08 Expresso 2016

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Expresso

25 02 2016

quotidien du master de journalisme de l’ institut français de presse - promo 2017

L’essentiel FRANCE

Le chemin étroit de Martine Aubry

P.2

# 08

L’instance du foot mondial va élire son président

FIFA : élection sous haute tension

n La maire de Lille très

critique avec le gouvernement ne propose cependant que des aménagements à la politique suivie.

INTERNATIONAL

P.4

L’Iran face à son régime politique n Un double scrutin se

déroulera en Iran vendredi 26 février. Près de 55 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour renouveler le Parlement le conservatisme domine sur fond d’ouverture économique.

eco/conso

P.6

Pétrole, la baisse continue

n l’absence de coopé-

ration de Ryad et Téheran éloigne la posibilité d’un redressement des prix du barril et d’une sortie de crise rapide.

exposition

P.8

Alberola au Palais de Tokyo L’artiste français nous fait plonger au coeur de sa mysterieuse «Aventure des détails» dont l’interprétation nous appartient.

n

n Ce vendredi, le nouveau président tino. En toile de fond, une lutte « bloc

de la FIFA sera élu. Crucial, ce scrutin devrait se jouer entre le bahreïnien Cheikh Salman, grand favori, et son challenger, l’italo-suisse Gianni Infan-

contre bloc ». Un match Asie-Europe s’annonce. Eclaboussée par de nombreux scandales de corruption, la FIFA joue sa survie. Page 9


france POLITIQUE Aubry tente de définir son projet alternatif

Beaucoup de bruits pour pas grand chose

E

t les propositions? Après avoir publié mercredi 24 février une tribune virulente contre la politique menée par le gouvernement de Manuel Valls, Martine Aubry est rentrée dans le vif du sujet sur RTL jeudi 25 février. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le contenu est léger, plus proche du réaménagement que des « grandes réformes sources de compétitivité pour les entreprises et de progrès social » annoncé dans sa tribune « Sortir de l’impasse ». Pour beaucoup de socialistes, c’est la déception. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat en charge des relations avec le parlement, a lancé l’attaque la plus virulente : « je ne vois aucune proposition, je ne vois aucune stratégie, je vois une posture moralisante. Mais estce que finalement Martine Aubry ne représente pas une gauche qui est fatiguée de gouverner ? ». Des aménagements

Tandis que le président de la République continue son tour de l’Amérique latine, silencieux sur le sujet, Mme Aubry a donné le cœur de sa philosophie sur RTL, si on sait lire entre les lignes. Ce qu’elle souhaite

La maire de Lille donne des propositions traditionnellement ancrées à gauche (DR)

vraiment, « c’est un mouvement de bascule ». Par exemple, elle souhaite réorienter les douze milliards d’euros restant du pacte de responsabilité (le « deal » conclu entre l’Etat et les entreprises de 41 milliards d’euros d’aide contre des emplois). Au lieu de favoriser uniquement les entreprises, Martine Aubry veut réorienter l’argent vers les ménages et vers les collectivités territoriales. C’est la relance de la demande

et de l’investissement public. Autrement dit, elle défend une politique de gauche classique. Autre aménagement, la maire de Lille propose « des aides ciblées pour les entreprises » qui subissent la concurrence internationale, comme celles du textiles, et pas pour celles « qui n’en ont pas besoin ». Plus facile à dire qu’à faire car le Conseil Constitutionnel a interdit cette distinction au nom de l’égalité devant la loi. Elle

rappelle aussi sa proximité avec le nouveau ministre des Affaires étrangères sur la réforme fiscale, « j’ai toujours accepté la réforme de Jean-Marc Ayrault qui souhaite créer un impôt citoyen en rapprochant l’impôt sur le revenu et la CSG». Si elle reconnaît à l’exécutif « qu’il faut faire évoluer le code du travail » et « rendre les entreprises plus compétitives », elle précise : « en protégeant les salariés ». Martine Aubry, qui a défendu les 35 heures et le CMU, se dit « la plus réformiste » aujourd’hui à gauche. C’est pourtant bien la gauche italienne de Matteo Renzi qui a assoupli les conditions du licenciement économique avec succès. A cela, elle répond être prête pour un débat avec Manuel Valls. Finalement entre la virulence des propos de sa tribune et des propositions plus proche du réaménagement, il y a un écart qui surprend. Martine Aubry reste dans le cadre défini par le gouvernement. Ce qu’elle veut, « c’est répartir autrement » sans pour autant augmenter les dépenses budgétaires. Comme si elle voulait se placer en tête des frondeurs, sans se faire accuser d’irresponsabilité sur le plan économique. o Quentin Ebrard

MIGRANTS Après deux jours d’incertitude, le tribunal administratif de Lille a tranché

A Calais, la zone sud de la « jungle » va être démantelée n Après deux jours de suspens, la justice lilloise vient de trancher. Et le verdict est sans appel : le démantèlement de la zone sud de la « jungle » va bien avoir lieu, à l’exception des lieux de vie mis en place dans le bidonville tels que les écoles et les lieux de culte. C’est donc l’épilogue de dix jours de négociations entre le gouvernement, les migrants et les associations. Car depuis l’arrêté préfectoral d’expulsion demandé le 12 février dernier par la préfète du Nord-Pas-de-Calais Fabienne Buccio, le sort des migrants installés dans la moitié sud de la « jungle » ne tenait qu’à un fil. Un fil entre les mains du tribunal administratif de Lille qui, quelques heures après l’annonce de l’arrêté préfectoral, avait été saisi par huit associations humanitaires dont le Secours catholique, Médecins du monde et Emmaüs, qui demandaient le report du démantèlement. La décision du tribunal lillois était donc attendue avec crainte par les

02- EXpresso -JEUDI 25 février

Martine Aubry. Pour les associations, les jeunes migrants sont les premiers menacés par une telle décision.

Plus de 1000 migrants vont être expulsés de la zone sud (DR) migrants, après les deux jours de répit accordés par la juge Valérie Ouemener. Mais malgré ces deux jours de latence, rien n’a changé, et la validation de l’expulsion des 1000 migrants présents sur les lieux selon la préfecture va satisfaire le ministre de l’Intérieur. Bernard Cazeneuve s’était montré « déterminé à conduire à son terme » la mesure, et avait même reçu le soutien de la maire de Lille

Les jeunes menacés Il y aurait, selon les chiffres de France Terre d’Asile, près de 425 enfants et adolescents vivant dans la partie sud du camp qui doit être rasée. La plupart ont entre 13 et 18 ans, mais les plus jeunes ont à peine 10 ans. Parmi eux, plusieurs centaines sont des « mineurs isolés », qui n’ont ni parents ni responsables légaux. Une situation qui inquiète la Défenseure des enfants Geneviève Avenard, pour qui les conditions de vie de ces jeunes, sans repères familiaux et livrés à eux-mêmes, « ne sont pas dignes et décentes ». Pourtant, Bernard Cazeneuve a assuré qu’un accompagnement des migrants déplacés serait mis en place, notamment dans des Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO). Le problème, c’est

que depuis le début de l’année, seule une vingtaine de jeunes a accepté de se rendre dans un de ces centres. Les autorités risquent donc de se retrouver impuissantes face à ces jeunes qui n’ont nulle part où aller. D’autant que les pays qui entourent la France ont déjà pris les mesures pour se dédouaner de toute obligation. C’est le cas de la Belgique qui, par peur de voir affluer des centaines de migrants sur son territoire, a rétabli depuis lundi dernier les contrôles à sa frontière avec la France. La décision du tribunal de Lille vient donc ajouter une couche dans cet énorme capharnaüm migratoire, au moment où le commissaire européen Dimitris Avramopoulos L’Union européenne exhorte les pays membres à apporter des « résultats tangibles » dans un délai maximum de « dix jours » à la crise migratoire, au risque de voir « le système complètement s’effondrer ». o Adrien Marchais


france

PARIS L’ancien hôpital accueille des initiatives solidaires

Nouvelle vie pour Saint-Vincent de Paul

A

Le bâtiment est devenu un centre de l’économie sociale (B.Delol)

venue DenfertRochereau dans le XIVe arrondissement de Paris. Le numéro 72 se cache derrière de grands murs de pierre salis par la pollution. Ici se tenait l’une des plus importantes maternités de Paris, délaissée par l’AP-HP en 2012. Par cette journée ensoleillée de février, les allées et venues rythment un quotidien pas banal dans l’ancien couvent, construit en 1657 et qui vit aujourd’hui une troisième jeunesse. Car depuis quelques mois, un vaste projet urbain, collectif et solidaire s’est installé : Les Grands Voisins. Dans un coin du bâtiment, la porte s’ouvre sur les locaux de Mon Premier Bureau, un espace de coworking social. Sur les murs, des câbles sont encore visibles, mais déjà le lieu fait le plein. 19 entrepreneurs de tous horizons se partagent l’espace, et un point commun : « ce sont des personnes aux revenus limités avec un projet de création d’entreprise qui ne pourraient pas aller ailleurs », explique

Benoît Delol, président de Mon Premier Bureau. C’est qu’à 99€ par mois, le loyer défie toute concurrence, trois à quatre fois moins cher que les espaces de coworking traditionnels qui essaiment dans tout Paris. Une façon de lutter contre le chômage pour Benoît Delol, « Je veux satisfaire un besoin souvent sous-estimé chez les créateurs d’entreprise. C’est du bureau social, comme il existe des logements sociaux ! ». Echange entre occupants

C’est bien cela l’esprit des Grands Voisins. Sur les 3,4 hectares de terrain au cœur du XIVe arrondissement, on expérimente le vivre-ensemble, différemment. « Nous voulons faire cohabiter des publics différents qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer », explique Aurore Rapin, chef du projet Grand Voisin pour Yes We Camp. Aux côtés d’Aurore et Plateau Urbain, l’association participe à la gestion du lieu. Une « fabrique expérimentale de vivre-ensemble », qui accueille aujourd’hui un millier de per-

sonnes sur site. Ici, tout le monde est le bienvenu, à condition de se conformer aux deux mots d’ordre : proximité, et entraide. Véritable vivier de l’économie sociale et solidaire, l’ancien hôpital accueille artisans, artistes et associations qui profitent de nombreux locaux rénovés. Mais ce n’est pas tout. Aurore, l’association porteuse du projet spécialisée dans la lutte contre l’exclusion héberge aussi plus de 400 personnes en situation de précarité. Ex-SDF, jeunes, femmes ou travailleurs migrants partagent aussi ce lieu de vie, pourtant provisoire. Car le projet, initié par la Mairie du XIVe, est voué à disparaître d’ici fin 2017. A cette date, le projet d’écoquartier des autorités publiques devrait prendre vie. En attendant cette prochaine renaissance, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul continue de nourrir en son sein les projets. Prochains sur la liste: un camping, une auberge de jeunesse et des bains vapeur russes. o Elise Koutnouyan

en bref Pic de l’épidémie de grippe n La grippe, qui a déjà touché 750 000 personnes en un mois devrait culminer durant les deux prochaines semaines selon l'Institut de veille sanitaire (InVS). La maladie est « de gravité modérée » avec un bilan au "nombre de cas graves deux à quatre fois inférieur" aux deux hivers.

Trahi par Periscope n Un prisonnier a écopé de

six mois de prison supplémen-

taires pour s’être filmé sur le réseau social de vidéo en direct en train de fumer du cannabis.

Tapie privé de permis

Les Youtubeurs contre la loi du travail n Plusieurs stars de Youtube se sont engagées dans une courte vidéo contre les dispositions prévues par le projet de loi de Myriam El Khomri. Sous le hastag #Onvautmieuxqueça , les comédiens du web appellent la jeunesse à raconter ses expériences au travail pour protester.

n Le businessman Bernard Tapie

a été flashé à 185 km/h sur l’autoroute A7 dans le Vaucluse, au lieu des 130 km/h maximum autorisés. La police lui a retiré son permis.

SANTE Révélations sur l’essai clinique mortel de Rennes

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’essai thérapeutique ayant entrainé la mort d’un volontaire et l’hospitalisation de cinq autres début janvier à Rennes. Le Figaro dévoile aujourd’hui des informations mettant en cause la responsabilité du laboratoire Biotrial qui a mis en place l’expérimentation, et du laboratoire Bial qui l’a commanditée.Le journal affirme que quatre personnes hospitalisées ont souffert de lésions profondes au cerveau, entrainant notamment des troubles de la coordination des mouvements. Si toutes semblent aujourd’hui tirées d’affaire, le protocole de l’expérimentation reste mis en cause. Il est jugé « imprudent » par de nombreux praticiens qui dénoncent l’administration de doses trop importantes aux cinq sujets, tous testés au même moment. Déficit de transparence

Autre révélation, la molécule incriminée avait été testée au préalable sur des animaux et aurait provoqué le décès de plusieurs chiens. Une information gardée secrète par le commanditaire de l’essai, le laboratoire portugais Bial, qui prétend que les résultats de ces essais dits pré-cliniques sont protégés par la propriété industrielle. Un silence couvert par l’Agence du médicament (ANSM) qui fait polémique alors que la ministre de la Santé Marisol Touraine avait promis « une transparence totale » sur cette affaire. Biotrial est la cible de toutes les critiques depuis que l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a révélé début février les « divers manquements » du laboratoire. Selon le rapport, les tests avaient continué alors qu’un premier sujet était déjà hospitalisé. Biotrial n’avait d’autre part « pas réellement informé » les autres volontaires de l’accident pour s’assurer de leur consentement. Enfin, le laboratoire rennais avait tardé à signaler l’accident aux autorités et ne s’était pas tenu suffisamment informé de l’état de santé du premier volontaire hospitalisé. Des « failles béantes » dans le protocole expérimental mais qui ont été jugées insuffisantes pour conclure à la responsabilité directe de Biotrial. o Maxime Jaglin

Mercredi 24 février- Expresso - 03


INTERNATIONAL IRAN Les élections législatives se tiendront vendredi

À Téhéran, fermeture politique, ouverture économique

L

’Iran est-il dans une impasse ? Alors que le peuple perse se rend aux urnes vendredi 25 février dans le cadre des élections législatives, le progressisme iranien, prôné par le président Hassan Rohani, semble avoir pris du plomb dans l’aile. Les électeurs sont invités à choisir les nouveaux membres de l’Assemblée consultative islamique ou Majlis, institution similaire à notre assemblée nationale, mais aussi de l’Assemblée des experts. Composée des 88 clercs, cette institution a pour prérogative la désignation du nouveau « Guide Suprême » ou Ayatollah, actuellement incarné par Ali Khamenei. Premier test depuis les accords sur le nucléaire iranien en juillet 2015 et la levée des sanctions occidentales qui isolaient jusque-là l’Iran, ces élections sont un véritable curseur pour le président Rohani, et sa nouvelle politique d’ouverture engagée depuis 6 mois. Depuis ces accords, Rohani est sur tous les fronts. D’abord en Italie, puis en France. Objectifs : renforcer les relations diplomatiques et séduire les entreprises. Car en Iran, l’ouverture est une aubaine pour relancer l’économie d’un pays qui souffre encore de son isolement passé et de la chute du prix du baril du pétrole en 2014. Et Rohani innove. En attirant les entreprises, il concentre sa politique économique sur le secteur privé. Un secteur jusque-là muselé par

nucléaire. Avec une économie contrôlée à 60 % par les Gardiens de la Révolution, omniprésents dans le secteur public ; commercer avec l’Iran, c’est passer inévitablement par ces derniers, qui ont la sinistre réputation d’être impliqués dans la répression de la population et des opérations mafieuses. Une élite qui, en jouant de compromis, s’est arrogée la gestion de la ligne régionale du pays au Moyen-Orient en laissant le champ libre à Rohani dans les négociations sur le nucléaire. Une situation qui freine les occidentaux, alors que l’Iran est toujours à la recherche d’un second souffle économique.

Hassan Rohani, (DR)

une vieille « économie résistante », prônée par Khamenei et qui repose à 80% sur le secteur public. Cette politique d’ouverture est en train de payer. Le FMI prévoit déjà une croissance de 5% pour l’année 2016-2017. Le secteur privé est aujourd’hui la clé de voûte de la politique de Rohani et semble le seul capable de créer assez d’emplois pour réveiller l’économie du régime. Une économie figée par le pouvoir

Si ce virage libéral fait consensus au sein de la société iranienne, il ne trouve pas écho au sein du système politique. Les élections législatives de vendredi démontrent que le régime, encore marqué par la vieille garde révolutionnaire, ne semble pas prêt au changement. Dans un champ politique ver-

rouillé par les autorités iraniennes, les électeurs n’auront que peu de choix entre le camp de Rohani et la coalition des conservateurs. Sur 3 000 candidats du camp « réformateur », seules quelques dizaines ont été autorisées par le Conseil des Gardiens, douze nommés par l’Ayatollah lui-même. L’alternative réformiste n’existe pas. La situation n’est guère meilleure pour l’Assemblée des experts. C’est elle qui aura la tâche de nommer un nouveau Guide suprême à la mort de Khamenei. Une fonction capitale quand on connaît l’état de santé du guide, atteint d’un cancer. Seulement 161 personnes ont été autorisées à se présenter. Ce qui assure au « Guide suprême » une relève issue de son propre camp. Ces élections montrent que l’Iran ne semble pas prêt à tirer profit des négociations sur le

o Mathieu Aït Lachkar et Louis Duménil

Le système iranien La République islamique d’Iran revendique une double légitimité, religieuse et politique. Le président n’est pas tout seul. Il y a le « Guide suprême », autorité religieuse nommée à vie. C’est l’homme le plus puissant d’Iran. Il détient le pouvoir exécutif, judiciaire et législatif. Il peut aussi déchoir le président de la République. Le président, élu pour 4 ans et deux mandats, a le rôle d’un Premier ministre. Il dirige et coordonne les politiques déterminées par le Guide, avec une marge de manœuvre extrêmement faible.

ASIE La Corée du Nord au cœur d’une nouvelle crise diplomatique

Sanctions et tensions au Pays du Matin Calme n « Vieille s***** folle ». C’est

ainsi que le gouvernement nord coréen a officiellement qualifié mercredi soir Park Geun-hye, la présidente sud-coréenne. Du jamais vu. Officiellement, le communiqué concerne la fermeture soudaine d’une zone industrielle transfrontalière, financée par la Corée du Sud. Cette insulte s’inscrit dans une montée des tensions dans la région, alors que la Chine et les États-Unis se sont mis d’accord

04 - EXpresso - jeuDI 25 FÉVRIER

le même jour pour présenter une nouvelle résolution à l’ONU, prévoyant des sanctions contre la Corée du Nord. Pourquoi ces condamnations ? Les deux pays reprochent à Pyongyang d’avoir testé une bombe à hydrogène partielle le 6 janvier. Un mois plus tard, le 7 février, le régime de Kim Jongun lançait une fusée vers l’espace, malgré l’interdiction de l’ONU et l’inquiétude des pays voisins, qui y voient un tir de

missile balistique déguisé. Les sanctions proposées prévoient précisément un embargo sur le kérosène afin d’empêcher tout nouveau décollage. Le Japon a également renforcé son dispositif anti aérien afin de contrer un éventuel missile nord-coréen. Séoul n’est pas en reste

Dans la foulée, la Corée du Sud a annoncé, le 22 février, que ses exercices militaires annuels en mars avec les Etats-Unis

seraient d’une « ampleur sans précédent ». Pyongyang n’a pas apprécié et a menacé le lendemain d’attaquer de manière préemptive son voisin du sud à la moindre provocation, précisant notamment que le siège de la présidence sud coréenne serait ciblée. Mais, entre ces exercices et les nouvelles sanctions c’est désormais toute la région qui risque de s’embraser dans un conflit. o Benjamin Alcaïde


INTERNATIONAL MOYEN-ORIENT L’aide humanitaire pourrait être étendue

L’ONU intervient en Syrie

D

ans l’oppressant climat politique syrien, l’ONU est intervenue. Pour la première fois, des ressources humanitaires ont été acheminées par voie aérienne à Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, a annoncé mercredi 24 février le patron des opérations humanitaires de l’Organisation internationale, Stephen O’Brien. Ce dernier a estimé que de tels largages, imprécis et difficiles en raison de l’insécurité, « présentent des risques opérationnels » et ne sont envisageables qu’en « dernier recours ». Une opération exceptionnelle motivée par les quelques 200 000 habitants, restant à Deir ez-Zor et subissant un siège par les djihadistes de l’État Islamique (EI), qui contrôlent déjà une partie de la ville. Jusqu’à présent, si l’ONU privilégie l’acheminement de ressources par camions, c’est en partie pour éviter que des imprécisions ou des conditions climatiques compliquées ne permettent aux djihadistes d’en bénéficier. En 2014, une vidéo de l’État Islamique, exhibant des armes américaines issues d’un largage raté sur le territoire de Daech à Kobané (frontière turco-syrienne), avait mis la coalition dans l’embarras. Ce changement de position de la part de l’ONU intervient alors que le peuple syrien patiente toujours dans l’espoir d’un renouveau.

Hollande termine sa visite en Amérique Latine

L’aide humanitaire en Syrie s’organise (DR) Un cessez-le-feu pour changer la donne ?

Les négociations, qui continuent autour d’un possible cessez-le-feu entre le régime de Damas et l’opposition, pourrait entrer en vigueur ce samedi. Cependant, si les propositions de trêve, émanant des deux principaux acteurs étrangers, la Russie et les États-Unis, semblent avoir obtenu l’accord du président syrien Bachar Al-Assad, celui-ci a d’ores-etdéjà annoncé qu’il exclurait de l’accord les groupes djihadistes État Islamique et Front AlNosra (branche syrienne d’Al Quaïda). « Le gouvernement syrien est prêt à se coordonner avec le côté russe pour déterminer quelles sont les régions et les groupes armés qui feront l’objet du cessez-le-feu », a expliqué le ministère des Affaires Étrangères syrien. Damas se

réserve cependant le droit de « répliquer à la moindre des violations du cessez-le-feu par des groupes armés visant des civils ou les forces gouvernementales ». Autres forces en présence sur le territoire syrien, les Kurdes, et surtout l’opposition au régime qui tente de renverser Bachar Al-Assad depuis quatre ans, ont annoncé ce jeudi qu’ils respecteront l’accord de trêve. Pour John Kerry, le secrétaire d’État américain, « cet accord va non seulement permettre de faire reculer les violences, mais aussi d’étendre la livraison d’aide humanitaire aux zones assiégées qui en ont urgemment besoin ». Depuis 2011 ces affrontements ont fait plus de 260 000 morts et déjà poussé à la fuite plus de la moitié de la population du pays. o Guillaume Thorel

Au secours de la Paix au Burundi n Après le secrétaire géné-

Changement de cap

Car depuis avril 2015 et la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat

L’Otan définit le mandat de son opération antipasseurs n Les 28 pays membres de l’alliance atlantique ont défini les modalités opérationnelles de leur mission de surveillance frontalière en mer Egée. Objectif : lutter contre le trafic de migrants en Turquie.

AFRIQUE L’Union Africaine cherche à faire pression sur Pierre Nkurunziza

ral des Nations unies Ban KiMoon il y a deux jours, et des représentants du Conseil de sécurité quelques semaines plus tôt, c’est au tour de cinq chefs d’État africains de se rendre à Bujumbura. Dépêchés par l’Union Africaine, les présidents sud-africain, sénégalais, gabonais et mauritanien et le Premier ministre éthiopien ont un objectif : faire pression sur le président burundais Pierre Nkurunziza pour enfin trouver une solution à la crise politique qui paralyse le pays.

en bref

n Pour sa deuxième journée de visite en Argentine, le président François Hollande commencera par un hommage aux 10 000 victimes de la dictature militaire (1976-1983). Il s’exprimera ensuite devant un forum scientifique et universitaire.

Le cessez-le-feu en Syrie ne suffit pas à la Turquie n L’accord de cessez-le-feu

prévu en Syrie n’est « pas contraignant » pour la Turquie, qui est décidée à riposter à toute attaque contre son territoire de la milice kurde qu’elle considère comme « terroriste », a déclaré jeudi le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.

Les eurodéputés demandent un embargo sur les armes à Ryad n Le Parlement européen a

réclamé un embargo sur les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite, critiquant ses frappes aériennes au Yémen et le blocus maritime imposé à ce pays, qui ont fait « des milliers de morts ».

La Grèce rappelle son ambassadeur en Autriche n Nouvel épisode dans les ten-

sions européennes sur la question des migrants. Athènes vient de rappeler son ambassadeur à Vienne, pour « consultation ». La Grèce dénonce la réunion qui s’est tenue mercredi dans la capitale autrichienne avec les pays balkans.

L’Otan mène une enquête en Afghanistan Les violences armées ont déja fait plus de 400 morts (AFP / DR)

malgré les textes constitutionnels, le Burundi sombre dans la violence. Mardi, le président assurait à Ban Ki-Moon qu’il engagerait un nouveau « dialogue inclusif » avec ses opposants. Une promesse décisive pour ce chef

de l’État qui refuse jusqu’à présent de négocier avec une partie de l’opposition impliquée, selon lui, dans une tentative de coup d’État en mai 2015 et responsable du climat de violence actuel. o Jeanne Frémin du Sartel

n L’Otan a annoncé, ce jeu-

di, avoir ouvert une enquête concernant une opération ayant fait trois morts, il y a 10 jours, dans le centre du pays. Cette dernière, qui visait une clinique d’une ONG suédoise, avait été attribuée par les talibans à l’armée afghane ainsi qu’à des « soldats étrangers ».

jeuDI 25 FÉVRIER- EXpresso - 05


ECO/conso PETROLE L’Arabie Saoudite prête à faire descendre le baril à 20$

Le cours du pétrole pâtit des rivalités géopolitiques

J

usqu’où le prix du baril de pétrole va-t-il continuer de descendre? Depuis l’été 2014, l’or noir a perdu près de 75% de sa valeur, franchissant la barre symbolique des 30 dollars en début d’année. Une chute libre qui, si elle ravit les consommateurs, représente un véritable danger pour l’économie mondiale. Une situation d’autant plus menaçante que la coopération entre les différentes économies pétrolièresest quasi inexistante. Au coeur du problème, les réticences de l’Iran et de l’Arabie Saoudite à réduireleur production pour rééquilibrer le marché, compliquent grandement les choses. Pour Téhéran, hors de question d’accepter la moindre concession. Depuis la levée des sanctions qui pesaient sur sa production nucléaire et pétrolière, l’Iran est déterminé à retrouver un niveau de production optimal, soit 500 000 barils par jour. Un nouvel acteur déterminé et des litres de pétrole qui viendront s’ajouter au marché déjà saturé de l’or noir. Une mauvaise nouvelle qui entache l’espoir d’un redressement des prix, et à laquelle vient s’ajouter le positionnement saoudien. Des stratégies individualistes

En effet, Ryad espère bien faire baisser encore plus le cours du baril. Le ministre du pétrole saoudien a ainsi laissé entendre que le pays pourrait laisser s’effondrer le prix du baril jusqu’à 20 dollars pour tuer le pétrole de schiste américain. Pourtant,

Ryad veut contrer le gaz de shiste américain en plombant le prix du baril du pétrole. (DR)

un accord avait été signé le 16 février dernier à Doha entre l’Arabie Saoudite, la Russie, le Venezuela et le Qatar, afin de «geler la production à son niveau de janvier» et «stabiliser les marchés pétroliers». A peine dix jours plus tard, l’accord et

ses principes semblent oubliés. Le double discours du royaume saoudien n’augure rien de bon quant à l’amélioration de la situation. D’autant plus que le pétrole est un élément clé de la stabilité interne des pays producteurs de pétrole.Sans les hauts

revenus pétroliers habituels, certains d’entre eux n’auront d’autre choix que d’adopter des mesures d’austérité largement impopulaires. Ce qui fait planer la menace d’un dérèglement sur le long-terme de certaines régions. o Laure Hanggi

L’Algérie au bord du gouffre La chute du prix du baril de pétrole touche durement le pays. Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé mercredi 24 février, une baisse de 70% des revenus pétroliers en moins de deux ans. Un manque à gagner énorme pour l’Algérie, dont 95% des revenus extérieurs proviennent de la vente d’hydrocarbures. Soit 40% du budget de l’État. Suite à cette annonce, le président Bouteflika s’est voulu rassurant en affirmant que le pays était « en mesure [de] faire face » à la situation, notamment à travers la politique de rigueur mise en place depuis 2014.

Il a de plus annoncé que le développement des énergies renouvelables serait élevé au rang de « priorité nationale ». Mais les experts sont beaucoup moins optimistes et s’alarment du piteux état des finances publiques. L’économiste Smaïl Lalmas, cité par l’AFP, avertissait dès janvier que le pays se dirigeait vers « une catastrophe budgétaire de 40 milliards de dollars qui sera impossible à résorber ». n effet, si le prix du pétrole ne remonte pas, l’économie algérienne pourraitfaire naufrage d’ici 3 ans.

SOMMET Les grands argentiers se réuniront vendredi et samedi à Shanghai

Au G20, la Chine devra assumer ses défaillances n Il y aurait des « risques accrus de déraillement de la reprise de l’économie mondiale » selon un rapport rendu public mercredi par le FMI. En parallèle, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a revu à la baisse ses prévisions pour la croissance mondiale. Elles tombent à 3% contre 3,3 en novembre dernier. Le FMI a indiqué qu’elle lui emboiterait le pas lors de ses prévisions d’avril si les « turbulences financières » et les « inquiétudes liées au ralentissement chinois » ne se dissipent pas. 06- EXpresso - jeudi 25 février

des banques centrales des 20 nations qui représentent 85% du commerce mondial.

La Chine devra rassurer ses partenaires (DR) C’est dans ce climat d’incertitude que vont se réunir les ministres des Finances et les représentants

A l’ordre du jour Le premier sujet de débat sera le ralentissement de l’économie chinoise dont la croissance est au plus bas depuis 25 ans. Dans le pays organisateur du G20Finances, les prix des matières premières – pétrole, charbon, cuivre – sont au plus bas, ce qui handicape les pays producteurs et génère de l’instabilité pour les Bourses chinoises. La locomotive

de la croissance mondiale peine et l’Europe s’en inquiète. Seront aussi à l’ordre du jour, la menace d’un éventuel Brexit sur l’économie européenne ou encore la question de la lutte internationale contre le financement du terrorisme. Mais, avant même la formulation de nouvelles mesures, le FMI exhorte les pays à respecter les objectifs déjà entérinés. Selon le Fonds, « moins de la moitié » des mesures économiques-clés promises lors des précédents sommets ont été mises en œuvre. o Etienne Breil


ECO/CONSO IMPÔTS La France lui réclame 1,6 milliard d’euros

Google épinglé par le fisc n La facture risque d’être salée

pour Google. Le fisc français lui réclame près de 1,6 milliard d’euros d’arriérés d’impôts selon les agences Reuters et AFP. Une information rendue publique alors que le PDG de Google, Sundar Pichai, devait rencontrer mercredi 24 février dans la soirée, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Interrogé par l’AFP, Bercy n’a pas souhaité commenter cette information, invoquant « le secret fiscal ». Tout comme la firme américaine qui a préféré ne pas s’exprimer sur le sujet. Cette somme est réclamée à l’entreprise au titre de bénéfices générés en Europe, enregistrés dans sa filiale irlandaise, puis reversés en grande partie aux Bermudes, un paradis fiscal. Invité mercredi 24 février à Science-Po Paris pour évoquer Google et la fiscalité, Sundar Pichai a assuré que son groupe respectait la loi : « Nous sommes un groupe mondial et nous nous conformons aux lois fiscales partout, et nous le faisons dans tous les pays ». Google avait déjà reçu une notification de son futur redressement fiscal en 2014, et a depuis passé une provision dans ses comptes afin de s’y préparer. Pourtant, une source au sein de l’administration fiscale a confié

Sundar Pichai, PDG de Google (DR)

à l’AFP que « cela ne veut pas dire que Google va payer au bout du compte 1,6 milliard. Il va y avoir des recours, et peut-être au bout du bout une négociation, notamment sur les pénalités ». Des dettes à l’échelle européenne

La somme réclamée par la France n’est pas sans rappeler les déboires fiscaux de Google dans d’autres pays européen. Fin janvier, le fisc britannique annonçait avoir établi un accord avec le géant américain concernant, ici encore, des arriérés d’impôts équivalent à 170 millions d’euros. Cependant, l’administration

française avait assuré début février qu’elle ne négocierait pas le montant des arriérés d’impôts qu’elle réclame à Google, comme l’a fait le gouvernement anglais. Le ministre des Finances, Michel Sapin, avait d’ailleurs expliqué que les sommes en jeu en France étaient « bien supérieures » à celles de l’accord britannique. Mais, la France et la Grande-Bretagne ne sont pas les seuls pays à réclamer de l’argent à la firme de Mountain View. En effet, le fisc italien demande plus de 200 millions d’euros au moteur de recherches, accusé d’avoir fraudé pendant des années. o Eva Turisini

TECH La voiture connectée, star du Mobile World Congress

Le numérique s’empare du quotidien n Bientôt, votre voiture se garera toute seule et vous pourrez payer le parking d’un simple geste, grâce à votre empreinte digitale. C’est ce qu’ont promis certains constructeurs automobiles lors de l’édition 2016 du Mobile World Congress à Barcelone. Ainsi, après avoir collaboré avec Microsoft en 2010, Ford travaille désormais avec Blackberry pour intégrer les systèmes d’exploitation d’Apple et de Google à l’intérieur de ses nouvelles voitures. D’autres encore se sont associés avec des entreprises de télécommunications pour développer de nouveaux objets toujours plus intelligents. Volvo s’est par exemple rapproché d’Ericsson pour créer une clef numérique qui permettrait à un automobiliste d’ouvrir sa voiture directement à partir de son smartphone. Innover sous certaines conditions A l’image de ces premières voitures connectées

en bref

L’ex-directeur général de SFR se met les syndicats à dos

n La CFDT a révélé qu’Éric Denoyer, ancien directeur général de Numericable-SFR, avait empoché 15 millions d’euros de plus-value, grâce à la levée de ses stock-options. Une somme qui s’ajoute aux 2 millions de prime qu’il a perçus. Une nouvelle qui n’a pas du tout été appréciée par les syndicats de SFR. En pleines négociations salariales dans un climat relativement tendu, Éric Denoyer s’est ainsi justifié : « Je vais réinvestir une partie de cette somme pour créer une entreprise dans le domaine des objets connectés en France. Je n’exclue pas d’investir dans des start-up dans ce domaine. En outre, je vais payer énormément d’impôts, en France ».

Eric Denoyer n’a dirigé l’entreprise qu’une année et demi (Le Figaro)

La livre sterling en baisse n Mercredi 24 février, pour la première fois depuis mars 2009, la livre sterling est tombée au-dessous de 1,40 dollar dans les échanges matinaux en Asie. Vers 9 heures, à Tokyo – soit 1 heure en France -, elle a atteint 1,3987 dollar, touchant son niveau le plus bas en 7 ans. Et ce, avant de remonter légèrement. Une baisse qui avait débuté ce lundi, juste après le ralliement du maire de Londres, Boris Johnson, aux partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne.

France 24 bientôt disponible en espagnol Le président de Ford, Mark Fields, mise sur le tout numérique (DR) présentées lors du Mobile Worl Congress, l’industrie du numérique veut s’emparer de tous les objets de notre quotidien. Parfois, jusqu’à l’excès. Le géant Google en a récemment fait les frais avec ses lunettes connectées. Après un lancement fracassant, les Google glass se sont finalement révélées être un échec commercial : trop chères et trop intrusives, elles se son attirées les foudres du public. Un mois avant l’ouverture du Sa-

lon à Barcelone, le groupe américain Google a fermé les comptes Twitter, Facebook, Instagram et même Google+ de ses lunettes connectées. L’innovation technologique ne rime donc pas toujours avec succès et bénéfices. Mais le Salon du Mobile prouve que les objets connectés ont encore un bel avenir devant eux. A condition d’être vraiment intelligents et pas trop envahissants. o Juliette Sausse

n En 2017, la chaîne de télévi-

sion publique lancera un service en espagnol. Une annonce faite ce mercredi 24 février, à Buenos Aires, par le président français François Hollande. Cette nouvelle antenne proposera ainsi six heures de programmes par jour en espagnol, le reste des programmes sera quant à lui en français. Une rédaction hispanophone s’ouvrira dans un pays latino-américain et travaillera en collaboration avec les journalistes de RFI.

07 - EXpresso - jeudi 25 février


Culture eXPO Le palais de Tokyo présente « L’Aventure des détails » d’Alberola

Une aventure dont vous êtes le héros

A

la fin du parcours, une sorte de salle d’attente est aménagée dans un coin, avec des chaises disposées autour d’une table basse. Sur les murs, des tableaux. Au fond, une notice de l’artiste : il est parti sur le chemin de Stevenson sur l’île de Vailimi. Il faudra donc attendre. Le mystère est au coeur du travail de Jean-Michel Alberola, artiste français mis à l’honneur par le Palais de Tokyo. Sur le mur du cube qui accueille l’exposition, l’une de ses œuvres les plus connues trône. Deux jeunes garçons s’interrogent. « C’est quoi ? Une lune ? » « Non, une bulle de BD » - « En fait, je crois que c’est ce qu’on a envie que ce soit ». On met donc nos cerveaux en marche, pour se lancer dans « l’aventure des détails ». Première salle sombre, d’énormes lettres de néons nous accueillent pour « l’effondrement des enseignes lumineuses ». Le mélange des genres est d’emblée perceptible. Art conceptuel, abstrait, figuratif, néons, BD, monochromes, spirales, toiles, croquis, vidéos. C’est une rétrospective de la vie d’Alberola et de ses influences. Entre des références à Simone Weil ou Karl Marx, un fil conducteur se détache : L’île au trésor de R.L. Stevenson. Et la chasse qui va avec le trésor n’est jamais loin. Certains

livrer une vision du Monde. Plus que rétrospective, l’exposition s’avère introspective. Un virage à gauche, et une critique ironique de l’art contemporain transparaît. Un tableau vide avec une flèche indiquant le « presque rien du sublime à la con », puis une boîte posée au sol. En se penchant, on voit des néons former les mots « sans intérêt ». Piégés, on sourit. L’addition des détails

Jean-Michel Alberola, Reprendre la conversation, 2005 (Courtesy, ADAGP, 2016)

tableaux invitent le spectateur à remplir des cases. Beaucoup de toiles sont légendées, pour guider l’interprétation souvent multiple. Construire le désordre

Alberola aime Kafka. Comme lui, il délivre des créations absurdes qui sont paradoxalement très significatives. L’aspect critique est à peine caché : société de l’image, politique, travail, relations humaines, tout est détourné. Soudain, dans un recoin, un extrait du film « La vie de Manet », avec une parole marquante : « Peut-être faudrait-il être aveugle, pour mieux sentir les choses ». Avec Alberola, rien n’est visible, tout se ressent.

Il n’y a pas d’uniformité, ni dans les œuvres, ni dans le fil de l’exposition. On passe d’une salle où un certain « roi de rien » est décliné une dizaine de fois, à une autre consacrée à l’Histoire. « La pauvreté est une idée neuve en Europe », peut-on voir briller sur un mur. Une famille flâne à cet endroit. Le père « ne sait pas vraiment ce qu’[il] regarde, mais aime le regarder ». Son fils, lui, n’est « pas sûr d’aimer, mais [aime] ne pas être sûr ». C’est le sentiment général procuré par Alberola. Un voyage au cœur du doute qui traverse tous les aspects de la vie. Mêlant ironie et cynisme, l’artiste joue sur les mots et détourne les expressions pour

Au fil de l’aventure, l’espace et le temps sont révolus. C’est une mise en scène absurde qui nous fait passer par tous les états. Sourire, admiration, interrogation et dégoût se succèdent. Dernière salle, lumière éblouissante. On peut lire que « le monde extérieur est notre condition ». On franchit « la frontière » pour se retrouver face à de gigantesques lettres. La conclusion est là : « Reprendre la conversation ». Comme si ce voyage avait été une faille dans le temps, ou qu’il pouvait relancer des débats. Le doute persiste, toujours. De retour dans le hall sombre du Palais de Tokyo, les détails d’Alberola s’accumulent mentalement et tentent de former un tout. C’est maintenant à notre tour de construire. o Eva Gomez

* Exposition jusqu’au 16 mai 10€ - 8€ en tarif réduit.

MUSIQUE Des rappeurs quarantenaires et prospères

CINEMA Césars

n Les rappeurs grisonnants

n La 41e cérémonie des Césars

2016: les favoris

Les papys du rap font de la résistance

ou dégarnis ne lâchent pas le micro. A 50 ans, Kool Shen est de retour avec un nouvel album intitulé « Sur le fil du rasoir » dont la sortie est prévue ce vendredi. Sept ans après son dernier disque solo, le co-fondateur du groupe NTM a décidé de replonger, avec l’envie de montrer aux jeunes qu’il est toujours là. « Il y a ce truc vis à vis des rappeurs actuels pour leur dire : vous voyez, papy, il est toujours à l’heure » a déclaré Kool Shen à l’AFP. Et il n’est pas le seul à être titillé par un come-back dans la « raposphère ». Il y a deux mois, son compère d’NTM, Joey Starr (48 ans), sortait un album en duo avec Nathy. En 2014, avec son album « Je suis en vie », Akhenaton (47 ans) refaisait surface après huit ans de silence radio. 08 - Expresso - JEUDI 25 février

Le leader du groupe IAM a même annoncé la reformation du collectif marseillais pour un album qui devrait sortir l’an prochain. Le succès toujours présent

Outre-Atlantique, les rappeurs quadragénaires ont encore plus la côte. A 46 ans, la star américaine du rap, Jay-Z, est l’un des artistes les mieux rémunérés de la planète. Autre rappeur millionnaire, Dr. Dre sortait en août dernier l’album « Compton », à 50 ans, avec notamment la participation d’Eminem et Snoop Dogg, tous deux quarantenaires. Après le rock, le rap accueille ses premiers papys. Certains s’adaptent aux tendances pour séduire un public plus jeune, d’autres ont mûri leur discours ou élargi leur champ musical. Les autres jouent sur la nostal-

Kool Shen signe son retour (AFP)

gie de leurs albums devenus des classiques, avec des rééditions et des tournées souvenirs. Les pointures des années 90 comptent bien continuer à rapper et à vendre. o Inès Lagdiri

aura lieu ce vendredi au Théâtre du Châtelet à Paris. Toutes les stars du 7e art se réuniront pour la grande messe du cinéma français. En tête des nominations, « Marguerite » et « Trois souvenirs de ma jeunesse » cités onze fois. Vincent Lindon en chômeur de longue durée dans « La loi du marché » et Loubna Abidar en prostituée au royaume du Maroc partent favoris dans les catégories meilleurs acteur et actrice. La catégorie la plus difficile à partager sera sans doute celle du meilleur film. « Dheepan » de Jacques Audiard, qui a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes et « Mustang » de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven, nominé aux Oscars pour le meilleur film étranger ont une longueur d’avance sur leurs rivaux.


SPORTS FOOTBALL Une nouvelle élection très attendue après les différents scandales

La FIFA joue sa survie

V

endredi, le nouveau président de la FIFA sera désigné. Pour prendre la tête de cette instance du football mondial, deux hommes apparaissent comme les grands favoris. Le Bahreïni Salman et l’Italo-suisse Infantino. Un choix crucial qui survient à un moment où la FIFA joue sa survie. L’homme à battre, le Cheick Salman

Membre de la famille royale du Bahreïn et âgé de 50 ans, le Cheick Salman fait figure de grand favori depuis le retrait de Michel Platini. Actuellement vice-président de la FIFA, il est également Président de la confédération des pays asiatiques (AFC) dans lesquels il devrait faire le plein de voix. Il a récemment reçu un soutien de poids, celui de la confédération africaine (CAF). Un certain nombre d’affaires pourraient cependant lui porter préjudice. En 2009, alors président de la fédération du Bahreïn, il a été accusé d’avoir utilisé les budgets de la FIFA afin de financer

sa campagne infructueuse pour en devenir membre du comité exécutif. Il est également suspecté par Human Right Watch et Amnesty d’avoir joué un rôle dans la répression du soulèvement chiite de 2011 à Bahreïn. Le Cheick Salman apparaît donc comme un homme sulfureux au profil très controversé. Le challenger, Gianni Infantino

Cet italo-suisse de 45 ans, juriste de formation, s’est déclaré au moment où les ennuis commençaient pour Michel Platini. Candidat de l’UEFA, dont il est le numéro 2 depuis 2009, il est soutenu par son ancien président. Peu connu, il ne s’est rendu célèbre que lors des tirages au sort pour les compétitions. Malgré ce manque de notoriété, il est soutenu par une

très large majorité des pays européens ainsi que par la plupart des pays d’Amérique latine. FIFA, le match Europe-Asie

Pour Rémi Dupré, journaliste sportif au Monde, « l’instance mondiale souhaite introduire davantage de transparence dans ses pratiques ». Le journaliste estime que cette élection s’inscrit dans une « logique de blocs » avec d’un côté l’Eu-

L’affaire Blatter-Platini plane sur l’élection Les suspensions de Sepp Blatter et Michel Platini ont été réduites de huit à six ans en appel par la commission des recours de l’instance, mercredi 24 février. Le Suisse, président démissionnaire, et le Français, président de l’UEFA, avaient été suspendus pour corruption pour une durée de huit ans de toute activité liée au football le 21 décembre par la commission d’éthique.

SKI FREESTYLE Le français Kevin Rolland favori

Les X Games reviennent en Europe n Le stratosphérique Kevin

Rolland est sur le point de s’envoyer en l’air aux X Games Européens. Cette année, c’est Oslo qui les accueille du 24 au 28 février. Vainqueur de l’épreuve du Superpipe des X Games d’Aspen (Etats Unis) il y a un mois, le jeune prodige français compte bien doubler la mise dans la capitale norvégienne. Le superpipe c’est ce tube de neige aux parois hautes de sept mètres, dans lequel les athlètes enchaînent les sauts et les figures. Les derniers X Games européens s’étaient déroulés en France à Tignes, il y a trois ans. Un lieu apprécié et connu des adeptes du freestyle puisque la station accueillait déjà depuis 2010 les « Jeux de l’extrême ». Pourtant, l’événement X Games avait été successivement annulé en 2014 et 2015 en raison d’un manque de rentabilité. Le vieux continent prend donc

Gianni Infantino, à gauche, en discussion avec le Cheick Salman (EPA)

L’envol de Kevin Rolland (Direct Matin)

sa revanche avec au programme des 4 jours de compétition : du ski, du snowboard, et même du skate ! C’est l’occasion de mettre en lumière le Half et Super-Pipe en mal de reconnaissance médiatique. Cette discipline de ski freestyle a seulement commencé à se faire une place lors de son entrée aux Jeux Olympiques d’Hiver en 2014. o Constance Bernauer

rope incarnée par Infantino et de l’autre l’Asie, soutenue par l’Afrique, représentée par Salman. Selon lui, l’élection d’Infantino signifierait le retour de l’Europe aux commandes du football mondial. En effet, bien qu’européen, Sepp Blatter avait d’abord cherché à augmenter l’influence des continents africain et asiatique dans le monde du football. « Avec le Cheick Salman, ce serait une révolution et un saut dans l’inconnu, son profil n’incite pas à la confiance » conclut Rémi Dupré. Dans les deux cas, l’heureux élu aura la lourde tâche de rétablir la crédibilité d’une institution éclaboussée par de nombreux scandales de corruption. o Guillaume Poingt

en bref Robert Pirès prend sa retraite

Tournoi des Six Nations : Choc Galles-France

n Le footballeur français Robert

n Le XV de France défie ce soir à 21h les Diables Rouges au Millennium Stadium. Un choc entre deux équipes encore invaincues dans le tournoi. Pour ce test majeur, l’ailier du Stade Français Djibril Camara connaîtra sa première sélection. Autre changement, l’expérience de Maxime Machenaud a été préféré à la jeunesse de Sébastien Bézy, titulaire jusqu’alors.

Pirès a annoncé la fin de sa carrière sur beIN Sports, jeudi 25 février. Il est le dernier champion du monde 1998 à le faire, après plus d’une année sans jouer. «J’ai 42 ans donc à un moment donné il faut arrêter, il faut dire stop et puis surtout il faut laisser la place aux jeunes. Ma dernière expérience c’était en Inde», a déclaré l’ancien joueur.

Djokovic atteint les 700 victoires n Le joueur de tennis serbe compte désormais 700 victoires à son compteur depuis sa qualification pour les quarts de finale du tournoi ATP de Dubaï. Il talonne donc Nadal et ses 775 victoires, et de Federer (1067). Il reste néanmoins du chemin à Djoko pour battre le record détenu par Jimmy Connors, avec 1254 succès.

Première titularisation pour Djibril Camara (DR) JEUDI 25 février- Expresso - 09


Expresso

25 02 2016

# 08

portrait Chris Ambraisse Boston, styliste pour handicapés

Créateur entre deux mondes

I

l a le look parfait d’un professionnel de la mode. Chris Ambraisse Boston porte une chemise serrée, dont les manches sont retroussées et le col légèrement déboutonné, lui donnant une allure à la fois élégante et désinvolte. Et pourtant, il n’est pas un styliste comme les autres. Depuis six ans maintenant, il est à la tête de l’association « Mode et Handicap ». Il confectionne des vêtements fonctionnels, adaptés aux personnes en fauteuils. Faits de tissus légers et amples, les habits sont flexibles. Tout comme leur créateur, un homme à la croisée de deux mondes.

Et pour allier l’esthétique à la pratique, il réhabilite des matières oubliées. Des aimants sont mis à la place des fermetures éclair, des zips sont placés sur le côté des capes et pour un meilleur confort dans les fauteuils, les shorts sont équipés de poches en goutte d’eau. Sur les chemises, une ouverture asymétrique est fabriquée en velcro pour faciliter leur port. Des détails minutieux qui demandent un travail artisanal scrupuleux et minutieux. Une expérience sociale

La mode adaptée à tous

Avec douze prix au compteur, ce trentenaire est bien intégré à l’univers du luxe. Mais il s’en distingue nettement par le choix de ses mannequins. Ses défilés ne sont pas seulement peuplés de femmes grandes et fines, mais font également place aux handicapés en chaise roulante. Une façon pour Chris de « réconcilier deux mondes qui paraissent radicalement opposés ». Ce qui ne va pas de soi pour les autres professionnels de la mode. « Je ressens le décalage avec mes confrères. Ils trouvent ça intéressant, mais ils n’ont pas intégré ces conceptions sociales dans leurs œuvres », confie le styliste. Pour lui, c’est un engagement presque naturel. Enfant de la DDASS, il

Chris Ambraisse Boston ©DR

a « vécu pendant longtemps le martyre » durant sa jeunesse. Aujourd’hui son métier de styliste, avec ses finalités sociales, lui permet de réparer ce passé. « C’est une sorte de thérapie qui m’aide à extérioriser ce que j’ai pu subir » relate

expresso insolites

t-il, sur un ton calme. L’homme est flegmatique. Cette situation d’entre-deux, il la retrouve aussi dans la conception de ses modèles. Pour ce créateur, l’exigence est double. Les vêtements doivent être fonctionnels et élégants.

Et pour y parvenir, Chris renoue avec son projet social de mettre la lumière sur les individus en situation d’handicap. Dans son atelier à la devanture rose, rue de l’Ourcq à Paris, il recrute en stage, des jeunes venant de centres pour handicapés. Une manière de favoriser leur insertion professionnelle dans les métiers de la couture et de la création de textile. « Une jeune femme trisomique était venue effectuer un stage de six mois en couture en début d’année. Le but était de la former pour qu’elle trouve plus tard une opportunité d’emploi » explique t-il. En revanche, son avenir se destine à la création de deux points de ventes dans Paris. Un pari qui s’annonce faisable, la qualité de ses créations lui ayant déjà valu un partenariat avec le groupe de luxe français, LVMH. o Clarisse Druppré

Space opera

Payées pour manger des chips

Hotel 5 étoiles pour chats

n En 1969, alors que les hommes d’Apollo 10 orbitaient près de la face cachée de la Lune, ils ont entendu une « musique étrange » dans la capsule. « C’était bizarre, comme ça venait de l’espace, vraiment. Qui va nous croire ? » s’était alors inquiété Eugene Cernan, un des astronautes. Depuis le début de la semaine, de nombreux fans de science-fiction se font des plans sur la comète. La NASA a très rapidement cassé l’ambiance en arguant que les communications du programme Apollo sont déclassifiées depuis les années 1970 et disponibles en ligne depuis 2012. Aucun doute pour l’agence spatiale, la mélodie OVNI n’est qu’une interférence. Pas de quoi en danser jusqu’au bout de la night.

n Manger des chips et du soda et être

n A Singapour, il fait bon avoir une vie

10 - Expresso - JEUDI 25 fevrier

payé pour ça ? Un hôpital suisse en a fait une réalité, en tout cas pour les femmes. Dans le cadre d’une étude clinique, le Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne, recherche en effet des candidates entre 18 et 35 ans acceptant de suivre un régime aussi calorique que spécial durant six semaines. Un petit effort qui peut rapporter 3.000 francs suisses (un peu plus de 2.700 euros). Outre les chips et le soda, l’étude impose aux cobayes de se nourrir de pain au chocolat et de Mars. Une expérience qui n’est pas ouverte à tous. La prise de pilules contraceptives est notamment proscrite. Les candidates peuvent envoyer un mail à polynut@chuv.ch.

de chat. Une aile dédiée à ces félins a récemment ouvert au Washington, un hôtel cinq étoiles de la cité-État. Les « Suites Purrefection », jeu de mots sur les termes anglais « purr » (ronronner) et « perfection », y sont dotées de purificateurs d’air et diffusent pour certaines de la musique classique. Un système de caméra à haute définition permet aux propriétaires de se rassurer sur la bonne santé de leur animal, à n’importe quel moment. La nuitée en cabine débute à 39 dollars de Singapour (25 euros). Pour la Royal Feline Suite ou la Imperial Suite, il en coûtera 59 ou 79 dollars. A la fin, c’est le propriétaire qui miaule.


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