08 Expresso 2014

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EXPRESSO QUOTIDIEN DU MASTER DE JOURNALISME DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE - PROMO 2015

14 02 2014

L’ESSENTIEL FRANCE

P.2

Verdict attendu pour Vincent Lambert

n Le Conseil d’Etat

va se prononcer ce vendredi après-midi sur le maintien en vie de Vincent Lambert, tétraplégique depuis plus de cinq ans. Une décision attendue qui pourrait remettre en cause certains acquis au sujet de la fin de vie.

INTERNATIONAL

# 08

A Sotchi, Martin Fourcade emmène le sport français au sommet

Un gars en or

P.5

Enrico Letta poussé vers la sortie

Le président du Conseil italien a annoncé jeudi sa démission. Plus tôt dans la journée, Matteo Renzi, le patron du Parti Démocrate avait réclamé la formation d’un nouveau gouvernement.

n

ECO/CONSO

P.6

Les intermittents se rebiffent

n Le Medef propose

de supprimer le régime spécial de cotisation chômage des intermittents du spectacle. Ils ont occupé le ministère de la Culture.

CULTURE

P.8

La guerre des séries

n Sur fond de jeux de

pouvoir parmi les producteurs de séries TV, House of Cards signe son grand retour pour la Saint-Valentin.

PORTRAIT

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The Pirouettes : un amour de pop à la française n Ils sont jeunes,

heureux et amoureux. Pour la Saint-Valentin, le duo se produit ce soir à la Gaité Lyrique.

Martin Fourcade, premier double champion olymique français à Sotchi (crédit : Prisma Presse/Gala)

Martin Fourcade a récidivé ! Le biathlète français, déjà couronné le 10 février en poursuite, a remporté son deuxième titre au Jeux de Sotchi dans l’épreuve du 20 km n

individuel. Un doublé historique : c’est la première fois depuis 1968 qu’un Français remporte au moins deux médailles d’or au cours d’une Olympiade hivernale. PAGE 9


FRANCE SOCIETE Le Conseil d’Etat s’apprête à statuer sur la situation du malade

Vincent Lambert : la fin de vie, affaire de famille et d’éthique

A

16h ce vendredi, la famille Lambert sera fixée. Le Conseil d’Etat, saisi d’une demande en appel émanant de l’épouse de Vincent Lambert afin de voir cesser les soins palliatifs prodigués à son mari, a mis sa décision en délibéré et devrait se prononcer dans l’après-midi. A moins que la plus haute juridiction administrative ne s’en remette à une ultime expertise médicale pour mettre fin à ce feuilleton déjà trop long. Recours administratif

Vincent Lambert, ancien infirmier de 38 ans, est plongé depuis près de cinq ans dans un état végétatif suite à un accident de la route. En avril 2013, l’équipe médicale du CHU de Reims, où il est hospitalisé depuis le drame, a décidé de cesser de l’alimenter, constatant que l’état clinique de son patient ne s’était jamais amélioré. Prise avec l’accord de son épouse, cette décision a fait l’objet d’un

recours administratif engagé par ses parents. A deux reprises, le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne leur a donné raison. Le débat sur la fin de vie relancé

Deux camps s’opposent autour du sort réservé à Vincent. D’un côté, son épouse et son neveu se battent, au côté des médecins, pour abréger ses souffrances. De l’autre, ses parents, catholiques pour le moins convaincus, s’opposent farouchement à ce qu’ils considèrent comme « une mise à mort ». La loi Léonetti, en vigueur depuis 2005, régit l’accompagnement de fin de vie. Si elle proscrit explicitement l’euthanasie active, elle permet en revanche au corps médical, avec l’aval de la famille de cesser d’administrer au malade les nutriments qui le gardent en vie, lorsque cette alimentation est jugée inutile ou disproportionnée. En janvier, les juges administratifs de Chalons-en-Champagne avaient considéré qu’il n’y

Pierre et Vivianne Lambert, les parents de Vincent (Hervé Oudin/AFP)

avait pas lieu ici de l’appliquer, le patient, bien que tétraplégique grave, pouvant selon eux maintenir « un certain lien relationnel ». « La décision du Tribunal administratif est pour le moins surprenante », considère Me Jérôme Cayol, avocat de l’Ordre des médecins. « Le cas de Vincent Lambert est par-

faitement résolu par la loi Léonetti », poursuit-il. La décision du Conseil d’Etat devrait faire jurisprudence, et pourrait, à l’avenir, remettre en question le rôle des médecins, pourtant central d’après la loi. Ainsi, le débat autour de l’euthanasie serait relancé. o Gaspard Augendre

Le Sénat se penche sur l’euthanasie

Un débat qui divise les Européens

n Au mois de janvier 2011, la Com-

n La Belgique devient ce jeudi le deuxième pays du monde, après les Pays-Bas, à autoriser l’euthanasie pour les mineurs. Les conditions seront tout de même très strictes. Le mineur doit se trouver dans une « situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance » et être confronté à une « souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée ».

mission des affaires sociales du Sénat avait refusé que « l’assistance médicalisée pour mourir » soit légalisée en France. Jeudi 13 février et trois ans après, l’euthanasie était à nouveau en discussion au Palais du Luxembourg. Le texte présenté par la sénatrice du Maine-et-Loire Corinne Bouchoux et ses collègues d’EELV propose d’autoriser les malades conscients et atteints de maladie grave à être assistés dans leur volonté de mourir dignement.

Ce que prévoit la loi Léonetti

Car l’euthanasie active n’est pas autorisée en France. Cependant, la loi Leonetti, qui date de 2005 encadre la fin de vie. Elle interdit l’acharnement thérapeutique et légitime le droit de « laisser mourir ». Ainsi les médecins peuvent administrer des traitements antidouleur même si cela a « pour effet secondaire d’abréger la vie ». La proposition de loi démontre la volonté des Verts de remettre la fin de vie au cœur des débats parlementaires. Sur Europe 1 jeudi matin, Jean-Marc Ayrault est resté prudent : « Si on doit légiférer, il faudra le faire avec la recherche du consensus le plus poussé » Il a rappelé les inten02 - EXpresso - Vendredi 14 fevrier

La loi Léonetti est débattue au Sénat

tions du Président, désireux de faire évoluer la loi sur la fin de vie. Saisi, le Comité national d’éthique rendra son avis avant la fin du mois.Aujourd’hui, en France, aider à mourir est considéré comme un assassinat. Il y a trois ans, après que le Sénat avait refusé la proposition de loi sur l’euthanasie, le Premier ministre d’alors, François Fillon, écrivait dans une tribune au Monde : « La question est de savoir si la société est en mesure de légiférer pour s’accorder le droit de donner la mort. » Nouveau round ? o Pierre Adrian

L’euthanasie dépénalisée dans les pays du Benelux

Aux Pays-Bas, l’euthanasie active directe est dépénalisée depuis 2002. La pratique est toutefois très encadrée : le patient qui en fait la demande doit être en pleine possession de ses moyens. Sa maladie doit être considérée comme grave et incurable, lui causant des souffrances « insupportables et interminables ». Un second médecin pourra alors confirmer ce diagnostic, et signaler la mort aux autorités. L’euthanasie est autorisée pour les enfants de moins de 12 ans depuis 2004, et l’avis des parents peut suppléer celui de l’enfant.

Dans la liste des pays opposés à l’euthanasie, la France et l’Italie considèrent tous deux l’euthanasie active, soit l’administration par un tiers d’une substance létale au patient, comme un homicide volontaire. Quant à l’euthanasie passive, qui consiste à arrêter les traitements, l’alimentation et l’hydratation artificielle, ou à administrer des sédatifs à haute dose, le code pénal italien prévoit une peine allant de 6 à 15 ans de réclusion. La Suisse est un des rares pays à autoriser le « suicide assisté ». Le patient peut s’administrer luimême une potion létale. La plupart des autres Etats européens tolèrent plutôt, une autre forme d’aide à la mort, l’euthanasie passive. En Suède par exemple, un malade a le droit de refuser d’être soigné, et les Danois peuvent même laisser un « testament médical » que le médecin doit respecter en cas d’accident grave ou de maladie incurable. Ainsi, qu’il s’agisse d’euthanasie active, passive, ou de suicide assisté, il n’y a pas d’harmonisation en Europe sur le sujet. o Lilia Hassaine


FRANCE POLITIQUE Les immatriculations des VTC sont reportées

Les taxis parisiens rentrent dans le rang

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ean-Marc Ayrault a senti le danger. A l’approche des municipales, le premier ministre ne pouvait laisser la capitale paralysée par l’« opération escargot » des taxis, une situation désastreuse pour la candidate socialiste Anne Hidalgo. Soucieux d’accélérer un retour à la normale, le chef de l’exécutif a opté jeudi 13 février pour un gel des immatriculations de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) jusqu’à la fin de la médiation entre les taxis et leurs nouveaux concurrents. Il a ainsi répondu à l’appel des chauffeurs de taxi qui menaçaient au petit matin de poursuivre la grève si le report des immatriculations de VTC n’était pas ordonné. Nordine Dahmane, secrétaire général adjoint de FO-taxis, a évoqué une « décision courageuse » avant de mettre fin au mouvement. Une colère apaisée Depuis lundi, les chauffeurs de taxi s’étaient lancés dans une grève reconductible pour protester contre cette concurrence jugée « déloyale ». A l’origine de leur

en bref Un adolescent de 13 ans retrouvé pendu n C’est le père de famille qui, rentrant déjeuner à la maison vers 12h15, a fait la macabre découverte. Son fils était pendu à son lit, avec les « pieds et mains liés ». L’enfant était en parti dévêtu. Les enquêteurs écartent de manière catégorique la piste criminelle et privilégient plutôt la piste d’un jeu qui aurait mal tourné.

Fonctionnaires : Ayrault dément n Jean-Marc Ayrault a dé-

Fin de la grève pour les taxis de la capitale (AFP) colère, la suspension du décret imposant aux véhicules touristiques un délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge du client. Mardi 11 février, pour tenter de rétablir le calme, le gouvernement confiait une mission de concertation au député Thomas Thévenoud, sans que cette nomination n’apaise

pour autant les taxis. Si le médiateur socialiste dispose désormais de deux mois pour faire connaître ses propositions, la décision de Matignon devrait calmer dès à présent la grogne des usagers. Les embouteillages s’achèvent, la gauche parisienne peut respirer. o Grégoire Belhoste

PME Le ras-le-bol fiscal des entrepreneurs

menti jeudi que le gel des primes et avancements des fonctionnaires soit à l’étude au gouvernement. « Ce n’est pas vrai (...) Pourquoi annoncer de fausses nouvelles? (...) On n’est pas dans le concours Lépine des économies », a dit le Premier ministre sur Europe 1, en réponse à Bruno Le Roux, president du groupe PS à l’Assemblée, qui avait annoncé hier que ces mesures étaient sur la table. L’hypothèse avait suscité les foudres des syndicats.

Affaire Kerviel : décision repoussée au 19 mars

La longue marche des petits patrons vers la capitale n 445 kilomètres à pied ça use. Pourtant, six petits patrons du Poitou-Charentes sont résolus à les parcourir pour faire entendre leurs voix jusque dans la capitale. Partis de Niort le 2 février dernier, ces membres de l’association « Sauvons nos entreprises » ont entamé une marche vers Paris pour protester contre la lourdeur des cotisations sociales et les dysfonctionnements du régime social des indépendants (RSI). Déçus par l’absence de réaction du gouvernement après leurs lettres ouvertes adressées depuis octobre 2012 au président de la République et à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, ils ont changé de tactique. Fin de partie le 27 février

Ils ont pris la route « sans haine et sans violence ». Au programme ce vendredi, départ de Tours à 8h30, arrivée à Amboise vers 16 heures, un trajet de 25 kilomètres.

Les six hommes marchent déterminés (France3)

C’est Pascal Geay, un plaquiste rochelais dont la société a été liquidée en 2012, qui a fondé le collectif. Juste avant son départ, il confiait à La Nouvelle République, « nous n’acceptons pas le taux de cotisation au RSI de 57 % de nos revenus ». Il dénonçait également le dysfonctionnement et l’opacité de cette caisse demandant « la démission de ses prin-

cipaux dirigeants ». Depuis 2006, les réseaux de protection sociale des artisans, des commerçants et des professions libérales (pour la maladie uniquement) ont fusionné. L’objectif : rassembler sous le même régime 5,6 millions de chefs d’entreprise indépendants et leur fournir un interlocuteur social unique. Une réforme précipitée et défaillante, vivement critiquée dès 2012 par la Cour des comptes. Leur périple devrait s’achever à Paris le 27 février. Ils appellent à cette occasion au rassemblement devant Bercy, « Sortez des ateliers, des bureaux, de vos champs, camarades ! » entonnent-ils dans leur « Chant des Artisans, commerçants et indépendants ». Sur leur site, les appels aux dons et aux soutiens ont reçu peu de réponses pour le moment. Les petits patrons ont peut-être vu trop grand. o Angèle Guicharnaud

n Le pourvoi de Jérôme Ker-

viel a été examiné hier par la Cour de cassation. Elle se prononcera le 19 mars. L’ancien trader de la Société générale se trouve désormais sous la menace d’une incarcération en cas de rejet. Un peu plus de six ans après la révélation des faits, il continue de se battre et de clamer son innocence.

Le preneur d’otages de Pôle emploi condamné n Il avait pris en otage deux

dirigeants de l’agence Pôle emploi de la rue Pelée (11e) à Paris, en octobre 2011. Le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné jeudi à trois ans d’emprisonnement dont dixhuit mois ferme.

Vendredi 14 Fevrier - EXpresso - 03


international AFGHANISTAN Hamid Karzai s’affirme et libère 65 talibans présumés

Priorité à la réconciliation

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ans la matinée du jeudi 13 février, 65 prisonniers ont quitté l’enceinte de la prison de Bagram, baptisée le « Guantanamo d’Orient ». Le gouvernement afghan a pris la décision de libérer ces présumés talibans du centre de détention situé au nord de Kaboul. La réaction des Etats-Unis a été immédiate. Pour la diplomatie américaine, ce choix est « profondément regrettable », et considéré comme « un pas en arrière pour l’état de droit ». Une transition politique et sécuritaire En Afghanistan, le climat de terreur menace déjà l’état de droit. La sécurité nationale, quasi inexistante, est une gageure pour le gouvernement afghan. D’ailleurs, les chiffres le prouvent. Début février, l’ONU publiait un rapport sur les victimes civiles en Afghanistan. En 2013, près de 3 000 civils ont été tués, soit 7% de plus qu’en 2012. La situation ne s’améliore pas. En outre, deux événements risquent de bousculer l’équilibre interne déjà très fragile de l’Afghanistan. Hamid Karzai, l’actuel chef de l’Etat, doit quitter ses fonctions à l’issue de l’élection présidentielle prévue pour le 5 avril. Après deux mandats, il ne peut se représenter. Les menaces d’attentats et

Le président afghan Hamid Karzai s’émancipe de Washington (crédit : Telegraph /Getty Images)

de corruption pèsent déjà sur le scrutin. Enfin les troupes de l’OTAN doivent quitter le pays en 2014, laissant les forces nationales gérer seules le pays. Pourquoi, alors, cette décision du gouvernement de libérer ces détenus ? Tout d’abord, elle est symbolique. Les Etats-Unis ont eu le contrôle de Bagram, avant de le transmettre aux autorités

afghanes il y a un an. Cette rupture avec la politique américaine représente l’affirmation de la souveraineté nationale afghane. Se libérer de l’hégémonie américaine Le gouvernement, accusé par ses opposants d’être « la marionnette » des Etats-Unis, a montré ce jeudi une forme

d’autorité et d’indépendance. «J’espère que les Etats-Unis vont arrêter de harceler les aurorités afghanes» a déclaré M. Karzai. Plusieurs analystes voient aussi dans ces libérations un geste d’apaisement du pouvoir envers les talibans afin de les convaincre d’accepter des pourparlers de paix. o Claire de Roux

ALGERIE L’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika plonge le pays dans l’incertitude politique

A Alger, la guerre des clans a commencé n Dans les plus hautes sphères du pouvoir algérien, une date occupe les esprits : le 17 avril 2014, jour de l’élection présidentielle. À mesure que cette échéance approche, les tensions montent au sein de l’armée. Le président Abdelaziz Bouteflika, maintenu au pouvoir depuis 1999 malgré ses 76 ans et son récent AVC, est poussé par son parti le FLN à se représenter pour un quatrième mandat. Mais lui se tait sur sa candidature. Ses récentes apparitions ont jeté une lumière dérangeante sur son état de santé défaillant. Cette incertitude politique agite la guerre des clans. Au sein de l’armée, deux groupes s’affrontent. D’un côté l’état 04 - EXpresso - Vendredi 14 FEVRIER

major dirigé par Ahmed Gaïd Salah, de l’autre la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS) dont le chef est le général Mediène, dit « Toufik ». Ces deux hommes détiennent les clés de l’avenir de l’Algérie. Ahmed Gaïd Salah, allié du clan présidentiel, est un militaire « qui ne connait pas la marche arrière » selon un connaisseur interrogé par Le Monde. Toufik, lui, fut le patron incontesté du renseignement depuis 1990 et l’homme le plus puissant du pays... jusqu’en 2013. Car depuis un an le rapport de force a changé. L’état major s’applique à réduire le pouvoir du chef du renseignement. Habitué à manoeuvrer dans le secret, le redouté Toufik, dont la photo

n’a jamais été diffusée dans la presse, s’est opposé à la possible candidature de Bouteflika. Règlements de comptes et mises à la retraite d’office ponctuent l’actualité algérienne. Le spectre de la guerre civile Récemment, le chef du FLN s’en est pris violemment dans les médias à ce général de l’ombre. Du jamais vu. Pour circonscrire ce début d’incendie, le clan Bouteflika a saisi l’occasion du crash aérien pour glisser jeudi, parmi ses condoléances aux familles, un appel à la cessation des hostilités. Le quotidien algérien El Watan rappelle dans son édition de jeudi que Bouteflika aussi bien

que Toufik incarnent le système : « ils sont les deux faces d’une même pièce ». Dans cette atmosphère de fin de règne, les partisans du statu quo craignent un bouleversement trop brutal pendant la transition. Le pays reste fragile, avec de nombreuses armes en circulation, des chefs de guerre toujours présents, et des révoltes menaçantes. Les violences intercommunautaires survenues en janvier dans la région de Ghardaïa, à 600 kilomètres au sud d’Alger, constituent un sinistre avertissement. Personne n’a oublié la « décennie noire », démarrée en 1991, qui opposa l’armée à divers groupes islamistes. o Jérôme Garro


INTERNATIONAL ITALIE Le président du Conseil Enrico Letta poussé vers la sortie

Matteo Renzi, le jeune loup n L’Italie est de nouveau plongée dans la crise politique. Le président du Conseil Enrico Letta a présenté sa démission jeudi 13 février en fin d’après midi. Il a été poussé dehors par un membre de son propre parti, Matteo Renzi. Ce n’est pas la première fois que ce jeune loup de 39 ans qui préside le Parti Démocrate rue dans les brancards. Depuis son accession à la tête du parti le 8 décembre dernier, le très populaire maire de la ville de Florence n’hésitait pas à critiquer ouvertement le chef du gouvernement. Porté par des sondages flatteurs (54% des Italiens déclarent avoir un avis favorable sur lui) contre seulement 24% pour Enrico Letta), il dénonçait la lenteur et le manque de détermination d’Enrico Letta soutenu par seulement 24% des Italiens. Cette fois, il lui a bel et bien planté un couteau dans le dos. A 16 heures, au terme de la réunion de son parti, il a publiquement demandé au chef du gouvernement de démissionner pour « changer d’horizon ». « La direction du Parti Démocrate tient à remercier Enrico

Letta mais nous avons besoin d’un nouvel exécutif » a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. « Nous devons sortir du marais avec un projet radical » a-t-il insisté. Enrico Letta qui, la veille, avait affirmé sa volonté de rester à son poste n’ a pu que s’incliner. Il était installé au pouvoir depuis huit mois, à la tête d’une improbable coalition réunissant le Parti Démocrate et le Nouveau Centre-Droit, la formation d’Angelino Alfano, proche de Silvio Berlusconi. Il semblait avoir accepté le poste par dévouement mais sans véritable envie. Son flegme n’a pas résisté à l’ambition de Matteo Renzi. Lutte fratricide Le dynamique Matteo Renzi se défend d’avoir « une ambition démesurée ». « Qui fait de la politique, a le devoir de prendre des risques » insiste-t-il en jurant qu’il ne s’agit pas d’un calcul purement personnel. De fait, il a cédé aux appels répétés du centre-gauche et des patrons, inquiets de l’immobilisme qui menaçait le précédent gouverne-

A moins de quarante ans, Matteo Renzi ambitionne d’être le futur Président du Conseil (crédit : DPA)

ment. Toute une série de décrets lois sont aujourd’hui bloquées alors que l’Italie sort très lentement de la crise. Le leader du patronat, Giorgio Squinzi, avait lancé il y a peu un ultimatum au gouvernement Letta. Au sein du Parti Démocrate aussi l’impatience montait. Jeudi 13 février

VENEZUELA Les étudiants et l’opposition manifestent à Caracas

La rue défie Nicolas Maduro

A

u Venezuela, les tensions s’exacerbent. Mercredi 12 février, des milliers d’étudiants et de militants d’opposition ont défilé contre la politique du gouvernement de Nicolas Maduro. En marge de ces manifestations, trois personnes ont été tuées par balle. Depuis plus d’une semaine, le mouvement étudiant condamne la politique économique du gouvernement et l’insécurité croissante dans le pays.

Le pouvoir dénonce un coup d’Etat

D’après l’AFP, des militants pro-gouvernementaux s’en sont pris à des journalistes d’agences de presse en leur subtilisant des caméras, qui contenaient des images d’étudiants visés par des tirs de gaz lacrymogène. Par ailleurs, le Syndicat National des travail-

leurs de presse a indiqué que deux journalistes avaient été arrêtés. Voulant éviter « les tentatives de coup d’Etat », Nicolas Maduro a demandé le renforcement de la sécurité dans les principales agglomérations du pays. « La démocratie continuera, la révolution continuera » a assuré le président. Maduro mis en difficulté

Onze mois après la mort de son mentor, le successeur d’Hugo Chavez fait face actuellement à de nombreuses difficultés sur le plan économique et social. L’inflation du bolivar a atteint 56,3% en 2013 et le Venezuela a connu, au cours de l’automne, plusieurs pénuries de produits de première nécessité comme le lait et le sucre. Pourtant, le gouvernement de Nicolas Maduro était sorti vainqueur des élections muni-

cipales en décembre 2013. En remportant quinze des vingtquatre capitales d’Etat du pays, le parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) a confirmé qu’il restait la première force politique du pays. Mais l’écart entre le PSUV et l’opposition se réduit de plus en plus. En décembre, Henrique Capriles, l’ancien adversaire de Nicolas Maduro, qui avait obtenu 49,12% des voix lors de l’élection présidentielle d’avril 2013 exigeait « un dialogue », faisant le constat d’un « pays divisé ». Aucune nouvelle élection n’est prévue en 2014 et les chavistes gardent un avantage politique de plus en plus mince. Une dégradation de la situation économique, comme une dévaluation, serait très impopulaire et pourrait faire basculer le pays dans une nouvelle spirale de violence. o Alexis Guilleux

plusieurs journaux italiens prédisaient la nomination de Matteo Renzi dès ce week-end. A 39 ans, l’ambitieux Florentin deviendrait ainsi le plus jeune chef du gouvernement de toute l’histoire de la République italienne. o Brice Laemle

en bref Pas de défaut de paiement aux Etats-Unis n C’est officiel, le Congrès ne

provoquera pas de défaut de paiement des Etats-Unis cette année : il a autorisé le gouvernement à emprunter sans limite jusqu’en mars 2015. Jusque là, le Trésor pourra donc dépasser la limite légale de la dette de 17 211 milliards de dollars. Le vote marque une victoire politique pour Barack Obama dans son bras de fer avec l’opposition à la chambre.

Attentat à la bombe contre l’ONU en Somalie n Un véhicule transportant des employés de l’ONU a été visé par une explosion jeudi à Mogadiscio. Selon les Nations Unies, aucun membre du personnel n’a été touché, mais six personnes au moins ont trouvé la mort. L’attentat a été revendiqué par les islamistes somaliens shebab liés à AlQaïda. Vendredi 14 FEVRIER- EXpresso - 05


ECO/CONSO SOCIAL Le patronnat veut modifier les règles d’allocations chômage

Des intermittents scandalisés

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eudi 13 février, Denis Gravouil, le secrétaire national de la CGT-Spectacle est en colère. « Le Medef allume le feu ! », lance-t-il dans le hall du bâtiment du syndicat des patrons. La cause de cette colère ? Les propositions dévoilées par l’organisation patronale mercredi pour réformer l’assurance-chômage. Un peu plus tôt dans la matinée, le négociateur CGT Éric Aubin était arrivé au siège du Medef en déchirant le projet de réforme du patronat. Au premier jour des négociations pour l’accord national interprofessionnel relatif à l’indemnisation du chômage, le Medef a proposé une série de mesures choc pour combler le déficit de l’assurance chômage qui s’élève à 17 milliards d’euros. Parmi elles, la suppression du régime d’indemnisation spécifique des intermittents du spectacle. Ce régime assure une indemnisation chômage de huit mois pour une cotisation de trois mois et demi, alors que le reste des actifs sont indemnisés à hauteur des jours travaillés. Le négociateur de la CGT est catégorique, « les annexes 8 et 10 sont en danger ». Ces annexes de l’assurance chômage, objet de toutes les intentions, prévoient des indemnités chômage supérieures au reste des assurés pour les intermittents du spectacle. Rouage de l’exception culturelle française, ce régime d’exception bénéficie

Une cinquantaine d’intermittenst ont occupé le ministère de la Culture (Crédits : Flavian Charuel).

à quelques 112 000 personnes, soit 3,5% des allocataires de l’assurance chômage. Un régime qui coûte

Sauf que cette exception a un coût exorbitant. Selon la Cour des Comptes, on parle d’un déficit d’environ un milliard d’euros. En 2003 déjà, un durcissement

des conditions d’obtention du statut d’intermittents avait provoqué une annulation de festivals comme celui d’Avignon. La fronde avait duré jusqu’en 2007 et un fond d’aide avait été créé par l’Etat pour éteindre les mobilisations.Cette question, ultrasensible, n’avait donc pas été abordée depuis 2007. Mais la

Les propositions du Medef

Le Medef ne s’arrête pas à la seule proposition de supprimer l’exception des intermittents. Il souhaite frapper fort en cassant la règle actuelle du «un jour cotisé égale un jour indemnisé». Le but est de lier les indemnités avec le taux de chômage : plus de chômage, plus d’indemnité et inversement. Le patronat propose de faire cotiser les contractuels de la fonction publique et enfin de clarifier le système pour le rendre plus incitatif à la reprise d’emploi.

crise économique, les niveaux intenables des déficits publics et un chômage qui flirte avec les 10% de la population active sont passés par là. Dans l’après-midi du 13 février, une cinquantaine de militants de la CGT-Spectacle ont décidé d’occuper le ministère de la Culture pour protester contre la remise en cause de l’existence de leur statut. « C’est normal que l’allocation participe à nous soutenir. Le taux d’indemnisation concerne le travail, et l’intermittence est un travail », lance un syndicaliste. L’issue de la négociation dira s’il a raison. o Flavian Charuel et Simon Fontvieille

MEDEF Pierre Gattaz revient sur ses déclarations

Partie de poker menteur autour du pacte de responsabilité n Jean-Marc Ayrault l’a répété

jeudi au micro d’Europe 1 : « La nation va consentir des efforts pour que les entreprises augmentent leurs marges, mais il faut des contreparties, notamment en matière d’emploi ». Depuis quelques jours, la tension est montée d’un cran entre le gouvernement et Pierre Gattaz, le président du Medef. Le 11 février, alors à Washington avec la délégation française, il a en effet affirmé qu’il n’était pas question de contreparties en échange de la baisse des charges promises dans le pacte de responsabilité. « On n’est pas dans une cour 06 - EXPRESSO - VENDREDI 14 FÉVRIER

d’école ! » a-t-il lancé à la presse. Intolérable pour Bruno Le Roux, le patron des députés PS ! Mardi 12 février, sur LCP, c’est lui qui ajuste le tir et fait feu. « Il ne peut pas y avoir de pacte sans contrepartie », déclare-t-il aux journalistes qui l’interrogent en menaçant de négocier « le pacte de responsabilité » présidentiel avec l’organisation représentant les PME, la CGPME. Et le député de Seine-Saint-Denis de continuer son hymne aux petites entreprises pour mieux mettre la pression sur les mastodontes du CAC 40 : « Je souhaite une mesure dirigée vers

ces PME (…). Je rencontre des chefs d’entreprise tous les jours qui acceptent la conditionnalité des aides », dit-il. Volte-face

Une stratégie du coup de force qui s’est avérée payante si l’on en juge la volte-face du patron des patrons français. « Je n’exclus pas des engagements chiffrés qui seraient des objectifs à partager sur la base d’estimations », a déclaré Pierre Gattaz mercredi 12 février depuis l’avion du président Hollande, en visite d’Etat aux Etats-Unis. C’est tout l’enjeu du « New Deal » proposé par le président de la République lors

de sa conférence de presse du 14 janvier. La suppression des cotisations familiales payées par les entreprises contre des embauches et des investissements sur le sol français. Un effort estimé à près de 30 milliards d’euros. La première table ronde sur le dossier entre les acteurs sociaux et les pouvoirs publics est prévue pour le 28 février. Le gouvernement compte aller vite : il veut que la négociation aboutisse en mars pour que le Parlement puisse voter le projet de loi en avril. Une course contre-la-montre motivée par l’état de l’économie française. o Simon Fontvieille


ECO/CONSO CONSOMMATION Le projet de loi adopté au Parlement

Class action à la française n C’est une première. L’action

de groupe arrive en France. Inspirée de la class action, très populaire aux Etats-Unis, elle permettra, dans les cas de demandes de réparations de nombreux consommateurs, de les rassembler à la condition que l’action en justice soit au nom d’une association de défense du consommateur agréée. Cette condition est destinée à éviter la situation américaine dans laquelle les plus grands cabinets d’avocats multiplient les contentieux afin de profiter financièrement de ces recours collectifs. L’arrivée de l’action de groupe a pour but de limiter les barrières à l’action en justice auxquelles les consommateurs doivent faire face (coût de la procédure en temps et en argent). Elle fait partie du projet de loi relatif à la consommation adopté par l’Assemblée nationale jeudi 13 février, après

avoir été adopté par le Sénat, la veille. Protection des consommateurs

L’idée courait depuis des lunes mais les entreprises s’y sont longtemps et fermement opposées. Ce projet de loi avait été défendu par le ministre chargé de l’Economie sociale et solidaire et de la consommation, Benoît Hamon comme devant « améliorer la vie quotidienne des Français », avec pour objectif une meilleure protection

des consommateurs. Selon le texte du projet de loi, l’action de groupe devrait aussi pouvoir s’attaquer aux entorses au droit de la concurrence. En juin 2013, l’association UFC-Que Choisir saluait le projet de loi de Benoît Hamon. Mais il émet des réserves sur l’action de groupe, en pointant notamment la lourdeur qu’entraînerait le passage par une association de défense du consommateur. o Florian Reynaud

Les autres mesures Le projet amène, pêle-mêle, la vente de tests de grossesse en grandes surfaces, un délai de rétractation doublé pour les achats en ligne (de 7 à 14 jours), une obligation pour les restaurateurs d’indiquer les produits préparés sur place, ou encore la mesure très décriée par les opticiens d’ouverture des verres et lentilles à la vente en ligne, avec de nouvelles contraintes pour protéger le consommateur. Si une tarification des parkings à la minute avait été initialement proposée, le projet de loi finalement adopté a penché pour une tarification au quart d’heure qui s’appliquera dès 2016.

TEXTILE Le bilan, deux ans après la liquidation

Lejaby, phénix de la lingerie française n C’était il y a deux ans. Le

18 janvier 2012, le tribunal de commerce de Lyon mettait en liquidation la célèbre maison de lingerie Lejaby, localisée à Rillieux-la-Pape (Rhône). Plus de 80 ans de success story à la française, balayés pour cause de délocalisations dans les années 1990 vers des destinations où la main-d’œuvre, moins coûteuse, est également moins formée. La sanction tombe. La touche Lejaby s’est envolée. Les ventes déclinent. La marque s’effrite. Lorsque, en 2012, l’homme d’affaires Alain Prost se voit confier la tâche de redresser la maison de lingerie, ce sont les ruines d’une légende de l’industrie textile qu’il retrouve. « En 2008, le chiffre d’affaires était de 80 millions d’euros. Quatre ans plus tard, il était descendu à 20 », déclare-t-il à l’époque. Dès lors, l’investisseur change de cap. Des cendres de la désuète Lejaby, naît la fringante « Maison Lejaby ». Avec son nouveau logo rappelant l’Ancien Régime, des plumes d’autruche en forme de fleur de lys, le phénix de la lingerie élabore une nouvelle allure « boudoir » et prône comme l’indique son dernier slogan, un « esprit cou-

EN BREF Véhicules dangereux rappelés par General Motors n General Motors a annoncé

qu’il allait rappeler près de 780 000 véhicules en Amérique du nord. En cause : un problème d’allumage qui pourrait venir d’un surpoids du porte-clés, et peut brusquement arrêter le moteur ou empêcher le fonctionnement d’autres équipements importants comme les airbags. Le constructeur américain dit avoir eu connaissance de vingt-huit accidents dont six mortels.

La SNCF dans le rouge en 2013 n La SNCF a enregistré une

perte nette de 180 millions d’euros en 2013 alors que ses bénéfices s’élevaient à 376 millions d’euros en 2012. Dans un communiqué publié jeudi 13 février, la société explique ses difficultés par la hausse des péages qu’elle doit verser à Réseau ferré de France (RFF) ainsi qu’à la baisse de fréquentation des TGV depuis un an et demi (-0 ,7% en 2013 contre +0,1% en 2012).

L’immeuble de Libération au cœur d’un montage financier ? n Selon le site Médiapart,

l’immeuble du journal Libération serait détenu et géré par plusieurs sociétés établies au Luxembourg, aux Iles Vierges britanniques ou encore au Panama. Un montage financier qui aurait attiré le fisc français, ce dernier réclamant aux propriétaires plus de 40 millions d’impayés. Bruno Ledoux, un des propriétaires, est également actionnaire de « Libé ».

Les Atelières ont aussi confectionné la collection de Zahia.

ture à la française ». « Mon objectif, c’est de faire renaître la lingerie de luxe 100% made in France, cousue main » résume Alain Prost. 40% des emplois sont sauvegardés. Cocarde révolutionnaire

Le chiffre d’affaires 2013 progresse de 15% par rapport à l’année précédente, notamment grâce aux nombreuses exportations vers la Russie ou le Moyen-Orient dont les femmes affichent un goût prononcé pour l’étoffe Lejaby. D’autres couturières, remerciées, tentent de leur côté l’aventure « Les Ate-

lières ». Avec sa cocarde révolutionnaire en guise de logo, la coopérative fait un joli pied de nez à son ancienne société. Mais les liens ne sont pas pour autant rompus. Les Atelières ont signé en 2013 un accord avec Maison Lejaby afin de confectionner une partie des collections de sa gamme haute couture. Leur avenir s’annonce pourtant moins radieux. En novembre 2013, à l’issue d’une visite du ministre de la Consommation Benoît Hamon, Les Atelières faisaient publiquement appel à des fonds. o Yoann Giammetta

ESPRESSO QUOTIDIEN

Institut Français de Presse, Paris II 92, rue d’Assas 75006 Paris Quotidien école M1. Février 2014. Directeur de la publication : JeanBaptiste Legavre. Sous la direction de Françoise Fressoz, rédactrice en chef et Fabien Rocha, éditeur en chef. Chefs de service : Grégoire Belhoste (France), Alexis Guilleux (International), Simon Fontvieille (Eco/Conso), Robin Braquet (Culture et Sport). Chef d’édition : Maxime Lebufnoir


CULture EVENEMENT La 29e cérémonie risque de se dérouler sans surprise

Victoires et déboires de la musique n « Est-ce qu’on peut encore

sente une grande partie des meilleures ventes en France ces dernières années, le genre est pourtant relayé au second plan. Regroupés dans une catégorie fourre-tout à savoir Musiques urbaines, les rappeurs continuent à boycotter la cérémonie, et leurs nombreux fans avec. « Il n’y a pas de catégorie spécifique au rap, ce qui ne correspond pas à la réalité du marché », fustigeait l’artiste Kery James déjà en 2009.

toucher le ciel quand on a plus vingt ans? », se demande Johnny dans son dernier titre. Probablement pas, mais on peut toujours être nommé aux Victoires de la musique. Eddy Mitchell, Laurent Voulzy, Vanessa Paradis, Indochine… Non non, ce ne sont pas les artistes en lice pour une cérémonie des années 1980 mais bel et bien pour celle qui a lieu vendredi 14 février 2014. Sans doute est-ce normal de récompenser aussi les grands noms de la chanson française, et d’ailleurs la description de l’événement est claire: « Les Victoires de la musique proposent une photographie de la scène musicale française et récompensent des artistes confirmés et de jeunes talents ». Mais pourquoi toujours les mêmes artistes confirmés ?

Diversité relative

Le rap sous-représenté

Neuf années de nominations pour Vanessa Paradis, en plus de vingt ans de carrière, sept pour Indochine, huit pour Johnny… Certes leur carrière est longue, et n’est pas terminée, mais difficile dans ces conditions de changer l’image « ringarde » de l’événement. « On ne battra jamais en retraite, on a encore tant de choses à offrir », promet d’ailleurs dans sa

Laurent Voulzy, récompensé aux Victoires de la musique 2012. (Crédit: François Durand)

dernière chanson celui qu’on surnommait « l’idole des jeunes ». Toutefois, d’année en année les organisateurs essayent de rendre la cérémonie plus jeune et attractive. Notamment en

s’intéressant un peu plus au rap, avec Booba, La Fouine ou encore Orelsan nommés en 2012, Disiz en 2013, et enfin le groupe 1995 cette année. Mais alors que le rap repré-

Enfin, malgré la diversité apparente, avec pas moins de trente artistes différents sélectionnés, beaucoup d’entre-eux sont nommés plusieurs fois, et parfois dans la même catégorie. Prenons par exemple Stromae. Sur les trois nominés de la section « Vidéo clip », l’artiste apparaît deux fois, avec « Papaoutai » et « Formidable ». Pourtant, ce ne sont pas les artistes français qui manquent. Si sur le papier les Victoires de la musique donnent l’impression de s’ouvrir à de jeunes artistes indépendants et innovants, comme La Femme, Gesaffelstein ou encore 1995, en réalité, les spectateurs ont peu de chance d’être surpris par les vainqueurs. o Marine Zambrano

ECRANS A l’instar de Netflix, les producteurs de séries télé changent de visage

House of Cards, la nouvelle donne

P

our la Saint-Valentin, Netflix abat ses plus beaux atouts. Sur la table, Kevin Spacey en duo insaisissable avec l’imposante Robin Wright. Le requin du Congrès américain – qui prend le spectateur à témoin de ses pires magouilles – revient pour une deuxième saison. Les treize épisodes sont dévoilés d’un seul coup. C’est la touche Netflix. La plateforme de vidéo à la demande par abonnement (sVoD) produit désormais ses propres séries : House of Cards, pilotée par David Fincher, puis Orange is the New Black. A chaque fois, Netflix se félicite de ses bons scores, mais ne les communique pas. Une chose est sûre, les 110 millions de dollars misés au lancement de la première saison témoignent d’une 08 - Expresso - Vendredi 14 Février

dios entre dans la partie. Face au poker menteur de Netflix, l’approche est plus conventionnelle. Huit pilotes de séries ont été présentés aux internautes, pour un visionnage en streaming gratuit. Amazon scrute les évaluations en ligne, en parallèle des traditionnels groupes test, censés désigner les potentiels projets à succès. Entrepreneurs geeks

Franck Underwood vendredi.

revient

volonté de jouer dans la cour des plus grosses productions télévisuelles. En 2012, un an après l’annonce du projet Netflix, Amazon Stu-

Les épisodes qui récoltent le plus de réactions positives débouchent sur la signature d’un contrat, en vue d’une commande massive. Le processus de production a déjà accouché de Alpha House en 2013, une série comico-politique sous la houlette de Garry Trudeau, prix Pulitzer du dessin de presse en 1975. Plus récemment, Betas,

le second bébé de Amazon Studios a vu le jour. Une comédie autour d’entrepreneurs geeks dans la Silicon Valley. La veille du 14 février, deux gros players du câble américain ont annoncé leur mariage. Comcast, propriétaire de la chaîne NBC, avale Time Warner Cable pour 33 milliards d’euros. La fusion rebat les cartes dans le secteur explosif de la production de séries. A l’heure des négociations pour un débarquement en France de Netflix, Canal+ commence à sentir le filon lui échapper. Le coup d’envoi de la nouvelle saison de Braquo s’est fait dans la gratuité, pendant sept jours, sur Youtube. Une nouveauté pour cette série française, tentative à peine cryptée de rester dans le game. o Robin Braquet


sport BIATHLON Deuxième titre olympique consécutif en 20 kilomètres individuel

La ruée vers l’or de Martin

P

our prendre la mesure de l’événement, il faut remonter plus de 40 ans en arrière. En 1968, à Grenoble, le skieur Jean-Claude Killy remportait trois médailles d’or. Depuis, aucun sportif français n’était parvenu à décrocher deux titres sur une même édition des Jeux olympiques d’hiver. Hier, Martin Fourcade l’a fait. Sous le soleil quasi-tropical de Sotchi – où l’on a enregistré des relevés de température atteignant les 16 degrés – jeudi 13 février, le biathlète est entré dans l’Histoire en remportant l’épreuve du 20 kilomètres individuel après s’être imposé, lundi, à la poursuite. La course contre-la-montre aurait pourtant pu mieux s’engager. Fidèle à son style, Martin Fourcade prend tout son temps au premier pas de tir et réussit ses cinq premiers coups. Mais au deuxième tir, il commet une faute qui le pénalise d’une minute. On ne l’y reprendra plus : au final, le Français réalise un 19/20 au tir. Grâce à son point fort, le ski de fond, il fonce sur la piste, rattrape sa minute de pénalité et

devance de 12 secondes l’allemand Erik Lesser, auteur d’un sans-faute au tir, mais trop loin du niveau de Martin Fourcade au ski de fond. Le russe Evgeniy Garanichev complète le podium. Rester concentré

Avec toute la modestie et l’ambition qu’on lui connaît, Martin Fourcade n’a pas explosé de joie en apprenant son sacre. « Je n’avais rien à prouver à personne », a-t-il déclaré à la télévision française. « Tout ce que je fais, je le fais pour moi ». Si le champion ne se laisse pas encore aller, c’est qu’il compte bien rester concentré jusqu’à la semaine prochaine. Car sa ruée vers l’or pourrait se poursuivre : dimanche 16 février, il s’élancera sur la course en ligne avant de prendre part aux relais mixtes (19 février) et hommes (22 février). Jeudi, le français Jean-Guillaume Béatrix, médaille de bronze à la poursuite, a d’ailleurs jugé bon d’alerter ses adversaires : « On va présenter un super relais. On est une équipe qui a de la gueule ». Au point d’offrir à Martin Fourcade une 3ème médaille d’or ?

Martin Fourcade : « Je n’avais rien à prouver à personne ». (Crédit: BestImage)

L’histoire de ce Catalan de 25 ans, natif d’une petite ville des Pyrénées-Orientales, est celle d’une longue montée en puissance. En 2010, à 22 ans, il décroche sa première médaille olympique aux JO de Vancouver avec l’argent sur la course en ligne. En 2012, il est sacré triple-champion du monde,

mais c’est surtout en 2013 qu’il confirme son rang de n°1 mondial en s’adjugeant le « Grand Chelem » des globes de cristal : sur les 5 épreuves, il termine en tête du classement général. Cette nouvelle double-consécration fait de lui le maître incontesté du biathlon. o Romain Blanc

Simon, l’autre Fourcade

en bref

n Hier après-midi, ils étaient

Paris veut se rassurer avant Leverkusen

tous à Sotchi. Il y avait bien sûr Martin, le nouveau champion olympique. Mais aussi Marcel, son père débordant d’enthousiasme, à qui les présentateurs de France TV ont prêté un anorak siglé du logo de la chaîne « pour ne pas se faire emmerder par la sécurité ». Et enfin Simon, son frère. De quatre ans son aîné, il n’a jamais réussi à égaler les exploits du fils prodigue. Mais la victoire que l’on ne pourra pas lui enlever, c’est d’avoir montré le chemin à son petit frère. A 15 ans, Martin arrête le hockey, abandonne le ski nordique et finit par se lancer dans le biathlon, comme Simon. Malgré quelques rivalités, les victoires olympiques se fêtent aujourd’hui en famille. « C’est vraiment très beau ce qu’il fait, c’est génial », admet Simon Fourcade, qui termine pour sa

n Le Paris Saint-Germain, qui a manqué l’occasion à Monaco (1-

1) d’assommer la Ligue 1, voudra se relancer vendredi (20h30) contre Valenciennes, en match avancé de la 25e journée du championnat de France de football. Un tour de chauffe avant le 8e de finale aller de Ligue des champions mardi à Leverkusen (Allemagne). Même si les Parisiens n’ont toujours pas battu leurs trois premiers poursuivants directs, leur avance de 5 points sur le dauphin monégasque leur permet de rester sereins dans la course au titre. Depuis la trêve, le PSG est moins souverain, notamment dans le secteur défensif. En 2014, Paris a encaissé neuf buts en autant de rencontres. Et l’attaque reste privée de son buteur uruguayen, Edinson Cavani pour au moins deux semaines. Éliminé en 16e de finale de la Coupe de France par Montpellier, le PSG ne jouera la finale de la Coupe de la Ligue que mi-avril contre Lyon.

Simon Fourcade. (Crédit: AFP) part 13ème du 20 kilomètres individuel.

o Romain Blanc, Marine Zambrano Robin Braquet

Luge en relais

Patinage artistique

n L’Allemagne a remporté jeu-

n Quelques minutes avant

di le relais, nouvelle épreuve de luge au programme olympique. L’ Allemagne confirme son hégémonie sur la discipline avec quatre titres en autant de compétitions à Sotchi. L’équipe allemande a devancé la Russie et la Lettonie.

son programme court, le favori russe de la compétition, Evgueni Plushenko, souffrant du dos, a renoncé à participer à l’épreuve de patinage artistique, jeudi à Sotchi. Le quadruple médaillé avait été opéré du dos il y a un an.

Vendredi 14 février- Expresso - 09


Expresso

14. 02. 14

# 08

portrait Pour la Saint-Valentin, le couple pop donne un concert à la Gaîté Lyrique

Pirouettes et galipettes

C

clavier et d’un logiciel de son piraté. Mais ce qui les rend si rafraîchissants, c’est l’aisance avec laquelle ils mettent en scène et en son leur propre histoire d’amour. Sur « Le matin l’été indien » par exemple, deux tonalités de voix mixtes se répondent : « Et quand enfin, tu m’as pris par la main avec un sourire en coin / Nos corps se sont rapprochés / Et j’ai senti / Ton parfum / Emané du creux de tes seins ».

omme souvent, tout commence par un léger malentendu. « Le nom de notre groupe, The Pirouettes, c’est mon frère qui l’a trouvé. Mais il a fait l’amalgame entre la pirouette, qui est une véritable figure de danse, et la galipette, le truc que tu fais au lit avec une fille... Evidemment, il comptait plutôt nous appeler les Galipettes que les Pirouettes ! » s’amuse Léo, 20 ans, moitié masculine de ce couple à la scène comme à la ville. Lorsqu’en classe de terminale, à Annecy, il se rapproche de Victoria, 21 ans, leur idylle ne souffre d’aucun quiproquo : « On est sortis ensemble dès notre première répétition », admet-elle. « Je l’ai clairement invitée à jouer de la musique avec moi pour la draguer », ajoute-t-il. Depuis, la répétition ne s’est jamais arrêtée. Voilà deux ans que ces jeunes gens modernes composent des chansons pop, en grande partie autobiographiques, dans lesquelles ils chantent l’amour et l’eau fraîche. Elli et Jacno 2.0 Leur musique légère, simple, efficace, fait la part belle à des synthétiseurs numériques qui lui donnent un côté à la fois moderne et vintage. « Non, nous ne rêvons pas de vivre dans les eighties ! », assure Victoria. « Bien que nous soyons influencés par des artistes des années

Léo et Victoria devant le « mur des je t’aime », Paris 18ème (crédit : Valerie Baeriswyl) 1980 tels que les Rita Mitsuko, Luna Parker ou Elli et Jacno, nous sonnons très 2014 », affirme Léo.

Comme beaucoup de groupes du moment, The Pirouettes bricolent leurs chansons dans leur chambre, à l’aide d’un simple

The Pirouettes ≠ Fauve A l’heure où le groupe – pardon, le « collectif » – Fauve éclipse le reste du paysage pop français, la sincérité de Léo et Victoria redonne de l’espoir. Quand Fauve joue les pseudo-dépressifs, The Pirouettes nous font rire grâce à leur sens aigu du second degré. Quand Fauve plonge dans le néant avec leur tissu de généralités et d’allégories grandiloquentes, The Pirouettes nagent à la surface en chantant ce qu’ils sont vraiment : amoureux, accros aux réseaux sociaux, sans arrêt dans les transports en commun. « Fauve ? Ce sont nos potes ! » souligne Léo. « Nous avons donné notre premier concert ensemble en mai 2012 à La Loge, une petite salle parisienne... » D’un air moqueur, Victoria le coupe : « Sauf qu’eux, depuis, ils ont décollé... Et pas nous ! » C’est tout ce qu’on leur souhaite. o Romain Blanc

expresso Clin d’Oeil Les mots doux d’Himmler le nazi n Même les bourreaux

ont un coeur. C’est ce que révèle la publication par Le Monde des livres des lettres intimes d’Himmler, directeur de la SS. De 1927 à 1945, ce proche d’Hitler a envoyé des centaines de courriers à sa femme. Les correspondances qu’ils échangeaient ont été dérobés par deux GI américains en 1945, perdus, puis retrouvés en 1980. Antisémitisme mêlé aux mots d’amour, la correspondance est déconcertante. Dans quelques jours les lettres paraitront sous la forme d’un recueil.

10 - Expresso - VENDREDI 14 février

Maths et dessin entre deux pornos

A 10 ans, il conduit avec sa soeur de 18 mois

n Chaque année, la municipalité de Besançon offre aux élèves de primaire une clé USB contenant des liens vers des sites de jeux éducatifs. Louable initiative. Seul hic : ce « cartable numérique » à l’attention des écoliers doubistes proposait cette année des liens vers un site pornographique et un jeu de guerre ultra-violent. C’est un père de famille qui a fait la découverte samedi, avant d’en avertir la marie. Embarrassée, cette dernière a annoncé jeudi le retrait de 2000 clés USB éducatives et lancé une opération d’information dans les écoles concernées. La municipalité a par ailleurs adressé une lettre d’excuses aux familles.

n Un petit Norvégien de 10 ans a été retrouvé dans un fossé au volant de la voiture familiale après qu’il ait voulu emmener en balade sa soeur d’un an et demi. Les deux enfants avaient parcouru une bonne dizaine de kilomètres lorsqu’un chauffeur de déneigeuse a repéré leur véhicule bloqué sur le bas côté, selon la police. Le petit garçon et sa soeur, assise sur le siège passager sans être attachée, sont sortis indemnes et souriants de l’aventure. Les enfants ont été reconduits chez leurs parents, priés de prendre davantage de précautions à l’avenir, mais l’incident ne devrait pas avoir de suites.


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