08 Expresso 2013

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QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’ INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE - PROMO 2014

15 02 2013

L’ESSENTIEL INTERNATIONAL

EXPRESSO

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Visite officielle de François Hollande en Inde

# 08

Lancement de la réforme de la politique pénale

Taubira vers la fin du tout-répressif

Même si la vente des Rafales a été repoussée à juillet, le Président français a tenu à resserrer les liens avec son homologue

ECO/CONSO

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2013 aussi mauvais que 2012

L’économie française a connu un recul de 0,3 % au quatrième trimestre 2012 et une croissance nulle sur l’année.

CULTURE

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Ciboulette, pièce de théâtre participative

L’Opéra Comique de Paris ouvrera samedi un nouveau concept de théâtre participatif

SPORTS

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Reportage chez les Lionnes de Bobigny

L’équipe féminine de rugby de Bobigny excelle dans le Top 10, équivalent du Top 14 masculin

PORTRAIT

L'expérience citoyenne

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Un jeune juré d’assises à la cour de Nanterre témoigne

Christiane Taubira en visite à la prison de Mulhouse, mercredi 13 février © Élodie Grégoire

Hier, à l’initiative de Christiane Taubira s’est ouverte la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive. En rupture avec le tout carcéral de Nicolas Sarkozy, la garde des

Sceaux veut promouvoir les alternatives à la prison et l’encadrement des condamnés. Une politique dont le coût risque de se heurter aux contraintes budgétaires. PAGE 7


FRANCE PRISON L’encadrement des ex-détenus diminuerait la récidive

Le suivi plutôt que la prison

D

ès l’ouverture, hier de la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive, la présidente Nicole Maestracci a donné le ton. «Toutes les lois récentes sont fondées sur le présupposé selon lequel plus la répression est sévère, plus la récidive est limitée. Or, aucune des études scientifiques disponibles n’établit ce lien». Une rupture avec le tout carcéral défendu par Nicolas Sarkozy. La Conférence est l’occasion pour la majorité de défendre une autre vision de la justice. Le précédent gouvernement s’était déjà attaqué au problème de la récidive en adoptant en 2007 la loi sur les peines dites planchers. Pourtant, cette loi n’a enrayé ni l’augmentation de la population carcérale, ni la recrudescence de la récidive, d’où l’idée d’explorer d’autres pistes. Les experts ont ouvert deux grands chantiers : les peines de probation et la libération conditionnelle automatique.

La prison en dernier ressort

Christiane Taubira et François Hollande s’étaient positionnés en faveur des peines de probation. Ce sont des peines que l’on purge hors les murs de la prison, accompagnées d’un suivi individualisé pour les détenus. «On met en place un programme de suivi du délinquant afin de

En France, il y a 67 674 personnes détenues pour 56 953 places, soit 20% de trop / DR CGLPL

faciliter sa réinsertion, tout en tentant de prévenir un passage à l’acte», a expliqué Jean-Claude Bouvier, juge d’application des peines à Créteil. La peine de probation ne s’appliquerait qu’aux auteurs de délits qui encourent des peines courtes, soit 81% des incarcérés. Si la probation existe déjà en droit français, à travers la peine de sursis avec mise à l’épreuve, la principale innovation serait de ne plus renvoyer systématiquement les délinquants devant les tribunaux. Le condamné n’aura plus au dessus de sa tête une épée de Damoclès en cas de nouveau délit.

Mieux encadrer la sortie

La majorité des études s’accorde sur un point: les sorties sèches sans accompagnement font augmenter les taux de récidive. Alors que 63% des détenus ne bénéficiant d’aucun aménagement de peine récidivent, ils ne sont que 39% en cas de libération conditionnelle. Dans son rapport sur la surpopulation carcérale, le député PS Dominique Raimbourg plaide pour un système de libération conditionnelle mixte. Après avoir purgé les deux tiers de sa peine, le détenu condamné à une courte peine serait libéré mécaniquement. Puis, jusqu’à la fin

FAITS DIVERS Il aurait tué un jeune homme par balles

Un policier marseillais en garde à vue Un policier a été placé en garde à vue hier matin à Marseille à la suite de la mort d’un jeune homme de 19 ans au cours de la nuit de mercredi à jeudi. Selon les premiers éléments de l’enquête, le fonctionnaire qui n’était pas en service au moment des faits, serait allé faire des courses dans une épicerie située dans les quartiers nord de Marseille vers 2 heures du matin. Sur place, une rixe aurait éclaté entre l’agent du groupe de soutien de proximité (GSP) et quelques jeunes en train de fumer du cannabis. Le policier aurait fait une réflexion aux fumeurs de drogue qui auraient remarqué son pantalon de poli-

cier et l’auraient alors frappé au visage. C’est à ce moment là que l’agent aurait sorti son arme de service, avant d’être jeté à terre par une «balayette» de la part des jeunes. Le coup de feu serait alors parti, touchant l’un des individus à la cuisse. En «état alcoolisé»

Emmené immédiatement à l’hôpital en voiture par l’une des personnes présentes sur les lieux, le jeune homme, atteint à l’artère fémorale, serait mort quelques heures plus tard selon une source proche de l’enquête. Le gardien de la paix a quant à lui été interpellé a son domicile vers 2 heures 30 du matin

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«avec un taux d’alcoolémie qui n’a pas encore été déterminé», a précisé le préfet de police de Marseille au cours d’une conférence de presse. Dans ses premières déclarations, le policier aurait reconnu avoir reconnu «avoir bu quelques bières» avant de sortir faire ses courses. Après les faits, il serait rentré à son domicile avec d’autres bières qu’il était venu acheter à l’épicerie, sans s’être rendu compte qu’une balle avait atteint quelqu’un, selon une source proche du dossier. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie du dossier. Bastien Delaubert

de sa peine d’origine, il serait accompagné dans sa démarche de réinsertion. Les condamnations plus longues feraient l’objet d’un examen automatique. Aujourd’hui en France, c’est au détenu de préparer sa requête de libération conditionnelle. En 2003, seuls 10% des condamnés libérés l’étaient en conditionnelle. Problème: un tel accompagnement des détenus nécessite un gros investissement, notamment en embauche de conseillers d’insertion qui suivent déjà entre 80 et 130 dossiers. Coralie Pierret et Maxime Bayce

EN BREF Le contrat de génération adopté 33e promesse de François Hollande, le contrat de génération qui vise à faciliter l’embauche des jeunes et le maintien des seniors dans l’emploi par le Parlement.

Scandale de la viande Le ministre de l’Agriculture anglais a annoncé la présence d’un médicament potentiellement nocif pour la santé humaine dans des carcasses de chevaux envoyées en France. La Direction générale de la répression des fraudes a lancé «des contrôles dans l’ensemble des réseaux de distribution».


FRANCE REPORTAGE Au surplus, les soldats complètent leur équipement règlementaire

La boutique où les militaires français viennent redorer leur blason

L

e hangar est sommairement aménagé. Un coup de peinture orange sur les murs en parpaings, de la moquette rouge posée à même le sol bétonné et quelques rayons de portants suffisent à achalander des équipements militaires partout dans le magasin. Nous sommes dans le surplus Doursoux, dans le 15e arrondissement de Paris, à deux pas de la gare Montparnasse. Ici des dizaines de soldats de l’armée française viennent chaque semaine dépenser une partie de leur solde pour compléter ou remplacer l’équipement que leur fournit l’état-major. Le règlement militaire interdit tout achat individuel mais l’immense majorité des troupes est lasse du matériel de dotation souvent dépassé ou inadapté aux missions qu’elle doit accomplir. «Absolument tous les soldats français améliorent leur bardas dans des surplus», assure Eric Doursoux, gérant de l’établissement et lui-même ancien militaire. «Même le plus fauché viendra nous acheter un sac de couchage digne de ce

mention d’un sac de couchage bivouac (500€), de chaussures de randonnée (600€), d’un gilet et d’une tenue de combat (800€), d’un sac à dos (100€), d’un sac d’hydratation (45€), d’un chèche militaire (60€), de genouillères (60€), de lunettes antibalistique (80€) et enfin d’une sangle et d’une poignée FAMAS (480€). Bilan des courses : 2725 euros. Un matériel de dotation obsolète

La maison fait 10% de ristourne pour les militaires / Fabien Fougère

nom pour remplacer le sac bas de gamme officiel dans lequel aucun homme normalement constitué ne peut réussir à trouver le sommeil en cas de température négative». 3000 euros de dépenses personnelles en moyenne

Acquérir un attirail militaire de qualité coûte cher. Eric Doursoux estime qu’un soldat qui s’apprête à partir en opération extérieure (OPEX) dépense en moyenne 3000 euros de sa

poche pour s’équiper correctement. Comme pour leurs collègues projetés précédemment, les soldats actuellement appelés en mission au Mali investissent dans certains équipements désormais devenus des best-sellers. Les supérieurs ferment les yeux. Devant la palette en bois faisant office de caisse, le sousofficier d’un régime parachutiste d’élite, bientôt envoyé à Gao, illustre ce phénomène. Son long ticket de caisse fait

L’addition est salée mais salutaire. Ces dépenses permettront notamment à ce sous-officier d’éviter les ampoules causées par les Rangers de dotation jamais repensées depuis le Débarquement, la toile du gilet réglementaire qui casse facilement mais sèche difficilement ou encore la gourde officielle, dont le joint – véritable nid à bactéries – transmet toutes formes de maladies. «La République est censée nous offrir tout le nécessaire pour nous équiper mais dans les faits elle va au moins cher», déplore ce soldat. «Au final, c’est nous qui payons.» Fabien Fougère

SANTE Pour combler les lacunes de la loi Leonetti sur la fin de vie

L’Ordre des médecins n’exclut plus le recours à l’euthanasie Le corps médical vient de franchir un pas vers la légalisation de l’euthanasie. Jeudi, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a évoqué la possibilité qu’un collège médical permette une «sédation terminale» à la demande du patient, dans des cas «d’agonies prolongées» ou de douleurs «incontrôlables» (voir encadré). Cette mesure n’interviendrait que pour des situations «exceptionnelles» non prises en compte par la loi Leonetti, autorisant l’euthanasie passive. Ces situations, mêmes «rares, ne peuvent demeurer sans réponse», explique l’Ordre. Dans sa synthèse intitulée «Fin de vie, assistance à mourir», le CNOM n’utilise pas directement le terme d’euthanasie mais parle de «devoir d’humanité». Pourtant, c’est bien d’un recours à l’euthanasie, actuellement interdite en France, dont il est question.

titut national d’études démographiques (Ined), le nombre d’euthanasies est évalué à 3000 par an en France, malgré l’interdiction. Margaux Couturier et Lorène Lavocat

En Europe, les pays du Benelux ont légalisé l’euthanasie © MAXPPP Compléter la loi Leonetti

La loi Leonetti de 2005 permet à certains patients en fin de vie de choisir de renoncer aux traitements médicamenteux ou de recevoir l’emploi de traitements à doses efficaces pour les soulager, «quand bien même ces doses seraient susceptibles d’écourter ce qu’il reste de vie». Mais cette loi reste mal connue par 53% des médecins, selon un sondage CNOM. En décembre dernier, le rapport du professeur Sicard sur la fin

de vie avait aussi conclu à une insuffisance de la loi Leonetti. D’après le rapport, 56% des Français souhaitent être aidés médicalement pour mourir. Fort de ce constat, le professeur évoquait l’assistance au suicide pour certaines personnes, au stade terminal d’une maladie incurable. Suite aux préconisations de Didier Sicard, François Hollande avait annoncé un projet de loi sur la fin de vie pour juin prochain. Selon un responsable de l’Ins-

L’euthanasie est un acte médical «consistant à ménager une mort sans souffrance à un malade atteint d’une affection incurable entraînant des douleurs inelle est donc effectuée par un tiers. Il peut s’agir de l’administration de médicaments entraînant le coma puis la mort, appelée sédation terminale. Au contraire, l’assistance au suicide désigne un processus «où l’acte létal est accompli par le malade luimême».

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INTERNATIONAL INDE François Hollande en visite à New Delhi jusqu’à ce soir

Les Rafales attendront

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rançois Hollande est arrivé hier en Inde pour une visite d’État de deux jours. Malheureusement, la délégation qui l’accompagne ne repartira pas avec la signature de vente de 126 rafales pour 12 milliards de dollars. L’accord est repoussé à juillet. Malgré cette déconvenue, le président français tient malgré tout à renforcer les relations entre les deux États. C’est sans doute le problème épineux du transfert de technologie en Inde qui retarde l’officialisation de la vente des rafales. Mais Paris reste confiant. « Le Premier ministre (indien) et moi-même avons constaté des progrès dans la discussion et j’ai bon espoir que nous pourrons parvenir à la conclusion », a déclaré hier François Hollande au terme des premières négociations. A leur arrivée, Laurent Fabuis, chef de la diplomatie française déclarait : « On n’est pas là pour signer des contrats, mais pour faire avancer des dossiers, favoriser les échanges commerciaux et investissements ». New Delhi a déjà fait savoir qu’elle avait besoin de Paris pour accéder au rang de grande puissance. L’achat des 126 rafales permet-

Le président François Hollande et sa compagne Valérie Trierweiler hier à New Delhi / AFP Ravenndran

tra au pays de moderniser sa flotte et de contrer la montée en puissance de son homologue chinoise. Inde, troisième puissance économique d’ici 2030

Les français espèrent aussi participer à la construction de six centrales EPR et du métro de Bangalore, dans le sud du pays.

L’ancienne colonie britannique pourrait devenir la 3ème puissance économique d’ici 2030, comme le prédisent certains économistes. Paris est également actif sur le plan politique. « L’Inde devrait jouer une place importante sur la scène internationale », a indiqué François Hollande. Plus concrètement, Paris soutient la

candidature de New Delhi à un siège de membre permanent au conseil de sécurité des Nations Unies. En revanche le cas de Lakshmi Mittal, patron d’ArcelorMittal qui ferme des usines en Europe n’a pas été évoqué. « Mittal n’est pas un sujet politique franco-indien », a conclu François Hollande. L’heure est décidément à l’entente cordiale.

TUNISIE Un gouvernement de technocrates

MALI Des raids sont lancés contre les islamistes

Une semaine après la mort du militant de gauche, Chokri Belaïd, les tensions restent fortes en Tunisie. Alors que le pays est en proie à de nombreux conflits sociaux, le premier ministre, Hamadi Jebali (Ennahda) veut former un nouveau gouvernement composé uniquement de technocrates. Pour l’aider dans cette tâche, le chef du gouvernement tunisien a décidé de réunir un conseil de sages. Composé de seize personnalités venues de différentes obédiences politiques et de la société civile, ce conseil des sages fait déjà grincer des dents. Malgré une forte représentation d’Ennahda dans le conseil des sages, cette idée passe mal au sein du parti politique dont est issu le premier ministre. Le vice-président du parti islamiste, Mohamed Akrout a appelé à une manifestation samedi à Tunis. Il affirme vouloir préserver la «légitimité» d’Ennahda au pouvoir dans une

À Gao, la jubilation de la libération fait maintenant place à l’inquiétude. Quelques jours après les premiers attentas-suicides de l’histoire du Mali, l’armée française a fait la découverte mercredi d’un engin explosif de 600 kg. La situation dans la ville de Gao serait maintenant «stabilisée», selon le colonel malien Saliou Maïga. Toutefois, de nombreux islamistes se terrent toujours dans cette région riveraine du fleuve Niger. L’armée malienne, qui procède à un «nettoyage» de la zone, sollicite maintenant l’effort de la population locale. «Nous demandons aux populations de nous aider, de dénoncer tout ce qui est suspect», indique le porte-parole de la Mission internationale de soutien pour le Mali (MISMA), composée de troupes africaines. Tout au nord du pays, les forces françaises procèdent

Vers une nouvelle constitution

vidéo diffusée sur la page Facebook du mouvement. Critiques des partis d’opposition

L’opposition critique elle aussi le conseil des sages. Le porteparole du parti Al Aridha, (19 sièges à l’assemblée constituante), Aymen Zoiuaghi a fait part de ses inquiétudes sur la présence d’un militaire, le général Rachid Ammar dans ce conseil, signe selon lui «d’un coup d’État à venir ». Le Parti républicain (centre) a également critiqué la création du Conseil; lui reprochant d’accueillir «des membres ayant servi les régimes de Ben Ali». Pour l’heure, cette idée jouit du soutien du président tunisien qui a affirmé dans les colonnes du Figaro ce jeudi que la Tunisie avait «absorbé le choc » de la mort de Chokri Belaïd et s’était tournée vers la création d’une nouvelle constitution. Vanessa Vertus

Le conflit se déplace au nord de Gao

Un soldat malien patrouille dans les rues de Gao/ REUTERS Francois Rihouay

à des raids ciblés contre les islamistes dans la région de Tessalit. L’aviation a procédé à quelques 200 sorties au cours de la semaine. Une quinzaine de cibles ennemies auraient été détruites avec succès. Boris Proulx

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INTERNATIONAL ISRAËL Le gouvernement accusé d’étouffer l’affaire

EN BREF

L’embarrassant «prisonnier X»

Premier anniversaire du «printemps érable» À pareille date l’an dernier débutait la grève étudiante québécoise. Celle-ci s’est soldée par la défaite électorale du Premier ministre Jean Charest, en septembre. Aujourd’hui, la nouvelle première ministre du Québec, Pauline Marois, est à son tour confrontée aux étudiants. Des associations étudiantes ont ainsi claqué la porte du Sommet sur l’enseignement contre le refus du gouvernement d’envisager l’instauration de la gratuité scolaire.

Montage réalisé par le site du quotidien israélien «Yedioth Aharonoth», à partir d’une photo du citoyen australien Ben Zygier. / Yedioth Aharonoth

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n décembre 2010, un présumé espion du Mossad (services secrets israéliens) se suicide. Révélé par les médias australiens, le mystère du « prisonnier X» devient une affaire d’État en Israël. Il s’appelle Ben Zygier, 34 ans, Australien d’origine et immigré en Israël au début des années 2000. Ce père de deux enfants a été incarcéré, début 2010, dans la prison à haute sécurité Ayalon, à Ramla. C’est dans cette institution que Zygier se suicide en décembre de la même année, sans qu’on connaisse les motifs de son arrestation ni les charges qui pèsent contre lui. Sa détention a été classée «secret d’État» par Israël. La nouvelle de sa

capture est alors apparue sur le site Web d’un média local avant d’être rapidement retirée. Puis, pendant plus de deux ans, l’affaire a été entourée d’un silence médiatique complet. L’enquête a été menée par la presse australienne suite au rapatriement du corps. L’investigation les mène au Mossad, les services secrets dont Zygier aurait été un agent. Les circonstances de sa détention et de son suicide demeurent toutefois mystérieuses. Réunion d’urgence

En Israël, la censure multiplie toujours ses efforts pour étouffer l’affaire. Mardi, le Premier ministre a réuni d’urgence le Conseil des éditeurs, leur demandant de collaborer avec le

gouvernement pour ne pas étaler « l’incident embarrassant » pour l’État. Ce ne sont donc pas les médias qui ont informé le public israélien de l’affaire, mais bien les députés, qui bénéficient d’une immunité parlementaire. Une presse muselée

À la Chambre, l’opposition reproche alors au gouvernement de museler la presse. Les parlementaires ont été accusés de « se solidariser avec l’ennemi » par l’ancien ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. Jeudi, le gouvernement a admis que Zygier a été interpellé alors qu’il était sur le point de révéler des informations sensibles sur les services d’espionnage. Boris Proulx

ITALIE Alors que le dossier s’enlise à Paris

Un procès de l’amiante exemplaire à Turin Au terme de cinq ans d’instruction et de vingt-six mois d’audiences, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Turin a condamné le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis de Cartier, à 16 ans de prison. Ils sont les propriétaires de l’entreprise Eternit, au cœur du scandale européen de l’amiante. 6 000 parties civiles ont été contaminées par les poussières d’amiante. Les victimes seront indemnisées à hauteur de 92 millions d’euros. Ce maxi-procès, qui s’était ouvert en décembre 2009, est le plus grand jamais organisé sur l’amiante. C’est aussi le premier organisé au pénal. Il a été suivi de très près en France

«il faut que ce verdict serve d’exemple», a lancé Pierre Plutin, président de l’Andeva (Association de défense des victimes de l’amiante en France) en saluant l’intégrité du procureur de la République italien. En France, l’affaire semble bloquée. En décembre 2011, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris décide d’annuler les mises en examen de la société et de cinq de ses anciens responsables pour «homicides et blessures involontaires». Espoir déçu en juin 2012

Nouveau rebondissement et vague d’espoir en juin 2012, quand la Cour de cassation décide de casser la décision de

la chambre d’instruction. «Cela ouvre la perspective d’un renvoi des responsables d’Eternit devant le tribunal correctionnel de Paris», réagit alors l’avocat d’une des victimes. Depuis plus rien. Les victimes s’inquiètent car la juge d’instruction BertellaGeffroy vient d’être dessaisie du dossier : elle est arrivée au terme de sa fonction. Viceprésidente du pôle de santé publique, elle avait accumulé toutes les pièces, connaît le dossier par cœur et craint l’enlisement. Deux juges ont été chargés de l’affaire. L’un proche de la retraite, l’autre qui croule sous le dossier du Médiator. Manon Gauthier-Faure

Hugo Chavez sous traitements «complexes» Le président vénézuélien hospitalisé à Cuba pour un cancer dans la région pelvienne suit «des traitements complémentaires extrêmeC’est ce qu’a annoncé hier, à la télévision publique, le viceprésident Nicolas Maduro. la teneur des soins prodigués à Hugo Chavez. Ses adversaires politiques dénoncent le secret entretenu autour de sa maladie.

Le journaliste français Nadir Dendoune a été libéré Le journaliste indépendant Nadir Dendoune a été libéré après 23 jours de détention en Irak, a annoncé le journaliste Alain Gresh. Nadir serait actuellement dans une voiture de l’ambassade de France à Bagdad. Rappelons que Nadir Dendoune a été accusé d’avoir photographié sans autorisation le quartier général des services de renseignements, ainsi que des barrages de police et de l’armée par les autorités irakiennes.

Triste anniversaire tibétain Une 100e personne s’est immolée mercredi pour protester contre la présence chinoise au Tibet. Le jeune tibétain a survécu à sa tentative de suicide par le feu, mais son état demeure critique. L’événement survient le jour du 100e anniversaire de la proclamation d’indépendance du pays par le Dalaï-Lama, le 13 février 1913.

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ECO/CONSO FRANCE Le déficit public sera supérieur à 3 % cette année

La croissance devrait rester atone en 2013

L

’économie française et la zone euro s’enfoncent dans le marasme. Le produit intérieur brut (PIB) s’est replié de 0,3 % au quatrième trimestre 2012, selon une étude publiée hier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Sur l’ensemble de l’année, la croissance a été nulle. Et 2013 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Pour Eric Heyer, directeur adjoint au département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), «l’année devrait être dans la même veine que la précédente, voire pire. La raison principale du ralentissement réside dans la politique d’austérité extrêmement violente menée en France et en Europe. Comme les restrictions budgétaires vont continuer, la crise va Une prévision trop optimiste

Le gouvernement tablait pour 2013 sur un léger rebond de 0,8 %, propre selon lui à ramener le déficit public à 3 % du PIB.

Il devrait officiellement prendre acte des prévisions des économistes. Par exemple, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne anticipent une expansion de 0,3 %. Réduire les déficits sans tuer la croissance

Pierre Moscovici reconnait que la prévision de croissance de 0,8 % était trop optimiste / REUTERS/PHILIPPE WOJAZER

La Cour des comptes a jugé ce niveau hors d’atteinte dans son rapport annuel publié mardi. Le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault, puis Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et des Finances, ont finalement admis que ces objectifs étaient trop optimistes. «Nous ne serons pas exacte-

ment, je pense, aux 3 % en 2013, pour une raison simple, c’est que la croissance en France, en Europe et dans le monde est , a dit J-M Ayrault, mercredi sur France 3. En avril, le gouvernement doit transmettre au Parlement ses objectifs réajustés de croissance et de déficit pour l’année.

Depuis décembre, le FMI considérait comme impossible une réduction du déficit public à 3 % fin 2013. Mais l’exécutif s’est jusqu’alors arc-bouté sur ses objectifs, soucieux de rassurer les marchés financiers et de refinancer sa dette aux meilleurs taux. Depuis son élection, le président François Hollande navigue entre deux écueils. Il veut réduire les déficits sans pratiquer une rigueur qui tuerait la croissance. Actuellement, Paris place sa dette à court terme à des taux d’intérêt quasi-nuls, proches de leur plus bas historique, et ses Obligations assimilables du trésor (OAT) à 10 ans à un rendement faible de 2,29 % (au 13 février). Timour Aggiouri

POLITIQUE PUBLIQUE La Cour des comptes chiffre à 2,7 milliards d’euros les dispositifs

L’aide publique aux entreprises pas toujours efficace Faire mieux avec les mêmes moyens. Une nouvelle fois, la Cour des comptes planche sur la gestion des deniers publics, à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale. Ce sont cette fois les dispositifs d’aide aux entreprises qui ont été scrutés à la loupe. Pour les rapporteurs, les moyens déployés au niveau national ou local ne sont pas répartis de manière équilibrée. Les créateurs d’entreprises passés par Pôle emploi bénéficieraient de la majeure partie des fonds (1,6 milliards d’euros) tandis que les créateurs classiques ou innovants seraient désavantagés (252 et 267 millions d’euros respectivement). Les aides reçues sont par ailleurs «concen06 - EXPRESSO - JEUDI 14 FEVRIER

Didier Migaud, 1er président de la Cour des comptes / SIPA

trées sur la phase de création plutôt que sur le développement , indique le rapport d’évaluation remis jeudi au

président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Or, seulement une entreprise sur deux, après leur création en 2006, existait encore. La Cour des comptes préconise donc d’aider les entrepreneurs tout au long de leur croissance, en particulier les premières années qui ont suivi leur création. «Le taux de réussite des entreprises suivies est supérieur à celui des entreprises qui ne , estime François Ecalle, magistrat à la Cour des comptes. 70% des entreprises créées en 2011 n’ont pas reçu d’accompagnement. Améliorer la gouvernance

La France est le numéro un en Europe pour la création d’entreprise : 550 000 entreprises environ ont été recensées en

2011, dont 53% avec le statut d’auto-entrepreneurs. Afin de dynamiser la croissance de la production et de l’emploi, 94,3% des entreprises créées en 2011 n’avait aucun salarié - la Cour des comptes souhaite réaliser un meilleur des entreprises. Et cela passe par une meilleure gouvernance entre l’Etat et les régions. Rien que pour l’action de l’Etat, une dizaine de programmes existent, portés par trois ministères et de nombreux opérateurs publics (Pôle emploi, Oséo, la Caisse des dépôts, etc.). Peu de propositions concrètes ont été avancées lors de l’audition à l’Assemblée nationale. Le rapport définitif en apportera le 28 février prochain. Johan Maurice


ECO/CONSO SOCIAL Vive émotion après le suicide d’un chômeur

Submergé, Pôle emploi se réorganise alors que le nombre de demandeurs d’emploi ne cesse d’augmenter. Un dispositif déjà critiqué

C’est devant cette agence qu’un chômeur s’est immolé par le feu. /AFP/ALAIN LEMASSON

Michel Sapin s’est rendu hier dans une agence Pôle emploi à Bercy pour présenter le nouveau suivi des demandeurs d’emploi, baptisé «Pôle emploi 2015». La visite du ministre du Travail était prévue de longue date, mais elle prend une résonance particulière au lendemain du suicide d’un chômeur à Nantes. Un drame symptomatique

Le 13 février à midi, l’homme descend du bus, s’asperge d’essence, puis s’enflamme avant de courir vers l’agence Pôle emploi, située à une dizaine de mètres. Une couverture a été jetée sur lui, les policiers l’ont arrosé avec un extincteur, mais il était trop tard. Sur France 3, le Premier Ministre et ancien maire de Nantes fait part de sa . L’homme, en fin de droits, devait rem-

bourser des allocations perçues, faute d’avoir déclaré un travail effectué fin 2012. «C’est une explique une conseillère Pôle emploi, qui souhaite restée anonyme. Elle se dit peu étonnée par cet acte. «Nous n’avons pas les moyens

Un dispositif à trois niveaux Le «suivi renforcé» : les chômeurs les plus éloignés de l’emploi en bénéaccompagneront

alors

au

Le «suivi guidé» : il concerne la plupart des chômeurs, ceux qui sont considérés comme proches de l’emploi. Les conseillers

FINANCE La taxe Tobin à l’étude

La City ne sera pas épargnée La Grande-Bretagne ne devrait pas être épargnée par la taxe Tobin. La Commission européenne a présenté hier son nouveau projet de directive pour les 11 pays qui comptent la mettre en œuvre. Les instruments financiers émis par ces pays seront imposés, même s’ils sont négociés en dehors de cette zone. Résultats concrets, la place de Londres où s’effectuent la grande majorité des transactions financières en Europe sera concernée par la taxe même si le Royaume-Uni ne fait pas partie des pays qui ont voulu la créer. Une trentaine de milliards d’euros attendue

La Commission européenne entend lutter par ces nouvelles dispositions contre l’évasion fiscale. L’idée d’une taxe sur les transactions financières émane

de l’économiste James Tobin. Elle a été portée par les altermondialistes, mais aussi par Jacques Chirac. C’est la crise de 2008 qui a poussé plusieurs pays, dont la France et l’Allemagne, à vouloir la mettre en œuvre. Cette nouvelle taxe serait d’un montant de 0,1% pour les actions et obligations, et de 0,01% pour les produits dérivés. Elle est censée générer des recettes de l’ordre de 30 à 35 milliards d’euros par an. Ces recettes seraient partagées entre l’UE et les états membres. Le projet va maintenant être transmis aux pays membres de l’UE, mais seuls les onze pays concernés voteront. Des modifications restent à prévoir, notamment sur la manière d’empêcher les banques de répercuter le coût de cette taxe sur leurs clients. Amandine Debaere

de rendre un service correct. Je reçois au moins 150 personnes dans une matiné, je n’ai pas de bureau attitré, comment voulez-vous que je fasse bien mon Pôle emploi souffre d’un manque structurel de moyens, l’intensité de l’accompagnement. Le rendez-vous ne sera pas systématique. Ces conseillers se chargeLe «suivi à distance» : il est réservé aux demandeurs d’emploi autonomes, récemment inscrits au Pôle emploi. Il s’agit d’un suivi administratif à distance avec un rendez-vous en agence tous les quatre mois. Les conseillers

Michel Sapin cherche à convaincre l’opinion que le nouveau dispositif d’accompagnement des chômeurs permettra une action plus efficace et plus personnalisée. Les demandeurs d’emploi seront divisés en trois catégories, en fonction de la durée de leur chômage. Le processus sera progressivement mis en place par régions jusqu’en juin. «Le Pôle emploi s’adapte. Il n’y a pas un seul type de chômeur, donc pas une seule manière de travailler. Il s’agit de donner plus aux chô,a expliqué hier Michel Sapin. Cette réorganisation est déjà vivement critiquée par certains employés. «On nous demande de trier notre portefeuille de , réagit la conseillère. «Mais en fait, on nous demande de choisir ceux qui méritent d’être accompagnés. Les autres iront vers des compagnies d’assurance privées. On va faire croire aux chômeurs qu’ils ont le choix, Anissa Hammadi et Lorène Lavocat

EN BREF Ventes records de vins et spiritueux en 2012 Les ventes de vins et spiritueux français à l’étranger ont battu un nouveau record l’année dernière. Le chiffre d’affaires s’est élevé à 11 milliards d’euros, notamment grâce au Cognac, a annoncé hier la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). «Il s’agit de la meilleure performance de l’histoire obtenue dans un contexte global pas facile», s’est félicité le président de la FEVS.

Renault dans le vert, mais des bénéfices en berne Renault a publié hier un 15,3% à 1,77 milliards d’euros, et ce malgré une plus-value lions d’euros. Avec la crise de l’automobile en Europe, le

des résultats opérationnels et un chiffre d’affaires en repli.

American Airlines et US Airways fusionnent

Les compagnies aériennes AMR, maison mère d’American Airlines, ont fusionné avec US Airways, donnant ainsi naissance au premier transporteur américain. Le nouveau groupe, baptisé American Airlines, sera dirigé par l’actuel patron d’US Airways, Doug Parker, et pèsera plus de 11 milliards de dollars en Bourse.

JEUDI 14 FEVRIER- EXPRESSO - 07


CULTURE OPERA COMIQUE Jérôme Deschamps remet à l’honneur le répertoire traditionnel

Histoire d’un genre dépoussiéré

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Si aujourd’hui la salle affiche complet, les débuts ont été difficiles.

a première de l’opérette Ciboulette se tiendra samedi à l’Opéra Comique. Une production originale puisque le public est invité à venir

Un défi relevé

d’apprendre quelques parties chantées de l’œuvre, et participer de son fauteuil à la représentation. C’est côté jardin, derrière la scène, qu’Agnès Terrier, dramaturge de l’Opéra Comique, nous accueille avec enthousiasme pour nous parler du projet Deschamps dont elle fait partie depuis le début. « C’est un projet que Jérôme Deschamps a élaboré avec l’État », nous apprend-elle. Lorsque l’ancien script de la Famille Deschiens arrive à la direction du théâtre en 2007, il succède à Jérôme Savary qui produisait, selon elle « des spectacles au rabais et routiniers… ». Un mot d’ordre: la réhabilitation

L’enjeu est de taille : réhabiliter le genre de l’opéra-comique, accueillir à nouveau de grands chefs d’orchestre, de grands spectacles, avec une masse d’artistes, tous travaillant pour remettre à l’honneur un répertoire qui compte trois cents ans

Le foyer restauré de l’Opéra Comique / NT

d’histoire. Bien des œuvres sont tombées en disgrâce ou bien, quand elles sont encore jouées, sont « complètement déformées » assure la dramaturge. Autre objectif, faire revenir les forma-

tions baroques françaises dans la seule salle à avoir conservé les dimensions qu’elle avait lors de sa création, avant la Révolution française, et dont l’acoustique est conçue pour le genre.

Ceci, Agnès Terrier l’explique par une mauvaise communication : « les spectacles et la programmation n’étaient pas explicités, les critiques démontraient une incompréhension. Il a fallu deux ans pour instaurer les conférences avant chaque spectacle, à la suite desquelles les gens me disaient ‘‘Ça y est, on comprend pourquoi on est ici !’’». La direction a désormais imposé sa marque, mais ne s’en contente pas. L’Opéra Comique crée cette année l’Académie, promotion de dix jeunes chanteurs francophones, qui suivent pendant six mois des cours théoriques et pratiques. Ils apprennent ainsi comment interpréter l’opéra-comique dans le respect de la tradition, en passant des parties chantées aux parties parlées sans s’essouffler et avec l’éloquence requise.C’est toute la singularité et le brio du genre que Jérôme Deschamps et son équipe ont à cœur de restaurer, du moins jusqu’en 2015, date à laquelle le directeur devra passer le flambeau. Nathalie Troquereau

PEINTURE Nouveau record de fréquentation pour les musées parisiens en 2012

Les raisons du succès des expositions évènements

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eux heures trente d’attente en moyenne sous un ciel violet de froid, des réservations bouclées sur Internet, des pass coupe-file agités comme un sésame. Que ne feraient pas, à côté des néophytes et des amateurs endurcis, ces milliers de visiteurs pour se gargariser d’avoir « fait Hopper » et se pâmer d’admiration devant la centaine de toiles exposées. Avec plus de 784 000 entrées, la rétrospective Edward Hopper devient la deuxième exposition la plus fréquentée du Grand Palais depuis 40 ans, après «Monet» et devant «Picasso et les maîtres». Véritable démocratisation de la culture ou effet de mode amplifié par les médias ? Cet enthousiasme n’est pas nouveau comme on pourrait le croire. Déjà en 1967, 1,2 millions de visiteurs s’étaient pressés pour voir l’exposition Toutankhamon 08 - EXPRESSO - VENDREDI 15 FEVRIER

Les grandes expositions se visitent aussi la nuit

au Petit Palais et 840 000 pour Dali au Centre Pompidou en 1979. Innover pour séduire de nouveaux publics

Mais, surtout, les musées ne seraient plus perçus comme ces endroits vieillots et réservés à une élite culturelle. Ce changement de mentalité procède d’une volonté des directeurs de musées d’élargir leur offre en adaptant les expositions à un public profane: le musée pour tous. Pour séduire les jeunes, a été organisé un partenariat avec les cafés Starbucks, des campagnes d’affichage massives, ainsi que des concours sur les réseaux sociaux. Le président de la RMN Grand Palais, JeanPaul Cluzel, mise également sur le multimédia avec des e-albums de l’exposition sur Ipad et des applications sur mobiles pour que les jeunes s’imprègnent des tableaux avant la visite. Beau-

Summertime, Edward Hopper

coup moins connu en France que Monet et Picasso, Hopper a été unanimement encensé par la presse qui a multiplié les reportages et les explications sur les œuvres du peintre américain. «Le bouche-à-oreille a formidablement fonctionné. Même aux Etats-Unis, Hopper n'a jamais fait autant», s'est félicité Didier Ottinger, commissaire de l’exposition.

Le développement des nocturnes permet de prendre le pouls de la démocratisation. Si la visite peut, de prime abord, être un acte festif se rapprochant de l’événementiel, les temps de visite sont plus longs que la journée et la location d’audio-guides est tout aussi importante. Mais ce plébiscite pourrait également être un effet indirect de la crise. «Dans les pays occidentaux, en temps de crise économique, il y a un besoin de ressourcement des citoyens sur eux-mêmes, un besoin d'approfondissement : la culture est un moyen d’y parvenir», assure le président du Grand Palais. Dans le même temps, les Français partent de moins en moins et privilégient des loisirs à proximité. Des vacances sous les cimaises, en somme. Tancrède Bonora


SPORTS RUGBY En France, près de 12 000 femmes licenciées

Les enragées du ballon ovale

L’équipe des «lionnes» de Bobigny sur le terrain / DR

Ce soir de février, à Aubervilliers, il fait -1 degré sur le terrain. Mais « les lionnes » ont le sourire aux lèvres. Elles arborent la tenue noire et rouge du club dont elles sont si fières : « Je suis ici depuis trois ans maintenant, c’est un sport qui souligne Sabrina, 3è ligne aile, numéro 6. Le rugby est leur passion. Créée en 2004, la section féminine « Les lionnes » de Bobigny excelle dans son domaine. Pourtant au départ, personne n’y croyait. En deux ans, elles accèdent au Top 10, équivalent du Top 14 masculin. Dans les vestiaires, juste avant le match, ça discute ferme. Enfants, soirées, et petits amis. Le quotidien en

somme. Elles ont laissé de côté leurs vêtements du jour sur le banc. Chaussettes hautes, crampons et protège-dents sont devenus leurs nouveaux accessoires. « Au-delà de la compétition c’est aussi une bonne manière de se faire des copines », souligne Valérie en se démaquillant. Dès l’entrée sur le terrain, c’est la métamorphose. Regards froids, corps robustes, gestes maîtrisés. Vives et combatives, elles n’hésitent pas à croiser le fer avec l’adversaire. « Elles ont beaucoup de bonne volonté, et sont très solidaires, parfois plus que les hommes », sourit l’entraîneur de l’équipe. Après une heure d’entraînement, les joues rougies, elles

reprennent leur souffle en regagnant les vestiaires : « c’est un sport intense et qui peut sembler violent, mais c’est cette adrénaline que nous recherchons », explique Sabrina, qui est soutenue par son compagnon depuis le début de cette « passion ». Mais ce qui pèse lourd surr le moral des « lionnes » c’est le manque de reconnaissance de ce sport mixte. « Peu de place est laissé aux femmes dans les média, alors que la compétition existe, rien n’est relayé», ajoute la joueuse « c’est dommage car toutes ont de bonnes raisons d’être ici ». Ndlr : les noms ont été modifiés.

Mélanie Nunes

FAIT DIVERS Un champion paralympique tue sa fiancée

Oscar Pistorius inculpé pour meurtre

Oscar Pistorius, le champion paralympique sud-africain surnommé « Blade Runner », a été arrêté hier matin à sa résidence de Pretoria. Il est inculpé du meurtre de sa fiancée, Reeva Steenkamp. Alors que le mannequin de 30 ans venait surprendre son petit ami pour la Saint-Valentin, ce dernier l’a abattu de quatre balles. Touché à la tête et à la main, le top mo-

del international est décédé sur place. L’inculpation de meurtre exclut l’hypothèse d’un accident. La presse sud-africaine avait d’abord évoqué un meurtre « par erreur » : l’athlète aurait confondu sa petite amie avec un cambrioleur. Mais la police rejette cette piste, « il y a eu par le passé des rapports faisant état de disputes familiales au domicile de l’accusé », a déclaré la

porte-parole Denise Beukes. Selon cette même source, le parquet s’apprêterait à refuser une liberté sous caution. Pistorius, premier double amputé à avoir concouru aux côtés des valides aux JO de Londres l’été dernier, comparaîtra aujourd’hui devant la justice de son pays, après avoir subi un examen médical et une prise de sang. Louise Bonte

ALPIN Tessa Worley remporte l’or du slalom géant

Cela faisait vingt ans que la France attendait un titre en géant, depuis la victoire de Carole Merle aux Mondiaux 1993 de Morioka (Japon). Tessa Worley, 23 ans, a ravi hier la première place à sa rivale principale, Tina Maze, qui a dû se contenter de l’argent à Schladming (Autriche). Avec un écart d’1 seconde 12, la skieuse du GrandBornand a largement devancé la Slovène de 29 ans, qui a déjà remporté deux médailles la première semaine. T. Worley avait le vent en poupe dès la première manche : son parcours sans faute sur une piste très verglacée lui assurait la tête provisoire de la course. Tina Maze, diminuée par un genou droit défaillant, ne signait que le quatrième temps. Le dossard numéro 1 a porté chance à la Bornandine qui avait décroché le bronze, il y a deux ans, à Garmisch-Partenkirchen (Allemagne). Contrainte de s’adapter à une nouvelle configuration de skis imposée par le règlement et défavorable aux petits gabarits, la « Puce » (1m57) n’avait pas encore gagné d’or sur le circuit majeur de cette saison. EV

EN BREF La RDC souhaite organiser la CAN 2019 La République démocratique du Congo a officiellement déposé sa candidature à la Confédération africaine de football afin de pouvoir accueillir en 2019 la Coupe d’Afrique des Nations. L’édition 2013, organisée en Afrique du Sud, a été remportée par le Nigéria qui succède ainsi à la Zambie.

Canal + pique la Formule 1 à TF1 Canal + a remporté l’appel d’offres de diffusion des Grands Prix de Formule 1 pour les trois prochaines saisons. TF1, qui les retransmettait depuis 1992, perd un autre pilier de sa programmation sportive, après la Ligue des Champions. La première chaîne française, en pleine rationalisation budgétaire, n’a pas pu aligner les 29 millions d’euros annuels déboursés par Canal +. Un magazine en clair sera accessible aux non abonnés, a promis la chaîne cryptée.

VENDREDI 15 FEVRIER- EXPRESSO - 09


EXPRESSO

15 02 2013

# 08

PORTRAIT Vincent Légaré, jeune juré à la cour d’assises de Nanterre

L’épreuve citoyenne

A

l’évocation des affaires qu’il a eu à juger en tant que juré à la cour d’assises de Nanterre, Vincent Légaré allume une cigarette. Le souvenir est pesant. C’est en janvier dernier qu’il a siégé au Tribunal de Grande Instance de Nanterre pendant quinze jours, durée de toutes les sessions d’assises. À 23 ans, ce cadre n’était jamais entré dans un tribunal, malgré des études de droit. « Quand on pénètre pour la première fois dans une cour d’assises, on se sent inférieur à la justice » après avoir vécu ce qu’il considère comme une « véritable expérience de la citoyenneté ». Tiré au sort à deux reprises en tant que juré titulaire, il était présent à toutes les audiences et dans la salle des délibérés. Les affaires ? D’abord un lourd chef d’accusation, « vol avec violences ayant entrainé la mort », et trois jeunes prévenus. Le regard de Vincent se perd, le ton se fait plus grave, les mots sont durs à trouver quand il évoque la seconde. Un homme de 76 ans est poursuivi pour « viol sur mineurs de moins de 15 ans » et « extorsion d’images à caractère pédopornographique ».

Qui peut être juré ? Les personnes de nationalité française, d’au moins 23 ans, sachant lire et écrire en français. Les personnes ayant été condamnées pour un crime ou un délit, des agents publics ayant été révoqués de leurs fonctions, des personnes sous tutelle ou curatelle ne peuvent pas être jurés d’assises.

bué 40 ans de prison en quinze jours. L’équivalent d’une vie. Ce n’est pas rien ». Certes, les différents prévenus ont rapidement avoué les faits. Mais les a-t-il bien jugés ? Avec du recul, il l’espère sans en être vraiment sûr : « Si c’était à refaire … ».Pour celui qui n’avait pas foi en la justice, cette expérience a été décisive. Avant, Vincent ne trouvait pas sain le principe des jurés populaires et ne considérait pas la justice comme une instance impartiale. « Ça m’a vraiment donné

Vincent Légaré à son domicile en 2011 ©Margaux Duroux

Quand il parle des accusés, c’est comme s’il les connaissait. II

commence par revenir sur tout leur passé. C’est vraiment marquant », déclare-t-il, visiblement affecté. Ce sont surtout les témoignages des familles des victimes qui ont

prénom, se souvient de leur âge. « La présidente du Tribunal

s’ils donnaient un caractère concret aux drames entendus.

« 40 ans de prison en 15 jours »

« On juge sur un fait, certes, mais on essaie aussi de juger la personne dans sa globalité », de nicotine, avant de s’attarder sur l’état d’esprit dans lequel il se trouvait. « J’étais épuisé. Ça

pays. C’est une formidable mécanique la machine judiciaire ». les conditions dans lesquelles travaillent les magistrats. « Le côté beaucoup plus noir c’est le manque de moyen de la justice. . De ce qu’il en

rendu compte que j’avais distri-

experts : tout paraissait compliqué. D’un coup, la grande misère de la justice. Manon Gauthier-Faure

En Inde, des montres pour lutter contre le viol

Un moniteur d’autoécole positif à l’alcool et au cannabis

De la viande de cheval à prix d’or sur ebay

Le gouvernement indien planche sur une montre avec GPS censée réduire la fréquence des viols. En cas de danger, appuyez sur le bouton : l’engin alerte votre famille et le commissariat le plus proche. Seul hic : vu le nombre d’agressions sexuelles et le peu d’empressement des policiers à enregistrer les plaintes, l’intervention des gardiens de la paix n’est pas garantie dénoncent les militantes des droits de la femme.

Contrôlé positif à l’alcool et au cannabis, un moniteur d’auto-école, originaire de la région lyonnaise, âgé de 54 ans a été placé en garde à vue. Il a été interpellé par la police après un accrochage avec un autre véhicule d’autoécole. Il participait à une opération escargot près de Valence (Drôme) pour protester contre les délais d’attente trop longs pour les examens de permis de conduire.

Lasagnes, moussaka et hachis parmentier chevalins sont en vente en édition limitée sur ebay. Des consommateurs britanniques tentent ainsi de faire contre mauvaise fortune bon cœur en revendant à prix d’or leurs produits «version viande de cheval». Il faut compter 70 livres sterling (81 euros) pour faire l’acquisition de lasagnes Findus «collector». Un plat convoité car tous les produits suspects ont été retirés des rayons.

EXPRESSO CLIN D’OEIL

08 - EXPRESSO - VENDREDI 15 FEVRIER


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