Pour que vivent les Yanomami! - La croix

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Date : 30 janvier 2020 Journaliste : Claire Lesegretain Pays : FR Périodicité : Quotidien OJD : 91467

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Pour que vivent les Yanomami ! Une exposition de la photographe Claudia Andujar, qui a dédié sa vie à la défense des indiens Yanomami en Amazonie, montre la vulnérabilité de ce monde amérindien. Mer des Caraïbes

Caracas

Claudia Andujar. La lutte yanomami

J

Fondation Cartier, Paris

personnalités, ainsi que le chef cha mane et porte-parole yanomami

Colombie

Davi Kopenawa (1), lancent divers projets d’éducation et de santé et

Territoire Yanomami

participent à de nombreuses ren

’ai dédié beaucoup d’années aux Yanomami pour qu’ils vivent!» Claudia An dujar, née en 1931

en Suisse, le reconnaît d’emblée : son combat depuis près de cin quante ans contre la dramatique

Pérou

contres de peuples amérindiens. C’est ce double parcours, à la fois

noir et blanc ou en couleur, une ins tallation audiovisuelle, ainsi que des dessins réalisés par des artistes yanomami. On y voit des clichés dé

génocides, elle connaît. En 1971, elle rencontre les Yano mami en participant à un repor tage sur l’Amazonie. C’est aussi cette année-là que commence la construction de la route Perimetral Norte, par le gouvernement mili taire brésilien. Le chantier ouvre leur territoire à la déforestation et à la propagation d’épidémies. Elle décide alors d’entreprendre un travail photographique sur eux et aussi de lutter pour défendre les droits de ce peuple oublié.

Son combat n’est pas sans lien avec la disparition de toute sa famille paternelle dans les camps nazis.

routants d’initiation chamanique, ainsi que des portraits d’Amérindiens portant autour du cou un nu méro d’identification dans le cadre d’une campagne de vaccination.

«Il est très important défaire

connaître et respecter ce peuple», explique à La Croix Claudia Andu jar, aujourd’hui âgée de 89 ans. Un peuple qui a toujours vécu exclu sivement de et dans la forêt. Or, comme l’écrit avec sagesse Davi

«la forêt n’est pas infi nie. Si les Blancs poursuivent leur avancée, ils la feront disparaître rapidement. Qui nous nourrira si nous n’avons plus ni jardins ni gi biers ?Nous devons aussi protéger les cours d’eau pour pouvoir boire Kopenawa,

et pêcher. Sinon, il ne nous restera que des ruisseaux d’eau fangeuse couverts de poissons morts». Claire Lesegretain (1) Auteur, avec Bruce Albert, de La Chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami,

Avec le missionnaire Carlo Zacquini et l’anthropologue Bruce

Plon, coll. «Terre humaine», 2010.

Albert, elle fonde en 1978 la Com mission pour la création du parc

Du 30 janvier au 10 mai 2020, 261, bdRaspail, 75014 Paris. Cette

yanomami (CCPY), dont les efforts

exposition, conçue par Thyago Nogueira

incessants aboutiront, en 1992, à la délimitation du territoire de cette

pour l’Instituto Moreira Salles au Brésil,

ethnie, condition essentielle à sa survie. Au nom de la CCPY, ces trois

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ISETU Èsfl iaCroix

Andujar à la Fondation Cartier (2), avec plus de 300 photographies en

rindienne n’est pas sans lien avec la

ternelle dans les camps nazis. Les

BRESIL

artistique et politique, que retrace l’exposition consacrée à Claudia

extermination de cette ethnie amé disparition de toute sa famille pa

500 Ion

ira ensuite à la Triennale Milano (Italie), au Fotomuseum Winterthur (Suisse) et à la Fondation Mapfre Madrid (Espagne).

Voir les «xapiris» Claudia Andujar utilise ses flashs pour créer des illusions visuelles et tenter de traduire ce monde invisible que les Yanomami décrivent lorsqu’ils inhalent la poudre hallucinogèneyakoana au cours de leurs rituels chamaniques. Sous la conduite des anciens, ils apprennent à voir, à connaître et à répondre aux xapiris, ces esprits qu’ils « voient » tels des êtres minuscules, revêtus d’ornements colorés et brillants. En ce sens, ses photos se distinguent radicalement des photos ethnographiques habituelles. L’anthropologue Bruce Albert, autre fervent défenseur des Yanomami, parle de Claudia Andujar comme «d’une observatrice qui a su tisser avec empathie des liens de complicité durable avec les personnes qu’elle photographie». Quant au chamane et porte-parole des Yanomami, Davi Kopenawa, il l’a souvent remerciée de lui avoir «appris à défendre non seulement (son)peuple, (sa) terre, (sa) langue, mais aussi (leurs) coutumes, (leurs) fêtes, (leurs) chants et le chamanisme».

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Date : 30 janvier 2020 Journaliste : Claire Lesegretain Pays : FR Périodicité : Quotidien OJD : 91467

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Une maloca («maison communautaire des ethnies amérindiennes»). Claudia Andujar

La forêt couleur sang Parce qu’elle résume bien l’approche à la fois poétique et militante de Claudia Andujar, cette photo infrarouge et aérienne d’une maloca (« maison communautaire des ethnies amérindiennes ») au cœur de la forêt amazonienne ouvre l’album de l’exposition parisienne. « La technique de l’infrarouge était utilisée par le gouvernement brésilien dans les années 1970pour repérer les mines d’or», rappelle Thyago Nogueira, commissaire de l’exposition. En utilisant à son tour cette technique, la photographe brésilienne la détourne pour montrer combien la terre-forêt - urihi en langue yanomami et les Yanomami eux-mêmes sont menacés. « C’est la couleur sang de la forêt», résume-t-elle.

repères

Rite de passage

Un avenir menacé

Claudia Andujar a réalisé de nombreux portraits en noir et blanc pour saisir la noblesse et la dignité des Yanomami. Elle privilégie les plans resserrés de visage ou de partie du corps, en créant un effet de clair-obscur pour instaurer un sentiment d’intimité et mettre en valeur, avec empathie et douceur, l’intériorité de ses sujets. Elle montre ici le rite de passage de la petite enfant au statut de jeune fille : la cloison nasale et la lèvre inférieure sont percées avec une tige de palmier. À l’extrémité de ces fines tiges, les femmes Yanomami fixent des fleurs sauvages qui se balancent au moindre mouvement. «Les Yanomami, dit-elle dans un enregistrement de 1974, sont toujours heureux. Ils rient, crient et discutent. Il ne semble pas y avoir de tensions telles que nous les connaissons dans notre monde. »

Les Yanomami, peuple amazonien, sont environ 38 000, dont 27 000 dans le nord du Brésil et 11000 dans le sud du Venezuela. Ils se nourrissent de leur pêche, cueillette et chasse (pécaris, singes, tapirs...), ainsi que de leur jardin (banane plantain, maïs, manioc, canne à sucre, papaye...). Après des invasions d’orpailleurs et de trafiquants de bois illégaux dans les années 1970-1990, qui ont propagé des maladies (rou geole, malaria, tuberculose...) et coûté la vie à plus de 20 % d’entre eux, les Yanomami sont à nouveau gravement menacés du fait de la destruc tion des forêts et de l’empoi sonnement des rivières.

«Marqués» Entre 1973 et 1976, le chantier de la route Perimetral Norte (devant relier l’État de l’Amapa, à l’extrême nord du Brésil, à la Colombie) introduit durablement dans le territoire des

Au Brésil, leur territoire, d’une surface de 9,6 millions d’hectares a été homologué en 1992 par décret présidentiel. Mais l’actuel président

Yanomami maladies et conflits. Profitant d’une campagne de vaccination en 1983, Claudia Andujar réalise une série de por traits d’Amérindiens portant autour du cou un numéro, qu’elle intitule «Marcados» (Marqués). «J’ai eu cette idée pour les iden tifier sur les fiches médicales, caries Yanomami n’ont pas de nom », raconte la photographe brésilienne à La Croix, consciente de l’ambiguïté de ces images. Elle, dont la famille paternelle a disparu dans les camps nazis, sait que cette identification numé rique n’est pas sans rappeler le tatouage des déportés juifs pen

Jair Bolsonaro, élu en octobre 2018, veut remettre en cause la sanctuarisation de cette terre et y légaliser les activités minières et agricoles.

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Mère et fils lors d’une campagne de vaccination en 1983. Claudia Andujar

dant la Shoah. Mais, souligne-t-elle, «leprocédé, ici, est inversé: c’est la survie d’un peuple qui est visée, et non sa destruction ».

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