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EXPRESSO QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE - PROMO 2015

12 02 2014

L’ESSENTIEL FRANCE

Dassault bientôt devant les juges

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n Le sénateur a deman-

dé la levée de son immunité parlementaire dans le cadre de l’information ouverte pour achat de votes, corruption et abus de biens sociaux

INTERNATIONAL

# 06

Les efforts budgétaires seraient encore insuffisants

L’avertissement

P. 4

François, pape de la communication

n S’il a remporté la ba-

taille de l’opinion, le pape François est encore loin d’incarner la modernité dont l’Eglise catholique avait besoin après le départ de Benoît XVI

ECO/CONSO

La France aime le numérique

P. 7

n La visite de François

Hollande dans la Silicon Valley suscite l'optimisme des entrepreneurs français du numérique. Pour eux, la France n'a pas à rougir de son modèle

CULTURE

P.8

Prête-moi ta plume

n Expresso a rencon-

tré deux jeunes plumes : celles de Nicole Bricq et de Fleur Pellerin. Ces hommes de l’ombre, militants du Parti socialiste, nous ont parlé de leur métier

PORTRAIT

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Etienne de Montéty, journaliste et écrivain

n Le directeur du Figaro littéraire a remporté le prix des Deux Magots pour La route du salut

Les Sages de la rue Cambon préconisent de continuer l’assainissement des finances publiques.

n Dans son rapport annuel publié continue de se creuser et la France

hier, la Cour des comptes dresse une nouvelle fois un bilan inquiétant. Les objectifs de réduction du déficit public ne seront pas remplis. La dette, qui a atteint 93,4 % du PIB fin 2013,

pourrait se faire rappeler à l’ordre par Bruxelles. Le comptable de la République pointe la nécessité de faire des économies. En ligne de mire, les prestations sociales. PAGE 6


FRANCE AFFAIRES L’immunité parlementaire du sénateur devrait être levée aujourd’hui

Dassault prêt à se confronter à la justice

I

l prend les devants. Lundi 10 février, Serge Dassault a lui-même demandé la levée de son immunité parlementaire. Avec ce tournant stratégique, le sénateur de l’Essonne devance le bureau du Sénat qui, mercredi, devrait voter en faveur de cette décision devenue inéluctable. Le 8 janvier dernier, le propriétaire du Figaro y avait échappé de justesse grâce à deux voix de gauche manquant à l’appel. Mais après le tollé déclenché par ce scrutin à bulletin secret, la justice a obtenu le réexamen de la levée de son immunité parlementaire. Et le président du Sénat, Jean-Pierre Bel (PS), a cette fois imposé le vote à main levée : de quoi faire définitivement rentrer dans le rang les sénateurs rebelles. « Dons d’argent » L’industriel français fait l’objet d’une instruction judiciaire ou-

senter au scrutin de 2009 – invalidé à nouveau – puis à celui de 2010, largement remporté par le candidat UMP.

Serge Dassault, ex-maire de Corbeil-Essonnes (Crédit: AFP)

verte en mars 2013 pour achat de votes, corruption, blanchiment et abus de biens sociaux. Les magistrats lui reprochent d’avoir instauré un présumé « système » de corruption publique dans son fief de Corbeil-Essonnes, ville de la banlieue-sud de Paris. Maire depuis 1995, l’avionneur est devenu inéligible

à la suite de l’invalidation du scrutin municipal de mars 2008 par le Conseil d’Etat. Les sages l’accusent d’avoir effectué des « dons d’argent » qui auraient pu « altérer la sincérité du scrutin ». Autant de pratiques douteuses qui ont perduré sous Jean-Pierre Bechter, homme de paille de Serge Dassault appelé à se pré-

Une enveloppe Dans un témoignage paru mardi 11 février dans Le Monde, un supposé « rabatteur » de voix affirme avoir reçu de l’argent de Serge Dassault pour assurer l’élection puis la réélection de Jean-Pierre Bechter : « Un jour, une personne de la mairie m’appelle (…) Elle m’a tendu une enveloppe. J’ai ouvert, c’était comme dans un rêve. Il y avait des paquets de billets de 100€ et 200€, encore entourés du truc de la banque ». Bientôt privé de son immunité parlementaire, le sénateur de 88 ans devrait être placé en garde à vue par les magistrats du pôle financier de Paris. « Je suis prêt à affronter cette épreuve », a-til assuré lundi à l’AFP. o Romain Blanc

SOCIETE Le gouvernement rouvre l’épineux dossier de l’immigration

Matignon souhaite refonder l’intégration n C’est avec prudence que le

gouvernement relance le dossier de l’intégration. Deux jours après le référendum suisse introduisant des quotas d’immigration, Matignon sait que le sujet est ultra-sensible. Réunis à Matignon mardi 11 février la plupart des ministres sont restés discrets, laissant Jean-Marc Ayrault décrire la philosophie d’ensemble. Le gouvernement entend se référer au modèle d’intégration répu-

blicaine et refuse toute confusion avec le communautarisme. Il distingue clairement l’intégration des « primo-arrivants », en France depuis moins de cinq ans, de la lutte contre les discriminations dont sont victimes les étrangers installés de longue date et les descendants d’immigrés. Le premier volet restera sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et passera par une refonte du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) créé en

2003. L’idée est de le personnaliser davantage et de renforcer les cours de français. Le second volet dépendra de Matignon, avec la création d’un poste de délégué interministériel à l’intégration. 5,3 millions d’immigrés et 6,7 millions de descendants d’immigrés sont concernés. Réactions « C’est provocateur d’ouvrir aujourd’hui ce débat », a réagi le député UMP Eric Ciotti en

accusant le gouvernement de vouloir « faire monter le Front National » et « flatter le vote communautaire ». Dès lundi, la présidente du FN Marine Le Pen avait affirmé que le séminaire gouvernemental allait « créer la contestation, la division ». A gauche, le député socialiste Malek Boutih a vu dans la création d’un « haut commissariat à l’intégration », des relents de « Tintin au Congo ». o Evelyne Louzingou

SECURITE Les libertés fondamentales en débat

Géolocaliser pour mieux enquêter n Peut-on se délester d’un peu de liberté pour davantage de sécurité ? C’est la question que pose le projet de loi déposé par la ministre de la Justice Christiane Taubira et discuté mardi 11 février par les députés. Son but, permettre à la justice de s’appuyer sur les données laissées par des objets géolocalisables comme les téléphones portables. Mais le projet va plus loin. S’il est voté, il ouvrira la possibilité d’installer une balise sur un objet traçable comme un véhicule, et de le suivre durant une période renouvelable de deux semaines. 02 - EXpresso - MERCREDI 12 FEVRIER

Débattu en janvier au Sénat, le projet de loi avait subi un sérieux toilettage. La Chambre haute avait notamment ramené de 15 à 8 jours la durée maximale de la géolocalisation pour des cas d’infraction punis d’au moins cinq ans de prison au lieu de trois dans le projet initial. Mais retour à la case départ à l’Assemblée nationale. Les modifications effectuées par le Sénat n’ont pas été prises en compte.

Un Patrioct Act à la française

Cela n’a pas plu à la Commission nationale de l’informatique

et des libertés (Cnil). Dans un avis publié mardi, l’autorité se prononce pour le rétablissement des conditions négociées par le Sénat. Elle demande en outre que certaines professions exposées comme les journalistes ou les parlementaires ne soient pas affectées par ce texte. Le 21 janvier dernier, Pierre-Olivier Sur, le bâtonnier de Paris, qui représente les avocats de la capitale, soulignait « le danger de voir s’immiscer dans notre système juridique une sorte de Patriot Act à la française ». o Yoann Giammetta

Dans certains mobiles, une puce GPS permet de localiser son utilisateur (Crédit : itespresso.fr)


ENVIRONNEMENT ECOLOGIE La production de miel en baisse

Un insecte contre des géants

L

e chiffre est tombé mardi 11 février : 15 000 tonnes. La production annuelle de miel ne cesse de diminuer. En vingt ans, elle a été divisée par deux, alors que le nombre de ruches est resté le même, autour de 1,3 million. L’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF) tire la sonnette d’alarme une fois de plus. Depuis quinze ans, la baisse de la production de miel est liée à une surmortalité des abeilles, 2013 ne fait pas exception. Dans leur collimateur, principalement, les pesticides. « Je suis à 30% de taux de mortalité dans mon élevage. C’est un capital qui disparait. », s’offusque Jacques Freney. Apiculteur depuis cinquante ans, il a pu observer et surtout quantifier ses pertes grâce à un logiciel qu’il a développé. Avant les années 2000, il était à moins de 6%. Depuis le taux augmente. Chaque année, il perd un tiers de son cheptel : « Si c’était des bovins, on en aurait plus parlé. Les abeilles,

tout le monde s’en fout ». Ce taux, l’UNAF le recoupe avec ses 22 000 adhérents. Pour eux, aucun doute, cette hausse survient en parallèle de l’arrivée sur le marché de pesticides nocifs pour les insectes. Les pesticides responsables Dans la ligne de mire de l’UNAF, les insecticides néonicotinoïdes utilisés sur les cultures françaises : une famille de produits responsable de troubles du comportement chez l’abeille et de la mort des colonies, selon les professionnels. Preuve de leur nocivité, certains insecticides de cette famille sont déjà interdits d’utilisation. Mais d’autres sont toujours utilisés par les agriculteurs sur des champs de colza ou des zones fruitières particulièrement attirantes pour les abeilles. Olivier Belval, le président de l’UNAF est scandalisé par la lenteur des interdictions : « Ça fait longtemps que l’on sait que c’est dangereux pour nos abeilles », déplore-t-il. Les agricul-

La baisse de la production de miel est liée à une surmortalité des abeilles. (Crédit: hando.org/acupuncture)

teurs n’utilisent pas forcément des insecticides toxiques en connaissance de cause. C’est le second problème pour l’UNAF : la « mention abeille » que les agriculteurs suivent. Elle référence les produits pouvant être utilisés pendant la floraison, période où les abeilles sont très actives et exposées. Les produits classés sont supposés ne pas être nocifs. Sauf que l’on y retrouve un des produits qui a été prélevé par des chercheurs de l’INRA sur les colonies mortes de Jacques Freney. Les représentants des apiculteurs ont saisi l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) et alerté le ministère.

ENERGIE Des réacteurs EPR pour remplacer les centrales vétustes

L’Elysée maintient le statu quo nucléaire

n Comme promis, l’Etat devrait fermer les centrales nucléaires vieillissantes, en plus de celle de Fessenheim. Mais loin de renoncer au nucléaire, l’Elysée pourrait décider de les remplacer par des réacteurs EPR de troisième génération. L’information a été révélée par Le Monde avant même la présentation du projet de loi de transition énergétique. Engagement présidentiel Le candidat Hollande s’était engagé à réduire de 75% à 50% la part de l’énergie nucléaire dans la production électrique d’ici 2025. Si l’objectif est maintenu, le PDG d’EDF Henri Proglio, interrogé par Le Monde, estime que cette diminution ne se fera pas en fermant des centrales, mais par un effet mécanique, grâce à l’accroissement de la population française et à la hausse de la consommation d’électricité. Seul engagement de l’Elysée : la capacité de production nucléaire actuelle n’augmentera pas.

bon marché, ne les convaincront pas. Selon Le Monde, les centrales dont la prolongation audelà de quarante ans serait trop coûteuse devraient fermer leurs portes. Elles pourraient être remplacées par des réacteurs EPR. Pourtant, l’expérience de Flamanville est un semi-échec.

Le réacteur pressurisé européen (EPR) est un projet de réacteur nucléaire de 3ème génération (crédit: Framatome ANP) L’énergie nucléaire a beau être exempte d’émissions de CO2, les Verts, dont le ministre de l’écologie, Philippe Martin, s’oppose déjà à Arnaud Montebourg sur la question du gaz de schiste, devraient faire entendre leur opposition. Les arguments des industriels, qui défendent une énergie

Retard coûteux La construction de ce réacteur nouvelle génération, censée être achevée en 2012, accusera au moins quatre ans de retard, pour un budget près de trois fois plus élevé que prévu. De plus, le coût de maintien en service des centrales vieillissantes pourrait être revu à la hausse pour respecter les normes post-Fukushima, plus contraignantes. Une facture plus élevée qui remet en question l’efficacité économique du nucléaire. Et qui pourrait également coûter cher au gouvernement sur le plan politique. o Ania Nussbaum

De plus en plus d’apiculteurs Mais c’est un combat contre des géants : dès qu’ils perdent un procès, Bayer, Syngenta ou BASF, contre-attaquent. L’opinion cependant est de plus en plus sensibilisée : l’abeille est un pilier de l’écosystème et de la filière agricole. L’engouement pour le métier d’apiculteur ne faiblit pas : partout dans les villes, des ruches apparaissent comme au jardin du Luxembourg à Paris où une école d’apiculteur anticipe déjà les inscriptions pour l’année 2015 - 2016. Les professionnels ne manqueront pas pour défendre leurs protégées. o Flavian Charuel

en bref Fin de l’enquête sur le volet financier de Karachi n Après trois ans d’investigations, l’enquête « Karachi » sur le financement occulte de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995 a pris fin ce lundi. Une dizaine de protagonistes, dont plusieurs proches de M. Balladur, pourraient être renvoyés en correctionnelle.

Grenoble, ville accessible pour les handicapés n L’Association des paraly-

sés de France (APF) a publié le 11 février son baromètre 2013 où elle rend compte des villes les plus accessibles aux handicapés. Alors que Grenoble, Nantes et Caen en tête du classement font figures d’exemples, les villes de Marseille, Rouen et Digne-lesBains sont pointées du doigt pour leur manque d’investissement dans le domaine.

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international VATICAN Il y a un an Benoît XVI laissait sa place à un pape moins conservateur

François ne bouscule pas l’Eglise

C

’était il y a un an. Le 11 février 2013, le pape Benoît XVI renonçait à sa fonction. Une décision mûrement réfléchie, et une première depuis Grégoire XII, dont la renonciation date du XIIIe siècle. Le 13 mars, son remplaçant Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires était élu pape, sous le nom de François. Depuis, le nouveau souverain pontife a affirmé son style. Et ça marche. Sacré personnalité de l’année par le Times en 2013, puis en une du magazine Rolling Stones, le pape François a su séduire les fidèles comme les non-croyants. Un discours nouveau Dès le début de son mandat, il affiche sa « normalité » en refusant de porter les fameux souliers rouges et opte pour une tenue plus sobre. Il a également exclu de loger dans le somptueux palais épiscopal, lui préférant la modeste résidence Sainte-Marthe. Le nouveau pape a bien compris l’importance de la communication et des gestes symboliques. En lavant les pieds de jeunes détenus musulmans, en embrassant les handicapés, en affirmant qu’il ne peut juger les homosexuels, il a su toucher le grand public. Mieux, le souverain pontife a entrepris de réformer l’Eglise en s’entourant d’un conseil de huit cardinaux pour ne pas s’isoler. Après les scandales du précédent pontificat, de nombreux membres de l’institution ont été remplacés par des personnalités jugées irré-

Le pape François acclamé par la foule à Rio en juillet 2013 (Crédit : Gabriel Bouys/AFP) prochables. François se fait entendre au-delà du Vatican : son discours contre une intervention étrangère en Syrie a marqué un retour du Saint-Siège sur la scène internationale. L’Eglise n’est pas bousculée Si une évolution s’est bien fait sentir, la révolution n’est pas pour demain. La position de l’Eglise sur l’avortement, la contraception, l’euthanasie ou l’homosexualité n’a pas changé. Le ton s’est juste un peu adouci. Ainsi, l’Eglise continue à condamner l’avortement, mais se refuse à juger les femmes

qui le pratiquent. La continuité est donc assurée sur le fond. A propos de l’économie, le pape François n’a pas non plus créé de césure avec l’ère Ratzinger. Il a critiqué une « économie

sans visage », reprenant ainsi la doctrine de l’Eglise, qui prône simplicité et pauvreté. Le style du nouveau pape s’illustre donc plus sur la forme que sur le fond. o Marine Haag

Nouvelle vie pour l’ancien pape Il avait promis qu’il ne s’immiscerait pas dans les affaires de son successeur. A 87 ans, Benoît XVI vit retiré dans l’ancien monastère Mater Ecclesiae sur la colline du Vatican. Sa vie quotidienne est faite « de prière, de réflexion, de lecture », selon Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. L’ancien pape reçoit régulièrement ses proches et répond au courrier qu’il reçoit. Un peu de répit après huit ans de pontificat impopulaire et tourmenté, marqué par les scandales.

EUROPE Une légitimité démocratique pour le président de la Commission

Le Parlement européen un peu plus fort n La commission des affaires

constitutionnelles du Parlement européen se prononçait mardi 11 février sur les modalités d’élection de celui qui remplacera José Manuel Barroso. En jeu : la légitimité démocratique du chef de l’exécutif européen qui sera élu cette année. Le Parlement « compte » Si les dirigeants européens gardent en partie la main sur sa désignation, ils devront désormais « prendre en compte » les résultats des élections au Parlement européen. Le prochain

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président de la Commission devrait ainsi être issu du parti majoritaire au Parlement. Jusqu’à présent, il était désigné par les dirigeants européens sans prendre en compte la couleur politique du Parlement. Et par extension, le vote populaire. Si les citoyens sont représentés par le Parlement européen, ils sont totalement détachés de la Commission, qui a pourtant un pouvoir croissant au sein des institutions. Alors que le rejet de l’Europe grandit, ce renforcement du pouvoir du Parlement européen vise à lutter contre le populisme.

C’est le traité de Lisbonne qui en 2007 a introduit un lien direct entre la composition du Parlement européen et le président de la Commission. Les élus doivent maintenant préciser l’influence du suffrage universel dans le processus de désignation du président. L’influence parlementaire Depuis 2004 José Manuel Barroso est président de la Commission et les chefs d’Etat européens l’ont reconduit dans ses fonctions en septembre 2009, juste avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

C’est la raison pour laquelle le traité sera appliqué pour la première fois en 2014. Désormais, lorsque les citoyens voteront pour leurs eurodéputés, ils choisiront indirectement le président de la Commission. Cette modification pourrait augmenter l’intérêt des électeurs pour le scrutin de mai, alors qu’en 2009 il avait été marqué par un fort taux d’abstention. En France, ce taux s’est élevé à presque 60%, dans un contexte de montée des populismes et de l’euroscepticisme. o Claire de Roux


international SYRIE Les ressources du pays aiguisent les appétits

Guerre du pétrole chez les salafistes

A

plusieurs milliers de kilomètres de la Suisse, où se tient la conférence pour le règlement du conflit syrien, les combattants salafistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) quittent la province du Deir Ezzor, dans l’est de la Syrie. Après d’âpres combats, ils se replient sur leurs positions du nord, proches de la frontière turque, en laissant derrière eux plusieurs champs de pétrole. Une étape nouvelle est franchie dans le conflit qui oppose depuis plus d’un mois les rebelles de l’EIIL aux autres milices islamistes dominées par le Front al Nosra, la branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie, au cours duquel près de 2 300 insurgés sont tombés. Comment expliquer cette guerre fratricide ? « Le comportement de l’EIIL devenait insupportable pour la plupart des groupes armés », analyse Thomas Pierret, professeur à l’université d’Edimbourg. C’est que le groupe tentait de « prendre le contrôle des zones frontalières, coupant de ce fait les réseaux logistiques des rebelles ». Une tentative de domination très peu appréciée par le reste des rebelles, notamment par le Front al Nosra qui contrôle depuis le mois de

Les raffineries de la province de Hasaka échappent au gouvernement (Crédit : Jeff Neumann) décembre 2013 les immenses puits pétroliers d’Al-Omar et de Shadadi, dans l’est du pays. Le nerf du conflit Cette lutte pour le contrôle du pétrole est d’autant plus rude que les deux formations extrémistes divergent profondément quant aux buts de guerre. Né au lendemain du renversement de Saddam Hussein par les Américains, l’EIIL, essentiellement composé de djihadistes étrangers, rêve d’un califat s’éten-

dant du Liban à l’Irak. Le Front al Nosra, lui, se bat pour un Etat syrien fondé sur la Charia. Avec cette victoire, la branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie assure son contrôle sur les champs de pétrole les plus importants du pays. De quoi financer sa lutte contre Bacharel-Assad. A moins que dorénavant, les véritables ennemis des rebelles syriens ne soient les autres rebelles. « En théorie, les rebelles sunnites, majoritaires dans l’opposition, veulent la

MOYEN-ORIENT Au Yémen, le dialogue national reste fragile

La difficile construction d’un Etat fédéral n Avec 70 millions d’armes

pour 25 millions d’habitants, le Yémen est un pays complexe. Les négociations sur la création d’un Etat fédéral ont échoué mardi 10 février. Après le départ du président Saleh en février 2012, un plan de transition politique a été mis en place sous l’égide de l’ONU et des pétromonarchies du Golfe. Et un dialogue national s’est ouvert. Nordistes et Sudistes ont rejeté le découpage en six provinces qui devait servir de socle à la future Constitution, soumise au peuple sous un délai d’un an. Une fracture plus complexe « C’est une diplomatie empreinte de pratiques tribales. On coupe court aux négociations pour se donner du temps », explique Marie-Elise Châtelain, spécialiste des relations

entre le monde anglophone et l’Orient à l’Université de Marne-la-Vallée. « Mais le fait même que le dialogue soit ouvert est de bon augure », confie-t-elle à Expresso. Dans ce pays de la Péninsule arabique, la fracture Nord/Sud qui existait à l’heure de l’unification en 1990 s’est largement complexifiée. Au Sud, les marxistes sont devenus socialistes réformistes, et bénéficient du soutien discret de l’Arabie Saoudite. Au Nord, les rebelles chiites d’Ansarullah sont divisés. Certains veulent mettre en place un califat islamique. D’autres, au sein de la représentation envoyée à Sanaa sont plus modernes. La guerilla Ansarullah est soutenue par l’Iran, qui entrevoit une chance inespérée de consolider l’arc chiite dans la région.

Les différentes factions ont réussi à mettre leurs divergences de côté pendant la révolution de 2011. Saleh, qui symbolisait le contrôle des richesses pétrolières par le Nord, était le « plus petit dénominateur commun » de la contestation. Le président Hadi, homme de consensus, a hérité d’un mandat d’un an jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Celles-ci seront reportées, tant que le dialogue national n’aura pas abouti. Marie-Elise Châtelain se veut pourtant optimiste sur la question, d’autant qu’elle constate « un relatif pluralisme » depuis le début du dialogue. « L’Etat fédéral est la seule solution », assure-t-elle, avant de se féliciter du fait que « les Yéménites semblent vouloir régler leurs problèmes sans ingérence ». o Robin Braquet

démocratie et/ou l’islam. En pratique, il ne s’agit que de petits capitalistes mal dégrossis s’arrachant, morceau par morceau, la vieille économie étatique et la remplaçant par une mosaïque de fiefs », raconte dans Slate Malik Al-Abdeh, un journaliste indépendant ayant réalisé plusieurs reportages sur la guerre syrienne. Plus le conflit se prolonge, plus la Syrie s’engage sur la voie de la balkanisation. o Simon Fontvieille

En bref Nécogiations pour le Sud-Soudan n Le deuxième cycle de négo-

ciations entre belligérants du conflit au Soudan du Sud s’est ouvert mardi à Addis Abeba. Il vise à trouver un accord politique pour mettre fin à la crise qui dure depuis mi-décembre. Le pays est en proie à un conflit inter-éthnique entre les partisans du président Salva Kiir et ceux de l’ancien viceprésident Riek Machar.

Crash aérien en Algérie n Un avion militaire s’est

écrasé mardi dans l’est de l’Algérie faisant 103 morts : 99 passagers et quatre membres d’équipage. Le crash est dû aux « mauvaises conditions météorologiques », a précisé la radio algérienne. « Il n’y a aucun survivant », a déclaré une source de sécurité qui a requis l’anonymat.

Mercredi 12 fevrier- Expresso - 05


ECO/CONSO BUDGET Le rapport annuel préconise un abaissement des prestations sociales

La Cour des comptes s’inquiète

U

ne fois de plus, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme. Elle juge inquiétant le niveau d’endettement du pays (93,4% de la richesse nationale fin 2013). Dans son bilan annuel, publié mardi 11 février, elle souligne les efforts « considérables » faits par le gouvernement au cours des derniers mois, mais émet des réserves sur les prévisions de réduction du déficit public. Le ramener à 4,1% du PIB en 2013 et à 3,6% pour l’année 2014 paraît difficile selon la Cour. Didier Migaud, son Premier président, estime que le gouvernement fait preuve d’un « excès d’optimisme ». Pour l’année 2013, le gouvernement avait tablé sur une croissance de 0,8%. La reprise s’avère plus laborieuse que prévue. Le PIB a seulement augmenté de 0,2% selon l’INSEE. Accélérer les réformes Le risque est de voir la France distancée par ses voisins européens si elle prend un « retard supplémentaire dans la consolidation des comptes », explique Didier Migaud. En ligne de mire, l’Espagne et l’Italie qui pourraient se relever plus rapidement de leur cure d’austérité. En d’autres termes, la France est sur la bonne voie mais il faut accélérer les réformes, si elle ne veut pas devenir le mauvais élève de l’Europe. Soulignant que le niveau des dépenses publiques reste encore trop élevé, la cour demande au gouvernement d’agir plus résolument sur les

La Cour des comptes encourage l’Etat à réduire ses dépenses.

prestations sociales de l’Etat et les dépenses des collectivités territoriales. En matière de santé publique, l’institution recommande de développer les médicaments génériques ainsi que le recours à la chirurgie ambulatoire qui permet d’opérer les patients en journée sans les garder à l’hôpital. Elle insiste aussi

sur le surcoût des transports sanitaires. Toutes ces mesures pourraient dégager une économie de 5 milliards d’euros. Prestations sociales et décentralisation Alors qu’aucun gouvernement n’a osé jusqu’à présent s’attaquer aux niveaux des prestations sociales (chômage, allo-

La Cour satisfaite de la gestion des amendes Une nouvelle assez rare pour être soulignée. La Cour des comptes s’est félicitée de l’augmentation du nombre de verbalisations. En effet, les Sages de la rue Cambon ont estimé qu’il y avait eu une meilleure gestion des contraventions et amendes, grâce à l’automatisation des radars et des PV. Au total, les amendes ont rapporté 1,66 milliard d’euros en 2013, dont 647 millions d’euros issus des radars.

cations familiales et logement, etc.), la Cour des comptes recommande de les désindexer de l’inflation. Chaque année, celles-ci sont revalorisées selon l’évolution des prix. Un système qui coûte plusieurs milliards. Au moment où le gouvernement prépare une nouvelle loi de décentralisation, la Cour l’invite à clarifier le rôle et les missions des collectivités territoriales afin d’éviter les doublons. En jeu notamment, la limitation du nombre des régions et la suppression des départements au profit des métropoles. o Angèle Guicharnaud avec Alexis Guilleux et Déborah Coeffier

Les avantages dans le viseur de la Cour Dans sa chasse aux dépenses superflues, la Cour des comptes a choisi ses cibles : les avantages et les taxes contreproductives. n Les voyages gratuits pour les

agents SNCF Quand la SNCF parle de « facilité de circulation », la Cour des comptes comprend un système d’avantages en nature trop étendu. Les salariés de la SNCF et leur entourage bénéficient de la gratuité ou de très fortes réductions sur le prix des billets de 06 - EXPRESSO - MERCREDI 12 FÉVRIER

trains. Les bénéficiaires : agents de la SNCF, leur conjoint, leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs parents, leurs grands parents et les cheminots retraités. Soit 1,1 million de personnes. Coût estimé : de 50 à plus de 100 millions d’euros n Les taxes qui coûtent plus

cher qu’elles ne rapportent Tous les ans, la Cour en déniche de nouvelles. Les montants récoltés ne suffisent pas à compenser les frais engagés par l’Etat pour leur recouvrement.

Parmi celles-ci, la taxe sur les flippers et autres jeux électroniques. Autre exemple, la taxe intérieure de consommation du gaz naturel (TICGN) qui était acquittée en 2012 par seulement 79 redevables alors qu’elle mobilise 31 directions régionales pour son recouvrement. n La caisse de retraite des

professions libérales La Cour des comptes épingle la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), la plus impor-

tante des dix caisses de retraite des professions libérales. Plus que le coût, c’est « la gestion désordonnée » et son « service déplorable aux assurés » que fustige la Cour des comptes. Sur les 540 000 affiliés, 22 000 sont également enregistrés au régime social des indépendants (RSI) en tant qu’artisan ou commerçant. 5 000 actifs sont inscrits deux fois. Les bénéficiaires : 300 professions libérales très diverses comme les architectes, les moniteurs de ski ou encore certains auto-entrepreneurs.


ECO/CONSO REPORTAGE La fiscalité n’effraie pas les start-up 2.0

Les entrepreneurs du numérique remercient le système social français

U

n homme sort en trombe du bâtiment. Sur sa tête des Google Glass, ces célèbres lunettes connectées. Sortir avec, c’ est la garantie de passer pour un illuminé, un farfelu. Sauf au Numa, l’espace pour les professionnels du numérique dirigé par l’association Silicon Sentier. Le Numa, c’est une fourmilière, l’un des points chauds du numérique français. Si quelques entrepreneurs français seulement ont été triés sur le volet pour accompagner François Hollande à San Francisco mercredi 12 février et rencontrer les géants de la Silicon Valley, l’ambiance qui règne dans l’espace de travail du 2ème arrondissement de Paris n’a rien à envier à un incubateur de Palo Alto. La visite du président ne suscite pas d’attentes démesurées chez les jeunes entrepreneurs interrogés, mais de l’optimisme tout de même. « Je trouve ça bien, il a décidé d’aller s’inspirer pour proposer des choses nouvelles en France », s’enthousiasme

Des entrepreneurs de tous horizons se côtoient au Numa. Malo Richard, 24 ans, hoody bleu foncé, qui travaille sur Mobchill.com. La France, pays propice au développement du numérique Hugo Le Squeren, le boss de 26 ans du service de réservation en ligne Resae.com, espère aussi que le président reviendra marqué par le rêve américain: « il faut une évolution des mentalités, motiver les gens à l’entreprenariat ». Point de

COMMERCE Accord transatlantique

Hollande en émissaire commercial de l’UE n En visite à Washington, Fran-

çois Hollande prépare le terrain, avec Barack Obama, en vue des futures négociations de l’accord transatlantique qui prévoit la création d’une vaste zone de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis. Malgré la relance des discussions, deux désaccords majeurs subsistent. Le sujet le plus épineux est sans doute celui des normes alimentaires. Alors que les OGM et le boeuf aux hormones sont autorisés aux Etats-Unis, ils ne sont pas tolérés dans l’Union Européenne. Un combat qui tient particulièrement à coeur à la France. A l’inverse, les exigences en matière d’hygiène sont plus élevées outre-Atlantique. « Aux Etats-Unis, quel que soit le mode de production, les carcasses sont trempées dans un bain de chlore » critique Xavier Beulin, président de la FNSEA (premier syndicat agricole). De même, certains produits lai-

pessimisme dans leurs discours. Certes, Gwendall Esnault de Falcon.io regrette que chez les Français, la prise de risque ne soit pas « naturelle ». Il trouve aussi que la France « n’est pas le pays le plus soft en matière de fiscalité », et déplore que les gros investisseurs américains soient « difficiles à décrocher ». Il soupire en se remémorant l’opposition d’Arnaud Montebourg au rachat de Dailymotion par Yahoo! Mais ces critiques

n’ont rien à voir avec les discours alarmistes des geonpis, ces petits patrons qui dénonçaient une fiscalité française sclérosante. Elles sont loin de la supplique de cet entrepreneur expatrié priant le président de ne pas venir à San Francisco, en dénonçant une « France soviétique », et un pays dont l’Internet « est inspiré des années 20 ». Pour Malo, le système français ne pose pas de freins à la création d’une entreprise. Au contraire, la France est un endroit ou les start-ups du numérique peuvent s’épanouir. « 90% des entrepreneurs français remercient le chômage » s’amuse-t-il en expliquant que la durée des aides sociales permettent à beaucoup de se lancer sans forcément être rentables tout de suite. Un schéma récurrent dans l’écosystème d’Internet. La fiscalité ne le gêne pas. « Dès lors qu’il y a des bénéfices ça fait partie du jeu » ditil . Même sentence chez Hugo: « J’ai hâte que ma boite paie des impôts. Pour moi, c’est un problème de riche. » o Florian Reynaud

EN BREF Gattaz n'aime pas les contreparties n Invité dans la délégation qui

tiers ne passent pas la frontière américaine. En juillet 2013, les autorités sanitaires ont interdit l’importation de la mimolette française considérée comme « un fromage dégoûtant ». Un accès aux marchés publics toujours limité Le second sujet de désaccord porte sur les marchés publics. Alors qu’en 2012, 57% des investissements étrangers dans le monde s’effectuaient entre les deux continents, l’accès aux marchés publics américains est encore limité pour les entreprises européennes. La France réclame la réciprocité ce qui obligerait les Etats-Unis à revenir sur leur loi protectionniste de 1933 « Acheter Americain ». La visite de Barack Obama à Bruxelles le 26 mars prochain devrait donner un nouvel élan aux négociations. o Alexis Guilleux

accompagne François Hollande pour son voyage aux Etats-Unis, Pierre Gattaz a déclaré à quelques journalistes ce qu’il pensait du “pacte de responsabilité”. Le président du Medef s’est énervé : « Quand j’entends parler de contrepartie dans ce pacte, j’entends aussi des gens qui me disent : ‘on va vous contraindre, on va vous obliger, on va vous mettre des pénalités, si vous ne le faites pas vous allez être punis...’ Il faut arrêter ce discours qui est insupportable ».

10 à 12 000 emplois supprimés chez Barclays

L’Oréal rachète 8% de ses parts à Nestlé

La banque britannique Barclays compte supprimer, cette année, de 10 000 à 12 000 emplois dont 7 000 en Grande-Bretagne. Le groupe embauche actuellement 139 000 personnes. La nouvelle supression d'emplois intervient au moment où la banque a annoncé qu'elle allait augmenter le montant des bonus de ses banquiers de près de 10%.

n Le leader mondial des cos-

n

métiques L'Oréal a annoncé mardi l'acquisition de 8% de son capital détenus par son partenaire Nestlé. Ce projet d'"opération stratégique" a été approuvé à l'unanimité par les conseils d'administration des deux groupes. Les actions ainsi rachetées feront passer la participation de la famille fondatrice, les Bettencourt, de 30,6% à 33,1%.

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CULTURE RENCONTRE Les « hommes de l’ombre » parlent de leur métier

Les poids-plumes de la politique

I

ls sont jeunes, normaliens, et ont en commun de fréquenter assidûment les cabinets ministériels. Matthieu et Lucas ont la trentaine et sont « plumes de ministre ». L’un a travaillé pendant un an avec le maire de Paris, Bertrand Delanoë, avant de devenir conseiller et plume de la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq. L’autre a écrit des discours pour Fleur Pellerin, la ministre chargée de l’économie numérique, tout en étant chargé de TD en lettres modernes à la Sorbonne. Matthieu, philosophe de formation, a mis son métier d’enseignant entre parenthèses pour se consacrer à plein temps à sa nouvelle mission : « Avec Nicole Bricq, je voyage beaucoup. Je n’ai plus le temps de donner des cours de philo ». Un travail à plein temps

Membres tous deux à l’ENS de la section « Jean-Jaurès » du Parti socialiste, leurs trajectoires s’annoncent pourtant divergentes. Si Matthieu ne cache pas ses ambitions politiques, Lucas, lui, avoue avoir monnayé sa plume pour compléter ses revenus : « Ce travail était intéressant, mais il me permettait surtout de doubler mon salaire à la fac. » Il gagnait mille euros par mois, au

d’avoir beaucoup appris, cette expérience l’a toutefois définitivement détourné du monde politique : « Les ministres ne sont pas toujours responsables des reproches qu’on leur fait. Ils n’ont le temps de rien. Tout est géré par leurs conseillers, qui ne sont pas toujours à la hauteur de leur fonction. » Les ministres n’écrivent presque jamais leurs discours, et ont souvent à peine le temps de les relire... Les rois du formatage

« Les normaliens sont très prisés pour écrire les discours de ministres » selon Lucas, plume de Fleur Pellerin (crédit: Flickr) )

prix de quelques heures de sommeil et de vacances avortées : « On doit pouvoir écrire n’importe quand ; lors de mes dernières vacances au Royaume-Uni j’ai passé une semaine à écrire pour Fleur. » Son recrutement, il le doit aux recommandations d’un de ses anciens camarades de l’Ecole Normale Supérieure, conseiller à l’Elysée : « Les nor-

maliens sont très prisés pour écrire les discours. On a la réputation d’avoir une bonne culture, et d’être sérieux. » Avant d’accepter ce poste, il avoue qu’il ne connaissait rien à l’économie numérique : « Je me suis formé pendant un an en lisant tout sur le sujet. Heureusement que je ne suis pas technophobe ! ». S’il se félicite

Lorsque Fleur Pellerin a publié un texte dans « Vanity Fair », c’est Lucas qui l’a rédigé, dans l’ombre : « Je voulais employer un style adapté au magazine. Léger, dynamique. Les conseillers en communication m’ont dit que c’était « trop audacieux » et qu’il fallait le retravailler. Ce sont les rois du formatage. » Matthieu a fait le même constat auprès de Bertrand Delanoë : « La parole politique devient beaucoup plus prudente avec Internet. Les communicants ont toujours plus de pouvoir. ». Frustrés de se faire « déplumer » par les conseillers, les deux hommes rêvent de s’envoler vers d’autres cieux : Lucas souhaite écrire sur Malraux, et Matthieu un ouvrage sur Sade. Bien loin du petit théâtre de la politique. o Lilia Hassaine

LITTERATURE 23 points de vente fermés

MUSIQUE Le réalisateur français de retour

n Une page se tourne. Le tribu-

n Soyez sympa rembobinez.

Les librairies en difficulté nal de commerce de Paris a prononcé lundi la fermeture de 23 librairies Chapitre sur les 57 que compte le réseau. Les 34 autres seront sauvées. Certaines par des maisons d’édition comme Albin Michel, d’autres par des repreneurs indépendants. Si la direction se félicite d’avoir pu sauver 750 emplois, la CGT a appelé à occuper les librairies non reprises. Le syndicat majoritaire réclame des « garanties d'indemnités décentes » pour les salariés. Au-delà des coûts sociaux se pose la question de l’avenir des librairies. Le groupe Chapitre faisait partie du groupe Actissia, numéro 2 de la distribution du livre en France. Difficile mutation

Ses difficultés économiques, après la faillite de Virgin Megastor, symbolisent la difficile mutation de tout un secteur. Depuis 08 - EXPRESSO - MERCREDI 12 FEVRIER

quelques années, l’essor des liseuses et du e-book a bousculé les habitudes de lecture et de consommation. Loi anti-Amazon

Le cabinet Xerfi vient de publier un rapport annonçant le repli progressif du livre papier au profit du numérique, dont le taux de croissance annuel est estimé à 20% d’ici à 2017. Le grand gagnant de cette évolution est Amazon. Face à cette nouvelle donne, les libraires comptent sur l’examen, le 20 février, d’un texte de loi qui doit interdire au géant américain de cumuler la gratuité des frais de port avec la remise de 5% sur le prix du livre. Même si les librairies indépendantes « tiennent bon », selon le Syndicat de la librairie française, Xerfi pose la question : « Amazon, bientôt premier libraire de France ? ». o P.M.

Metronomy aime Gondry Avec Metronomy, Michel Gondry revient à ses premières amours. Les Anglais du groupe pop phare ont choisi la patte du réalisateur français pour le clip de « Love Letters », deuxième extrait d’un album prévu pour le 10 mars. Avant de se lancer dans le cinéma, le Versaillais s’est fait connaître en signant des clips pour Björk, Daft Punk, les Chemical Brothers ou encore les Rolling Stones. Pour cette nouvelle réalisation de trois minutes, l’auteur de « Be kind rewind » et de « La science des rêves » applique la recette qui a fait son succès, entre onirisme et recyclage. Un décor de carton pâte qui rappelle l’univers de son dernier film, « L’écume des jours », sorti en 2013. Insatiable Michel Gondry qui, non content de faire partie du jury du 64ème Festival de Berlin, dévoilera

Le dernier clip coloré de Michel Gondry (crédit: Video Static)

prochainement un documentaire sur le philosophe américain Noam Chomsky et projette d’ouvrir une « Usine des Films Amateurs » dans une ancienne fabrique d’allumettes à Aubervilliers. Tout feu tout flamme, Michel Gondry. o Pierre Mérin


SPORTS SOTCHI Les biathlètes français écrasent leurs concurrents

Le Biathlon, un succès made in France

«A

chaque JO d’hiver, les patrons des équipes nationales de biathlon posent cette même question : « Mais comment font les Français ? ». L’anecdote est signée Christian Dumont, ancien directeur technique des équipes de France. Avec seulement 500 licenciés, la France pulvérise en effet à chaque fois tous les records. Des performances qui ont de quoi agacer les Norvégiens, les Russes mais surtout les Allemands pour qui le biathlon est une tradition. Avec ses onze podiums en 2002 et ses onze autres en 2010, les tricolores comptent bien battre leur record de médailles lors des Jeux de Sotchi. Martin Fourcade et Jean-Guillaume Béatrix ont d’ailleurs ouvert le bal lundi en remportant l’or et le bronze dans la poursuite. Machine de guerre

Le premier n’est d’ailleurs personne d’autre que le quintuple champion du monde en titre à seulement 25 ans...Un succès « made in France ». Si jusqu’en 1978, l’hexagone n’affichait aucune médaille, l’équipe de biathlon française est aujourd’hui devenue une machine de guerre. Le

Martin Fourcade, sacré champion olympique de biathlon dans la poursuite, lundi 10 février (Crédit: libre de droit)

début de l’âge d’or a commencé avec Patrice Bailly-Salins, qui a été, en 1994, le premier Français à remporter le titre de champion du monde. D’autres lui ont emboîté le pas : Emmanuelle Claret, médaillée une vingtaine de fois, Corine Niogret, médaillée une quarantaine de fois, ou encore, Raphaël Poirée, roi du biathlon, avec sa centaine de médailles dont 44 dorées. Stefan l’Hermitte, journaliste à l’Equipe, a couvert le biathlon dans les années 1990. Il estime que, paradoxalement, la taille

FOOTBALL Sondage pessimiste pour la France

Les Bleus n’ont plus la cote n L’effervescence de l’exploit

face à l’Ukraine au stade de France en novembre dernier serait-elle déjà retombée ? D’après un sondage TNSSofres pour l'Observatoire des loisirs PMU, publié ce mardi à quatre mois du coup d'envoi de la Coupe du monde de football, seulement 3% des Français imaginent les Bleus champion du monde au Brésil. Selon ce sondage réalisé sur internet du 16 au 20 janvier 2014 auprès d'un échantillon national représentatif de 1.044 personnes, 63% des Français assurent qu’ils suivront le parcours de l’équipe de France. Des résultats en demi-teinte

Pour une fois, les Français sont sans doute lucides sur les chances d’une équipe de France qui enchaine les compétitions ratées. Depuis 2006 et une finale de coupe du monde restée dans les mémoires, les

résultats sont éloquents. Elimination dès le premier tour à l’euro 2008. Résultat similaire en Afrique de Sud pour la coupe du monde 2010, le bus en plus. Une seule victoire à l’Euro 2012, contre l’Ukraine. Les Bleus sont actuellement en vingtième position du classement FIFA, loin derrière le Brésil ou l’Allemagne, deux des favoris du Mondial à venir. Knysna, point de fracture

Malgré la belle performance de Saint-Denis à l’automne dernier contre l’Ukraine, l’équipe ne fait pas toujours rêver ses supporters. Le sempiternel « épisode Knysna » revient dans les têtes. Un point de fracture que seul des victoires pourraient faire oublier. Avec un groupe composé de la Suisse, de l’Équateur et du Honduras, il reste à espérer que les Bleus arrivent à sortir des poules. o Matthieu Bidan

de l’équipe explique en partie le succès français. « Leur force, c’est leur côté petit village face aux géants russes, allemands ou norvégiens ». Un budget pourtant restreint

Cette recette magique semble d’ailleurs s’appliquer à Martin Fourcade, qui aurait eu « beaucoup moins de pression nationale derrière lui » que les athlètes des autres équipes. Les performances françaises ne semblent pas dépendre des moyens mis à disposition. Pour

préparer les JO d’hiver de Vancouver en 2010, le biathlon ne disposait que d’un budget de 780 000 euros. Pourtant, « il faut beaucoup d’argent pour être en pointe technologiquement dans cette discipline » témoigne Fabrice Guy, spécialiste du biathlon. Malgré cette faible dotation, les Français ont ramené six médailles du Canada. À titre de comparaison, le ski alpin, qui avait bénéficié de quatre millions d’euros, était revenu bredouille. o Maxime Lebufnoir

EN BREF Canal Plus retire un sujet sur les Ultras ?

JO : Pas de half-pipe pour les Français

n En marge du choc Mona-

co-Paris-Saint-Germain dimanche, une centaine de fans parisiens a été interdit d’entrée au stade Louis II. Des caméras de Canal + ont filmé la scène. J+1, une des émissions foot de la chaine cryptée a même annoncé la séquence dans un tweet « Nous étions avec les supporters du PSG interdits d’entrer à Louis II hier. A ne pas rater. » Le soir venu, patatra, le sujet ne passe pas. « Ils ont sûrement reçu un appel du club sinon je ne vois pas d’explications », déplore l’avocat des Ultras Pierre Barthélémy dans Expresso. Devant les nombreuses critiques, Canal + a réagi via un tweet. « Nous sommes responsables de nos sujets, et maîtres de nos plannings de diffusion. Bonne journée à tous. ».

n Johann Baisamy et Arthur

Longo ne disputeront pas la finale du halfpipe, où l’Américain Shaun White, déjà sacré à Turin et Vancouver, sera l’immense favori. Les deux Français n’ont pu franchir le cap de la demi-finale, seulement 9e et 11e à l’issue de deux runs où ils ont chuté. Longo était dépité : « Je suis passé à côté. Ces dix-huit mois passés à travailler avec l’équipe ont pourtant été une expérience très enrichissante » a déclaré le sportif français.

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EXPRESSO

12 02 2014

# 06

PORTRAIT Etienne de Montéty, journaliste et Prix des Deux Magots

Le pari littéraire

E

tienne de Montéty vit pour les mots, et il prend son temps pour les choisir. Méditatif, il soigne ses phrases, sans calcul. Ce grand bonhomme un peu voûté dirige le Figaro Littéraire depuis 2006. Chaque jour, il écrit « Encore un mot », un billet où il s’amuse d’un mot clé de l’actualité dans les colonnes du quotidien. Cet hiver, le Paris littéraire lui a décerné le Prix des Deux Magots pour son roman, La Route du Salut. Eric Neuhoff, Anthony Palou ou Olivier Frébourg, la brasserie choisit volontiers son lauréat parmi les plumes du Figaro.

et qu’il observe avec lucidité. « Le Paris littéraire est un monde monocolore fait de coteries. Mais ce n’est pas un univers unifié, il se compose de centaines de chapelles littéraires représentées par les journaux, les maisons d’éditions et les académies ». La littérature connaît ses rapports de force, elle fait vivre les contraires pour en tirer ses fruits. Il avoue que s’il n’avait pas été directeur du Figaro littéraire, il n’aurait pas pu recevoir cette distinction.

Un visage derrière des pages

Son billet quotidien, ses papiers pour le Littéraire du jeudi et les romans. « Le journalisme, c’est la vie, le court terme excitant et frustrant. Le roman représente le long terme reposant mais aussi endormant ». Etienne de Montéty compare la littérature à une « nappe phréatique qu’on a en soi. En écrivant, on perce un tuyau. C’est fragilisant d’écrire. » Pour

Encore un mot

Etienne de Montéty, regard pensif, cherche les jours de sa vie où il n’a pas lu. Et aujourd’hui, il

n’est pas un jour où il n’écrit.

« Etre journaliste littéraire, c’est rencontrer l’homme qui se cache derrière un livre ». Etienne de

Montéty n’a jamais eu la télé

dans son salon. Très tôt, il se passionne pour la littérature et la critique, incarnée par un vieil oncle fondateur des Cahiers du Sud et copain de Pagnol. « Chez lui, Pagnol semblait encore vivant », sourit-il. Le journalisme littéraire est pour lui le meilleur moyen de mettre un visage derrière ces pages qu’on tourne. « Le milieu des écrivains, des éditeurs, je le découvrais de l’extérieur et peu à peu, il devenait vivant ». Les premiers livres qu’il écrit sur les écrivains Kléber Haedens et Thierry Maulnier le plongent dans le monde des lettres et de la presse des années soixante. Un monde auquel il appartient aujourd’hui,

La Route du Salut, il a écrit tous les jours pendant quatre ans,

Etienne de Montéty : « Le Paris littéraire est un monde monocolore fait de coteries ». (Crédit: Alexandre Isard)

EXPRESSO CLIN D’OEIL

Une grenade sème la pagaille à Nogent-sur-Marne

Fin de partie pour le dumb Starbucks

n L’enfer est pavé de bonnes intentions. Mardi

n Le Dumb Starbucks Coffe

11 février, c’est muni d’une grenade qu’un habitant de la ville a rendu visite aux gardiens de la paix de Nogent-sur-Marne. Après avoir trouvé l’arme en vidant le logement de sa soeur, l’homme a eu la fausse bonne idée de se présenter au commissariat pour y déposer le projectile. Le lieu a été immédiatement évacué, un périmètre de sécurité établi, une ligne de bus déviée. Les démineurs ont fini par constater que la grenade était inerte. L’homme le savait, c’est pourquoi il l’a rapporté à la police au lieu de la jeter à la poubelle. Le commissaire adjoint a profité de l’occasion pour passer un message : « Si vous trouvez un objet dangereux, vous n’y touchez pas, vous appelez le 17 ».

10 - EXPRESSO - MERCREDI 12 FEVRIER

(traduisez le Starbucks Café Débile) devra fermer. C’est ce qu’ont décidé les autorités américaines suite à l’ouverture de ce café parodique il y a trois jours à Los Angeles. Lancé par le comique Nathan Fiedler, le but de l’opération était de parodier les produits de la firme en proposant des dumb expressos, thés et autres boissons. « Le Dumb Starbucks doit, pour des raisons légales, être considéré comme une parodie à but artistique », a déclaré l’initiateur de ce café d’un genre nouveau. « Aux yeux de la loi, notre café est en fait une galerie d’art, et les boissons (...) sont considérées comme des œuvres d’art ». Pas sûr que la chaîne Starbucks apprécie cette forme d’expression artistique…

souvent au petit matin avant de partir au journal. Pourrait-il en faire sa vie ? « Il y a une tentation de tout quitter. En vieillissant, je serais heureux de pouvoir vivre de l’écriture ». Journaliste et écrivain, la vie d’Etienne de Montéty est une histoire de mots qu’on colle sur une copie blanche. Encore un mot, puis un autre… o Pierre Adrian

EXPRESSO QUOTIDIEN

Institut Français de Presse, Paris II 92 rue d’Assas 75006 Paris Quotidien école M1. Février 2014. Directeur de la publication : Jean-Baptiste Legavre. Sous la direction de Françoise Fressoz, rédactrice en chef et Fabien Rocha, éditeur en chef. Chefs de service : Flavian Charuel (France), Robin Braquet (International), Angèle Guicharnaud (Eco/ Conso), Matthieu Bidan (Culture et Sports)


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