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1.2 Histoire du développement urbain de la ville

1.2 Histoire du développement urbain de la ville

La mise en place du protectorat français 6 en 1881, entraîne une modernisation administrative, avec de nouvelles réglementations urbaines. En 1885 ; la direction générale des travaux publics (DGTP) est créée. C’est la première institution de la Régence de Tunis sous le protectorat français. Elle avait pour buts, d’une part, de concevoir l’aménagement du territoire en mettant en place un service topographique, et d’autre part, d’abriter le service de planification urbaine et de gérer des communes. Cette administration devient alors l’instrument de gestion et du développement de la ville. À la tête de ces institutions, on retrouvait des ingénieurs des Ponts et Chaussées, tel que Pierre Colin, Jules Milhau et Jules Zagrzevski 7, qui sont à l’origine des planifications des constructions des grandes infrastructures des réseaux routiers et ferroviaires, des ponts et des ports. Ces ingénieurs étaient chargés de relever les différentes rues, places et impasses et de constituer un plan détaillé de la ville afin de préparer la pose des canalisations, jusque-là inexistantes 8. Ils ont cartographié pour la première fois la ville de Tunis avec de nombreux détails (données topographiques, découpage parcellaire) ; et ont permis la mise en place des différentes étapes d’actions urbaines pour son développement.

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6 Le protectorat français de Tunisie (1881-1956), institué par le traité de Bardo le 12 mai 1881 au terme d’une conquête militaire, entrainera de nombreux changements administratifs et contribuera au développement urbain de la ville. 7 Pierre-Jacques-Gabriel Colin, ingénieur civil et architecte marseillais, qui aurait résidé à Tunis entre 1852 et 1861. Jules Milhau et Jules Zagrzveski sont deux ingénieurs civils marseillais, qui ont résidé à Tunis en 1861

8 Jean-Luc Arnaud, « Dresser un plan de Tunis au début des années 1860 », Maghreb et sciences sociales, 2005, p.5. 15

Figure 2: Jean-Luc Arnaud , « Tunis, le plan de Colin de 1860, un document sans auteur ni date », Premier plan imprimé en 1860 par Pierre Colin 9 .

Une des premières grandes phases a été le démantèlement de l’enceinte intérieure de la médina entre 1881 et 1885. Elle a entraîné une réorganisation des voies de la médina débouchant sur l’enceinte ainsi que l’ouverture à de nouvelles voies dans un nouveau paysage urbain. Cet espace s’étend sur environ 10 km partant de la porte d’entrée de la médina, appelée Bab el Bhar, jusqu’aux rives du lac de Tunis.

La principale artère de la ville neuve est l’axe majeur qui est dessiné et construit en premier. C’est un axe accueillant le premier espace public de Tunis prénommé la promenade de la Marine.

Mesurant 60 mètres de long sur 17 mètres de large, quatre rangées de ficus y sont plantées. De part et d’autre de la promenade, deux contre-allées de 8 mètres permettent le passage des voitures et de la ligne de chemin de fer.

9 . De manière générale, ce document est attribué à l’ingénieur marseillais Colin et daté de 1860. Or il n’est ni signé, ni daté ; en outre, il est de toute évidence postérieur de quelques années à 1860. L’original de ce plan semble actuellement égaré

Figure 3: La promenade de la Marine au centre-ville de Tunis. « En 1855, l’Avenue Bourguiba se nommait Pomenade de la Marine…» Hatem Bourial, Photographie, en ligne sur <webdo.tn>, Tunis.

Autour de la promenade de la Marine s’installent de nouveaux équipements publics tels que des salles de spectacle, des théâtres, des cafés, des hôtels et des casinos. Ces espaces ont été conçus pour la population venant s’installer dans ces nouveaux quartiers. Parmi les bâtiments les plus marquants d’un point de vue architectural, on peut citer le théâtre municipal, dont la façade principale reprend les codes de l’architecture de l’art nouveau, par ses lignes courbes créant des compositions organiques. De nombreuses constructions de la ville neuve disparaissent après l’indépendance du pays, elles sont remplacées par de nouveaux équipements.

Figure 4: « Théâtre municipal de Tunis 1930 », photographie, Rania Lahmer, en ligne sur <ideomagazine.com>.

La modernisation de la ville se fait en plusieurs étapes. Tout d’abord l’assainissement de la nouvelle ville à travers la mise en place d’un système d’adduction d’eau, des égouts et des canalisations desservant les nouvelles maisons et nouveaux immeubles en eau courante. La modernisation de la

ville visait à améliorer les conditions de vie et à répondre aux exigences de la population venue d’Europe nouvellement installée dans la ville. La construction d’une usine à gaz située près du lac, a permis l’utilisation d’électricité dans l’éclairage des espaces publics ainsi que dans les foyers.

À l’origine, les rues de la ville étaient en terre battue. Elles ont été pavées vers 1880 et de larges trottoirs ont été mis en place le long des façades des immeubles.

En parallèle à l’ouverture des voies, une nouvelle infrastructure de transport est mise en place avec un tramway qui fait le tour de l’ancienne ville. Les premiers tramways étaient tractés par des chevaux 10, puis par des locomotives, avant de laisser place à des tramways à traction électrique. Ainsi de 1885 à 1908, le réseau comptait jusqu’à 10 lignes de tramways qui desservaient les différents quartiers mais aussi la proche banlieue sur une longueur totale de 30 kilomètres.

10 Tramway tracté par un cheval (« Tramway Hippomobile ») 18

L’implantation du réseau de transport a été déterminant pour le développement de la forme urbaine de Tunis. En 1890, Tunis compte près de 115 000 habitants dont une majorité de Tunisiens musulmans ainsi qu’une communauté importante d’Italiens. Ce nombre va passer, en dix ans, 147 000 habitants dont 53 000 européens 11. L’espace urbain a doublé passant de 334 hectares en 1880 à 673 hectares en 1900.

Le nouveau plan d’urbanisme de la ville de Tunis entraîne un déplacement des principales fonctions urbaines de la médina vers la ville nouvelle. La municipalité de Tunis, anciennement installée dans la médina va être mutée dans le nouveau quartier avenue Al-Jazira, construite hors du tissu ancien.

11 Leila Ammar La rue à Tunis, Réalité, Permanences, Transformations de l’espace urbain, 1835-1935 , Tunis, 2017, s. d., p.196.

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