Pulsations octobre-décembre 2020

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Oc tob re

-D éce mb re

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Pulsations

Mieux-vivre

Prendre soin de son dos

DOSSIER Cancer du sein

Moins de chimiothérapie

Dépression

Des clés pour s’en sortir


URGENCES TROIS-CHÊNE, UN ACCUEIL RAPIDE ET EXCLUSIF AUX PERSONNES DE 75 ANS ET PLUS Pour les urgences non vitales et non chirurgicales Ouvert tous les jours de 8h à 19h

Hôpital des Trois-Chêne Chemin du Pont-Bochet 3 1226 Thônex Accueil d’urgence : 022 305 60 60


Pulsations Octobre - Décembre 2020

Sommaire Actualité 04 Accompagner les familles d’enfants malades 06 Insuffisance cardiaque sévère 08 Les mécanismes de l’addiction

24 L’invité Pr Henri Bounameaux, président de l’Académie suisse des sciences médicales

36 Le portrait Pr Hans Wolff :

26 Cancer du sein Moins de chimiothérapie

39 Vrai/Faux Les protéines

« J’ai foi en l’humain »

40 Santé personnalisée Faciliter la recherche médicale 42 Mieux-vivre Bouger contre le mal de dos

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10 Nouvelles armes contre la migraine 12 Rencontre Pre Pelagia Tsoutsou : la radiothérapie en pleine (r)évolution 22 L’organe La vessie

28 Témoignage Touché par le Covid-19 30 L’infographie Le système immunitaire 32 Reportage Le Laboratoire de physiologie respiratoire

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14 DOSSIER DÉPRESSION

Des clés pour s’en sortir

44 Junior La maladie d’Alzheimer 46 Brèves 48 Livres & Web Pour en savoir plus

IMPRESSUM Editeur Bertrand Levrat, Hôpitaux universitaires de Genève, Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4, CH-1211 Genève 14, www.hug.ch Réalisation Bertrand Kiefer, Michael Balavoine, Planète Santé / Médecine et Hygiène, www.planetesante.ch Responsable de publication Agnès Reffet Rédactrice en chef Suzy Soumaille Edition Joanna Szymanski, Giuseppe Costa Maquette et mise en page Jennifer Freuler, Bogsch & Bacco Publicité Michaela Kirschner, pub@medhyg.ch Abonnements Version électronique : gratuit, www.hug.ch/pulsationsmagazine. Version papier : gratuit, Tél. 022 702 93 11, www.pulsations.swiss Fiche technique Tirage : 41’000 exemplaires, 4 fois par an. Référence 441696 — La reproduction totale ou partielle des articles contenus dans Pulsations est autorisée, libre de droits, avec mention obligatoire de la source. Crédits couverture: istockphoto, Science Photo Library, Carolina Pimenta Crédits sommaire : istockphoto, Fred Merz | Lundi 13, Nicolas Righetti | Lundi 13

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100% écologique 100% locale

Fait ici, pour ici, avec moi.

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Projet d’un étang dans les bois d’Onex, financé par le Fonds Vitale Environnement de SIG.

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Pulsations

Stopper la spirale dépressive

se transforme en souffrance chronique.

Octobre - Décembre 2020

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E d i t o r i a l

C’est un naufrage intime, encore sous-estimé, qui fait pourtant beaucoup de victimes et engendre chez elles honte et culpabilité. La marée noire de la dépression envahit les moindres recoins de la pensée et du corps, parfois jusqu’à étouffer le désir de vivre. Ralentie par la fatigue et la perte d’énergie, la personne n’a plus le goût des Suzy Soumaille choses. Sa capacité à Rédactrice en chef ressentir et anticiper le plaisir est au point mort, Sans oublier l’apprentissage de comtandis que l’auto-dévalorisation, la pétences pour mieux gérer les aléas tristesse intense et la perte d’espoir de la vie et identifier les signes précominent son humeur. ces de la rechute. Certaines méthodes de gestion du stress, comme la méditaEt, comme si cela ne suffisait pas, tion de pleine conscience, contribuent cette maladie psychique fréquente a à tenir à distance les émotions négaune forte tendance à resurgir. Tomber, tives et évitent la réactivation de la se relever, puis tomber à nouveau. spirale dépressive.  De rechute en rechute, la dépression

Photo John Elbing

Limiter le risque de récidive est heureusement possible, expliquent les expert·es interrogé·es dans cette édition. Plusieurs mesures ont largement apporté leurs preuves. La première consiste, pour la personne ou son entourage, à reconnaître tôt les signes d’une dépression et à demander de l’aide pour initier une prise en charge adaptée. Ensuite, poursuivre son traitement jusqu’à guérison complète, même quand on se sent mieux, est indispensable pour consolider les progrès.


Pulsations

Photo Julien Gregorio Par Clémentine Fitaire

Octobre - Décembre 2020

A c t u a l i t é

Accompagner les familles avec un enfant gravement malade

Non-dits, culpabilité, sentiment d’impuissance, divorce… les proches d’un enfant malade payent parfois un lourd tribut. Pour aider les familles, un programme de soutien psycho-  ­logique transgénérationnel a été mis en place au sein de l’Unité d’oncohématologie pédiatrique des HUG. 4


Actualité

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Pour Pierre* et Anna*, parents de Léo*, 10 ans, hospitalisé pour un sarcome d’Ewing, la rencontre avec les thérapeutes a permis d’aborder plusieurs aspects. Comment trouver un équilibre familial et conjugal ? Comment vivre au jour le jour avec la maladie ? Ou encore, comment gérer ses propres émotions face à son enfant ? « Ces séances nous ont aidés à différents niveaux, en particulier sur la perception de la maladie et la gestion du stress par notre fils. Il comprend parfois bien plus que ce qu’il exprime et souvent pour nous préserver. »

la compréhension et la communication au sein de la famille. « Nous nous sommes sentis reconnus dans notre chagrin, mais aussi dans nos forces, confient Marie* et Didier*, grands-parents de Léo. Nous avons réalisé que nous pouvions être complémentaires. » Une fratrie très éprouvée

On les oublie souvent, mais les frères et sœurs sont embarqués de plein fouet dans l’épreuve de la maladie, endossant parfois de lourdes responsabilités. « Ils s’occupent du malade, consolent les parents, voient des choses difficiles, malgré leur très jeune âge », explique le Pr Ansari. Une souffrance à laquelle peut s’ajouter paradoxalement un sentiment de jalousie, croissant à mesure que la famille et les médecins se focalisent sur la personne malade. « Le risque, si les choses ne sont pas exprimées, est qu’elles ressortent quelques années plus tard, avec d’importantes répercussions psychoaffectives ou des symptômes anxiodépressifs », ajoute le Dr Itty. D’où l’importance de se libérer tôt de certaines colères, d’exprimer ses rancœurs et de mettre des mots sur ce qui fait mal. « Nous voulons les aider à se libérer du poids de la maladie de leur fratrie, explique la Dre Ivaine Droz-dit-Busset. L’enfant bien portant mais aussi l’enfant malade, pourront alors grandir au mieux, sans porter une trop lourde culpabilité. » 

Un soutien de la Fondation Children Action Le programme de soutien aux familles d’enfants suivis en onco-hématologie a débuté en novembre 2019. Ce projet pilote est financé intégralement par la fondation Children Action, qui œuvre pour répondre aux besoins des enfants. Le Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des HUG met un local de consultation à disposition des Drs Santosh Itty et Ivaine Droz-dit-Busset, formé·es aux problématiques de la thérapie familiale en oncologie.

Les parents ne sont cependant pas les seuls bénéficiaires du programme. Frères, sœurs, oncles, tantes ou grands-parents sont aussi invité·es à y participer. « C’est le modèle du fameux pendule de Calder : si un élément bouge, les autres bougeront aussi, illustre le Dr Itty. La maladie d’un enfant implique un bouleversement de l’équilibre parental et conjugal, mais peut aussi mettre en tension la relation des parents avec leurs propres parents ou avec les frères et sœurs. » La thérapie peut ainsi favoriser * Prénoms d’emprunt.

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Octobre - Décembre 2020

a prise en charge d’un enfant malade ou hospitalisé est pensée de façon globale, en anticipation de ses besoins, mais aussi en incluant ses proches. « Ce soutien parallèle met la famille dans des conditions plus favorables pour avancer dans la prise en charge », confie le Pr Marc Ansari, responsable de l’Unité d’onco-hématologie pédiatrique, à l’origine de ce programme pilote. Une matinée par semaine, le Dr Santosh Itty s’associe à la Dre Ivaine Droz-dit-Busset, les deux pédopsychiatres et thérapeutes de famille systémique, pour rencontrer les familles. Une thérapie de liaison qui s’adapte à la particularité de la situation et fait le trait d’union avec les oncologues et les pédopsychiatres qui travaillent surtout avec l’enfant malade. « Nous aidons les proches à trouver des ressources pour avancer, sans les confronter à ce qui ne va pas, explique le Dr Itty. Chacun.e peut poser des questions, mettre des mots sur ce qu’il ou elle est en train de vivre, identifier ses forces et ses faiblesses, mais aussi reformuler un ressenti ou une situation. »


Pulsations

Illustration Benjamin Schulte Par Lætitia Grimaldi

Octobre - Décembre 2020

A c t u a l i t é

Faire face à l’insuffisance cardiaque sévère Parce qu’une greffe cardiaque n’est pas toujours possible à temps, un dispositif existe pour pallier l’insuffisance cardiaque sévère : le LVAD (dispositif d’assistance ventriculaire gauche). Le Service de chirurgie cardiovasculaire des HUG en a réalisé la 100e implantation de Suisse.

S

on nom est énigmatique au premier abord, et pourtant le LVAD (Left Ventricular Assist Device ou dispositif d’assistance ventriculaire gauche) joue un rôle très concret, celui de compenser les défaillances de la partie gauche du cœur. Chargée d’expulser le sang « neuf » en direction des organes, celle-ci peut dysfonctionner pour de multiples raisons. Parmi elles : une pathologie des artères coronaires, des valves cardiaques ou du cœur lui-même.

cardiaque et le LVAD. La première est généralement le traitement de choix. Mais les critères pour en bénéficier sont nombreux et la pénurie d’organes criante. « Nous ne parviendrons sans doute jamais à un équilibre, déplore le chirurgien. Le pool de patients en attente d’un cœur ne cesse de croître, mais le nombre de donneurs n’augmente pas, ou pas assez. » Envisagé à vie

D’où l’importance du LVAD, et notamment de son modèle actuel : le Heart Mate 3, celui-là même qui a été implanté par le Pr Huber et son équipe en octobre 2019 au 100e patient de Suisse (lire encadré). Arrivés sur le marché dans les années 1990, ses précurseurs ont amorcé une révolution dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, avant d’évoluer considérablement au fil du temps. « Nous sommes partis d’un modèle qui faisait la taille d’un placard et condamnait les patients à rester hospitalisés, à une version miniaturisée, plus sûre, permettant une implantation dans la cage thoracique et une vie à domicile. » Autrefois proposé uniquement en attente d’une greffe, le LVAD peut aujourd’hui être envisagé à vie. Mais des progrès restent à faire. « Son talon d’Achille réside dans le système d’alimentation, qui se fait par batterie externe, engendrant de nombreuses contraintes, un risque d’infection et une vigilance de tous les instants, explique le spécialiste. La véritable révolution passera notamment par une alimentation transcutanée. » Et de conclure : « Au vu du chemin parcouru et des progrès techniques en cours, tous les espoirs sont permis. » 

Deux options

« Heureusement, dans la majorité des cas, l’insuffisance cardiaque se traite relativement bien, grâce à une série de mesures allant, selon les besoins, d’un ajustement de l’hygiène de vie à l’intervention chirur­ gicale ciblée sur la cause du problème, en passant par des traitements médica­ menteux », explique le Pr Christoph Huber, médecin-­chef du Service de chirurgie cardio-vasculaire. Mais lorsqu’elle évolue vers une forme sévère (on parle de stade 4), seules deux options subsistent : la greffe 6


Actualité La pompe se place sur la pointe du cœur pour aller chercher le sang et le repousser plus loin.

« Cette machine, je l’ai haïe… puis aimée » Greffé du cœur depuis peu, Jacques, 70 ans et de l’énergie à revendre, a été le 100e patient implanté à l’aide d’un LVAD en Suisse. L’intervention a été réalisée par l'équipe du Pr Christoph Huber aux HUG. Durant sept mois, le dispositif a accompagné Jacques chaque seconde de sa vie, le préservant plus encore qu’il ne l’imaginait.

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1 Heartmate 3TM LVAD Connecté au côté gauche du coeur, il propulse le sang dans le corps.

2 Câble interne Relie le LVAD au système de contrôle.

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3 Système de contrôle Active et contrôle le LVAD. Inclus la batterie de secours.

4 Batteries Jusqu'à 17 heures d'autonomie.

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5 Batterie mobile A brancher sur une source extérieure.

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« La décision a été difficile à prendre, parce qu’il n’y avait pas de retour en arrière possible. En disant oui au LVAD, j’acceptais que mon cœur soit percé pour la pose d’une pompe reliée à un câble ressortant de mon abdomen, que des batteries me maintiennent en vie la journée et que je me branche au secteur la nuit, que je surveille mon alimentation, que je dose chacun de mes gestes pour éviter tout risque de chute du boîtier. Un incident qui aurait pu être fatal tant pour lui que pour moi. Alors, cette machine, je l’ai haïe… puis aimée, quand j’ai compris, à l’issue d’une série d’examens des mois plus tard, que sans elle mes organes n’auraient probablement pas tenu jusqu’à cet appel, une nuit, m’annonçant qu’un nouveau cœur m’attendait. »

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Pulsations

Par Elisabeth Gordon

Octobre - Décembre 2020

A c t u a l i t é

Les mécanismes de l’addiction révélés

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NAc Noyau Accumbens VTA Aire tegmentale ventrale Dopamine

Pourquoi certaines personnes deviennent-elles accros aux drogues dures et d’autres pas ? Le Pr Christian Lüscher a élucidé, chez des souris, les processus cérébraux menant à l’addiction. Il vient de recevoir le prix Naegeli pour la recherche médicale, pour l’ensemble de ses travaux.

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Actualité

Q

ue se passe-t-il dans notre cerveau quand nous consommons de la cocaïne, de l’héroïne, de l’alcool ou du tabac ? Cela fait vingt ans que Christian Lüscher, professeur au Département des neurosciences fondamentales de l’Université de Genève et neurologue aux HUG, s’intéresse à la question. Ses nombreuses découvertes dans ce domaine lui ont valu de recevoir récemment le prix Naegeli pour la recherche médicale, l’un des plus prestigieux en Suisse dans cette discipline.

Au commencement du processus conduisant à l’addiction se trouve la dopamine. On savait que la consommation d’une drogue augmente la concentration de ce neurotransmetteur dans le centre de la récompense. Toutefois, il restait à identifier « les traces qu’elle laisse dans le cerveau bien après que la substance ait été éliminée de l’organisme », précise Christian Lüscher. Son équipe a identifié les mécanismes cellulaires qui sous-tendent l’augmentation de la concentration de dopamine. À cette occasion, elle a découvert que les substances addictives, loin de tuer les neurones comme on le pensait auparavant, modifient en fait la manière dont ils communiquent

Crédit : istockphoto

Un interrupteur de l’addiction

Récemment, le chercheur s’est attaqué à une autre question. « Comment expliquer que seule une fraction des consommateurs de substances – 25 à 30% pour la cocaïne

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En travaillant avec des souris, le neuroscientifique et ses collègues ont trouvé, dans le cortex orbito-frontal, un circuit de neurones important pour la prise de décision. Une sorte d’interrupteur de l’addiction. « Lorsqu’on renforce artificiellement la connectivité des neurones dans cette zone, on rend l’animal compulsif. Et si, au contraire, on la diminue, il cesse de l’être. » Ces recherches pourraient avoir des implications cliniques. Certes, elles ne sont pas directement applicables à l’être humain, car elles font intervenir le génie génétique. Toutefois, « maintenant que l’on connaît les mécanismes impliqués dans l’addiction, on pourrait tenter de leur faire faire marche arrière à l’aide de la stimulation cérébrale profonde (lire encadré) ou de produits pharmacologiques, dont certains sont déjà utilisés en oncologie », explique le chercheur. Tout en soulignant qu’il s’agit là « d’un travail de longue haleine ». 

Utiliser de l’électricité ? Pour mettre fin à l’addiction, une piste serait d’avoir recours à la stimulation cérébrale profonde. Elle consiste à activer des structures situées à l’intérieur du cerveau à l’aide d’impulsions électriques à haute fréquence, délivrées par des électrodes. Cette technique a déjà fait ses preuves dans le traitement de la maladie de Parkinson mais, « dans sa forme actuelle, elle est encore trop imprécise pour cibler les circuits neuronaux impliqués dans l’addiction », constate le Pr Christian Lüscher, neurologue aux HUG. Tout espoir n’est pas perdu, car son équipe cherche à développer de nouveaux moyens pour pouvoir l’utiliser à cette fin.

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Une distinction amplement méritée, tant le professeur genevois a démenti d’idées reçues en matière d’addiction. On pensait notamment que celle-ci entraînait une perte de fonctions. Au contraire, répond-il, « il s’agit d’un gain. Chez certaines personnes, le centre cérébral de la récompense est beaucoup trop stimulé par l’usage de la substance. C’est cela qui les pousse à une consommation excessive, en dépit des conséquences néfastes que ce comportement entraîne ».

par exemple – devient accro, alors que les autres peuvent en faire un usage récréatif sans jamais perdre le contrôle ? »


Pulsations

Illustration The Big Fat Boy

Des médicaments biologiques, commercialisés très récemment, ont bouleversé le traitement de cette maladie.

Par Elisabeth Gordon

Octobre - Décembre 2020

A c t u a l i t é

Les nouvelles   armes contre   la migraine

«P

endant les crises, je ressens une douleur insoutenable dans la tempe. C’est à se taper la tête contre les murs. » Comme Laeticia (lire encadré), plus d’une personne sur dix en Suisse souffre de migraine. Une maladie « invalidante qui se manifeste de façon intermittente », souligne le Pr Andreas Kleinschmidt, médecin-chef du Service de neurologie des HUG.

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Actualité

La migraine provoque périodiquement des crises qui se traduisent par une grande sensibilité à la lumière, des nausées et de sévères maux de tête. « Lorsqu’on est migraineux, c’est pour la vie », constate le neurologue. Toutefois, de nouveaux traitements permettent de soulager considérablement les personnes concernées. Un médicament spécifique

« La prise en charge de la migraine consiste d’abord à inciter les patients et les patientes à adopter une bonne hygiène de vie, précise le Pr Kleinschmidt. Il est aussi nécessaire d’identifier les facteurs déclencheurs (le stress, la météo, l’alimentation, etc.). »

A cela s’ajoute le traitement de fond, destiné à diminuer la fréquence et l’intensité des épisodes. « Jusqu’ici, constate le médecin, on utilisait des médicaments issus d’observations fortuites » – comme des antiépileptiques ou des antidépresseurs –, élaborés pour traiter d’autres maladies et qui se sont révélés bénéfiques contre la migraine. Mais tout a changé en 2018, avec la commercialisation du premier représentant d’une famille de médicaments spécifiquement destinés à la maladie : les anti-CGRP. Il s’agit d’anticorps monoclonaux (composants du système immunitaire produits en laboratoire). Ils bloquent l’activité d’une petite protéine, le CGRP, qui, lorsqu’elle est libérée en excès dans le cerveau, favorise la dilatation des vaisseaux des méninges et l’inflammation, à l’origine des migraines. Ces médicaments sont destinés aux personnes qui y sont fréquemment sujettes. Chez certaines d’entre elles, ils les font disparaître. Certes, ces remèdes sont très onéreux, mais ils évitent les nombreux arrêts de travail dus à la maladie qui, eux aussi, ont un coût important.

Un traitement non médicamenteux a également fait ses preuves : la stimulation électrique transcrânienne. Elle consiste à stimuler le nerf trijumeau (impliqué dans les douleurs migraineuses) à l’aide d’une électrode adhésive placée sur le front et connectée à un petit dispositif, le Cefaly ®. Comme les anti-CGRP, cette technique « a l’avantage de provoquer quasiment aucun effet secondaire, constate le Pr Kleinschmidt. C’est une alternative intéressante dont un bon nombre de patients profitent ». Les progrès ne s’arrêtent pas là. Deux nouvelles classes de médicaments oraux ont été récemment autorisées aux Etats-Unis et pourraient l’être prochainement en Suisse : les ditants, « des triptans modifiés qui ont moins d’effets secondaires que leurs homologues conventionnels », explique le neurologue, et des gepants, « qui agissent sur le même principe que les anti-CGRP ». De quoi étendre encore la panoplie des armes disponibles pour lutter contre ces douloureux maux de tête. 

« Résultat spectaculaire » Laeticia, une Genevoise de 44 ans, souffre de migraines depuis l’âge de 17 ans. « Mes crises sont devenues de plus en plus fréquentes, fortes et invalidantes. J’ai donc pris des triptans qui ont été très efficaces : ils coupaient la douleur au bout de quelques heures. Pendant mes deux premières grossesses, j’ai franchi un palier supérieur : les crises étaient plus rapprochées, plus douloureuses, et s’est alors imposée la nécessité d’avoir un traitement de fond. On m’a prescrit un antiépileptique et je me sentais mieux. Puis, l’année passée, j’ai reçu une injection mensuelle d’anti-CGRP. Le résultat a été spectaculaire : je n’avais plus qu’une crise par mois. J’ai dû arrêter le traitement, car j’étais à nouveau enceinte. Un mois plus tard, c’était la catastrophe. Je n’ai jamais eu autant de crises. Dès que j’aurais fini d’allaiter, je vais reprendre des anti-CGRP, car leur effet est miraculeux. »

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Ce n’est qu’ensuite qu’interviennent les médicaments. Pour couper la crise, on prescrit des antalgiques (paracétamol, aspirine, etc.). « Souvent, c’est efficace. Sinon, on recourt aux triptans, plus sélectifs. »

Une électrode sur le front


Pulsations

Par André Koller Photo François Wavre | lundi13

Octobre - Décembre 2020

R e n c o n t r e

La radiothérapie en pleine (r)évolution  Grâce aux avancées en oncologie, la radiothérapie s’affirme comme une arme indispensable de l’arsenal thérapeutique. En septembre 2019, la Pre Pelagia Tsoutsou a pris la tête du Service de radio-oncologie des HUG. Sensible à la dimension humaine des soins autant qu’à l’innovation, elle a apporté une vision à long terme sur plusieurs niveaux. En clinique, elle s’est concentrée sur la coordination des différents corps de métier. Effort indispensable, dit-elle, pour optimiser une prise en charge essentiellement pluridisciplinaire. À un autre échelon, elle s’efforce de parfaire l’intégration de son service au Département d’oncologie et au Centre des cancers. Et au-delà des HUG, elle a tissé un réseau latin d’expertises en sénologie, sa discipline de prédilection. Ses axes de recherche explorent l’intégration de la radio-oncologie à l’oncologie moderne et les nouveaux rôles de sa discipline. Pulsations Pouvez-vous définir simplement la radiothérapie ? Pre Pelagia Tsoutsou La radiothérapie utilise des rayons ionisants pour traiter les cancers, mais aussi quelques maladies bénignes. Elle repose sur un principe simple : les cellules malades sont davantage vulnérables aux rayons. Nous pouvons donc les éliminer tout en préservant les tissus sains.

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Quand est-elle indiquée ? De façon classique, pour un cancer sans métastases. Elle prépare, renforce, voire remplace une chirurgie lorsque celle-ci est impossible ou non désirable. Depuis quelques années, on l’utilise également dans le traitement de cancers métastatiques : l’irradiation ablative pourrait prolonger la survie des patients en synergie avec les chimiothérapies et l’immunothérapie. Une nouvelle voie dont je souhaite explorer le potentiel. La radio-oncologie suscite encore une crainte diffuse. Pourquoi ? Il y a une vingtaine d’années, on ne disposait pas de l’imagerie médicale nécessaire pour cibler les tumeurs avec précision. Et on ne pouvait ni délivrer finement les rayons, ni épargner les tissus sains. Cette époque est révolue. Aujourd’hui, les rayons sont délivrés avec toute la précision requise pour être efficaces et bien tolérés. Souvent en moins de séances. C’est une vraie révolution. Quelle était votre priorité en reprenant le Service de radio-oncologie ? La qualité de la prise en charge. Garantir un traitement optimal, en tenant compte des besoins humains des patients, tels que l’écoute. Médecins, physiciens, techniciens en radiologie médicale, infirmières spéciali-  sées, nutritionnistes, ainsi que notre équipe administrative : nous contribuons tous à cet objectif. Une coordination parfaite est essentielle, dans le but de consacrer toute notre énergie et notre intelligence


Rencontre

aux patients. Je suis heureuse de pouvoir compter sur des professionnels engagés et compétents. Quels sont les autres axes de votre vision ? Il est important de créer des collaborations romandes, voire nationales, dans le domaine de la recherche clinique. Ma spécialité – et ma passion – étant la sénologie, j’ai mis sur pied, en 2017, un réseau romand et tessinois dans cette discipline. L’idée est d’harmoniser les pratiques, d’échanger sur les cas difficiles et de partager les projets de recherche. On ne peut avancer qu’à travers les synergies et les collaborations.

Vous disposez d’un plateau technique assez unique en Suisse romande… Absolument. Nous proposons toute la palette des techniques radiothérapeutiques modernes. Si je reprends ma spécialité, la sénologie, nous réalisons des traitements peu disponibles ailleurs, comme la radiothérapie intra-opératoire et l’hyperthermie. Mais les appareils ne sont que des outils. L’essentiel, c’est l’expertise indispensable pour bien les utiliser. Celle de notre équipe, liée à notre mission universitaire, nous permet de mettre l’innovation à disposition de nos partenaires publics et privés et, surtout, de nos patients. 

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La recherche occupe donc une place importante ? Très importante. C’est à travers la recherche que l’on rend l’innovation accessible au patient. L’évolution de l’oncologie crée de nouveaux rôles pour la radiothérapie, comme son effet immunostimulant que nous souhaitons explorer davantage. Une radio-oncologie personnalisée, adaptée au profil biologique de la tumeur et du patient, est également une piste passionnante.


Par Elodie Lavigne Illustration Bogsch & Bacco

Octobre - Décembre 2020

D o s s i e r

Pulsations

Elle mal est l’u n a gra dies a e des n y de d imp ant le n a p de ombre ct en t lus v e sou ie perd d’anné rmes f Pou france ues et es r por minim engen de d t et p ée d’u iser la rée. n – im réveni e dép r r rech portan le risq ession t ue en c ute, un – de est harge e prise a ind ispe dapté e nsa ble .

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Dossier

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a tristesse et la perte de plaisir ne connaissent pas de frontière. La dépression, ou trouble dépressif unipolaire (lire plus loin), est une maladie universelle, dont on saisit encore mal l’origine et la physiopathologie. Son retentissement sur l’individu, en revanche, ne fait point de mystère. La dépression engendre une profonde souffrance psychique, à laquelle s’associent souvent des maux physiques et somatiques (on parle de comorbidités), avec un risque important de suicide. Pour la société aussi, le prix à payer est immense. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que d’ici 2030, la dépression devancera les maladies cardiovasculaires en termes de coûts occasionnés, qui se chiffrent en milliards.

Une personne sur cinq souffrira un jour de dépression. « Les femmes sont deux fois plus concernées », estime le Pr Jean-Michel Aubry, chef du Département de psychiatrie. Néanmoins, les hommes pourraient être plus nombreux, mais ils consultent moins. La dépression peut frapper à tout âge, à 15 comme à 30 ou 40 ans, voire au-delà. Elle résulte le plus souvent d’une vulnéra­ bilité individuelle, en partie génétique. Des traumatismes durant l’enfance (abus sexuels, physiques ou psychologiques, carence affective, deuils ou maladies précoces) creusent le terrain de la dépression. Le contexte de vie fera que cette vulnérabilité s’exprime, ou non.

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Une personne sur cinq souffrira un jour de dépression 15

Octobre N°2 - Avril - Décembre - Juin 2017 2020

Des c pou lés r s’en sor tir


Pulsations

Un événement de vie majeur ou l’existence de facteurs de stress chronique peuvent être des éléments déclencheurs. Toutefois, « on peut vivre des choses horribles sans pour autant souffrir de dépression. L’inverse étant aussi vrai », nuance la Dre Hélène Richard-Lepouriel, médecin adjointe responsable de l’Unité des troubles de l’humeur. Une dépression peut ainsi survenir dans un ciel bleu, entraînant alors une grande culpabilité, et une impuissance de l’entourage. La dépression est bien plus qu’un sentiment de découragement et de tristesse passagère. Elle est une maladie dont les manuels de classification diagnostique (DSM-5 et CIM10)* dessinent précisément les contours.

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Une abrasion des affects

Elle se caractérise par une tristesse indé­ pendante des circonstances extérieures, ainsi que par une perte d’intérêt et de plaisir pour des choses qui en procuraient avant (an­hédonie). Pour qu’un diagnostic de dépression soit posé, au moins cinq de ces critères doivent être réunis : perte d’énergie (asthénie), fatigue, agitation et /ou ralentissement psychomoteur, troubles de la concentration, baisse de l’estime de soi, sentiments de culpabilité et de dévalorisation, perte de l’appétit, de poids, troubles du sommeil, pensées de mort et idées suicidaires. « Des symptômes qui doivent être présents durant au moins deux semaines, avec une intensité telle qu’ils impactent le quotidien », explique la Dre Richard-Lepouriel. Qu’elle soit légère, modérée ou sévère, la dépression se vit comme une épreuve para­lysante, où le moindre geste demande un effort : « Il y a une forme de rigidité de la pensée, des émotions et du corps. L’humeur ne connaît pas de vagues. On est comme figés, gelés », décrit la psychiatre. Le rapport au temps n’est plus le même. « On n’a plus de refuge mental. Le présent est comme un temps suspendu, une sorte de gouffre. Le passé n’est plus que mauvais souvenirs et regrets, tandis que le futur ne permet aucune projection. »

Mary « J’étais loin d’imaginer ce qu’il vivait » Témoignage #1

« Mon fils de 18 ans prend des antidépresseurs depuis quelques mois. Il souffre d’une dépression légère et de phobie sociale avec attaques de panique. Un jour, alors qu’il avait 16 ans et demi, il m’a dit qu’il se sentait triste et qu’il n’avait pas envie d’aller à l’école. Je l’ai encouragé en lui disant qu’il avait une copine, de bonnes notes, en somme, que tout allait bien. Il a toujours eu ce côté un peu négatif, alors j’ai pensé que c’était juste une phase. J’étais loin d’imaginer ce qu’il vivait. Je lui ai conseillé de faire plus de sport et d’être moins sur

son portable. Je m’en veux beaucoup d’avoir minimisé. Grâce à un flyer des HUG que j’ai déposé à la maison, il a pris un premier rendez-vous, mais sans suite. Le temps est passé. Un jour, il s’est mis à pleurer et m’a dit qu’il voulait voir quelqu’un. Il consulte désormais régulièrement une psychologue aux HUG. Je vois qu’il souffre et qu’il essaie de faire des efforts. Ça me fait mal au cœur, je me sens impuissante. J’essaie de le soutenir et d’être là pour lui. Je lui propose parfois de sortir ou de voir ses copains, mais sans être dans l’injonction. »

Des hauts et des bas La dépression unipolaire se distingue du trouble bipolaire, qui se caractérise par une alternance entre des phases de dépression et d’hypomanie ou de manie. Au cours de ces dernières, l’enthousiasme et l’énergie sont débordants, la libido est forte, la personne fait preuve de beaucoup de créativité, de grande sociabilité et ne se sent jamais fatiguée. Mais cet état ne dure pas et fait place au gouffre de la dépression, avec les risques qui l’accompagnent. Ces comportements extrêmes peuvent être difficiles à supporter pour l’entourage qui souvent donne l’alerte. « Face à un patient qui présente des signes de dépression, il faut s’assurer qu’il n’y a pas eu par le passé des phases d’hypomanie, souligne la Dre Richard-Lepouriel, médecin adjointe responsable de l’Unité des troubles de l’humeur. Car ces deux maladies ne se soignent pas de la même façon. » Le trouble bipolaire touche 1,5 à 2 % de la population.

* Le DSM 5 (en anglais « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ») est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association Américaine de Psychiatrie. La CIM-10 est la classification internationale des maladies publiée par l’OMS.

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« La rechute amène la rechute »

« Les femmes sont deux fois plus concernées par la dépression »

Photo : Louis Brisset

Pr Jean-Michel AUBRY, chef du Département de psychiatrie

Quelles armes a-t-on à disposition aujour­ d’hui pour contrer la dépression ? Dans les formes légères, une psychothérapie seule avec un travail sur les fragilités personnelles et de la psychoéducation (compréhension de la maladie, mise en place de stratégies efficaces) est indiquée. Dans les formes modérées, on préconise un traitement antidépresseur accompagné a minima d’une thérapie de soutien avec le médecin qui prescrit le traitement et /ou une psycho­ thérapie, tandis qu’on associe forcément les deux dans les formes sévères. « Les médicaments permettent de remonter l’humeur à condition d’être pris plusieurs mois après la disparition des symptômes », souligne la Dre Richard-Lepouriel. Selon de récentes études, la luminothérapie pourrait potentialiser leurs effets. Heureusement, contre les dépressions résistantes, de nouvelles perspectives thérapeutiques se dessinent (lire en page 19). En matière de prévention, en revanche, « on n’est pas encore très bons », reconnaît la psychiatre. La recherche s’attelle néanmoins à mieux comprendre les facteurs de résilience biologiques et psychologiques. Pour l’heure, on sait que préserver sa santé psychique passe par une bonne hygiène de vie (activité physique, sommeil et rythme de vie réguliers, relations sociales de qualité, bonne gestion du stress). 

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Octobre - Décembre 2020

Pour couper court à la maladie et éviter le plus possible le passage à l’acte, il est primordial de demander de l’aide rapidement lorsqu’on va mal. « La phase d’installation de la dépression peut durer quelques semaines à quelques mois, relève néanmoins le Pr Aubry. Or, ce qu’on veut, c’est pouvoir mettre en place un traitement adéquat assez tôt pour minimiser le risque de récidive. » Celui-ci est particulièrement

important avec la dépression. Dans 10 à 20 % des cas, elle entraîne une vulnérabilité chronique, elle-même susceptible d’entraîner un nouvel épisode : « On est moins à l’aise dans les relations sociales, on prend moins de plaisir dans la vie et on est plus fatigués », décrit le Pr Aubry. Selon lui, il faut viser une rémission complète lors du premier épisode. Car à ce stade, le risque d’en faire un nouveau est de 50 %, de 70 % après un deuxième et de 90 % après un troisième.

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Dans les cas les plus sévères, la dépression provoque une forme d’anesthésie émotionnelle, une indifférence au monde et un repli sur soi. « Tout est souffrance », résume le Pr Aubry. Cette difficulté à être présent·e et connecté·e au réel génère souvent beaucoup de culpabilité, avec, à la longue, un risque de suicide… trente fois plus élevé que dans la population générale. « Selon certaines études, 10 à 15 % des personnes souffrant de dépression modérée à sévère meurent par suicide », déplore la Dre Richard-Lepouriel .

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Dossier


Pulsations

La mindfulness

Octobre - Décembre 2020

Anxiété et dépression : le couple infernal

Un outil de choix contre la récidive

L’anxiété n’est pas un critère diagnostique de la dépression, mais elle l’accompagne très souvent. En effet, la moitié des personnes dépressives présentent aussi un trouble anxieux. D’ailleurs, la présence d’anxiété au sens large (phobie sociale, trouble panique, etc.) peut précéder de dix ans une dépression. On sait également que le fait d’avoir un tempérament anxieux est un facteur de risque de rechute dépressive.

La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT) a fait ses preuves dans la prévention de la rechute dépressive, dont elle diminue le risque de moitié. Pratique ancestrale, la méditation (ou mindfulness) a été amenée aux HUG il y a une vingtaine d’années par le Pr Guido Bondolfi, chef du Service de psychiatrie de liaison. Ce programme de huit semaines s’adresse aux patient·es après la phase aiguë de leur dépression. L’un de ses objectifs est de pallier la vulnérabilité acquise avec le temps. Car plus les épisodes se répètent, plus l’humeur est instable et le risque de récidive grand, en l’absence même d’événements de vie majeurs : « Il en faut peu pour que les schémas de pensées automatiques se réactivent. La tentative de donner un sens à un sentiment de tristesse transitoire et sans raison apparente est un piège, qui nous emmène dans la spirale des ruminations. Si l’on réagit à une situation sur laquelle on n’a pas de prise, on augmente les couches de souffrance. Avec la méditation, on apprend à inhiber ces automatismes », déclare le Pr Bondolfi. « On essaie alors d’être présent à soi-même, de se recentrer, d’accepter les choses telles qu’elles sont, et de prendre conscience des mécanismes cognitifs de la dépression », poursuit Françoise Jermann, psychologue et psychothérapeute. Durant les séances, elle invite les participant·es à identifier les signes avant-coureurs et à connaître leur territoire personnel de la dépression. « Pour certains, c’est l’anxiété qui domine, pour d’autres, les troubles du sommeil ou une tendance à l’isolement. » Chacun·e est amené·e à élaborer ses propres solutions pour ne pas sombrer.

Malgré la fréquente coïncidence des deux troubles, on aurait tort de faire un amalgame. Alors que la dépression est associée à un sentiment de tristesse et de perte, l’anxiété est une réaction excessive face à une situation qui ne représente pas de réel danger. Pour le médecin, il est capital de bien différencier les deux pour pouvoir offrir une aide adéquate. Car l’anxiété peut très souvent cacher une dépression tandis que la dépression peut, par l’incapacité dans laquelle elle plonge l’individu, générer de l’anxiété. Les deux doivent être prises en charge.

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Dossier

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ép re ss io n

Nouveautés du côté des traitements Le champ de la dépression vit aujourd’hui une nouvelle ère thérapeutique, avec un espoir certain pour les cas de dépression résistante. « Les substances psychédéliques ouvrent des portes dans le cerveau qui sont normalement fermées, permettant aux patients de sortir de leur blocage et de redynamiser les psychothérapies », explique le Pr Daniele Zullino, médecin-chef du Service d’addictologie.

L’eskétamine Pour la première fois aux HUG, des patient·es ont été traité·es avec ce dérivé de la kétamine. Cette substance psychoactive, approuvée par différentes instances européennes, s’administre sous forme de spray nasal. « Ses effets sont rapides, mais en raison de ses possibles effets indésirables, elle nécessite une surveillance médicale étroite », prévient la Dre Richard-Lepouriel, responsable de l’Unité des troubles de l’humeur.

Le LSD

La psilocybine Cette substance active dans les champignons hallucinogènes a des effets similaires au LSD, mais en plus apaisants. Elle n’est pour l’heure employée que dans le cadre d’études cliniques aux HUG.

L’ecstasy

Photo : Louis Brisset

Elle a fait ses preuves dans le cadre de la dépression, la littérature scientifique est riche à ce sujet. « Nous sommes les premiers en Suisse à proposer ce traitement dans un cadre institutionnel », déclare le Pr Zullino. Le psychiatre tient à rappeler que les autoexpériences avec ces produits sont interdites et que leur utilisation dans un but thérapeutique est soumise à des autorisations exceptionnelles de l’OFSP.

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« Selon certaines études, 10 à 15 % des personnes souffrant de dépression modérée à sévère meurent par suicide » Dre Hélène RICHARD-LEPOURIEL, responsable de l'Unité des troubles de l'humeur

Octobre - Décembre 2020

Il est proposé aux patient·es souffrant de dépression existentielle (questionnements sur le sens de la vie) ou de troubles anxieux. Le traitement se fait selon un protocole très défini et encadré par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le récit de l’expérience psychédélique est enregistré le lendemain de la séance pour que la personne puisse avoir à nouveau accès à ces sensations nouvelles et s’en imprégner durablement. Le LSD ouvre le passage vers une perception plus positive de soi-même et du monde, qui fait défaut dans la dépression. « Ce traitement a montré d’excellents résultats chez les personnes souffrant de maladies invalidantes avec de fortes répercussions sur l’humeur », atteste la psychiatre.


Pulsations

Judith, 58 ans « J’ai vécu ma dépression comme une grande souffrance physique »

Octobre - Décembre 2020

Témoignage #2

« J’avais mal au cœur, au ventre, comme si j’avais reçu un coup de poing. J’étais complètement K.O. J’avais un sentiment d’échec, de confusion, de panique. J’avais tout le temps envie de pleurer, je n’arrivais plus à fonctionner. Aucun événement particulier ne m’a précipitée dans la dépression. C’est un état insupportable. Je passais des jours devant la télévision, sans voir personne, à vouloir rester en boule dans mon lit. J’ai suivi une psychothérapie, pris des antidépresseurs, puis on m’a proposé de faire de la méditation de pleine

conscience. Au début, je n’y croyais pas du tout. Mais j’étais rassurée de pouvoir essayer cette technique aux HUG. La mindfulness a assurément été une pierre sur le chemin de la guérison. Le fait qu’on me prenne par la main m’a beaucoup aidée. Durant plusieurs semaines, on doit aller à ces rendez-vous, on y retrouve des gens, on a des exercices à faire chez soi. On doit faire face au chaos. J’ai appris à dédramatiser, à cesser de culpabiliser, à essayer dans la bienveillance, même si j’avais l’impression de ne pas y arriver. »

Jean-Michel, 59 ans « Je ne savais plus quoi faire pour ne pas mourir » Témoignage #3

« Mes filles aînées m’ont rejeté, ce qui m’a précipité dans la dépression. Elles étaient le sens de ma vie. Tout s’est effondré. J’avais de la colère, de la tristesse, et même des idées noires. J’avais aussi eu une trajectoire de vie tourmentée : deux divorces, le décès de proches et surtout une carrière humanitaire au cours de laquelle je suis allé dans des zones de conflit. Ces missions ont laissé des traces, avec un syndrome de stress post-traumatique. Je ne me sens pas doué pour le bonheur. Les ennuis se sont enchaînés : j’ai hérité des entreprises familiales, une lourde tâche à gérer. Je n’arrivais plus à dormir, j’étais hyper angoissé. C’était trop

pour un seul homme. J’avais tendance à boire pour calmer mes angoisses. J’ai connu des creux très profonds. J’ai été suivi par une psychiatre en ville il y a quelques années. Puis on m’a référé aux HUG. Je ne savais plus quoi faire pour ne pas mourir. Les antidépresseurs m’ont permis de me détacher de ma souffrance et d’être moins submergé. La psychothérapie m’a aidé à comprendre mes choix et le temps, à panser mes plaies. J’ai pris part au programme de méditation de pleine conscience. Aujourd’hui, je vais mieux. Je dois encore apprendre à penser à moi et à me faire plaisir. »

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Une ou plusieurs dépressions ? La dépression masculine Sous-diagnostiquée, la forme masculine de la dépression peut, mais pas toujours, s’exprimer différemment, avec abus de substances, perte de contrôle, agressivité et hyperactivité par exemple.

La dépression saisonnière Elle est liée à la baisse de la luminosité du début de l’automne. En plus des symptômes typiques de la dépression, elle se manifeste par une appétence pour les aliments sucrés et une grande fatigue. 1 à 2 % de la population serait touchée par ce mal qui se soigne très bien grâce à la luminothérapie.

La dépression périnatale Elle survient durant la grossesse ou dans l’année qui suit la naissance de l’enfant, période de grands boule­ versements. 1 femme sur 8 et presque autant d’hommes sont touchés. Il est important de la reconnaître et de la traiter pour éviter les répercussions sur la mère et le bébé. Plus d’informations sur  www.hug.ch /depression-perinatale


Imprévisible et anxiogène, le Covid-19 peut, en plus des symptômes physiques, entraîner des difficultés psychologiques qu’il faut prendre en compte. Interview de la Dre Lamyae Benzakour, médecin adjointe responsable de la psychiatrie de liaison.

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Santé psychique au temps du Covid-19

ép re ss io n

Dossier

Photo : Louis Brisset

Face à un stress important, sommes-nous tous égaux ? Non. Il y a des facteurs de risque de dépression et de TSPT, d’où l’utilité des questionnaires que nous utilisons. Le terrain familial, les antécédents psy­chiatriques (anxiété, dépression, événements traumatiques), le manque de soutien, l’isolement, etc., en font partie. Pulsations Quel accompagnement psychologique est proposé aux malades du Covid-19 ? Dre Lamyae Benzakour L’équipe de la psychiatrie de liaison a mis en place un dépistage systématique de la souffrance psychique pour mettre en évidence les signes d’anxiété, de dépression, de détresse ou dissociation péri-traumatique, prédictifs d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). La prise en charge consiste quant à elle à traiter les symptômes à l’aide de techniques de psychothérapie ou de médicaments. Grâce aux entretiens et à la psychoéducation, nous rendons les patients attentifs à la nécessité de demander de l’aide si des symptômes tels que flash-back, cauchemars, insécurité, peur de la mort, d’être malade ou conduites d’évitement apparaissent.

Les chiffres sont aujourd'hui à la hausse et les mesures de protection sont renforcées. Comment vivre sereinement une telle période ? Pour réduire le risque de dépression, de troubles anxieux, de burn-out et de TSPT liés au contexte actuel d’incertitude, il est nécessaire d'encourager tout un chacun à renforcer ses propres ressources et de maintenir le soutien des personnes qui doivent, au quotidien, composer avec ces nouvelles contraintes sanitaires dans le cadre de leur travail. 

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Octobre - Décembre 2020

Qu’est-ce qui a été entrepris pour le personnel soignant ? Nous avons mis en place un dispositif de soutien aux collaborateurs baptisé « Covidpsy », avec des psychologues de proximité, une hotline et une permanence. À titre de bilan, on a proposé un questionnaire visant à objectiver la nécessité d’une prise en charge, l’inventaire des ressources et leur capacité à continuer de travailler. Le risque de développer un TSPT est réel en raison de l’exposition à un nombre inhabituel de décès, de l’aggravation imprévisible de l’état des patients, de la perte de repères professionnels, du registre de la maladie inconnue, de la peur d’être contaminé… Pour gérer les situations de stress, on a également offert des séances d’hypnose (« hypno-pauses »).


Pulsations

L’organe du système urinaire nous sert à stocker et à évacuer les urines. Si on l’oublie facilement quand tout va bien, il peut causer passablement de soucis logistiques et de détresse psychologique lorsqu’il dysfonctionne.

300-500

En millilitres, la quantité maximale d’urine que peut contenir une vessie.

Pr Christophe Iselin, médecin-chef du Service d’urologie des HUG

Par Geneviève Ruiz

Octobre - Décembre 2020

L ’ o r g a n e

Expert

LA Le réservoir des urines

Stockage et vidange de l’urine produite dans les reins : voici les deux fonctions de la vessie, organe de forme sphérique situé derrière le pubis. Ses parois sont constituées de musculature lisse, impossible à actionner volontairement. Lorsque la vessie se remplit, ses parois se distendent. Cette modification est transmise par des nerfs au cerveau, qui donne l’ordre d’uriner. L’urine est ensuite propulsée dans l’urètre, le canal de sortie de la vessie.

Des différences de genre

L’urètre diffère chez les hommes et les femmes : alors qu’il mesure plus de 15 cm chez les premiers, il ne fait que 3 cm chez les secondes. Pour le reste, la vessie est globalement similaire chez les deux sexes. C’est surtout le vieillissement des tissus qui les affecte différemment : avec l’augmentation du volume de la prostate, les hommes ont de plus en plus de peine à vider leur vessie. Chez les femmes, les séquelles d’accouchements traumatiques et les changements hormonaux de la ménopause peuvent entraîner un relâchement de la musculature pelvienne et urétrale, ainsi que de l’incontinence. 22


L’organe

La cystite

Infection urinaire la plus courante, la cystite affecte davantage les femmes en raison de leur urètre plus court : le trajet des bactéries extérieures pour arriver dans la vessie est plus rapide. Parmi les facteurs de risque de cette infection qui se traite avec des antibio-

tiques, on trouve les relations sexuelles, qui font augmenter le taux de bactéries dans les urines. On peut également citer une hygiène pas assez rigoureuse, avec la contamination du méat urinaire par des bactéries fécales. Pour finir, les cystites peuvent être plus fréquentes avec l’âge.

6

Un individu adulte en bonne santé urine en moyenne 4 à 6 fois dans la journée et de 0 à 1 fois durant la nuit.

25%

des femmes de plus de 75 ans ont des bactéries de façon permanente dans leur vessie, pas toujours associées à des symptômes.

500

Un cancer fréquent

Nombre de décès annuels du cancer de la vessie en Suisse.

Crédit : Science Photo Library

Le miroir de l’âme

Qui n’a jamais senti un besoin pressant d’uriner avant un examen ? Le fonctionnement de la vessie reflète les émotions. Certaines atteintes, comme l’énurésie nocturne (mictions durant le sommeil chez les enfants de plus de 5 ans ou les adultes) ou la vessie hyperactive (besoin incontrôlé d’uriner fréquemment, sans que la vessie n’ait atteint sa capacité maximale), ont souvent une composante psychologique. Gênées, les personnes tardent à consulter pour ce type de problèmes, qui peuvent significativement affecter leur qualité de vie. 23

Le cancer de la vessie fait partie des dix cancers les plus fréquents en Suisse. Il touche davantage les hommes (4 cancers de la vessie sur 5) et se développe à un âge moyen de 65 ans. Le tabagisme constitue l’un des principaux facteurs de risque. Le taux de survie à cinq ans, qui se situe aux alentours de 70%, dépend du stade tumoral au moment du diagnostic. Les traitements vont de l’intervention chirurgicale à la chimiothérapie ou la radiothérapie. Dans certains cas, on procède à une ablation. Deux solutions existent alors : soit l’urine est stockée dans une poche extérieure, soit la vessie est remplacée par un nouvel organe reconstitué à partir de tissus intestinaux.

Octobre - Décembre 2020

VESSIE


Par Lætitia Grimaldi Photo Hervé Annen

Octobre -Décembre 2020

L ’ i n v i t é

Pulsations

« Cette année, le monde s’est arrêté » Professeur honoraire et ancien doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Genève, le Pr Henri Bounameaux est le nouveau président de l’Académie suisse des sciences médicales. Un poste assumé avec une énergie et une détermination à la hauteur des défis actuels.

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L’invité

Qu’entendez-vous par là ? Le monde a toujours connu des pandémies et il en connaîtra encore. L’ampleur de celle du Covid-19 s’explique à la fois par le virus lui-même – sa forte contagiosité et le fait qu’il était

jusque-là absent dans l’espèce humaine – mais également par le monde dans lequel nous vivons. L’intensité des échanges abolit toute frontière pour des virus qui ont la possibilité de se répandre à une vitesse vertigineuse, en tout point de la planète. Or il n’est pas impossible que des virus plus virulents encore empruntent un jour cette voie. Certaines recommandations, sur les stocks de masques par exemple, étaient dans des tiroirs depuis des années… On peut espérer que la crise a cette fois été suffisamment sévère pour qu’on ne l’oublie pas. Quelles pistes de changement vous semblentelles prioritaires ? Elles sont évidemment multiples et nécessitent des expertises de toutes parts : scientifiques, médicales, sociologiques, éthiques. La Confédération a mis en place des groupes de travail spécifiques, faisant intervenir des membres de l’ASSM, comme la Pre Samia Hurst, directrice de l’Institut Histoire, éthique et humanités de la Faculté de médecine de Genève, pour les questions éthiques, ou le Pr Marcel Tanner, ancien directeur de l’Institut tropical et de santé publique de Bâle. Parmi les sujets : la prise en charge des personnes âgées en institution, notre dépendance vis-à-vis de ressources extérieures ou encore une réflexion sur la pertinence des mesures prises. Cette année, le monde s’est arrêté. Au vu des conséquences individuelles et collectives en 25

jeu, nous devons unir nos forces et nos connaissances pour que cela ne se reproduise plus. Croyez-vous également à la voie d’une meilleure collaboration internationale ? C’est indispensable. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été critiquée sur sa gestion de la crise, mais il ne faut pas oublier qu’elle est ni plus ni moins que le reflet des États qui la constituent. Or l’effort doit être collectif et tout aussi décloisonné que les virus eux-mêmes. Cela vaut sur la scène internationale comme au sein de chaque nation. Chloroquine, tests, vaccins : les polémiques ont été vives… La science ne réagit pas bien au phénomène d’accélération d’une société qui veut tout, tout de suite, et communique à l’infini. Elle ne peut apporter les réponses à des questions complexes en quelques secondes, jours ou semaines. Cette impossibilité ouvre la voie à des publications erronées, des conclusions frauduleuses, des personnalités qui, en se plaçant sur le devant de la scène, nuisent à une image sereine de la science. Or l’urgence est au contraire d’établir le lien de confiance dont nous avons plus que jamais besoin. 

Octobre -Décembre 2020

Vous avez pris vos fonctions de Président de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) le 1er mai dernier, en pleine crise sanitaire du COVID-19. Dans quel état d’esprit avez-vous entamé ce mandat ? Pr Henri Bounameaux Très vite, il a fallu concilier une situation d’urgence avec un besoin de sérénité pour avancer au mieux dans un flot d’informations ininterrompu et parfois insensé. En tant qu’institution engagée à l’interface entre le monde de la science et la société, l’ASSM a été mobilisée sur plusieurs fronts à la fois avec des degrés d’urgence divers. Dès le début de l’année, nous avons été mandatés par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour émettre des recommandations médico-éthiques à l’intention des établissements de soin en vue d’une distribution éthique et raisonnée des ressources médicales. Il s’agissait notamment d’aborder la question de l’accès aux soins intensifs afin d’éviter des choix arbitraires en cas de manque de lits pour traiter tous les patients. L’autre volet de notre action a été – et est toujours – que des leçons soient tirées de cet événement extrême, qui aurait pu être pire encore… Pulsations


Illustration Bogsch & Bacco

Cancer du sein : moins de chimiothérapie

Par Giuseppe Costa

Octobre - Décembre 2020

O n c o l o g i e

Pulsations

Grâce à la signature génomique de la tumeur, 40% des chimiothérapies sont aujourd’hui évitées. Du dépistage au suivi thérapeutique, le Centre du sein des HUG propose toutes les prestations dans le domaine du cancer du sein.

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A

ujourd’hui, le cancer du sein demeure celui qui touche le plus les femmes (6200 nouveaux cas en Suisse l’an dernier), mais la mortalité baisse régulièrement et la Suisse se place parmi les pays présentant le meilleur pronostic avec une survie de 85% à 5 ans. Les raisons ? « La généralisation du dépistage, une meilleure compréhension des cancers du sein et l’amélioration des traitements», répond le Dr Alexandre Bodmer, médecin adjoint, chef du Centre du sein. Une note positive concerne en particulier la chimiothérapie. « Grâce à la signature génomique de la tumeur, nous avons réduit de 40% les indications de chimiothérapie. Cela a pour conséquence la réduction des effets secondaires à


Oncologie

moyen et long terme. Actuellement, les efforts portent sur la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques, permettant de développer des traitements spécifiques encore plus efficaces, plus personnalisés », explique l’oncologue.

main. L’accompagnement des femmes tant au niveau des répercussions physiques que psychologiques des traitements est important. Des approches alternatives comme l’activité physique adaptée, l’hypnose ou la méditation de pleine conscience sont proposées », relève le Dr Bodmer. En plus des contrôles cliniques réguliers, une mammographie et échographie sont organisées une fois par an. « L’objectif de ce suivi est de pouvoir agir sur les éventuels effets secondaires et dépister les symptômes évocateurs d’une récidive. Environ 30% des cancers précoces récidivent malheureusement soit localement, soit sous forme de métastases à distance », explique le Dr Bodmer.

Autre exemple avec l’avancée majeure qu’a représenté le développement de l’immunothérapie pour les cancers du sein dits HER2+. « Elle a révolutionné la prise en charge de ce type de cancer, présentant un taux anormalement élevé de récepteurs HER2 (environ 15% des cancers du sein), en diminuant fortement le risque de récidive », précise le Dr Bodmer. Combinaison de traitements

Au stade précoce, la chirurgie demeure le traitement standard et reste incontournable dans une prise en charge curative du cancer du sein. Spécificités des HUG : la radiothérapie intraopératoire (lire en pages 12-13 la rencontre avec la Pre Pelagia Tsoutsou) et la possibilité de reconstruction mammaire à partir de tissus autologues (prélevés sur la personne), par les spécialistes du Service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. Toutefois, la chirurgie est rarement suffisante à elle seule. D’autres traitements doivent la compléter : radiothérapie, chimiothérapie, immunothérapie, hormonothérapie.

Dépistage et facteurs de risque

La combinaison de ces divers traitements dépend du stade d’évolution du cancer et de ses caractéristiques. D’ailleurs, il n’y a pas un cancer, mais des cancers du sein. On en distingue aujourd’hui quatre soustypes moléculaires. « L’analyse du tissu tumoral par les pathologistes permet d’établir une carte d’identité de la tumeur. Sa taille, l’atteinte ou non des ganglions axillaires, le taux de prolifération cellulaire, entre autres, vont compléter cette évaluation. Tous ces éléments sont ensuite discutés au Centre du sein entre spécialistes, lors de réunions appelées tumor board, afin de proposer une stratégie thérapeutique personnalisée », rappelle l’oncologue.

Cependant, 20% des cancers du sein touchent des femmes de moins de 50 ans. « En cas d’anomalie observée au niveau d’un sein, il est important que celles-ci consultent leur gynécologue », conseille le Dr Bodmer. Côté prévention ? Certains facteurs de risque, liés à notre mode de vie, comme la surcharge pondérale après la ménopause ou la consommation régulière et excessive d’alcool, augmentent le risque de cancer du sein, alors que la pratique d’exercice physique régulière le diminue de 20 à 30%. 

Après les traitements actifs, la prise en charge se poursuit. « Une fois en rémission, on ne tourne pas la page du jour au lende27

Octobre - Décembre 2020

Et le dépistage ? Il est essentiel et concerne toutes les femmes entre 50 et 74 ans. Il consiste en une mammographie tous les deux ans. Le Dr Bodmer insiste sur l’importance d’une telle stratégie : « 75% des cancers du sein n’induisent pas de symptômes. Il faut donc les dépister radiologiquement, car les chances de guérison sont nettement meilleures à un stade précoce de la maladie. Ceci permet de réduire la mortalité liée au cancer du sein et aussi l’impact des traitements. » À la fin de l’année, les HUG disposeront d’un deuxième mammographe.


Pulsations

Par Geneviève Ruiz Photo Nicolas Schopfer

Octobre - Décembre 2020

T é m o i g n a g e

« Ce virus est une saleté » Gravement atteint par le Covid-19*, Claude-Alain Mouthon a été soigné aux soins intensifs avant de poursuivre sa réadaptation à l’hôpital Beau-Séjour. Désormais quasiment remis, il raconte ce qu’il nomme une « angoissante traversée ».

** Le Le Covid-19 Covid-19 (ou (ou maladie maladie àà coronavirus coronavirus 2019) 2019) se se transmet transmet par par contact contact étroit étroit et et prolongé prolongé avec avec une une personne. personne infectée. La maladie La peut maladie se manifester peut se manifester par différents par des symptômes symptômesrespiratoires respiratoires(maux (mauxdedegorge, gorge, toux toux sèche, sèche, etc.), etc.), fièvre, fièvre, perte perte soudaine soudaine de de l’odorat l’odorat et /ou ou du du goût. goût. DesDes maux maux de de tête, tête, uneune faiblesse faiblesse génégénérale, rale, des douleurs des douleurs musculaires, musculaires, etc., etc., peuvent peuvent aussi aussi apparaître. apparaître. Les cas Lespeuvent cas peuvent être de être gravité de gravité variable. variable. En savoirEn plus : savoir www.hug.ch/coronavirus plus : www.hug.ch/coronavirus

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Témoignage

L

Claude-Alain Mouthon fait partie d’une chorale. C’est là qu’il pense avoir été contaminé par le coronavirus, autour du 7 mars. « Nous avons appris par la suite que ce sont de véritables nids, car il y a beaucoup de postillons lorsqu’on chante. » Forte fièvre, maux de tête, douleurs oculaires et respiration difficile sont les premiers symptômes du jeune retraité qui, après un test positif au Covid-19, est admis aux HUG le 16 mars. Des examens indiquent des lésions aux poumons et aux reins. Son état s’aggravant, il est transféré aux soins intensifs pour y être intubé. « J’ai pu téléphoner à ma femme juste avant qu’on ne me plonge dans le coma. Cela a été dur de ne pas pouvoir voir mes proches à ce moment-là. Ensuite,

je n’ai plus aucun souvenir. C’est comme un trou noir, assez anxiogène. » Une intubation durant plus de 2 semaines

Il restera intubé plus de deux semaines avant que son état ne se stabilise. « J’ai eu de la peine à sortir du coma. J’ai été plusieurs jours dans un état semi-conscient. » Claude-Alain Mouthon est encore sous dialyse, mais ses poumons vont mieux. Il se sent « liquéfié » : tous ses muscles semblent avoir fondu et il arrive à peine à déglutir. Il prend alors conscience de ce qui s’est passé. « Je me sentais pris dans une longue et angoissante traversée. La seule lumière au bout, c’était l’envie de revoir mes proches. » Il souligne également le travail admirable du personnel soignant, toujours disponible et avenant, même dans les situations stressantes. « Je suis heureux d’avoir pu être soigné dans ces conditions. » Son état s’améliorant, Claude-Alain Mouthon est transféré à l’hôpital BeauSéjour, où il restera deux semaines en réhabilitation. « Lorsque je suis arrivé là-bas, je me sentais tellement faible et dépendant que j’ai pensé que ma guérison allait prendre des mois. » Ses journées passent rapidement entre les séances de physio et d’ergothérapie. Il voit aussi un psychiatre qui l’aide à mettre des mots sur le choc vécu. Il fait quotidiennement des appels téléphoniques ou conférences vidéo avec ses proches.

29

« Ce contact m’a beaucoup aidé, même s’il ne remplace pas la présence. J’ai apprécié le cadre de ma réhabilitation, car Beau-Séjour possède un parc magnifique. Le personnel est efficace et attentif. De plus, le hasard a fait que mon frère, également hospitalisé pour le coronavirus, s’est retrouvé en même temps que moi en réhabilitation. Nous avons vécu de beaux moments d’échanges. » La vie marquée par le coronavirus

L’état général de ClaudeAlain Mouthon s’améliore rapidement. Lorsqu’il retrouve son domicile le 6 mai, il doit encore prendre des médicaments pour ses reins, mais la dialyse n’est alors plus nécessaire. Parallèlement, il s’astreint à un régime spécial. L’ancien informaticien est encore suivi ponctuellement par le Service de néphrologie des HUG. Il se considère comme extrêmement chanceux : « J’ai vu des patients qui mettaient beaucoup plus de temps à se remettre et qui gardent des séquelles. Ce virus est une saleté. » Une fois chez lui, ClaudeAlain Mouthon retrouve vite la forme. Il revoit des ami·es et apprécie ces moments de convivialité. Si la vie du jeune retraité a retrouvé sa normalité, le virus y a néanmoins laissé des traces : « Je ne me sens pas, pour l’instant, prêt à retourner chanter dans une chorale. J’ai trop peur de revivre cela. » 

Octobre - Décembre 2020

a vie a désormais une autre saveur pour ClaudeAlain Mouthon. L’épreuve du coronavirus lui a fait percevoir « notre fragilité et l’importance de profiter de chaque instant ». Ce retraité genevois, anciennement développeur informatique, savoure encore plus ses liens avec sa famille et ses ami·es maintenant. Il faut dire que ce sexagénaire revient de loin. « J’ai toujours vécu en pleine santé, confie-t-il. J’ai juste une hypertension traitée, sous contrôle. Jamais je n’aurais cru, encore début mars, que j’allais affronter une telle maladie. Cela m’a sacrément secoué. »


Expert : Dr Peter Jandus, médecin adjoint au Service d’immunologie et d’allergologie des HUG

Rempart face aux agents pathogènes (antigènes), le système immunitaire déploie une panoplie de stratagèmes de défense à chaque seconde de notre existence. Parfois malmené, trop ou pas assez performant, il peut faire défaut. Le meilleur moyen pour en prendre soin ? Mener la vie la plus saine possible, ni plus, ni moins…

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Transport de la lymphe dans tout le corps

Vaisseaux lymphatiques

Fabrication et stockage des lymphocytes + filtration de la lymphe (liquide biologique contenant globules blancs et déchets de l’organisme)

Ganglion lymphatique

Maturation des lymphocytes T

Thymus

Leur mission est de produire des agents protecteurs clés du système immunitaire : les anticorps, appelés globules blancs ou leucocytes (comprenant les lymphocytes) (lire ci-dessous «Système immunitaire non spécifique et spécifique»).

Les organes du système immunitaire

Le nombre estimé d’anticorps différents

100 millions

Pour certaines infections comme la varicelle, la rougeole ou le Covid-19, des tests sanguins sérologiques existent pour détecter la présence d’anticorps spécifiques révélant qu’une rencontre a eu lieu (ou non) entre l’organisme et le virus testé.

Prolifération des lymphocytes, lieu de stockage des monocytes, élimination des globules rouges

Rate

Production initiale des cellules immunitaires (lymphocytes, phagocytes, etc.)

Moelle osseuse

Barrière physique + sécrétion d’anticorps

1%

Le pourcentage estimé de globules blancs dans le volume sanguin total d’un adulte en bonne santé

Amygdale

Le système immunitaire

Par Laetitia Grimaldi Illustration Muti | Folioart

L ’ i n f o g r a p h i e

Octobre - Décembre 2020

Pulsations


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Peau et muqueuses

Champignon

• sommeil (suffisant et de qualité) • alimentation (équilibrée) • activité physique (régulière, mais pas excessive) • niveau de stress (sous contrôle) • absence de tabagisme • éviter toute consommation d’alcool supérieure aux quantités journalières recommandées

Le secret d’un bon système immunitaire ? Une constellation de plusieurs facteurs, parmi lesquels :

Prévention

Si le système immunitaire non spécifique n’a pas suffi, c’est alors le système spécifique, dit « adaptatif », qui s’active. Lymphocytes et anticorps spécifiques sont alors produits afin de reconnaître et détruire les agents pathogènes.

Si les barrières naturelles n’ont pas suffi, le système immunitaire non spécifique, dit « inné », entre en jeu pour apporter une réponse immédiate. Les phagocytes dévorent les agents pathogènes rencontrés.

Rejet des déchets

Lymphocyte

Anticorps spécifiques

Agents pathogènes

3 Système immunitaire spécifique

Digestion

Noyau

Agent pathogène

2 Système immunitaire non spécifique

Ingestion

Phagocyte

Lysosome

Susceptible de surréagir, le système immunitaire peut s’attaquer à l’organisme lui-même en cas de maladie auto-immune ou inflammatoire, d’allergie ou de rejet de greffe. A l’inverse, il peut faire défaut dans un contexte de maladie génétique, virus (ex : VIH), thérapie (ex : chimiothérapie), santé fragile ou encore d’hygiène de vie délétère. La personne est alors exposée à un risque accru d’infections.

Un système faillible

Les barrières physiques et chimiques, que représentent peau et muqueuses, empêchent les agents pathogènes de pénétrer dans l’organisme.

1

Peau

Virus

Octobre - Décembre 2020

Bactérie

Cellule mémoire « sensibilisée » à l’agent pathogène

La vaccination a pour but d’activer le système immunitaire de façon ciblée pour créer des anticorps spécifiques.

La vaccination

Plus tard, les agents spécifiques du système immunitaire pourront générer une réaction massive et rapide s’ils rencontrent de nouveau l’agent pathogène (antigène) responsable.

... paré pour l’avenir !

Agent pathogène

Anticorps spécifiques

Le système immunitaire nous protège des infections grâce à des mécanismes de défense à plusieurs niveaux.

Le processus d’une réaction immunitaire

L’infographie


Pulsations

Par Giuseppe Costa Photos Fred Merz | lundi13

Octobre - Décembre 2020

R e p o r t a g e

Les problèmes respiratoires n’ont plus de secret Rénové en septembre 2019, le Laboratoire de physiologie respiratoire des HUG couvre tout le spectre des examens du fonctionnement des poumons. Douze machines de dernière génération et de haute précision confirment un diagnostic ou permettent le suivi d’une maladie pulmonaire.

mets aussi un tensiomètre au bras et un oxymètre au poignet pour mesurer la saturation artérielle d’oxygène. Et voici un masque avec un embout buccal dans lequel vous allez respirer : c’est pour mesurer l’activité de vos poumons. La hauteur de la selle vous convient-elle ? On va bientôt commencer le test. » Eva Alves Dias, technicienne en physiologie respiratoire, a terminé l’installation. À ses côtés, la Dre Chloé Cantero, médecin interne au Laboratoire de physiologie respiratoire, complète les informations. « On va vous piquer au bout de l’oreille au début et au maximum de l’effort. Il s’agit de prendre quelques gouttes de sang. Cette gazométrie capillaire donne des mesures de base au repos et permet de voir si, au pic de l’effort, vous produisez de l’acide lactique (ndlr : substance produite lorsque l’oxygène vient à manquer). On vous demandera à plusieurs reprises de nous indiquer, sur une échelle de 0 à 10, comment vous jugez votre difficulté à respirer et votre fatigue au niveau des jambes », explique-t-elle. Encouragements continus

«P

renez place sur le vélo : la préparation prend un peu de temps. Je vous place quelques électrodes autocollantes sur le thorax et dans le dos et les relie à un boîtier pour surveiller l’activité électrique de votre cœur. Je vous

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C’est parti. Maria, 64 ans, commence son test d’effort sur cycloergomètre, communément appelé vélo d’appartement. Pendant qu’elle pédale à différents niveaux de résistance, les paramètres du système respiratoire et le comportement du cœur sont enregistrés. « Gardez ce rythme, c’est l’échauffement pendant cinq minutes. » Les deux professionnelles la motivent, tout en ayant à l’œil les courbes d’échanges gazeux


Reportage

Octobre - Décembre 2020

sur l’écran de contrôle : « C’est très bien, continuez. Dans cinq secondes, la difficulté augmente… C’est normal que ça commence à être dur, mais vous pouvez encore un peu. » À bout, elle arrête. Visiblement fatiguée, elle s’assied et accepte bien volontiers un verre d’eau. « C’était difficile ! », s’exclame Maria, satisfaite d’ellemême. « J’ai de gros problèmes respiratoires : je tousse beaucoup et peine à respirer depuis plusieurs années malgré mon traitement. » La Dre Cantero confirme : « Cette dame souffre d’un asthme sévère. Cet examen nous dira si un problème au cœur, une hypertension pulmonaire ou une mauvaise condition physique expliquent ses difficultés à respirer malgré son traitement. »

33


Pulsations

Situé au 7e étage du bâtiment Jean-Louis Prévost, il a été rénové et agrandi en septembre 2019. Moderne et confortable, c’est aujourd’hui le plus grand de Suisse romande. Réparties dans cinq salles d’examens – dont deux pour les tests d’effort avec douche privative –, les douze machines de dernière génération et de haute précision couvrent tout le spectre des problèmes respiratoires. « La physiologie respiratoire consiste à explorer les mécanismes impliqués dans le fonctionnement du poumon. Grâce aux paramètres respiratoires, circulatoires, métaboliques et musculaires, l’objectif est de comprendre pourquoi un patient est essoufflé, s’il y a une altération de la mécanique respiratoire ou quelles sont les raisons de la diminution de la capacité fonctionnelle », relève le Dr Lador.

Octobre - Décembre 2020

Les mesures en position couchée permettent de mieux évaluer la capacité fonctionnelle des muscles respiratoires.

Haute précision

Comme de nombreux autres patient·es, son médecin traitant l’a adressée au Laboratoire de physiologie respiratoire, placé sous la responsabilité du Dr Frédéric Lador, médecin adjoint au Service de pneumologie. Ce dernier souligne la bonne collaboration avec les médecins installés en ville qui pratiquent par exemple régulièrement des spirométries : « Si le résultat de ce test est strictement normal, il permet d’exclure un trouble ventilatoire obstructif ou une anomalie. Par contre, au moindre doute, il faudrait le refaire ici, au Laboratoire de physiologie respiratoire, qui est une vraie plus-value en cas de problèmes. »

34

De l’insuffisance respiratoire à l’asthme, en passant par la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’emphysème, la fibrose pulmonaire, les maladies vasculaires pulmonaires ou certaines maladies neuromusculaires, toutes les atteintes du poumon sont examinées de près. Spirométrie, pléthysmographie pulmonaire dans une cabine fermée ou encore mesure du monoxyde d’azote exhalé sont parmi les tests disponibles. « Nous avons un rôle de diagnostic pour confirmer une pathologie ou en affiner la sévérité, ainsi que de suivi d'une maladie respiratoire ou après une transplantation pulmonaire », résume le responsable du laboratoire. Accueil et confort

Justement, Anne-Hélène, 72 ans, souffre depuis six ans d’un emphysème pulmonaire. Tous les six mois, elle passe une spirométrie pour déterminer l’évolution de la maladie. Bien installée dans un fauteuil grenat, portant un pince-nez pour ne respirer que par la bouche, elle est prête. Joao Neto Silva, technicien en physiologie respiratoire, la guide : « Mettez la langue sous l’embout. Remplissez vos poumons. Soufflez, soufflez, soufflez. On va refaire mais, cette fois, après avoir soufflé et vidé vos poumons, vous allez à nouveau inspirer et les remplir. »


Reportage

Habituée des lieux, Anne-Hélène apprécie le nouveau décor : « C’est plus grand et encore plus confortable qu’avant. L’accueil est parfait et le personnel aux petits soins. » Quinze minutes plus tard, elle repart. Son médecin lui communiquera les résultats. « Je vais continuer ma gymnastique respiratoire deux fois par semaine. Elle me fait beaucoup de bien », dit-elle. Test pour sportifs d’élite

peut nous adresser un patient pour s’assurer de son éligibilité avant une opération », note le médecin. Le laboratoire participe également à la recherche clinique et à la formation. « Tous les internes y passent six mois et repartent avec une acuité diagnostique augmentée… qui leur sera très utile lorsqu’ils seront chefs de clinique ou installés. Nous formons ainsi de meilleurs pneumologues », conclut le responsable. 

Validé par le Comité international olympique, un test spécifique, dit d’hyperventilation volontaire eucapnique, est effectué par les sportifs d’élite. « Il s’agit de détecter un asthme lié à l’effort. En cas de résultat positif au test, l’athlète de haut niveau peut prendre un bronchodilatateur durant une compétition à des fins thérapeutiques sans qu’il soit accusé de dopage », précise le Dr Lador. Octobre - Décembre 2020

Au total, chaque année, quelque 5’000 patient·es sont vu·es et 10’000 tests réalisés, dont 85% en ambulatoire. « Un anesthésiste

Le Le pléthysmopléthysmographe graphe est est une une cabine cabine fermée fermée qui qui permet permet notamment notamment de de mesurer mesurer le le volume volume d’air d’air contenu contenu dans dans les les poumons. poumons.

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Pulsations

Par Elodie Lavigne Photo Nicolas Righetti | lundi13

L e

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p o r t r a i t

« J’ai foi en l’humain » Dans les couloirs sombres des prisons, le professeur Hans Wolff, médecin-chef du Service de médecine pénitentiaire des HUG depuis 2007, avance l’œil clair. Équité, justice et liberté sont ses maîtres-mots.

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Le portrait

«P

our entrer à Champ-Dollon, il faut passer sept portes, plus épaisses les unes que les autres. Après mes premières visites, je ressentais très intensément l’enfermement, puis ce vent de liberté lorsque je repartais à vélo », se souvient le Pr Hans Wolff. Des destins qui basculent, il en a vu plus d’un : « Les gens qui sont derrière les barreaux sont comme vous et moi. Un jour, ils ont commis un crime ou un délit et la grande majorité le regrette toute leur vie », observe-t-il. Mais certains ont cumulé de nombreuses difficultés, avec souvent des traumatismes dès l’enfance. Hans Wolff, lui, mesure sa chance d’être bien né.

Puis vient le temps des études. Au droit et à l’enseignement, Hans Wolff préfère la médecine, guidé par son intérêt pour l’humain. « Je voulais un métier que je pouvais exercer partout dans le monde ». À la fin de son cursus, il part à Genève avec son épouse, médecin elle aussi. C’est là, à la Policlinique de médecine dirigée par Hans Stalder, que sa fibre pour la médecine sociale et communautaire se révèle : « J’ai travaillé au développement de l’accès aux soins pour les personnes sans domicile fixe. » Très touché par cette expérience, Hans Wolff ressent le privilège d’œuvrer à davantage de justice sociale. Son chef lui demande de reprendre le Service de médecine pénitentiaire. Il accepte ce poste très exposé aux critiques : « Cette spécialité est perçue comme une médecine de seconde zone. Tout le monde a un avis sur la prison, d’où la nécessité de

19681975

Scolarité à Istanbul, Turquie.

1992

Doctorat de médecine à Marburg, en Allemagne.

1993

Début d’activité aux HUG.

19982004

FMH en médecine interne, puis master en santé publique.

2012

Membre de la Commission centrale d’éthique de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM).

Dès 2013

Représentant de la Suisse auprès du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe.

37

Les défis sanitaires en prison sont vastes : addictions, santé mentale, maladies infectieuses, blessures, mais le plus grand d’entre eux est sans doute la surpopulation : « Dans la capitale des droits humains, le taux d’occupation dépasse les 160%. Cette promiscuité engendre la violence et met la santé en péril », s’indigne Hans Wolff. Face à une population en très grande difficulté, il croit fermement à son action : « Lorsqu’on parvient à aider les gens, on ressent une intense satisfaction. » Mais certaines situations sont plus compliquées sur le plan émotionnel. C’est le cas des visites du CPT et des lieux de détention administrative de migrants, où les conditions sont très dures : « Cela fait écho à l’état précaire de notre monde, aux flux migratoires, etc. Les gens sont dans une détresse totale. La prise en charge médicale y est compliquée car les patients restent peu de temps. Cela soulève de lourds problèmes éthiques. » Malgré tout, Hans Wolff avance. Dans l’écoute, le dialogue et l’exigence. Des projets innovants lui tiennent à cœur, comme le programme d’échange de seringues. Mais ce dont il est le plus fier, c’est de partager des valeurs avec ses collaborateurs et collaboratrices : « Leur parole est libre, cela demande du courage et de l’engagement. Personne ne se sent enfermé dans un carcan. » Dans un milieu aussi surveillé et empreint de suspicion, il a l’art de faire confiance et de faire ressortir les qualités de chacun·e. 

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À l’âge de 5 ans, il quitte l’Allemagne pour la Turquie. Son père enseigne les mathématiques et la physique à l’école allemande d’Istanbul. « Je passais beaucoup de temps dehors, je parlais le turc. » Vivre à l’étranger façonne le garçon : « J’ai connu la position de migrant, même si nous étions privilégiés. » Une ouverture sur le monde qui lui sert aujourd’hui lorsqu’il arpente les couloirs de Champ-Dollon, qui abrite 115 nationalités. À douze ans, il retourne en Forêt noire : « C’était l’automne, il faisait froid, la solitude liée au déracinement pesait. Jouer dans une équipe de volley-ball m’a permis de m’intégrer. »

1963

Naissance à Rottweil, en Allemagne.

faire preuve de transparence et d’excellence, par la recherche scientifique et une bonne communication. » Il apprécie de pouvoir compter sur un appui fort des autorités hospitalières. Son réseau dépasse la seule Genève internationale. Hans Wolff a visité plus de cent lieux de privation de liberté, dans plus de vingt pays différents. En tant que membre du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), il milite, en Suisse et dans le monde, pour le respect de l’individu, des droits humains, et pour une équivalence des soins à l’intérieur des prisons : « Mes patients sont des patients, pas des prisonniers. Tout le défi de la médecine est d’envisager le patient comme une personne et d’être dans une relation thérapeutique. »


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Pulsations

Tout sur les protéines

Crédit : istockphoto

Il faut manger de la viande, du poisson ou des œufs tous les jours pour absorber assez de protéines. Faux. En manger 2 à 3 fois

par semaine est suffisant.

Les aliments enrichis en protéines sont utiles pour notre santé. Vrai. Si l’appétit est

Les protéines d’origine végétale et animale ont les mêmes qualités nutritives. Faux. Les protéines anima-

les sont plus performantes que celles végétales, car elles contiennent tous les acides aminés essentiels (AAE), en plus de la vitamine B12 et du fer. Leur pendant végétal est en revanche bénéfique pour le système cardiovasculaire, ne contenant pas de mauvaises graisses. Pour obtenir tous les AAE, il convient d’associer céréales et légumineuses.

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médiocre, lors de maladie ou de convalescence, ils permettent de maintenir ou de restaurer la masse protéique de notre corps. Il faut cependant les éviter en cas d’insuffisance rénale.

Le soja est une excellente source de protéines végétales. Vrai. De même que le

quinoa, le soja contient la plupart des AAE. Attention à ne pas en consommer des doses élevées en raison des phytoestrogènes qu’il contient. 

Octobre - Décembre 2020

sont nécessaires à la vie, puisqu’elles constituent par exemple les anticorps, enzymes et hémoglobine, et sont impliquées partout dans l’organisme : muscles, os, système nerveux… Un adulte a besoin en moyenne de 0,8 g de protéines par kilo de poids corporel par jour. Parmi les acides aminés qui forment les protéines, neuf sont qualifiés d’essentiels, car le corps humain ne sait pas les produire et doit les obtenir par l’alimentation.

est en phase de gain de masse musculaire important ou lors de sport très intensif, et au maximum 1,8 g par kilo de poids corporel par jour. Faux si notre poids est stable. À noter que l’excès de protéines se transforme en graisse.

Par Clément Etter

Les protéines sont essentielles pour notre santé. Vrai. Les protéines

On doit manger davantage de protéines si l’on fait du sport. Vrai et faux. Vrai si l’on

V r a i / F a u x

Poisson, tofu, œuf ou yogourt « enrichi », les protéines sont partout dans notre alimentation. Tour d’horizon avec le Pr Claude Pichard, responsable de l’Unité de nutrition des HUG jusqu'à septembre dernier.


Pulsations

S a n t é

Photo Nicolas Righetti | lundi13

Faciliter la recherche médicale

Par André Koller

Octobre - Décembre 2020

p e r s o n n a l i s é e

francs pour mettre en place le Réseau national pour la santé personnalisée ou Swiss Personalized Health Network.

Les HUG sont leaders dans le projet Swiss Personalized Health Network (SPHN), lancé en 2017 par la Confédération pour lever les obstacles à la recherche.

L

a recherche médicale clinique, curieusement, s’apparente à une course d’obstacles. Construire un dossier solide, trouver des volontaires, obtenir des consentements, etc., exige une telle somme d’efforts que certains médecins y renoncent. Et pourtant, la crise du Covid-19 vient d’en faire l’éclatante démonstration, la recherche est essentielle. Osons une métaphore. À l’ère de WhatsApp, la mise en œuvre d’une étude clinique en est encore au stade de la plume, de l’encre et du parchemin. « Au pic de la pandémie, on s’est vite aperçu que l’urgence réclamait autre chose : une base de données accessible et cohérente regroupant tous les cas Covid-19 des HUG », rappelle la Pre Caroline Samer, médecin adjointe agrégée, responsable de l’Unité de pharmacogénomique et thérapie personnalisée. Berne suit Washington

Ce qui est vrai pour le Covid-19, l’est pour la médecine en général. Barack Obama l’a compris en 2015 en lançant le programme « All of us » visant à créer une base de données génétique et environnementale pour un million d’Américains. Deux ans plus tard, Berne a débloqué 68 millions de 40

Avant le Covid-19, les pouvoirs publics étaient motivés surtout par l’avènement de la médecine personnalisée (ou de précision). En effet, celle-ci oblige à repenser de fond en comble les modalités de la recherche. « Si vous voulez tester une molécule pour des patients de plus de 50 ans, fumeurs, atteints d’une tumeur dont le marqueur génétique est XY, vous trouverez très peu de candidats à Genève. Or, pour obtenir des résultats significatifs, des centaines, voire des milliers de patients sont parfois nécessaires », explique le Pr Antoine Geissbühler, médecin-chef du Service de cybersanté et télémédecine. Base de données nationale

Si la même équipe de recherche peut interroger une base regroupant les données de centaines de milliers de personnes dans toute la Suisse, elle aura non seulement plus de chances de trouver des candidat·es, mais saura très vite si elle en a assez pour démarrer son étude. C’est l’axe central du projet SPHN : créer une base de données cohérente et commune aux cinq hôpitaux universitaires suisses, puis l’élargir au plan national, voire international. En parallèle, la communauté médicale doit réaménager plusieurs procédures et structures additionnelles. Comme le consentement des personnes (lire cicontre), l’interopérabilité des données et les biobanques. Ces dernières font l’objet de la Swiss Biobanking Platform, dirigée par le Pr Geissbühler, également membre du comité directeur national du SPHN. Le volet « consentement » est géré par la Pre Caroline Samer, cheffe du projet d’implémentation d’infrastructure SPHN pour les HUG. Tandis que le Pr Christian Lovis, médecin-chef du Service des sciences de l’information médicale, est responsable du groupe en charge de l’interopérabilité sémantique des données cliniques. Nom barbare pour faire référence à la capacité d’un système à communiquer avec n’importe quel autre système existant ou… futur.


Santé personnalisée Atout suisse

L’interopérabilité sémantique est l’un des problèmes scientifiques les plus ardus soulevés par ce projet vaste et complexe. « La décentralisation helvétique, avec les particularismes cantonaux, a finalement tourné à notre avantage. Car, avant tout le monde, nous avons dû apprendre à “traduire”. Cette compétence plutôt rare en informatique sera un atout majeur pour l’extension du réseau en Europe et au-delà », conclut le Pr Lovis, référence nationale dans ce domaine pointu. 

Pour simplifier les procédures d’utilisation des données médicales, les hôpitaux universitaires ont créé le consentement dit « général ». Soit la possibilité pour chacun et chacune de donner son feu vert une seule fois pour toutes les recherches à venir. Problème ? Une possible perte de transparence. D’où l’idée d’un consentement dynamique, interactif et modulable. « Les personnes décident ce qu’elles partagent et avec qui. Elles peuvent suivre une étude et en connaître les résultats. Et ces choix peuvent être modifiés en tout temps », indique la Pre Caroline Samer, médecin adjointe agrégée, responsable de l’Unité de pharmacogénomique et thérapie personnalisée. Une première version a été testée en 2019. Le consentement dynamique devrait être disponible pour le grand public dès 2022.

Antoine Geissbühler, Caroline Samer et Christian Lovis (de gauche à droite)

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Consentement citoyen


Par Clémentine Fitaire

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M i e u x -v i v r e

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Contre le mal de dos, osez bouger On estime qu’environ 8 personnes sur 10 souffriront de douleurs dorsales une ou plusieurs fois dans leur vie. Si les causes de ces lombalgies sont souvent mystérieuses, il existe des façons de les prévenir ou, du moins, de les soulager.

42

B

ouger. Voici le maître-mot des campagnes de prévention du mal de dos. Mais lorsque la douleur est déjà présente, les choses ne sont pas si simples. « Il faut dédramatiser le mouvement, explique JeanPaul Gallice, physiothérapeute. Les patients ont parfois une kinésiophobie, soit une peur que le mouvement n’aggrave leurs douleurs et entraîne des lésions organiques délétères. » Pourtant, il n’y a pas de risque de « casser » son dos. L’activité physique est bel et bien la première des recommandations. En renforçant les muscles et en entretenant la souplesse, elle permet de sécréter des analgésiques naturels, comme les endorphines, qui agissent sur la douleur… même si celle-ci ne disparaîtra pas totalement. « Lors de la reprise d’une activité physique, on est un peu obligés d’entrer dans la douleur pour arriver à en repousser les limites, explique le spécialiste. Elle sera encore présente, mais on parviendra peu à peu à atteindre un meilleur niveau. »


Mieux-vivre

Quant au sport à privilégier, les recommandations ont évolué. La natation n’est plus la seule activité conseillée. Tous les sports aident à prévenir ou à soulager les douleurs, l’essentiel étant d’y prendre du plaisir, facteur important de la thérapie. « Il ne faut pas se forcer et se fixer des objectifs raisonnables, ajoute Jean-Paul Gallice. Mieux vaut en faire peu, mais régulièrement. » Seuls les sports violents, avec des risques de chute ou très techniques – comme l’équitation par exemple – sont déconseillés aux débutant·es chez qui des douleurs sont déjà installées.

Crédit : Bogsch & Bacco

Certaines approches plus standardisées proposent de soulager les douleurs dorsales, avec des résultats plus ou moins significatifs selon les études, comme le Pilates, le yoga, la méthode McKenzie, la méthode Mézières… « Elles peuvent être très bénéfiques pour certaines personnes, mais ne pas correspondre à d’autres, tempère le physiothérapeute. L’important est de se reconnaître dans l’activité. » Lien causal mystérieux Postures statiques, charges lourdes, répétition des mouvements… l’environnement professionnel peut être un facteur aggravant. Mais le lien de cause à effet dans l’apparition d’une douleur dorsale reste mystérieux. « On ne sait pas trop pourquoi telle ou telle personne, à un moment donné, voit se déclencher une douleur, explique Jean-Paul Gallice. On sait en revanche que les lésions anatomiques parfois visibles à la radio n’ont pas de lien direct avec la 43

Dans la plupart des cas, une bonne hygiène de vie permet de compenser ce dysfonctionnement et même de prévenir une récidive. « Les messages de prévention s’adressent plus particulièrement aux personnes qui ont connu, ou vivent au quotidien, avec des douleurs chroniques. » 

Quand la douleur persiste Dans la grande majorité des cas, un mal de dos n’a aucune cause spécifique et disparaît spontanément en quelques semaines. Mais certaines douleurs dorsales – une infime minorité, que l’on surnomme « drapeaux rouges » – peuvent justifier une consultation médicale si elles évoquent une fracture, une infection ou encore une tumeur. Après examen clinique, le médecin pourra demander des examens complémentaires, comme une imagerie médicale ou une analyse biologique.

Octobre - Décembre 2020

Un accompagnement personnalisé Des exercices classiques de relaxation, d’étirements et de musculation viennent souvent compléter la prise en charge. Mais leur fréquence et leur intensité sont spécifiques à chacun·e. « En physiothérapie, on n’a pas de recette miracle qui s’applique à tout le monde, résume Jean-Paul Gallice. On recherche chez chaque patient la dysharmonie dans son schéma de mouvements – son rythme lombo-pelvien – afin de la retravailler. » Des exercices, parfois associés à une thérapie manuelle (massages, manipulations), permettent d’améliorer la coordination et la fluidité de mouvement entre les hanches, le bassin et le buste.

douleur. » On peut en effet ressentir une sensation douloureuse sans présenter de lésions et vice versa. « Ce n’est pas le dos qui est abîmé. Il s’agit plutôt d’un “bug” momentané de la coordination neuromusculaire. »


Pulsations

Par Elodie Lavigne

Octobre - Décembre 2020

J u n i o r

Illustrations PanpanCucul

Ma grand-mère a la maladie d'Alzheimer Depuis quelque temps, ta grand-maman n'est plus comme avant ? Elle te pose plusieurs fois les mêmes questions, oublie ses rendez-vous, ne sait plus quel jour on est, perd son chemin, a du mal à parler ou à préparer à manger, etc. Cela peut être des symptômes de la maladie d'Alzheimer.

Expert Pr Giovanni Frisoni, responsable du Centre de la mémoire des HUG

En partenariat avec

Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ? C’est une maladie du cerveau, qui s’aggrave avec le temps. On peut comparerle cerveau à un ordinateur avec une carte mémoire et des commandes. Il est fait d’une sorte de gelée. Dans la maladie d’Alzheimer, des poisons (protéines Tau et plaques amyloïdes) s’y déposent, empêchant l’ordinateur de garder en mémoire des informations et de donner des ordres au reste du corps. Les neurones – qui se trouvent dans la gelée et qui transmettent ces messages – n’arrivent plus à communiquer entre eux et meurent peu à peu. La maladie attaque d’abord la mémoire à court terme– celle qui enregistre des informations pendant une courte durée – puis, peu à peu, le langage, la compréhension, le mouvement (gestes du quotidien, marche), etc. 44

Ma grand-mère va-t-elle m'oublier ? A un stade avancé de la maladie, il se peut que ta grand-mère oublie ton prénom ou qu’elle ne sache plus ton âge, ni ce que tu aimes, etc. Par contre, en te voyant, elle se souviendra que c’est un visage qu’elle aime.


Junior

Comment me rendre utile ?

Est-ce que cette maladie se soigne ?

Ta grand-maman s’aper oit que les choses ne sont plus comme avant, mais elle ne comprend pas pourquoi. Elle se sent inutile, d’où parfois des sentiments de tristesse et d’agressivité. C’est important de la soutenir. .

Tu peux encourager ta grand-mère à faire ce qu’elle sait encore faire et l’aider, par exemple si elle n’arrive pas à mettre son manteau ou à lacer ses chaussures. Mais sans la brusquer ni lui faire sentir qu’elle est diminuée. Après tout, c’est naturel de s’entraider, non ?

On peut diminuer les difficultés par des médicaments, mais pour l’instant on ne peut pas guérir la maladie. Le plus important est que ta grand-mère reste active, qu’elle se balade, qu’elle voie ses ami.es et sa famille. Les soins consistent aussi à aider les proches à mieux comprendre ce trouble. Car il est douloureux de voir la personne qu’on aime perdre son autonomie, faire des choses bizarres (comme jeter des couverts à la poubelle), oublier des gestes (écrire, manger) ou être perdue dans la conversation. On peut facilement perdre patience. Ta grand-mère, comme elle n’est pas totalement consciente de ce qu’il lui arrive, ne comprend pas la réaction des autres et se fâche en retour. C’est compliqué, mais avec beaucoup d’amour et d’intelligence on peut bien gérer les choses !

Est-ce que toutes les personnes âgées ont la maladie d'Alzheimer ? Non, pas du tout ! On peut très bien garder toutes ses facultés (sa mémoire, sa capacité à réfléchir, etc.) lorsqu’on vieillit. Pour rester éveillé .e et en bonne santé le plus longtemps possible, il est important de stimuler son cerveau en lisant, en faisant de la musique, en se divertissant, en voyant ses ami.es et sa famille, etc. Rester actif physiquement, manger sainement et ne jamais commencer à fumer est aussi très important pour la santé ! 45

Est-ce qu'elle va mourir ? On ne meurt pas de la maladie d’Alzheimer, mais avec elle. Avec le temps, le cerveau s’abîme de plus en plus et n’arrive plus à donner des ordres au reste du corps, ce qui le rend très fragile. C’est comme si on coupait un câble dans l’ordinateur, puis un autre, et ainsi de suite. D’abord la souris ne marche plus, ensuite, c’est le clavier, puis l’écran, puis tout s’éteint.

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Parfois, elle a l'air triste...


Pulsations

Un traitement préventif contre le VIH ? C’est possible. Il s’appelle Prophylaxie préexposition au VIH. Ou PrEP, pour faire court. Il est destiné aux hommes et aux femmes qui ont des relations sexuelles avec de multiples partenaires ou avec des personnes dont le statut sérologique VIH n’est pas connu. Et comme son nom l’indique, il doit être pris avant l’exposition à un risque d’infection. Afin de prescrire ce médicament en toute sécurité,

Plus de 500 dons financiers ont été adressés aux HUG par la population pour le soutien des professionnel·les de santé, pendant la première vague du coronavirus. Les deux tiers ont été attribués à la recherche médicale et à la qualité des soins. Un tiers, au bien-être des collaborateurs·trices. Onze projets de recherche fondamentale et clinique ont été lancés. Ils couvrent un large spectre, de la compréhension

des HUG

C’est un changement de paradigme. Depuis 2015, les HUG intègrent patient·es et proches aidant·es dans leur réflexion sur l’amélioration des soins et l’organisation des services médicaux. Ce nouveau partenariat institutionnel se développe également dans des domaines tels que l’hôtellerie, l’enseignement, la recherche clinique ou la prévention. Vous souhaitez devenir partenaire des HUG et co-construire

une nouvelle consultation a ouvert aux HUG. Lors du premier rendez-vous, une évaluation de l’état de santé de la personne est effectuée. Suivent un dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles ainsi qu’un examen de la fonction rénale et du foie. Si le test VIH est négatif, la personne reçoit une ordonnance par la poste. Les médicaments sont délivrés aux HUG et dans les pharmacies. Ils peuvent être livrés à domicile s’ils sont commandés par Internet. Pour plus d’infos ou un rendez-vous : Secrétariat des maladies infectieuses, tél. 022 372 96 17, tous les jours de 8h30 à 12h et de 14h à 17h.

des mécanismes infectieux du Covid-19 au développement de tests et d’essais cliniques ainsi que d’outils de prédiction et de suivi de la pandémie. Cinq programmes d’amélioration de la qualité des soins ont été initiés. Certains en santé digitale, notamment pour optimiser la continuité du suivi médical par téléphone et les téléconsultations. Enfin, l’élan de solidarité envers le personnel des HUG a permis, entre autres, d’offrir des repas gratuits pendant près de deux mois et demi ou encore d’équiper les salles de repos avec du matériel relaxant. Pour en savoir plus, visitez le site internet : https://www.fondationhug.org/ une-solidarite-en-or

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l’hôpital de demain en collaboration avec des professionnel·les de santé ? Inscrivez-vous sur la plateforme « Patients partenaires ». Vous pourrez partager votre expérience en participant à des groupes de discussion sur des thématiques qui vous concernent ou vous intéressent. Inscription en ligne sur https://www.hug. ch/patients-partenaires ou par téléphone: Sylvie Touveneau, au 079 553 01 68 Scannez le QR code pour remplir le formulaire d’inscription sur la plateforme Patient·es partenaires

Crédits : Sharon-Mccutcheon, Louis Brisset, DR

Par André Koller

Octobre - Décembre 2020

B r è v e s

Prévention du VIH

Générosité Devenez pendant la crise partenaire


Brèves

Communiquer avec son enfant Pleurs des bébés élucidés

20%

Des organes sexuels en 3D plus vrais que nature ? C’est ce qu’ont mis au point les équipes des HUG et de l’Université de Genève. Représentant le pénis et le clitoris, ces kits d’éducation sexuelle sont démontables pour une visualisation précise et réaliste de l’anatomie. Ils sont destinés au milieu scolaire et clinique, au grand public et

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des bébés en bonne santé sont concernés par des pleurs excessifs (plus de 3h par jour), appelés aussi « coliques du nourrisson ».

Certains enfants communiquent peu, mal ou pas du tout avec leur entourage et les autres enfants. Leur élocution est laborieuse et on comprend difficilement ce qu’ils veulent exprimer. Afin d’aider les parents confrontés à cette situation, la Guidance infantile des HUG, en collaboration avec le Bureau de l’intégration des étrangers, a mis en place le premier

Education sexuelle 3D

Crédits : vectorstate, DR, Abdulcadir J., Dewaele R, Firmenich N., et al. J. Sex Med 2020

48%

des pleurs s’expliquent par une hypersensibilité aux odeurs désagréables.

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nourrissons ont été inclus dans cette étude menée par les HUG et l’Université de Genève.

Espace de logopédie petite enfance (ELPE) pour les enfants âgés de 1 à 4 ans. Tous les jeudis à 10h15, 10h45 et 11h15, deux logopédistes accueillent tous les parents, sans rendez-vous et gratuitement. Elles répondent aux questions, orientent et conseillent en cas de difficultés de langage, comme un retard, un bégaiement, une absence ou un faible niveau de communication. Où ? Unité de guidance infantile, ch. des Crêts-deChampel 41, 1206 Genève (l’entrée se trouve sur le côté de l’immeuble). Plus d’infos : guidance.spea@hcuge.ch

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à l’enseignement. Les futur·es professionnel·es de la santé ne sont pas épargné·es par les stéréotypes sur les organes génitaux, le clitoris notamment, encore peu représenté. Ces fausses conceptions peuvent avoir des impacts négatifs sur la sexualité et aussi mener à des mutilations génitales féminines. Celles-ci consistent en la modification ou l’ablation d’organes génitaux féminins, perçus encore dans de nombreux pays comme dangereux pour la santé ou la morale. Les kits proposent d’ailleurs des modèles de clitoris mutilés afin de permettre aux victimes de mieux visualiser leur corps et d’être mieux prises en charge.


Pulsations

Pour en savoir plus sur… Dépression

En collaboration avec la Bibliothèque de l’Unige, site CMU

L i v r e s

&

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W e b

La dépression

Coll. J’ai envie de comprendre Suzy Soumaille, Guido Bondolfi, Gilles Bertschy Planète Santé, 2016 Connaître sa maladie est le premier pas pour sortir du tunnel dépressif. Pour les proches, s’informer est la clé pour soutenir la personne malade sans sombrer avec elle.

Dépression : s’enfermer ou s’en sortir ? Antoine Pelissolo Le Muscadier, 2017 Une synthèse des connaissances actuelles sur la dépression, agrémentée de conseils pratiques pour mieux comprendre cette maladie, trouver des solutions adaptées et accompagner un·e proche.

Maladie d’Alzheimer Mamie a la maladie d’Alzheimer Hélène Juvigny, Brigitte Labbé Milan Jeunesse, 2012 Un livre pour ne pas rester seul·e avec les questions que l’on se pose, pour aider à comprendre ce qui se passe à la maison et à l’intérieur de soi. CONTACT Bibliothèque de l’Université de Genève Centre médical universitaire Avenue de Champel 9 1206 Genève Lu-ve : 8h-22h et sa-di : 9h-18h biblio-cmu@unige.ch 022 379 51 00 Pers. de contact : Annick Widmer www.unige.ch/biblio/patients/

Migraine La migraine : mieux la comprendre, mieux la vivre Dr Pierric Giraud, Dre Sylvie Chauvet Mango, 2019 Associant rigueur scientifique et approche empathique, les auteur·es donnent les clés pour comprendre le fonctionnement de la migraine et mieux la vivre au quotidien. De nombreux témoignages apportent aux explications médicales un regard humain sur cette maladie.

La méthode anti-migraine : un guide indispensable pour prévenir et combattre la migraine Dre Elizabeth Leroux Flammarion, 2016 Souvent sous-estimée, elle peut être très douloureuse, intense, voire invalidante. Cet ouvrage illustré rassemble conseils pratiques et témoignages pour aider les personnes migraineuses, mais aussi leur entourage, à ne plus souffrir en silence.

Cancer du sein Tu n’es pas seule. L’expérience du cancer : paroles de femmes Dominique Lanctôt Ed. de l’Homme, 2015 Cet ouvrage réunit les témoignages de 18 femmes qui ont traversé l’épreuve du cancer.

Centre OTIUM – soutien cancer

Ce centre contribue à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de cancer en accompagnant les malades et leurs familles durant tout le parcours de la maladie : du diagnostic jusqu’à la guérison et la réintégration. www.centre-otium.ch

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Prendre soin de son dos SOS mal de dos. Les bons gestes et les bonnes postures Frédéric Srour First, 2020 Un guide anti-douleurs chroniques illustré qui explique comment prévenir ou guérir les maux de dos.

Le mal de dos

Coll. J’ai envie de comprendre Stéphane Genevay, Elisabeth Gordon Planète Santé, 2014 Maux courants, traitements, prévention… Ce livre répond aux fréquentes questions que l’on se pose sur le mal de dos.

Un dos sans douleur

Guide complet pour prévenir et soulager les maux de dos, du cou et des épaules Jenny Sutcliffe Éditions de l’Homme, 2013 Cet ouvrage mise sur la prévention des maux de dos, du cou et des épaules. Que vous cherchiez à prévenir la douleur ou à la guérir, vous trouverez ici des solutions adaptées à votre situation.

Cancer de l’enfant Un pas après l’autre : de l’entraide pour faire face au cancer de l’enfant Sylviane Pfistner LEP Loisirs et pédagogie, 2017 Cet ouvrage s’adresse en premier lieu aux parents, qui ne doivent pas rester seuls avec leur chagrin. Comment apporter du soutien à une famille qui s’engage sans relâche dans une longue bataille ? Comment l’aider à supporter l’insupportable ? L’auteure s’adresse avec délicatesse aux personnes concernées, en les encourageant à se parler et à s’unir.


GRÂCE À SES DONATEURS, LA FONDATION PRIVÉE DES HUG RÉALISE DES PROJETS INNOVANTS ET AMBITIEUX AVEC 3 OBJECTIFS

AU G M E N T E R LE BIEN-ÊTRE DU PAT I E N T Exemple de projet réalisé : favoriser la réhabilitation cardiaque par l’exercice physique encadré par des professionnels.

AM É L I O R E R L A QUA L I T É DE S S O I N S Infokids Exemple de projet réalisé : création de l’application Infokids pour une assistance interactive lors d’urgences pédiatriques.

FAVO R I S E R LA R E C H E RC H E MÉ DI C A L E Exemple de projet réalisé : soutenir la recherche en immunothérapie pour lutter contre les tumeurs cérébrales.

L’EXCELLENCE MÉDICALE POUR VOUS, GRÂCE À VOUS.

Pour faire un don : www.fondationhug.org IBAN CH75 0483 5094 3228 2100 0 T +41 22 372 56 20 Email : fondation.hug@hcuge.ch


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