DÉC-JANV #13
Interview : Qui se cache derrière « An African City » ? Coup de cœur : Gloria la pétillante Start-Up : Apéros de rue, la nouvelle tendance Foculture : Ils ont sauté le pas.
Christian Ngan,
Monsieur Madlyn Cazalis
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Edition 13 - Décembre 2013 / Janvier 2014
L’ÉQUIPE INSPIRE AFRIKA
DIRECTRICE DE PUBLICATION JOAN MURIELLE YOMBO DIRECTRICE GÉNÉRALE CHRYS EVE NYETAM DIRECTRICE MARKETING AMMA OKOBEA ABURAM REDACTION JOAN MURIELLE YOMBO, AMMA OKOBEA ABURAM, ANITA ASHIRU, CHRYS EVE NYETAM, LOUIS GILBERT BISSEK RELATIONS PUBLIQUES / PARTENARIATS IVAN NYETAM, HYACINTHE ISSOMBO, ANITA BAKAL, FRANCESCA NGAHANE
ILS ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO WILLIAM NSAI PHOTOGRAPHE / CAMEROUN /
ANITA ASHIRU BLOGUEUSE POUR INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / KENYA /
ALISSA JAMES GRAPHISME ET ILLUSTRATION / FRANCE /
PUBLICITÉ : FRANCESCA NGAHANE / +33 (6) 65 38 81 60. PARTENARIATS : INSPIREAFRIKA@INSPIREAFRIKA.COM PRESSE / RECRUTEMENT : INSPIREAFRIKA@INSPIREAFRIKA.COM Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction.
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SOMMAIRE
INSPIR’START UP // 23
La nouvelle tendance « Apéros de rue »
Christian Ngan,Monsieur Madlyn Cazalis
EDITO // 4 INSPIR’NEWS // 6
INSPIR’CARRIÈRE // 27
COUP DE COEUR // 8
INSPIR’ECO // 31
Gloria Buckman, du rêve au succès
INSPIR’INTERVIEW // 13
Qui se cache derrière la websérie An African City ?
INSPIR’ASSOCIATION // 18
Patricia Nzolantima, la femme aux mille projets
OSER INSPIRER // 22
4 éléments à considérer lorsqu’on retourne sur le continent
INSPIR’START UP // 23 La nouvelle tendance « Apéros de rue » 44
INSPIR’CARRIÈRE // 27
Christian Ngan, Monsieur Madlyn Cazalis A la découverte de Focus Ventures
PENSÉES // 32
Diaspora contre locaux : faut –il faire un choix ?
4 QUESTIONS À... // 34
Haute Baso, la marque rwandaise à observer de près
FOCULTURE // 36 Ils ont sauté le pas.
EDITO
ETES – VOUS PRÊTS ? Peut-on encore parler de la « fuite des cerveaux » aujourd’hui? La réponse est non. Oui, je fais partie des optimistes, et je pense qu’il faudrait désormais parler du « retour des compétences », car c’est ce à quoi nous assistons depuis quelques années. L’Occident est saturé, L’Afrique est en friche ! Tout y est à construire, et la diaspora l’a bien compris. Quand je compare la génération de mes parents, _celle des années 60_ et la mienne, c’est ce besoin de retourner sur la terre mère qui me frappe particulièrement. Oncles, tantes, cousins… Nous avons tous pour la plupart, de la famille proche en Occident, résultat de cette diaspora 1.0 qui n’avait pas forcément les moyens, les opportunités, le courage et parfois disons le, l’envie de rentrer au bercail. Sans les blâmer, (car j’estime que la diaspora autant que les « locaux » a joué, joue et jouera un rôle important dans le développement de la « Nouvelle Afrique »), je constate que la tendance s’inverse. Les jeunes veulent rentrer ! Que dis je ? Ils meurent d’envie de rentrer ! Ce qui les pousse parfois à l’imprudence. Car même si il est louable de vouloir « piloter les choses de l’intérieur », encore faut-il avoir en tête un objectif, un plan ! Alors, est ce que ça vaut le coup ? La question est bien trop complexe pour y répondre par oui ou par non. Avez-vous pris le temps de vous préparer ? Avez-vous un projet précis en tête ? Allez-vous à l’aventure ? Êtes-vous guidé(e) par la passion ? Avez-vous tâté le terrain ? Autant de questions qu’il faut absolument se poser avant de sauter le pas… Ou pas. Et la liste n’est pas exhaustive. Tout au long de cette édition, nous vous proposons des pistes de réponses. En découvrant Gloria Buckman, (p.8) vous verrez qu’il n’est pas extraordinaire d’abandonner une situation confortable en Occident pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale sur le continent. Après avoir lu l’histoire de Christian Ngan (p.27), vous comprendrez que le type de formation ne détermine en aucun cas le type d’activité dans laquelle vous allez vous lancer par la suite. Si il y’a bien une chose à retenir de ce 13ème numéro, c’est que RIEN n’est prédéterminé, et que TOUT est possible… A condition d’avoir une feuille de route. Bonne lecture ! Joan Yombo.
Sources images :http://www.madeindesign.de/. www.google.com
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NEWS
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TRUE COLORS lance sa première boutique à Paris La marque de cosmétiques fondée par Fatou Sarr, dispose depuis le 19 Octobre dernier, d’un espace dédié au 46 rue du Faubourg Saint Martin dans le 10ème arrondissement parisien. L’ambition de la marque est clairement affichée : valoriser le métissage et sublimer toutes les beautés. L’enseigne est donc la première boutique sélective parisienne destinée au maquillage de toutes les couleurs de peaux. Les clientes y retrouveront d’une part un make-up store où elles seront accueillies et conseillées, et d’autre part un salon VIP réservé aux prestations privées et individuelles. http://www.truecolorsparis.com
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Lancement officiel de A+, la chaîne 100% africaine du groupe CANAL+ L’événement était extrêmement attendu. Le 24 Octobre dernier, CANAL+ a assuré le lancement officiel de A+, qui se positionne comme LA chaîne destinée au « public familial africain ». Les dirigeants du groupe promettent des programmes mieux adaptés à une classe moyenne naissante, grâce à une formule simple : des contenus africains, créés par des africains. Au menu, séries francophones, anglophones, et en langues locales; films; émissions de divertissement révélant des talents particuliers, et magazines culturels. Diffusée dans plus de 20 pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale via le bouquet CanalSat, A+ sera payante. Cependant, avec l’arrivée de la TNT1 en 2015, l’accès aux chaînes bouquet CanalSat risque de se simplifier, faisant passer l’offre d’abonnement de 5 000 Fcfa à près de 3 000 Fcfa.
3
Forbes Africa récompense les africains de l’année Ça y est, nous y sommes ! C’est le moment de décider quel africain a le plus inspiré le continent en 2014. Qui a le plus influencé la sphère business durant l’année écoulée ? Forbes Africa a désigné 5 personnes, en compétition pour le titre. Parmi elles, Chimamanda Ngozi Adechie, l’auteur nigériane qu’on ne présente plus, Thuli Mandonsela médiatrice Sud Africaine et avocate de formation, Aliko Dankote, l’homme d’affaires le plus fortuné d’Afrique, Donald Kaberuka, économiste Rwandais et Président de la BAD, et pour finir, Arunma Oteh, Directrice Générale de la commission boursière du Nigéria. La cérémonie aura lieu le 4 Décembre prochain. Pour en savoir plus, RDV sur www.poy2014.com
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« Une maison, un compteur » ou comment réduire les coûts d’électricité au Cameroun ENEO, le nouvel opérateur d’électricité au Cameroun a récemment lancé « une opération de démocratisation de l’accès à l’énergie » en réduisant de 50% les coûts de l’abonnement électrique. L’opération permettra de faire passer le coût du branchement de 19 565 à 9 290 Fcfa en zone urbaine et de 9 000 à 5 300 Fcfa en zone rurale. Le but étant de recruter de nouveaux abonnés : près de 15 000, selon les chiffres officiels. Ce projet vient consolider une autre opération mise en place par ENEO quelques mois plus tôt : le service EasyConnection. Il propose « aux habitants sollicitant un branchement social et un abonnement, une offre commerciale à partir de 40.000 FCFA payable en plusieurs mensualités ».
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AIRTEL s’associe avec Trace Music pour les jeunes artistes africains AIRTEL et Trace Music ont lancé en Septembre dernier la première compétition téléphonique africaine. Le principe est simple : les participants enregistrent leur chanson le temps d’un appel. Ils ont aussi la possibilité de répéter grâce à un karaoké téléphonique, qui leur permet d’évaluer la qualité de leur performance. Seulement 13 pays africains2 ont la possibilité de participer. Un vainqueur sera désigné dans chaque pays, et les 13 finalistes s’affronteront au cours d’une grande finale panafricaine, pour tenter de gagner un voyage au USA, une séance de coaching avec le célèbre rappeur AKON, et un contrat avec Universal Music. A vos Micros ! http://www.trace.tv/fr/media/news/trace/deviens-lanouvelle-superstar-africaine-avec-airtel-trace-musicstar_20461
1/ Télévision Numérique Terrestre 2/ https://ng.tracemusicstar.com:8443/index/country-list
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COUP DE COEUR
«Passion + Persévérance = Profit.»
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Elle est définitivement mon coup de coeur de ce mois. Gloria croit en deux choses (Dieu et le chocolat), et est persuadée qu’aucun objectif n’est inatteignable. Accro à l’instinct, elle a décidé de quitter un job et une vie plus que confortables en Ecosse pour créer une agence d’évènementiel au Ghana. Beaucoup la trouveraient insensée, je la trouve visionnaire !
Bonjour Gloria ! On va commencer par les règles d’usage. Peux tu te présenter à nos lecteurs ? Je m’appelle Gloria Buckman Yankson. Je suis une professionnelle de la communication, plus précisément dans le domaine de l’organisation d’évènements, avec treize années d’expérience, que j’ai cumulé autant au Ghana qu’en Grande Bretagne. En 2010, je « dégringole » de l’échelle sociale en décidant de me concentrer à 100% sur ma startup, PlanItGhana, qui a été reconnue comme l’une des meilleures agences évènementielles actuellement présente au Ghana. Nous sommes spécialisés dans la création, la planification et la production de tous types d’évènements : conférences, mariages, évènements d’entreprise, etc. En 2004, j’obtiens mon master en Relations Publiques à l’Université de Stirling, en Ecosse. Je suis aussi diplômée de l’institut de journalisme du Ghana et de la London School of Public Relations. Plutôt de nature audacieuse, j’aime à dire que je suis une ghanéenne qui n’a pas froid aux yeux, et dont les seules armes ont été : une connexion wifi, une pièce de monnaie et un rêve. J’aime voyager, découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles saveurs, rencontrer de nouvelles personnes. Je crois en Dieu. Je crois en un bon carré de chocolat. Je crois en l’amour. Je crois que tout est possible si on s’y adonne à 100%, et si on y rajoute un supplément d’âme. Je crois qu’une fête organisée dans les règles de l’art est toujours une bonne solution. Qu’est ce que tu avais à l’esprit en créant PlanItGhana ? Comment as-tu géré la transition entre le Ghana et la Grande Bretagne ? Le mot « PlanItGhana » est au
centre de ce que nous faisons au quotidien : nous planifions. Nous avons la conviction que chaque événement ou plan de communication réussi ne l’est que parce qu’une personne a pris le soin de bien le planifier en amont. Mon mari et moi avons commencé à penser à ce projet en 2006, à un moment où nous vivions et travaillions tous les deux en écosse. Nous sommes deux passionnés de communication, de marketing et de stratégie évènementielle. Nous l’avons toujours été. A l’époque, je travaillais dans l’équipe marketing et communication de Morgan Stanley1, et malgré le fait que nous adorions nos jobs, nous ne parlions essentiellement que de notre future agence de stratégie évènementielle, qu’il devenait urgent de mettre sur pieds. C’était ça notre RÊVE. Un jour, nous nous sommes dit qu’il fallait mettre tout le projet sur papier, de crainte que ce rêve ne reste qu’un rêve et qu’il ne se réalise jamais: C’est comme cela que PlanItGhana est né. Les trois années d’après, nous les avons passées à nous documenter sur le planning évènementiel aussi souvent que nos emplois du temps ultra chargés nous le permettaient. Nos étagères étaient remplies de bouquins sur le sujet. Cependant PlanItGhana ne devint une entreprise officielle qu’en 2009, à notre retour au Ghana. La première année a été entièrement dédiée à la paperasse et à la connaissance du marché. Nous en avons profité pour trouver un troisième partenaire business. L’activité à véritablement démarré en 2010. Pour être honnête, la décision de lancer PlanItGhana a été radicale et impulsive dans une certaine mesure. Elle arrivait à un moment où nous trouvions que travailler dans le monde institutionnel n’était plus assez challengeant pour nous.
Nous avions conscience qu’il était extrêmement risqué de quitter nos carrières respectives pour nous lancer dans un business dont la viabilité n’était pas garantie, mais la passion l’emporta sur la logique : au diable la logique ! Nous voulions de l’action ! Aujourd’hui, nous remercions Dieu pour cet incroyable succès, qui arrive en si peu de temps. Avec le recul, je me rend compte que l’idée en elle même était stupide. Mais je suis ravie que nous ayons réussi à démentir la logique. Ce fut un moment à la fois rempli de challenges, mais aussi très satisfaisant. Je n’ai absolument aucun regret. Il existe d’énormes différences culturelles entre le Ghana et la Grande Bretagne. Quels ont été les défis auxquels vous avez été confrontés ? Mon mari et moi sommes nés et avons grandi au Ghana. Mais évidemment, après avoir vécu à l’étranger pendant 7 ans, nous nous sommes habitués à un certain style de vie, ce qui a forcément entrainé une sorte de « déconnexion culturelle ». Les choses que nous prenions pour acquises et qui pour nous étaient des évidences, étaient jugées très différemment ici au Ghana. J’ai très vite appris que pour faciliter la transition et obtenir
1/ Banque d’investissement américaine très réputée
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un minimum d’approbation, il fallait travailler en équipe. Dans tous les sens du terme. Je devais rester sûre de moi, mais faire en même temps énormément de compromis. Lorsque je suis rentrée au Ghana pour la première fois, j’ai travaillé en tant que Directrice Marketing et des Affaires Commerciales pour une agence immobilière. La première chose que j’ai remarqué en tant que jeune femme manager d’une vingtaine d’années, c’est que j’allais devoir faire preuve d’une extrême diplomatie et de beaucoup de tact pour faire accepter mes idées et mes décisions. Contrairement à mon précédent emploi (en Grande Bretagne, ndlr) où on attendait justement que je m’affirme et que je m’exprime librement. Dès lors, il devint tout à fait clair que pour une jeune femme vivant au Ghana, la limite entre la confiance en soi et ce qui allait être considéré comme de l’impudence était très fine. Les femmes vivent cette contrainte dans la plupart des pays en développement, où l’on attend des hommes qu’ils soient en première ligne, que ce soit dans la sphère professionnelle que dans la sphère familiale. Les choses deviennent encore plus délicates lorsqu’une femme manage une équipe masculine, au sein de laquelle certains font le double de son âge par exemple. Au delà de cet aspect, en tant qu’entrepreneurs, nous avons été confrontés aux mêmes problématiques économiques et infrastructurelles que la majorité des entrepreneurs ghanéens: l’absence d’électricité, la pauvreté voire la non existence de systèmes de paiement adéquats, des perspectives économiques moroses, etc. En ce qui concerne les ressources humaines, la culture du travail n’est pas tout à fait la même. Les gens ont une attitude un peu trop décontractée dans le cadre professionnel. Néanmoins, malgré ces contraintes, nous avons pu et su nous entourer d’une équipe de professionnels qui sont aussi attachés que nous à l’excellence et au sens du travail bien fait. Quelle a été votre point fort quand vous commenciez ce business ? Et votre point faible ? Comment avez – vous évolué par rapport à ça aujourd’hui ? Nous AIMONS ce que nous faisons.
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On ne le dira jamais assez. Lorsque
«Pour nous, ce n’e jamais juste un événe à organiser. C’est u histoire à raconter, opportunité pour mon au monde pourqu nous faisons ce qu nous faisons : sort des sentiers battus encourager les autres faire.»
Quand vous êtes vraiment passionné par votre travail, cela se ressent, et cela attire les clients qui apprécient cette dynamique. Passion + Persévérance = Profit. J’ai appris de mon père, qui lui aussi est entrepreneur, que l’échec n’est jamais une option. Le secret est d’identifier ce qui vous passionne vraiment, de travailler dur, d’avoir la foi, et de ne jamais rien lâcher. En le faisant, il n’y a aucune raison que vous échouiez. N’oubliez pas d’être humble. Comprenez que vous ne pouvez pas tout savoir, et ne ratez pas une occasion d’apprendre des autres, surtout ceux qui sont passés par ce par quoi vous passez aujourd’hui. Notre faiblesse a été justement de trop aimer ce que nous faisions. Ce qui nous a amené à faire une grosse erreur professionnelle : trop donner pour recevoir trop peu en retour. Au début de l’aventure, nous avions tellement envie de construire un bon portfolio qu’à plusieurs reprises, nous avons sous évalué notre travail pour avoir des clients. Nos devis ont très souvent été revus à la baisse, par peur de rater un client. Par conséquent, nous nous sommes souvent retrouvés à financer un projet de nos propres poches, pour aller au
delà des attentes des clients et espérer avoir de solides références. Mais à la fin de la journée, les clients n’étant pas au courant de cela, n’appréciaient pas notre travail à sa juste valeur. Bien au contraire, nous avions la réputation d’être « trop bons pour être vrais ». Je pense que ceci arrive souvent à ces nouveaux venus, ces nouveaux entrepreneurs qui veulent bien faire. Nous avons eu la chance de ne pas couler financièrement. Mais ça a bien failli arriver, et nous remercions Dieu de nous avoir permis de nous remettre sur les rails. Aujourd’hui, nous n’acceptons plus certains types de contrats, et nous fuyons les clients qui veulent nous exploiter. Ce n’est pas évident de refuser un projet, loin de là. Nous sommes des créatifs, et tout nouveau projet est une source d’excitation pour nous. Nous avons tous envie que nos idées voient le jour. Mais nous avons compris qu’il s’agit d’un business, pas d’un hobby. Et lorsque vous ne faites aucun profit, cela n’empêche pas les factures d’arriver. L’évènementiel est–il un marché sollicité au Ghana ? Avez-vous réellement de la concurrence ?
«Dès lors, il devint tout à fait clair que pour une jeune femme vivant au Ghana, la limite entre la confiance en soi et ce qui allait être considéré comme de l’impudence était très fine.»
est ement une une ntrer uoi ue tir s et s à le
Quand nous avons lancé PlanItGhana il y’a quelques années, on pouvait compter sur les doigts de la main les agences évènementielles dans le pays. Aujourd’hui nous sommes un peu plus nombreux. Même si il y’a une demande plus forte, le marché reste très jeune et en développement. Tu organises de nombreux évènements au Ghana. Quels sont ceux dont tu es le plus fière ? Pourquoi ? Nous aimons organiser des évènements qui restent gravés dans les mémoires, et avons eu le privilège de travailler avec des multinationales telles que Sandvik Global, Sysmex Europe GmBH, RTT Trans Africa, Vodafone, etc. Nous avons aussi eu l’honneur d’organiser des mariages de haut standing. Chez PlanItGhana, chaque fois que nous voyons notre client sourire le jour-j, c’est une célébration. Et je peux vous dire que le sourire est une garantie lorsqu’un client nous confie son projet. A moins que ce dernier ne sache pas sourire ! (Rires). Pour répondre à votre question, je suis fière de tous les évènements que nous avons pu organiser jusqu’ici. Je suis fière de chaque production : de notre plus petit événement jusqu’à présent
organisé pour 60 personnes, à notre plus gros évènement organisé pour 1500 personnes. Je suis fière de chacun de ces moments parce qu’ils me rappellent que tout est possible même lorsqu’on est entouré de difficultés. « L’événement c’est la marque » est une de nos devises favorites, et chaque événement organisé est une manière de renforcer notre promesse de marque et de raviver notre créativité. Pour nous, ce n’est jamais juste un événement à organiser. C’est une histoire à raconter, une opportunité pour montrer au monde pourquoi nous faisons ce que nous faisons : sortir des sentiers battus et encourager les autres à le faire. As tu des conseils à donner aux futurs entrepreneurs qui nous lisent ? Tout est possible. Quelque soit votre rêve, c’est POS – SI – BLE. Soyez prêts à retrousser vos manches, à enlever vos jolies chaussures, à travailler dur et à vous sacrifier énormément au début. Les avantages viendront après. Ne laissez jamais passer une opportunité de gagner de l’expérience. Même si vous n’avez pas forcément de retombées financières derrière. Toute opportunité est un moyen d’apprendre.
Il y’a beaucoup de satisfaction à réaliser quelque chose que vous n’étiez pas destiné à réaliser, surtout lorsque personne ne croit en vous. Lorsque nous avons décidé d’arrêter d’être des employés et de devenir des employeurs, nous avons été confrontés à beaucoup de doutes et de résistance de la part de nos amis et de nos familles. Lorsque j’ai donné ma lettre de démission à mon ancien patron, il m’a demandé ce que je comptais faire après. Je lui ai parlé de PlanItGhana. Il m’a rit au nez, en me demandant d’être « sérieuse ». Pour moi, être capable de défier la chance, et d’aller au delà de nos objectifs de départ est suffisant pour nous donner la force de continuer dans notre lancée. Sortez des sentiers battus, n’ayez aucune limite, ne vous arrêtez jamais. Vous n’êtes jamais trop jeunes pour provoquer le changement. Tout est possible. Entretien réalisé par Joan Yombo
Retrouvez PlanItGhana sur http://www.planitghana.com
INSPIR’INTERVIEW
QUI SE CACHE DERRIÈRE LA SÉRIE AN AFRICAN CITY ? Depuis quelques mois, les web-séries mettant les Africains – de la diaspora le plus souvent – à l’honneur se multiplient sur la toile. Souvent montées par des réalisateurs amateurs, ces web-séries ont conquis les internautes et sont devenues des rendez-vous hebdomadaires incontournables. Cependant, l’une d’elle sort du lot, de part son professionnalisme et son thème. An African City, est une web-série qui raconte le quotidien de 5 jeunes femmes Africaines éduquées en occident, qui ont décidé de rentrer vivre à Accra, capitale du Ghana, leur pays d’origine. Nous avons rencontré pour vous Nicole Amarteifio et Millie Monyo, qui sont respectivement créatrice et productrice de cette série qui a fait le tour de la toile. Inspire Afrika: Pourquoi avez-vous décidé de rentrer en Afrique, un endroit que vous connaissiez a peine? Nicole Amarteifio : Oui, j’ai décidé de rentrer au Ghana ; et le Ghana n’a jamais été un endroit que « je connaissais à peine » : Je le connaissais. J’ai visité Accra pendant mon enfance, mon adolescence et ma jeune vie professionnelle. Quand j’étais à New York, mes parents me rappelaient toujours mes origines. Le Ghana est mon pays de naissance, et je le porte toujours dans mon cœur, où que je sois dans le monde. J’ai pris la décision de rentrer parce qu’on est bien que chez soi. Travaillant dans le développement international, je ne voyais pas comment il était possible de changer les choses depuis Washington DC. Ce n’était pas assez authentique. Être chez moi, au Ghana, et appliquer des plans de développement avaient plus de sens. I.A.: Millie, Comment gérez-vous le fait de vivre aux USA et d’avoir une compagnie sur le continent?
Millie Monyo : Pour être honnête, c’est extrêmement difficile. Quand Nicole et moi avons décidé d’être partenaires, j’étais basée au Ghana et j’espérais faire d’Accra ma maison. Les USA seraient alors devenus un lieu de passage pour la gestion de mes affaires. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Cette situation m’a permis d’apprendre que lorsqu’on n’est pas sur le terrain, il est plus facile d’être détaché et plus difficile d’être aussi organisé qu’on le souhaite. Je fais de mon mieux pour tout gérer en même temps. Rien ne vaut la capacité d’être multitâches. De plus, la technologie aide beaucoup en cela. I.A.: Quels sont les challenges auxquels vous avez dû faire face en créant « An African City » ? Nicole : Lever des fonds! C’était mon premier projet télévisé, donc je suppose que ça devait être difficile à vendre de toute manière. Maintenant que nous avons prouvé de quoi nous sommes capables, lever des fonds pour la deuxième saison a été beaucoup plus facile.
I.A.: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la deuxième saison ? Nicole : Ce que je peux dire à propos de la deuxième saison est que nous irons encore plus loin. Certaines critiques nous ont aidé à nous améliorer. Cependant, toutes les critiques ne peuvent pas être prises en compte sinon la deuxième saison d’« An African City » ne sera pas ce qu’elle doit être. Mais oui, nous attendons également la saison deux avec impatience. Il y aura plus de choses à voir : Plus de mode, plus de musique, plus d’endroits à découvrir, plus de décors atypiques. En gros, plus de tout ce dont on a besoin pour montrer le meilleur de ce que le continent Africain a à offrir.
La série a permis de lancer un débat mondial sur l’identité et l’immigration, mais aussi de raconter la femme Africaine de manière originale. I.A. : Revenons à la première saison. Quels avantages y avaient-ils à diffuser la série sur YouTube plutôt que sur une chaîne de télévision ? Nicole: Diffuser la série sur YouTube était une belle expérience. C’est intéressant que les gens du monde entier aient accès au show. Nous avons reçu des emails d’Africains de la diaspora – du Canada à l’Angleterre en passant par la France ou la Chine. La série a permis de lancer un débat mondial sur l’identité et l’immigration, mais aussi de raconter la femme Africaine de manière originale. Et ce débat là était perceptible au delà de la série. Il n’avait pas seulement lieu sur YouTube, mais aussi sur Facebook, Twitter, Instagram... J’ai également apprécié le fait d’avoir un contrôle complet
sur la créativité. Sur YouTube, nous avions la possibilité de repousser des barrières : il n’y avait pas de limites. I.A : Millie, être la productrice exécutive d’une jeune série est un challenge en en soi. Quel obstacle avez-vous rencontré ? Millie : Je dirais qu’il y a eu plusieurs obstacles, cependant, j’ai l’habitude de faire face aux obstacles. « An African City » est le premier projet sur lequel j’ai travaillé sans le support d’une grande compagnie ou de directeurs de chaînes télévisées, qui doivent gérer les affaires courantes. Nicole et moi devions tout gérer! Aussi intéressant que cela puisse être, c’est aussi une grande responsabilité qui peut parfois être difficile à assumer. Un autre obstacle que la plupart, si ce n’est tous les créateurs de contenus confirmeront, est de devoir composer avec le manque de sérieux de certains collaborateurs. Ça prend du temps d’apprendre la nature de ce business, et malheureusement toutes les promesses qu’on vous fait ne sont pas toujours respectées. Les gens feront des choses différentes de ce qu’ils disent. Mais c’est la vie. Le fait d’avoir vu cette série passer de l’idée à la réalisation en valait la peine. I.A : Est-ce que le mode de vie des actrices de la série est représentatif de la réalité Ghanéenne ? Ou peut-être est-ce un idéal ? Nicole : Je répondrais en vous posant deux
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questions : Est-ce qu’il y a seulement une réalité Ghanéenne ? Je présume que dans un pays aussi diversifié il y a plusieurs réalités de l’histoire de la femme au Ghana, n’est-ce pas ?
IA : Surement. Dans la culture africaine, parler de sexe est tabou. Mais vous en parlez tellement facilement. N’avez-vous pas peur de vous mettre à dos ceux qui pensent que les femmes africaines ne doivent pas être aussi émancipées que les femmes occidentales ? Nicole : Laissez ces gens penser ce qu’ils veulent. Il y en a d’autres qui apprécient que les femmes à travers le continent aient le droit d’être sensuelles. Cette sensualité et cette sexualité leur appartiennent aussi. I.A : Vous représentez plusieurs jeunes Africaines qui essaient de faire de leur passion leur gagne-pain. Quel serait votre conseil à ceux et celles qui comme vous, souhaitent monter un projet inspiré de leur quotidien ?
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Nicole : Il est stratégiquement possible de faire de votre passion un business. Élaborer juste un plan détaillé et entourez-vous de personnes qualifiées : des amis qui voudront bien vous donner des conseils gratuitement, aux mentors qui souhaiteront vous guider.
I.A : En tant que femme s’adressant aux femmes, était-il facile de trouver sa place dans cette industrie ? Nicole : An African City est peut-être destinée aux femmes, mais l’industrie cinématographique en général est encore dominée par des hommes. Pour le moment observons, et reposez-moi la question dans 5 ans. (Rires) Propos Recueillis par Chrys Nyetam
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INSPIR’ASSOCIATION
PATRICIA NZOLANTIMA : UNE FEMME 3 PROJETS Par Amma Aburam
Patricia Nzolantima a un parcours remarquable. Née au Congo, elle y a grandi. Après des études à l’étranger, elle est revenue dans son pays pour créer Commicart, sa première start-up, en 2008. Aujourd’hui, son agence, en partenariat avec EXP8Agency (le géant Sud Africain de la communication) s’est transformée et porte le nom de EXP8Communicart. Son portefeuille de clients est l’un des plus fournis de la sous région. Impressionnant, non ? Patricia est une touche à tout : projets, associations, magazines, tous les moyens sont bons pour mettre en lumière le potentiel du continent. International Working Lady Magazine, Africa Rising Consulting et Elites de Demain sont ses trois projets phares.
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International Working Lady Magazine International Working Lady est un Magazine dédiée à la femme africaine moderne. On y retrouve des success stories sur le continent comme à l’international, à l’instar de Hapsatou Sy ou encore Roberta Annan. Ces femmes prouvent que l’Afrique et ses multiples talents peuvent être exportés avec succès. Le but du magazine est aussi d’accompagner les femmes auto-entrepreneurs, dans l’accomplissement de leurs projets. Le magazine a été lancé en Février 2013, et a été très bien accueilli par le public. Aujourd’hui, la page fan de International Working Lady Magazine compte plus de 55 000 abonnés sur le réseau social Facebook. Découvrez le magazine ici : http://iwlmagazine.wordpress.com
Patricia Nzolantima aux côtés de Bill Clinton
Africa Rising Consulting (ARC) Avec des bureaux en RDC et en Afrique du Sud, le but de l’organisation est d’optimiser les réseaux d’affaires sur le continent et d’ y attirer de bons investisseurs. Une meilleure connexion entre les entreprises du continent améliore le networking et favorise le business. ARC place ses clients au cœur des meilleurs réseaux Africains et se focalise sur toutes sortes d’industries. L’organisation dispose de partenaires stratégiques au Nigeria, au Sénégal, en Angola, au Mozambique, en Zambie et au Congo Brazzaville. Et le meilleur reste à venir! ARC tend à optimiser les relations professionnelles entre les différents partenaires d’affaires, réduire le risque d’échecs lors des négociations et réduire les risques de pertes durant les investissements. Besoin de plus d’informations ? Retrouvez ARC ici : http://www.africarisingconsulting.com
Elites de Demain Passionnée par la jeunesse Africaine et consciente de son potentiel, Patricia Nzolantima a créé un programme permettant aux meilleurs étudiants de certains lycées de poursuivre leurs études à l’étranger. L’organisme accompagne ces étudiants dans leur procédure d’inscription, dans le but d’être acceptés dans des universités à l’étranger avec des bourses scolaires. Le programme aide aussi les jeunes étudiants à préparer facilement leur voyage. Tout ceci dans l’espoir qu’un jour, ils retournent sur la terre mère, avec la passion et le désir de changer les choses. Comme l’a fait Mme Nzolantima elle même. Vous pouvez suivre la communauté des Elites de Demain sur https://www.facebook.com/LesElitesDeDemain 17
OSER INSPIRER
Une grande partie de ma vie a été passée en France, mais mon entourage, mes études, ma vie associative et le besoin d’incarner mes racines m’ont tourné vers l’Afrique. Après plus de 4 ans en tant que Juriste Contrats au sein de Wagram Music – numéro 1 des lables indépendants en France – j’ai décidé d’OSER l’Afrique en m’installant au Congo. Il y a plus d’un an, j’ai donc mis le cap sur le Continent, comme Contract Administrator au sein de TOTAL E&P Congo. Je suis rentrée pour être un acteur de la fourmilière qui œuvre à l’essor du continent, d’où je viens partager avec vous les considérations qui ont prévalues à mon retour.
L’adaptation
Les Valeurs/ Les Limites
Il est primordial d’avoir l’esprit ouvert et de s’accorder avec les spécificités locales. Il est nécessaire de n’être ni dans la perpétuelle comparaison ni dans le jugement de valeur. Accepter parfois que le fonctionnement varie d’un endroit à un autre, peut être utile. Ainsi, si une personne qui émigre en Europe ou ailleurs quitte ses repères pour en adopter de nouveaux, pourquoi un Africain qui rentre sur le continent devrait-il considérer que le système d’où il vient doit se substituer au système local ? Je ne prétends pas que le fonctionnement en Afrique soit parfait, mais je pense que nous devons être conscients que l’Afrique a ses particularités et qu’elle doit adopter un système qui lui convient et non s’accommoder d’un système exogène emprunté.
Il est important de connaitre ses limites, ses points de non retours. Ce que l’on est prêt à accepter et ce que l’on refuse. Il faut être sûr de ses valeurs car les tentations (politiques, religieuses, etc) peuvent être nombreuses. C’est pour cette raison que les repères sont importants. Avoir des soutiens (de la famille, des amis) sur lesquels on peut compter, et qui pourront nous assister dans les périodes de doute.
Le projet / La vision
Ces quelques éléments m’ont paru importants pour appréhender mon retour. Evidemment, la décision n’est pas toujours facile, la réaction de l’entourage peut être compliquée à gérer, l’intégration (ou la « réintégration ») plus difficile qu’imaginée. Cependant, le challenge en vaut la peine car le Continent est riche en diversités, en opportunités, en potentiel. Mon leitmotiv a été cette pensée de la romancière canadienne Marie-Claude BussièresTremblay: « La vie est trop courte pour la passer à regretter tout ce qu’on n’a pas eu le courage de tenter.». Alors, faire preuve d’audace en rentrant sur le Continent me parait être un moindre mal.
Il est nécessaire d’avoir conscience des raisons qui nous motivent à revenir sur le continent et de définir ses objectifs avant le retour. Quels sont les projets que l’on souhaite mettre en œuvre ? A-t-on une vision, un rêve pour son pays ? Pour le continent ? Cela permet en cas de doutes de s’accrocher à un but pour ne pas abandonner. Il faut développer la patience, se donner du temps. D’une part on peut avoir tendance à idéaliser le retour malgré la préparation. D’autre part on peut se confronter à un choc (politique, social, moral, etc) car le changement ou l’évolution se fait souvent à pas d’escargot.
S’informer Connaitre et comprendre le fonctionnement local passe par la maîtrise des éléments de base (les conditions matérielles locales) comme la législation du travail ou de l’entreprenariat, et de tout ce qui impactera notre quotidien. Si nécessaire, s’approprier ou se réapproprier la culture locale.
Babette KIZONZOLO
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INSPIR’START UP
LES APÉROS DANS LA RUE : UNE NOUVELLE TENDANCE
C’est le RDV qui délie toutes les langues au Cameroun en ce moment. Tous les yeux sont rivés sur les Apéros Street, le nouveau divertissement à la mode. En à peine 5 éditions, Rollin Lowolong et son associé Guy Kouekam, ont réussi à créer une communauté qui grossit à vu d’œil : des jeunes « connectés » qui ont envie de s’amuser autrement.
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FICHE D’IDENTITÉ Rollin Lowolong a toujours été passionné de communication digitale. Après avoir été pendant 1 an attaché de presse chez Christian Dior en Belgique et blogueur de mode à succès, il décide pourtant de rentrer au Cameroun en 2013. Il faut dire que l’opportunité était trop belle : l’agence de communication MW DDB1 lui proposait un poste de manager en communication digitale. Lorsqu’on lui demande si la décision de rentrer sur le continent a été difficile à prendre, il répond : « Je n’ai pas hésité une seule seconde. Ma fiancée vivait au Cameroun, cela me permettait d’avoir un bon job et de l’avoir à mes côtés ». Le jeune homme avoue quand même avoir eu un léger pincement au cœur quand il a fallu fermer son blog, The Fashionalist. Inspiré du fameux blog américain The Sartorialist2, Rollin y présentait des anonymes aux looks originaux. Il sillonnait les rues de Bruxelles avec son appareil photo, à la recherche de profils atypiques. Il était ce qu’on appelle communément un « style hunter ». « La petite difficulté pour moi a été d’abandonner ce projet qui était en pleine ascension. Mon blog avait réussi à être le numéro 1 du genre en Belgique. J’avais des références. Alors, je me suis dit que je pouvais toujours y retourner si je ne me plaisais pas au Cameroun, mais ce n’est pas le cas. » LE CONCEPT ET SES DÉBUTS Quoi de plus simple et convivial que de « prendre l’apéro » ? Apéro Street est d’abord un RDV pour se divertir. Un DJ débarque dans une rue ou un espace public et met de la musique. Il est progressivement rejoint par une communauté de personnes qui a préalablement été prévenue sur la toile. Ils ramènent à boire et/ou à manger s’ils le souhaitent, et passent un moment simple et convivial. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que Monsieur Lowolong s’investit dans l’évènementiel. « En Belgique, j’avais un ami qui organisait les Apéros Chics. Je m’assurais de la communication de ces évènements, qui avaient lieu exclusivement en été ». Tout comme les Apéros Street, l’objectif était le même : réunir les gens de manière ludique. Mais, c’est l’amour du jeune homme pour la musique qui va fortement contribuer à la création des Apéros Street. En effet, Rollin est aussi DJ amateur à ses heures perdues. Avec son partenaire et collègue Guy, il a l’idée d’organiser un apéro entre amis lors de l’édition 2013 de la fête de la musique, à Douala (capitale économique du Cameroun, ndlr). L’originalité: partager ce moment convivial dans la rue ! Rollin se propose donc de « mixer » pour l’occasion. Rapidement, les choses prennent une tournure inattendue. L’apéro initialement intime, devient un apéro géant avec plus de 100 participants. « C’était génial. Nous n’attendions qu’une trentaine de personnes, nous nous sommes retrouvés à plus de 100. Une fois sur place, nos amis appelaient leurs amis, et 1 / Filiale du groupe de communication DDB worlwide, un des meilleurs au monde, avec un réseau de plus de 200 bureaux dans une centaine de pays. MW DDB a notamment réalisé les dernières campagnes de MTN Cameroon, Bank Of Africa, et Allianz. 2/ Blog de mode créé en 2005 par Scott Schuman, The Sartorialist est suivi par des millions de personnes dans le monde. En 2012, sa fréquentation atteignait les 12 millions de vues/ mois. Scott Schuman faisait partie des 100 personnes les plus influentes en 2007 selon le Time.
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chacun ramenait à boire. » Le happening marche tellement bien que le lendemain, Rollin et Guy décident de mettre les photos en ligne sur Facebook. Successions de commentaires et de likes. Tout le monde veut savoir où, comment, mais surtout quand se tiendra la prochaine édition. « C’est à ce moment là que nous avons décidé de faire de cette soirée entre potes, un événement professionnel. Nous n’avions aucun nom, aucun logo, aucun thème. Il fallait remédier à ça.»
UNE AFFAIRE DE PROFESSIONELS Loin des stéréotypes, et à en croire Rollin, organiser un apéro n’est pas du tout chose aisée: « Cela demande beaucoup de rigueur, et ce sur de nombreux aspects. Notre dernier événement a réuni près de 1200 personnes. Il faut pouvoir gérer cette foule et nous assurer par exemple, qu’elle est en sécurité. Que les gens rentrent chez eux sans encombre. C’est l’aspect le plus complexe et le plus important à considérer lorsque l’on organise ce type d’événement. Nous nous assurons toujours de quitter les lieux en dernier. C’est notre responsabilité ».
autrement qu’en allant en boite de nuit et qu’en ayant de mauvaises fréquentations. Ils veulent des solutions alternatives : « (…) Je suis moi même père de famille, mais je suis jeune. Je veux pouvoir passer un bon moment, mais de manière responsable. » Au delà de ça, l’organisateur, le vrai, est celui qui a constamment de la suite dans les idées. Quand on se lance dans ce type d’activité, le manque d’imagination est un handicap. Chaque événement est un challenge : « Si l’événement est thématisé, c’est parce que nous devons nous assurer que le concept ne s’essouffle pas. Nous proposons des lieux différents, et des activités en cohésion avec ces lieux. C’est la raison pour laquelle chaque édition est unique. Je peux vous assurer que faire la fête dans une rue à Bonapriso1 et dans une autre à Bonamoussadi2 ce n’est pas la même chose. Les lieux en eux-mêmes créent de la diversité. » Le jeune homme se rappelle d’un Apéro Street à Bonapriso :
« Les gens avaient garé leur voiture en circulaire, et le public dansaient à l’intérieur du cercle, tandis que d’autres étaient assis sur les voitures. Chose qui était impossible à réaliser lors de notre derLe jeune homme insiste aussi sur la nécessité de nier évent ( cf. photos), puisqu’il avait lieu sur un rond point » Il continue : « nous avons aussi fait un faire les choses en règle. Apero Street sur un terrain de basket. Nous avi« Impossible d’organiser un événement public ons invité les gens à ne porter que des sneakers sans demander au préalable l’autorisation à la ce jour là. En plus de boire, danser et discuter, ils mairie ou à la sous-préfecture concernée. Si nous pouvaient soit aussi shooter » et « dunker. » sommes dans une rue secondaire, nous demandons l’autorisation aux habitants, qui sont plutôt LE FINANCEMENT réceptifs. » Ce sont pour la plupart des parents, qui sont sensibles au discours et à l’éthique que L’accès aux Apéros Street est totalement gratuit et Rollin et Guy prônent : Ce qui peut être fait la nuit le restera, d’après Rollin. Les invités payent simpeut être fait le jour. Les jeunes veulent s’amuser 22
plement à boire et à manger s’ils le désirent. Se pose alors la question inévitable du financement, à laquelle le jeune homme est visiblement préparé, puisqu’il éclate de rire : « J’attendais cette question ». Avant de continuer : « Apéro Street est financé de nos poches. Nous avons la chance d’avoir des emplois à côté. Nous ne gagnons pas d’argent, nous n’en perdons pas non plus. Nous investissons de l’argent dans la production de tshirts. Le bénéfice qui en ressort est directement injecté dans l’organisation des événements : les demandes d’autorisations, la sécurité, le bar, etc. » Il tient cependant à souligner sa passion pour ce qu’il fait : « ça nous amuse de le faire. La passion passe avant le bénéfice financier, et la communauté le ressent. Ils adorent ce qu’on fait, ils en parlent, ils le partagent. » Pourtant il faut bien que la machine tourne. Le plus gros atout des organisateurs, il faut le dire, c’est cette communauté de plus en plus grandissante (plus de 3000 abonnés sur le réseau social Facebook). Certes, elle ne fait pas rentrer de l’argent directement, mais elle est un excellent moyen de négociation avec les sponsors, qui cherchent à investir auprès des communautés pour accroitre leur visibilité. « L’exemple parfait pour illustrer cela est celui de Marc Zuckerberg : Facebook est gratuit pour des millions d’abonnés. Mais pour avoir accès à cette communauté composée de potentiels futurs clients, il faut investir dans la publicité sur le réseau social. » Un autre avantage pour le jeune homme, la communauté Apéro Street est « qualifiée ». « Nous faisons exprès de les attirer via le digital. La communication sur les Apéros Street se déroule exclusivement en ligne » Du pain béni pour les annonceurs donc, qui ont ainsi à disposition une communauté « connectée » avec un certain niveau
de vie, et donc un pouvoir d’achat conséquent (condition essentielle pour avoir une connexion permanente à internet).
OUVERTURE D’ESPRIT Une autre question à laquelle notre jeune entrepreneur semble habitué est pourquoi le concept ne s’étend pas à d’autres villes que Douala ? La réponse est cruellement simple, et tourne autour de l’absence de relais privilégiés dans d’autres villes. « Nous voulons exporter le concept, mais cela nécessite une certaine organisation : premièrement, nous ne connaissons pas assez les autres villes. Il faut maîtriser la ville pour repérer les lieux les plus appropriés pour chaque évènement. Deuxièmement, nous n’avons pas le temps matériel pour le faire, à cause de nos jobs. Nous avons besoin des personnes qui soient aussi passionnées que nous. C’est ce qui compte le plus. » Le jeune homme insiste : « Mais nous sommes totalement ouverts. La preuve, nous étions au Gabon le 16 Novembre dernier, car nous avions reçu une proposition solide, de la part de A&Y People Magazine, un magazine people très connu là-bas. L’idée est d’exporter le concept à Libreville de manière permanente. Il ne nous reste plus qu’à attendre un Apéro Street par mois dans toutes autres les métropoles africaines ! Propos recueillis par Joan Murielle Yombo
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INSPIR’CARRIÈRE
CHRISTIAN NGAN : UN HOMME DE CONVICTIONS A LA TETE D’UNE JEUNE P.M.E Par Louis Gilbert Bissek
« Je crois au coté autodidacte dans les cosmétiques: j’en suis un.»
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Il n’y en a que pour lui en ce moment. Dans son pays d’origine, le Cameroun, inutile de prononcer son nom dans les salons ou à la volée dans la rue. Vous vous exposeriez à une litanie de compliments interminables à son égard. Et pour cause, il est partout: Titulaire d’un diplôme honorifique depuis avril 2013 décerné par la prestigieuse Université Catholique d’Afrique Centrale de Yaoundé (U.C.A.C), pour ses «louables initiatives envers la jeunesse africaine»; Désigné parmi les 30 jeunes entrepreneurs les plus prometteurs d’Afrique en 2014 par le célèbre magazine américain Forbes; Invité par Son Excellence M. Le Président Ali Ben Bongo Ondimba à l’édition 2014 des Assises Sociales du Gabon des 25 et 26 du mois d’avril; Invité de la troisième édition du «IDB (Islamic Development Bank) Group Third Youth Development Forum: Youth Entrepreneurship: From Job Seekers to Job Creators» en juin 2014 à Jeddah, en Arabie Saoudite; Vainqueur du prix Titans - Building Nations de CEO Magazine, meilleur P.D.G dans la catégorie SME (Small and Medium size Entreprises) en septembre 2014. Les distinctions et les titres se succèdent, mais c’est un homme étonnamment calme et droit dans ses bottes qui nous accueille dans les locaux de son entreprise, Madlyn Cazalis, à Yaoundé. La poignée de main franche, le sourire avenant, pince-sans-rire mais direct, il nous accueille avec des rafraichissements. Christian Ngan a décidément le service client dans la peau. Une chose, déplore-t-il, que n’ont pas encore suffisamment assimilé de nombreux jeunes camerounais qui postulent à la fonction publique ou dans les entreprises privées. PARCOURS Tout juste trentenaire, ce natif de Douala a vécu et grandi à Yaoundé (respectivement capitales économique et politique du Cameroun, nldr) Après un baccalauréat obtenu avec brio au Cameroun, c’est à Paris qu’il dépose ses bagages. Un brin nostalgique et conscient de la chance qu’il a eu de poursuivre, dans des conditions aussi favorables, le chemin qu’il s’est tracé, il confie: « j’ai vraiment pris les études comme un outil pour bien démarrer dans la vie et faire ce que je voulais.» Ambition déjà vivace d’entreprendre ou lucidité aigüe sur la fragilité de la condition du salarié? Christian Ngan se donne en tout cas pendant son cursus académique les moyens «de couvrir le spectre complet de la gestion et de la finance internationale». Attiré par la finance d’entreprise depuis son DEUG en sciences économiques à l’Université Paris II PanthéonAssas, il s’oriente vers un cycle Licence puis Master I de sciences de gestion à la très prestigieuse Université ParisSorbonne, qui déboucheront sur un Master II en Management et Affaires Internationales dans la même institution. Les recrutements dans les banques d’affaires se font essentiellement dans les cinq meilleures écoles de commerce françaises. Christian Ngan le sait. Il s’engage donc corps et âme dans la préparation du concours de L’EM Lyon Business School1 pour y suivre un Master II en Ingénierie Financière. Sa nature pugnace et fonceuse n’aura raison du concours qu’au bout de la troisième tentative. Un épisode qu’il évoque aujourd’hui avec le sourire et sans concessions: «La première fois, j’ai passé le concours des Grandes Ecoles. Je n’ai pas réussi à cause d’une rage de dent qui m’a empêché de passer l’oral. Puis j’ai passé le concours d’ingénierie financière. Je suis passé à l’oral, mais j’ai été mis sur liste d’attente 02 ou 03 mois et finalement on ne m’a pas pris. Je me suis réchauffé et je suis reparti plein de hargne en me disant «s’ils ne me prennent pas, qui vontils prendre?». Et c’est passé. « L’étudiant d’alors ne se contente pas d’écumer les meilleurs
amphithéâtres. Il se crée également une solide base professionnelle en multipliant des stages au sein de bonnes entreprises. La Société Générale en fusions-acquisitions2; Gras Savoye en gestion des risques ou encore le Ministère des Finances du Cameroun à la Direction de la Trésorerie et de la coopération financière et monétaire, le seul dans son pays, mais déjà prémonitoire de son retour. En effet, ce stage lui permet de comprendre ce qui se passe au Cameroun au niveau macro économique, d’autant plus que son ambition à terme a toujours été de rentrer.
L’AVENTURE MADLYN CAZALIS A la suite d’un stage chez Quilvest, un Fonds de CapitalInvestissement1 gérant près de 27 milliards de dollars, il est engagé comme analyste et passe un an dans la cellule «finance d’entreprise» (corporate finance). Puis, direction la Rue du Faubourg Saint-Honoré, chez Findercod qui le recrute comme associé. C’est une petite banque d’affaires certes et l’équipe y est plus restreinte, mais elle bénéficie de gros fonds américains de plusieurs milliards de dollars et réalise de grosses capitalisations. Des expériences dont il garde un souvenir positif: « Chez Quilvest je n’avais pas de vie. A Findercod, l’expérience était plus intense: des horaires particuliers où tu rentres du travail à 4h du matin pour te lever à 7h30 et revenir au travail à 9h; des modélisations, des pages excel de 150 onglets avec des formules interminables, un anglais irréprochable exigé où à la moindre virgule de travers c’est limite si tu ne te fais pas virer (...) C’est très formateur car tu prends des réflexes et de la rigueur.» En 2012, coup de théâtre. Après 10 ans de vie en France, malgré un bon salaire et un train de vie confortable, il décide de rentrer au Cameroun. Si la décision est accueillie froidement par ses proches qui le lui reprochent, pour Christian Ngan, ce n’est que la suite logique d’un projet dont il tissait depuis longtemps la toile et pour lequel il fallait sauter le pas du retour au bercail. «Je partais du constat que l’Afrique avait beaucoup de potentialités. J’ai créé la marque quand j’étais à Paris de A à Z et un beau matin, je démissionne de mon
1/ N°3 en 2014 dans le classement annuel des écoles de commerce françaises 2/ Ils constituent un mode de croissance qui permet aux entreprises de renforcer leur position concurrentielle, d’accéder à de nouveaux marchés, de s’internationaliser, d’acquérir de nouvelles compétences et de se diversifier
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boulot pour m’investir pleinement dans ce qui n’était encore qu’un hobby.» argue-t-il. Riche de ses économies et fort de son potentiel intellectuel, il se lance dans l’industrie cosmétique pour pénétrer le marché africain. C’est pourtant un secteur très concurrentiel, où les grands groupes internationaux comme l’Oréal, Unilever, Procter & Gamble se disputent le marché avec des industriels locaux, voire des artisanaux. Une perspective qui ne l’effraie pas outre mesure: « Je suis partisan du tout est possible. Je crois au côté autodidacte, dans les cosmétiques j’en suis un. Mais c’est aussi parce que j’ai acquis certaines compétences ailleurs que j’ai eu la tâche facile. C’est un avantage crucial par rapport à ceux qui partent de rien du tout. J’ai réfléchi en tant qu’investisseur et en tant qu’opportunités d’investissement. »
UNE MARQUE, UNE RESPONSABILITE SOCIALE Son naturel tempéré est vite ébranlé par un sujet: le phénomène de décapage de la peau en Afrique. En parler, c’est la garantie de provoquer l’ire saine de l’homme, envers la permissivité ambiante grâce à laquelle prospère cette dérive: « C’est une responsabilité collective du gouvernement, des industriels, des médias, mais aussi des artistes et de tous les leaders d’opinion, d’endiguer ce mal qui gangrène à sa manière la société. » Il pointe du doigt ces industriels cyniques et véreux, qui tirent profit de l’ignorance et/ou du complexe de nombreux africains vis-à-vis des peaux claires et diffusent sur le marché des produits extrêmement nocifs. « Il est important de ne pas faire l’amalgame entre éclaircissant et dépigmentant. Ce qui est souvent le cas. Utiliser ce terme est même devenu insidieux, car aujourd’hui tous les produits éclaircissants sont dépigmentant », regrette-t-il. Immédiat claire, Bio Claire, Clarissime, White express, sivoclair, sont quelques produits de décapage qui ont pignon sur rue. Signe de l’omerta qui règne au quotidien, peu d’enquêtes et d’études sérieuses sont réalisées par les autorités compétentes locales sur l’ampleur du décapage. Les médias parlent à peine du mal qui sévit, si ce n’est pour en faire l’apologie à longueur d’antennes ou de pages de publicités mensongères. Pourtant, ce sont de véritables cocktails Molotov qu’appliquent sur leurs peaux les candidats au décapage, avec des mixtures à base de produits corrosifs et/ou interdits comme: l’hydroquinone reconnu comme produit hautement toxique pour l’écosystème et utilisé dans le développement photographique; des dérivés mercuriels; des corticoïdes ou plus prosaïquement des bains à base d’eau de javel et d’autres composés chimiques. Résultat, la liste des conséquences de leur application sur la peau est tout aussi effrayante et non exhaustive: hématomes, vergetures irréversibles, champignons, mélanomes, cancers de la peau, odeur nauséabonde1. Un état de fait auquel tente de remédier Christian Ngan qui affirme avec conviction: « La particularité de Madlyn Cazalis est d’exacerber la fierté africaine, car nous (africains) sommes arrivés à un tournant historique où nous devons nous prendre en main, être fiers de notre peau, nos cheveux, nos racines et ne pas rougir devant tous les produits dont
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nous sommes inondés. »
«J’ai vraiment pris les études comme un outil pour bien démarrer dans la vie et faire ce que je voulais.» UN NOM, UNE ETHIQUE Un désir d’africanité que ne trahit toutefois pas le nom de sa marque constatons-nous. Serein, il opine de la pertinence de la remarque et nous livre une version élaborée certes, mais aussi très sentimentale du choix du nom de la marque: « Autant je suis un africain convaincu, autant je ne suis pas un afro centriste. Je ne fais pas les choses dans l’idée des «africains contre les autres» (...) Madlyn Cazalis c’est juste la contraction des prénoms de ma Maman, Pauline, et ceux de ma sœur, Suzanne Lise. Je cherchais quelque chose d’élégant, d’original et d’inexistant. » C’est donc l’universalité qui a donné naissance à «Madlyn Cazalis»! Prononcé aussi bien en français, en anglais, en italien, en espagnol ou dans une langue vernaculaire quelconque, il est d’un égal charme. La vraie référence à l’Afrique est le fameux zèbre aux rayures fuchsia, magenta et bleue turquoise. C’est le clin d’œil au dynamisme, à la beauté et à la majesté du continent. Poursuivant sur l’immoralité et l’appât du gain dans le milieu très concurrentiel des cosmétiques au Cameroun et en Afrique, Christian Ngan estime que: « beaucoup d’acteurs qui font n’importe quoi et qui encouragent des dérives comme le décapage, font de l’argent sans éthique. Je crois qu’on peut procéder autrement et gagner de l’argent avec un minimum d’éthique. Les questions cruciales: quels problèmes on va régler? Combien de personnes on va servir? » Le jeune patron privilégie donc l’utilité et l’intégrité sociale de son entreprise, plutôt que la relation pécuniaire à ses consommateurs. Preuve s’il en est, l’essence des produits Madlyn Cazalis est la substance organique. Le citron pour ses vertus antiseptique, nettoyante et éclaircissante; le beurre de cacao, hydratant et efficace pour l’élasticité de la peau; les concombres, parfaits hydratants; sont quelques éléments naturels plébiscités par la marque au «zèbre métisse». Le résultat, 80 à 95% d’éléments organiques dans les produits finis. Un positionnement que l’entrepreneur assume clairement: « la recherche biomédicale s’est inspirée des molécules issues de substances naturelles, dont les populations vivant au cœur de flores riches comme les pygmées, ont une maîtrise millénaire. Il y a énormément d’additifs après pour l’aspect du produit, sa couleur, sa texture, sa durée. C’est là où la cosmétique organique, dans laquelle Madlyn Cazalis se situe, fait la différence. Ce que nous perdons en termes de marketing et d’apparence finale du produit en évitant au maximum les additifs synthétiques, nous le gagnons en
3/ Communément appelé Private Equity, un fonds de capital-investissement consiste en une prise de participation au capital d’entreprises non cotées pour financer leur démarrage, leur croissance, leur redressement, ou leur transmission. http://www.quilvest.fr/fr/private_equity/en_bref. 4/ D’après une enquête de radio canada https://www.youtube.com/watch?v=fdWDUAV1nT4
Quelques produits Madlyn Cazalis
pureté des composés organiques primaires utilisés. » Des performances que l’entreprise souhaite améliorer en travaillant d’arrache-pied avec un conseil afin de lever des fonds pour accélérer le développement et la recherche au sein de la marque. Un perfectionnement que la jeune P.M.E associe à une sainte trinité qu’est: l’éthique, l’engagement social et l’universalité.
« C’est une responsabilité collective du gouvernement, des industriels, des médias, mais aussi des artistes et de tous les leaders d’opinion, d’endiguer ce mal qui gangrène à sa manière la société. » UN AVENIR PROMETTEUR POUR LA JEUNE ENTREPRISE Le succès des produits Madlyn Cazalis est incontestable, même si les chiffres ne sont pas encore publiés. En entrepreneur averti, il est conscient que la contrefaçon ne l’épargnera pas et il l’analyse plutôt avec philosophie: « Je sais que ça va arriver, quand ça arrive c’est aussi un signe. C’est aussi cela la rançon du succès (rires). » Prudent, il a d’ores et déjà déposé la marque auprès de l’O.A.P.I1. C’est d’ailleurs l’une des premières étapes qu’il recommande à tout futur entrepreneur africain. Une initiative ô combien importante, car en deux ans d’existence, Madlyn Cazalis pourvoit une dizaine d’emplois directs et une soixantaine de manière indirecte, en est à sa 4ème génération de produits manufacturés et en propose 20 à la vente (lotions, laits de toilette, savons, crèmes, gommages, sérums, masques), dispose de 50 points de distribution au Cameroun, en pharmacies comme dans des espaces commerciaux, et envisage à l’horizon 2016
la création à Douala de la première boutique entièrement dédiée à la marque. Mais Christian Ngan voit plus large. Chantre du «Made in Africa», inspiré par le parcours d’entrepreneurs aussi prospères qu’Aliko Dangoté, Kadji Defosso ou Victor Fotso, il prône énergiquement la multiplication de marques fortes émanant du continent, pour doper des économies nationales prometteuses et renforcer le sentiment de fierté des africains. Une chose qui n’est possible que si on envisage une stratégie à l’échelle continentale. L’expansion sous-régionale est donc une priorité pour Madlyn Cazalis qui y a 33 pays cibles. Ses produits ont déjà été écoulés au Tchad et au Sénégal. Toutefois, pour le jeune P.D.G, l’intégration régionale est capitale si on envisage un quelconque développement du marché. Barrières douanières, lenteurs administratives, difficultés dans les échanges des biens et des personnes, déficit d’infrastructures routières, sont encore des freins à cette dynamique. Au delà de ces contingences, les cosmétiques ne sont qu’un début pour la marque. Par ailleurs fondateur de GoldskyPartners, un cabinet de conseil financier, Christian Ngan annonce déjà la couleur: « Je vois Madlyn Cazalis comme un groupe. Les cosmétiques ne sont pas une exclusivité. Ce ne sera pas ma dernière affaire, si Dieu me prête vie. On veut aussi travailler sur les accessoires, sur la maroquinerie. » Pour cela, il sait qu’il faut donner du temps au temps. En attendant, il n’ignore rien du modèle qu’il est devenu auprès des jeunes et ne se dérobe pas à la tâche. Fidèle à ses principes, il veut transmettre son expérience, conscient que l’émancipation du continent dépend de telles initiatives et que l’accompagnement des autorités de son pays auprès des jeunes entrepreneurs est faible. Discuter, partager son savoir faire, le diffuser, poser des actions d’envergure sociale font partie de sa stratégie actuelle en la matière. Avec la marge de progression de l’entreprise qui sait, demain ce seront des milliers d’emplois, de stages de formation et une pléthore de services qu’il aura à offrir au continent! C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
5/ Organisation Africaine de la propriété Intellectuelle
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INSPIR’ECO
À LA DECOUVERTE DE FOCUS VENTURES
« la Côte d’Ivoire est une bonne terre d’accueil pour tout entrepreneur qui souhaite retourner en Afrique »
Après deux ans en tant que Directrice des Opérations au sein de Hope Services en Afrique, Haoua Mamoudou a décidé de passer du statut d’INTRApreneur1 à celui d’ENTREpreneur. A 31 ans, cette Nigérienne est à la tête de FOCUS VENTURES, une entreprise qui accompagne les PME2 et les multinationales.
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La Côte d’Ivoire
Haoua Mamoudou est une panafricaine. La preuve en est que le siège social de FOCUS VENTURE ne se trouve pas à Niamey, mais à Abidjan. Pour elle, « la Côte d’Ivoire est une bonne terre d’accueil pour tout entrepreneur qui souhaite retourner en Afrique ». Avec un PIB de 28 Milliards de dollars et une croissance économique de 8,1% en 2013 selon la Banque Mondiale, « le pays des éléphants » a repris du poil de la bête et est entrain de redevenir le géant incontesté de la zone UEMOA3, malgré la crise postélectorale de 2011. De plus, les investisseurs croient en son potentiel, car les placements réels de capitaux y ont connu une hausse de 63% en 2012.
ce sont plus de 2535 entreprises qui ont été créées en 2013, contre seulement 126 en 2012 selon la CEPICI1. Ce sont ces compagnies de plus en plus nombreuses, qui justifient le deuxième volet des activités de FOCUS VENTURES, consistant à accompagner des entreprises locales. En effet, même si ces dernières maitrisent mieux leur environnement que les entreprises internationales, elles doivent optimiser leurs performances. L’une des solutions proposées par FOCUS VENTURES est l’outsourcing2 dont l’objectif, d’après Mme Mamoudou, est de « permettre aux entrepreneurs de se concentrer sur ce qu’ils savent faire ». Ainsi, les entrepreneurs, qui sont pour la plupart spécialisés dans un métier donné, lui délèguent les autres fonctions de leur entreprise (particulièrement les services RH, comptabilité, fiscalité), afin de pouvoir améliorer leurs offres, leurs services ou leurs ventes.
« La corruption n’est pas qu’une L’Afrique n’est pas un bloc homogène réalité Africaine ». Au service des entreprises C’est justement dans le but d’assister les investisseurs qu’elle a créé FOCUS Ventures il y’a un an. L’équipe de cette entreprise est composée de jeunes ayant fait leurs études à l’étranger, et disposant d’une excellente connaissance de la région. Cette double culture leur permet de mener leurs activités à deux niveaux. Tout d’abord, FOCUS VENTURES «facilite l’implantation des investisseurs étrangers qui souhaitent développer des activités dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest », assure Haoua Mamoudou. Mais malgré une croissance de plus de 5%, l’environnement des affaires en Afrique de l’Ouest fait face à certains freins tels que la lenteur de l’exécution des contrats, ou la corruption. Ces freins contribuent à augmenter le scepticisme des entreprises internationales qui ont souvent une vision exagérée de ce qu’est le risque d’investissement en Afrique. Vision exagérée parce que, comme le rappelle Mme Mamoudou, « La corruption n’est pas qu’une réalité Africaine ». Cependant, les pays sont de plus en plus conscients qu’il est impératif de créer un environnement des affaires rassurant. La Côte d’Ivoire qui a récemment entrepris des réformes dans ce sens l’a compris. Le renforcement de la règlementation en la matière, la mise en place du tribunal du commerce ou la lutte contre le racket sont quelques changements réalisés par le gouvernement Ivoirien. Et ce n’est pas tout. Un guichet unique a été implémenté afin de faciliter les formalités de création d’entreprises. Résultat,
Les jeunes entrepreneurs ont souvent tendance à croire que les pratiques business sont les mêmes d’un pays à l’autre. Mais c’est faux. Malgré le fait que certains pays francophones de l’Afrique aient rallié les accords de l’OHADA4, et que cette uniformisation du droit des affaires facilite les choses, il existe toujours des différences de réglementation. Par exemple, « un étranger ne peut pas être actionnaire à 100% d’une société Ghanéenne » nous précise Mme Haoua Mamoudou. Ce qui n’est pas le cas en Côte d’Ivoire, au Niger ou au Sénégal. D’après l’experte, le choix d’implantation n’est pas à prendre à la légère : « Tout dépend de ce que l’on cherche, et des opportunités de marché ». Si l’on souhaite des opportunités de marché dans le secteur des services par exemple, la Côte d’Ivoire est le pays idéal. D’après la Banque Mondiale, le secteur des services comptait pour plus de 45% du PIB de la Côte d’Ivoire en 2011. Le Sénégal quant à lui, avec ses 93% de taux de pénétration du mobile et ses 49% de taux de pénétration d’Internet, est le terrain idéal pour ceux qui entreprennent dans les secteurs des NTIC5 : Google l’a compris et s’y est installé. Accompagner les entreprises dans un environnement des affaires encore à la recherche de ses repères comme le fait FOCUS VENTURE, est un défi de taille. Mais Haoua Mamoudou n’a pas froid aux yeux et envisage l’avenir avec « beaucoup d’enthousiasme ». Retrouvez le profil professionnel de Haoua Mamoudou sur https://www.linkedin.com/company/focus--strategy-consulting Chrys NYETAM.
1/ Salarié d’une entreprise réalisant des projets rentables au sein de la même entreprise 2/ Petites et Moyennes Entreprises. 3/ Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine 4/ Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires 5/ Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.
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PENSÉES
DIASPORA CONTRE LOCAUX : FAUT – IL FAIRE UN CHOIX ?
S’il fallait définir Jesse Carlton en un seul mot, je choisirais « inspiration ». A seulement 22 ans, ce jeune homme est multi casquettes : écrivain, consultant en développement personnel, « motivational speaker », entrepreneur, rien ne semble l’arrêter. En plus d’avoir le pouvoir des mots, celui qu’on
surnomme aussi Mister Africa est passionné par le continent et met un point d’honneur à parler de charité, de solidarité, de partage et d’amour. Il nous donne son avis sur la fameuse (ou supposée ?) scission entre entrepreneurs locaux et entrepreneurs issus de la diaspora. Par Joan Yombo.
Il y’a quelque temps, une de mes cousines me racontait son expérience lorsque, de retour d’Afrique du Sud, elle décida de chercher un emploi au Cameroun. Son recruteur l’adora tout de suite : elle avait fait les études qu’il fallait et avait plutôt une bonne expérience. Malgré cela, elle n’obtint pas le poste pour la seule et unique raison que ses recruteurs pensaient que son expérience à l’étranger n’allait pas coller aux réalités locales. Elle aurait probablement dû rester au Cameroun. Pas vrai ? Je suis récemment intervenu dans de nombreuses conférences où l’on invitait des entrepreneurs à partager leur expérience avec des étudiants. Ce sont très souvent des rencontres inspirantes. Mais l’une des choses qui rebute le plus l’audience, c’est le fait que ces intervenants sont pour la plupart issus de la diaspora. Veut-on nous dire par là qu’il faut forcément « avoir voyagé » pour pouvoir entreprendre ? Thomas, qui a étudié à l’université de Moscou revient au pays et lance son entreprise, qui rentre en concurrence avec celle de Eric, qui lui a fait toutes ses études à Douala. Avec peu de recul, l’arrivée de Thomas pourrait être perçue comme un impact négatif sur Eric et son business. Mais si on regarde le verre à moitié plein, l’arrivée de Thomas pousserait donc Eric à innover et repousser ses limites. En fin de compte, le plus important ce ne sont pas les bénéfices obtenus par Eric ou Thomas, mais le fait que les citoyens bénéficient par la suite de biens et services de meilleure qualité – Merci la concurrence !
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« Ne vous reposez pas sur vos acquis, continuez à innover »
Les jeunes qui rentrent en Afrique avec de « bonnes » idées et qui se plaignent face aux difficultés qu’ils rencontrent sur place au moment de leur réalisation devraient plutôt prendre ces obstacles comme des armes pour devenir les meilleurs dans leur domaine. La concurrence devrait être une source d’inspiration, qui nous permettrait de renforcer nos capacités locales afin de valoriser nos performances à l’échelle internationale. Le problème n’est pas le problème justement, mais la manière dont on le perçoit. En fonction de notre vision et de nos objectifs, la possibilité d’évoluer existe toujours. Si je m’en tiens au titre de ce magazine, j’aimerais croire que la vision que nous avons tous est de développer notre cher continent. Néanmoins, n’oublions pas que pour développer notre continent, nous devons commencer par évoluer nous-mêmes : si un mur est constitué de 20 briques de couleur jaune et qu’une de ces briques devient rouge, alors il est correct de dire que le mur a changé d’aspect. Si chacun d’entre nous s’améliore, si chacun d’entre nous change, il est donc tout à fait juste d’affirmer que le continent a changé. La tension qui pourrait exister entre jeunes de la diaspora et jeunes locaux est simplement due à notre incapacité à anticiper et à voir les choses sur le long terme. Nous sommes tous les pièces d’un puzzle : nous n’avons ni la même taille, ni la même forme, nous ne sommes pas positionnés de la même manière, mais nous avons tous un rôle à jouer. Que vous ayez étudié/ travaillé au pôle nord ou dans le désert, vous restez une pièce de ce puzzle. Aucun profil n’est supérieur à l’autre. Arthur Zang1, qui a récemment obtenu le prix Rolex d’innovation a fait toutes ses études au Cameroun : Il y a conçu le cardiopad. Christian Ngan quant à lui, étudié et travaillé en France, est rentré au Cameroun pour mettre son expertise au service de son continent. Il est aujourd’hui parmi les entrepreneurs les plus prometteurs selon le magazine Forbes Afrique. …. Et les gouvernements dans tout ça ? Eh bien, ce sont des pièces du puzzle, au même titre que les individus. Les uns n’accomplissent rien sans les autres.
Mr Africa, (écrivain et consultant en développement personnel) Retrouvez Mr Africa sur http://carltonmrafrica.com
« Soyez le changement que vous voudriez pour le monde » - Mahatma Gandhi.
1/ Cf. Le CardioPad, une solution aux problèmes de santé, Inspire Afrika n°7 - Les Nouvelles Technologies au service du développement, P.9
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4 QUESTIONS À...
HAUTE|BASO LA MARQUE À OBSERVER DE PRÈS
« Si nous ne pouvons pas utiliser des matières premières rwandaises, nous préférons utiliser des matériaux venant d’autres pays africains. »
Haute|Baso est une dynamique marque de mode, fondée par Linda Mukankoga et Candy Basomingera. L’initiative a pour objectif de mettre en avant le travail des artisans rwandais et particulièrement celui des femmes. « Deux cerveaux valent mieux qu’un » disent les créatrices quand on les aborde la première fois. Ce qui montre leur côté compétitif. Un atout, lorsque l’on sait qu’au Rwanda, ce ne sont pas les marques de vêtements qui manquent. Inspire Afrika a eu l’occasion de leur poser 4 questions clés autour leur concept.
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I.A : Quel est l’impact social de Haute|Baso? Linda Mukangoga : Nous travaillons avec des coopératives. Nous présentons aux artisans des maquettes, pour qu’ils nous disent dans quelle mesure ils sont capables de les fabriquer. Bien évidemment, nous commençons par des prototypes, histoire de vérifier qu’ils maitrisent tous les outils nécessaires à la production. Une fois que le produit est prêt, nous leur montrons comment le commercialiser. Voilà ce qui nous rend différent des autres marques ou entreprises. Habituellement, les coopératives produisent et ne savent pas comment leurs produits ont été vendus ou présentés par la suite. Nous essayons d’être interactifs. I.A : Quel est le plus important défi auquel vous faites face et comment le contournez-vous ? Candy Basomingera : Pour nous, le plus gros challenge réside dans l’acquisition des matières premières, puisque nous voulons confectionner nos produits avec des matières locales, ou au moins en provenance des pays voisins. Si nous ne pouvons pas utiliser des matières premières rwandaises, nous préférons utiliser des matériaux venant d’autres pays africains, même si nous savons que ce serait plus facile pour nous de commander des matières premières en provenance de la Chine : l’opération serait plus rapide. Travailler avec des matières premières locales ou régionales est un défi, en ce sens que cela demande énormément de temps. Cependant, nous avons besoin de ce temps, parce que nous sommes à la recherche de matériaux de haute qualité. Nous privilégions cela, même si nous savons que c’est une procédure très coûteuse. C’est un choix difficile à assumer et les conséquences sont contraignantes. Par exemple, nos choix sont très souvent limités en ce qui concerne les couleurs ou encore le type de tissu. Pour surmonter cet obstacle, nous réajustons, nous faisons des compromis, nous nous adaptons, en utilisant la matière première qui est disponible. Le produit final est donc souvent différent de la conception originale, mais parfois il s’avère qu’il soit beaucoup plus beau.
Notre objectif à long terme est d’ouvrir un centre de formation pour éduquer les femmes avec lesquelles nous travaillons. Beaucoup de gens avec qui nous travaillons ont leur propre équipement, et travaillent à des endroits différents. Nous croyons que si nous mutualisons les efforts (et les coûts), nous leur faciliterons la tâche. Cela nous permettrait aussi de produire plus facilement. Comme vous pouvez l’imaginer travailler avec différentes coopératives nous oblige à aller à divers endroits pour récupérer les produits. Cela nous revient plus cher.
«Ici au Rwanda, de nombreuses institutions gouvernementales nous aident à atteindre nos objectifs en proposant des places pour des salons par exemple.»
I.A : Quel conseil donneriez-vous à ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’industrie textile au Rwanda ? Candy Basomingera : Les gens considèrent plus la mode comme un hobby que comme un travail. La plupart ne pensent même pas qu’il est possible de faire carrière dans ce domaine. Lorsque quelqu’un choisi cette voie, il faut qu’il soit assez fort pour se battre contre ce préjugé. Vous devez faire de votre passion votre job. Votre passion pour ce que vous accomplissez devrait vous permettre de réaliser vos rêves. Ici au Rwanda, de nombreuses institutions gouvernementales nous aident à atteindre nos objectifs en proposant des places pour des salons par exemple. Gardez à l’esprit que, pour réussir, vous devez trouver des moyens inhabituels pour faire connaître votre entreprise. Rien ne se passera en une seule journée : cela nécessite beaucoup trop de travail. Cependant, si vous faites ce qui vous passionne, rien ne peut vous arrêter. Retrouvez les produits Haute|Baso sur http://www.hautebaso.com/about.html
I.A : Quels sont vos objectifs à court et à long terme ? Linda Mukangoga : Notre objectif à court terme est d’avoir une meilleure visibilité puisque nous travaillons très dur pour accroître notre présence sur les médias sociaux et pour utiliser des outils qui sont abordables pour nous. Nous voulons que les gens connaissent la marque, mais en plus, nous tenons à attirer leur attention sur la façon dont nos produits sont fabriqués.
Propos recueillis par Anita Ashiru
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FOCULTURE
C
ILS ONT SAUTÉ LE PAS
omme des milliers de jeunes étudiants africains, ils ont, à un moment donné de leur parcours, émis le souhait de rentrer au bercail et d’aller à la rencontre des opportunités. Mais suffit-il simplement de faire un vœu pour le voir se réaliser ? Loin des légendes et des clichés, 5 jeunes africains nous racontent leur expérience du retour au continent.
Comment avez-vous su qu’il était temps pour vous de rentrer? De manière générale, comment savoir quand il est temps de rentrer ? Il est évident que les raisons de rentrer en Afrique varient en fonction des individus. En ce qui me concerne, retourner en Afrique a été dès le début de mes études en France, une option que je considérais de manière sérieuse. En effet, j’avais la profonde conviction qu’une fois le diplôme en poche, je serais plus utile en Afrique qu’en occident. Ainsi, je n’ai pas hésité à accepter l’opportunité qui s’est présentée à moi de retourner sur le continent alors que j’avais des propositions alléchantes à Paris. Mon expérience m’a permis de noter qu’il est tout à fait possible d’avoir une qualité de vie décente en Afrique tout en évoluant dans un environnement professionnel intellectuellement stimulant. Nous sommes à un tournant décisif où l’Afrique fait l’objet de toutes les convoitises. Pour faire partie des acteurs de l’Afrique de demain, la diaspora qui envisage le retour devrait saisir cette opportunité idéale.
Lagassane Ouattara, Chargé d’investissement Africa Consulting & Trading (Dakar)
Quels sont les plus importants challenges (difficultés) auxquelles tu as dû faire face lors de ton retour sur le continent? Lorsqu’on veut s’engager dans le développement de l’Afrique, toutes les actions comptent, indépendamment du lieu où l’on se trouve. Il est important de souligner les spécificités du continent africain. D’abord, c’est le continent qui compte le plus de jeunes. Ensuite, il dispose d’une croissance technologique importante, essentiellement due au fait que très souvent on part de zéro ; une émergence de consommateurs ; une croissance économique rapide à 2 chiffres, qui entraine la création d’emplois. Cependant, le continent n’a pas bonne presse et est assez méconnu. Pour ces raisons, son évolution est difficile à mesurer. J’ai donc sauté le pas en allant y travailler pour la Banque Africaine de Développement. Pour moi, les difficultés furent : le manque de confort (en comparaison aux habitudes de vies européennes), l’inertie gouvernementale en général, et l’absence de bon fromage ! Tout ceci n’a pas suffit à me faire renoncer en tout cas.
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Tout le monde doit-il ( et peut-il ) créer sa propre entreprise en rentrant sur le continent ? Je pense qu’un jeune de la diaspora africaine qui envisage de rentrer, s’interroge surtout sur le rôle qu’il peut jouer dans le développement de son continent. L’entreprenariat semble être la voie royale pour accomplir cette « mission », surtout que cette formule évoque une vie exaltante et pleine de libertés. Clairement, à mon sens, tout le monde peut entreprendre en rentrant sur le continent. Il faut juste beaucoup de clairvoyance, de la ténacité et une humilité à toute épreuve. Je parle d’humilité car, quand on rentre de l’étranger, l’environnement local peut susciter un grand sentiment de supériorité, qui au final empêche de se remettre en question et de continuer à évoluer. Cependant, l’entreprenariat n’est pas la seule voie. Une entreprise, pour fonctionner, a besoin de bras et de cerveaux qualifiés. Aujourd’hui, l’Afrique émerge grâce à un tissu économique diversifié et des
milliers d’entreprises qui travaillent à améliorer chaque jour la qualité de vie des populations. Une façon d’assouvir sa soif de participer à l’essor du continent, serait de rejoindre une de ces entreprises existantes et unir ses forces aux batailles que d’autres auront enclenché. En plus, on peut être d’origine africaine, sans avoir une pleine conscience des réalités locales. Pour réussir ici, il faut une réelle expertise et surtout des contacts. Un premier passage en entreprise peut être idéal pour mieux cerner les réalités du terrain et se constituer un réseau efficace, avant de se lancer à son propre compte. Ceci étant, le retour au bercail peut être une success-story que chacun cuisine à sa sauce. Les seuls ingrédients communs restent : la clairvoyance, la ténacité et l’humilité.
Léna Gnininvi, entrepreneur/responsable des achats mode chez Jumia Côte D’ivoire (Abidjan)
Gérardine Mahoro, Consultante à la Banque Africaine de Développement ( Tunis )
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Qu’est ce qui change nécessairement quand on arrive sur le continent? Quelle est la première chose à laquelle il faut s’adapter ?
Après plusieurs années passées en France, dans un cadre de vie arrimé aux standards des pays développés, j’ai été frappé à mon retour au Gabon, par l’insuffisance voire même l’absence d’infrastructures de base. En effet, peut-on parler de développement et d’émergence lorsque les populations des grandes zones urbaines, n’ont d’autre choix que de vivre au gré des coupures intempestives d’eau courante et l’électricité ? En matière d’infrastructures hospitalières, sinon à de très rares exceptions, les structures existantes n’inspirent pas confiance. Au Gabon, on dit d’ailleurs que «tant qu’on n’est pas malade, tout va bien...». Lorsqu’il existe des hôpitaux, il manque soit de personnel soignant, soit de techniciens compétents pour manipuler le matériel d’examen et d’analyse (lorsque l’établissement est récent), soit de médicaments. L’insuffisance des infrastructures se remarque également dans le secteur des transports ou encore celui de l’éducation, qui sont autant de vecteurs de développement que les autorités évoquent dans leurs discours.
La seconde chose qui m’a frappé et à laquelle il a fallu m’adapter, est la mentalité. Il ne faut surtout pas bouleverser l’ordre établi, même s’il est néfaste. Les gens prônent sans cesse le développement et proclament même l’émergence, mais lorsqu’il est question d’adopter des méthodes d’organisation, de travail et des comportements qui ont fait leurs preuves dans les pays émergents ou développés, ces mêmes personnes vous rappellent volontiers «qu’on est en Afrique (...) et qu’il ne faut pas faire comme ailleurs». En réalité, ils souhaitent le progrès mais sont contre la progression, c’est-à-dire toute la démarche, parfois contraignante, qui conduit au progrès. Toujours sur la mentalité, il est frappant de constater combien le Droit est souvent une affaire d’opportunité. Ceci conduit à une forme d’insécurité, aussi bien pour les agents des administrations, les usagers que pour les entrepreneurs, en un mot: pour tout le monde! Jules Potier Loembe, chargé d’études à la Direction Générale du Budget (Libreville), Promotion Jean Zay de l’Ecole Nationale d’Administration (E.N.A)
Anastasie Assene, Consultante – Département Trésorerie, Banque Africaine de Développement ( Tunis )
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Comment me faire repérer par/intégrer des entreprises locales (Africaines) en étant basé en occident ? Avant de penser à se faire « repérer » il faudrait déjà maximiser ses atouts, en rendant son profil attrayant. Le choix de vos formations, écoles, filières, stages, séjours linguistiques, et les jobs étudiants, doit être réfléchi/stratégique. Ne perdons pas de vue que la plupart des jeunes diplômés qui souhaitent retourner exercer en Afrique (hors mis les autoentrepreneurs) visent très souvent les mêmes institutions; il est alors primordial de mettre toutes les chances de votre côté et garder à l’esprit votre objectif : vous faire recruter ! Le 1er outil est donc votre CV, et la différence peut se jouer à très peu de choses : un Master Spécialisé dans une grande école, ou un stage dans une entreprise bien connue, etc. N’hésitez pas à visiter le site web de l’entreprise en question (s’il existe) et renseignez-vous en particulier sur les opportunités qu’elle offre aux jeunes diplômés. Les options les plus courantes sont les stages et parfois les programmes de jeunes professionnels (YPP) ou encore des postes de consultant juniors (JC) pour les organisations internationales. Ces programmes s’adressent le plus souvent aux jeunes ayant déjà accumulés 1 à 3 années d’expérience. Cependant il arrive que les informations figurant sur ces sites web ne soient pas mises à jour ; dans ce cas de figure vous devrez faire appel à votre réseau ! Utiliser vos réseaux personnels ou des réseaux sociaux pertinents tels que ‘Linkedin’ par exemple, pour identifier des personnes travaillant dans cette entreprise à qui vous pouvez transmettre votre CV ou tout simplement commencer par prendre contact avec celles-ci (de préférence des jeunes ou des anciens de vos écoles si possible), afin d’obtenir plus d’informations sur les différentes offres qui pourraient vous intéresser. La plupart du temps cette approche fonctionne très bien car la personne qui recevra votre CV en interne le transfèrera directement au service concerné qui vous recontactera plus rapidement que si vous vous limiter à une candidature en ligne (surtout que le plus souvent les sites web de ces entreprises ne permettent pas de postuler en ligne). De Plus, vous avez certainement des amis et connaissances qui sont surplace et peuvent mieux vous renseigner sur le fonctionnement de l’entreprise et les procédures de recrutement. Ils pourront également vous recommander des per-
sonnes à qui vous adresser si eux ne possèdent pas l’information. Même si votre réseau personnel n’est pas très riche, rapprochez-vous des associations dans vos villes qui travaillent avec des entreprises africaines ou les grands groupes internationaux présents en Afrique, dans le cadre de Forums ou de Sessions de partage d’expérience. C’est aussi une façon d’agrandir votre réseau. Vous conviendrez avec moi que le point le plus critique est l’accès à l’information, la bonne, la vraie, celle qui vous sera utile. Le conseil le plus pertinent que je pourrai vous donner c’est donc de maximiser sur la construction d’un réseau fort ! Assistez aux forums, aux différentes rencontres de jeunes professionnels, Afterwork africains dans vos villes, profitez des soirées africaines pour élargir votre réseau. En plus de cela, sachez vous servir des réseaux sociaux, et vous aurez déjà fait un pas important dans votre démarche.
FORUM
2014 DE RECRUTEMENT
À PARIS, E H C O H S N O L A S AUX LE 5 DÉCEMBRE
DES MANAGERS POUR L’AFRIQUE
I P LÔ M É S D S E N U E J T ADRES E C 0 0 0 1 E D PLUS AFRICSEARCH, 1 er cabinet de recrutement et de conseil en ressources humaines pour l’AFRIQUE a été fondé en 1996 par Didier Acouetey. Il est né d’une volonté de participer au développement du continent africain. Dans la continuité naturelle d’identification des ressources humaines à la recherche d’opportunités professionnelles sur le continent et des entreprises en quête de futurs collaborateurs qualifiés, l’initiative se poursuit par le biais d’AfricTalents depuis 1999. Les derniers salons AfricTalents Paris, Dakar et Abidjan ont réuni près de 3000 candidats, avec notamment la présence de Groupes tels que Bollore Africa Logistics, Eranove, BNP Paribas, Société Générale, Attijariwafa Bank, IFC, Tractafric, Gallina Blanca, Shell Gabon, Saham Group, Eramet Comilog, Sogea Satom, Sanofi, Orabank, Daba Nespresso, CGF Bourse, Nestlé, Philip Morris, Banque Atlantique, l’Africaine de l’automobile, Sicogi, Deloitte, Air Côte d’Ivoire, etc., pour ne citer que ceux là. Coordonnatrice du forum AfricTalents Paris, Diane ANAWI vous donne rendez-vous aux Salons Hoche, près des Champs Elysées, le 5 décembre de 10�h�00 à 18�h�00. Une quinzaine d’entreprises sera présente, et une campagne de sélection des meilleurs candidats est en cours afin de répondre au mieux aux attentes de nos partenaires recruteurs. Aux candidats : « Vous êtes jeune diplômé ou cadre expérimenté, vous êtes à l’écoute du marché et vous souhaitez donner un nouvel élan à votre carrière ? Inscrivez-vous dès à présent sur www.africtalents.com ». Aux recruteurs : « Vous cherchez le meilleur moyen de rencontrer les hauts potentiels de la diaspora Africaine d’Europe ou d’ailleurs, de vous constituer un vivier de candidats, de mettre en avant votre marque employeur et de communiquer sur vos activités en Afrique et par le monde, contactez nos équipes via info@africtalents.com. Nous nous ferons un plaisir de vous accompagner dans votre développement ! » AfricTalents, c’est aussi des interventions de dirigeants et de DRH, des conférences d’experts liées à des thèmes d’actualités en Afrique !
RENDEZ-VOUS SUR www.africtalents.com AFRICSEARCH PARIS : 01 53 76 02 89 - E-mail : danawi@africsearch.com un forum