, une fois entendu le mystère, à continuer plus longtemps l'absorption de l'être dans la figuralité du non-être, à renoncer au propre auquel le « prince charmant » a éveillé la conscience. Dans une absolue fidélité au visage habituel de la fable antique de la caverne, Sibyl demande à interrompre les mirages du fictif : Les décors étaient mon univers. Je ne connaissais que des ombres et je les prenais pour la réalité. Mais vous êtes venu, ô mon bel amour, et vous avez tiré mon âme de sa prison [...]. C'est que vous m'aviez apporté une réalité plus haute [...] dont l'art n'est qu'un reflet [...]. Qu'ai-je à faire à présent de ces jeux de marionnettes ? (p. 112).


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C'est précisément cette conclusion que Gray juge inadmissible, c'est ici même que cesse l'adhésion du dandy aux effets, sinon au discours, du platonisme. La leçon de la moderne héroïne grecque est que l'on ne peut pas spiritualiser le sensible sans reproduire l'idéalisme qui vient avec, sans reconduire nécessairement les procédures de la connaissance, sans redonner leur pouvoir aux symboles du centre, de la vérité, de la somme. La réaction de Gray s'inscrit contre cette réaffirmation des prestiges de l'être et de la propriété des signes. Contre le prénom de l'actrice, Gray joue le nom qui n'est pas moins symbolique. En essayant désespérément d'enfermer Vane dans le théâtre de ses jeux et en lui refusant la sortie libératrice, il tente de la rendre effacement incessant de l'identité et négation des abîmes cachés de tout mystère. Il veut la consacrer comme figure renouvelable à l'infini, et toujours différente d'elle-même : Ce soir, elle est Imogène [...]. Et demain soir, elle sera Juliette. — Quand donc est-elle Sibyl Vane ? — Jamais (p. 72). Qu'elle ne devienne pas copie ou hypostase d'un parfait modèle. Mais qu'elle demeure ombre sans soleil, si cela peut se dire, ou surface sans profondeur : espace (dans l'acception active du terme) à,

ou

du,

désir.

Donc,

si

le

passage

par

la

grécité

est

temporairement obligé, un passage de la grécité doit lui succéder. Mais comment le nommer et l'imaginer, sinon, et c'est toute la question, dans les termes et dans les symboles de la grécité même, puisqu'on vient de faire l'épreuve de leur force prégnante et peutêtre indépassable ? Le texte mélange de ce fait des énoncés


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hétérogènes — subissant des incompatibilités, ou ne pouvant faire mieux que de les produire. Au lecteur dès lors de jouer, quelquefois en résistant à la lettre du texte, d'un aspect contre l'autre. A lui, par exemple, de donner tout son poids à cette correction apportée par Lord Henry à l'injonction citée plus avant, et qui change tout : Revenir à l'idéal hellène — peut-être même à je ne sais quoi de plus beau et de plus complet que l'idéal hellène (p. 28). Entendons que ce n'est que par cette surenchère dans l'origine et dans la plénitude — seule capable de dénoncer la fallacieuse commodité des idées d'origine et de plénitude sur lesquelles on était naguère tenté de s'arrêter — qu'ironiquement peuvent être désignés cet encore- avant d'une « grécité » supérieure à son affadissement platonicien, la joie légère d'un en deçà de l'être, où l'être ne serait plus que la fuite même de l'être. Le texte dandy ne sort pas de l'impossible

exercice

de

jouer

au

plus

près

des

formules

essentialistes, pour inscrire en débordement les énoncés de l'altérité — qui cependant ne peuvent pas faire autrement que d'être contaminés par le discours qu'ils excèdent. C'est autour du personnage de Lord Henry que se résume tout l'effort entrepris par ce qu'il faudrait appeler un ultra-platonisme pour dégager les conditions d'une rupture décisive avec Platon. Un autre exemple, emprunté à nouveau au développement du motif de la beauté. Alors que Sibyl Vane et Gray lui-même demeurent sourds à sa redéfinition et meurent d'avoir résisté à une pratique pressentie mais impensable, Wotton, lui, bataille avec les formidables énoncés antiques :


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La Beauté est une des formes du Génie [...] Elle est une des réalités suprêmes de ce monde, comme l'éclat du soleil, comme l'éveil du printemps [...], et il s'acharne à glisser, dans les intervalles du mythe solaire et auroral

de

l'assomption,

des

images

obscures,

secondaires,

dépassantes, qui donnent à entendre une tout autre philosophie, celle de l'altérité : [...] Que dis-je ? Elle surpasse même le Génie [...] comme le reflet dans une eau sombre de cette conque d'argent qu'on appelle la Lune (p. 32). Il faut ce discours à strates hétérogènes, à phases alternatives, pour dégager peu à peu le dandysme de l'idéalisme. Après cela, la beauté, revendiquée comme « superficielle » (p. 33), ne peut plus se rabattre sur une sagesse, c'est-à-dire sur une économie quelconque — elle ouvre sur une folie obligée. Elle fait corps avec un discours qui ne se prête pas à la discussion ou à la raison, mais qui déploie une fascination aliénante : II jouait avec l'idée [...]. Il l'agitait au vent, déployait ses aspects divers; la laissait s'échapper [...], la colorait de tous les feux de la fantaisie, lui prêtait les ailes du paradoxe. L'éloge de la folie, à mesure qu'il parlait, atteignait les hauteurs de la philosophie, et la philosophie elle-même devenait jeune. Prise à la musique folle du Plaisir, dans l'envol d'une robe teinte du jus des grappes et le front


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ceint de lierre, on pouvait l'imaginer dansant, comme une bacchante, (pp. 56-57). En d'autres termes, la beauté n'est pas ce qui sauverait l'être de l'instabilité, mais elle est, selon Wotton, l'instabilité furtive où se reconnaît l'action du désir. En tant que telle, elle manifeste parfaitement le corps, qui n'est pas, faut-il encore préciser, ce qui remplacerait l'âme dans le rôle de pivot d'explication, mais cet espace dont Darwin vient d'affirmer l'autonomie radicale, et qui du coup s'offre au dandy pour y abolir toute maîtrise de l'intelligence, c'est-à-dire ensemble toute essence du sujet et toute prétention au savoir. A l'âme comme accès connaissant au Logos, s'oppose cette manière de matérialisme : l'être, c'est le corps, c'est-à-dire cette dérive toujours la même, et toujours méconnaissante, parmi des impulsions toujours autres : Qui pourrait dire où s'arrêtent les impulsions de la chair ? [...] Il n'y a dans l'expérience aucune force déterminante (p. 77). Il trouva un indicible plaisir à rapporter les passions humaines à tel nerf blanchâtre du corps, et se plut à admettre que l'esprit fût absolument dépendant de certains états, sains ou morbides, pathologiques ou normaux, de l'organisme (p. 168). Est-ce à dire, toutefois, que le texte de Wilde se partagerait, commodément, entre une part désuète (son côté idéaliste) et le travail anti-platonicien qui en serait la « modernité » ? Nous ne saurions nous arrêter là. Il saute aux yeux, en effet, que le récit se divise entre une théorie dandy (assurée par Lord Henry), qu'il


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exempte de conséquences, et une pratique dandy (assumée par Dorian Gray), dont il nous donne à lire en revanche les ravages. Force est de constater que, quelle que soit l'ampleur des dégâts causés à Platon, le récit le fait sortir plus triomphant que jamais des perturbations subies. L'objet de la démonstration est de nous donner au bout du compte à lire, non pas la fin de l'idéalisme, mais une impasse de l'Antilogos — par laquelle le non- être est obligatoirement interprété privativement comme manque d'être, et la

dislocation

du

sujet

comme

expérience

négative.

Il

est

symptomatique qu'il faille une violence, contrevenant directement à la légèreté rêvée et en signant le désaveu, pour pousser (et encore est-ce en échouant) Sibyl Vane à accéder à la pure théâtralité. La volonté de l'actrice de revenir, hors scène, en coulisse, à la vérité rappelle l'existence ou l'exigence imparables d'une profondeur du réel qui rend impossible le jeu des surfaces, nostalgique la jouissance du décor. Selon Wilde, il y a donc un malheur inhérent à l'entreprise des « esprits en mal de rêverie » (p. 165) de « créer des mondes irréels » (p. 166). Le dandy serait soumis à un cercle infrangible qui le fait aller, sans solution, d'un réel au codage meurtrier mais solide, à une déréalisation affolante, ainsi qu'un long texte le détaille remarquablement : Qui de nous ne s'est éveillé parfois avant l'aurore, soit au sortir d'une de ces nuits sans rêve qui feraient presque aimer la mort, soit après quelque nuit d'épouvanté et d'ivresse monstrueuse [...] ? Lentement des doigts pâles glissent dans les rideaux qui semblent s'agiter. Imprécises et fantasmagoriques, les ombres muettes gagnent en rampant les coins de la chambre et s'y blottissent. Au dehors [ce sont]


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les soupirs et les sanglots du vent [...] qui erre autour de la maison silencieuse, comme s'il hésitait entre la crainte d'en éveiller les hôtes endormis et le devoir de tirer le sommeil de sa grotte empourprée. [...] Nous assistons au travail de l'aurore lorsqu'elle reconstruit le monde sur l'antique modèle [...]. Rien ne semble changé. Du sein des ombres irréelles de la nuit, c'est la vie réelle qui revient sous ses traits familiers. Il nous faut la reprendre où nous l'avions laissée (p. 165166). Entre-deux, en train de s'évanouir, des morbidités opposées et similaires du réel et de l'irréel ; suspension où une réserve d'ombre et de silence s'épuise et s'efface à résister aux formes de la nuit comme du jour : c'est l'illustration même de l'introuvable statut dont le dandy finit toujours, selon Wilde, par manquer. Nous n'avons plus dès lors qu'à suivre le retour massif des procédures de l'être, en vain maquillées. Ainsi le décor de la maison de Dorian Gray, quoi qu'il en soit des dérives qu'il a pu mettre en jeu, en appelle malgré tout à la tension de cette pièce d'en haut, où gît le secret du dandy. La chambre de l'enfance lovée au creux des meubles accapare l'intériorité perdue du sujet. Elle est le centre qui, d'être barré et interdit, n'en polarise que davantage le désir, happe le Moi et lui offre la reconnaissance immédiate de soi dans ce fond originaire désormais englouti : Cette pièce lui avait servi, enfant, de salle de jeu [...]. Jamais il n'y était rentré. C'était une vaste chambre, d'harmonieuses proportions [...]. Elle ne parut guère changée à Dorian. Le grand bahut italien, où tant de fois, il s'était caché petit garçon, était toujours là [...]. Il


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regardait à la ronde, et les heures de son enfance solitaire accouraient toutes. La pureté sans tache de ses jeunes années lui revint en mémoire (pp. 154-155). Les objets, eux aussi, prennent leur revanche, et la doctrine de l'unité avec eux. Ironiquement, l'excès du décor se retourne pour mieux révéler la profondeur qu'il doit récuser — tel l'écran « trop fleuri » (p. 122) qui dissimule le portrait. Chaque chose de nouveau dans sa fonction propre : comme l'écran qui cache bel et bien, le drap mortuaire dont Gray recouvre le tableau signifie précisément la mort, et rien d'autre. En se régularisant, l'apparat perverti accuse la perversion. Dernier symptôme que nous relèverons : loin des tapisseries fugaces évoquées plus haut, le texte rejoint l'idée de la trame, dans cette métaphore qui en finit avec les surfaces, contredites

par

l'épaisseur

restituée,

avec

la

dissemblance,

interprétée comme un manque de dessin, avec la déchirure, conçue comme la perte de la texture — et se relance ainsi la détresse d'un labyrinthe derechef actuel : II s'efforçait de rassembler les fils écarlates de la vie et d'en tisser un dessin ; il recherchait sa route, égaré qu'il était dans le labyrinthe sanglant de la passion (p. 123). Nécessairement, cette économie des signes du réel se parachève enfin dans la sujétion du dandy à sa loi — et simultanément dans son interpellation réitérée comme sujet. La beauté scandaleusement immobile de Gray ruinait précédemment la fiabilité et la production du sens, puisqu'elle affichait des signes absolument contraires à


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l'être. La société entretient quant à elle un rapport candidement confiant au sens. La règle physio-gnomonique en témoigne — qui n'est pas autre chose que cette croyance innocente dans le principe du xaXoc xàyaOoç, et qui veut que l'harmonie corporelle implique logiquement la beauté de l'âme. Basil Hallward n'imagine pas par exemple qu'une contravention à son égard soit possible : Le péché s'inscrit de lui-même sur le visage d'un homme. On ne saurait le dissimuler. On parle quelquefois de vices cachés. Il n'en existe pas. Les vices des méchants se révèlent dans la ligne de la bouche, dans la lourdeur des paupières, dans le galbe même de la main [...]. Mais de vous, Dorian, de vous qui m'offrez ce visage ouvert [...], comment pourrais-je croire rien de mal (p. 188) ? Et le texte de Wilde rejoint ici son personnage naïf, posant qu'on ne saurait ruiner sans sanction l'intelligibilité du monde. Dorian Gray est certes imprenable dans l'impunité où il vit — mais cette impunité aussi bien est moqueuse puisqu'il ne peut que s'y perdre et finir par en souffrir. C'est bien une décision normative de l'auteur (dont nous aurons bientôt à nous faire une question) qui pousse ce que l'on pourrait appeler l'effet-personne de la logique dandy à s'interpréter dans le sens d'une défaillance de l'être. Dès lors, la mécanique du dénouement se déroule implacablement. A lui tout seul, nous fait-il entendre, le personnage ne peut pas échapper à l'inauthenticité qui boucle le refus de l'idéalisme. Dorian Gray tente bien, avec le doublet de Sibyl Vane que constitue in extremis Hetty, d'engager une sortie de la caverne (p. 274). Dans la nature d'un simple village et d'une simple villageoise, tous codes paraît-il


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absents, Gray s'essaie maladroitement à la connaissance. Mais Platon se satisferait de peu s'il suffisait de réécrire au soleil l'histoire manquée de l'ombre. Les ruses de la mauvaise foi corrompent en réalité ce mince accès à la transparence du Logos : je suis méchant — mais je ne le dis à l'autre qu'une seule fois de manière à ce qu'elle ne me croie pas. Il faut donc attendre le reclassement d'une espèce de Jugement Dernier pour que se résorbe l'équivocité. L'être — c'est-à-dire la vérité immédiate des signes et l'homogénéité du sujet — est à nouveau distribué au dandy. Mais, pour punition de son entreprise, c'est par le biais ironique des marques atroces et innommables qu'un à un ses désirs ont enregistrées sur son corps jusqu'à le défigurer. *** A tout cela, il reste une question autour de laquelle le texte de Wilde ne cesse de tourner. Qu'est-ce qui le contraint, en définitive, à conclure,

après

s'être

si

prodigieusement

avancé

dans

les

bouleversements anti-platoniciens, sur la disqualification de la jouissance ? Quelle force extérieure assure la teneur lourde, toujours active, de Platon? Il est clair que la décision de choisir ce dénouement rabatteur a la main forcée par quelque chose qui ne va pas simplement à dire, mais qu'on ne saurait non plus omettre tout à fait. Quelques exemples peuvent autoriser une réponse en se recoupant. Ainsi, revenons sur la tentative finale de Gray avec Hetty. Ce qui condamne Gray en cette occasion, ce n'est pas seulement le fait d'échouer à accréditer sa méchanceté, c'est-à-dire sa vérité morale. C'est concurremment, et plus profondément, le fait


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de réussir trop bien à faire prendre pour argent comptant une identité sociale mensongère : A la jeune fille qu'il avait séduite, il s'était plu à répéter qu'il était pauvre, et elle l'avait cru (p. 274). Dorian Gray croit donc pouvoir remettre l'histoire à neuf et supprimer ce qui le sépare de l'idéal en supprimant sa richesse et tout l'écart qui se fonde sur elle et le sépare de sa partenaire. Cette mauvaise foi, dont le personnage paie ensuite le prix, est justement ce qui fait avorter son essai pour accéder au-dehors de ses théâtres intimes. La leçon est claire : il y a un état historique incontournable qui renvoie le dandy dans la caverne aux fictions. De cet état, il ne se croit peut-être pas responsable, mais il ne se remet pas non plus. Il tente en vain de ruser avec lui, de forcer la porte de l'être en jouant à faire comme si l'histoire pouvait se modifier. Mais seule lui permettrait de s'en sortir une révision déchirante, une opération de vérité sociale dont il est incapable. Tout se présente donc à nous comme si (ou plutôt tout nous indique qu'en dernier ressort Wilde entendait dire que) le maquillage de l'être auquel s'abandonne et se confie le dandy n'avait finalement pas d'autre raison que d'éviter un affrontement avec l'histoire présente. Autre exemple qui prend tout son

sens

dans

cette

perspective

:

l'anecdote

de

l'orchidée

débaptisée, qui meurtrit tant l'oreille de Lord Henry qu'il faut changer son appellation. Ce nom n'est pas n'importe lequel, mais une

«Robinsoniana », où sonne remarquablement


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Robinson, l'emblème du travail, ce qui est le premier interdit, mais où aussi, par-derrière, en supplément d'origine, gît Robin, l'hommepère des bois et du peuple, ce qui est le second interdit dont le premier n'est que le leurre. Au reste, s'il était besoin d'une confirmation, la dernière des « cavernes» de Dorian Gray le dit sans ambiguïté,

filtrant

par

les

réalités

sociales

les

débats

philosophiques. Dans la serre de Selby Royal, aux fleurs et aux mondanités

fastueuses

autant

qu'excessives,

on

dirait

que

l'antimonde des dandies enfin est venu à bout de l'essence — ombres de choses, figures de rhétorique, jeux caressants et superficiels. Mais soudain Gray s'évanouit — et c'est d'avoir vu, symptomatiquement, derrière la vitre, au-dehors de la caverne, c'est-à-dire là où on voudrait le persuader d'aller mais où il sait bien qu'il ne peut pas arriver, un visage de prolétaire marqué de la blancheur solaire de l'idéal : A table, il se montra d'une gaieté follement insouciante ; mais, de temps à autre, il sentait un frisson d'épouvante lui courir par tout le corps, quand il se souvenait d'avoir vu, aplati comme un mouchoir blanc contre les vitres de la serre, le visage guetteur de James Vane (p. 249). Ce que le dandy rature désespérément, c'est bien autre chose que la métaphysique platonicienne. Tout ce qui se disputait entre être et non-être, naguère, a soudain viré pour exiger d'être traité en terme de réel (de nouveau) et d'irréel (d'ancien) historiques. Une figure indécente est venue prendre la place de l'essence et de ce qui s'appelait nature, pour attendre le dandy hors de ses illusions.


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Platon a donc été l'alibi commode dans lequel le dandy s'absorbait, feignant de débouter le vieil idéalisme, escomptant en passer de plus pour moderne, mais sachant qu'il y dissimulait seulement le plus longtemps possible le verdict de ce qui est dans la dernière instance du texte la seule modernité : celle de l'histoire. Jusqu'à présent, les prolétaires se laissaient entraîner par les aristocrates dans les folies caverneuses de l'opium et du théâtre. Gray croit pouvoir encore répéter l'histoire, à la fois de sa mère (Margaret Devereux) et de la mère de Sibyl Vane : rêve d'un retard du temps social qui exempterait des modifications de l'avenir. Mais rien n'empêche celles-ci d'advenir, puisqu'elles sont en fait déjà là : que les titulaires des bouges reconnaissent et expulsent celui qui leur propose une aliénation commune à valeur d'avertissement. Par un dernier et intraitable renversement, le texte nous désigne simplement (et que pourrait-il faire d'autre, avec ce à quoi il aboutit?) l'Antilogos comme une opération sociale maintenant désuète. Certes, James et Sibyl Vane sont éliminés, mais il n'importe. Le dandy porte sur lui les traces d'une fatigue collective (c'est bien ce que les amis de Gray lui disent sans le savoir après sa défaillance). Il est réduit à être le témoin, qui n'a plus qu'à passer, de l'aube confondante des autres, auxquels toute la beauté du monde revient de droit : L'ombre levait ses voiles et, rose des premières lueurs de l'aube, le ciel s'arrondissait en perle parfaite. De grandes charrettes, pleines de lis balancés, descendaient lentement l'avenue luisante et déserte. L'air était saturé du parfum des fleurs [...]. Un charretier en blouse


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blanche lui offrit des cerises. Il les accepta avec un merci, n'en revint pas de voir refuser son argent [...]. Pattes roses et col irisé, des pigeons couraient çà et là, picorant des graines (p. 115). Scène réconciliée qui, dans sa solennité proprement historique, critique et remplace les scènes impossibles du désir dandy. Accomplissement des substances, transparence des signes et pléthore des aliments du côté de l'être ; et ravissement des diaprures et désintérêt de la dépense du côté du non-être : le lendemain construit sa synthèse à partir du double rapt de l'économie et de la jouissance. Le paradoxe du texte de Wilde — c'est-à-dire son importance, pourvu du moins que ce paradoxe nous fasse question — est donc, pour conclure, que tout l'effet des maquillages où nous serions tentés de lire la protestation d'une modernité contre le legs idéologique de l'ancien, il le regarde quant à lui comme un archaïsme qui sans doute ne fait pas mal en se débarrassant de l'idéalisme, mais auquel la nécessaire conversion socio-historique des problèmes dont il débat assignerait une limite singulièrement courte. Aussi bien le regard que le dandy porte sur le très agréable débat du Logos et de l'Antilogos est-il nostalgique, chargé comme de l'envie d'une discussion métaphysique qui n'est plus de mise. C'est significativement Lord Henry, qui a su, lui, se soumettre aux laideurs et aux bouleversements de la vieillesse, donc de la loi commune, qui dit, brisé, des actrices « tant aimées * : « Ne décriez pas trop les cheveux teints et les traits fardés. Ils ont parfois un bien grand charme » (p. 69). Jean Delabroy


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Platon chez les dandies, Sur le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, a originellement été publié dans la revue Littératures, n°25, 1977, pp.42 à 63. Né à Bordeaux, Jean Delabroy enseigne à l’université Paris 7 Diderot


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10. BIBLIOGRAPHIE Oscar Wilde, Robbie Ross, John Gray Titre

Auteur

Année

Éditeur

Robert Ross After Reading Letters of Oscar Wilde to Robert Ross After Berneval. Letters of Oscar Wilde to Robert Ross

1921

Westminster – The Beaumont Press

1922

Westminster – The Beaumont Press

Robert Ross, friend of friends – Letters to Robert Ross, Art critic and writer, together with extracts of his published articles

Margery Ross

1953

Jonathan Cape, Londres

Wilde’s devoted friend, a life of Robert Ross

Maureen Borland

1990

Lennard Publishing, Oxford Queen Anne Press

Couverture


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Robbie Ross: Oscar Wilde's Devoted Friend

Jonathan Fryer

2000

Carroll & Graf

Robbie Ross, Oscar Wilde’s true Love

Jonathan Fryer

2000

London Constable

Robbie Ross: Oscar Wilde's Devoted Friend

Jonathan Fryer

2001

Da Capo Press

Robbie Ross, Oscar Wilde’s true love

Jonathan Fryer

2014

Thistle Publishing

John Gray Footnote to the nineties A memoir of John Gray and André Raffalovich John Gray : Poet, dandy and priest

Brocard Sewell

1968

Cecil and Amelia Woolf

Jerusha McCormack

1991

Brandeis University Press


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The man who was Dorian Gray

Jerusha McCormack

2000

Trois excentriques anglais (Thomas Lovell Beddoes – John Gray – Aleistair Crowley)

Lucien d’Azay

2011

Belles Lettres

La vera storia di Dorian Gray

Vincenzo Lagioia

2014

Minerva Edizioni (Bologna)

St.

Martin's

Press


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11 – La Sainteté du plaisir De Dominique Vibrac (texte lu par Kevin Miranda lors de la soirée Wilde le 9 juin 2014) La vie est trop importante pour être prise au sérieux ! C’est vrai, Wilde est mort à 46 ans, misérable. Il disait au terme de son existence : « Comme Saint François d’Assise, j’ai épousé la pauvreté. Mais dans mon cas, ce mariage n’est pas une réussite». La pauvreté n’était pas vraiment son genre, et encore moins sa tasse de thé. Il ne mangeait pas de sauterelles comme Jean Baptiste dans le désert, et adorait les bons vins. Les beaux corps le troublaient, les belles femmes et les beaux garçons, ouvriers ou prostitués, et il éloignait la tentation en y succombant. Pourtant, il est aujourd’hui au Paradis avec sa maman irlandaise qui se disait descendante de Dante, le grand poète italien. Son père était chirurgien des yeux. C’est pourquoi, peut-être, le fils aimait tant regarder les belles choses. Brillant étudiant, il tomba amoureux de la Grèce. Les beaux corps conduisent aux beaux esprits. Dixit Platon. Toujours premier de sa classe, mais portant de longs cheveux et défiant les convenances. Il aimait la porcelaine et les vêtements de couleur, mais savait aussi désarçonner les imbéciles d’un bon coup de poing. Dans sa chambre, à Oxford, il collectionnait les plumes de paon et faisait la roue. Il aimait beaucoup sa maman : trop peut-être. C’est à cause d’elle qu’il ne quitta pas Londres quand les choses commencèrent à mal tourner. Avant de mourir,

il but une coupe de champagne : « je meurs


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comme j’ai vécu ; au-dessus de mes moyens ». Peu avant sa mort, il s’enthousiasma pour la photographie. Une vie, en somme. Oscar nous apprend à rire, et à sourire. A nous moquer de nousmêmes. Heureux qui sait rire de lui-même, car il n’a pas fini de s’amuser. Il nous conduit à aimer la vie, le monde, les gens. Quand il sortit de prison, après deux années de travaux forcés, il s’exclama : « O, que le monde est beau ; que le monde est beau !1 ». Et Oscar nous invite aujourd’hui au plaisir. Celui du corps et celui de l’esprit. Celui que la société condamne, dont on jouit en cachette, dans le noir, mais aussi celui qui n’a pas de prix, celui du cœur, que l’on ne peut pas vendre, mais seulement offrir, le plus beau sans doute. Saint Augustin avertissait son lecteur : « donnemoi quelqu’un qui aime, il me comprendra ». Aimer c’est aussi faire l’amour, et c’est également en donner. Martin Page écrit justement, au sujet d’Oscar : « Le grand scandale d’Oscar Wilde est le plaisir qu’il donne, plus que celui dont il parle, quand il écrit sur les fleurs, les costumes de scène, l’amour ou la morale. On ne pardonne pas à un écrivain d’avoir un style si excitant. Le faible lecteur se sent coupable. Habitué à souffrir pour apprendre, il en déduit que, s’il jouit, cela ne doit pas être bien sérieux ». Oscar nous apprend que les gens ennuyeux et tristes, austères et éteints, les éteignoirs et les faux vertueux, les faux-culs et les culsbénis, les puritains et les censeurs, ne sont pas les plus moraux ni les plus fiables. Les gens trop sérieux ne sont finalement pas si 1

Note de la rédactrice : « O beautiful World ! » DGR


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profonds ; et ils se mentent beaucoup à eux-mêmes, et encore plus aux autres. Il faut jouer léger pour avoir du poids ; et Oscar est un poids lourd, au propre comme au figuré. Un jour Oscar écrivit : « L'humanité se prend trop au sérieux. C'est le péché originel de notre monde. Si l'homme des cavernes avait su rire, le cours de l'histoire eût été changé ».

Pour laisser retentir ce sympathique

message : « le plaisir est la seule chose qui vaille la peine de vivre ». Car, pour Oscar : « quand nous sommes heureux, nous sommes toujours bons ». Les saints tristes sont de tristes saints; et peut-être pas des saints du tout. Méprisant les plaisirs de la terre, la jouissance du corps, l’orgasme et l’extase, ils ont le cœur sec, dur, et mort. Ils ont tari en eux-mêmes la source de la vie. Pour lui, « le but de la vie est le développement personnel. Parvenir à une parfaite réalisation de sa nature ». Rien de plus stupide et de plus malsain que l’exaltation de la tristesse : « il y a quelque chose d’affreusement morbide dans cette manie qui sévit aujourd’hui de s’identifier à la douleur. On devrait s’identifier à la couleur de la vie, à sa beauté, à sa joie. Moins on parle de ses plaies, mieux on se porte ». Au-delà de la vertu, souvent illusoire et fallacieuse, celle des vipères sèches et des vaches maigres, c’est la beauté qui rayonne et qui attire : « Seule la beauté est à l’abri des outrages du temps. Les philosophies s’effritent comme du sable, les croyances se succèdent les unes aux autres, mais ce qui est beau est une joie en toutes saisons, une jouissance éternelle ».

Si l’âme guérit les sens, les

sens guérissent aussi l’âme. Oscar n’a jamais été un cerveau sur deux pattes, sans sexe et sans cœur. Il n’aurait pas voulu être un


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intellectuel. L’intelligence est sensible et sensuelle ; le plaisir est intelligent. C’est par plaisir qu’Oscar est poète. Dans le très beau film "Le cercle des poètes disparus" (1989), le professeur non-conformiste parle en ces termes de la poésie : "on lit et on écrit de la poésie non pas parce que c’est joli; on lit et on écrit de la poésie parce qu’on fait partie de l’humanité. Et que l’humanité est faite de passions. La poésie, la beauté, l’amour, l’aventure, c’est en fait pour cela qu’on vit". Et de citer Whitnam : parce que "le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime ». Mais l’humour peut franchir la Manche ; l’esprit français et l’esprit anglais se rencontrer.

Sacha et Oscar. Wilde et Guitry. Sacha

aimait dire : « il y a des bêtises que j’ai faites uniquement pour avoir le plaisir de les raconter ». Et son père Lucien Guitry : « je suis bon sur scène, parce que j’y jouis beaucoup ». Mais Oscar n’a rien de l’égoïste, de celui qui se croit vertueux et honnête, et ne pense jamais qu’à son nombril qu’il croit plus propre que

celui

du

voisin.

Bien

sûr,

il

faut

s’aimer.

Encore

heureux ! Toujours Oscar : « S’aimer soi-même, c’est l’assurance d’une histoire d’amour qui dure toute la vie ». Pourtant, le plaisir suprême est celui de l’amitié. Pour Oscar, « seule une personne exceptionnelle est capable de se montrer sensible au succès d’un ami ».


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Et si Oscar revenait parmi nous ? Il se désolerait sans doute d’un monde où l’utile l’emporte sur le plaisir, l’économique sur le ludique, le travail sur le loisir, l’intérêt sur l’amitié. Mais il nous inviterait surtout, chacun, à être nous-mêmes et à cultiver selon le mot de René Char notre « singularité légitime ». En tout cas, lorsqu’Oscar Wilde est mort et qu’il comparut devant Saint Pierre, à la porte du Paradis, celui-ci lui demanda : -

Qui frappe à la porte du bonheur ?

-

O grand Saint Pierre : Oscar Wilde, grand poète, auteur illustre, génie sans égal, penseur brillant !

-

Je ne te connais pas !

-

O grand Saint Pierre, Oscar Wilde, le deuxième auteur anglophone publié dans le monde, le moraliste cynique et lucide que l’on cite à l’heure du thé !

-

Je ne te connais pas ! O grand Saint Pierre, Oscar Wilde, qui racontait des contes à ses enfants, partait à la pêche avec eux, et fut condamné par les hommes pour ses vices et parce qu’il ne se prétendait pas vertueux.

-

Tiens, cela commence à me dire quelque chose…

-

Oscar. Pour qui vivre c’était s’amuser et être heureux, aimer et admirer, sourire et désirer.

-

Oscar, entre ici. Le Paradis est pour toi. Tu as écrit un jour qu’il n’y avait que les saints et les grands pécheurs qui t’intéressaient, car au fond, ce sont les mêmes ! Dominique Vibrac


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Né en 1966, Docteur en histoire de la philosophie de l'université de Paris IV Sorbonne, enseignant, conférencier, formateur dans le domaine du management culturel (patrimoine), consultant culturel, chef de projet culturel européen, Président et fondateur de Cercles Culturels (Tommaso Cavalieri, Protagoras...), Dominique Vibrac est un spécialiste de l'œuvre du poète italien Dante Alighieri dont il a traduit le Banquet. C'est aussi un amoureux d'Oscar Wilde.


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12. Wilde, personnage littéraire

MELMOTH (Cerebus, vol.6)

Par Dave Sim and Gerhard

« Melmoth » est une bande dessinée canadienne qui retrace les derniers jours d’Oscar Wilde, dissimulé sous le pseudonyme de Sebastian Melmoth. J’ai déjà évoqué cette œuvre dans cette rubrique, mais il s’agit d’une série d’albums – celle des Cerebus où Wilde apparaît ponctuellement de manière récurrente, en


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particulier dans « Jaka’s Story » dont voici une des couvertures « wildiennes ».

L’album « Melmoth » est une œuvre à part dans la série. C’est le seul qui soit principalement consacré à Oscar Wilde et non pas à Cerebus, son héros habituel, qui n’y apparaît que peu.


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L’image d’Oscar est ici celle d’un homme détruit à la toute fin de sa vie, un homme enfermé dans sa solitude et dépourvu d’espoir. Les textes reproduits dans ce roman graphique sont en grande partie repris de la correspondance de Robbie Ross et de Reginald Turner, les deux amis qui se trouvaient au chevet de Wilde au moment de sa mort.


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Au début du scénario, Wilde est encore capable de marcher et de converser, puis nous le voyons décliner doucement, se noyer dans l’alcool, jusqu’à en mourir, décharné et incohérent, pour aboutir à cette

terrible

image

d’un

agonisant

soumis

à

de

terribles

souffrances. C’est une œuvre très noire, qui donne une image glaçante de ce que furent sans doute les ultimes moments d’un homme qui avait jadis vécu pour jouir des plaisirs et la beauté du monde. Melmoth - Aardvark-Vanheim (octobre 1991)


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13. WILDE, PERSONNAGE THEATRAL

The importance of being Oscar Micheál Mac Liammóir L’acteur anglais (irlandais de cœur), Micheál Mac Liammóir est fameux pour avoir donné une longue série de réprésentations d’un one-man show intitulé “The importance of being Oscar”, basé sur la vie et l’oeuvre d’Oscar Wilde. Le texte comporte des extraits du Portrait de Dorian Gray, de L’Importance d’être Constant, de De profundis et de La Ballade de la geôle de Reading. La création du spectacle eut lieu au Gate Theatre de Dublin, sous la direction de Hilton Edwards, en 1960. La même année, il fut transféré à l’Apollo Theatre de Londres.


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Quand le scénario fut publié chez Dolmen Press, en 1963, la critique unanime loua un texte « incroyablement habile, et un hommage mémorable d’un artiste irlandais à un autre ».

MacLiammoir allait rencontrer le succès partout avec son spectacle pendant les quinze années suivantes. - 1961 – Royal Court Theatre, Londres – Gaiety Theatre, Dublin – Lyceum Theatre, New York – Tournée aux Etats-Unis – Festival de Paris – Dans une mise en scène de Hilton Edwards. -


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- 1962 – Dublin Festival - 1963 – Aldwych Theatre, Londres

- 1964 – Queen’s Theatre, Londres – Tournée en Autriche et en Nouvelle-Zélande.

- 1966 – Theatre Royal Haymarket, Londres - 1967 – Ashcroft Theatre, Croydon


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En 1970, un enregistrement en deux parties du spectacle est produit par CBS Classics. Il sera télévisé en Irlande par RTÉ, en 1964, le jour de Saint Patrick.


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Le one-man show sera repris par la suite par d’autres comédiens : - 1994 - Frank Kearney, à l’Old Fire Station Theatre, Oxford - 1995 - Brian Hemmingsen, Street Playhouse, Washington

- 1997 – Simon Callow (mise en scène Patrick Garland) à Belfast et à Dublin (Trinity College), puis à Londres, au Savoy Theatre.


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En 2014, le spectacle a été repris à Worthing, par Ross Muir, sous la direction de Mitch Jenkins, et à Newbridge, Irlande, à l’Original Theatre, par Alastair Whatley.

Détails du scénario :


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Miche谩l Mac Liamm贸ir


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14 – Échos du Festival “Wilde Days in Paris” Le Festival “Wilde Days in Paris”, conçu et organisé par la Société Oscar Wilde, et par son président David Charles Rose, s’est déroulé, essentiellement au Centre Culturel Irlandais, du 11 au 19 juin 2014.

Il avait commencé avec le vernissage de l’exposition “Wilde Art”, le 25 mai 2014, avec des œuvres de Neil Bartlett, Patrick Chambon, Ailbhe Greany, Maggi Hambling, Seamus Harahan, Brian O’Doherty, etc…

Patrick Chambon – “Histoire de l’Art”


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Ailbhe Greany - Light beautiful 46 Westland Row

Maggi Hambling – Maquette de la sculpture d’Oscar Wilde à Londres


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Les 6 et 7 juin, deux soirées théâtrales au Centre Culturel Irlandais, avec Hélène Laurca et Laurent Thémans dans “Le Mariage est aussi nocif que les cigarettes et tellement plus cher”, et Christophe Truchi dans “De Profundis” (dans la chapelle du CCI)

Le 9 juin, en préambule à l’ouverture du festival, Dominique Vibrac avait organisé une soirée autour de Wilde au Petit Moulin, avec l’intervention de comédiens.

David Rose, Danielle Guérin-Rose, Dominique Vibrac


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La comédienne Jeanine Milange

Olivier Bruaux, lisant Wilde

Le 11 juin matin, séminaire à la Sorbonne – amphi Descartes – autour de L’Importance d’être Constant avec les professeurs Sos Eltis (Oxford), Peter Raby (Cambridge), Michael Patrick Gillespie (Florida International), Emily Eells (Paris X Nanterre).

L’après-midi, forum libre, puis ouverture officielle du colloque avec Daniel Salvatore Schiffer avec un brilliant discours.


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Daniel Salvatore Schiffer

Les 12 et 13 juin, conférences en anglais, au Centre Culturel Irlandais.

Tine Englebert

Michael Patrick Gillespie

Le jeudi 13 juin, à 19H30, Sir David Hare (The Judas Kiss,The Hours…) donnait une conférence sur Oscar Wilde à la Bibliothèque Américaine, en collaboration avec la Société Oscar Wilde. Le même soir, diner des conférenciers au Bouillon Racine.


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Le samedi 14, visite au musée Gustave Moreau et conférences en français.

Pascal Aquien

Lou Ferreira

Vendredi 13 et Samedi 14 juin, deux soirées théâtrales avec le comédien anglais Leslie Clack (More lives than one) et la jeune troupe des

Framboisiers

dans

L’Importance d’être Constant.

une

version

musicale

échevelée

de


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Dimanche 15 juin. Matinée au Père Lachaise avec lecture de textes de Wilde par des comédiens.

Charles di Meglio lisant quatre lettres d’Oscar Wilde

Allocution de David Charles Rose, president de la Société Oscar Wilde

Dimanche 15, rendez-vous à l’Hôtel, pour une conférence de Dominique Vibrac : “Les amours passionnées d’Oscar Wilde”, avec lectures par des comédiens.


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Dominique Vibrac

Lectures à L’Hôtel

Lundi 16 juin, soirée au restaurant La Fresque (rue Rambuteau), organisée par Dominique Vibrac.


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Philippe Rambeau lit “Le Géant Égoïste”

Philippe Chemin sur “Wilde et son gardien”

Les “Wilde Days in Paris” se sont terminés le mardi 17 juin à l’Entrepôt par une soirée des Rendez-vous littéraires d’Ariane Charton et Lauren Malka, qui avaient invité Lou Ferreira à nous parler de “la philosophie d’Oscar Wilde”.


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Ariane Charton et Lou Ferreira

L’assistance à l’Entrepôt

En outre, rappelons que le Musée des Lettres et des Manuscrits a accepté, sur la demande de la Société Oscar Wilde, de consacrer une de ses vitrines à Oscar Wilde. Vous pouvez aller la visiter tout l’été.


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Le Prince Heureux

Le Portrait de Dorian Gray


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15. Poèmes The Real Death of Oscar Wilde de Gabriel Rosenstock The carnation withers, And the prison bars of life dissolve, The soft countenance of an Angel… Citizens of Paris pass Like figures in a painting. In Reading Gaol another number is given out. Mighty the figures created by man More plentiful than all the tears of the River Seine. Traduit du Gaëlique par Noel Griffin

Bás Mar a Tharla

Né en 1949, Gabriel Rosenstock est un écrivain qui travaille essentiellement en langue irlandaise. Poète et traducteur, il réside à Dublin


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16. CINÉMA, CD, DVD Cinéma Des nouvelles du « Salomé » de Pacino, cette arlésienne du cinéma, réalisé en 2011, qu’on annonce toujours et qu’on ne voit jamais. Il faudrait écrire des Salomé, d’ailleurs, car ce sont deux films qui seront présentés à Londres, au BFI (British film Institute) le 21 septembre

prochain :

Salomé

et

Wilde

Salomé

(produits

respectivement par Barry Navidi et par Robert Fox).

Invité par Stephen Fry, Pacino viendra présenter ces deux films, dans une session de Q&A (Questions and answers), qui sera


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retransmis via satellite dans les cinémas d’Angleterre et d’Irlande (rien de prévu pour la France, hélas) Salome, qui met en scène Pacino et Jessica Chastain, est une version filmée de la pièce, tandis que Wilde Salome se présente comme un documentaire mettant en images les défis relevés par Pacino quand il a monté son spectacle. Le même évènement (sans Stephen Fry) avait eu lieu le 10 août 2013 à l’Egyptian Theatre de Los Angeles.

Hérode (Al Pacino) – Salomé (Jessica Chastaing) http://www.cineworld.co.uk/whatson/salome-and-wilde-salome-live-q-and-awith-al-pacino

DVD On peut maintenant se procurer le spectacle de Philippe Honoré, « L’Importance d’être Wilde » en vidéo.


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Dans une mise en scène de Philippe Person, la pièce est brillamment interprétée par Anne Priol, Emmanuel Barrouyer et Pascal Thoreau. DVD

PAL •

EAN : 9782296567511 • 2012 • 68' • captation

théâtrale • 15 €

* Également disponible en video : « L’Importance d’être sérieux », dans une traduction de Jean-Marie Besset et une mise en scène de Gilbert Désveaux.


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Avec Claude Aufaure, Mathieu Bisson, Mathilde Bisson, Arnaud Denis, etc… La pièce avait été créée au théâtre de Montpellier avant d’émigrer au TOP de Boulogne Billancourt, puis, en raison de son succès au Théâtre Montparnasse, en juillet 2013.


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17. WWW.OSCHOLARS.COM www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle. Le rédacteur en chef en était David Charles Rose (Université d’Oxford).

Depuis 2012, les

membres du groupe sont indépendants. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose et son équipe de rédacteurs, consacré à Wilde et à ses cercles, il compte plusieurs mille lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre

2006

à

décembre

www.irishdiaspora.net.

2007

sont

abrités

par

le

site

Vous y découvrirez une variété d’articles,

de nouvelles et de critiques : bibliographies, chronologies, liens etc. L’appendice ‘LIBRARY’ contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Le numéro 51 : Mars 2010 est en ligne ; mais on peut trouver sur le site plusieurs feuilletons mensuels. Depuis automne 2012, THE OSCHOLARS apparaît chez http://oscholars-oscholars.com/ THE

EIGHTH

LAMP :

Ruskin

studies

to-day

rédactrices

Anuradha Chatterjee (Xi’an Jiaotong University, China) et Laurence Roussillon-Constanty (University of Toulouse). Désormais (janvier 2012), THE EIGHTH LAMP apparaît chez http://issuu.com/theeighthlamp . No. 8 est en ligne.


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THE LATCHKEY est consacré à ‘The New Woman’. Les rédactrices sont Petra Dierkes-Thrun (Stanford University), Sharon Bickle (University of Queensland) et Joellen Masters (Boston University). Le numéro le plus récent en ligne est daté de Summer 2013. MELMOTH était un bulletin consacré à la littérature victorienne gothique, décadente et sensationnelle. La rédactrice était Sondeep Kandola, Université de Liverpool John Moores. Le numéro 3 est en ligne, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. MOORINGS est consacré au monde de George Moore, écrivain irlandais, bien lié avec beaucoup de gens du fin de siècle, soit à Londres, soit à Paris.

Le numéro 3, été 2008, est en ligne.

Actuellement, on trouvera sa nouvelle version ici. RAVENNA effectue une exploration des liens anglo-italiens à la fin de siècle. Les rédacteurs sont Elisa Bizzotto (Université de Venise) et Luca Caddia (University of Rome ‘La Sapienza’). Le numéro 3 en ligne est celui de fin mai 2010, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues.

Shavings est un bulletin consacré à George Bernard Shaw. Le numéro 28 (juin 2008) est en ligne ; désormais on le trouvera dans les pages de UpSTAGE.


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The Sibyl

(commencé au printemps 2007) explore le monde de

Vernon Lee, écrivaine anglaise, née le 14 octobre 1856 au Château St Léonard, à Boulogne sur Mer; décédée à Florence, le 13 février 1935. La rédactrice est Sophie Geoffroy (Université de La Réunion). Le

numéro

4

(hiver

2008/printemps

2009)

est

en

ligne.

Actuellement, on le reprend ici. UpSTAGE est consacré au théâtre du fin de siècle, rédactrice Michelle Paull (St Mary’s University College, Twickenham).

Le

numéro 5 est en ligne. VISIONS (deux ou trois fois par an) est consacré aux arts visuels de la fin de siècle. Les rédactrices associées sont Anne Anderson (University of Exeter), Isa Bickmann, Tricia Cusack (University of Birmingham), Síghle Bhreathnach-Lynch (anciennement National Gallery

of

Ireland),

Charlotte

Ribeyrol

(Université

de

Paris–

Sorbonne) et Sarah Turner (University of York). Le numéro 8 est en ligne, mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. www.oscholars.com

est/était

édité

par

Steven

Rivendale Press, spécialiste de la fin-de-siècle.

Halliwell,

The


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18. Signé Oscar Wilde « - Ta vie a été mauvaise, et avec le mal tu as payé le bien et avec l’imposture la bonté (…) Vraiment, je devrais t’envoyer en enfer. C’est en enfer que je dois t’envoyer. Et l’homme s’écria : - Tu ne le peux pas ! Et Dieu dit à l’homme : - Pourquoi ne puis-je t’envoyer en enfer et pour quelle raison ? - Parce que j’ai toujours vécu en enfer, répondit l’homme Et le silence régna dans la Maison du Jugement. » (La Maison du Jugement – Poèmes en prose)

« Thy life hath been evil, and the Beauty I have shown thou hast sought for, and the Good I have hidden thou didst pass by (…) Surely, I will send thee into Hell. Even into Hell will I send thee. And the Man cried out, « Thou canst not » And God said to the Man, « Wherefore can I not send thee to Hell, and for what reason ? » « Because in Hell have I always lived, » answer the Man. And there was silence in the House of Judgement. (The House of Jugment – Poems in Prose)


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