#11: L'industrie des Services en Afrique

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INSPIRE AFRIKA

MAGAZINE # 11 DÉCEMBRE / JANVIER

L’INDUSTRIE DES SERVICES EN AFRIQUE

SpeedMailService La livraison express à Dakar OuiCarry : Allez, on commande ! Eric Kacou Voir l’entrepreneuriat différement Les tontines, Premières banques africaines

CHRISTAL BEEKO

LA RÉUSSITE PAR L’EXEMPLE


ÉDITO LE SENS DU BIEN COMMUN Il y’a quelques années, j’étais dans un débat très animé avec mon père. Ne me demandez pas le sujet du débat, je l’ai oublié. Mais je me souviens d’une chose : nous avions des points de vue radicalement opposés, et rien ne semblait réussir à nous mettre d’accord. A un moment donné, il me fit asseoir et me dit : « Mets toi en face de moi, tient ce verre, et regarde à travers. Qu’y vois tu? » Surprise, je répondis que je le voyais lui ainsi qu’un tableau, qui était juste derrière lui. Il répliqua : « Bien. Pour ma part, je te vois toi et la salle à manger qui est juste derrière. » Et il continua en disant : « tu vois, nous sommes dans la même maison, assis là tous les deux, et pourtant nous ne voyons pas la même chose. Cela ne veut pas dire que l’un d’entre nous a forcément tort ». Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que ce n’est qu’aujourd’hui que je comprends vraiment où il voulait en venir. La réalité est subjective. Il existe milles et une manières de la dessiner, en fonction de nos points de vues, de nos influences, de notre environnement. Dans l’imaginaire commun, l’Afrique renvoie à la solidarité, à l’entraide, et à la fraternité. Ce qui est bien sûr vrai, mais qui peut être faux à certains égards.

Dans les faits, je constate que la jeunesse africaine a encore du chemin à parcourir en matière de solidarité et d’entraide. Bien sûr, il n’est pas question pour moi de remettre en cause les multiples initiatives développées en ce sens. J’ai simplement tendance à penser qu’aujourd’hui, ces initiatives se doivent d’être plus agressives, plus conquérantes ! Nous n’avons pas encore totalement intégré le fait qu’il est essentiel pour nous de mettre sur pied des synergies. Soudés comme des grains de maïs, nous devons faire face aux nouveaux enjeux de notre continent. Nous devons faire front ensemble. C’est un combat de tous les jours qu’il nous faudra mener. Je suis convaincue que l’avenir de l’Afrique passera aussi par une jeunesse qui a le sens du bien commun. Alors, pendant que vous parcourrez ce numéro, réfléchissez et demandez-vous : Quel(s) projet(s) ai-je envie de soutenir et comment apporter ma pierre à l’édifice ? Si vous n’arrivez pas à trouver de réponse, pas de problèmes ! Vous pouvez toujours nous contacter, nous sommes à votre service, nous saurons vous orienter. Bonne Lecture !

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SOMMAIRE P . 6 - INSPIR’ NEWS

P. 9 - COUP DE CŒUR Où se loger au Malawi ? P. 11 - INSPIR’ INTERVIEW SpeedMailService, la livraison express à Dakar P. 17 - INSPIR’ ASSOCIATION IZWI : La maison des Afropreneurs P. 19 - OSER INSPIRER Focus sur la e-santé en Afrique P. 22 - INSPIR’ START-UP Oui Carry, allez on commande ! P. 26 - INSPIR’ CAREER Christal Beeko, la réussite par l’exemple P. 32 - INSPIR’ ECO Eric Kacou, voir l’entrepreunariat différemment P. 37 - LA LETTRE Que faire d’un nouveau monde ? P. 41 - 4 QUESTIONS À Les Transports Citadins P. 43 - FOCULTURE Les tontines, premières banques africaines

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INSPIRE AFRIKA DÉCEMBRE / JANVIER DIRECTRICE GÉNÉRALE Chrys Eve Nyetam

INSPIRE AFRIKA

DIRECTRICE DE PUBLICATION Joan Murielle Yombo

MAGAZINE # 11 DÉCEMBRE / JANVIER

L’INDUSTRIE DES SERVICES EN AFRIQUE

REDACTEUR EN CHEF (anglais) Opemipo Akisanya TRADUCTIONS Anita Bakal

SpeedMailService La livraison express à Dakar

DIRECTRICE MARKETING Amma Aburam

OuiCarry : Allez, on commande ! Eric Kacou Voir l’entrepreneuriat différement Les tontines, Premières banques africaines

CHRISTAL BEEKO

LA RÉUSSITE PAR L’EXEMPLE

RELATIONS PUBLIQUES Ivan Nyetam ASSISTANTE RELATIONS PUBLIQUES Hyacinthe Issombo GRAPHISME ET ILLUSTRATION Raphaël Kalinowski

ILS ONT CONTRIBUÉ À CETTE PARUTION : Leyla Ismaily, blogueuse Julie Wang’ombe, rédactrice de discours Marylène Owona, pour Oser L’Afrique Aliou Nia, Photographe Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction. 4


Marine Reed Photographe Lieu: Centre commercial confluence Mannequins : Koura, Maeve et Marie Antoinette.

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INSPIR’NEWS

01 / UN NOUVEAU LOOK POUR TOTEM TV

Depuis bientôt un mois, Totem TV a fait peau neuve en arborant un tout nouveau site. Le webmédia, sur la toile depuis 1 an et demi a pour vocation de faire le lien entre héritage, modernité et livestyle. Vous y retrouverez donc près d’un millier de vidéos, des articles ainsi que des web conférences avec des experts du monde afrocaribéen. La chaîne innove encore, et s’invite chez nous avec la Totem Box, la première box entièrement consacrée à la culture afro-caribéenne qui sera disponible très prochainement.

Retrouvez toute la richesse de Totem sur www.totem-world.com

02 /

L’ABC NOUS PROPOSE UN SALON D’INVESTISSEMENT POUR L’AFRIQUE.

L’African Business Club organise le 29 Novembre prochain la 1ère édition du Forum ABC Investment, salon sur l’investissement en Afrique. Ce forum se veut une vitrine de promotion des économies africaines. Au programme de la journée, des espaces pays animés par des délégations _chargés de représenter chaque pays invité_, des espaces corporates, _constitués de bailleurs de fonds, organismes non gouvernementaux et cabinets de conseil_, et enfin des espaces de négociation pour des échanges confidentiels sous forme de réunions pré-organisées ou de rendez-vous privés. Vous souhaitez participer à l’évènement ? Inscrivez vous ici

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03 / UN HIVER EN VIOLET POUR INESKA CREATIONS Marine Reed Photographe Lieu: Centre commercial confluence Mannequins : Koura, Maeve et Marie Antoinette.

Le 7 Novembre dernier, la créatrice Inès Ngono nous a présenté sa nouvelle collection automne/Hiver 2013-2014 à Lyon. La collection a été réalisée sur le thème de l’art et du pagne, dans laquelle le Bazin et le violet étaient à l’honneur. La créatrice envisage pour l’année 2014 de faire une exposition à Lyon. L’objectif ? Promouvoir le pagne à travers des pièces très originales de créateurs venus de

différents horizons. Retrouvez la nouvelle collection Ineska Creations sur www.ineskacreations.com

04/ Appel à projets pour entrepreneurs sociaux

L’ESSEC Business School lance l’édition de 2014 des Concours de l’Entrepreneuriat Social Etudiant. Il s’agit d’une compétition de business plan sociaux destinée aux étudiants et jeunes diplômés. Le but est d’identifier et accompagner les projets les plus innovants et prometteurs. Les lauréats de l’année dernière n’étaient autres que les créateurs du Faso Soap ! Votre projet sera peut être le prochain primé. Si vous avez un projet de création d’entreprise à finalité sociale et/ou environnementale que vous aimeriez faire connaître, n’hésitez pas et inscrivez vous au concours avant le 1er Décembre 2013 et envoyez votre candidature sur http://www.gsvc-essec.org Sources photos http://stylinmag.com

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COUP DE COEUR

Où se loger au Malawi ?

A moins de 25 ans Gonjetso Chinyama est déjà à la tête de 2 entreprises. Ce jeune étudiant en informatique et passionné d’art a lancé Pakwathu, une sorte d’agence immobilière online dédiée aux Malawites. Nous avons voulu en savoir plus …

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Bonjour Gonjetso! Peux tu te présenter à nos lecteurs pour commencer? Alors, j’ai 22 ans et je viens de Blantyre, une ville du Malawi. Je prépare et termine un Bachelor en Management des systèmes d’informations à Ecole polytechnique du Malawi. Je suis passionné par la photographie, la poésie, la musique… Bref par tout ce qui est artistique. Je suis également passionné de marketing et je suis bibliophile. Je suis convaincu que les meilleurs leaders sont avant tout de grands lecteurs. Peux tu nous parler de Twenty2 Creative? Twenty2 Creative est une agence de communication design. Nous créons des annonces publicitaires et mettons sur pied des stratégies et des campagnes de publicité. Voilà à quoi se résume notre travail. Bien sûr, nous exerçons sur tous les supports de communication existants : print, digital, télévision, radio, etc. Dans la foulée, tu as aussi crée Pakwathu. Peux tu nous en dire plus? Quels types de services y proposes tu? Pakwathu est l’endroit où aller lorsqu’on cherche à acheter, louer, faire louer ou vendre, une propriété au Malawi. Pakwathu est unique à plusieurs égards : premièrement, le service est exclusivement en ligne. Deuxièmement, il est doté d’un mode de recherche original et dispose d’une visualisation simultanée, ce qui peut se révéler très pratique. Enfin, Pakwathu propose des habitations dans tout le pays, et non pas seulement dans les grandes villes ce qui n’a jamais été le cas auparavant.

Pourquoi as tu choisi ce modèle économique ? Mon objectif principal était d’apporter une solution rapide et efficace aux problèmes de logement au Malawi. Nous avions remarqué que la manière dont on communiquait sur les logements et les opportunités de logement était insuffisante. Avant Pakwathu, aucun média ne proposait une description complète et détaillée des logements. De la même manière, aucun de ces médias ne listait toutes les propriétés à disposition. Comme je vous l’ai expliqué, la concentration des offres se faisait dans les grandes villes. Nous avons voulu régler ce problème. Dû à la présence croissante des Malawites sur Internet et surtout sur leurs téléphones mobiles, nous avons évidemment élu domicile si l’on puis dire, sur la toile. Cela signifie qu’au lieu de se déplacer pour trouver des logements, les gens ont désormais la possibilité d’effectuer ces recherches sur place et à tout moment. Tu as été sélectionné pour le “Anzisha Prize1 ”. Raconte nous comment tu as vécu l’expérience. Etre finaliste pour Anzisha a été l’une des plus belles expériences de ma vie. Ce que j’y ai gagné en termes d’outils et d’enseignements est tout simplement inestimable! Mes collègues finalistes font partie des personnes les plus inspirantes que j’ai pu rencontrer, tous animés par une vraie vision de développement pour leurs communautés respectives. J’ai aussi beaucoup appris à leur côté. Leur passion était contagieuse ! Je suis vraiment fier d’avoir pu participer à cette expérience. Propos recueillis par Joan Yombo 1 Le « Anzisha prize » est le premier Award décerné aux entrepreneurs africains âgés de 15 à 22 ans, qui ont crée et mis sur pied une initiative innovante ou un projet communautaire sur le continent.

Si vous faites un tour au Malawi ou que vous vous y installer, allez faire un tour sur www.pakwathu.com

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Inspir’INTERVIEW

SPEED MAIL SERVICE : LA SOLUTION RAPIDE POUR LES ENVOIS DE COLIS DANS LA VILLE DE DAKAR

Si il y’a bien une chose qui nous agace dans nos pays, c’est la lenteur du service postal. Des délais trop longs, un service client inexistant, etc. Envoyer des colis relève souvent de la mission impossible, et demande un budget conséquent, surtout pour les entreprises. Certains, comme Youssou N’diaye ont compris qu’il fallait urgemment rectifier le tir. Rencontre. Bonjour Youssou! Peux tu te présenter à nos lecteurs ?

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Je m’appelle Youssou N’diaye, et je suis né à Dakar. J’y ai fait tout mon cursus primaire et secondaire. Après l’obtention de mon baccalauréat scientifique en 2002, j’ai voyagé pour la France. J’ai fait une école préparatoire et ensuite intégré une école d’ingénieur à Lyon, où je me suis spécialisé en Mathématiques appliquées. A l’issue de ma formation, j’ai été pris en stage au Crédit Agricole, et embauché à la suite de ce stage. J’ai pourtant décliné l’offre, car j’avais pour ambition de rentrer au Sénégal. J’avoue qu’à l’époque je ne savais pas exactement ce que j’allais y faire, mais je savais c’est que j’aimais l’entrepreneuriat, les challenges, les défis…

Durant ma formation, j’ai donc participé à « vouloir entreprendre » un concours régional de jeunes entrepreneurs. Mon équipe a été plébiscitée : nous avions inventé Protexi, un casque de vélo qui se pliait. Finalement, nous sommes arrivés 3ème au concours. C’est à ce moment là que ma passion pour l’entrepreneuriat s’est consolidée. Tu es rentré Sénégal après de nombreuses années en France. Comment s’est passé le retour au pays ? Comment t’y es tu préparé ? As tu rencontré des difficultés particulières lors de ce retour ? Je faisais des séjours réguliers à Dakar justement pour ne pas être déconnecté. Mais il ne faut pas se leurrer. Ce n‘est pas en rentrant pour quelques semaines qu’on sait comment fonctionne le pays. Du coup en rentrant, on réapprend tout. C’est comme un enfant qui réapprend à marcher en quelque sorte. Les réalités ne sont pas les mêmes, les manières de travailler encore moins. En Occident, les choses sont relativement bien organisées. Ici ce n’est pas toujours le cas. On ne sait pas toujours à qui s’adresser, on n’a pas toujours la bonne information au bon moment. D’où la nécessité de mener soit même un certain nombre d’études, d’enquêtes, pour prendre le


pouls du marché. Il y’a une autre difficulté en Afrique : les sources de financement. L’Etat ne nous soutient pas, et les banques sont très frileuses. Je pense qu’elles ne font pas leur métier, c’est à dire prendre des risques et financer l’économie. Il a fallu tout faire sur fonds propres, ce qui n’est pas forcément évident.

politique. Donc, globalement il y’a beaucoup de théories, et pas assez d’actions concrètes. Ce qui serait intéressant selon moi, serait d’inciter certains particuliers qui ont les moyens à investir dans des projets porteurs. C’est à L’Etat de créer des facteurs d’incitation pour amener ces personnes à financer les entrepreneurs. Je pense par exemple à des réductions d’impôts ou d’attribution d’avantage fiscaux en cas de Justement à ce propos, as tu noté une financement d’un projet X ou Y. amélioration entre 2009 et maintenant ? On Ce qu’on remarque le plus en tout cas, et qui fait sait par exemple qu’il y’a de plus en plus plaisir, c’est que les gens n’attendent plus des d’incubateurs d’entreprises, ce qui est une aides en provenance de l’Etat ou des banques. Ils alternative aux problèmes de financement. se lancent. La plupart des financements obtenus, il faut le dire se font par le biais des proches et de la Ça dépend des secteurs. Dans le domaine des famille. C’est devenu une stratégie de financement TIC, il y’a quand même des actions qui sont mises à part entière. en place, on ne peut pas le nier. Au niveau du gouvernement, ils sont entrain de D’où t’es venue l’idée de créer Speed Mail mettre en place des opérations telles que le fond Service ? Qu’y proposes tu ? d’investissement prioritaire, ou encore la BNDE1 . Il s’agit d’une banque qui accompagnera les J’avais un ami qui a effectuait à l’époque un stage entrepreneurs locaux et proposera des solutions dans une pme de transport de colis sur Dakar. de financement adaptées aux petites et moyennes C’est lui qui m’a mis la puce à l’oreille, et je me suis entreprises. Elle est supposée être effective d’ici aperçu qu’il y’avait un potentiel énorme à exploiter Janvier 2014. dans ce secteur. D’autant plus qu’il y’avait très Mais ce sont là des choses à prendre avec des peu d’acteurs sur le marché. pincettes. Très souvent ces structures sont mises Alors, avant de rentrer à Dakar en 2009, j’avais en place pour satisfaire une certaine clientèle déjà fait germer l’idée de Speed Mail Service avec 2 amis. Nous avons alors candidaté pour 1 Banque Nationale pour le Développement Économique.

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le concours ABC Innovation. Nous en sommes d’ailleurs les premiers lauréats. Ce concours nous a permis de nous lancer et surtout de financer une partie du projet. Depuis lors, nous sommes sur le marché et tentons de proposer un service de qualité à notre clientèle. Nous sommes spécialisés dans l’expédition de courrier express à Dakar. Nous travaillons à 98% avec des entreprises. C’est un positionnement assumé : à l’heure actuelle, travailler en B to B est beaucoup plus rentable. C’est aussi plus rassurant en termes de fiabilité, car on peut signer des contrats avec ces entreprises et générer des revenus constants. Les entreprises ont un volume de courrier à envoyer qui est assez conséquent. Nous faisons toutefois des courses personnelles à côté : déposer un chèque à la banque, récupérer le petit déjeuner d’une personne, etc. D’ailleurs nous sommes en partenariat avec OuiCarry, une entreprise d’expédition de colis basée en France. (cf. Inspir’Start-Up, p.22)

Quelle est la valeur ajoutée de Speed Mail Service face à des grands concurrents tels que La Poste, UPS ou encore DHL ? Commençons par la Poste. Notre avantage ici est la fiabilité et la rapidité. La Poste fonctionne, c’est vrai, mais elle est à l’agonie. Les gens ont perdu confiance en ce service. Maintenant, par rapport à des services de type UPS/DHL. Il faut préciser que nous ne faisons pas exactement le même métier. Eux, ont une activité très orientée vers l’international et ne propose pas vraiment de services au niveau local comme nous le faisons. De manière générale, nous avons essayé d’adopter un positionnement TIC. Nous avons mis sur pied une solution de « tracking » de courrier/colis, ce qui n’existait pas encore, même auprès de nos concurrents directs. Il est vrai que la solution n’est pas systématiquement utilisée, mais nous essayons de faire sorte que les gens sachent où se trouve leur colis.

As – tu l’ambition d’étendre le concept dans tout le Sénégal voire sur le continent tout entier? Dans tout le pays, certainement ! Nous voulons vraiment avoir une couverture nationale. Nous travaillons dessus en ce moment, mais il faut admettre que ça coute de l’argent. Justement, nous parlions de solutions de financement octroyées par l’Etat... Nous avons monté un dossier et espérons qu’il sera validé à ce niveau pour pouvoir élargir le concept Speed Mail Service. En ce qui concerne le continent entier…Humm... Ça va attendre ! (Rires). Disons que les pays limitrophes, Mali, Guinée, etc. sont un peu à la traîne dans ce domaine là. Nous pourrions envisager de nous y installer. Par contre, le manque de stabilité dans ces zones ne nous encourage pas. Pour ce qui est de l’Afrique Centrale et Anglophone, nous avons besoin de moyens financiers solides, avant de nous y aventurer, car ce sont des zones très dynamiques, où le marché bouge beaucoup. Il y’a donc énormément de concurrence.

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«

Il y’a énormément de potentiel sur les métiers d’internet aujourd’hui, surtout en Afrique.

»

Tu nous as parlé de Oui Carry précédemment. Nous voulons en savoir plus…

Speed Mail Service en chiffres ça donne quoi ?

Ah… OuiCarry ! Très intéressant ! J’ai rencontré Olabissi, le CEO à Lyon, dans le cadre de mes études. Nous militions ensemble dans certaines associations Africaines. Il m’a appelé une fois pour me parler du projet OuiCarry. Le projet consistait à convoyer de petits colis personnels pour les africains qui vivent en France, précisément à Paris. Il est parti d’un constat simple : en général, pour envoyer des colis en Afrique, les particuliers passent soit par DHL, (ce qui revient assez cher), soit par la famille ou les proches. Ils sont donc obligés d’attendre que quelqu’un se déplace pour l’Afrique pour pouvoir confier leur colis à cette personne. Partant de là, il a décidé de se positionner sur ce marché, et de proposer de convoyer de manière « express » des colis personnels à prix abordables. Le premier colis a été convoyé le 26 Juillet 2012 si j’ai bonne mémoire. Au fur et à mesure, nous nous sommes aperçu que les gens voulaient acheter des produits sur les sites européens, mais n’avaient pas les moyens de paiement adéquats. De plus, ces sites ne livraient pas à Dakar. L’offre de OuiCarry a donc évolué dans ce sens, et le produit a immédiatement séduit. Actuellement OuiCarry atteint facilement les 150 commandes par mois. Le rôle de Speed Mail Service dans le processus est de réceptionner le colis une fois à Dakar et effectuer la transaction sur place, après que OuiCarry se soit chargé de l’expédition.

Très bonne question ! Speed Mail Services à un chiffre d’affaire annuel autour de 30 000 euros. Mais sachant que nous avons tout financé sur fonds propres et que nous sommes actuellement entrain de rembourser nos dettes, je peux dire que l’activité est tout juste rentable, c’est à dire que nous avons un bilan comptable proche de zéro. Nous espérons avoir une marge bénéficiaire plus élevée d’ici le 2ème semestre 2014. En terme de personnel, nous sommes 10 membres dans le staff. Une dernière chose à rajouter ? Je tiens juste à rajouter qu’il y’a énormément de potentiel sur les métiers d’internet aujourd’hui, surtout en Afrique. Ces nouveaux métiers, (développeurs, webmaster, community manager) sont devenues de vraies mine d’or pour le continent, et il est nécessaire de s’y attarder. Par contre, ce que nous avons encore du mal à mettre en place ce sont les métiers de e-commerce, surtout dans la zone francophone. Il faut comprendre que le tout ce n’est pas d’exister. Il faut fonctionner de manière effective. La vente en ligne fait appel à plusieurs compétences : Être un bon commerçant, car il est important d’avoir un discours commercial cohérent avec les services qu’on propose. Être « calé » en matières de TIC, car il faut un minimum de maîtrise de la sphère Internet pour proposer un site qui sera efficace et facilement utilisable par les internautes. 14


Enfin, il faut maîtriser la logistique, et c’est là que le bas blesse. Les gens veulent acheter moins chers et être livrés le plus vite possible. Il faut donc être capable de répondre à ce double besoin. Si les gens attendent trop, ils finiront par aller voir ailleurs. Il faut savoir ce que les gens achètent, ce qui les intéresse. Nous avons un avantage à ce niveau là, notamment avec OuiCarry, car les gens viennent directement renseigner sur notre plateforme ce qui les intéresse. On sait ce qu’ils achètent en général. C’est une sorte de mini étude de marché dans le fond. La suite logique serait donc qu’on se lance dans de la vente en ligne de manière à proposer une offre adaptée à notre marché, mais nous n’en sommes pas encore là… Propos recueillis par Joan Yombo

Retrouvez SMS à Dakar, et sur www.speedmailservice.com

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Marine Reed Photographe Lieu: Centre commercial confluence Mannequins : Koura, Maeve et Marie Antoinette.

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Inspir’ASSOCIATION

«

Créée en 2010 IZWI est née dans le but d’équiper les jeunes entrepreneurs africains.

IZWI : LA MAISON DES AFROPRENEURS

»

Malgré le fait d’avoir quitté l’Afrique pour l’Europe à un très jeune âge, Clarah Manuhwa n’a jamais rompu le lien avec son pays natal le Zimbabwe. Clarah nous raconte comment, accompagnée de quelques amis, elle décide de créer IZWI. Il s’agit d’ « une plateforme pour jeunes entrepreneurs africains, où ces derniers peuvent combler le manque d’information sur le processus de création d’une entreprise : de l’acquisition des différentes licences aux techniques de comptabilité, en passant par la participation aux programmes de mentorat » dit-elle. Créée en 2010 autour d’un déjeuner, IZWI est née dans le but d’équiper les jeunes entrepreneurs africains. Comment l’association s’y prend- t- elle concrètement? En impliquant ces jeunes dans des débats et discussions au cours des forums. Le but est de les faire sortir des sentiers battus mais surtout leur apprendre à avoir de l’ambition. L’association tient à ce que leurs principaux interlocuteurs disposent de tout ce dont ils ont besoin en tant que jeunes entrepreneurs. Un exemple pratique de leur action : le « Youth forum », organisé en Tanzanie en 2012 par IZWI. En collaboration avec ZAYRAH1, le forum avait pour thématique principale le leadership chez les jeunes. « Nous avons organisé ce forum à un moment où nous ressentions que le continent avait de plus en plus besoin de programmes de leadership pour les jeunes. Il fallait donc les réunir et discuter avec eux sur le sens qu’ils donnaient à la notion de leadership » Raconte Clarah. Le prochain forum organisé par IZWI est prévu pour fin Décembre/ Début Janvier. En effet, 2014 sera une année décisive pour l’association. Comme le dit Clarah, « Toute l’équipe sera au Zimbabwe, puisque nous allons y ouvrir un 17

1 Il s’agit d’une agence de développement menée par les jeunes, qui se concentre sur la construction de la paix et le développement socio-économique dans les pays en reconstruction.

incubateur pour jeunes entrepreneurs. » En parlant d’équipe. Chez IZWI, il y’a 4 Zimbabwéens : Clarah Manuhwa, Fondatrice et Directrice de l’association. Trevor Chomumwe, chef de projet, qui vient à peine de s’installer définitivement au Zimbabwe. Musimba Gamia, le graphiste, qui a permis à IZWI de garder un lien permanent avec l’activité sur le terrain. Et enfin Patience Mushamiri, récemment intégrée dans l’équipe. Et à propos de l’incubateur ? Clarah veut que les jeunes afropreneurs s’y sentent « comme à la maison ». En fait, il y’en aura deux : un à Harare et un autre dans la ville de Bulawayo. Chacun d’entre eux aura trois pôles : une « clinique » business, un pôle innovation/RD et un pôle collaboration. Le premier pôle permettra aux afropreneurs de planifier des sessions de coaching individuelles avec des experts qui feront un diagnostic complet de leurs entreprises ou de leurs projets de création d’entreprise. Manuhwa explique : « C’est vraiment une sorte d’hôpital pour les entrepreneurs. Vous intégrez ce pôle lorsque


vous voulez refaire une nouvelle santé à votre entreprise. » Les intervenants coach seront des experts dans leur domaine : des professeurs ou des chefs d’entreprises à succès, désirant partager leurs connaissances. Le pôle Innovation/ Recherche & Développement a été mis sur pied car nous avons remarqué que la majorité des entreprises africaines n’accordent pas beaucoup de temps à la recherche. IZWI a l’intention de changer la donne : « il se trouve que dans les entreprises africaines, la plus petite équipe est toujours celle assignée à la recherche. » Nous explique Clarah. Elle continue : « nous voulons que la phase de recherche fasse partie intégrante du processus de création de nos entreprises ». L’association cherche à attirer des personnes qui souhaitent tester leurs produits/services avant de les lancer sur le marché. A partir de là, ils choisiront les produits/services qui cadrent potentiellement au marché sur lequel ils veulent se positionner. De plus, une fois l’entreprise lancée, ils peuvent toujours revenir à l’incubateur pour recueillir des conseils sur les perspectives d’évolution de leur business. Le dernier pôle permettra aux entrepreneurs d’échanger entre eux des méthodes, des astuces, et tout autres outils qui leur seront utiles dans la construction de leur projet. Ils posteront des offres d’emplois, proposeront des experts sur la plateforme, etc. Ceci aidera les entreprises à repérer de bons profils et à recruter. Ce qui rend l’incubateur de IZWI unique c’est le fait qu’il soit en totale adéquation avec les besoins des africains. En effet, « la plupart des incubateurs utilisent des applications ou des solutions qui ne sont pas adaptées aux besoins des afropreneurs » nous dit Clara. L’association compte en plus mettre sur pied une boutique en ligne, qui sera un espace à exploiter pour les afropreneurs qui auront des produits à vendre. Clarah précise qu’il n’y aura aucune discrimination au niveau de la sélection des entrepreneurs. « Nous sommes ouverts aux idées les plus folles ». Sur le long terme, IZWI souhaite se concentrer sur les PME et expliquer aux entrepreneurs comment trouver des financements pour se développer tout en créant de l’emploi et en contribuant au développement d’une économie stable. « Nous serons de ces incubateurs qui vendent l’expérience africaine aux afropreneurs, de manière à ce qu’ils maîtrisent les spécificités du marché africain ». Par Leyla Ismaily

Retrouvez l’association IZWI sur http://izwionline.org 18


OSER inspirer FOCUS : LA E-SANTÉ EN AFRIQUE Part du secteur tertiaire, la santé est un point vital trop souvent négligé par les gouvernements africains : 32 pays sur 53 y consacrent moins de 20 dollars par habitant. De plus, les ressources en personnel de santé sont insuffisantes : selon l’OMS, sur les 4 millions de docteurs, infirmières ou aide soignants manquants à l’échelle mondiale, 1 million le seraient sur le seul continent africain. A cela s’ajoutent l’éloignement des centres de santé et une mauvaise qualité de soins qui découle du manque d’infrastructures.

Marylène Owona pour Oser L’Afrique Principal atout d’une Afrique qui se veut émergente, la jeunesse du continent éprouve d’ailleurs de grandes difficultés d’accès aux soins et doit se tourner vers un secteur informel très limité. Face à tout cela, l’une des options pour pallier aux défaillances du système est sans conteste la e-santé. Objet à la fois d’espoirs et de fantasmes, domaine à la fois ancien et récent, la e-santé est-elle vraiment la solution ? Voici en 5 points, tout ce que vous devez savoir sur la question.

1. QU’EST-CE QUE LA E-SANTÉ ? La e-santé est selon l’OMS, « l’utilisation appliquée au secteur de la santé des communications électroniques et des technologies de l’information ». Elle a pour objectif d’améliorer la qualité des soins, de former les professionnels de la santé à rendre le système efficient et de faciliter l’accès aux soins. Ses enjeux sont multiples : la prévention des maladies, la protection des données ou encore l’accès aux déserts médicaux… 2. EST-CE EXPÉRIMENTAL ? Oui et non. Voilà 15 ans que l’Afrique associe santé et TIC. Le succès en la matière découle de la démocratisation du mobile : le chiffre d’affaires des opérateurs présents en Afrique représente à lui seul 5% du PIB du continent. L’essor de la téléphonie mobile permet aux populations de bénéficier d’une plateforme de communication à faible coût. Avec 650 millions de téléphones, le marché africain est arrivé à maturité. Et tant mieux : c’est potentiellement autant de personnes pouvant être touchées par les applications santé. Surveiller son poids, faire des prises de sang, prendre ses médicaments : les avancées dans le domaine de l’e-santé sont fulgurantes. Un grand défi demeure pourtant : faire intégrer ces pratiques aux potentiels utilisateurs. Très peu souscrivent aux services sms et une grande partie nourrit une méfiance vis-à-vis des dispositifs de santé officiels, préférant se tourner vers les tradi-praticiens. Un travail important d’éducation reste à faire à l’instar de tout ce qui touche à la technologie à Afrique. 19


3. LES APPLICATIONS SONT-ELLES LIMITÉES ? Non. Aujourd’hui, les principales applications portent sur l’amélioration du traitement des maladies cardiovasculaires ou du diabète. Pour exemple, le Cardiopad, tablette développée par Arthur Zang (Inspire Afrika N°7, nldr) jeune ingénieur camerounais, permet de réaliser des électrocardiogrammes à distance. Néanmoins, les résultats positifs obtenus dans ces domaines ont valeur de Recherche et Développement. Les pionniers en la matière enregistrent des succès et permettront sous peu à d’autres ingénieurs de pousser plus loin l’innovation. Et pourquoi pas d’obtenir plus aisément des financements, privés ou publics. On pourrait imaginer des applications tournées vers les femmes enceintes, vers les écoliers ou même des applications sensibilisant les travailleurs dans les usines ou les plantations à la nécessité de se protéger. Le périmètre d’action est large. 4. LA E-SANTÉ PERMET-ELLE DE REMPLACER LES DÉFAILLANCES DU SYSTÈME DE SANTÉ ? En aucun cas. L’effet de levier créé par un meilleur accès aux soins d’une frange de la population est certain. En développant des moyens efficaces de partager et stocker des informations relatives aux patients, l‘e-santé simplifie le chemin vers une assurance maladie généralisée. Cependant, une armée d’ingénieurs ne pourra pas remplacer des systèmes de santé défaillants : l’Etat reste le principal garant de la santé de ses citoyens. 5. ET APRÈS ? Et si nous évoluons vers une e-santé participative ? Si son utilité n’est plus à prouver, il n’en reste pas moins que son adoption reste complexe et ce au sein même des administrations étatiques. Les consommateurs finaux doivent être mis à contribution ; chaque utilisateur conquis par l’usage de telle ou telle application santé devrait être incité à la promouvoir auprès d’un proche. Appliquons les méthodes qui marchent sur le continent : comme le bouche à oreille pour les marabouts, l’e-recommandation est un canal à exploiter. Cela implique toutefois l’implémentation d’une stratégie marketing propre au domaine et portée pourquoi pas par des agences de communication qui permettraient aussi bien de soulever les fonds que de mettre en relation les acteurs de ce développement…

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Inspir’START-UP

OUI CARRY : ALLEZ, ON COMMANDE !

D’origine Béninoise, Olabissi Adjovi quitte son Bénin natal après son bac, pour intégrer une école d’ingénieur à Lyon. Une formation qu’il termine et complète quelques années plus tard à l’ESCP Europe, avec un master spécialisé en entrepreneuriat. Persuadé qu’il faut prendre tous les risques quand on est jeune, il est aujourd’hui à la tête d’une jolie start-up qui se donne pour mission de faciliter les envois de petits colis de Paris à Dakar. Nous l’avons rencontré pour vous. Bonjour Olabissi, commençons par le début : quand et comment t’es tu lancé dans l’aventure OuiCarry ? Je devais expédier des cadeaux au Bénin. J’étais à Paris, et je me souviens que j’ai eu beaucoup de mal à les envoyer à l’époque. Je me suis dit qu’il fallait absolument trouver une solution pour faciliter l’envoi des petits colis vers l’Afrique. Au début, on voulait mettre sur pied un service pour que les gens à Paris puissent envoyer leurs colis vers le Sénégal. Mais très vite, on s’est rendu compte qu’il y’avait un énorme besoin dans l’autre sens : beaucoup de personnes au Sénégal souhaitaient se procurer des produits en provenance de l’Europe mais n’arrivaient pas à le faire aisément. Où as tu trouvé les financements pour monter ton entreprise ? J’ai financé mon entreprise sur fonds propres. Avec un capital de 1000 euros, j’ai crée une société à actions simplifiées, dont le siège social est en région parisienne. C’est un statut assez intéressant pour les Start Up. Il permet justement de faire rentrer des personnes dans le capital et d’attirer des investisseurs. On a démarré avec peu de moyens, mais ce qui nous a vraiment aidé, c’est l’incubateur de l’école dans 22


laquelle j’étais. Nous avions notamment accès à des locaux gratuitement. Le fait d’être entourés d’autres entrepreneurs dans cet incubateur a aussi été salutaire. On est tous plus ou moins confrontés aux mêmes problèmes lorsqu’on est une jeune entreprise. Donc, l’expérience des uns peu servir celle des autres. Par exemple, c’est grâce à l’incubateur que j’ai pu rédiger les statuts de mon entreprise, même si j’ai fait appel à un avocat par la suite, que j’ai d’ailleurs rencontré par le biais de l’association Oser L’Afrique.

Il y’a-t-il des restrictions sur les types de produits à se faire livrer ? Oui, nous avons quelques restrictions. Nous ne livrons pas des répliques d’armes, du type paintball, airsoft, explosifs, etc. Tout simplement parce qu’elles sont interdites au niveau du transport aérien. Après, il y’a certains produits qu’on pourrait transporter, mais qui ne cadrent pas avec nos convictions personnelles. Notamment les crèmes éclaircissantes et les animaux vivants. Nous avons aussi des plateformes privilégiées telles que Amazon, tati.fr, ou rue du commerce. Certains clients nous sollicitent pour des produits disponibles sur des sites américains. A ce niveau, la procédure devient très compliquée pour nous, car il faut payer des taxes supplémentaires, sans compter que les délais peuvent être très longs. Ce qui peut faire monter le coût de la prestation très rapidement. On va donc dire que la plateforme OuiCarry est plutôt adaptée à des sites marchands français, et européens dans une certaine mesure. Comment les marchandises circulent elles ? Avez vous des partenariats avec des compagnies aériennes ?

Explique nous le concept. Comment la plateforme fonctionne t-elle concrètement ? Imaginez que vous êtes à Dakar. Vous voyez un article qui vous plaît sur le site zalando.fr par exemple. Malheureusement, Zalando ne livre pas au Sénégal, et refuse les cartes bancaires non européennes. Vous êtes donc en mesure de contacter OuiCarry et de nous faire une demande de livraison que vous remplirez via un formulaire. Nous recevons la demande, et nous vous faisons parvenir un devis. Une fois le devis accepté, nous achetons le produit pour vous, et nous vous le faisons livrer à domicile à Dakar. 23

Nous expédions principalement les marchandises par avion. Le temps de livraison est d’environ une semaine. Les livraisons par bateau sont plus marginales. Elles interviennent pour des colis très volumineux. Certains clients qui ne sont pas pressés nous sollicitent souvent pour une livraison par bateau. Mais c’est vraiment très occasionnel. Au niveau des compagnies aériennes, nous n’avons pas vraiment de partenariat. Nous travaillons avec des commissionnaires de transport. Leur fonctionnement se rapproche de celui des agences de fret. On travaille aussi beaucoup avec la compagnie aérienne Corsair. Ils ont un vol direct Paris-Dakar et sont beaucoup moins cher que la majorité des compagnies. Il nous arrive de passer par Brussels Airlines aussi. Donc pour choisir, il faut jongler entre les prix, les délais et aussi les disponibilités des vols. Ça nous arrive aussi de passer par DHL, mais uniquement pour des clients qui ont des demandes très urgentes.


A quel moment SpeedMailService1 intervient –il dans le processus de livraison des colis ? Assez tôt. Une fois que la commande est validée, les clients doivent payer un acompte sur place à SpeedMailService. En effet par précautions, nous n’effectuons pas d’achats sur Internet par avance. Ensuite, une fois que le produit a été acheté et expédié au Sénégal, SpeedMailService se charge de sa réception, du dédouanement et de la livraison à domicile. En fait, SpeedMailService perçoit les paiements de nos clients en intégralité. Sauf quand ces derniers disposent de cartes bancaires européennes et veulent simplement expédier leur colis de Paris à Dakar. Cela veut donc dire que le service fonctionne aussi bien dans l’autre sens. Nous avons des clients en France qui nous envoient directement leur colis par la poste. Nous les réceptionnons et les expédions à Dakar. L’accès limité à la connexion internet sur le continent ne représente t-il pas un manque à gagner ? Est ce que vous ressentez ce problème là dans votre activité ? Avant de nous lancer, nous savions que ça allait être un problème d’ordre structurel et que cela allait réduire potentiellement le nombre de nos clients. Mais le marché existe néanmoins. Au Sénégal par exemple, il y’a 800 000 personnes qui sont connectées au réseau Facebook. Ce n’est pas négligeable. Pourquoi avoir spécifiquement choisi le Sénégal ? Par ce qu’il y’avait SpeedMailService. C’est une opportunité qui s’est offerte à moi.

1 Voir Inspir’Interview : SpeedMailService, la solution rapide pour des envois de colis à Dakar.

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Comment s’organise t-on quand on se lance dans une activité comme celle de Oui Carry ? Quelles sont les contraintes auxquelles il faut faire face ? La chose la plus importante à considérer c’est la douane. C’est l’aspect le plus compliqué du processus. Il faut savoir comment ça marche, quels sont les tarifs, etc. Il y’a souvent une grosse différence entre ce qu’on apprend en théorie et ce qui se passe sur le terrain. Est ce que mes envois sont réguliers ? Combien de colis j’envoie ? Mon transitaire est-il assez efficace ? Tous ces aspects se déterminent sur le terrain. Quel est le produit le plus commandé chez OuiCarry ? Sans vouloir rentrer dans le cliché, les hommes commandent plus de gadgets électroniques tandis que les femmes commandent tout ce qui est vêtements, chaussures et parfums surtout. Nous avons même du créer une page dédiée pour les parfums, car on a vu qu’il y’avait une réelle demande à ce niveau. Combien de membres compte la team OuiCarry aujourd’hui ? En dehors de nos partenaires, notamment SpeedMailService, nous ne sommes que 4 à plein temps. Ce qui représente une masse de travail assez importante. Nous sommes d’ailleurs en train de recruter actuellement sur Dakar, donc n’hésitez pas à nous contacter via notre site web! Pour finir, quelle est la réelle valeur ajoutée de OuiCarry ? La valeur ajoutée de OuiCarry c’est premièrement le dédouanement. Nous nous en chargeons intégralement, donc il n’y a pas de surprise au niveau des frais. Ensuite, nous sommes très attachés au service client, à l’assistance au niveau de la commande. Le fait que le service soit sur Internet est aussi un atout. Ceux qui n’ont pas de cartes bancaires, ou qui ont des cartes bancaires non européennes peuvent quand même commander des produits sur leurs sites marchands préférés. Voilà ce que nous apportons vraiment de différent. Propos recueillis par Joan Yombo

Rendez vous pour commander sur http://ouicarry.com

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Christal Jeanne Beeko, l’audace dans la réussite.

Inspir’CARRIÈRE Elle est l’une des premières africaines de notre génération à avoir compris très rapidement que l’ère du changement était arrivée en Afrique. Après un Bachelor en Economie obtenu au Canada, Christal Jeanne Beeko décide de rentrer au Ghana. Aujourd’hui, elle produit son propre show télévisé : THE BE BOLD SHOW, où elle s’attelle à faire « revenir les cerveaux » sur le continent. Elle partage avec nous son parcours vers le succès professionnel et personnel.

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A propos du retour vers le continent. Pour moi, rentrer sur le continent a été une décision audacieuse. Ça a été un choix difficile. J’exagère à peine si je dis que j’ai du fermer les yeux, sauter et voir où est ce que j’allais atterrir. Lorsque je vivais au Canada, mes compatriotes ghanéens et moi avions l’habitude de nous plaindre de notre situation si nous jamais rentrions au Ghana, et de tout ce qui n’y fonctionnait pas en général. Un jour, je me suis rendue compte qu’il était très facile de se plaindre, surtout lorsque l’on était en dehors du pays. Je me suis donc demandé : « que faisons nous pour solutionner ces problèmes ? » C’est à ce moment précis que j’ai décidé de retourner au Ghana. Je disais à tout le monde qu’il fallait retourner sur le continent, alors que moi même je vivais encore à l’étranger. Après mon obtention de diplôme, j’ai donc pris le premier avion pour Accra. Une fois de retour, il a fallu que je réapprenne à vivre avec ma famille, car j’avais vécu toute seule pendant 4 ans. Il faut le dire, c’est toujours agréable au début, mais après quelques mois sur place, les premières frustrations se font ressentir. J’ai commencé à affronter les réalités de l’emploi au Ghana, et ai même crée un blog pour en parler. Mais au delà de ces difficultés, j’étais convaincue que ce retour au Ghana était la meilleure décision de ma vie. Je le savais parce que toute ma vie, j’ai toujours pensé que j’étais venue sur terre pour accomplir un objectif : partager des expériences de vie avec les gens, leur montrer comment se surpasser, comment affronter leurs difficultés. Le simple fait d’échanger avec les personnes que j’interviewe à chaque émission m’enrichis énormément et m’inspire.

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Une diplômée en économie reconvertie en présentatrice télé. J’ai débarqué dans l’industrie des médias par hasard. Malgré mon diplôme en économie, je suis rentrée au Ghana pour travailler dans une boîte qui possédait une agence évènementielle, une chaîne TV, une station radio, et une agence de relations publiques. Ce qui était parfait pour moi, car à l’époque, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire de ma vie. J’ai donc eu l’opportunité de travailler dans tous les départements et je suis devenue présentatrice TV pour E-TV Ghana, section business news. Mes connaissances en économie m’ont été fort utiles, puisque je manipulais au quotidien des termes techniques qu’il fallait maîtriser. Néanmoins, il a vraiment fallu que je travaille sur la manière de présenter une émission en direct. Au final, on se rend vite compte que l’université n’est que le moyen d’acquérir des connaissances. Mais l’usage ou le non usage de ces connaissances par la suite dépend de la carrière professionnelle qu’on choisit. Dans mon cas, mes connaissances en économie m’ont permis d’avoir confiance en moi et d’avoir l’implication nécessaire pour exceller dans mon domaine. Par exemple, je travaillais très dur pour respecter mes deadlines au quotidien, peu importe le temps que ça pouvait me prendre. Ma motivation et mon implication étaient mes seules armes pour évoluer dans ma carrière. Les débuts de « THE BE BOLD SHOW » Au départ c’était un événement pour réunir les ghanéens de la diaspora (qui venaient ici pour les vacances) et les employeurs locaux. La première partie de l’évent permettait à ces personnes de discuter, d’échanger leurs cartes de visite et de parler de leur parcours. La seconde partie était

dédiée à un « talk » et à des activités interactives et de divertissement. Par exemple, après un défilé de mode, nous invitions des entrepreneurs dans le domaine de la mode à s’adresser à l’audience, de manière à partager leurs expériences, les difficultés auxquelles ils faisaient face notamment pour ce qui est de créer une entreprise au Ghana. Ou alors nous invitions un jeune travailleur à s’exprimer sur ses motivations à retourner vivre et travailler au Ghana. C’était aussi le moyen pour des jeunes travailleurs de postuler à des emplois et d’obtenir des entretiens ici. Nous n’avions pas de bureaux à l’époque, et opérions de nos domiciles, et de différents pays. Les difficultés Le sponsoring est un véritable problème pour les entrepreneurs. Je ne parle pas seulement du show. De manière générale, les jeunes entrepreneurs ont du mal à financer leur projet ou à se faire financer, ce qui les empêche d’être compétitifs, surtout sur le plan international. En ce qui concerne le show en lui même, nous avons remarqué que les gens préfèrent sponsoriser du divertissement pur, tel que des concerts, des défilés, etc., et mettent de côté tout ce qui est activité ludo-éducative. Peut être à cause de l’absence de glamour dans ce type d’activités. Ainsi, pour obtenir des sponsors, nous avons dû trouver un compromis entre nos convictions personnelles, nos valeurs et le divertissement. A présent, nous pouvons attirer des annonceurs pour faire de la publicité pendant les temps d’antenne. C’est très intéressant de voir comment les entrepreneurs que nous interviewons sont autant solidaires les uns des autres que solidaires de nous. C’est incroyable de voir que ce sont ceux qui n’ont pas grand chose qui contribuent le plus au show.

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Attirer les sponsors. La seule stratégie dont on puisse réellement parler est celle d’améliorer et d’affiner au quotidien le concept de l’émission. Si l’émission explose les records d’audience, pas besoin de chercher des sponsors : il viendront à nous. C’est ce qui se passe aujourd’hui pour The Be Bold Show. Les gens commencent à voir le potentiel d’un concept tel que le notre. Lorsque nous rencontrons un sponsor, nous lui montrons le pitch de l’émission, le taux d’audience, le nombre de vues, et comment nous sommes capables d’atteindre des personnes à travers le monde entier. Tout ce qui intéresse un potentiel sponsor ce sont les chiffres. Toute votre présentation va consister à lui démontrer points par points ce que votre projet va lui apporter. Il ne faut pas oublier qu’aucune entreprise ne sort de l’argent de sa trésorerie sans attendre un profit en retour, quel qu’il soit.

Choisir un nom pour l’émission Choisir un nom pour son entreprise ou son projet est l’une des étapes les plus difficiles à franchir pour un entrepreneur. Pour le show, nous voulions un nom qui « nous raconterait » avant même que nous ayons à expliquer en quoi consiste l’émission. Cependant de nos jours, vous avez des entreprises portant des noms banals comme Apple ou BlackBerry, qui marchent très bien. Si vous réussissez à trouver un nom qui capte votre public et que vous communiquez suffisamment pour leur expliquer ce que ce nom signifie pour vous, vous êtes sur la bonne voie. Etre audacieux “BE BOLD” _ être audacieux _ est une phrase puissante qui peut signifier tellement de choses à la fois. Mais au delà de ça, BE BOLD signifie : Eduquer et construire des opportunités pour le leadership et le développement1. Cette seule phrase résume ce que nous faisons dans l’émission. Nous voulions que notre audience comprenne que les personnes que nous rencontrons sont audacieuses dans leurs domaines respectifs, que ce soit dans le leadership ou l’entrepreneuriat. Il est important de rappeler que l’émission ne présente pas seulement des personnes qui ont lancé leurs entreprises. Nous présentons aussi des gens qui malgré le fait qu’ils travaillent pour des employeurs, cherchent le moyen d’être « audacieux ». Pour nous, l’éducation est la solution qui permettra de réduire la fuite des cerveaux, et de favoriser le retour de ces cerveaux. Nous mettons aussi en avant les opportunités crées par ces entrepreneurs qui en lançant leurs entreprises crée des emplois et contribuent à la croissance économique. Grâce au show, de nombreuses entreprises font appel à nous pour leur trouver des profils 29

1 Bringing Education and Building Opportunities for Leadership and Development


intéressants qu’elles pourront intégrer dans leurs équipes. Nous sommes convaincus que le développement du continent passera par l’éducation et l’entrepreneuriat.

La première étape du succès La première étape pour atteindre le succès consiste à définir ce qu’on essaie de transmettre comme message aux autres, et ce qu’on doit mettre en place pour y arriver. Si vous ne savez pas exactement ce que vous voulez faire, vous n’accomplirez rien. Vous devez vous poser les bonnes questions : Comment me vois-je dans 5 ans ? En quoi est ce que je crois ? Comment est ce que je veux que les gens perçoivent mon produit/offre ? Une fois que vous avez répondu à ces questions, vous êtes prêts pour vous lancer. Chez THE BE BOLD SHOW par exemple, nous voulons que les gens comprennent qu’ils tiennent leur destin en main et qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs. Mon équipe Pour réussir, il est impératif de s’entourer de personnes positives. TRÈS positives. Cela vaut autant dans la vie professionnelle que privée. Plus vous avancerez dans vos carrières, plus vous aurez besoin d’exploiter le positif. Vous vous en nourrirez littéralement. Vous devrez vous entourer de personnes qui ont des objectifs, des rêves, et qui font tout pour les réaliser. C’est avec ce genre de personnes que je travaille au quotidien. Si vous n’avez pas de rêve, il sera difficile de travailler chez THE BE BOLD SHOW, car l’essence même de l’émission repose là : Avoir un rêve et le réaliser. Il est aussi important de s’entourer de personnes

créatives, qui ont le sens de l’innovation et qui sont « calées » dans leurs domaines respectifs. Être une “Woman of Worth1” C’était une expérience très enrichissante, et je me suis sentie très honorée d’avoir été choisie pour cette campagne en tant que « femme de valeur ». Les organisateurs de cette campagne m’ont fait réaliser que le travail que je fais a un impact et une certaine résonance. C’est toujours une fierté de voir toutes ces femmes accomplir des choses merveilleuses ! J’ai apprécié le fait que nous ayons pu nous exprimer sur différentes plateformes et expliquer aux jeunes filles ce que signifie être une « femme de valeur ». Je suis convaincue qu’écouter ces « success stories » est une source d’inspiration pour ces elles. Elles doivent comprendre qu’elles ont le potentiel de faire la différence. Je pense que très souvent, les gens se laissent emporter par leurs problèmes personnels et arrêtent de se battre. Ce n’est pas forcément la solution. Je dis toujours qu’à la fin de la journée, le véritable succès c’est de relever les défis et de faire la différence, malgré les obstacles. Nous avons tous des problèmes personnels. Il faut garder en tête qu’après la pluie vient le beau temps. Si toutes ces « femmes de valeur » ont réussi à être des modèles, alors tout le monde peut l’être. C’est un état d’esprit.

1 Comprenez femme de valeur. Organisée par le WolfPack Group, Le WolfPack Women Of Worth est une campagne de motivation qui a pour but d’inspirer les jeunes filles et les pousser à prendre leur vie en main et à être des leaders.

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Quelques conseils … Au regard de mon parcours personnel, je ne peux que répéter ceci: il vous faut une feuille de route pour savoir précisément ce que vous voulez faire de votre vie. Si vous décidez de rentrer en Afrique, vous allez devoir affronter de nombreux obstacles quand il faudra lancer votre entreprise ou trouver un emploi. Vous devrez considérer les différences culturelles d’un continent à l’autre, surtout si vous n’êtes pas retournés sur le continent africain depuis longtemps. Vous devrez déterminer comment ces différences affecteront vos objectifs de carrière et votre vie personnelle. Trouver un emploi en Afrique est loin d’être facile. Vous devez être agressifs et faire vos preuves auprès de l’entreprise dans laquelle vous serez recruté. La politique de salaires est totalement différente de celle pratiquée outre atlantique. Il faudra vous y faire. Toutefois, vous aurez toujours des ouvertures, et l’opportunité d’évoluer. Interviewée par Chrys Nyetam

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Au final, tout le monde a envie d’atteindre le bonheur. Alors, planifiez votre bonheur.

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Courrez regarder l’émission http://thebeboldshow.com

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Inspir’ECO

UNE VISION NON CONVENTIONNELLE DE L’ENTREPRENEURIAT

Présenter une personne telle que Eric Kacou n’est pas la chose la plus facile à faire. Non seulement il a fréquenté les meilleures universités au monde (Harvard University – Kennedy School of Governement, The Wharton School…), mais il a également exercé auprès d’une douzaine d’états africains comme caribéens en tant qu’expert en reconstruction économique post-conflit. Il a dirigé, pour ne citer que cet exemple, le programme national pour l’innovation et la compétitivité au Rwanda. Féru d’entrepreneuriat, il est à la tête de « Entrepreneurial Solutions Partners » (ESP). L’ESP aide les petites et les moyennes entreprises à se développer et à étendre leur stratégies. Présent à Haïti, en Afrique de l’Est ainsi qu’en Afrique de l’Ouest, Eric Kacou est un expert dans son domaine. Avec passion et une certaine forme de sagesse, il nous parle de l’entrepreneuriat tel qu’il le voit. Inspire Afrika : Parlez nous du programme ESP. Quels sont les profils que vous recherchez? Eric Kacou: Le programme ESP permet aux futurs entrepreneurs et aux professionnels intéressés par l’Afrique d’avoir une expérience directe sur la manière dont on entreprend ici. L’objectif du programme est d’exposer ces jeunes aux réalités du terrain. Pendant la durée du programme, ils peuvent voir ce qui se passe dans les entreprises et les pays dans lesquels nous sommes implantés. Nous cherchons des personnes qui se décrivent comme étant des entrepreneurs dans l’âme. La session de candidature pour l’année 2014 est déjà ouverte, et nous recherchons cette fois ci des profils intéressées par les pays d’Afrique et par Haïti. Le candidat parfait pour nous a le sens de l’innovation. Il est travailleur, déterminé, et veut faire la différence. Ce programme est une opportunité pour lui de donner une grande impulsion à ses projets personnels. 32


I.A : Parlons de l’entrepreneuriat en Afrique, un continent où les banques prêtent difficilement aux entrepreneurs. Comment un entrepreneur qui a de bonnes idées mais un réseau relationnel peu étendu peut t-il trouver des financements ? E.K : Je vais répondre à cette question en abordant 3 aspects. La problématique des banques qui ne prêtent pas aux entrepreneurs n’est pas propre à l’Afrique. C’est une problématique universelle. Les banques commerciales n’ont pas pour finalité de financer des projets. Les projets se financent soit par le biais des fonds d’investissement, soit par le biais des business angels1 . C’est une différence fondamentale que les gens doivent intégrer. La solution n’est pas de blâmer les banques parce qu’elles ne prêtent pas aux jeunes entrepreneurs. Au contraire, nous ferions mieux de créer des sources de financement alternatives, plus adaptées aux aides financières dont les entrepreneurs africains ont besoin. Mon second argument porte sur les consommateurs. La meilleure manière de financer son projet est de trouver les consommateurs susceptibles d’être intéressés par mon produit/service, et de les faire adhérer à mon concept. L’apport du consommateur couvre les coûts de production, puisqu’il paye pour ce bien/service. Les entrepreneurs doivent songer à attirer des consommateurs très rapidement si ils veulent faire rentrer de l’argent et faire évoluer leur business. Le dernier outil pour réussir à se faire financer c’est l’expertise. Vous devez être compétents pour pouvoir mettre sur pied un modèle économique qui fonctionne. Très souvent, nous justifions nos échecs par le manque de financements en oubliant qu’il y’a des choses à modifier dans notre démarche. Il faut qu’on le comprenne, être entrepreneur est un parcours du combattant dans tous les pays. Par contre, si vous savez attirer des consommateurs, et si vous avez les compétences qu’il faut pour mettre en application votre stratégie, nous aurez beaucoup moins de mal à convaincre vos futurs investisseurs.

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1 Investisseurs providentiels

I.A: Justement en parlant d’investisseurs. Comment et où trouver des fonds d’investissement prêts à financer un entrepreneur qui sort de nulle part si l’on puis dire? E.K: J’ai un problème avec la manière dont cette question est posée. Si il y’a bien un problème avec les jeunes entrepreneurs comme vous et moi, c’est que nous nous focalisons sur ce que nous n’avons pas. Ce qu’il faut retenir c’est que vous ne trouverez jamais une personne qui soit capable d’investir de l’argent dans votre projet si vous ne lui prouvez pas que ce projet est viable. Les gens ne financent pas des projets, ils financent des business. Des activités susceptibles de générer du profit. Un fond d’investissement ne financera pas votre projet juste parce que vous êtes un jeune entrepreneur qui a de bonnes idées. On croise des jeunes entrepreneurs avec des idées tous les jours. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais pour ma part je suis capable de générer une vingtaine d’idées par jour. Et dans cette centaine d’idées que je suis capable d’avoir par an, une seule est viable. Le seul moyen de savoir que votre idée est viable c’est de réussir à convaincre quelqu’un d’autre. C’est de s’assurer que ce quelqu’un soit disposé à acheter ce que vous lui proposez. C’est une erreur que de se concentrer sur l’argent avant de commencer un projet. Ça me fend le cœur de voir des jeunes gaspiller leur temps libre à aller de banques en banques pour obtenir des réponses négatives à chaque fois. Il vaut mieux se concentrer sur le consommateur. Pour peu qu’ils soient séduits par votre idée, ils seront prêts à acheter votre produit une fois que ce dernier sera disponible à la consommation. I.A: Je suis d’accord. Mais il est clair que même si vous avez des consommateurs prêts à payer pour votre bien ou service, vous devez avoir assez de fonds pour assurer la production ou la mise en place de ce bien ou service. E.K: Je ne partage pas cette opinion. Il est difficile de convaincre des gens de vous donner de l’argent pour votre projet. Or, si vous arrivez avec votre projet à la banque et que vous dites « j’ai déjà 10 000 commandes sur ce produit ». Vous donnez une toute autre orientation à la conversation, et votre banquier vous prendra plus au


sérieux. Les banques ont besoin de garanties. C’est comme ça que ça se passe sur le terrain. Un entrepreneur qui réussit est celui là qui parvient à convaincre ! Il doit être capable de prouver l’utilité de son produit. Il doit être capable d’en montrer la plus value. Peut être vous trouverez des personnes capables de vous financer. Des amis, des membres de la famille. Mais ils ne vous donneront jamais assez d’argent pour commencer un business et en assurer la pérennité. Si vous ne tablez pas sur vos consommateurs rapidement, vous aurez du mal à faire grandir votre business. I.A: Vous avez aussi évoqué la notion d’expertise. L’Afrique a parfois l’image d’un continent où il y’a peu d’experts… E.K: Je vous arrête tout de suite. Les africains ont tendance à présenter l’Afrique comme le continent qui a le plus de problèmes au monde. Je ne suis pas d’accord avec cette vision des choses. Tout simplement parce que, je le répète, les difficultés que nous rencontrons actuellement sur le continent ont été et sont expérimentées ailleurs. Attention, je ne suis pas entrain de les minimiser. J’explique juste qu’un jeune entrepreneur aux USA rencontre lui aussi des difficultés. Maintenant, le problématique de l’expertise est cruciale. Pour moi, être entrepreneur revient à entamer un long périple, ponctué de nombreux moments d’apprentissage. L’entrepreneur aborde des problématiques nouvelles tous les jours. Il doit intégrer les éléments perturbateurs dans sa démarche. Par conséquent, il est impossible d’avoir la science infuse en matière d’entrepreneuriat. Mais les sources d’informations sont multiples : blogs, sites internet, autres entrepreneurs, amis, familles, livres, etc. Nous sommes en plein dans l’ère de l’information. De plus le continent africain fait partie des plus étudiés au monde. Pour chaque problème en Afrique, il existe au moins 5 rapports/études. I.A: Pensez vous vraiment que l’information est disponible en Afrique? E.K: Oui, je le pense. Je pense que nous avons un certain nombre de ressources. Est ce que l’information existe bel et bien en Afrique ? Oui ! Est-elle facile d’accès ? Non ! Pourquoi ? Parce que dans la majorité des cas, les gens ne savent pas où la chercher. Par conséquent, puisque l’information est difficile à trouver, ils supposent qu’elle n’existe pas. Vous pouvez par exemple vous rapprocher d’autres entrepreneurs comme vous, et voir comment ils fonctionnent. 9 personnes sur 10 refuseront surement de vous apporter leur aide. Mais le plus important c’est la 10ème personne, celle là qui acceptera de vous orienter. Vous pouvez aussi vous renseigner dans les chambres de commerce. L’Afrique est le continent le plus étudié au monde, comme je vous l’ai dit. Allez faire un tour au PNUD par exemple, et dites leur : « hey, je souhaite lancer une entreprise d’exploitation de manioc ». Il y’a 1 chance sur 2 pour qu’ils aient déjà fait des études sur les différentes variétés de manioc et la manière de les exploiter par exemple. Si vous leur demandez ces études, ils vous les donneront. Par conséquent, nous les entrepreneurs devons comprendre que ce n’est pas parce que nous n’avons pas l’information qu’elle n’existe pas. Elle n’est certes pas facile, à trouver, mais rien de ce qui vaut la peine en ce bas monde n’est facile à obtenir. Il faut être discipliné, persévérant, et inventif pour arriver à trouver des solutions. I.A: Il y’a 1 an vous avez dit ceci: “ Il est crucial que nos efforts passent de la réduction de la pauvreté à la création des richesses ». Avons nous déjà réglé le problème de la pauvreté en Afrique ? E.K: Pour répondre à cette question pensez à comment les gens définissent la notion de pauvreté. Imaginons que je possède 5$ et que je les multiplie par 30. J’obtiens 150$. Si je les multiplie par 12, j’obtiens 1800$ sur l’année. Si vous gagnez 1800$ e 2012 et que vous gagnez 50$ de plus en 2013. 34


Cela signifie t-il que vous êtes riches? Pourquoi voulons nous que 600 millions d’Africains passent de « très pauvres » à « un peu moins pauvres » ? Peut être est ce une étape dans le processus, mais cela ne peut en aucun cas être un objectif à atteindre. Nous devons nous respecter en tant qu’africains. Tant que nous parlerons de réduction de pauvreté (passer de 2$ à 3$/jour), nous ne résoudrons pas le problème. Nous avons besoin de changer notre regard et d’apprendre aux gens comment transformer leurs vies et évoluer. Il ne faut pas se limiter à combler des besoins basiques. I.A: Peut être a t-on besoin de combler ces besoins basiques avant d’atteindre un niveau de richesse respectable. E.K: Mon problème c’est que cette manière de fonctionner ne nous a pas vraiment permis d’avancer durant les 50 dernières années. Où cela nous a t-il menés ? Nous faisons du surplace. Maintenant que nous avons un certain nombre de ressources, (je pense notamment au nombre d’entrepreneurs de plus en plus croissant) soyons audacieux ! Cherchons à changer la donne. Mettez vous à la place de ces personnes qui gagnent 3$/jour. Allez leur dire : « l’année prochaine vous gagnerez 3,5$/jour et dans 20 ans, vous gagnerez surement 10$/jour ». Eh bien dans 20 ans, certaines de ces personnes seront probablement mortes. Je voudrais qu’on passe à une évolution qualitative du débat. Une fois que nous aurons compris ça, il deviendra évident pour tous que la solution passera par un soutien indéfectible apporté à l’entrepreneuriat. I.A: L’entrepreneuriat serait donc LA solution? E.K: C’est un élément essentiel pour résoudre le problème en tout cas. Sans entrepreneuriat, le changement dont je parle sera difficilement atteignable.

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I.A: Quelle est donc la solution pour l’Afrique? E.K: Nous devons améliorer notre productivité et assurer la consommation au citoyen moyen. Pour cela il faut des entreprises capables de créer des biens et services compétitifs sur et en dehors du continent. La qualité des produits que nous vendrons déterminera la qualité de vie sur place. I.A: Tout le monde dit que l’Afrique est entrain de changer. Est ce vrai pour tout le monde ou est ce que le continent change uniquement pour les classes sociales privilégiées? E.K: Je pense que le changement affecte tout le monde. Cependant, le changement n’est pas assez rapide à mon sens. Peut être parce que nous n’osons pas assez. Mais le plus important à retenir c’est que les entrepreneurs, _ et de manière générale tout ceux qui sont intéressés par l’entrepreneuriat _ doivent être des acteurs privilégiés de ce changement. Nous devons trouver des solutions pour transformer l’Afrique. Nous parlons beaucoup de politique, de gouvernements, et d’infrastructures. Ces thématiques sont importantes. Si nous y ajoutons des solutions pour soutenir l’entrepreneuriat, nous aurons là réuni les conditions pour favoriser un développement économique plus rapide et durable. I.A: Terminons cette entrevue en parlant de votre pays, la côte d’ivoire. Le gouvernement prévoit l’émergence dans 7 ans. Cela est-il possible? E.K: Je ne vais pas faire de pronostics, car il est difficile de prédire ce genre de choses. Ce n’est pas parce que je doute que nous ayons les capacités d’atteindre l’émergence dans 7 ans. Non. Mais concrètement, d’ici 7 ans, la définition de ce que nous entendons par émergence aura probablement évolué et sera différente de ce qu’on a en tête aujourd’hui. La question que nous devons nous poser est la suivante : quel sera le point de vue des jeunes ivoiriens sur la question dans 7 ans ? Auront-ils une meilleure qualité de vie que leurs parents ? Si la réponse à cette question est oui, alors nous aurons gagné une bataille. Si la réponse est non, alors il nous faudra redoubler d’efforts.


De mon œil d’observateur, je vois que le gouvernement envoie des signaux positifs au monde entier : « nous sommes sortis de la guerre et la Côte d’Ivoire est de nouveau ouverte aux investisseurs ». Après une crise, c’est le gouvernement qui investit le plus. Normalement, après 3 ou 4 ans, le secteur privé et les investisseurs privés prendront le relai. Nous devons faire en sorte que cela arrive. Être un pays émergent n’est pas si important. Ce qui est important c’est de s’assurer que dans 7 ans le secteur privé en Côte d’Ivoire soit à même de créer des emplois et de contribuer à la résolution de certains problèmes économiques. Propos recueillis par Chrys Nyetam

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LA LETTRE

QUE FAIRE D’UN NOUVEAU MONDE ? Dans cette édition, « la lettre » est rédigée par Julie Wangombe, une professionnelle du langage, poète et rédactrice de discours. Elle est à l’origine du discours de victoire du chef d’Etat kenyan, Uhuru Kenyatta. Si le président a fait confiance à cette jeune femme pleine de ressources, il ne serait pas inintéressant pour nous de lire ce qu’elle a à dire. Mlle Wangombe nous parle de l’éducation et des choix que les jeunes opèrent dans leur parcours académiques et professionnels. Tout en admettant que l’éducation classique n’est pas le seul chemin vers le succès, elle insiste sur le fait qu’il faille tempérer l’optimisme ambiant lié à l’entrepreneuriat : il faut lier les ambitions à la réalité.

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«

Oui, le monde a changé

»

Mondialisation. Interconnexion. Innovation. Ces 3 mots font partie des mots les plus utilisés à l’heure actuelle. Tous les trois illustrent la même réalité : notre monde est en mutation. Plus que jamais, nous sommes la génération des jeunes millionnaires autodidactes, la génération d’une prise de conscience politique et sociale sans précédent, la génération de la promesse et du changement. Au milieu de tout cela, le mode de pensée auquel nous avons été habitués en tant que jeunes a aussi changé. Je parle notamment de nos parents, et comme exemple, je vais évoquer leur rapport à l’éducation et à la vie professionnelle. Ils étaient pragmatiques dans leurs choix de carrières. Nombreux d’entre eux suivaient simplement la filière qui leur semblait la plus utile à suivre (Médecine, Droit, etc.). Pour la majorité, un job n’était rien d’autre qu’un job, un moyen de payer ses factures et prendre soin de sa famille. A contrario, NOUS semblons de plus en plus attachés à l’idée de poursuivre à tout prix nos rêves et nos passions. Nous voyons nos carrières professionnelles comme un moyen de laisser une trace, un héritage, d’être vrais avec nous mêmes, mais surtout d’être heureux. Là où nos parents pensaient local, nous pensons global. Ils étaient plus enclins à garder leurs emplois, nous sommes aujourd’hui encouragés à créer des emplois en montant nos propres entreprises. Je vais continuer. Contrairement à nos parents, nous sommes plus autonomes. Libres de nos choix, libres d’emprunter des voies considérées autrefois comme non conventionnelles : musique, art, littérature, design, photojournalisme, etc. On est passé de « que vaut ce diplôme sur le marché du travail ? » à « est ce vraiment ce que je veux faire aujourd’hui ? Est ce que j’aime faire ? ». Les leaders ou les « success stories » célébrés dans les médias influencent fortement la réponse à ces deux dernières questions. Bien plus que la génération précédente, nous changeons (plusieurs fois) de parcours académique, nous quittons l’université, parce que nous sommes convaincus que nous pouvons faire sans pour atteindre nos objectifs. Oui, le monde a changé. Il est important de considérer cet aspect des choses pour analyser notre monde aujourd’hui. Le talent naturel, la passion et les rêves sont plus que jamais mis en avant aujourd’hui. Et c’est tant mieux ! Toutefois, je pense _ et j’aimerais pouvoir être corrigée si je me trompe _ que sur le long terme, cette manière de voir les choses peut avoir tendance à romancer la réalité. Dans un environnement où le chômage fait rage, nous nous devons de trouver un équilibre judicieux entre les ambitions personnelles,

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les rêves, et la réalité. Les fulgurantes carrières de Steeve Jobs, Bill Gates et autres Marc Zuckerberg font rêver. Mieux, elles sont sources d’inspiration. Cependant, on a tendance à oublier un certain nombre d’éléments essentiels : leur réputation ne s’est pas construite instantanément. Cela leur a pris du temps. Beaucoup de temps. La plupart d’entre eux n’ont jamais vraiment voulu quitter l’école. Les circonstances, et surtout les contraintes liées à l’entrepreneuriat les ont amenés à le faire. J’ai récemment participé au Story Moja Hay Festival à Nairobi1 . Après avoir écouté l’intervention de Chief N., un juriste stagiaire devenu dessinateur de BD (très réputé au Kenya ceci dit), mon petit ami lui a demandé ce qu’il conseillerait aux jeunes qui rêvent de faire comme lui. En effet, la carrière de Chief n’a aucun lien avec sa formation académique et cela apparaît comme un signal fort : ces jeunes pensent qu’ils peuvent de manière légitime, abandonner leur parcours scolaire pour aller à la poursuite du succès dans un domaine où ils s’estiment être doués. Dans sa réponse, Chief a précisé que la plupart des entrepreneurs qui décident de quitter l’université sont ceux qui ont capitalisé une expérience assez significative et qui peuvent donc se passer des enseignements théoriques et pratiques dont on peut bénéficier dans un environnement académique. Il a aussi précisé que ses études lui ont été d’une grande utilité dans son changement de carrière. Ceci renvoie à un autre élément que nous oublions souvent: il existe un lien évident entre connaissance et information. Aucune connaissance n’est vaine lorsqu’on veut grandir et évoluer. Tout dépend de la manière dont on exploite ses acquis. Il y’a quelques mois, j’ai bénéficié d’une reconnaissance à l’international car j’ai eu à rédiger le discours de victoire de l’actuel président du Kenya. J’ai dû pour cela quitter l’université de DUKE (l’une des plus prestigieuse au monde) avec une autorisation d’absence pour me rendre au Kenya. Aujourd’hui j’y vis, et je suis retournée à l’Université. Beaucoup de gens ont du mal à comprendre cela. Ils se demandent comment une personne qui a rédigé le discours du président se retrouve encore à suivre des cours en Université. Et pourtant, cette expérience m’a permis de mesurer la pertinence de mon parcours académique. Etant exposée à l’environnement du travail pen1 Il s’agit d’un festival qui célèbre l’histoire et la culture Kenyane à travers littérature, forums de discussions, ateliers, débat, oeuvres musicales, compétitions, etc.

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dant un moment, j’ai pu en voir les applications précises sur le terrain. Je ne cacherais pas que je suis rentrée à l’université c’est aussi parce que le diplôme, surtout en Afrique, reste un gage de compétence et le minimum syndical pour entamer une vraie carrière professionnelle. Oui, le monde a changé, mais ses fondements restent les mêmes.

Alors, voici ce que j’aimerais dire à ces jeunes qui évoluent dans un environnement compétitif où il faut « faire comme Marc Zuckerberg » et « réussir » de plus en plus tôt : Votre parcours n’est pas linéaire. Accomplir ses rêves est important, mais il faut que ces rêves soient adaptés à la réalité. Souvenez vous que ce n’est pas parce que vous faites ce que vous avez à faire que vous ne ferez pas ce que vous VOULEZ faire. Tout ce que vous apprenez, lisez, ou voyez contribuera à forger votre personnalité. Alors, vivez votre vie, mais surtout ayez une feuille de route ! Ne vous comparez à personne ! Vous vivez votre propre destin, pas celui des autres ! Julie Wangeci Wang’Ombe


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4 QUESTIONS À : Les Transports Citadins

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Nous maximisons sur la qualité de nos services

Willy ASSEKO

Willy ASSEKO fait partie de cette vague de jeunes Africains qui a décidé de rentrer en Afrique après avoir poursuivi des études supérieures à l’étranger. En 4 Questions, cet ingénieur en télécommunications – qui avoue être arrivé dans l’entrepreneuriat tout à fait par hasard – nous explique comment une jeune et petite structure telle que LES TRANSPORTS CITADINS attire de plus en plus de clients mais surtout pourquoi elle est la première société de transport à s’être engagée dans la lutte pour la sécurité routière au Gabon.

Inspire Afrika : Comment un ingénieur en télécommunication devient-il directeur des Transports Citadins (LTC) ? Willy ASSEKO : Je suis arrivé dans l’entreprenariat par hasard. Pendant que je cherchais un emploi, un aîné m’a proposé de travailler dans sa société de conseil afin de ne pas perdre l’habitude de me lever tous les matins. Je m’occupais de l’accompagnement des investisseurs, je gérais tout ce qui avait un lien avec l’accueil de ces investisseurs : confirmation de billet, réservation d’hôtel, assistance aéroportuaire, etc. J’ai fini par réaliser que ces personnes étaient toujours prêtes à payer sans discuter pour ces types de services. J’ai alors décidé d’en faire quelque chose de lucratif. J’ai restructuré une entreprise qui existait déjà et depuis 3 ans, je suis à la tête de l’entreprise en question. Les Transports Citadins est une société de transports terrestres spécialisée dans la location de véhicules au Gabon. Nous sommes souvent définis comme étant des « concierges pour hommes d’affaires ». Nous optimisons l’expérience de nos clients car avec nous, pas de ligne d’attente à l’aéroport, au restaurant, etc. Nous essayons aussi d’anticiper leurs besoins, afin de faciliter leur séjour et leur permettre de travailler dans les meilleures conditions qui soient. I.A : Etant donné que le business de location de voitures est souvent dominé par de grands groupes, quel est votre avantage comparatif? W.A : Il n’est pas évident de répondre à cette question, mais je dirais que nous essayons de miser sur la personnalisation et la qualité de nos services. Contrairement aux grands groupes, nous fournissons des services individualisés et adaptés à chaque client. Parce que nous n’avons pas la même force fi41


nancière que ces grands groupes, nous sommes obligés de nous démarquer de cette manière la. C’est pour cette raison que les gens viennent chez nous : aujourd’hui, nous avons des clients qui préfèrent annuler leur voyage au Gabon si nous ne sommes pas en mesure d’assurer les services que nous leur proposons habituellement. Ils savent que nous les connaissons. Avec les grands groupes, les clients ont tous droit aux mêmes services, mais cela devient très impersonnel. I.A : Qui sont vos clients et comment les attirez-vous ? W.A : Tout d’abord il est important de noter que nous offrons plusieurs services. En plus de la location de voitures pour longue et courte durée, nous proposons le transport de personnel d’entreprise et d’équipage aérien, ainsi que la mise à disposition de chauffeurs. Grâce à la diversité de nos services nous avons donc plusieurs types de clients. 80% d’entre eux sont des hommes d’affaires et des clients de l’hôtel dans lequel sont situés nos locaux. Nos clients sont aussi des entreprises de la place, ou même des entreprises étrangères. Par exemple, nous travaillons depuis plus de trois ans avec la South African Airways. Nous nous occupons de leur équipage. Nous essayons de maximiser sur la qualité de nos services car si nous traitons bien nos clients, ils parleront de nous autour d’eux. Nous tirons aussi notre épingle du jeu en tissant des partenariats avec des professionnels de la location de voitures. I.A : Quels sont vos ambitions à long et court terme? W.A : Nous sommes une jeune entreprise. Notre ambition est de grandir, et de servir d’exemple pour notre génération en aidant la jeunesse Gabonaise, et Africaine. Cependant, nous estimons qu’il est important de rappeler aux jeunes qu’un véhicule peut être à la fois utile et dangereux. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des transports sur le thème de la sécurité routière. Nous souhaitons que LTC soit une entreprise citoyenne car elle contribue quelque part au développement de notre pays. Dans le cadre de la sécurité routière, les jeunes restent une couche de la population très sensible. Souvent, certains d’entre eux sortent sans autorisation avec le véhicule de leurs parents, se rendent en soirée, boivent, et reprennent le volant par la suite. Ils n’attachent pas leur ceinture de sécurité, téléphonent au volant, ne respectent pas les limitations de vitesse, etc. Alors chez LTC, nous avons signé une charte avec le ministère des transports dans laquelle nous précisons que louer chez nous, implique le respect impératif des règles de sécurité routière (ne pas être alcoolisé au volant, conduire avec sa ceinture de sécurité attachée, ralentir lorsqu’on approche d’une école, etc.) Par Anita Bakal

Retrouvez la société LTC sur www.transports-citadins.com

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FOCULTURE Les tontines : alternatives financières en Afrique Certaines institutions financières africaines sont loin d’avoir une bonne réputation. Combien de fois avons nous entendu nos jeunes entrepreneurs se plaindre des banques, qui ne leur accordaient jamais de crédit ? Un bon millier de fois. Mais nous ne nous attarderons pas aujourd’hui à expliquer les raisons de ce manque de confiance entre banques et entrepreneurs. C’est une toute autre histoire. Ce qu’il est intéressant de souligner ce sont les méthodes alternatives développées sur le continent pour épargner et investir, la plus répandue étant la Tontine.

Entendons nous sur les termes De quoi s’agit-il exactement? Le mot tontine vient d’un banquier napolitain, Lorenz Tonti, qui est à l’origine du tout premier système de tontine au 17ème siècle. La tontine est donc considérée comme l’ancêtre de la micro-finance. Grosso modo, le concept de tontine part d’une idée simple : un groupe de personnes qui décide d’épargner de manière commune. De nombreux auteurs, tels que Bruno Bekolo-Ebe1 ont déterminé des classifications très précises des types de tontines. Mais de manière générale, on en retient trois : Les tontines mutualistes ou « tournantes », les tontines financières et les tontines commerciales. Les premières sont les plus répandues. Chaque adhérent doit verser régulièrement une cotisation. La totalité des fonds versés est mise à chaque fois à la disposition d’un membre, à tour de rôle. Aucun taux d’intérêt n’est pratiqué et de même, les sommes épargnées ne génèrent aucun intérêt financier pour celui qui épargne. Lorsque l’ordre des levées est mis aux enchères (les enchères permettant de départager ceux qui souhaitent lever les fonds au même tour) on parle alors de tontine financière. Des taux d’intérêt sont appliqués à ce moment là, payés par celui dont l’enchère a été la plus forte, et qui bénéficiera de la levée. Ces taux seront par la suite perçus par l’ensemble des autres membres. Parmi ces tontines à enchères, 43

1 Contrats, agences et tontines (1996)


l’on retrouve souvent les tontines d’affaires lancées par des commerçants ou des industriels qui ont besoin de financer leurs entreprises. Enfin, on parle de tontine commerciale lorsque l’organisateur, souvent appelé « tontinier », est rémunéré pour son activité. Il peut retenir le premier versement effectué par les membres ou se réserver un pourcentage de la levée de fonds. Une dimension sociale et culturelle Ces différentes classifications montrent que les tontines ne sont pas de simples « tirelires géantes » où chacun vient déposer sa mise dans l’espoir de toucher le « jackpot » à chaque fin de séance. Elles sont judicieusement organisées et structurées. Et c’est important à souligner. On a souvent tendance à considérer la tontine comme la banque du pauvre. J’ai envie de dire : Erreur ! Préjugé ! Cliché ! Les tontines sont sans doute l’un des systèmes financiers les plus judicieux associant à la fois, épargne et très faibles taux d’intérêt. Certes, la tontine favorise l’accès à l’épargne pour des personnes moins privilégiées, mais, à mon humble avis le succès des tontines en Afrique est surtout le résultat de leur cohérence parfaite avec un ensemble de valeurs culturelles propres à l’Afrique: la solidarité, l’entraide, le partage. En effet, malgré le fait que les tontines soient pratiquées partout dans le monde, l’Afrique reste le continent où elles le sont le plus. Elles font partie intégrante de la vie sociale et culturelle, sont ancrées dans les mœurs. Les tontines peuvent survivre à des générations entières de familles. Une fois qu’on intègre ces groupes, on y reste, pour la plupart du temps. Elles sont basées sur un lien de confiance : chaque membre prend la responsabilité de s’acquitter du montant de sa dette à chaque rencontre. Si il est dans l’impossibilité de le faire, on lui accorde un sursis, mais toujours, on se base sur sa bonne

foi. Si un des membres n’honore pas ses engagements, il risque l’exclusion du groupe qui dans certains cas, peut mener à l’exclusion sociale. Ce qui arrive plus fréquemment dans des villages ou tribus de petites tailles. Lieu de cohésion, lieu d’entrepreneuriat. Les tontines aident aussi à la cohésion. Elles sont un lieu privilégié d’échange d’idées et d’expérience. Ce qui à terme peut être très favorable à l’esprit d’entreprise. Le rêve de tout entrepreneur qui débute est de trouver rapidement des financements avec le moins de contraintes possibles. Le système de tontine le permet. L’argent qu’on y gagne ne se limite pas à un usage personnel. Il contribue également à l’amélioration des conditions de vie dans la communauté. Dans de diverses régions, les tontines ont permis de financer des projets environnementaux, de construire des ponts, d’installer l’électricité, de financer des voyages, etc. On se rappelle tous de l’histoire de Kakenya Ntaiya militante kenyane pour les droits des femmes, dont le voyage aux USA a été financé par son village, pour qu’elle puisse bénéficier d’une éducation scolaire. D’innombrables projets et entreprises ont été et continuent d’être financés par les tontines en Afrique. Cependant, du fait de leur pratique « informelle », les avantages des tontines sont difficilement mesurables sur le plan macro économique. Dans un contexte où les banques sont de plus en plus frileuses et hésitent à prêter, faudrait –il alors bancariser les tontines pour leur donner plus de poids ? En attendant de répondre à la question, il ne serait pas exagéré de dire que ces institutions informelles ont contribué à formaliser de nombreuses initiatives. Par Amma Aburam

Sources : http://microfinancement.cirad.fr http://www.agoravox.fr Google Images

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