Expresso 08

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EXPRESSO

18 01 2019

QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE - PROMO 2020

L’ESSENTIEL FRANCE

Cap sur l’armée

P.2

# 08

Plus de 60 blessés confirmés depuis novembre

Le flash ball dans le viseur

n Entre voeux aux ar-

mées et service national universel, le gouvernement mise sur la défense.

INTERNATIONAL

P.5

L’Italie et ses réformes impossibles

n Le revenu de citoyenneté et le plan retraite italiens sont présentés en Conseil des ministres. Des mesures qui risquent de faire un flop.

ECO/CONSO

P.6

Qui pour remplacer Ghosn ? n Bruno Le Maire a an-

noncé vouloir trouver un successeur à l’ancien patron de Renault. Une direction à deux têtes est envisagée.

CULTURE

Le défi du caféconcert parisien

P.8

n La mairie de Paris a

décidé de venir en aide aux cafés-concerts qui cherchent à se remettre aux normes.

Jacques Toubon, défenseur des droits, s’est exprimé en faveur de mesures anti-flash ball (Agence Belga)

SPORT

L'OM s’enfonce dans la crise

P.9

n Après un nouveau

revers, l’entraîneur et les dirigeants sont de plus en plus décriés par leurs supporters.

n Depuis le début des manifestations les premiers bilans et les dangers des

des gilets jaunes, l’utilisation du flash ball est fortement remise en question. A l’instar de Jacques Toubon jeudi matin, plusieurs responsables politiques alertent sur

lanceurs de balles de défense. Au sein des autorités administratives, la suppression du flash ball est réclamée pour garantir la sécurité des citoyens. PAGE 3


FRANCE ARMEES Hésitations sur la définition du projet gouvernemental

Les militaires gardent un oeil sur le service national universel n Alors qu’Emmanuel Ma-

cron a fait ses voeux aux armées, les contours du service national universel se précisent. Certains points restent flous et d’autres sont déjà fortement critiqués.

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niformes, salut au drapeau, Marseillaise... Le service national universel (SNU) est-il une nouvelle version du service militaire ? Pour Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation, la réponse est non. Le SNU sera effectif dès juin prochain avec une première cohorte d’environ 3 000 jeunes volontaires, a-il annoncé. Cette année, 13 départements pilotes vont accueillir près de 200 jeunes chacun. L’armée de son côté n’est pas demandeuse. Depuis la suppression du service militaire par Jacques Chirac en 1997, elle s’est centrée sur ses missions militaires. Elle est devenue une armée de métier et se concentre sur les théâtres extérieurs. Mais l’organisation du service national prête à confusion : les jeunes appelés seront hébergés dans des internats ou des bâtiments de l’armée et encadrés par des militaires et des éducateurs rémunérés. Le secrétaire d’Etat souhaite par ailleurs que « soient privilégiés les débats et jeux de rôle », mais aussi des activités à « l’exté-

Photo d’illustration AFP

rieur » comme des franchissements d’obstacle et des courses d’orientation. Des chercheurs s’inquiètent de cette ambiguïté. Selon Bénédicte Chéron, spécialiste des relations armées-société « l’implication massive du militaire n’a de sens que si tout ou une partie du dispositif a une finalité militaire », a-t-elle précisé sur Twitter. Ce que dément Attal dans une interview : « Le SNU n’est pas un service militaire, le président a toujours été clair là-dessus. Mais, il a toujours été clair aussi sur le fait que les militaires seront présents dans le SNU. » L’architecture initiale ayant été

en partie construite par le général Menaouine. « Les militaires participeront à la formation des encadrants et à une partie de l’encadrement, ainsi qu’aux interventions notamment pour les modules défense, résilience ou cohésion en plein air », a-t-il expliqué. Un coût final encore inconnu

Les syndicats étudiants s’en inquiètent. Orlane François, présidente de la Fage, a expliqué sur France Info qu’il s’agissait d’un dispositif « très paternaliste », dont elle « dénonce le caractère obligatoire ». Pour Richard Lamoureux,

vice-président en charge des politiques de jeunesse, son syndicat partage certains aspects du SNU, mais non les moyens mis en place. « C’est trop militaire. Ce n’est pas nécessaire de faire un salut au drapeau pour respecter les valeurs républicaines ». L’inquiétude des syndicats étudiants porte aussi sur le coût final du dispositif : évalué à 1,7 milliards par an au moins. L’argent sera prélevé en partie sur le budget de la jeunesse. La Fage et l’UNEF préfèreraient que l’argent serve à financer la création de places supplémentaires à l’université. o Mélanie Costa

Emmanuel Macron aux petits soins pour l’armée n Le chef de l’Etat, également

chef des armées, a prononcé aujourd’hui les seuls voeux qu’il présentera.

Et si le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, avait démissionné pour “rien” en juillet 2017 ? Sa décision avait été motivée par les coupes budgétaires annoncées, notamment au ministère des armées. Lui qui militait pour un budget représentant 2% du PIB en 2025 est finalement exaucé. Le projet de loi de programmation militaire (LPM), qui sera présenté en conseil des ministres le 6 février, portera sur les années 2019 à 2025 pour 02 - EXpresso - Vendredi 18 janvier

un montant inédit de 295 milliards d’euros. Les armées vont voir leurs ressources augmenter de près d’un quart (23%). Elles seront les grandes privilégiées du quinquennat alors que d’autres secteurs sont à la diète. Jeudi 17 janvier, Emmanuel Macron s’est déplacé sur la base militaire de Toulouse-Francazal (HauteGaronne) pour y présenter les uniques voeux présidentiels de 2019. En effet, au vu de la crise des gilets jaunes et du grand débat national, le chef de l’Etat a décidé de passer outre les traditionnels voeux à la presse, au monde rural, aux bureaux des assemblées ou aux ambassadeurs. Il a tout

réservé aux militaires et fait les choses en grand puisqu’il a passé toute la journée sur le camp. La 11è brigade parachutiste lui a été présentée, ainsi qu’un avion C130H rempli de matériel, puis il a prononcé un discours dans lequel il a notamment assuré que la France resterait cette année militairement engagée au Levant malgré le retrait américain de la Syrie. Conscient que les théâtres d’opération sur lesquels opère la France sont nombreux et sensibles, le chef de l’Etat soigne ses relations avec les militaires. Parmi ses rares sorties, il a réveillonné le 22 décembre au Tchad avec les mili-

taires de l’opération Barkhane. L’année dernière, il avait fêté son quarantième anniversaire au Niger, sur la base aérienne de Niamey. Le chef des armées se soucie des militaires jusqu’à leurs sous-vêtements ! Une mesure décidée dans le programme “combattant 2020”, qui vise à renouveler l’équipement individuel du combattant, promet de nouveaux équipements de combat… et de confort, ainsi que des accessoires. Les familles ont aussi été prises en compte, avec les quelque 530 millions d’euros qui vont leur être consacrés pour améliorer leur quotidien, d’ici 2025. o Armandine Castillon


FRANCE FRANCE 1 700 blessés depuis le début du mouvement des « gilets jaunes »

L’utilisation du flashball de plus en plus décriée n Hier, le Défenseur des

droits s’est alarmé une nouvelle fois de l’utilisation abusive de cette arme.

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ne vidéo tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Celle d’un homme gisant au sol après avoir été atteint au visage par un tir de LBD 40 (lanceur de balle de défense). Ce pompier volontaire de 47 ans, présent lors d’un rassemblement des « gilets jaunes » le 12 janvier à Bordeaux, est toujours placé en coma artificiel à la suite d’une hémorragie cérébrale. Face au nombre de blessures graves causées par le successeur du flash-ball en cette période de contestation sociale, le Défenseur des droits Jacques Toubon a, hier, appelé à la suspension du recours aux LBD.

« J’espère que, devant l’évidence de la dangerosité de ces armes de force intermédiaire, le gouvernement prendra des dispositions », a-t-il déclaré au micro de RTL. Une suggestion frontale puisque du côté de la Place Beauvau, c’est la politique de l’autruche. « Je ne connais aucun policier qui ait attaqué des gilets jaunes », affirmait en début de semaine Christophe Castaner, suscitant la polémique. Pourtant, de nombreuses bavures policières ont été mises en lumière pendant les mobilisations. Les forces de l’ordre ne sont pas les seules à interpeller, les chiffres aussi. Le collectif « Désarmons-les ! » a recensé plus de 1700 blessés depuis le début du mouvement. Au moins 69 le sont grièvement en raison des tirs de LBD, principalement au visage. « Les

tirs conduisant à des mutilation sont devenus systématiques durant les manifestations », s’inquiète ledit collectif qui milite contre les violences policières. « Obéir aux ordres »

Si ces armes de force intermédiaire sont interdites dans la plupart des pays européens, elles restent utilisées en France sous certaines conditions. Le tireur ne doit viser exclusivement que le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs. Mais le caractère non létal des LBD « conduit en pratique les agents à les utiliser avec moins de précautions que les armes traditionnelles », notait Jacques Toubon dans un rapport en 2018. Même le préfet Eric Morvan, dans un télégramme adressé le 15 janvier aux policiers, a

rappelé au « strict respect des conditions opérationnelles » de ces armes. Le spécialiste des questions du maintien de l’ordre David Dufresne dénonce, dans un entretien au Monde, une disproportion de la réponse policière face aux manifestants. Selon lui, l’Etat fait notamment appel à la BAC (brigade anticriminalité) qui a « l’habitude d’être face à des délinquants, pas des manifestants. Pour eux, la foule est délinquante. C’est un point clé pour comprendre la centaine de blessés graves », analyse-t-il. Le syndicat France Police concède qu’un questionnement sur son utilisation est nécessaire. Mais pour les forces de l’ordre, pas question d’être privés de LBD. o Lola Scandella et Valentin Cebron

RN Elle renonce à la sortie de l’euro

en bref

Marine Le Pen adoucit son discours européen

Alexandre Benalla placé en garde à vue

n La présidente du Ras-

n Dans le cadre de l’enquête en cours sur sa possession de passeports diplomatiques, l’ancien chargé de mission à l’Elysée a été placé en garde à vue par la police judiciaire. Il sera à nouveau entendu par la commission d’enquête du Sénat lundi prochain. Les enquêteurs cherchent à déterminer la manière dont il a eu accès à ces passeports et quel usage il en a fait. L’intéressé assure ne plus avoir été en possession de ces documents après son licenciement l’été dernier, ce que l'Elysée dément.

semblement National a tenu compte des réticences des français à sortir de l’euro. Plus question de quitter l’euro. Echaudée par son échec à la présidentielle, Marine Le Pen fait des concessions. « Aujourd’hui, grâce à nos alliés, nous pouvons changer l’Europe de l’intérieur », s’est réjouie la présidente du Rassemblement National lors de ses vœux à la presse. Dans son QG isolé dans un quartier résidentiel de Nanterre, vapoteuse dans une main et verre de coca dans l’autre, la leader du RN, au côté de sa tête de liste pour les européennes, Jordan Bardella, a détaillé sa politique européenne.

Fin d’une mesure phare

Fer de lance du programme du parti, le « frexit », a été sacrifié au nom de l’ouverture politique du parti. « Ce n’est plus une priorité politique », ont vanté en cœur les deux figures du RN. « Le consensus total en Europe est terminé. Nous allons pouvoir remettre tous les sujets sur la table »,

Jacques Demarthon/ AFP

a annoncé Marine Le Pen en parlant des courants populistes en Europe. « Si nous n’y arrivons pas au niveau de l’Europe, nous reprendrons cette mesure » a-t-elle expliqué avant de conclure que « l’euro est un boulet ». La députée compte principalement sur son allié italien Matteo Salvini, dont elle fait l’éloge devant les journalistes italiens. Les deux partis mèneront en lien très étroit leur campagne. « Un meeting commun aura lieu en Italie durant le mois de février », a notamment annoncé l’élue RN.

Siphonner les votes « gilets jaunes »

Avant de réformer l’Europe, il faut toutefois passer l’épreuve des urnes. Pour

cela, la présidente tente de reconnecter son parti avec le peuple en vue de récupérer un maximum de votes « gilets jaunes ». « Leur révolte a mis en lumière cette France invisible dont nous avons tant parlé. Pour les retraités, les travailleurs pauvres, nous avons toujours plaidé pour une réponse sociale », a expliqué Mme Le Pen à l’attention des protestataires. Une rencontre est prévue entre la présidente du parti et des « gilets jaunes » samedi lors du meeting au Thor, près d’Avignon. Une manière pour la présidente de lancer la campagne des européennes aux côtés de Jordan Bardella et de Thierry Mariani. Mais le maire de la ville en a décidé autrement, il refuse de laisser le parti occuper cette salle et a proposé un auditorium géré par le département. « Même s’il doit se tenir dans la rue, ce meeting aura lieu », s’est emportée de son côté Marine Le Pen qui a déposé un référé concernant cette décision. o Romain Philips

Trois blessés dans un incendie sur le toit d’une université à Villeurbanne n Un incendie a fait trois

blessés légers sur le toit terrasse d’un bâtiment universitaire à Villeurbanne (Rhône) hier matin, selon la préfecture. Il a été provoqué par l’explosion de trois bouteilles de gaz, a été impressionnant mais rapidement « maitrisé », a indiqué l’université dans un tweet une heure après le départ de feu.

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international SYRIE Après l’attentat de Manbij, Trump pourrait infléchir sa stratégie

Le retrait américain compromis n Un attentat revendiqué par

l’Etat Islamique a fait 4 morts dans les rangs américains. Donald Trump, qui avait annoncé la fin de la guerre et le retrait de ses troupes, pourrait revoir ses positions.

L

a guerre est finie, vive la guerre. En décembre, Donald Trump annonçait la fin de la guerre contre l’Etat Islamique (EI) en Syrie et le retrait de ses troupes. Mercredi, quatre de ses ressortissants sont morts dans un attentat revendiqué par le groupe terroriste. L’attaque a eu lieu à Manbij, une ville reprise des mains de l’EI en 2016 par les Forces démocratiques syriennes. Au total, le groupe islamique a perdu 98% de son territoire en Irak et en Syrie. C’était d’ailleurs l’un des arguments de Donald Trump pour justifier le rappel des soldats américains, même contre l’avis de ses conseillers et alliés. La coalition internationale estime que des milliers de combattants éparpillés constituent des cellules dormantes prêtes à passer à l’action. Pour Wassim Nasr, journaliste et spécialiste des réseaux djihadistes, la guerre est loin d’être finie, « ce n’est pas une guerre conventionnelle donc on ne peut

Les troupes américaines pourraient repousser leur départ de Syrie. (Mauricio Lima/New York Times)

pas la gagner. Aujourd’hui il y a tous les éléments pour que l’EI revienne : une situation politique instable, des populations déplacées, des villes anéanties… Dès que la pression militaire occidentale va s’affaiblir, ça va repartir ». Avec ou sans les Américains

Malgré les mises en garde, Donald Trump pourrait poursuivre le retour des troupes américaines. « Soit les Américains restent pour montrer leurs muscles, soit ils

partent car ils n’ont plus d’intérêts politiques à être en Syrie », explique Wassim Nasr avant d’ajouter, « c’est ce qu’ils avaient fait après l’attentat de Beyrouth en 1983, qui avait tué plus de 240 Américains ». Mike Pence, le vice-président, a déclaré dans un communiqué que « les EtatsUnis ne permettront jamais aux vestiges de l’Etat Islamique de rétablir leur califat malfaisant et meurtrier ». Il est cependant resté flou sur la suite à donner au

rapatriement des soldats débuté il y a quelques semaines. JeanYves le Drian, ministre français des Affaires étrangères, a assuré lors de sa visite en Irak que les soldats français resteraient eux déployés en Irak pour continuer la lutte contre le terrorisme. La coalition internationale doit se réunir à Washington en février pour décider de la suite de son action, qu’elle se fasse avec ou sans les Etats-Unis. o Coline Chauffard

ETATS-UNIS Les opioïdes tuent plus de 70 000 Américains par an

L’overdose sur ordonnance n Une chance sur quatre-

vingt-seize. C’est la probabilité de mourir d’une overdose d’opioïdes aux Etats-Unis, selon un rapport du National Safety Council.

La crise américaine des opioïdes a passé un cap : pour la première fois, le nombre de décès dus à des overdoses d’opioïdes dépasse celui des accidents de la route. « Nous avons tous un proche détruit par les opioïdes », s’émouvait Anne Schuchat, directrice des Centres de prévention et de contrôle des maladies, dans Le Figaro. Après avoir ravagé les ghettos, les opiacés déciment désormais les banlieues pavillonnaires. Inédite par son ampleur, cette crise sanitaire impliquant des substances dont les effets sont similaires à ceux de l’opium l’est aussi par son origine. 04 - EXpresso - Vendredi 18 janvier

La dépendance aux opioïdes de la majorité des victimes d’overdose est presque légale : elle a souvent pour origine une prescription médicale. L’épidémie a commencé dans les années 1990, lorsque l’industrie pharmaceutique permit aux praticiens de prescrire largement des anti-douleurs opiacés. Purdue Pharma ouvre la boîte de Pandore avec l’OxyContin, un des antalgiques opiacés les plus forts selon l’OMS, et destiné aux patients atteints du cancer en phase terminale. Le marché est a priori très limité. Purdue Pharma parvient à l’étendre. L’industrie lance une campagne de lobbying en faveur de son médicament, finance des études, et obtient le feu vert de l’autorité sanitaire américaine pour sa commercialisation. Quatre ans plus tard, les ventes d’OxyContin lui rapportent plus d’un

milliard de dollars. D’autres laboratoires pharmaceutiques s’en inspireront. Combattre ce fléau

Aux Etats-Unis, le rapport à la douleur s’en trouve changé. Quelle que que soit son intensité, le mal chronique est traité, médicamenté. En 2017, 650 000 ordonnances

72 000 overdoses en 2017 (Istock)

d’opioïdes ont été délivrées chaque jour. Un phénomène qui participe du déclin de l’espérance de vie aux Etats-Unis, entamé depuis 2014. Quelles solutions ? En 2017, Donald Trump faisait de cette crise une « urgence de santé publique », sans y consacrer plus de moyens. En 2018, une trentaine d’Etats ont lancé des poursuites contre des laboratoires pharmaceutiques. Mais la solution se joue peutêtre du côté des médecins. Cet été, Jason Doctor, spécialiste de santé publique à l’université de Californie du Sud, décide d’avertir par courrier les médecins lorsque l’un de leurs patients meurt d’une overdose. D’après la revue Science, en trois mois, ces médecins ont réduit de 10 % les doses d’opioïdes prescrites. o Pauline Petit


INTERNATIONAL ITALIE Les promesses de campagne revues à la baisse

Luigi di Maio face à ses engagements sociaux n Le conseil des ministres italien doit approuver les réformes sociales promises par le Mouvement 5 étoiles malgré leur incidence sur la dette de l’Etat.

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esures phares du gouvernement italien LigueCinq étoiles, le revenu de citoyenneté censé « lutter contre la pauvreté » et le plan retraite sont présentés au conseil des ministres italien ce jeudi. Très attendus, ils annoncent pourtant déjà bien des désillusions. Le vice-président du conseil des ministres, chef du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, attestait lundi que le revenu de citoyenneté profiterait à 1,73 million de ménages. Un nombre de bénéficiaires très supérieur aux 378.000 ménages qui touchent déjà le « revenu d’inclusion » qu’il doit remplacer. Le principe - séduisant - consiste à verser un complément de ressources aux salariés pauvres et aux retraités. Après arbitrage, l’allocation men-

Luigi Di Maio sous pression sur la question de la dette. (G.L/AP)

suelle s’élève à 780 euros pour une personne seule et 1 330 euros pour une famille. Sauf que depuis la campagne, le contexte économique italien a bien changé. Avec une croissance en baisse et un budget corrigé par Bruxelles, l’enveloppe consacrée au revenu de citoyenneté est passée de 9 milliards d’euros à 6,1 milliards. Les conditions pour l’obtenir se sont durcies. Les demandeurs devront signer un « pacte de travail ». Dès lors,

BREXIT Theresa May reste au pouvoir

Le gouvernement britannique n’est pas tombé. Par 325 voix contre 306, les députés ont rejeté mercredi soir la motion de censure déposée par le chef de l’opposition travailliste contre la Première ministre. Theresa May ne dispose donc plus que de trois jours pour trouver un plan B au Brexit dur. Pour éviter une sortie brutale de l’Union européenne, elle devra trouver un compromis avec ses opposants du Labour pour obtenir le vote du Parlement. Cela suppose qu’elle abandonne « ses lignes rouges » comme l’a indiqué hier Jérémy Corbyn. Le travailliste fait allusion au refus de la Pre-

Le budget des retraites à revoir

Parallèlement le texte assouplit les conditions de départ en retraite, pour un coût de 3,9 mil-

en bref

Le choix cornélien n Après avoir survécu à la motion de défiance déposée par l’opposition travailliste, Theresa May va tenter de trouver un consensus pour sauver le Brexit alors que son parti est sur le point d’imploser.

tout individu qui refusera trois emplois ne sera plus éligible au revenu citoyen. D’autres mesures visent à restreindre le nombre de bénéficiaires comme l’exclusion des personnes ayant acheté une voiture neuve dans l’année, louant une maison secondaire ou ayant un bateau de plaisance.

liards d’euros en 2019 et 8,6 milliards en 2020. Alors que la loi actuelle prévoit un départ à 67 ans, la réforme permettrait de partir à compter de 62 ans et 38 années de cotisations. Le gouvernement estime que 85% des quelque 400.000 personnes concernées en 2019 en profiteront et espère libérer ainsi des emplois pour les jeunes. Problème, le budget prévu ne semble pas suffisant pour répondre aux ambitions de départ, les craintes se focalisent sur une sous-estimation des dépenses de la réforme. Sous pression, le M5S paie déjà dans les sondages les déclarations hasardeuses de Luigi di Maio sur « l’abolition de la pauvreté ». Les électeurs, en particulier ceux des régions du Sud, craignent que ce ne soient que de fumeuses promesses. Désormais la Ligue devance de 7 points le M5S dans les intentions de vote (31 % contre 24 %), illustrant les difficultés du parti à passer des paroles aux actes. o Eloi Thiboud

mière ministre de maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière européenne, à l’instar de la faction la plus eurosceptique des conservateurs. Le camp May divisé

Cette idée est cependant défendue par les Tories pro-européens, qui n’ont pas hésité à voter par 118 voix contre son projet d’accord mardi soir. Sans autorité à la tête de son gouvernement et du parti dont elle est issue, ni de majorité au Parlement, Theresa May doit faire face à un choix cornélien. Elle doit réunir une majorité pour façonner un divorce avec l’UE d’ici lundi, et pour cela, la cheffe du gouvernement n’a guère d’autre choix que de s’aliéner d’une partie de son propre camp. Alors, privilégier l’intérêt national ou préserver son parti ? Réponse lundi matin, à moins d’une demande de report de la date-butoir du 29 mars. o Julie Radix

Alexis Tsipras garde la confiance du Parlement

Un négociateur nord-coréen à Washington

n Le Premier ministre grec,

n Le général Kim Yong-chol

Alexis Tsipras, a remporté le vote de confiance au Parlement avec 151 voix pour, et 148 contre. Il avait demandé lui-même ce vote après la démission de son ministre de la Défense et allié, Pános Kamménos. Ce dernier est opposé à l’accord Pespa et sa proposition de renommer la Macédoine « République de Macédoine du Nord ». Le Premier ministre grec doit désormais faire adopter l’accord par le Parlement.

La libération de Laurent Gbagbo n Accusé de crimes contre l’humanité et acquitté mardi, Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien, restera finalement détenu jusqu’à ce que l’appel de la Cour pénale internationaIe contre sa libération soit entendu. Il était poursuivi pour des exactions qui ont fait plus de 3000 morts.

est arrivé à Washington jeudi 17 janvier. Il devrait probablement rencontrer le secrétaire d’État américain Mike Pompeo pour organiser un deuxième sommet entre Donald Trump et Kim Jong-Un début février selon les médias sudcoréens. Les deux dirigeants s’étaient déjà rencontrés le 12 juin dernier à Singapour.

Vladimir Poutine en visite en Serbie n Le président russe Vladimir Poutine s’est rendu jeudi à Belgrade pour rencontrer son homologue serbe Aleksandar Vučić. Les habitants de la ville ont été appelés à participer à un défilé de bienvenue, où ils acclameront les deux chefs d’État. Depuis quelques semaines, le régime autoritaire serbe est mis au défi d’une vague de manifestations qui s’étend dans tout le pays. Vendredi 18 janvier- Expresso - 05


ECO/CONSO RENAULT Bercy veut boucler sa succession ce week-end

Paris lâche à son tour Carlos Ghosn n Alors que la détention de Carlos Ghosn continue au Japon, Bruno le Maire a officiellement lâché le PDG de Renault et appelé à « une nouvelle gouvernance » pour le groupe automobile.

Carlos Ghosn a tout du patron déchu. Lâché par les japonais, il vient de l’être par la France. Sur LCI, mercredi 16 janvier, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie a appelé à « une nouvelle gouvernance ». Le patron de Bercy plaidait jusqu’à présent la « présomption d’innocence ». Le 16 janvier, il affirmait encore « ne pas disposer d’éléments pour demander » le départ de Monsieur Ghosn. Désormais, son départ de la direction de Renault est clairement l’hypothèse mise sur la table. L’Etat, premier actionnaire de l’entreprise, souhaite trouver un remplaçant au patron du groupe automobile. Les charges qui pèsent contre l’ancien patron tout puissant sont jugées trop grandes. Le gouvernement appelle donc à la tenue d’un conseil d’administration dans les prochains jours (à priori ce week-end) pour lui permettre de se prononcer « sur la base d’une liste de candidats qui lui seront soumis », a déclaré le ministre de l’Economie. Jean-Dominique Senard favori Le départ de Carlos Ghosn ouvre une nouvelle étape

directions financières de Total, Saint-Gobain ou Pechiney. Enfin, il est apprécié du monde politique. Il a longtemps été cité pour prendre la présidence du Medef et a rendu un rapport au gouvernement sur le rôle de l’entreprise, un mois après son départ de Michelin.

Carlos Ghosn et Bruno Le Maire, le 8 novembre dernier (EL/AFP)

de gouvernance et annonce des tensions entre les différents membres de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, que dirigeait à lui seul monsieur Ghosn. Il faut désormais repenser les structures existantes. L’enjeu est alors de trouver un remplaçant crédible pour la marque française du groupe, à savoir Renault. Selon Le Figaro, Jean-Dominique Senard, 65 ans, ancien

patron de Michelin (il a quitté son poste en février 2018), tiendrait la corde. L’homme d’affaires remplit les cases souhaitées pour le poste. C’est un patron hors-pair du monde de l’automobile, il a redressé les comptes du géant du pneu Michelin pendant une période difficile. Il a déjà occupé des postes prestigieux sans créer de polémiques, notamment lorsqu’il était à la tête des

Interrogations sur un éventuel numéro 2 Bruno Le Maire dit apprécier ce « grand industriel », qui « a une conception sociale de l’entreprise et l’a démontré à plusieurs reprises ». Mais le gouvernement hésite à lui confier l’intégralité des responsabilités. Le scénario le plus probable serait de conserver le système mis en place à Renault depuis le départ de Carlos Ghosn. Celui d’une direction bicéphale, avec la présidence du conseil d’administration d’un côté (confiée alors possiblement à Monsieur Senard) et une direction générale éxécutive de l’autre. Le nom de Thierry Bolloré, nommé il y a un an adjoint de Carlos Ghosn - et qui a assuré son interim - est donné pour ce dernier poste. Remplacer l’emblématique patron du groupe n’est donc pas chose facile et rien n’est acté pour l’heure du côté de Bercy. Dans une période d’instabilité, trouver le numéro 1 d’une grande entreprise semble plus facile à dire qu’à faire. o Julien Gal

Le bras de fer est engagé dans l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi

C

arlos Ghosn déchu, le principal combat de l’État français est aujourd’hui de conforter sa place dans l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. La « première préoccupation » de Paris, selon Bruno Le Maire, est la « stabilité de Renault » et « la consolidation de l’Alliance » : les usines du groupe pourvoient des emplois précieux en métropole. Conscient de l’attachement de l’État à Renault, Nissan joue ses cartes soigneusement, maintenant Paris dans l’incertitude quant aux charges qui accablent Carlos Ghosn. Le temps de trouver une ma06- EXpresso - VENDREDI 18 janvier

nière de s’imposer sur la première marche du podium. Car ces dernières années, c’est bien Nissan qui a pris la place de choix dans l’Alliance. Un déséquilibre historique Carlos Ghosn avait trouvé une entreprise en situation de quasi-faillite ; il l’a tellement bien redressée qu’aujourd’hui elle distance à présent largement son homologue, avec 5,8 millions de voitures vendues l’an dernier contre 3,9 millions chez Renault. Nissan apporte en plus de cela à l’Alliance ses 34% de parts de Mitsubishi. Or les conditions de l’Alliance ne sont pas à son avantage : Renault détient 43% de Nissan,

qui n’a en retour que 15% du capital de Renault - soit moins que l’État français, actionnaire de la firme à hauteur de 15,01% -, et n’a pas de droit de vote à l’Assemblée générale. Ce déséquilibre historique, vécu comme une frustration du côté japonais, donne à Nissan l’envie d’inverser les rôles dans la hiérarchie du groupe. Seule une fusion à l’avantage de Paris aurait pu prémunir Renault d’un affaiblissement, mais Carlos Ghosn a été poussé vers la sortie avant d’avoir eu le temps de la réaliser. Si les Japonais sont mécontents de la situation, l’union a malgré tout intérêt à tenir : l’Alliance fait des trois entre-

prises le premier constructeur mondial, juste devant Volkswagen. La combinaison permet surtout une capacité de recherche et de développement considérable, et de dégager des synergies de coûts - 5,7 milliards d’euros ont ainsi été économisés en 2017. S’il est peu probable qu’un Japonais soit nommé à la tête de Renault - c’est le conseil d’administration de Renault qui a voix au chapitre, ici -, il est possible qu’un Japonais arrive à la tête de l’Alliance. En tant qu’actionnaire, l’État français aura autant son mot à dire que Nissan sur cette décision. o Nicolas Celnik


ECO/CONSO SANTE Pénurie de médicaments

en bref

Les pharmarcies dénoncent le business des laboratoires

Record de mises battu par la FDJ n La Française des Jeux

(FDJ) a enregistré des mises record en 2018 avec 15,8 milliards d’euros, selon un communiqué publié jeudi 17 janvier. La quatrième loterie mondiale a reversé un total de 10,7 milliards d’euros aux joueurs, dont 198 sont devenus millionnaires au cours de l’année. Stéphane Pallez, PDG de la FDJ, a parlé d’une « très belle performance », notamment grâce aux « paris sportifs ».

n Les chiffres sont tombés

hier matin. Un Français sur quatre a déjà été confronté à une pénurie de médicaments selon le rapport de l’association France Assos Santé réclamant une information claire et transparente sur les causes de ces ruptures.

«L

es pénuries c’est notre lot quotidien ». Cela fait maintenant trente ans que Françoise travaille dans cette pharmacie d’officine du 14e arrondissement de Paris. Derrière son comptoir, elle pointe du doigt l’affiche qu’elle a pris soin d’accrocher près de son ordinateur, bien à la vue des clients. « Comme vous pouvez le lire, cela fait plus d’un mois que le Valsartan a été retiré du marché. Nous avons donc fourni des traitements pour l’hypertension artérielle équivalents, dont une bonne partie est aujourd’hui en rupture de stock. C’est une chaîne sans fin », souffle-t-elle exaspérée. Même sort pour les vaccins et les chimiothérapies. « Il n’y a pas de traitement de faveur pour les patients atteints de maladies chroniques comme Alzheimer ou d’insuffisances cardiaques », continue-t-elle. Une commande le matin, une commande l’après-midi. Et à

RGPD : 1 200 signalements enregistrés en huit mois 374 médicaments sont concernés par la pénurie (BG/AFP) chaque réassort c’est la surprise. Retard de fabrication, incident de production, capacité de production insuffisante. Voici les raisons avancées par les grossistes-répartiteurs auprès desquels Françoise et d’autres pharmaciens opèrent leurs demandes. Le cri d’alarme des associations et des professionnels de santé Ce phénomène généralisé à l’ensemble de la chaîne du médicament, l’association France Assos Santé l’explique comme étant la suite logique des stratégies financières engagées par les laboratoires. Même son de cloche chez cet autre pharmacien, à quelques pâtés de mai-

sons. « De plus en plus d’industriels délocalisent leurs activités en Asie ou aux Etats-Unis car certaines molécules y sont moins chères. D’autres produisent à flux tendu pour éviter les pertes et limiter les coûts, ou préfèrent vendre leur produit à l’Allemagne car les offres sont plus juteuses… C’est scandaleux » s’indigne-t-il. Mercredi dernier, la liste des médicaments indisponibles, réactualisée chaque jour par l’Agence fédérale des médicaments, comptait 374 éléments introuvables en pharmacie. « C’est simple, on en revient toujours à la même chose. Tout est régi par le fric », soupire le pharmacien. o Anouchka Crocqfer

ECOLOGIE 3,2M de produits neufs détruits chaque année

Amazon visé par une loi contre le gaspillage n Le projet de loi sur l’Economie circulaire a été présenté hier au Conseil national de la transition écologique, avant sa présentation en Conseil des ministres.

Amazon détruirait plus de trois millions de produits neufs chaque année, d’après une enquête du magazine Capital. « Choquée » par ce type de pratiques, la secrétaire d’Etat de la Transition écologique et Solidaires, Brune Poirson, a décidé d’y remédier. Mercredi, elle a indiqué vouloir obliger les plateformes de vente en ligne - comme Amazon - à s’assurer que la fin de vie des produits qu’elles commercialisent est bien financée. Actuellement, le fabriquant d’un

produit est responsable de sa fin de vie. Il la finance via le paiement d’une éco-contribution, qui compense le coût de la collecte et du traitement des déchets. Désormais, les sites marchands devront prouver chaque année que tous les produits qu’ils vendent ont intégré une éco-contribution. Faute de quoi, ils seront « rendus responsables ». Pour Brune Poirson, la situation jusqu’à aujourd’hui était anormale. « Sous prétexte qu’ils ne sont que des intermédiaires, les plateformes Internet ne prennent pas leurs responsabilités. Elles passent entre les mailles du filet », déplore-t-elle. Vers l’économie circulaire Cette obligation s’insère dans

la future loi sur l’Economie circulaire. Celle-ci vise à favoriser une consommation de produits plus durable, en limitant les gaspillages et en réalisant des progrès en matière de tri des déchets. Parmi les nombreuses mesures proposées, on retrouve notamment la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur le recyclage et l’augmentation de la taxe sur les déchets. Pour Alma Dufour, porte-parole de l’association Les Amis de la Terre, « l’urgence climatique exige que nous réduisons rapidement les niveaux de production ». Le passage à l’économie circulaire est l’un des principaux objectifs de la transition écologique en France.

n La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a enregistré plus de 1 200 cas de violations de données personnelles depuis que le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) est entré en vigueur en mai 2018. Ce chiffre souligne la « fragilité » de beaucoup d’entreprises et d’institutions en matière de cybersécurité, selon Jean Lessi, secrétaire général de la Cnil.

Un logement garanti pour les nouveaux arrivants à la SNCF n Afin de faciliter le recru-

tement de nouveaux cheminots en Ile-de-France, la SNCF propose désormais un logement aux personnes embauchées, un « argument de recrutement et d’attractivité », selon Alain Krakovitch, directeur de SNCF Transilien. C’est une mesure qui coûtera de 10 à 20 millions d’euros. Le loyer des différents logements doit correspondre à la rémunération de chacun.

Doutes sur l’alliance entre Alstom et Siemens n Le contructeur français

français Alstom a exprimé ses doutes quant au succès de sa probable fusion envisagée avec les activités mobilités de l’allemand Siemens. Alstom a expliqué qu’il n’y avait « pas de certitude » que la Commission européenne autorise l’opération. Le gouvernement français a quant à lui estimé que refuser cette opération serait « une erreur économique et une faute politique ».

o Eline Wisnicki

vendredi 18 janvier- Expresso - 07


culture REPORTAGE Plusieurs bars ont fermé pour non-respect des normes de sécurité

Les cafés-concerts déchantent n La mairie de Paris soutient

six cafés-concerts, avec une enveloppe de 260 000€, pour les mettre aux normes.

L

es notes de post-punk résonnent déjà dans la rue pavée du passage Thiéré. La porte du bar poussée, on se laisse envelopper par les effluves de bières, les bruits secs des verres qui s’entrechoquent et des shakers, et on contemple le mur de bouteilles exposées derrière le comptoir. Puis on découvre l’artiste « Poison Point », debout derrière une table de mixage et un Mac. Ici, dans le 11ème arrondissement de Paris, à La Mécanique Ondulatoire, la musique live retentit tous les soirs. Mais depuis un an, le café-concert, parmi les plus prisés, a dû fermer sa salle de concert en sous-sol. « On ne peut plus faire de concerts mais on fait toujours des DJ sets à l’étage, comme ce soir », explique Raphaël, serveur aux avant-bras

Le groupe de The Amazons en concert à la Mécanique Ondulatoire (Rodolphe Goupil)

tatoués. Et pour cause : l’établissement ne respecte plus les normes de sécurité. La salle voûtée du sous-sol manque d’une issue de secours, difficile à réaliser à cause des risques d’effondrement. La Mécanique Ondulatoire n’est pas le seul concerné. Depuis 2017, les fermetures administratives se multiplient, notamment

dans le nord-est parisien. « On a eu de nombreux contrôles de la préfecture ces dernières années », remarquent Charlotte Galitzine et Alexandre Mencarelli, gérants de Charlie et sa bière à deux balles. « C’est le tragique incendie dans un bar à Rouen qui a donné lieu à ce renforcement des contrôles de sécurité », poursuivent-ils. En

2016, 14 personnes sont décédées dans un incendie dans la salle en sous-sol du Cuba Libre. L’enquête a par la suite révélé la sécurité défaillante de l’établissement rouennais. Mais la mise aux normes coûte cher pour les petites salles. La mairie de Paris a décidé d’en soutenir six, pour financer les travaux nécessaires. « On ne veut pas que les cafés-concerts disparaissent de Paris. Ils font partie de la diversité de la ville », justifie Frédéric Hocquard, adjoint d’Anne Hidalgo chargé de la vie nocturne et de l’économie culturelle. Charlie et sa bière à deux balles a sauté sur l’occasion. « Le son, c’est un peu comme l’eau, ça rentre partout. La subvention nous sera très utile pour les travaux d’isolation acoustique », indiquent les gérants. Et de conclure, optimistes : « les établissements programmant des concerts et des spectacles trouveront toujours un moyen de s’adapter ». o Chloé Martin

SERIES Pour contrer Netflix, changement de cap

MODE Des Maisons économes et engagées

HBO, un succès menacé

La Fashion Week en mutation

n Lancée en 1972, la chaîne

cryptée affiche une forme olympique alors que la compétition avec Netflix se fait de plus en plus féroce. Pourtant, son modèle singulier est aujourd’hui remis en cause par son nouveau propriétaire, le géant des télécommunications AT&T. HBO est comme le bon vin, elle se bonifie avec le temps. En plus de 50 ans d’existence, la chaîne américaine a révolutionné le concept de série, portée au niveau du cinéma. Son leitmotiv ? Miser sur la qualité, plus que la quantité en produisant peu, mais bien. Les Soprano, The Wire, True Detective ou Game of Thrones… Toutes ont participé au succès du network. Le plébiscite de l’adaptation des romans de George R. R. Martin est même devenu l’emblème de sa réussite internationale. HBO s’appuie sur ses particularités pour séduire les sceptiques de la télévision. Cryptée, payante et sans publicité, elle fait des scènes subversives de sexe ou de violence l’une de ses marques de fabrique. Avec sa plateforme de streaming HBO Now qui compte plus de cinq millions de

08 - EXpresso - vendredi 18 janvier

fidèles, la chaîne a aussi misé sur la diversification à grande échelle pour résister à l’émergence de Netflix. Les résultats progressent chaque année : 142 millions d’abonnés dans le monde, et 7 milliards de dollars de recettes en 2018. Pas de quoi satisfaire John Stankey, cadre d’AT&T qui gère HBO depuis le rachat de Time Warner. Face à la concurrence, le nouveau propriétaire veut développer l’offre de contenus originaux, au risque de sacrifier la qualité qui a fait la renommée de la chaîne. La direction ne s’en cache pas, le network doit augmenter son nombre d’abonnés pour garder une influence sur le marché de la vidéo à la demande. Les dirigeants n’ont plus qu’un mot à la bouche : « engagement ». Les abonnés doivent passer plus de temps devant les programmes pour augmenter la collecte de données personnelles, monétisables auprès des annonceurs en quête d’un meilleur ciblage publicitaire. Reste que les 700 nouveaux contenus diffusés par Netflix en 2018 vont être difficiles à concurrencer. Pas sûr qu’HBO réussisse à se hisser au niveau de son rival à court terme. o Aurélien Robert

n Depuis 2017, la Fashion Week casse ses propres codes. Car de plus en plus, ses créateurs présentent leurs collections hommes et femmes lors d’un même défilé. Explication d’une métamorphose. Mardi à la Fashion Week homme de Paris, la marque Heron Preston a présenté une collection mixte. Etonnant ? Plus vraiment. Depuis que Gucci a décidé de ne plus présenter qu’un défilé homme/femme par saison en 2017, de nombreuses maisons ont suivi. Burberry, Vêtements ou encore Dolce & Gabbana se sont récemment essayés à l’exercice. La recherche de rentabilité est pour beaucoup dans ce nouveau phénomène. Car un défilé mixte par saison au lieu d’un défilé femme et d’un défilé homme deux fois par ans, ce n’est pas le même prix. D’autant plus qu’à l’instar de Celine, de nombreuses marques viennent d’investir lourdement dans leurs premières collections homme. Mais il ne faudrait pas réduire cette nouvelle façon de faire à une simple affaire d’argent.

Défilé Heron Preston (CR)

En sortant du calendrier traditionnel des défilés, composé d’une fashion week homme et d’une fashion week femme, elle sert surtout à simplifier le processus de production d’une collection et de sortir d’un business de la mode devenu trop contre-créatif. Par ailleurs, le genre est aujourd’hui questionné dans toute la société, et la mode se propose d’être son reflet. Mode féminine et masculine de plus en plus androgyne, développement de collections non genrées et portables par tous les sexes… À en découdre avec les codes d’une mode genrée, les codes de la mode tout court finissent forcément par exploser. o Juliette Lenrouilly


Sport FOOTBALL Le mécontentement gronde chez les supporters

L’Olympique de Marseille en pleine cagade

n Malgré un match plutôt réussi, l’Olympique de Marseille a subi une nouvelle défaite à Saint-Etienne (2-1). Un énième résultat décevant qui englue, toujours plus, le club de la cité phocéenne dans la crise.

Z

éro victoire sur les neuf derniers matchs. Avec un tel bilan, l’Olympique de Marseille pointerait à la dernière place de la Ligue 1 si le championnat avait débuté en novembre. Depuis maintenant plusieurs semaines, le club de la cité phocéenne n’y arrive plus : élimination en phase de groupes de la Ligue Europa sans aucune victoire, défaite humiliante en Coupe de France contre les amateurs de l’ASF Andrézieux, une triste neuvième place en championnat… Les hommes de Rudi Garcia sont bien loin du « Champions project », cher au propriétaire du club, Franck Mc Court. « Vous êtes la honte de Marseille »

C’est bien connu, à Marseille, où les résultats de l’équipe influent sur l’humeur de la ville, les supporters sont aussi plus exigeants qu’ailleurs. Chaque match au Vélodrome, ce sont des dizaines de banderoles hostiles à l’entraîneur et à la

en bref Mick Lescure passe aux aveux n Après deux jours de garde

à vue, le tennisman français a avoué son implication dans le scandale de corruption qui touche le tennis tricolore. Le 40e joueur au classement ATP a reconnu avoir cédé aux avances d’un certain « Maestro », identifié comme le Belge Grigor Sargsyan qui lui proposait de l’argent pour perdre des matchs sur les circuits Challenger et Futures.

Dopage : un médaillé olympique positif n Le Comité international

A l’image de Lucas Ocampos, l’OM ne parvient plus à s’imposer (Boris Horvat / AFP) direction qui sont déployées. « Vous êtes la honte de Marseille » a-t-on pu lire lors de la rencontre face à l’AS Monaco, soldée par un match nul 1-1. #GarciaDémission

Les réseaux sociaux sont aussi très durs avec le technicien Rudi Garcia. Chaque semaine, le hashtag #GarciaDémission est largement repris sur Twitter tout comme les appels au départ de Jacques-Henry Eyraud, président du club. Mais que reproche t-on donc précisément à la direction ? Sa gestion des transferts sans doute. Les derniers mercatos olympiens cristallisent particulière-

ment la colère des gradins. Les nouvelles têtes de l’été (Caleta-Car, Strootman et Radonjic), achetées pour près de 60 millions d’euros, ne donnent pas satisfaction sur le terrain. Le cas Kostas Mitroglou est aussi symptomatique du manque d’intuition de l’équipe dirigeante. Arrivé à l’été 2017 pour 15 millions d’euros, il n’a pas réussi à enfiler le costume du grand attaquant tant recherché. Poussé vers la sortie, il pourrait être remplacé par l’Italien Mario Balotelli qui n’a toujours pas fait trembler les filets cette saison. Pas sûr donc, qu’il soit le mieux armé pour sortir l’OM de la crise… o Sacha Nelken

olympique a décidé de retirer au lutteur ouzbek Davit Modzmanashvili la médaille d’argent gagnée à Londres en 2012. Contrôlé positif aux stéroïdes, le sportif vient d’être épinglé par une nouvelle analyse des échantillons prélevés six ans plus tôt. Il avait déjà été suspendu entre 2008 et 2010 pour le même motif.

Un Richardson peut en cacher un autre n Jackson Richardson, légende de l’équipe de France de handball, va-t-il faire son retour sur les terrains à 49 ans ? Difficile à croire, mais c’est la version publiée par erreur par le site officiel des championnats du monde qui a confondu le père et son fils Melvyn, réintégré dans l’effectif de l’équipe de France par le sélectionneur Didier Dinart.

DAKAR La 41ème édition s’est déroulée du 6 au 17 janvier au Pérou

Daniel Elena, botte secrète d’un champion n L’édition 2019 du Dakar a pris fin hier. Le pilote qatari Nasser Al-Attiyah (Toyota) remporte son 3ème Dakar. De son côté, Sébastien Loeb décroche la 3ème place du podium.

Ensemble. C’est en éternel coéquipier que Sébastien Loeb et Daniel Elena ont pris le départ de ce Dakar péruvien, un an après avoir abandonné dès la 5ème étape. La paire pointe à la troisième place du classement général après avoir remporté quatre étapes. Le célèbre pilote de rallye participe à son 4ème Dakar, une compétition qui vient s’ajouter à ses multiples incursions dans d’autres disciplines du sport automobile, très

souvent ponctuées de succès comme les 24 heures du Mans, ou encore le championnat du monde de rallycross (WRX) dont il a pris la quatrième place en 2017. Mais l’Alsacien doit en grande partie ce titre de pilote le plus titré du sport automobile à son co-pilote et homme de l’ombre, Daniel Elena. De 2004 à 2012 il a remporté avec lui neuf fois le championnat du monde des rallyes au terme de dix saisons complètes, 78 rallyes et est monté sur 116 podiums. Elena n’est autre que le GPS et l’horloge de Loeb. Un technicien indispensable au pilote, réputé imperturbable, capable, virage après virage, d’égrener ses notes transcrites sur son «

road book ». Véritable guide, il annonce les mètres à venir, les courbes ou les ornières à éviter. Avant chaque course, il repère et consigne tout dans ses notes. Le Monégasque noircit trois cahiers par rallye et jusqu’à une à deux pages par kilomètre. Sébastien Loeb reconnaît l’importance de son voisin d’habitacle, « Sur un Dakar le copilote fait au moins 50% du boulot ». Copilote et ami Ce dernier le sait, il peut faire confiance à son copilote et acolyte. Les deux hommes travaillent ensemble depuis 1997, Loeb se cherchait alors un copilote et Elena un pilote. Le champion est boosté par

une complicité à toute épreuve et par une parfaite complémentarité. « Danos » comme le surnomme « Seb » est conscient de cette force, « On a des tempéraments assez opposés, mais c’est comme lorsque vous mélangez l’eau chaude à l’eau froide pour rendre la température de votre douche idéale ». Daniel Elena qui habite en Suisse à 5 km de son ami et collègue sait donner de sa personne pour aider le multiple champion du monde. La justification de sa participation au Dakar 2019 résume ainsi la principale force de leur coopération : « Si je suis dans le baquet ce matin, c’est pour Seb et au nom de notre amitié ». o François Willmann

Vendredi 18 janvier- Expresso - 09


18 01 2019

EXPRESSO

# 08

PORTRAIT L’irrésistible ascension d’Alexandria Ocasio-Cortez

Le Bronx chez les démocrates n De serveuse à députée, le

campagne acharnée via Twitter et Instagram, Alexandria Ocasio-Cortez « a réussi à créer une nouvelle dynamique au sein d’un parti qui avait perdu la sienne après l’élection de Donald Trump. »

parcours d’Alexandria Ocasio-Cortez n’a rien de commun. La jeune femme a créé la surprise le 6 novembre 2018 lorsqu’elle a été élue à la Chambre des représentants des Etats-Unis.

J

e ne suis pas née dans une famille riche ou puissante. Je suis née à un endroit où votre code postal détermine votre destinée. » A 29 ans, Alexandria Ocasio-Cortez est la plus jeune membre du Congrès jamais élue. Pourtant, rien ne la destinait à faire de la politique. Née à New York en 1989, la jeune femme étudie à l’université de Boston, et s’intéresse à l’économie et aux relations internationales. Ses parents, un père architecte né dans le Bronx et une mère originaire de Porto Rico, ont économisé pour qu’elle puisse y suivre sa scolarité. En 2008, tout bascule. Alors qu’elle fait du démarchage téléphonique pour la campagne de Barack Obama, son père meurt soudainement d’un cancer des poumons. Alexandria a tout juste 19 ans. Sa mère cumule alors des petits boulots, afin de subvenir aux besoins de ses deux enfants. Elle-même se met à travailler comme serveuse. « Un jour que je revenais du bar où je travaillais, » raconte-t-elle sur son compte Instagram, « je me suis endormie dans le métro et on m’a volé tout ce que j’avais sur moi. Ce jour-là, je me suis enfermée dans ma chambre et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je n’avais plus rien

Alexandria Ocasio-Cortez est la plus jeune élue du Congrès. (DR) à donner. Et c’est à ce momentlà que j’ai tout recommencé de zéro. »

« Entrer en politique n’était pas dans mes plans » La rage au ventre, la jeune newyorkaise décide de prendre sa vie en main. En 2016, elle s’investit dans la campagne électorale de Bernie Sanders et transforme un ancien salon de beauté du Bronx en local militant. Son leitmotiv : taxer les impôts des plus riches à 70%, agir contre le changement climatique, et défendre le Medicare, le système d’assu-

rance-santé américain. Alors qu’elle manifeste un jour contre la construction d’un oléoduc dans une réserve indienne, elle est repérée par l’équipe du candidat, qui lui propose de suivre une courte formation politique, ce qu’elle accepte. La socialiste-démocrate au sourire lumineux se fait vite remarquer. Celle qui se positionne à gauche de la gauche « bouscule tous les codes », explique JeanEric Branaa, chercheur à l’IRIS. « Elle était d’abord vue comme un épiphénomène éphémère au sein du Parti démocrate. » Mais après avoir fait du porte à porte pendant des mois, et mené une

L’espoir d’une génération En face d’elle, dans le 14e district de New York, son opposant pour la primaire démocrate s’appelle Joe Crowley. Elu au Congrès depuis 1999, le candidat favori du parti toise la jeunette de 28 ans, certain de gagner. Coup de théâtre : Alexandria remporte largement la primaire avec 57% des voix. « Qu’une candidate jeune, progressiste, qui avait eu si peu d’expérience en politique, puisse gagner contre un candidat de l’establishment en place depuis 20 ans, ce fut une énorme surprise », confie Jonathon Holler, vice-président de Democrats Abroad France. Le 6 novembre, elle est élue représentante du 14e district de New York à la Chambre des représentants. Les médias américains, qui la dédaignaient auparavant, se pressent pour obtenir une interview de cette « superstar socialiste » (Vanity Fair). La jeune femme, issue de la classe des travailleurs, voit à travers sa victoire le moyen de « permettre à notre communauté de se sentir vue et écoutée ». Et Alexandria commence fort : elle devrait bientôt être nommée à la Commission des finances du Congrès. Du jamais vu pour une élue si jeune, que de nombreux Américains voient peut-être présidente un jour. o Marie Martirossian

EXPRESSO INSOLITE Le prix de la nostalgie

Un «lol cat » repéré dans les rues de Rome

Les courses du futur

n Motorola a annoncé le retour

n Google maps, c’est génial,

n La chaîne de supermarchés Stop & Shop va bientôt réaliser

de son célèbre portable à clapet, le RAZR. Mais pour s’offrir ce téléphone iconique il faudra débourser la modique somme de…1500$. Un prix exorbitant, d’autant plus qu’aucune nouvelle option n’a été annoncée. La dépense vaudra-t-elle le coût sachant qu’Instagram ne sera sûrement pas téléchargeable ?

10 - EXPRESSO - VENDREDI 18 JANVIER

il vous permet d’apprécier les trésors de ce monde tout en restant dans votre canapé. Un internaute s’est donc rendu sur le site pour découvrir le Largo di Torre Argentina à Rome… Mais s’est plutôt vu tomber nez à nez avec un chat tout aussi surpris d’être là. Bien plus enrichissant.

votre rêve : pouvoir acheter un gros paquet de pâtes à 5h du matin pour combler votre appétit nocturne. La chaîne va tester ce printemps le supermarché sur roues. Une voiture autonome remplie de denrées alimentaires qui viendra à vous comme un Uber le ferait. Black Mirror, vous avez dit ?


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