Protocole de relance

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PROTOCOLE DE RELANCE D’après Si ce n’est plus un homme de Nicole Malinconi, avec Nicole Colchat adaptation et mise en scène de Myriam Saduis

Le Théâtre-Poème et les Jeunesses Poétiques A.S.B.L Rue d’Écosse, 30 1060 Bruxelles Direction : Dolorès Oscari

Création du 14 au 30 mars 2013

[REVUE DE PRESSE]


Protocole de relance

Sabine Dacalor, sur le site du Centre Wallonie-Bruxelles de Paris Protocole de relance D’après Si ce n’est plus un homme de Nicole Malinconi. Adaptation et mise en scène : Myriam Saduis. Interprétation : Nicole Colchat. Travail d’orfèvre Dans la chaleureuse salle du théâtre Poème 2 à Bruxelles, l’on découvre la comédienne, Nicole Colchat, debout, appuyée contre le mur du fond de scène. Ses yeux sont fermés. Son visage repose de profil sur un oreiller. Le tissu qui couvre son corps s’étend sur le plateau. Une tragédienne antique dort sur un mur où défilent des vidéos de nos tragédies contemporaines. L’image nous saisit. Le ton est donné. Celui de l’urgente nécessité de l’éveil. L’éveil devant le processus insidieux, fatalement s’accélérant, de la déshumanisation. Myriam Saduis est de ces grands metteurs en scène, comme Alain Françon, qui excellent à donner à entendre le texte. Il s’agit ici de celui de Nicole Malinconi qui livre sa sidération devant la capacité de l’homme à réduire à néant son prochain. Les barbaries humaines sont le fruit pervers du cerveau de l’homme. Myriam Saduis cisèle le texte et fait sillonner sa comédienne sur le chemin de la sobriété, de la possible réflexion sur l’atrocité. Révélant ainsi notre impuissance, celle du spectateur muet dans la salle, et notre espoir, celui de l’inépuisable et fondamentale puissance cathartique du théâtre. Ce spectacle nous alerte sur la désincarnation du langage. L’homme, au cœur de l’enfer d’une société où s’établit le plan de sa propre destruction, résiste à sa première arme, le langage. Il en est pourtant responsable. Il crée les dérives linguistiques. Et il en souffre ou fait souffrir (L’homme ne se tue plus au travail, il le fait, écrit Nicole Malinconi.). Le discours politique s’érige en maître de cet écueil du langage. Myriam Saduis le traduit subtilement en musique électro. Les créations sonores orchestrées par Jean-Luc Plouvier tissent l’univers d’une déshumanisation si bien exprimée, si justement montrée. Car, avec Myriam Saduis, les images scéniques fortes et belles guident notre réflexion de spectateur. Pour nous rappeler l’impossible antinomie des yeux et du cœur. Son adaptation de La Mouette de Tchekhov, La Nostalgie de l’avenir , nous bouleversait. Protocole de relance nous fait l’effet d’une injection. Une piqûre de rappel. Les spectateurs entendent leurs noms prononcés, incipit du texte éponyme du spectacle. Nous risquons tous ou avons déjà été sur une liste qui décide d’une bifurcation de nos vies. La condamnation d’un homme par la seule énonciation de son nom ôte à l’homme sa dignité, celle de sa pensée, de son histoire et de son espoir. Ce spectacle met en lumière les tragédies contemporaines et s’ouvre sur la nécessaire confiance de l’homme en sa capacité à résister. Du théâtre pour se laisser, heureusement, bousculer. Scénographie et costumes : Anne Buguet. Images : Joachim Thôme. Conseiller musical : Jean-Luc Plouvier. Création du Théâtre Poème 2. Le Poème 2 est subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Du 14 au 30 mars 2013 au Théâtre Poème 2 à Bruxelles.

http://cwb.fr/mediatheque/abecedaire/p

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Guy Duplat , La Libre Culture, le 16 mars 2013 Les mots sur les maux

“Protocole de relance”, spectacle beau et fort au Théâtre Poème 2. Scènes C’est un trio de femmes - ce n’est pas un hasard - qui vient nous dire avec force tout l’humain qui se cache derrière les faits divers. Un trio qui vient déchirer, sans cris, mais sans peurs, les fauxsemblants des discours des puissants. Un trio qui brise les ambiguïtés des médias et montre la souffrance humaine qui peut se dissimuler derrière les mots. Pour "Protocole de relance", l’écrivaine Nicole Malinconi, l’actrice Nicole Colchat et la metteuse en scène Myriam Saduis ont pu mêler à la force du projet la beauté plastique. Nicole Malinconi est un de nos grands auteurs, prix Rossel. Ses livres mettent des mots sur ce qui se passe dans nos hôpitaux, nos écoles ou nos entreprises. Ils ont le don de nous amener à voir à nouveau les injustices et les souffrances des hommes et des femmes. Elle le fait en écrivaine. "L’écriture de Malinconi, sans concession ni sentimentalisme aucun, est une écriture de combat, précise, sans fioritures, habitée par l’insomnie", dit Myriam Saduis. Nicole Colchat a eu l’envie de jouer cinq courts récits tirés du livre de Malinconi, "Si ce n’est plus un homme" où elle part d’informations qui ont fait l’actualité pour montrer comment l’homme peut devenir un simple numéro. "Comment un humain vivant peut-il en regarder un autre en le considérant comme un spécimen ?" "Maintenant on ne dit plus Se tuer au travail, on le fait." Et c’est Nicole Colchat qui a fait appel à Myriam Saduis dont on avait tant aimé l’adaptation de "La Mouette" de Tchekhov : "La Nostalgie de l’avenir". Les cinq textes dits par Nicole Colchat parlent des réfugiés de Sangate qui tentent de passer la Manche, des sites Internet où on trouve des mères porteuses ou donneuses d’ovocytes. Ils parlent des 1 600 employés menacés de licenciement chez Carrefour et de l’usine Foxconn à Shenzen, "l’atelier du monde" où 30000 petites mains fabriquent nos gadgets technologiques. Là, le taux de suicide est tel qu’on a dû placer des filets devant les fenêtres pour éviter les gestes désespérés. Nicole Malinconi évoque aussi les expos obscènes du docteur von Hagens et ses corps humains plastinés. Il n’y a pas de jugements, pas de révolte, juste l’humain, juste les mots qui disent l’absurdité, la souffrance, portés par la belle mise en scène de Myriam Saduis, qui joue avec un grand drap nappe, nomme les spectateurs, ou efface les mots projetés. Sauf "Amour", le seul mot qui résiste. Bruxelles, Poème 2, jusqu’au 30 mars. Infos & rés.: 02.538.63.58, ww.theatrepoeme.be

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Catherine Makereel, dans Le Mad, le 13 mars 2013 Protocole de relance Genre : PROFESSIONNEL Quand : Jeudi 14 mars au samedi 30 mars Où : Poème 2 ; Rue d'Écosse, 30 ; 1060 Saint-Gilles Prix : 15 € Critique du Soir

(Avis de la rédaction) La traversée est sombre et vous plonge la tête sous l'eau, trouble, parmi ces êtres noyés par une société qui ne s'encombre plus de la dignité des êtres quand il s'agit de faire tourner le commerce. La navigation est houleuse, butant contre des flots de gueules cassées, d'hommes et de femmes abîmés par un mistral ultralibéral qui balaie les plus faibles dans sa course au profit. Sur ce radeau fait de planches d'une tenace fragilité, l'humanité se pêche à pleins filets dans le traître océan d'une époque muselée. "Protocole de relance" est adapté de "Si ce n'est pas un homme" de Nicole Malinconi, Prix Rossel en 1993 pour "Nous deux". Le titre original le laisse deviner : il s'agit de l'humain ici, mais d'un humain déshabillé de sa dignité, défiguré par la déshumanisation d'un monde vendu à la marche inéluctable de la mondialisation. En cinq scènes, la pièce avance sur les talons des cabossés du monde. Des réfugiés qui, la nuit, s'accrochent sous les remorques de camions garés à Calais mais lâchent pied avant d'arriver à bon port, enterrés comme des soldats inconnus, visages vite effacés d'une Europe aux invisibles fils barbelés. Ou ces travailleurs usés de chez Foxconn, en Chine, petites mains interchangeables de "l'atelier du monde", où le taux de suicide est tel que l'on y a installé des filets sous les fenêtres des dortoirs. Visages anonymes engloutis dans une marée de gadgets électroniques sous-traités par Apple et consorts. On croise aussi des travailleurs de Carrefour réduits à une liste de noms propres à constituer la "masse salariale à réduire", des mères porteuses et autres donneuses de gamètes affichées dans un catalogue Internet pour qui veut se payer un enfant en un click, mais aussi les corps humains plasticinés du docteur von Hagens qui fait fureur à travers le monde avec son expo Body Worlds, une insulte à la dignité des morts. On le voit, les thèmes sont militants mais la langue n'est pas revendicatrice. Elle cherche plutôt à décrire, traquer les impostures dans l'usage des mots - comme "protocole de relance" - jargon trompeur et lâche dissimulant des drames humains. A la mise en scène, Myriam Saduis - déjà acclamée pour sa "Nostalgie de l'Avenir" la saison passée - éclaire ici d'une lumière délicate la perfidie des mots. Sur scène, elle n'arme Nicole Colchat que d'un simple mais immense drap vaporeux, lequel fait surgir des vagues pour évoquer la traversée des réfugiés à Calais ou occupe la comédienne dans de furieux va-et-vient pour suggérer les travailleurs surexploités de Foxconn. Avec une simplicité désarmante, Nicole Colchat endosse tous ces sans papiers, sans travail, sans espoir.

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En radio sur MUSIQ3 : - Interview reprise dans Le point du jour dans le journal du matin, le 19 mars 2013 http://www.rtbf.be/musiq3/podcast/ - Interview dans l’émission Le Grand Charivari, le 23 mars 2013 http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=1809033&channel=musiq3

Christian Jade, RTBF Culture, le 27 mars 2013 "Protocole de relance", ou les nouvelles "gueules cassées" de Nicole Malinconi Critique : **** Nicole Malinconi part de faits connus: licenciements chez Peugeot, sans papiers cherchant l’Eldorado anglais, exploités chinois de Shenzen, marché de mères porteuses sur internet, exposition de cadavres qui attirent les foules. Mais oubliez l’apparence de journalisme.. Cette écrivaine au scalpel tranchant, réduit la description à l’essentiel puis attaque et dissèque le vocabulaire social dominant, forcément hypocrite. Sur le commerce " internet " des gamètes de mères porteuses, un beau défilé de "mères":" subrogées, demandeuses, intentionnelles, bénéficiaires, clientes … on s’y perd dans les mères. Quant au père, … faut juste que les gamètes du géniteur s’accordentavec celles de la donneuse." Dans "Si ce n’est plus un homme", Nicole Malinconi "dialogue" à distance avec Primo Levi ("Si c’est un homme") et interroge le cynisme des expositions "Körperwelten" de Gunther von Hagens. Des millions de visiteurs pour ces cadavres écorchés et sur internet, vente de "porte-clefs en forme de main ou de pied d’écorché". "Comment un humain vivant peut-il en regarder un autre mort, en le considérant comme un spécimen?" Pour les "gueules cassées", ces sans papiers , sans identité, qui se faufilent entre les camions à Dunkerque pour rejoindre la Grande Bretagne, elle dresse une sorte d’hommage à "l’immigrant inconnu", écrasé, sans identité, par un camion aveugle. Mots trompeurs, langue de bois hypocrite : plus de "licenciements secs" pour 1672 licenciés de Carrefour/Belgique mais un "protocole de relance ", en clair des préretraites, négociées avec les syndicats,…qui permettent à l’entreprise de "relancer"…ses bénéfices. Même rage contenue contre l’usine Foxconn de Shenzen en Chine, immense camp retranché, "atelier du monde…Apple", où on a mis des filets aux fenêtres pour empêcher les ouvriers de se suicider. "Un homme ne comptait pas davantage qu’une vis à remplacer, et qui s’émeut quand on perd une vis?" Doucement, sans avoir l’air d’y toucher, Nicole Malinconi montre la perversion tranquille de notre système qui cache la misère sociale et son cynisme écœurant. Ce texte, non théâtral à l’origine, le devient par la volonté de Nicole Colchat de le "porter", par une présence impressionnante de calme et de rage contenue : pas un effet de manche, pas de rhétorique inutile, pas un mot plus haut que l’autre; les faits, intériorisés, la traversent et semblent parler d’eux-mêmes. Ajoutez la direction d’actrice remarquable de Myriam Saduis, dont la mise en scène s’appuie sur une scénographie belle et poétique d’Anne Buguet. Elle évite tout réalisme préférant suggérer que montrer. Un immense rectangle de toile est tour à tour robe, mer ondulante ou espace prison de Shenzen avec, en transition, l’appui léger d’une vidéo discrète. Ce texte non théâtral est porté à sa juste ébullition de scène, pour nous toucher, sans l’ombre d’un "prêchi prêcha", au point central : notre indifférence face à l’hypocrisie des dominants. A voir à Poème 2, 30 rue d’Ecosse, jusqu’au samedi 30 mars .http://www.theatrepoeme.be/

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