Expresso 04

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EXPRESSO

12 01 2019

QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE - PROMO 2020

L’ESSENTIEL FRANCE

P.3

De part et d’autre, les stratégies se redéfinissent

Avant le choc

France Inter

Royal renonce, la gauche divisée

# 04

INTERNATIONAL

P.4

Les fonctionnaires, premières victimes du shutdown n 806 000 employés de

l’administration n’ont pas été payés depuis le début de la crise.

ECO/CONSO

P.6-7

Un nouveau système de formation

n Les salariés bénéfi-

cient désormais d’un Compte professionnel de formation de 500€ à 800€ par an, accessible via internet.

E171 : les ONG montent au créneau n Malgré la grogne des

associations, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ne cède rien et refuse toujours de suspendre le dioxyde de titane.

CULTURE

P.8

La lecture se réinvente sur Internet

Avec les réseaux sociaux, internet et la lecture trouvent finalement un terrain d’entente.

n

SPORT

P.9

La corruption plane sur les JO

n La justice française ac-

cuse le patron de l’olympisme japonais d’avoir autorisé le paiement de pot-de-vin.

Chaque samedi, CRS et Gilets jaunes s’affrontent dans un climat tendu (Xavier de Fenoyl/LD)

n Forces de police et gilets jaunes se préparent pour l’acte IX samedi. Alors qu’à Paris, le préfet de police craint « plus de radicalité », les manifestants optent pour un éclatement géographique du mouve-

ment sur l’ensemble du territoire. Les nouvelles initiatives inquiètent la police nationale, qui prévoit un niveau de mobilisation similaire à celui des rassemblements organisés avant les fêtes. PAGE 2


FRANCE

POLITIQUE Forces de l’ordre et manifestants se préparent

Tensions à la veille de l’acte IX n Par peur de débordements inédits des gilets jaunes, les forces de l’ordre intensifient leur préparation.

«L

e dispositif de sécurité sera considérable ». Le mot d’ordre d’Edouard Philippe est clair. Le Premier ministre a annoncé un important déploiement des forces de l’ordre en vue de l’acte IX de la mobilisation des gilets jaunes : ce ne sont pas moins de 80 000 policiers sur le territoire, dont 5000 à Paris, et 14 véhicules blindés de la gendarmerie qui ont été prévus. La préfecture de police de Paris redoute cette journée. Elle risque selon elle d’être l’une des plus violentes depuis l’acte IV de la mobilisation avant les fêtes de Noël. On avait à l’époque dénombré 125 000 gilets jaunes dans les rues. Le préfet de police prévoit des comportements « plus radicaux » qui seront le fait de « petits groupes » et qui viseront en priorité les lieux de pouvoirs. Les forces de sécurité, malgré la fatigue, doivent s’organiser partout dans le pays et la tension monte au sein des troupes. Eric Marrocq, le secrétaire régional du syndicat de police Alliance en Aquitaine, affirme d’ores et déjà que le dispositif policier va changer, pour éviter les scènes de violences vues lors des précédents week-ends de manifestation. « Les policiers se préparent au combat », dit-il et s’attendent « à plusieurs heures d’affrontements et de casse ».

Gilets jaunes et gendarmes se préparent à l’affrontement (SIPA) Gilets jaunes en ordre dispersé Côté gilets jaunes, le flou autour de l’organisation du neuvième acte apparaît tant comme un atout qu’un symptôme des difficultés du mouvement à se structurer. Sur Facebook, on ne compte pas moins de vingt événements différents, avec un nombre de participants inégal. La page qui recense le plus de mobilisés prévoit un rassemblement à Paris avec 3000 participants dans le quartier de la Défense. Il est néanmoins possible que ce soit un leurre pour tromper la police, et que le véritable point de rassemblement ne soit annoncé qu’au dernier moment. En effet, parallèlement, un autre rendez-vous prend de l’impor-

tance à Bourges (voir encadré). D’autres groupes appellent à un acte IX aux Champs-Élysées, devant le siège de France Télévisions et BFM. Enfin, le leader Maxime Nicolle a appelé à un « référendum des percepteurs » qui consisterait pour les mobilisés à vider leurs comptes des banques afin de paralyser leur fonctionnement. Enfin, l’arrestation du boxeur Christophe Dettinger, surnommé « le Gitan de Massy », fait réagir certains membres des gens du voyage qui appellent aussi à manifester dans des vidéos Youtube. Autant d’initiatives qui brouillent les modalités d’intervention imaginées par les forces de l’ordre. o Julien Gal et Eloi Thiboud

Bourges, prochain lieu de rassemblement La préfecture du Cher, située à moins de 250 km de la capitale, a été désignée sur un événement Facebook qui a déjà rallié plus de 13 000 personnes. Le choix est soutenu par deux figures du mouvement, Priscillia Ludosky et Maxime Nicole. Ce dernier, plus connu sous le pseudonyme de Fly Rider, a justifié : « C’est à peu près à distance équivalente de toutes les grandes villes. Et puis on voulait un lieu un peu moins connu des forces de l’ordre ». La préfète a interdit la manifestation, mais les protestataires restent déterminés.

Dans l’opinion, courte avance pour les gilets jaunes n Le mouvement des gilets jaunes organise demain sa 9ème journée de mobilisation. L’opinion publique approuve toujours majoritairement le mouvement, mais la tendance pourrait bientôt s’inverser.

La majorité reste favorable aux gilets jaunes, mais elle se fragilise. Selon le dernier sondage Odoxa publié le 10 janvier, seulement 52% des personnes interrogées souhaitent que la contestation continue. En janvier ce chiffre montait à 55%, en novembre à 66%. A mesure que les deux camps 02 - EXpresso - Vendredi 11 JANVIER

se rapprochent de la ligne des 50%, le mouvement s’affaiblit. Au sein même des gilets jaunes, la mobilisation est en perte de vitesse. Une forme de lassitude Le 17 novembre dernier, pour le lancement, ils étaient 282 000 gilets jaunes à défiler dans toute la France. Un mois plus tard et après l’annonce par Emmanuel Macron de mesures pour « calmer leur colère », ils n’étaient déjà plus que 66 000. Fin décembre, 32 000. « Une partie des gilets jaunes et de l’opinion publique les consi-

dèrent acceptables », explique le sociologue des mouvements syndicaux Stéphane Sirot dans 20 minutes, « et quand un mouvement social dure depuis quatre semaines, il y a une forme de lassitude ». Aujourd’hui, seuls 14% des Français se définissent comme des gilets jaunes. C’est 6 points de moins qu’à la mi-décembre. Les fêtes de fin d’année désormais passées, les gilets jaunes espèrent relancer le mouvement. Un second souffle difficile à trouver La première manifestation les encourage dans cette voie. Pour

l’acte 8 du 5 janvier, 50 000 personnes se sont rassemblées dans tout le pays. Toutefois, ce regain traduit pas nécessairement un second souffle : en effet, en l’espace d’un mois, le nombre de Français qui approuvent le mouvement a chuté de 10 points. Si cette tendance se poursuit, les gilets jaunes pourraient bientôt perdre la majorité de l’opinion publique qui conforte pour l’instant les leaders du mouvement dans la légitimité de l’organisation de la 9ème journée de mobilisation. o Coline Chauffard


POLITIQUE Pléthore de candidatures aux européennes

La gauche désunie au risque d’être marginalisée

L

’alliance à gauche, ce n’est pas pour maintenant. L’actuelle ambassadrice des pôles a annoncé vendredi au micro de France Inter qu’elle ne sera finalement pas la figure de proue de son camp unifié aux élections européennes. La faute à « ceux qui ont fait passer l’esprit d’appareil politique et les égos avant le rassemblement au service d’un idéal et d’une cause », a dénoncé Ségolène Royal. Une pique à peine masquée destinée à Yannick Jadot et Benoit Hamon. Sans grande surprise, les têtes de liste d’Europe Ecologie les Verts (EELV) et du mouvement Génération.s ont tous deux refusé de se ranger derrière une bannière commune. Après la débâcle de la présidentielle de 2017, le Parti Socialiste semble toujours être un repoussoir. Depuis décembre dernier, son premier secrétaire Olivier Faure multipliait les appels du pied, espérant faire exister une gauche rassemblée dans les urnes. Mais ses efforts sont restés vains, et cinq listes pourraient être présentées en mai prochain, au risque d’être marginalisées dans le contexte actuel du mouvement des gilets jaunes. Pour Ségolène Royal, « il s’agit

Benoît Hamon et Ségolène Royal ne feront pas liste commune aux europénnes (François Lafite / MAXPPP) d’un moment de basculement où début du conflit, Jadot, Hamon, tout peut évoluer, vers le meil- Faure, Mélenchon ont tous souleur, comme le pire ». La gauche tenu le mouvement, y voyant la en est cruellement absente. Au manifestation d’une coupure à la fois sociale et territoriale.

La France Insoumise s’exclut du « grand débat national »

Pas de « grand débat national » pour la France Insoumise ? Oui, selon Manon Aubry, tête de liste de la formation politique aux élections européennes. Elle a déclaré à RTL le 11 janvier ne pas « voir les raisons d’y participer » parce « qu’il il est mort-né, et qu’on en connait déjà les réponses ». Une position peu surprenante pour LFI, son leader Jean Luc Mélenchon n’ayant jamais caché y être opposé. Pour les Insoumis, aujourd’hui, seul le rétablissement de l’ISF rendrait envisageable la fin du mouvement des gilets jaunes.

Le Pen en profite La gauche réformiste a été embarrassée par la montée de la violence et par les propos racistes et xénophobes de certains gilets jaunes. On ne l’a plus vue dans les manifestations. A l’inverse, Mélenchon a activement soutenu le mouvement, dans l’espoir de le récupérer en donnant l’impression d’opter pleinement pour le populisme. La faille entre les deux gauches s’est creusée, sans que le leader de la France Insoumise parvienne à en profiter. La grande bénéficiaire de la révolte s’appelle Marine Le Pen : le Rassemblement National engrange des voix à quelques mois du scrutin et son parti pourrait rester le premier de France. o Aurélien Robert

POLITIQUE Les syndicats reçus à Matignon avant le débat national

Une rencontre pour pas grand chose n Vendredi matin, Edouard Philippe a reçu les représentants syndicaux pour préparer le « grand débat ». Un geste plus symbolique qu’efficace. Reçus vendredi matin par le Premier ministre en vu de l’organisation du « grand débat national », les représentants des principaux syndicats (CFDT, FO, Unsa, Medef…) n’ont fina-

Nouvel épisode dans l’affaire Benalla n Alexandre Benalla est de nouveau convoqué au Sénat le 21 janvier. La commission des lois veut enquêter sur la possession de passeports diplomatiques de l’ex chargé de mission de l’Elysée après son licenciement cet été. Christophe Castaner et Jean-Yves Le Drian seront à leur tour entendus mercredi prochain.

GUAY / AFP

n Ségolène Royal a renoncé à être candidate aux élections européennes. L’ancienne ministre voulait porter une liste de rassemblement, mais les discussions ont échoué. Un échec symptomatique des divisions de la gauche, incapable de faire front commun dans cette période de contestations historique.

en bref

FRANCE

lement obtenu aucune précision quant aux modalités de sa mise en place. A la sortie de la réunion, Yves Veyrier (FO) a précisé que les syndicats n’étaient ni « organisateurs ou co-organisateurs » de l’événement. Laurent Berger (CFDT) a déclaré avoir demandé, à l’issue de ce débat, que s’organise « une sorte de Grenelle du pouvoir de vivre »

pour tirer les conclusions de ce rendez-vous démocratique. La CGT et Solidaires, dénonçant un coup de communication du gouvernement, n’ont pas répondu à l’invitation d’Edouard Philippe. Le gouvernement, accusé de négliger les partenaires sociaux depuis le début du quinquennat, a encore fort à faire pour les inclure dans le jeu. o Juliette Lenrouilly

Vers un procès pour le couple Fillon n François Fillon pourrait bientôt être jugé pour avoir employé fictivement sa femme Pénélope à l’Assemblée nationale. Le parquet national financier (PNF) a signé mercredi un réquisitoire préconisant le renvoi du couple devant le tribunal correctionnel. Si le juge Serge Tournaire suit l’avis émis par le parquet, l’affaire Fillon se conclura devant les magistrats.

Des élus veulent le retour des 90km/h n Plusieurs maires cherchent à relancer le débat sur la limitation à 80km/h sur les routes secondaires, voire l’intégrer au Grand Débat. Selon eux, la mesure n’est pas acceptée par les automobilistes. Le gouvernement répond qu’il ne reviendra pas sur cette mesure qui a déjà fait ses preuves en matière de sécurité routière.

Des frais de mandat parlementaire utilisés à mauvais escient n La justice vient d’ouvrir plusieurs enquêtes visant 15 parlementaires et ex-parlementaires soupçonnés d’avoir détourné leurs frais de mandat à leur profit personnel. Depuis 2015, les parlementaires déclarent sur l’honneur qu’ils font bon usage de leur indemnité. Cette réforme parait insuffisante. Vendredi 11 JANVIER - EXpresso - 03


INTERNATIONAL ETATS-UNIS Le sort des fonctionnaires non payés pendant le shutdown

« Arrêtez de jouer avec notre argent et nos vies » n En passe de devenir le plus long shutdown de l’histoire des Etats-Unis, la paralysie partielle de l’administration américaine plonge des milliers de fonctionnaires dans l’incertitude.

«C

ongrès, fais ton travail », « Nous voulons travailler ! » De nombreux fonctionnaires américains ont défilé dans les rues de plusieurs villes du pays ce jeudi. A Washington, Detroit et Dallas, 2 000 personnes ont protesté, affublés d’écriteaux exigeant l’arrêt du shutdown. Cette rare manifestation, la première depuis longtemps, traduit l’urgence de la situation pour les 806 000 fonctionnaires qui n’ont pas reçu leur salaire cette semaine. Considérés comme « non-essentiels » à la bonne marche du pays, ils subissent la double peine : ils sont obligés de venir travailler, sans pour autant être payés. Dans le parc naturel de Joshua Tree, il ne reste que huit « rangers » pour surveiller les 3 200 km² du plus

Manifestation d’agents fédéraux devant le capitole à Washington. (AFP)

célèbre parc de l’Ouest américain, fortement dégradé par les curieux qui ont profité de l’occasion pour le visiter gratuitement.

« Arrêtez de jouer avec nos vies » Au 21e jour de fermeture de l’administration, les conséquences sont bien réelles pour les fonc-

tionnaires concernés. Carolina et Chris, tous deux employés au ministère de la Justice à Washington, se serrent la ceinture. Chris n’a pas reçu son salaire depuis le 21 décembre. « Nous ne sommes pas riches. Si l’administration ne rouvre pas, nous n’aurons plus aucun revenu »,

confie Carolina. Sur Twitter, les Américains touchés par la crise font part de leur situation sous le mot-clé #ShutdownStories. Ellen Ritter raconte : « Mon mari et moi venons de dépenser toutes nos économies (20 000 dollars) pour déménager à travers le pays afin qu’il puisse garder son emploi fédéral. » Beaucoup disent vivre au jour le jour, en faisant des heures supplémentaires éparpillées. Le shutdown encourage néanmoins l’entraide. A Washington, 25 restaurants proposent des menus gratuits pour tous ceux qui possèdent un badge de travailleur du gouvernement. Des levées de fonds ont été organisées sur internet pour les fonctionnaires qui ne peuvent pas puiser dans leurs économies. Jeudi, le Sénat a adopté unanimement un amendement qui assure tous les employés fédéraux d’être payés de manière rétroactive après la fin du shutdown. Reste à voir si la crise entre Donald Trump et l’opposition démocrate a une chance de se désamorcer. o Marie Martirossian

ETATS-UNIS En vue des primaires américaines

Julián Castro, futur possible du parti démocrate n L’ « Obama latino » des Etats-Unis, qui veut « apprendre au président Donald Trump la différence entre un Mexicain et un Cubain », devrait officialiser sa candidature à la primaire démocrate dans les prochains mois. « An Unlikely Journey » (Un voyage inattendu) : voilà comment Julián Castro résume son parcours, de sa naissance en 1974 à San Antonio au Texas d’une mère hispanique et militante antiraciste, à sa nomination par Barack Obama au poste de Ministre du Logement en 2014. Candidat potentiel à la primaire démocrate en vue de l’élection présidentielle de 2020, il revient dans le radar des médias américains ces dernières semaines. « Il y a quelques années, Castro était la star hispanique du parti dé04 - EXPRESSO - SAMEDI 12 JANVIER

mocrate », explique Jean-Eric Branaa, chercheur à l’IRIS. Julián Castro a choisi de prendre tout son camp de vitesse en lançant son comité exploratoire, étape obligatoire de toute candidature qui consiste à prendre la température politique du pays, jauger sa notoriété et attirer les premiers donateurs privés, six mois avant la période habituelle. Les Démocrates sont impatients de trouver un candidat fort face à Trump : c’est donc une véritable course qui vient de débuter, avec la candidature d’Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, officialisée en décembre dernier. « La primaire démocrate sera un jeu de massacre sans précédent, on parle de trente candidats. Tout peut arriver, et les “gros” candidats qui occupent pour le moment l’espace médiatique ne sont

pas à l’abri d’une éviction », analyse Jean-Eric Branaa. Surfer sur la vague hispanique La candidature de Julián Castro révèle un enjeu crucial pour le parti démocrate : emporter l’adhésion de l’électorat hispanique, mais surtout, inciter ces citoyens à se rendre aux urnes, alors que le taux de participation parmi cette communauté est souvent faible. Selon les chiffres du California Civic Engagement Project, les Latinos représentent 40% de la population californienne et 28% des citoyens en droit de voter, mais seuls 22.6% d’entre eux ont déposé un bulletin dans l’urne en 2016. Remporter ces voix pourrait faire basculer des Etats-clés en faveur des Démocrates, et Trump serait alors assuré d’être battu. En effet, selon le Bureau de re-

censement américain, le pays pourrait comptabiliser plus de 138 millions d’hispanophones – soit un tiers de sa population – en 2050, si la communauté latino-américaine continue à augmenter à ce rythme. Le sort de Castro est cependant très incertain. « Son temps est peut-être déjà passé », concède Jean-Eric Branaa. « Castro est inconnu au plan international, et son pic de notoriété aux Etats-Unis remonte désormais à son mandat de maire de San Antonio, il y a dix ans ». De plus, il compte une adversaire de taille en Californie, derrière les Hispaniques et les Asiatiques, en la personne de Kamala Harris. A la fois d’origine hispanique et indienne, elle a déjà commencé à rassembler des fonds et pourrait le coiffer au poteau d’ici à la primaire. o Sarah Lapied


INTERNATIONAL ROUMANIE Le pays prend la présidence tournante de l’Europe

La Roumanie à la tête d’une UE qu’elle défie n Jeudi et vendredi, le pré-

sident de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s’est rendu à Bucarest pour inaugurer la gouvernance semestrielle roumaine de l’Union Européenne. Un défi, à l’heure où le pays ne cesse de se déchirer avec ses partenaires diplomatiques sur le sujet de la corruption. Pour la première fois depuis son entrée dans la communauté, la Roumanie va prendre la tête de la présidence tournante de l’Union Européenne pour six mois, alors que le Brexit et les élections européennes occupent tous les esprits. Hasard du calendrier, cette gouvernance intervient en plein bras de fer entre le pays et les institutions européennes sur un sujet hautement sensible : celui de la corruption. En décembre dernier, le gou-

vernement roumain a obtenu l’adoption d’une réforme de la justice très controversée, qui pourrait largement affaiblir l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption. Chef d’accusation qui pèse justement sur le leader du parti social démocrate (PSD) de la majorité, Liviu Dragnea, déjà condamné à deux reprises à des peines de prison. Face à cette dérive, la commission européenne s’est saisie du sujet, demandant ainsi l’abandon de la réforme. Contestation de la population Depuis la fin de l’année 2018, le bras de fer entre la Roumanie et l’institution européenne s’intensifie, au point de rendre les déclarations de Jean-Claude Juncker explosives lors de sa visite à Bucarest : « L’Union européenne est faite de compromis. Mais lorsqu’il s’agit

EN BREF Manifestations violentes au Soudan

n Une route, reliant une colonie

n Les forces de l’ordre ont

Quand la pauvreté devient un crime n C’est une discrimination à

laquelle l’association Sisters Inside veut mettre fin : en Australie, de nombreuses femmes aborigènes, souvent pauvres, sont envoyées en prison pour non-paiement de leurs dettes. Une cagnotte, qui a déjà rassemblé plus de 170 000 euros, a pour but de permettre la libération de ces femmes.

ade l’Etat de droit ou de la lutte contre la corruption, il n’y a pas de compromis possible. » Conséquence de ces affrontements à répétition : le PSD, initialement perçu comme un parti pro-européen, est de plus en plus contesté au sein de la population pour son opposition aux institutions européennes. Depuis décembre, les manifes-

tations au sein du pays se sont succédé. Lors de la venue de Jean-Claude Juncker à Bucarest, de nombreux opposants au gouvernement se sont ainsi rassemblés devant le palais de l’Athénée pour scander leur attachement à l’union ou exhiber des pancartes « UE, désolés pour ce gouvernement ». o Salomé Dionisi

VATICAN Création d’une fédération d’athlétisme

Israël, « la route de l’Apartheid » israélienne à Jérusalem, a été ouverte mercredi. Particularité : un mur de huit mètres de haut sépare les voies de circulation israélienne et palestinienne. Le quotidien Haaretz dénonce une «route de l’Apartheid», traduisant des mesures discriminatoires.

Le président roumain Klaus Iohannis (à gauche) et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (à droite). (Agerpres)

tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants de Khartoum et Omdourman, vendredi. Une vague de contestations a gagné le pays après une augmentation significative du prix du pain. Les ONG dénombrent au moins 40 morts depuis le début des manifestations, dans un pays en proie aux pénuries.

Contestations meurtrières en RDC Cinq civils sont morts dans les opérations de la police nationale, après les contestations des résultats électoraux. L’élection de Félix Tshisekedi est mise en doute par les partisans de son opposant Martin Fayulu, qui manifestent leur désaccord dans la rue.

n

Des prêtres et des religieuses bientôt aux Jeux olympiques L’Eglise se met au sport ! Le Vatican vient de créer une fédération d’athlétisme, composée d’une soixantaine de sportifs, prêtres, religieuses et gardes suisses. « Le rêve que nous avons souvent est de voir le drapeau du Saint-Siège parmi ceux qui défilent lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques », explique Mgr Melchor Sanchez de Toca y Alameda, président de la fédération. L’annonce a de quoi surprendre. Pourtant, le Vatican, avec une équipe de football et une de cricket, développe depuis quelques années une politique sportive. Déjà, aux Jeux olympiques de Pyeongchang en 2018, le Comité international olympique avait convié une délégation vaticane, en simple observatrice. Depuis, l’État pontifical entend resserrer ses

liens avec le CIO. « Au service de l’humanité » Pourquoi le Vatican s’intéresse-t-il au sport ? La passion du Pape François pour le football n’est pas la seule raison. Le Saint-Siège compte le promouvoir au nom de valeurs, mises en avant lors d’une conférence internationale, en 2016, « Le sport au service de l’humanité ». « Nous lançons un mouvement pour développer, à travers le sport, le potentiel humain, le caractère, les valeurs et l’enrichissement de la vie, exhortant organisations et individus à vivre en s’inspirant de six principes : la compassion, le respect, l’amour, l’inspiration, l’équilibre et la joie », ont ainsi indiqué les organisateurs. o Chloé Martin

SAMEDI 12 JANVIER - EXPRESSO - 05


eco/CONSO EMPLOI Un nouveau système plus individualisé

Le compte personnel de formation désormais à portée de clic n Le droit individuel à la

formation est mort, vive le compte personnel de formation ! Depuis le premier janvier, ce nouveau système de financement des formations pour les salariés est entré en vigueur. Tour d’horizon de ses évolutions.

C

’est acté. Hier matin, la ministre du travail Muriel Pénicaud et le directeur général de la Caisse des Dépôts, Eric Lombard, ont signé la convention du Compte personnel de Formation (CPF). Avant alimenté en heures, aujourd’hui monétisé en euros, ce système permettant à chaque salarié, tout au long de son parcours professionnel, de suivre une formation a subi quelques changements. Afin d’accéder à son compte personnel de formation, il suffit tout simplement de se rendre sur le site internet dédié à ce service sur lequel est indiqué, non plus le nombre d’heures

Une application mobile sera bientôt disponible ( EB/Shutterstock)

dont vous bénéficiez, mais le montant de votre « budget » formation. Une heure équivalant à 15 €, chaque salarié dispose d’un montant à hauteur de 500 € par an, soit l’équivalent de 33 heures, dans la limite de 5 000 €. Les personnes peu qualifiées ou handicapées, bénéficient de 800 € par an dans la limite de 8 000 €. En cas de reste à charge ou pour les actifs souhaitant profiter d’un complé-

CHIFFRES Les prévisions de la Banque de France

La croissance en demi-teinte

n La Banque de France a ra-

mené hier à 0,2% sa prévision de croissance pour le quatrième trimestre de 2018. Elle prévoyait une hausse de 0,4% avant le début des manifestations des gilets jaunes. A Noël, les touristes ont été moins nombreux à flâner sous les illuminations des villes françaises et les secteurs de l’hébergement et de la restauration l’ont ressenti. La croissance au quatrième trimestre de 2018 est passée de 0,4 à 0,2% selon la Banque de France. L’influence des manifestations des gilets jaunes a été tout de même plus ciblée et moins marquée que ce que des économistes avaient anticipé par rapport aux chiffres de novembre. Certains secteurs ont su tirer leur épingle du jeu. Ainsi dans l’industrie, la production a progressé plus rapidement qu’en novembre, particulièrement en aéronautique, agroalimentaire et automobile. Du côté des services, l’activité a augmenté de façon mesurée. De mauvais résultats pour l’hébergement, la restauration 06 - EXpresso - Samedi 12 janvier

et la réparation automobile ont tiré les chiffres vers le bas. Pour autant la situation n’est pas catastrophique. La Banque de France, qui fait reposer ses estimations sur des enquêtes mensuelles de conjoncture auprès de dirigeants de sociétés, reste confiante : « Les chefs d’entreprise prévoient une accélération de l’activité en janvier » affirme-t-elle. Dans le bâtiment, l’activité est dynamique et « les carnets de commande restent assez bien garnis ». Si bien que la Banque de France envisage une croissance en hausse pour janvier. Le chiffre du quatrième trimestre reste bien insuffisant face au 0,8% nécessaire pour atteindre l’objectif de croissance annuel de 1,7% affiché par le gouvernement Philippe. L’exécutif refuse malgré cela de revoir son ambition à la baisse. Concernant le Produit Intérieure Brut, la banque centrale française prévoit un plafond à 1,5% en 2018 alors que l’année 2017 avait été marquée par une hausse de 2,2%. o Marion Bellal

ment financier afin de développer plusieurs compétences, les entreprises, Pôle emploi, ainsi que les régions et d’autres organismes peuvent abonder le montant alloué de 100 € par an à la demande du salarié. Moins de démarches administratives

À l’heure où toutes les démarches tendent à se dématérialiser, l’accès au CPF via internet simplifie l’accès à la formation

et garantit plus d’autonomie. Pour ceux qui le souhaitent, il est possible d’être accompagné par un conseiller en évolution professionnelle. Ce nouveau dispositif s’inscrivant dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel permet de bénéficier d’une certification reconnue. Le plus : la monétisation des heures de formation permet également de financer un permis B ou un permis poids lourd. D’ici l’automne prochain, une application sur laquelle sera listée toutes les formations et offrant la possibilité de les noter et de les commenter devrait voir le jour. En attendant, sachez que si vous avez cumulé des heures de formation dans le cadre du droit individuel à la formation — le prédécesseur du CPF — pas de panique, il suffit juste de les saisir à la main lors de la création de votre compte. Attention toutefois à les utiliser avant le 31 décembre 2020. o Anouchka Croqfer

en bref Le dirigeant de Renault-Nissan à nouveau visé n Carlos Ghosn a été mis en examen vendredi pour deux nou-

veaux chefs d’inculpation. Ces accusations tombent le même jour que le compte-rendu de l’enquête interne de l’entreprise Renault qui assure ne pas avoir trouvé de fraude sur 2017-2018. La mise en examen concerne également Nissan en tant qu’entreprise et Greg Kelly, ex-administrateur délégué. Ce rebondissement compromet sa sortie de prison, demandée par ses avocats.

Macron préfère « Choose France » au sommet de Davos

Moins d’atterissages avec les gilets jaunes

n Le président français ne se rendra pas au sommet économique annuel mais réunira le 21 janvier à Versailles 150 patrons français et étrangers pour discuter de l’attractivité française.

AirFrance trouve un accord à terre n La filiale Air France a signé vendredi 11 janvier un accord avec ses salariés au sol pour 2019. Il prévoit des augmentations individuelles de 1,8% et une enveloppe pour « financer des primes individuelles exceptionnelles ».

Les manifestations n ont véhiculé une image peu accueillante pour les étrangers. Les arrivées aériennes internationales sont en repli de 5 à 10% à Paris en décembre. Pour le début de l’année 2019, les réservation aériennes sont en recul de 6,8% pour les trois mois à venir, selon Atout France, l’agence de promotion du tourisme hexagonal à l’étranger.


ECO/CONSO SANTE Le dioxyde de titane est toujours présent dans nos assiettes

Les ONG réclament la suspension de l’additif alimentaire E171 n Alors que la suspension de

France, « le gouvernement méprise le travail parlementaire et devrait jouer la carte de la vigilance. Au lieu d’assumer la protection de la santé des consommateurs, il laisse aux industriels le bon vouloir d’utiliser un additif controversé ».

l’utilisation du dioxyde de titane avait été inscrite dans la loi alimentation et devait prendre effet le 1er janvier, Bercy a refusé de signer l’arrêté ministériel provoquant la colère des associations. Bruno Le Maire les a reçus vendredi pour calmer les tensions. Une vingtaine d’associations et d’ONG ont été reçues vendredi par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour défendre la suspension du E171. Cette poudre blanche qu’on retrouve dans les plats préparés, les bonbons ou les pâtisseries, est utilisée principalement comme colorant afin de blanchir ou intensifier la brillance des produits alimentaires. L’Institut national de recherche agronomique (INRA) l’a déclarée comme « favorisant la croissance de lésions précancéreuses et présentant des risques de troubles immunitaires ». Mais l’argument n’a pas convaincu

Couac gouvernemental

L’E171 est principalement utilisé comme colorant (fotofabrika)

le locataire de Bercy qui estime qu’il n’y a pas de « danger grave et immédiat pour la santé humaine » puisque l’alerte n’en est qu’au stade de « vigilance ». Le ministre de l’Économie a donc demandé une nouvelle étude « à échéance de 6 mois maximum ». « Je saisirai à

MODE Le maïs, nouveau cuir végétal

nouveau l’Union européenne et si cette évaluation conclut qu’effectivement il y a un risque sanitaire, je serai le premier à signer l’arrêté », a-t-il expliqué dans l’émission « C à Vous », au grand dam des militants écologistes. Selon Ludivine Dufourt de l’association Foodwatch

Au sein de la majorité, la position de Bruno Le Maire ne fait pas l’unanimité. Alors que la suspension du E171 devait prendre effet le 1er janvier 2019 dans le cadre de la loi alimentation, ce retournement de veste a irrité des membres de la majorité. « Ce n’est pas en fonction des intérêts de tel ou tel secteur d’activité qu’il faut maintenant revenir dessus. La loi doit être appliquée », a réagi le député LREM Mathieu Orphelin avant d’ajouter, « je crois que c’est une victoire provisoire des lobbies et des industriels. Et ce n’est pas à eux de faire et de défaire les lois ». o Romain Philips

TRANSPORTS Un contrat de travail pour Uber

L’écologie colle aux baskets

Plus de protections pour les chauffeurs VTC

n Veja, la marque éco-respon-

qualifié, vendredi 11 janvier, de « contrat de travail » le lien entre un ancien chauffeur Uber et la plateforme américaine. Une première qui fera jurisprudence selon l’avocat du plaignant.

sable de baskets introduit une matière d’un nouveau genre. Un mélange de coton, de lin et de déchets de maïs. Une solution qui ferait déjà concurrence au cuir animal. Le maïs se cuit, se grille, se croque et… se recycle. La céréale se présente comme l’alternative au cuir animal qui permet une production 100% responsable, résume le communiqué de Veja, la marque qui fabrique ses baskets éthiques au Brésil. Après cinq ans de recherches et de tentatives échouées, Veja accouche d’une nouvelle matière imitation cuir. Il s’agit d’un mélange de coton et de lin, couvert de déchets de maïs (« corn waste ») issus de l’industrie alimentaire. « La basket dont la semelle est plus épaisse que de coutume, sera aussi plus résistante. Elle verra le jour le 21 janvier 2019 et s’appellera Campo » annonce Victoria Hababou, la Community Manager Veja. Depuis sa création, en 2005, la marque s’engage

Veja, la chaussure éthique fabriquée au Brésil(LC/Veja)

à respecter le travail des petits producteurs brésiliens organisés en coopératives, à utiliser des matières premières bio (coton et caoutchouc récoltés en Amazonie) et à garantir la transparence de son processus de production. Ce militantisme vert a un prix comme l’explique Sébastien Kopp le fondateur : « Garantir le respect de l’environnement et des travailleurs rend le coût de production de cinq à sept fois plus cher que chez la concurrence asiatique ». L’initiative solidaire paye : en 2017, 550 000 paires ont été vendues par la marque qui chausse aussi bien des anonymes qu’Emmanuel Macron ! o Léa Taïeb

n La Cour d’appel de Paris a

J

uin 2017, un chauffeur saisit la justice après que son compte Uber a été désactivé. La société se réserve en effet le droit de restreindre l’accès du compte d’un conducteur s’il se déconnecte. Cette pratique incite les chauffeurs à se tenir tout le temps à la disposition de la plateforme et les freine dans le choix de leurs trajets, ce qui n’est pas le cas pour un chauffeur de taxi traditionnel. Pour la Cour d’appel de Paris, « la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs » sont des incontournables pour qualifier un travailleur d’indépendant, et ce n’est pas le cas pour les chauffeurs inscrits sur la plateforme Uber.

Les deux sont donc liés par un contrat de travail. L’entreprise a déjà déclaré qu’elle allait se pourvoir en cassation contre cette décision. Selon une porte-parole de l’entreprise, « les chauffeurs choisissent d’utiliser l’application Uber pour l’indépendance et la liberté de s’y connecter si, quand et où ils le souhaitent ». Pour eux, préserver cette flexibilité est indispensable. En décembre 2017, la Cour d’appel de Paris avait déjà qualifié de « salariat » le rapport entre un chauffeur de VTC (voiture de transport avec chauffeur) et la plateforme Le-Cab. Du côté des autres sociétés « ubérisées », la Cour de cassation a établi en novembre 2018 un lien de subordination entre un coursier à vélo et la plateforme de livraison de repas Take Eat Easy. La reconnaissance d’un contrat de travail garantirait plus de sécurité d’emploi et de revenus pour les travailleurs de plateformes de livraisons ou de courses. o Marion Bellal

Samedi 12 janvier- Expresso - 07


culture TECHNOLOGIE Internet n’est plus l’ennemi de la littérature

Quand réseaux sociaux et lecture se séduisent Lire 200 livres par an ? C’est possible si on arrête d’utiliser les réseaux sociaux, d’après le résultat d’une étude américaine menée sur 54 000 personnes. Depuis l’apparition d’Internet, les appels à son danger se multiplient. Les jeunes ne sortiraient plus, ne communiqueraient plus, et surtout ne liseraient plus. Pourtant, la thématique de l’écriture et de la littérature se révèle assez présente. Et si, à l’inverse, les réseaux sociaux inventaient une nouvelle forme de lecture ? Chaque vendredi, sur Twitter, près de 2000 personnes répondent au hashtag Vendredi lecture, qui interroge les utilisateurs du réseau social sur leur lecture du moment. Sous les tweets, les interactions fourmillent. On évoque le dernier ouvrage de Michel Houellebecq ou l’un des épisodes des Rougon Macquart. Les

Livre, smartphone ou tablette, les modes de lectures évoluent (Getty)

médias, comme Le Monde ou Libération profitent également du hashtag pour publier leurs articles de conseil lecture de la semaine. Les « bookstagrameurs », nouveaux critiques littéraires Un club de lecture se crée sur Internet. Sur Instagram, le

MEDIAS Un reportage coupé à l’antenne

réseau social où l’on partage ses photos, les « bookstagrameurs » deviennent de réels influenceurs. L’été dernier, un prix « poche » des blogueurs littéraires a été créé, légitimant leur travail. Certains sont suivis par plus de 20 000 personnes, comme Agathe, 33 ans, active sous le pseudonyme «

Agathe the Book ». Cette dentiste de formation commence à partager les livres qui lui ont plu avec ses amis en 2015. Très vite, sa « communauté » s’agrandit. Les attachés de presse des maisons d’édition la mettent sur les listes d’envois, au même titre que les critiques littéraires confirmés. En plus d’être une communauté de partage, Instagram permet aussi à certains de rendre leurs écrits visibles. Sur le compte « Capsules Temporelles », géré par Kim Sha, les photos sont en fait une succession de petits textes amoureux, qu’elle écrit elle-même. Son audience, 33 000 personnes, est majoritairement composée de filles entre 18 et 24 ans. Hier ennemis, aujourd’hui amis. La lecture a finalement apprivoisé les réseaux sociaux. Et elle en tire profit. o Esther Serrajordia

CINEMA Le film à ne pas manquer ce week-end

Nouveau cas de censure sur Canal + Afrique

L’Ange aux portes du pénitencier

n Le reportage du magazine Envoyé Spécial « Cacao, les enfants pris au piège » n’a pas été diffusé sur Canal + Afrique le jeudi 10 janvier. Censure ou problème d’antenne ?

n Par les temps qui courent, on n’a pas forcément envie de s’enfermer dans une salle obscure pour découvrir la vie d’un tueur en série. Erreur : L’Ange divertit plus qu’iln’angoisse. L’histoire est parfaitement vraie : c’est celle de l’Argentin Carlos Eduardo Robledo Puch. Onze meurtres à son actif alors qu’il a à peine vingt ans. Mais le réalisateur Luis Ortega n’est pas tombé dans le piège du biopic. Son film, produit par Pedro Almodovar, se regarde comme un thriller et tient en haleine le spectateur jusqu’au bout. Les scènes sont si rapides qu’on n’a pas le temps de pleurer les victimes et puis il y a cette gueule d’ange : cheveux bouclés blonds, yeux noisettes et lèvres pulpeuses, qui semble si peu coller à la carrure d’un meurtrier. 1971, Buenos Aires. Carlitos (interprété par Lorenzo Ferro) n’a que faire du lycée. Ce qui lui plaît vraiment, c’est de rentrer dans des maisons et d’y prendre ce dont il a besoin - bijoux, tableaux, disque vinyle mais aussi argent - ou bien de rouler avec des véhicules qui ne lui appartiennent pas. Lorsqu’il rencontre Ramon (campé par Chino Darin), un camarade de

U

n documentaire des années 1970 sur les fontaines de Paris. C’est ce qui a été diffusé à la place d’un reportage d’Envoyé Spécial, le jeudi 10 janvier, dans plusieurs pays d’Afrique. Problème de diffusion ou nouveau cas de censure ? Le reportage en question portait sur l’industrie du cacao en Côte d’Ivoire. En 2001, les industriels du chocolat s’étaient engagés à faire disparaître le travail des enfants dans les plantations. Le reporter français Paul Moreira a voulu vérifier. En réalité, le travail des mineurs existe toujours. Le reportage montre des enfants, séparés de leurs parents, retenus dans les plantations, comme des esclaves. Ils ne touchent pas leurs revenus, captés par des groupes armés, et sont parfois même revendus par des trafiquants.

08 - EXpresso - SAMEDI 12 janvier

Mais plusieurs téléspectateurs africains n’ont pas pu suivre le magazine, alors qu’ils devaient normalement y avoir accès via Canal+ Afrique. Une situation de déjà vu

C’est Thaïs Brouck, un correspondant de France 24, basé à Abidjan, qui a prévenu sur Twitter que la diffusion du magazine avait été coupée en Côte d’Ivoire. D’autres pays ont également été touchés. Des téléspectateurs présents au Burkina Faso et au Sénégal ont affirmé que le reportage n’avait pas été diffusé sur leurs antennes. Ce n’est pas la première fois que ce type de situation se produit. En 2017, Reporters sans frontières avait dénoncé la suppression d’un reportage dans l’émission « l’Effet Papillon » sur les manifestations contre le président du Togo qui devait aussi être diffusé sur Canal+ Afrique. Pour l’instant, aucune chaîne ne s’est exprimée. « On ne peut pas s’imaginer qu’il s’agisse d’une censure, non… » a déclaré sur son compte Twitter Elise Lucet, la présentatrice d’Envoyé Spécial. o Esther Serrajordia

Lorenzo Ferro incarne le tueur en série. (Allociné)

lycée, il s’enfonce encore un peu plus dans la pègre… Ce diable d’homme est incarné par un débutant au cinéma, Lorenzo Ferro. Le jeune acteur signe là un bon premier film. Sa nonchalance fait de lui un personnage qu’on n’aime ni ne déteste. Il veut tout, même si son attrait pour son camarade Ramon n’est que suggéré. Quand les portes du pénitencier s’apprêtent à se fermer, l’ange déploie de nouveaux ses ailes et parvient à s’enfuir. Se repentirat-il ? o Armandine Castillon


sports JO 2020 Le responsable japonais mis en examen

La corruption disqualifiée

n La justice française poursuit Tsunekazu Takeda, président du Comité olympique japonais, suite à des soupçons de corruption.

À

dix-huit mois des Jeux olympiques de Tokyo, la justice française a décidé de poursuivre l’homme-clé de la candidature japonaise : Tsunekazu Takeda, vice-président du comité d’organisation. Ce dernier, soupçonné de « corruption active », avait été mis en examen le 10 décembre dernier à Paris, par le juge Renaud Van Ruymbeke. Le membre du Comité international olympique (CIO) est accusé d’avoir autorisé deux versements suspects en 2013, d’un montant de 2 millions d’euros pendant la campagne de candidature japonaise aux Jeux olympiques de 2020. De son côté, M. Takeda dément toutes accusations dirigées contre lui. Dans un communiqué transmis à l’AFP, il assure ne pas être « impliqué dans quelque acte de malversation que ce soit, comme de la corruption ». L’autonomie sportive contestée Depuis trois ans pourtant, le magistrat Van Ruymbeke enquête sur des soupçons de corruption concernant l’élection de la ville hôte des prochains

n La Coupe du Monde de handball a débuté au Danemark et en Allemagne. Dans le groupe A, l’Allemagne a battu la Corée unifiée (30-19). Dans le groupe C, le Danemark a largement dominé le Chili (39-16). Hier soir, la France est entrée à son tour dans la compétition, face au Brésil. La star des Bleus, Nikola Karabatic, blessé au pied, est absent du tournoi.

L’enquête sur Ronaldo continue

Tsunekazu Takeda, président du Comité olympique japonais. (AP)

Jeux d’été. Ce n’est pas la première fois que la corruption s’invite dans le sport international. Sylvain Landa, directeur éditorial du Think tank européen Sport et citoyenneté, l’explique surtout par un manque de transparence : « le monde du sport devrait être régie par les mêmes règles de transparence qui s’appliquent aux entreprises. Il n’y a pas de raison que le sport reste en marge de la société ». Organisée sous forme associative, le sport laisse une grande indépendance aux organisations chargées de leur gestion sous couvert du principe de l’autonomie sportive. Sans devoir rendre des comptes aux pouvoirs publics, les orga-

nisations sportives peuvent, entre autres, obtenir des fonds publics et les dépenser avec grande liberté. Mais « suite aux apparitions de scandales, il n’est plus possible de se replier derrière l’autonomie du mouvement sportif, surtout lorsque l’argent public est impliqué », poursuit Sylvain Landa. « L’autonomie voulue par le mouvement sportif doit être accompagné d’un devoir de transparence et d’exemplarité », conclut-il. Reste à voir si la commission d’éthique du Comité international olympique, qui doit se réunir dans la journée de vendredi, réussira à contribuer dans la lutte contre la corruption sportive. o Nioucha Zakavati

TENNIS L’ex numéro un mondial débute lundi son dernier Open d’Australie

Blessé, Andy Murray contraint de prendre sa retraite n Coup de tonnerre dans le monde de tennis. Vendredi 11 janvier à Melbourne, l’ancien numéro un mondial Andy Murray a annoncé, en larmes, qu’il comptait prendre sa retraite cette année.

A 31 ans, Sir Andy s’est rendu à l’évidence : il ne peut plus nier ses problèmes physiques. Voilà plus d’un an que le joueur écossais souffre de douleurs incessantes à la hanche. « J’ai fait à peu près tout ce que je pouvais pour que ma hanche aille mieux et ça n’a pas beaucoup aidé », a-til regretté, faisant référence à

en bref

Handball : coup d’envoi du Mondial

Andy Murray en conférence de presse à Melbourne (AFP)

l’intervention chirurgicale qu’il avait subie au début de l’année 2018. Cette opération l’avait éloigné des courts pendant de longs mois, avant de reprendre la compétition en juin.

Fin de carrière à domicile Pour le triple vainqueur du Grand Chelem, il est possible que l’Open d’Australie, qui débutera lundi à Melbourne, soit son « dernier tournoi ». L’Ecossais espère cependant tenir jusqu’à l’été et « arrêter de jouer à Wimbledon », où il était devenu, en 2013, le premier vainqueur du tournoi anglais depuis 77 ans. Quoi qu’il en soit, Andy Murray affrontera lundi le 23ème joueur mondial, l’Espagnol Roberto Bautista, pour le premier tour du tournoi australien. o Eline Wisnicki

n La police de Las Vegas a

demandé aux autorités italiennes d’effectuer un prélèvement d’ADN sur Cristiano Ronaldo. L’attaquant de la Juventus de Turin est accusé de viol, en juin 2009, par une jeune Américaine qu’il avait rencontrée en boîte de nuit.

Une amende pour le PSG n Le Paris-Saint-Germain, qui risquait une lourde sanction a écopé d’une simple amende de 35 000 euros pour les incidents survenus au Parc des Princes lors du match de Ligue des Champions contre l’Etoile Rouge de Belgrade, le 3 octobre dernier.

Coupe de la Ligue : le tirage au sort a été effectué n Guingamp, qui a créé l’exploit mercredi en éliminant le PSG quintuple tenant du titre, recevra Monaco en demi-finale, tandis que Bordeaux ira à Strasbourg. Les rencontres auront lieu les 29 et 30 février, deux mois avant la finale à Lille.

Départ des cadres de Nice n Jean-Pierre Rivère, le pré-

sident de l’OGC Nice, et Julien Fournier, le directeur général du club, ont annoncé vendredi qu’ils quittaient le club.

SAMEDI 12 janvier - Expresso - 09


EXPRESSO

12 01 2019

# 04

PORTRAIT Patrick Baronnet vit dans une maison autonome en énergie

L’autosuffisance modeste 70 mètres carrés qui ont coûtés 25 000 euros. « J’ai choisi ma dépendance : celle des quatre éléments, qui ont toujours fait vivre l’homme » résume Patrick Baronnet, qui avec le temps, avoue être moins enclin à parler ingénierie technique et scientifique que philosophie écologiste et développement personnel.

n Changer de système économique, prendre la clé des champs et ne plus dépendre que des éléments naturels. C’était le rêve de Patrick Baronnet, pionnier de l’autonomie énergétique et alimentaire, créateur de la “Maison Autonome”.

«A

ujourd’hui, c’est devenu trop difficile de passer une journée à Paris, je n’ai qu’une seule envie, retrouver la nature. » C’était il y a presque 50 ans. Patrick Baronnet quittait la capitale qui l’a vu grandir pour s’installer à Moisdon-la-Rivière, commune de 1800 habitants en Loire-Atlantique. La réussite pour cet anti-Rastignac sera de changer radicalement de mode de vie pour être en accord avec ses idéaux : protection de l’environnement et décroissance. « A cette époque, se souvient l’homme de 73 ans, avec ma compagne Brigitte, on manifestait contre le nucléaire, puis on rentrait chez nous et on allumait la lumière… Ce n’était pas cohérent d’être contre quelque chose et d’en profiter. J’avais 20 ans et c’était évident : ma cause personnelle et celle de l’environnement ne font qu’une. » Nourri par la pensée de Ivan Illich, le pourfendeur de la société industrielle, le jeune professeur de sport se lance alors un défi : vivre en auto-suffisance énergétique. Quelques années plus tard, son utopie se fait un nom : la “Maison Autonome”. Patrick Baronnet et sa famille y vivent “heureux” depuis plus de trente ans, sans payer de facture d’eau ni d’électricité. Au début de l’aventure, on riait de ce néorural aux chemises de lin bariolées qui citait l’écono-

Patrick Baronnet s’adressant à la chaîne « On passe à l’acte » (Youtube) miste Ernst Schumacher, “small En pratique, les récoltes issues is beautiful”. « On était pris de la permaculture remplacent pour de gentils utopistes, de les courses au supermarché, bons Parisiens qui déboulent l’électricité est produite à un à la campagne. 48 ans après, tiers par des panneaux solaires nous sommes devenus crédibles photovoltaïques et à deux tiers » raconte l’écologiste qui a de- par l’éolien, le chauffage est puis perdu ses cheveux longs. fourni par des panneaux soSa définition de l’autonomie : laires thermiques et un poêle à « emplacer le salaire par une bois, et les besoins en eaux saproduction directe liée à sa nitaires, sont couverts grâce à la consommation ». récupération des eaux de pluie.

Objecteur de croissance Progressivement, la “Maison Autonome” attire les curieux, et Patrick Baronnet, les médias. Celui qui se définit comme un “chercheur en économie alternative” publie un premier livre, De la maison autonome à l’économie solidaire, sorte de manuel de vie inspirée des préceptes de Pierre Rabhi. Puis viennent les DVDs, les conférences, les stages de formation en permaculture…De l’écolo-business ? « Que ceux qui disent cela passent 20 ans de leur vie sur un demi-salaire à six ! On a fait tout ça pour prouver que l’autoproduction peut remplacer le salaire! », s’emporte-t-il. A l’heure où des sociétés alternatives plus radicales, telles les ZAD, se développent, la facilité de Patrick Baronnet à répondre aux médias peut agacer. Son ambition est pourtant fondamentalement politique : « mon moyen d’action, ce n’est pas de descendre dans la rue, mais de montrer qu’on peut vivre autrement, qu’il existe des micro-sociétés locales qui ne sont visibles ni par les politiques ni par les gilets jaunes ». Un mode de vie alternatif qu’il espère voir se propager afin « que le vieux système tombe comme un fruit mûr parce qu’il n’a plus aucune raison d’être ». o Pauline Petit

EXPRESSO INSOLITE Un président délicat

Une plante diabolique

Une pièce chaleureuse

n « Ils devraient faire leur coming out,

n Des universitaires de l’Université Bri-

n Le tout premier spectacle naturiste

abroger le célibat et se permettre d’avoir un petit ami ». Voilà ce qu’a proposé Rodrigo Duterte, président philippin, lors d’une cérémonie d’inauguration de travaux pour une école. Ses remarques ont fait suite à ses propos du mois dernier, lorsqu’il invitait ses compatriotes à tuer les évêques catholiques de son pays qui, selon lui, ne sont que des « imbéciles inutiles ». Encore une preuve de la diplomatie présidentielle.

10 - EXPRESSO - SAMEDI 12 JANVIER

tish Columbia au Canada ont découvert que le gingembre aurait le pouvoir d’influencer nos prises de décisions. Une fois avalé, il pourrait atténuer nos jugements sur des phénomènes socialement immoraux. En d’autres termes, on tolérerait d’avantage le fait de boire l’eau des toilettes ou de reparler à son ex dans le dos de son/sa partenaire après avoir ingéré cette plante qui a d’autres vertues plus connues.

de Paris personne ne l’attendait mais le Palais des glaces vient de le lancer. Avec un règlement qui prône « Nudité et serviette obligatoire » pour les spectateurs, « Nu et approuvé », mis en scène par Pascale Lievyn, saura décoincer les parisiens. D’autant plus que ceux qui seront dans les catégories OR et VIP, auront le droit à une serviette microfibre offerte. De quoi sortir de l’ordinaire avec chic.


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