Date : 05 fevrier 2020 Page de l'article : p.6-8 Journaliste : VALÉRIE DUPONCHELLE
Pays : FR Périodicité : Hebdomadaire
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Claudia Andujar, le cœur en paix de l'Amazonie Magnifique exposition de la grande photographe brésilienne à la Fondation Cartier. La scénographie inventive suspend les images comme tombées du ciel, aligne les portraits comme les Greco à Tolède, confronte les clichés aux dessins des Yanomami. Le message est militant, humaniste, écologique. PAR VALÉRIE DUPONCHELLE @VDuponchelle
nouvelle politique du président Jair
de case monumentale au sein d’une
Bolsonaro menace directement. Elles
forêt rose vif, sous la lumière infra
sont suspendues dans cet énorme
rouge (l’affiche géante qui couvre la
vide, comme les lianes tombées de la
façade, sur le boulevard Raspail).
Inhotim, le paradis de l’art inventé
canopée. Il y règne à la fois une har
L’un d’eux est là, venu en porte-pa
par Bernardo Paz dans l’Etat de
monie, qui fait souvent défaut à
role à Paris pour défendre sa com
Minas Gerais. Venue de l’Institut Mo-
l’Occident et au monde des villes, et
munauté, son univers. Coiffe de plu
reira Salles de Sao Paulo où elle a sus
l’idée d’un péril sourd, indicible
mes et peintures faciales, mais jeans
cité le vif engouement d’un public
comme la nuit qui libère les esprits
souvent jeune, son exposi
de la forêt. Le spectateur s’y promè
chamane, cofondateur de l’Associa
ne librement, passe d’un nageur du
tion Hutukara Yanomami, lauréat du
laudia Andujar, c’est un . monument photographi 1|:.
que, grand comme l’Ama
•“•iijHjiij:::" zonie. Elle a son pavillon à
tion se redéploie magnifi
Nouveau Monde dans un lac
quement à la Fondation
et tee-shirt, Davi Kopenawa est un
Right Livelihood Award, Stockholm,
bleu, à un dormeur jouis
2019. Petite taille et tête bien droite,
Cartier, dans l’architectu
sant pleinement de son
il fixe les cameramen si grands avec
re de Jean Nouvel. À l’inté
hamac (art non-occiden
rieur de ce palais des gla ces, les hautes parois de
tal et premier test des an thropologues sur
le
verre sont recouvertes de photos macroscopiques de végétation dont le noir et blanc recrée la pénombre
terrain).
sérieux. Il a préparé son témoignage : « Claudia Andujar a pensé à son projet, à ce qu’elle ferait, à ce qu’elle plante rait. Comme on plante des bananiers, comme on plante des anacardiers. Elle
«Elle m’a donné
portait les vêtements des Indiens, pour
un arc et une flèche» se lier d’amitié. Elle n’est pas yanoma
de la forêt presque vierge.
Claudia Andujar est par
Dans cette évocation du paradis perdu vivent les
tout et nulle part, derrière
mi, mais c’est une véritable amie. Elle a pris des photographies des accouche
un objectif qui ne vole ments, des femmes, des enfants. Puis
Yanomami, peuple amé rindien parmi les plus im portants de l’Amazonie
rien. Le spectateur est, de
elle m’a appris à lutter, à défendre mon
ce fait, un inventeur, au
peuple, ma terre, ma langue, les coutu
sens des premiers contacts mes, les fêtes, les danses, les chants et
brésilienne. Close-up. Une proximité surprenante Les photographies sans emphase de la grande artiste brésilienne les font revivre, nager, chasser, rire, aimer, enfanter, rêver. Elles ne tiennent
entre les civilisations. Ja
le chamanisme. Elle a été comme une
mais, la présence de la photographe
mère pour moi, elle m'a expliqué les
ne semble interrompre le cours des choses. Les images coulent de sour
choses (...) C’est bien qu’elle m’ait donné un arc et une flèche non pas pour
ce. S’en dégage une proximité sur
tuer des blancs, mais l’arc et la flèche
prenante, comme si l’on était de tous
de la parole, de ma bouche et de ma voix pour défendre mon peuple yano
ces instants, dans ce village en forme qu’à un fil, à l’image de leur monde
mami. Il est très important que vous re
au rythme propre et codifié que la
gardiez son travail. » Exactement. I
Tous droits réservés à l'éditeur
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À venir «Nicolas Daubanes: l’huile et l’eau» Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson (16e). Du 21 fév. au 17 mai. « Les Parisiens dans l’exode de 1940» Musée de la Libération de ParisMusée du général Leclerc - Musée JeanMoulin, 4, avenue du Colonel-HenriRol-Tanguy (14e). Du 27 fév. au 30 août. «Otto Freundlich (1878-1940) : la révélation de l’abstraction » Musée de Montmartre 12, rue Cortot (18e). Du 28 fév. au 6 sept.
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CLAUDIA AN DU J AR
Susi Korihana Thëri
au bain,
pellicule
infrarouge, Catrimani, Roraima (1972-1974).
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