09 Expresso 2016

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Expresso

26 02 2016

quotidien du master de journalisme de l’ institut français de presse - promo 2017

L’essentiel FRANCE

Manifestation à Notre-Damedes-Landes

P.3

n La mobilisation des zadistes parisiens s’amplifie, dans l’espoir de faire converger les luttes vers la capitale.

INTERNATIONAL

# 09

L’agriculture française réunie Porte de Versailles

Pour Hollande, le salon de tous les dangers

P.4

Election législative en Irlande

n Les sondages prévoient un chamboulement politique dans un pays où l’austérité fait rage.

sports

P.9

Le nouveau visage de la FIFA

n Gianni Infantino vient d’être élu nouveau président de la Fédération internationale de football.

eco/conso

La guerre aux e-fraudeurs

P.7

n La communauté des

resquieurs de transport public s’organise. La proposition de loi débattue à l’Assemblée nationale compte bien combattre ces fraudeurs 2.0.

François Hollande est attendu pour cette édition 2016 qui débutera samedi (François Laffite)

n Le 53e Salon de l’Agriculture ouvre blocages et de manifestations, ils ré-

ses portes samedi. François Hollande sera présent et risque de subir les foudres de centaines d’agriculteurs sur les lieux. Après des semaines de

clament des mesures radicales pour sauver leurs emplois, et comptent bien profiter du Salon pour faire entendre leur voix. Page 2&6


FRANCE AGRICULTURE Un salon aux enjeux hautement politiques

François Hollande attendu au tournant par les agriculteurs

I

l est loin le temps où les hommes politiques, à l’instar de Jacques Chirac, pouvaient sillonner paisiblement les allées du Salon de l’Agriculture des heures durant, un verre de vin à la main et du saucisson plein la bouche. Car cette année le président de la République François Hollande est attendu de pied ferme. Des centaines d’agriculteurs au bout du rouleau comptent bien en découdre avec lui, dès l’inauguration samedi 27 février de la 53e édition du Salon de l’Agriculture.

à obtenir un Conseil européen sur la crise agricole. Mais les principaux intéressés jugent ces mesures inutiles à long terme. Les agriculteurs veulent en découdre

Une crise généralisée

Depuis plusieurs semaines, les manifestations et les blocages sur les routes s’enchaînent aux quatre coins de la France, et particulièrement en Bretagne. Preuve que la crise est structurelle : le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux en dix ans (ils ne sont plus que 500 000 aujourd’hui). Ils partagent tous le même sentiment : celui d’être oubliés et laissés de côté par le gouvernement. Les dépôts de bilan se multiplient, et on dénombre pas moins de 600 suicides par an. En cause : l’empilement des normes et des contrôles, ajouté à une chute des prix généralisée de la viande

La tension sera palpable pour cette 53e édition (AFP)

bovine, porcine et du lait, due à la surproduction. Les agriculteurs demandent une véritable stratégie agricole et alimentaire, qui leur permettrait de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens, souvent moins chers et plus rentables. Le gouvernement est donc attendu en tournant, et notamment Stéphane Le Foll. Le ministre de l’Agriculture, qui avait reçu

la visite surprise d’un groupe d’agriculteurs devant son domicile du Mans dimanche 21 février, compte installer ses bureaux Porte de Versailles pendant toute la durée du Salon pour « être à l’écoute ». Manuel Valls a quant à lui annoncé une baisse générale des charges et une année sociale blanche pour les agriculteurs, alors que François Hollande s’est engagé

La FNSEA a d’ores et déjà promis de faire entendre la colère paysanne lors de cet évènement surmédiatisé. « Il n’est pas question que le Salon se transforme une nouvelle fois en concours de beauté politique », a mis en garde le principal syndicat des exploitants agricoles. José Bové, ex-leader de la Confédération paysanne, a lui décidé de boycotter le Salon cette année. « Ca aurait pu être une belle fête » a-t-il déclaré sur RTL. Mais il juge « indécent de venir voir des stands de l’agroalimentaire qui sont en très grande partie responsables de cette crise ». Il appelle également le gouvernement à aller au « bras-de-fer avec Bruxelles » pour assouplir les législations qui pèsent sur les agriculteurs français. François Hollande va donc avoir besoin de nerfs solides pour calmer la grogne qui se fait de plus en plus virulente à son égard, alors que l’échéance de l’élection présidentielle se rapproche à grands pas.. o Adrien Marchais

ZYKA La ministre de la Santé s’est vue reprocher de nuire au tourisme

En Guadeloupe, Marisol Touraine alerte les femmes enceintes n Le département d’Outremer est toujours « en phase pré-épidémique » a rappelé la ministre de la Santé. Au total, sur le territoire, on dénombre 35 cas confirmés de virus Zyka et 389 cas suspects parmi lesquels seulement deux femmes enceintes. Malgré tout, Marisol Touraine a voulu lancer des mesures fortes contre le virus dans les cas de grossesse : « Les femmes enceintes qui se voient détecter le virus du Zyka bénéficient et bénéficieront d’un suivi renforcé avec une écographie chaque mois. [Ces examens] seront pris en charge à 100% et la femme concernée n’aura même pas besoin d’avancer le prix de l’échographie ». Elle a par ail02 - EXpresso - Vendredi 26 FEVRier

Mme Touraine en visite à Baie-Mahault, le 25 février 2016. (AFP)

leurs déconseillé aux femmes enceintes de se rendre sur l’île. Volonté de transparence

« Je pense qu’il y a l’art et la

manière de faire passer les messages. Nous comptons énormément sur le tourisme pour développer notre territoire » s’est énervée la maire de Point-

à-Pitre Hélène Polifonte. Selon elle, les propos de la ministre sont trop alarmistes, d’autant que le territoire a déjà encaissé une baisse de 23% des réservations sur la période janvier-février en comparaison à l’année dernière. L’intéressée s’est pour sa part défendue par une volonté de transparence : « Moi, je suis ministre de la santé et ma responsabilité est de ne rien cacher. Ma responsabilité est d’alerter sans alarmer ». Sur l’île, l’édile défend elle la logique préventive adoptée depuis 2015. La visite de 40 000 maisons a déjà permis la neutralisation de 6000 gites larvaires de moustiques. o Etienne Breil


FRANCE NOTRE-DAME-DES-LANDES Une manifestation prévue demain

Les zadistes parisiens veulent fédérer les luttes

C

e mercredi soir, une trentaine de personnes s’engouffre dans les locaux de la Confédération Nationale du Travail, au fond d’une ruelle du 20e arrondissement de Paris. Avant la manifestation de samedi à Notre-Damedes-Landes pour protester contre les avis d’expulsions des paysans et habitants de la ZAD, le collectif d’Ile de France mobilise ses troupes. Derrière les chants de Flamenco du local d’en face, une voix fluette se fait entendre. « Bon, on la fait en extérieur cette réunion ou quoi ? ». Les retardataires s’arrachent les chaises déjà disposées en cercle, sous les affiches militantes collées négligemment sur les murs. La réunion hebdomadaire s’ouvre par un tour de parole, tous les participants se présentent. Nicolas fait partie du syndicat Sud-PTT. Marcus, lui, vient du collectif de SaintDenis, et fait le relais avec la mouvance d’action directe contre l’aéroport. « Hier ils ont tagué le siège de Vinci, donc si certains veulent s’engager, qu’ils viennent me voir. Bon je les connais pas, bien sûr, mais venez me voir quand même » lâche-t-il, l’air goguenard.

La mobilisation prend de l’ampleur

François Hollande a beau tenter de déminer le terrain en annonçant un référendum local, la contestation des opposants au projet d’aéroport ne faiblit pas. Jeanne, comme plusieurs autres, vient pour la première fois. « Je ne suis jamais allée dans la ZAD. Mais je me suis dis qu’avant la manif’ de samedi, c’était le moment ». Accueil chaleureux, le collectif a be-

Des militants de NDDL arrivent à Paris en vélo pour la COP21 (AFP)

soin de bras. A l’ordre du jour, l’actualité de la ZAD et l’organisation du soutien aux vingt personnes poursuivies pour une opération escargot à Nantes. « On va faire un concert, qui s’en occupe ? » demande Gilles. Un coup de fil arrive de Nantes, ils ont écopé de 200 euros d’amende avec sursis. « Bonne nouvelle ! Bon, on fait le concert quand même ». Le plus urgent, c’est les transports pour samedi. « On a six bus, mais on va en réserver deux de plus, on a jamais amené autant de monde de région parisienne » annonce fièrement Marcus. Porter la contestation à Paris

Dans une certaine confusion, le groupe aborde les questions qui fâchent. « Dimanche il y a la réunion des collectifs. Qui veut nous représenter ? ». Peu de doigts se lèvent. Le problème de l’autogestion, c’est de trouver un porte-parole, et de s’accorder sur les revendications. Au moment où la gauche éclate et où les syndicats se mobilisent, chacun sait que le climat

est propice à la convergence de différentes luttes sociales. De quoi faire de Paris le nouveau centre névralgique de la mobilisation. « Il faut songer à porter le mouvement au niveau national, au cœur du pouvoir » avance un participant. Certains acquiescent, Marcus embraye : « On est dans une logique zadiste. Il y a des ZAD partout en France et en Europe, on est en contact avec eux. Il faut fédérer ces luttes, et on sait que ça commence et ça finit toujours à Paris ». D’autres font la moue. Jean-Pierre assure qu’ils seront taxés de centralisme. « Attendez, je suis d’accord sur la nécessité de porter un message global, mais notre lutte, c’est d’abord à Notre-Dame-desLandes qu’elle se passe » lance une des fondatrices du collectif. Après trois heures de débat, et avant de s’éclipser un à un dans la nuit, des rendez-vous sur place pour samedi sont pris approximativement. La ZAD, ils la connaissent finalement surtout de loin. o Maxime Jaglin

Volte-face pour la maire de Lille de position virulente contre le gouvernement publiée dans Le Monde, Martine Aubry a répondu à l’appel pour une primaire à gauche lors d’un débat jeudi 25 février dans sa municipalité – une initiative portée par le collectif « Notre primaire » qui organisait le rassemblement. Mercredi, elle n’avait pourtant pas eu l’air emballée à l’idée de

L’état d’urgence renforcé en régions n Le ministre de l’Intérieur

Bernard Cazeneuve a décidé de muscler le dispositif antiterroriste en province. Désormais, les forces d’intervention rapides, armés de fusils d’assaut, devront être à 20 minutes de tout potentiel point d’attaque terroriste. Pour financer cet ambitieux plan, l’État déboursera près de 10 millions d’euros. L’état d’urgence, voté après les attentats de Paris et Saint-Denis et qui devait prendre fin vendredi sera prolongé jusqu’au 26 mai.

Ouverture des négociations avec les intermittents

POLITIQUE Martine Aubry plaide finalement pour une primaire à gauche n Deux jours après sa prise

en bref

désigner démocratiquement le candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2017. La maire de Lille avait alors jugé que le président de la République sortant n’avait « pas besoin » de passer par une élection interne s’il était candidat. Un revirement qu’elle a justifié par « une réaction un petit peu institutionnelle ». Jeudi, l’ancienne secrétaire du

Parti socialiste a déclaré : « Si maintenant, ça a l’air d’être le chemin, que François Hollande est candidat et qu’il est prêt à venir dans cette primaire, c’est formidable ». Elle a également profité de l’occasion pour inviter « tous les camarades de gauche » à rejoindre « ce grand mouvement démocratique ». o Etienne Breil

n Les syndicats et employeurs de la profession du spectacle se sont réunis jeudi 25 février pour débattre de l’assurance chômage des intermittents. Des discussions prévues par la loi Rebsamen du 17 août 2015 pour trouver des solutions à la crise qui secoue le milieu depuis deux ans.

Record de contraventions routières par radars auto-

matiques n En 2015, 13,31 millions de

conducteurs se sont faits flasher. Un record pour l’Agence nationale du traitement automatisé des infractions attribué à la meilleure qualité des appareils de contrôle. Pourtant, le nombre de décès sur les routes a augmenté de 2,4% par rapport à 2014, des morts principalement dues à la vitesse.

Myriam El Khomri défend sa loi n Accablée de toute part, la mi-

nistre du Travail a pris la parole sur les réseaux sociaux pour répondre aux critiques. Après un compte Twitter « Loi du travail », Mme El Khomri a répondu dans un commentaire à la pétition pour le retrait de son projet déclarant que « si certaines affirmations de cette pétition sont vraies, de nombreuses autres sont fausses et beaucoup sont incomplètes ».

Vendredi 26 FEVRIer- EXpresso - 03


EUROPE IRLANDE Les élections législatives chamboulent le paysage politique

L’économie s’immisce dans les urnes

S

ceptiques, les Irlandais se rendent ce vendredi 26 février aux bureaux de vote pour élire leurs députés. Une élection législative qui sème le trouble dans le paysage politique. Alors que l’économie du pays redémarre de façon spectaculaire, les citoyens s’apprêtent à sanctionner ceux qui ont mené une politique accusée d’avoir conduit à l’austérité. Arrivée sur un champ de ruines en 2011, la coalition au gouvernement menée par le premier ministre Enda Kenny, composée du parti de centre droit Fine Gael, et du Labour est à l’origine d’un rebond économique sans précédent. Avec un taux proche de 7%, l’Irlande est aujourd’hui le moteur de la croissance européenne. Le chômage, qui atteignait les 15% en 2012, est descendu sous la barre des 8,5%. Le déficit budgétaire, enfin, a quasiment disparu. Mais derrière ces chiffres prometteurs se cache une grande insatisfaction politique. Pour la première fois depuis des décennies, il pourrait bien n’y avoir aucun gagnant le soir du scrutin. Selon les derniers sondages, la coalition au gouvernement n’atteindrait pas la majorité absolue de députés au Dàil Éirean, la chambre basse du Parlement

Des Irlandais manifestent contre l’austérité (DR)

irlandais, qui nécessite 46% des voix. L’éclatement du paysage politique La première formation politique du pays, Fine Gael, remporterait moins de 30% des suffrages. S’il apparaît fragilité par rapport à 2011 où il avait obtenu 36,1% des voix, le score semble encore confortable. Les vraies difficultés viennent du Labour. Sanctionné pour avoir cautionné cinq ans d’austérité, le parti de gauche ne devrait obtenir

que 6% des intentions de vote, loin des 19% de 2011. Les chiffres de l’économie florissants sont en effet à doubletranchant. Loin de plébisciter la coalition, les irlandais protestent contre l’austérité, à l’origine de nombreux sacrifices qui ont affecté leur quotidien. Il y a une semaine, des milliers de personnes descendaient dans les rues pour dénoncer la réduction drastique des budgets de l’Etat, l’explosion des impôts et les prix exorbitants des logements. Aujourd’hui, 16% de travailleurs vivent sous le seuil de la

pauvreté et 700 familles sont logées dans des foyers et hôtels. Le Fine Gael promet de prendre en compte les bénéfices de la croissance pour mettre en place des baisses d’impôts et augmenter les dépenses publiques. Mais les citoyens ont du mal à y croire. Résultat, les principales formations politiques du pays qui dirigent alternativement le pays depuis 1932 voient leur influence se réduire. Les classes populaires, les jeunes et les retraités pourraient ainsi se tourner vers le Sinn Fein, le parti nationaliste de gauche, ancienne branche politique de l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA), séduits par sa promesse de « reprise partagée ». Les petits partis indépendants recueilleraient par ailleurs plus de 30% des intentions de vote. En tous cas, former une coalition sera difficile. Pour durer, l’alliance actuelle devra être élargie aux petites formations et indépendants. Une association des deux partis traditionnels, le Fine Gael et le Fianna Fail semble par contre infaisable. Les rancœurs sont trop fortes. Jeudi encore, Enda Kenny accusait le Fianna Fail « d’avoir fait sombrer l’économie du pays » pendant et après la crise de 2008. Une solution devra être trouvée avant le 10 mars. o Jeanne Fremin du Sartel

MIGRANTS La Grèce refuse la visite de la ministre de l’Intérieur autrichienne

L’Europe solidaire n’est plus n Embourbée dans la crise des migrants, l’Europe est en train de se déliter. La décision du gouvernement grec de ne pas recevoir la ministre autrichienne de l’Intérieur Johanna Mikl-Leitner est un symptôme de plus de la désolidarisation ambiante. Une réponse ferme de la Grèce, où près d’un million de migrants sont arrivés et patientent dans un pays qui prend des airs de destination finale. « L’Autriche nous traite comme des ennemis », s’est défendu jeudi le ministre grec de la Politique migratoire, Yannis Mouzalas, lors de la rencontre à Bruxelles des ministres de l’Intérieur des pays membres de l’Union Européenne, organisée pour résoudre la crise. Un véritable fiasco. Emmenée par l’Autriche, der04 - EXpresso - vendredi 26 FEVRIER

Le refus grec révèle les fractures de l’Europe (Reuters)

nière étape des réfugiés avant la frontière allemande, une coalition de neuf pays des Balkans a exprimé sa volonté de « réduire massivement » le flux migratoire. Elle reproche également à la Grèce de ne pas suffisamment protéger ses frontières. A Vienne, l’instauration de quotas de migrants accueillis vient d’être décidé. « Une ini-

tiative isolée », déplorée par la commission Juncker, alors que l’Allemagne d’Angela Merkel s’attend à accueillir 3,6 millions de réfugiés d’ici 2020, soit en moyenne 500 000 personnes par an, comme le rapportait la presse allemande jeudi. Les migrants arrivés l’an dernier, au nombre record de 1,1 million, sont inclus dans ce

chiffre. Simonetta Sommaruga, la présidente suisse qui était à Bruxelles en temps que membre de Schengen résume l’état d’esprit : « la volonté d’assumer les décisions communes n’est pas très grande, la pression des opinions publiques est forte ». Dans l’attente, la situation se tend. Bruxelles craint que la fermeture d’une partie de la « jungle » de Calais, n’entraine un afflux massif de migrants vers la Belgique, alors que la frontière avec la France se ferme. En cas de désaccord lors du sommet entre l’Union Européenne et la Turquie le 7 mars, le commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos prédit déjà « un désastre ». Plus que jamais, les Etats européens semblent divisés face à la crise des migrants. o Louis Duménil


iNTERNATIONAL MAROC Le Sahara Occidental divise le Maroc et l’Europe

Rabat suspend les discussions avec l’UE

L

e gouvernement marocain a annoncé jeudi soir la « suspension de tout contact » avec l’UE. En cause, une décision de décembre de la justice européenne qui a invalidé un accord agricole au prétexte qu’il s’appliquait également au Sahara Occidental. La cour craignait que l’exploitation des ressources sahraouies ne se fasse qu’au profit du Maroc. Dans un communiqué, Rabat dénonce un jugement au « caractère hautement politique » et « contraire au droit international ». Le Front Polisario, mouvement indépendantiste soutenu discrètement par l’Algérie, avait saisit la Cour Européenne sur ce dossier en 2012.

Une situation compliquée

Ce n’est pas la première fois que ce dossier nuit aux relations entre le royaume chérifien et l’Europe. Un accord portant sur la pêche, signé en 2007, n’avait pas été renouvelé en 2011 par le Parlement Européen, qui estimait que les sahraouis n’étaient pas adéquatement défendus. Ce traité a finalement été ressuscité en 2014, sans fanfare. Environ 400 navires de pêches européens (avec en tête de proue, l’Espagne) ont donc désormais accès aux eaux territoriales du Sahara Occidental. Le Maroc reçoit en contrepartie 40 millions d’euros chaque année.

L’Allemagne perd la trace de 130.000 migrants n Les autorités allemandes ont

annoncé vendredi la disparition de près de 130.000 migrants. Entrés sur le territoire en 2015, ils ne se sont ensuite pas présentés dans les foyers vers lesquels ils avaient été orientés. Le gouvernement affirme que l’absence de ces migrants pourrait se justifier par « un retour dans le pays d’origine, la poursuite du voyage vers un autre pays ou bien une plongée dans l’illégalité »

Le dialogue est rompu entre Rabat et Bruxelles (reporters.dz)

Mais les relations européennes avec le Polisario ne sont pas non plus au beau fixe. Un rapport de la Commission daté de 2007 mais rendu public en 2015 révèle que les aides humanitaires ont été détournées par le Polisario et l’Algérie. Cet argent était destiné au camp de réfugié sahraoui situé à Tindouf, en Algérie. Or les autorités d’Alger et le Polisario ont délibérément surestimé le nombre de réfugiés présents, et récupéré les fonds en trop. Le Parlement européen a donc immédiatement exigé une restitution des dites aides, sans que ce dossier n’avance depuis. A noter que l’Europe donne 10 millions d’euros annuellement au Polisario, et ce depuis 1975, date de l’annexion de l’ancienne colonie espagnole par le

Maroc. En attendant, la rupture du dialogue entre l’Europe et le Maroc nuit à un certain nombre de négociations stratégiques. Des discussions importantes suspendues

Selon l’eurodéputé Gilles Pargneaux, président du groupe d’amitié UE-Maroc, « l’Union européenne a besoin du Maroc, notamment dans la lutte contre le terrorisme, l’immigration et la sécurité ». La coopération en matière énergétique inquiète également M. Pargneaux, car plusieurs plans de développements d’énergies renouvelables marocains requièrent un soutien européen, et ce, alors que la COP 22 se tiendra à Marrakech en novembre. o Benjamin Alcaïde

ELECTION Irrégularités en série au Niger

Issoufou qualifié sur fond de contestation n Il aura fallu quatre jours pour obtenir les résultats officiels des élections, présidentielle et législatives, au Niger. Le président sortant, Mahamadou Issoufou est qualifié pour le second tour avec un score de 48,4%. Mais à y regarder de plus près, cette double élection, qui est la première depuis 2012, semble illustrer la caricature même du système électoral africain. En effet, dès mercredi et alors que les résultats n’étaient pas encore officiels, Mahamadou Issoufou proclamait déjà sa réélection dès le premier tour pendant que l’opposition annonçait qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats. Et pour cause, la commission électorale nationale indépendante (Céni) est accusée de « complicité avec le pouvoir ainsi que de fraude électorale ». Car ces derniers jours, il a fallu résoudre de nombreux pro-

en bref

blèmes dans différentes régions. A Niamey, les données d’un bureau de vote étaient introuvables mercredi soir, tandis que dans une des communes de la capitale, un litige portant sur 2 000 voix a bloqué un temps la transmission des chiffres. Ces errements électoraux traduisent pourtant bien plus qu’un simple problème de coordination, et semblent symboliser les déboires d’un continent qui peine à instaurer un système politique représentatif ne souffrant d’aucune contestation. Des problèmes devenus monnaie courante

Le dernier litige date également de cette semaine. La Céni des Comores annonçait, mercredi 24 février, la victoire du candidat du parti au pouvoir, Mohamed Ali Soilihi au second tour de l’élection présidentielle.

Une nouvelle fois, dès l’annonce tardive des résultats, une myriade de critiques et de suspicions s’amoncela sur la commission électorale. Après décompte, le total des suffrages devant élire le président et les gouverneurs de l’île de la Grande Comore avait effectivement atteint 104% au lieu de 100%. Ce qui devrait pousser les Comores, à un nouveau dépouillement voire une nouvelle élection. Autre exemple, actuellement jugé devant la Cour Pénale Internationale (CPI), Laurent Gbagbo est accusé d’avoir planifié et ordonné des attaques, en Côte d’Ivoire, contre ses opposants politiques fin 2010, après avoir perdu l’élection présidentielle face à Alassane Ouattara. 3 000 personnes étaient alors décédées en quelques mois. o Guillaume Thorel

Le Canada veut abroger la déchéance de nationalité n Le gouvernement de Justin

Trudeau a ouvert jeudi soir la voie à l’abrogation de la déchéance de nationalité des binationaux condamnés pour actes de terrorisme, espionnage ou crimes contre l’intérêt national. « Nous croyons qu’il n’y a qu’une classe de Canadiens et que tous les Canadiens sont égaux» a expliqué John McCallum, ministre de l’Immigration et de la Citoyenneté.

Union civile gay approuvée par le Senat italien n Le Sénat italien a adopé jeudi

une loi sur les unions pour les couples de même sexe. Cette version de la loi n’évoque ni les enfants ni le devoir de fidélité ni l’adoption. Le chef du gouvernement, Matteo Renzi a déclaré que « l’accord sur les unions civiles est un événement historique pour l’Italie ».

Turquie : deux journalistes de l’opposition libérés de prison n Après avoir passé 92 jours en prison, Can Dündar et Erdem Gül ont été libérés vendredi. Leur crime est d’avoir dévoilé l’interception en janvier 2014 d’un camion des services de renseignements turcs à la frontière syrienne. Ils sont toujours mis en examen par la justice turque pour « espionnage », « divulgation de secrets d’Etat » et « assistance à une organisation terroriste ». vendredi 26 fevrier- Expresso - 05


ECO/CONSO

AGRICULTURE Les objets connectés envahissent le secteur agricole

Révolution technologique à la ferme

L’

agriculture de demain sera connectée ou ne sera pas. Pour faire face à une population qui croit de manière exponentielle et à un climat qui se dérègle, le monde agricole n’a plus le choix. Désormais, il faudra produire plus, certes, mais surtout produire mieux. Si rien n’est fait, 2,5 millions de kilomètres carré de terres fertiles pourraient disparaître d’ici 2050 selon Les Echos. Or, pour suivre la croissance de la population, il faudra avoir doublé le rendement des principales cultures céréalières (blé, riz, maïs) à la même échéance. Pour répondre à cette situation menaçante, le monde agricole a amorcé une mutation globale, avec l’aide d’un allié de taille : la technologie. Celle-ci doit permettre de concilier intensivité et durabilité, production et écologie. Des champs déjà connectés

Imaginez : truffée de capteurs, survolée par des drones, la ferme de demain sera hyperconnectée. Toutes les données collectées seront envoyées sur le smartphone de l’agriculteur, qui pourra suivre en temps réel différents paramètres agricoles et ajuster ses ressources en eau et en engrais. Un scénario qui tient presque de la science-fiction

45% d’agriculteurs utilisaient des applications professionnelles agricoles en 2015 (DR)

mais qui pourrait devenir une réalité d’ici seulement 15 ans. La digitalisation des champs a en effet déjà commencé. Lunettes pour détecter les parasites sur les plantes, capteurs d’humidité dans le sol, logiciels d’optimisation de l’engrais à utiliser, drones à infrarouges détectant les carences des plantes, tous ces outils sont d’ores et déjà utilisés par les agriculteurs. La réalité dépasse la fiction dans le secteur agricole, dont les possibilités technologiques paraissent infinies. Un secteur d’avenir en pleine expansion. «Le défi de l’intensification durable des terres agricoles ouvre une nouvelle page dans la recherche agronomique», explique Luc Abbadie dans Les

Echos, professeur à l’Institut d’Ecologie et des Sciences de l’Environnement de Paris. Un défi auquel s’est déjà attelé le secteur industriel, qui voit fleurir les starts-up tournées vers l’agriculture connectée. Selon une étude de Marketsand Markets, le secteur de la technologie au service d’une agriculture de précision devrait peser 4,55 milliards de dollars en 2020. Des algorithmes prédictifs, aux applications permettant de calculer le taux de semis optimum, les idées ne manquent pas. La technologie pour l’écologie

Elles sont d’ailleurs si nombreuses, que les salons pour les présenter se multiplient à travers le monde. Héros de ces

présentations, les robots agricoles, qui devraient générer près de 74 milliards de dollars d’ici 2024, contre 3 milliards aujourd’hui. Le symbole indéniable que l’agriculture de demain sera assistée et robotisée, en plus d’être connectée. La France, première puissance agricole européenne, mise beaucoup sur l’agriculture connectée. Au lendemain de de la COP21, cette mutation en profondeur est vue comme l’opportunité d’inscrire sur le longterme le secteur agricole dans une logique de développement durable. Une nécessité, compte tenu du fait que l’agriculture est à l’origine d’un quart des émissions de CO2 dans le monde. o Laure Hänggi

INDUSTRIE Le fleuron de l’industrie nucléaire française dans la tourmente

Pertes atomiques pour Areva n Areva accuse une perte nette

de 2 milliards d’euros en 2015, signant son cinquième exercice consécutif dans le rouge. Même si elle est réduite par rapport à 2014 (-4,8 milliards d’euros), elle est plus importante que celle anticipée par les analystes interrogés par Bloomberg. En cause, de lourdes charges liées à sa restructuration et à une nouvelle provision pour l’EPR finlandais OL3 que le groupe français espère toujours démarrer fin 2018. Du fait de cette nouvelle charge, la facture cumulée sur ce dernier s’élève désormais à 5,5 milliards d’euros pour le groupe français, a expliqué Stéphane Lhopiteau, le directeur financier d’Areva, lors d’une conférence téléphonique. Le fleuron français du nucléaire, 06- EXpresso -Vendredi 26 février

5 milliards d’euros : le montant de la recapitalisation d’Areva (DR)

qui avait déjà reporté la publication de ses résultats de 24 heures jeudi, a également accusé une baisse de 10,6% de la valeur de son carnet de commandes, à 29 milliards d’euros. La multinationale s’attèle donc à rester en vie. Le plan de sauvetage passe par une recapitalisation massive de 5 milliards d’euros et la cession d’Areva NP (fi-

liale de construction et services aux réacteurs) à EDF. Mais l’électricien français considère l’action bien trop dangereuse. Une année 2016 à crédit L’entreprise refuse d’assumer les risques financiers et cumule surcoûts et retards. Elle fait l’objet d’une procédure d’arbitrage international entre Areva et son

client TVO. Pour que le plan fonctionne, il faut d’abord...Eviter la faillite et passer l’année 2016. Le groupe vient donc de contracter un crédit relais de 1,1 milliard d’euros pour 1 an. Le deuxième enjeu est TVO : trouver un accord avec le finlandais. Les deux groupes envisagent un règlement global de leur contentieux, actuellement traité devant un tribunal arbitral. Areva risque de verser une indemnité de centaines de millions d’euros à TVO. Il serait en tout ou partie provisionné dans les comptes 2015.Le groupe nucléaire en difficulté a cependant indiqué que son chiffre d’affaires (qui ne comprend plus l’activité Areva NP) a progressé de 6,2% à 4,2 milliards d’euros, tout comme les indicateurs de performance opérationnelle. o Constance Bernauer


eco/conso PARIS Avec Internet, la fraude s’organise dans le métro

Des députés s’en prennent aux fraudeurs 2.0

L

es députés déclarent la guerre aux fraudeurs du métro parisien. D’après un rapport de la Cour des Comptes publié le 10 février dernier, la fraude représenterait un manque à gagner de près de 253 millions d’euros pour les comptes de la RATP, soit presque un million d’euros de perdu chaque jour. C’en est trop pour le député socialiste de Gironde Gilles Savary qui entend bien dissuader les fraudeurs, même les plus récalcitrants, avec sa proposition de loi sur la sécurité dans les transports publics.

... et disproportionnées

Des sanctions plus sévères...

La fraude coûte un million d’euro par jour à la RATP (DR)

de contrôleurs sur les quais et dans les rames du métro. Une fraude qui est donc de plus en plus difficile à surveiller et à contrecarrer. Un groupe Facebook « Alerte contrôleurs RATP » s’est ainsi créé et permet de signaler en temps réel la localisation d’agents de la RATP. Une application mobile a aussi été inventée. « CheckMyMetro »,

AVIATION Air France : nouveau plan de départs

La compagnie aérienne reste dans la tourmente Air France a annoncé vendredi un plan de départs volontaires concernant 1.405 postes au sol d’ici 2017. Didier Fauverte, secrétaire général du CCE, a précisé que ce plan « sera court », car « il sera ouvert du 22 août (2016) au 31 janvier » de l’année prochaine. Parmi les aéroports les plus touchés se trouvent l’aéroport d’Orly et ceux de province, avec 448 départs espérés au total. À RoissyCharles-de-Gaulle le nombre de postes supprimés sera de 342. Les pilotes encore épargnés

La direction de l’entreprise a également confirmé que 1.127 postes seront supprimés dans les fonctions opérationnelles et 278 dans les fonctions sup-

port. Les pilotes ne sont plus concernés par les départs. Le 15 janvier, Air France avait partiellement abandonné son plan de réduction d’activité et présenté un nouveau projet qui inclut une hausse de la flotte de 2017 à 2020. Christophe Malloggi, secrétaire général de Force Ouvrière de la compagnie aérienne, a assuré que cette annonce « ne [serait] pas définitive ». « Il y aura une négociation durant le mois de mars avec une dernière réunion le 29 », a-t-il conclu. Les tensions sociales liées à la mise en oeuvre du plan Perform 2020 restent vives au sein de la compagnie, la chemise du DRH Broseta peut en témoigner. o Norberto Paredes

sorte de mini réseau-social urbain permet aux usagers du métro parisien de se partager des informations sur l’état du trafic, de pousser quelques colères ou simplement de se raconter des anecdotes insolites. Mais certains tchateurs profitent de cette application pour indiquer la présence d’agents de la RATP ou de forces de l’ordre.

o Juliette Sausse

en bref La consommation en hausse en janvier n La consommation des ménages a augmenté de 6% en janvier après déjà +1% en décembre, effaçant donc le repli enregistré en novembre du fait des attentats de Paris, a annoncé vendredi l’Insee. Cette hausse est due principalement à la hausse des dépenses en énergie, lié au retour de l’hiver après les températures clémentes du début de l’hiver, et à un rebond de la consommation en biens d’équipements du logement, précise l’institut statistique.

d’agent public étranger lors du procès des détournements du programme de l’ONU «Pétrole contre nourriture». Une peine conforme aux réquisitions de l’avocat général. « Pétrole contre nourriture » permettait alors à Sadam Hussein de vendre du pétrole en échange de biens humanitaires. Le régime irakien aurait ainsi détourné plus de 228 millions de dollars entre 2000 et 2002 grâce à ce programme.

Total condamné pour corruption

n Relaxé en première instance

en 2013, Total a finalement été condamné en appel vendredi 26 par le Tribunal correctionnel de Paris à 750 000 euros d’amende pour corruption

(DR)

Adopté début février par les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire, le texte vise à renforcer et à durcir les sanctions à l’égard des sans-tickets. Il prévoit notamment des peines pouvant aller jusqu’à six mois de prison et 7 500 euros d’amende. Ainsi, un usager qui signalerait la présence d’agents de la RATP via les réseaux sociaux ou une application mobile risquerait deux mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Car la nouveauté est là : avec Internet les fraudeurs s’organisent et s’échangent des informations concernant la présence

Deux mois d’emprisonnement pour un signalement c’est excessif et disproportionné, selon plusieurs utilisateurs et les 3 000 membres du groupe Facebook « Alerte contrôleurs RATP ». Benjamin Suchar, le créateur de « CheckMyMetro », lui non plus ne décolère pas. « Une peine de prison pour le seul fait de signaler la présence de contrôleurs ne devrait pas en être une pour un pays démocratique comme la France », déclare-t-il. Avant d’ajouter « indiquer la présence de contrôleurs sur les quais et dans les rames de métro, n’a rien à voir avoir de la fraude, c’est plus un moyen pour les usagers de se réapproprier leurs transports et de faire pression sur la qualité de service de la RATP ». Sensible à leur cause, le sénateur Les Républicains François Bonhomme plaide en leur faveur. « Il ne semble pas justifié d’ériger en délit le fait de signaler la présence de contrôleurs effectuant un contrôle », estimet-il. Mais quoi qu’il arrive le 2 mars prochain, lors de la deuxième lecture de la proposition de loi à l’Assemblée Nationale, les utilisateurs de « CheckMyMetro » pourront donc continuer d’utiliser comme bon leur semble l’application.

Total condamné à 750 000 euros par la justice française

vendredi 26 fevrier- Expresso - 07————


culture EXPO Le Centre Pompidou présente « L’insoutenable légèreté » des années 80

La superficialité authentique et créative des 80’s

P

lusieurs visiteurs dépassant la quarantaine, et quelques jeunes curieux de découvrir une époque qu’ils connaissent essentiellement via la musique, quand, lorsque la conscience s’embrume à la fin des soirées étudiantes, retentissent les tubes marquants de cette décennie. Mercredi 24 février, l’exposition « L’insoutenable légèreté, Les années 80 » ouvrait ses portes au Centre Pompidou. Via une centaine de photographies et films, les 80’s s’y dévoilent, effervescentes, légères et graves à la fois. La déambulation, de Présence Panchounette à Jean-Paul Goude, en passant par Martin Parr ou encore Pierre et Gilles, entraîne le visiteur au coeur des recherches expérimentales et artistiques de cette période. Le parcours, achevé rapidement, laisse le visiteur quelque peu frustré de ne pouvoir plus approfondir. « Décevant », la bribe est lâchée, amère, par deux femmes âgées qui quittent la galerie. La photo en quête d’apparence

L’exposition demeure néanmoins un témoignage riche de la production artistique de cette période. La photographie bénéficie alors de nombreuses améliorations technologiques (accessibilité de la photographie en couleurs de bonne qualité, ou encore instantanéité du Polaroid). Un champ de possibilités s’ouvre

Grace Jones, revisitée par Jean-Paul Goude (J.P Goude/V.Magazine)

aux photographes, et contribue à la promotion de la photographie comme art à part entière. Ce virage artistique, la photographie le prend avec une ligne directrice commune aux différents artistes : l’importance de l’apparence. Enjeu omniprésent des années 80, quand elle renvoie à l’appartenance à une classe sociale, l’apparence guide les choix vestimentaires et culturels des individus. Plan serré sur le buste et le col, cravate, nœud papillon ou chemise de couleur mis en avant, Agnès Bonnot photographie ainsi les signes distinctifs d’anonymes croisés dans la rue. « Ca révèle la construction identitaire

et les classes sociales » commente Maurice, 44 ans. L’artifice se mêle à l’authentique, l’allure devient une composition. Cette évolution, sujet privilégié par les artistes dans leurs oeuvres, influence progressivement les techniques de production des artistes. La créativité se libère

La photo devient une mise en scène et un support de perspectives artistiques. La photographe Sandy Skoglund introduit des chats en terre cuite, peints en vert dans une cuisine banale grise : Radioactive Cats est une œuvre au caractère surréaliste et absurde, mélange de

réel et de fiction, à l’instar de nombreuses œuvres de la décennie. Le parcours prend fin avec l’œuvre de Jean-Paul Goude, synthèse des tendances artistiques des 80’s. Son travail sur Grace Jones, icône de l’époque, montre l’ampleur que la création artistique prend pendant les années 80. Par des esquisses ou des photographies, l’artiste joue avec son corps, le module et le déforme. « Goude l’a construite et déconstruite » résume Mathieu, 63 ans, à propos du mannequin. « Il y a une recherche de nouveauté à cette période, même de provocation, pour faire différent par rapport à avant, comme à toute époque », poursuit Mathieu. Comédien, familier de l’art, il émet une certaine réserve quant à la dimension novatrice de la production artistique de l’époque. A son goût, trop d’artifices dans les photos qu’il observe. Et de commenter le nom de l’exposition : « C’est effectivement la légèreté, et elle est insoutenable dans la mesure où elle est trop superficielle ». Une critique qui révèle à quel point l’exposition est révélatrice de l’atmosphère des années 80. La plupart des réalisations, anti-documentaires, marquées par l’artifice, semblent à première vue à distance de la réalité ; elles sont, au contraire, le juste témoignage d’une décennie marquée par les progrès techniques et l’affirmation identitaire. o Martin D’Aboville

CINEMA La sortie du film « La Vache » coïncide avec l’ouverture du Salon de l’agriculture

Les vaches envahissent Paris et les écrans n Elles seront admirées et adulées. Les vaches font leur entrée dès demain au Salon de l’agriculture à Paris. Et cette année, la star c’est Cerise. Choisie comme égérie, cette belle bazadaise à la robe grise et aux cornes blanc et noir, attirera l’œil de nombreux visiteurs. Mais elle ne gagnera pas celui de Fatah, fidèle à sa bienaimée Jacqueline. Ce paysan algérien est le héros du film La Vache, réalisé par Mohamed 08 - EXpresso - Vendredi 26 fevrier

Hamidi. Incarné par Fatsah Bouyahmed, il campe un personnage naïf, mais attendrissant. Un thème tendance au cinéma Il traverse la France pour faire concourir sa vache Jacqueline au Salon de l’agriculture. Un périple ponctué de rencontres en tous genres, mêlant un aristocrate, une fermière et une bande de forains. Et qui révèle la passion zoologique qu’éprouve Fatah pour sa vache. Son amour

pour elle est tel qu’il en oublie son épouse Naïma, interprétée par Hajar Masdouki, et ses deux filles. Le film a reçu les louanges du jury. Il a été récompensé au Grand prix du 19e festival international du film de comédie. Le Salon de l’agriculture fait d’ailleurs de plus en plus d’adeptes dans le monde du cinéma. Saint-Amour, comédie franco-belge sur le même thème, sort en salles mercredi prochain. o Clarisse Duppré

Fatah, fier de sa Jacqueline (DR)


Sports RUGBY L’antre gallois accueille le XV de France

Le Millennium, stade maudit

C

onstruit à l’occasion de la Coupe du monde de rugby 1999, le Millennium Stadium de Cardiff est l’un de ces stades mythiques. Le temple du rugby gallois a déjà accueilli à cinq reprises la finale de la Coupe d’Europe et a également reçu huit matchs lors de la dernière Coupe du monde, dont deux quarts de finale. D’une capacité de 75 000 places, il est le deuxième plus haut bâtiment de la capitale galloise, après la BT Tower, et peut également s’enorgueillir d’être le second plus grand stade au monde doté d’un toit totalement rétractable. Le chaudron gallois Un terrain couvert donc qui donne à ce stade une atmosphère très particulière. Et ce n’est pas les Bleus qui diront le contraire. Tous ceux qui étaient à Cardiff il y a deux ans, comme Maxime Médard ou Jules Plisson, se souviennent encore de l’ambiance surchauffée et du vacarme assourdissant du chaudron gallois en partie liée à leur cuisante défaite (276) en troisième match du Tournoi des Six Nations. Et ce n’est pas la seule débâcle essuyée par le XV de France dans ce stade. On se rappelle aussi de la déroute face aux All Blacks en quart

n Après un premier tour serré, l’italo-suisse a été élu président de la FIFA (Fédération internationale de football association) vendredi 26 février. Avec 115 voix contre 88 pour Salman, son principal concurrent, il succède à Sepp Blatter. Celui-ci était à la tête de l’institution depuis 1998.

Le Millennium, rebaptisé Principality Stadium (Richards) de finale de la dernière Coupe du monde (62-13). Il s’agit tout simplement de la plus lourde défaite encaissée par une équipe à ce niveau de la compétition. Mauvais souvenir Même si le Millenium s’appelle désormais Principality Stadium, du nom d’une société de construction à Cardiff, il sera difficile pour les Bleus de chasser les mauvais souvenirs. D’autant que l’équipe de France n’a plus battu le XV du Poireau depuis le 15 octobre 2011. Les Français ont tout de

même réussi l’un de leurs plus beaux exploits en Coupe du monde dans l’antre gallois avec leur victoire (20-18) en 2007 face aux Néo-zélandais en quart de finale. Devant un public bouillonnant, le XV de France qui reste sur deux succès en deux matchs depuis la prise de fonction de Guy Novès, face à l’Italie puis l’Irlande, mais à chaque fois à domicile, passent un test d’un niveau supérieur contre le pays de Galles et va tenter de conjurer la malédiction du Millennium. o Ines Lagdiri

TENNIS Guy Forget, à la tête du tournoi du Grand Chelem

Un nouveau directeur pour Roland-Garros n Pour reprendre le navire Roland-Garros, la Fédération Française de Tennis (FFT) a trouvé un nouveau commandant. Et qui mieux qu’un ancien capitaine des Bleus pour tenir la barre ? Guy Forget, ancien 4e joueur mondial, a été nommé ce vendredi 26 février par le bureau fédéral de la FFT. Il succède donc à Gilbert Ysern, et à Jérémy Botton qui assurait l’interim depuis le début du mois. Forget pour rattraper les déboires d’Ysern Cette nomination pourrait remettre un peu d’ordre dans la maison. Parti avec fracas, l’exdirecteur de Roland-Garros, accusé « d’une prise de pouvoir exagérée dans ses fonctions », s’était fait licencier le 4 février dernier par le président de la FFT, Jean Gachassin. Limogé, Gilbert Ysern avait affirmé s’être

FOOT Gianni Infantino, nouveau président de la FIFA

Guy Forget AFP toujours bien entendu avec Gachassin, et s’est dit être « victime d’une véritable campagne de calomnie et de diabolisation depuis septembre dernier ».

Selon lui, « puisqu’on [lui reprochait] d’avoir pris une place trop importante, peut-être qu’[il aurait] dû refuser d’une certaine façon cette place-là ». Une façon de renvoyer la balle à Gachassin, qu’il accuse ici de ne pas avoir bien rempli son rôle. Guy Forget arrive donc au milieu de ces turbulences, mais il a le profil parfait pour reprendre le flambeau. Vainqueur de la Coupe Davis en 1991 et 1996 en tant que joueur, il a aussi remporté le saladier d’argent comme capitaine de l’équipe de France en 2001. Meneur, il a l’habitude de diriger des tournois : il pilote effectivement la Coupe Davis depuis 2011, et dirige le Masters-1000 de ParisBercy depuis 2012. Il pourra donc faire ses preuves du 16 mai au 5 juin prochains, pour l’édition 2016 de Roland-Garros. o Eva Gomez

Gianni Infantino Getty Images Il a « tué le père » Agé de 45 ans, ce juriste de formation était le candidat de l’UEFA, dont il était le numéro 2 depuis 2009. Surnommé le « chauve de l’UEFA », il est resté longtemps dans l’ombre de Michel Platini. Il a cependant su profiter de la chute de son patron pour attirer la lumière sur lui. Il s’est d’ailleurs présenté comme le chevalier blanc et a proposé une série de réformes. Dans son dernier discours avant le scrutin, G. Infantino a annoncé vouloir redistribuer 25% des revenus de la FIFA aux fédérations et a émis l’idée de la création d’un comité exécutif. Il a activement fait campagne ces dernières semaines en sillonnant l’Afrique et en récoltant les soutiens de l’Amérique latine. Très à l’aise en public et devant les médias, il est polyglotte : il maitrise à la perfection l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol et l’italien. Fin connaisseur des rouages du football, il a aussi rapidement assimilé ceux de la politique. Et comme un clin d’œil du destin, Infantino est né à Brigue, à quelques kilomètres de Viège, village natal de Blatter. VENDREDI 26 FEVRIER - EXpresso - 09


Expresso

26 02 2016

# 09

portrait Le petit-fils de Jean Gabin triomphe dans Amok

Moncorgé, le talent en héritage

O

n s’attend à trouver une grande gueule et c’est sa retenue qui frappe. Alexis Moncorgé, petit fils de Jean Gabin, ne ressemble pas vraiment à son grand-père. Mis à part le talent. Le jeune homme de 29 ans, à la chevelure dense et brune, le regard noir et rêveur, nous reçoit au bar du Théâtre de Poche-Montparnasse où il joue depuis janvier dans Amok . La pièce, adaptée par le comédien et mise en scène par Caroline Darnay, est un véritable succès critique et commercial. Grâce aux prolongations, Alexis pourra endosser son rôle jusqu’à fin mai. Et quel rôle ! Celui d’un jeune médecin amoureux qui tente de fuir une Malaisie coloniale où il a vécu pendant cinq ans. Un pays qui l’a rendu fou, à l’image des populations sur place victimes de l’Amok, le nom donné à un accès de violence meurtrière. Mais Amok, ce n’est pas que ça pour Alexis. C’est avant tout une aventure qu’il a commencée au début de l’année 2015, et qui l’a porté jusqu’au Festival d’Avignon en juillet dernier. Son meilleur souvenir jusqu’à présent. « On a passé un mois merveilleux. C’est même pas un instant T, c’est comme si tu pouvais condenser le mois en un seul moment mais qui était dingue » explique-t-il totalement habité, mais en concédant que le stress n’est pas le même quand on est à l’origine du projet : « Quand tu es porteur de

vante pas non plus : « je n’ai pas envie que ça pollue le travail de l’équipe, je ne fais pas ce métier pour qu’on vienne me parler de mon grand-père, j’espère que pour les prochains projets ça va s’arrêter ». Le théâtre avant tout

« Je ne fais pas ce métier pour qu’on vienne me parler de mon grandpère» dit Alexis Moncorgé (Chayle &Compagnie)

la création c’est terrifiant, mais toutes les sensations sont multipliées par dix ». Une histoire de famille

« Moi j’ai toujours voulu faire ce métier là, depuis que je suis petit » avoue le jeune homme qui n’a pas connu son célèbre grand-père, décédé en 1976. Un goût pour la scène qui a pourtant sauté une génération car Alexis a grandi en Normandie avec ses parents éleveurs de chevaux. Et même si le talent

expresso insolites

est parfois inné, « moi j’ai eu besoin qu’on me montre comment me servir de mes outils » déclare-t-il modestement. Après plusieurs années à prendre les cours, et enchainer les petits boulots, Alexis commence enfin à vivre de sa passion, et avec le succès sont arrivées les questions sur son grand père « C’est normal, les gens me découvrent donc il faut forcément en parler, je le cache pas, j’en suis très fier » explique-t-il avec un sourire résigné. Pourtant, il ne s’en

En 2015, il était nommé au « Molière de la révélation masculine » pour son rôle d’Octave Mouret dans le Bonheur des dames. Une première reconnaissance après des années de travail. Alors à la question de savoir si son succès pourrait lui faire quitter les planches au profit du grand écran, Alexis réfléchit en buvant une gorgée de son thé et répond « Il y aura toujours l’appel et l’envie de la scène. La scène c’est de l’instantanéité, c’est un saut dans le vide». Pour ses prochains projets, encore du théâtre. Alexis jouera à partir de janvier 2017 le rôle de Stanislas dans L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, adapté et mis en scène par Issame Chayle au Théâtre du Ranelagh. Et à ceux qui s’inquièteraient d’un éventuel ennui à jouer soir après soir le même rôle, Alexis étonné ne l’imagine même pas. « C’est toujours différent, et le but du jeu c’est de faire grandir ton personnage. Bien sûr tu l’as structuré, mais il évolue, en fonction du temps et de ce que tu es » expliquet-il avec passion. Pour le jeune homme, « un comédien ne peut grandir qu’en étant sur scène ». o Eva Turisini

Un enfant italien invente un mot

Choquer les New-Yorkais avec un faux mariage forcé

Emmanuel Macron harcelé par une étudiante

n « Petaloso » ou « pétaleuse », c’est

n Le youtubeur Coby Persin a réalisé une performance en plein cœur de Manhattan pour sensibiliser les New Yorkais aux mariages forcés. Deux comédiens, un homme de 65 ans et une fillette de 12 ans, se sont faits photographier en tenue de mariage à Time Square. Très vite, les passants interpellent l’homme pour critiquer la différence d’âge avec sa fausse jeune épouse. Le vidéaste a commenté en légende le succès de sa mise en scène « Les New-Yorkais ne supportent pas l’idée que l’on puisse marier un enfant à un vieil homme et ce devrait être le cas partout dans le monde ! ». L’ONU compte environ 41 000 jeunes filles de moins de 18 ans mariées dans le monde chaque jour.

n Le Ministre de l’économie a décidé de

ainsi que Matteo, 8 ans a joliment décrit une fleur avec beaucoup de pétales dans un devoir pour son école située à Copparo, dans le Nord de l’Italie. Or, ce terme n’existe pas dans la langue italienne. Son institutrice, qui a trouvé le néologisme « élégant » a donc proposé à l’Académie Italienne Della Crusca de l’inclure au vocabulaire courant. L’Institution a répondu positivement, à la condition que « beaucoup de gens emploient ce mot ». L’appel a été entendu sur les réseaux sociaux. Le hastag #petaloso a été retweeté des centaines de fois en quelques heures, au point que l’académie a invité la classe de Matteo à son siège de Forence.

10 - Expresso - vendredi 26 fevrier

déposer plainte contre une jeune Montpelliéraine de 29 ans qui lui envoyait des centaines de mails depuis septembre. L’étudiante en droit harcelait Mr.Macron de déclarations enflammées accompagnées de photos érotiques. «On ne peut tolérer qu’une personnalité publique soit harcelée par des messages électroniques, fussent-ils d’amour. » a déclaré une source judiciaire. Son cabinet n’a pas souhaité commenter l’affaire. La jeune femme d’origine gabonaise a donc vu son ordinateur et son téléphone confisqués avant d’être mise en garde à vue pour «messages réitérés malveillants en vue de troubler la tranquillité d’autrui».


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