IN VIVO #24

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Penser la santé

N° 24 – JANVIER 2022

HIPPOCRATE

La pratique de la médecine s'est toujours accompagnée de scepticisme. Un phénomène aujourd'hui amplifié sur des réseaux sociaux polarisés par la pandémie.

LA MÉDECINE FACE À LA MÉFIANCE

INNOVATION Ongles, cheveux et poils, nouvelles pistes de diagnostic SIDA Pourquoi est-il si difficile de développer un vaccin? SPORT Concilier endurance et manque de sommeil Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO GÉMELLITÉ: LA VIE À DOUBLE


« Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs. » Swissnex, Brésil

ABONNEZ-VOUS À IN VIVO « Un coup de foudre immédiat. »

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Pascal M., Genève

Penser la santé

N° 19 – DÉCEMBRE 2019

« Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j’enseigne. »

MAIN BIONIQUE

Ce nouveau type de prothèse est relié au cerveau.

MAIN BIONIQUE

TOUCHER, BOUGER, SENTIR ? IN VIVO N° 19 – DÉCEMBRE 2019

Isabelle G., Lausanne

EBOLA Comment les vaccins ont été conçus à Lausanne et à Genève SOCIÉTÉ Ces couples qui ne veulent pas devenir parents INTERVIEW Pierre-François Leyvraz sur ses onze ans à la tête du CHUV Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

Penser la santé

Penser la santé

Penser la santé

REPORTAGE PHOTO

DOSSIER

Laure A., Lausanne

/ TÉMOIGNAGES

MATERNITÉ Quand l’accouchement crée des angoisses THÉRAPIE Les bienfaits des selles ADDICTION Les Suisses face au fléau des cachets Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO 24 HEURES DANS LA PEAU D’UN ATHLÈTE

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FEMMES, CHERCHEUSES ET MÉDECINS

DOSSIER

LA SCIENCE FACE AUX VIRUS

GENRE / CARRIÈRE / COLLABORATION

TRANSMISSIONS / VARIANTS / VACCINS

OBESITÉ Maladies cardiovasculaires, dépression et grossophobie NUISANCES Quand le bruit fait (très) mal FERTILITÉ Ces femmes qui font congeler leurs ovocytes Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

IN VIVO N° 23 – SEPTEMBRE 2021

COMBATTRE LE VIRUS

/

VIRUS

COVID-19

DOSSIER SPÉCIAL

N° 23 – SEPTEMBRE 2021

FEMMES ET RECHERCHE

N° 22 – AVRIL 2021

« Super mise en page ! »

IN VIVO N° 22 – AVRIL 2021

COVID-19

N° 20 – JUIN 2020

IN VIVO N° 20 – JUIN 2020

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IN EXTENSO LA SANTÉ DES SUISSES

IN EXTENSO LES DENTS

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VÉGANISME Entre bienfaits et carences COMA Plongée dans les mystères d’un organisme à l’arrêt INTERVIEW Le point de vue de Boris Cyrulnik Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LA PILOSITÉ

Seule une participation aux frais d’envoi est demandée (20 francs).


IN VIVO / N° 24 / JANVIER 2022

SOMMAIRE

IN SITU

7 / HEALTH VALLEY Vaccination : tout miser sur l’information

17 / AUTOUR DU GLOBE Comment le covid a dopé le système de santé indien

FOCUS

19 / DOSSIER La médecine au bord de la crise de foi

« Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette », proclame Sganarelle, représenté ici par le graveur Tavernier. Dans la fameuse pièce de Molière Le médecin malgré lui, le personnage s’improvise médecin et accumule les diagnostics erronés. Cette comédie de 1666 reflète déjà les pièges du charlatanisme.

Le magazine In Vivo édité par le CHUV est vendu au prix de CHF 5.- en librairie et distribué gratuitement sur les différents sites du CHUV.

HARLINGUE / ROGER-VIOLLET / ROGER-VIOLLET VIA AFP

PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT


SOMMAIRE

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MENS SANA

CORPORE SANO

CURSUS

32 / INTERVIEW

50 / INNOVATION

71 / ÉCLAIRAGE

Chantal Berna Renella : « Il est temps de retrouver la dimension humaine de la médecine » PAR ADRIEN KUENZY

PAR JEAN-CHRISTOPHE PIOT

54 /

36 / DÉCRYPTAGE

TENDANCE

Vers la fin du marché noir de l’or blanc ?

Sida, ce vaccin qui n’arrive jamais

PAR PATRICIA MICHAUD

PAR LAURENT PERRIN

medCHUV : un portail d’accès digital aux prestations médicales PAR SIMON FARAUD

74 / PARCOURS Le portrait d’Hélène Girard PAR NICOLAS JAYET

58 / TABOU

PROSPECTION

Les lourdes conséquences de la pandémie PAR ANNEGRET MATHARI

Ménopause, en parler plus pour mieux l’accompagner PAR ADRIANA STIMOLI ET ARTHUR DU SORDET

60 / DÉCRYPTAGE

42 / TENDANCE L’exploit appartient à ceux qui dorment beaucoup PAR YANN BERNARDINELLI

Savez-vous prendre vos médicaments ? PAR ERIK FREUDENREICH

64 / EN IMAGES

45 / COULISSES

Du venin comme médicament

Une formation académique pour les soignant·e·s

PAR CAROLE EXTERMANN

PAR NICOLAS JAYET

SUIVEZ-NOUS SUR : TWITTER : INVIVO_CHUV FACEBOOK : CHUVLAUSANNE

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ALAMY, NOAM YARON PRODUCTION SÀRL

39 /

Cheveux, poils et ongles en disent long sur notre santé


Éditorial

DOCTEUR, ÔTEZMOI D’UN DOUTE… Le parcours commence souvent sur Instagram, pour regarder les photos de vacances des collègues. Puis Facebook, pour lire les nouvelles. Un chat danse sur TikTok, et à deux clics de distance, un inconnu repartage une vidéo datant de mars, dans laquelle un président parle d’un bain de bouche à la javel contre le Covid-19. Une vidéo de recette de cuisine « spéciale confinement » plus tard, il est temps de descendre du train pour attraper son métro. Les vingt minutes du trajet pendulaire quotidien sont passées trop vite, LinkedIn attendra d’être au bureau. Mais au fait, n’est-il pas dangereux de se mettre de la javel dans la bouche ? Dans l’Antiquité déjà, Aristote postulait que « la nature a horreur du vide ». L’aphorisme semble particulièrement adapté aux écosystèmes numériques dans lesquels nous évoluons chaque jour. Hors de notre contrôle, les fils d’actualité se remplissent sans interruption. Les plateformes de diffusion se sont démocratisées, et chacune et chacun a l’incroyable opportunité de partager sa créativité et ses expériences avec le monde connecté. À l’ère de l’information, avoir accès à la connaissance semble une évidence. Les questions de la sélection et de la mise en perspective, par contre, restent à élucider. Et les GAFAM *, dépassées par leurs créations, s’en lavent les mains : c’est aux internautes de faire le tri. Cette cacophonie digitale est un terreau idéal pour cultiver la méfiance, parfois jusqu’à provoquer le rejet. Selon le Baromètre scientifique suisse, près de 10% des sondé·e·s mettent en doute la présence de preuves attestant de l’existence du nouveau coronavirus (p.20). Un phénomène qui a des répercussions importantes et concrètes, sur les taux de vaccination par exemple. Pourtant, adopter une perspective critique est une étape essentielle de la démarche scientifique. Certains en font même leur occupation, à l’instar de Jacques Testart, « critique de science » comme d’autres seraient critiques littéraires (p.28). Douter est sain, mais il y a l’art et la manière. Pour nous aider à y voir clair, l’hôpital a une importante carte à jouer. Trop timides encore, les institutions de santé regorgent pourtant de compétences et de savoirs à mettre à disposition d’un public qui ne demande qu’à y avoir accès. La pandémie l’a encore récemment prouvé : une place est à prendre dans cette mêlée numérique. Sans réaction de notre part, d’autres coalitions aux priorités différentes s’y jetteront sans égard pour la recherche de vérité scientifique. S’imposer comme un émetteur d’informations fiables et vérifiées dans les fils d’actualité devrait être une évolution naturelle de la mission de santé des établissements de soins. Alors peut-être que l’eau de Javel était une provocation facile à démentir. Mais concernant certains articles aux sources discutables diffusés sur les réseaux sociaux, que ce soit sur le vaccin à ARNm, la Chloroquine ou l’Ivermectine, vous n’aviez aucun doute? /

GILLES WEBER

ARNAUD DEMAISON Responsable éditorial

*Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft 3


IN SITU

HEALTH VALLEY

Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de « Health Valley ».

IN SITU

HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.

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YVERDON-LES-BAINS P. 11

De nouveaux médicaments contre le cancer sont développés par la société Incyte.

RENENS

P. 6

Le designer Benjamin Bichsel a imaginé une blouse médicale biodégradable.

GENÈVE P. 8

La voix de ses parents apaise la douleur chez un bébé prématuré selon une étude parue dans la revue Scientific Reports.

SAXON P. 8

De la spiruline produite localement récompensée par le Prix des Créateurs 2021.

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IN SITU

HEALTH VALLEY

START-UP GLAUCOME

CLASSEMENT

Le spin-off de l’EPFL Volumina Medical prend la 12e place dans le classement des 100 start-up suisses les plus prometteuses en 2021 – tous secteurs confondus –, établi par Venturelab chaque année. La jeune pousse est active dans la fabrication de biomatériaux hautement innovants pour la médecine régénérative. Elle est suivie de près par Haya Therapeutics, pionnière des traitements de nouvelle génération pour la fibrose, une maladie relative à l’altération des tissus d’un organe, qui figure à la 14e place.

GÉNOME

La start-up GenomSys, établie sur le Biopôle d’Epalinges, a signé un contrat de plusieurs années avec le géant de l’industrie médicale Philips afin de développer des outils et des logiciels de séquençage du génome. Ces outils permettront d’améliorer l’analyse des données pour le diagnostic et le traitement de patient·e·s dans le monde entier, avec un accent particulier sur l’oncologie. 6

Vaporettes sous enquête

L’OBJET

BLOUSE MÉDICALE BIODÉGRADABLE Partant du constat que chaque intervention médicale génère quelque 30 m² de déchets textiles et qu’une combinaison de travail en tissu synthétique – donc issue de ressources fossiles – est incinérée ou revalorisée après un temps d’utilisation très court, le designer suisse Benjamin Bichsel a conçu une gamme d’habits médicaux en matériaux biodégradables. Ces créations constituent l’aboutissement de son travail de diplôme à l’ECAL (École cantonale d’art de Lausanne) en design de produit. Alors qu'un équipement médical classique en fibres synthétiques met près de deux cents ans à se dégrader, le tissu biodégradable imaginé par le créateur devrait, d'après les premiers tests, se dégrader en trois mois seulement. Benjamin Bichsel a déjà contacté plusieurs institutions médicales en Suisse pour de futurs partenariats.

ENQUÊTE Les vaporettes, ou cigarettes électroniques, devraient être plus réglementées. C’est ce qu’affirme un panel d’expert·e·s de 15 pays interrogés par Unisanté, à Lausanne, et l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, à Paris, dans le cadre d’une vaste enquête menée de décembre 2018 à mars 2020. Les vaporettes sont souvent utilisées pour diminuer la consommation de cigarettes conventionnelles. Mais le manque de données et de preuves rigoureuses sur leur efficacité et leurs risques demande de les utiliser avec prudence, relèvent les auteur·e·s de l’étude.

« Ce contre-projet facilitant le don d’organes est vraiment une très bonne nouvelle. Il induira un changement de mentalité dans notre pays et constitue un excellent compromis. » MANUEL PASCUAL DIRECTEUR MÉDICAL DU CENTRE UNIVERSITAIRE ROMAND DE TRANSPLANTATION ET DU CENTRE DE TRANSPLANTATION D’ORGANES AU CHUV, APRÈS LA DÉCISION DU CONSEIL DES ÉTATS DE FAVORISER LE DON D’ORGANES EN APPROUVANT LE CONSENTEMENT PRÉSUMÉ DE CHACUN, LE 20 SEPTEMBRE DERNIER.

ISTOCK, ERIC DÉROZE

Le dispositif EyeWatch, que la société vaudoise Rheon Medical a développé pour améliorer significativement la situation de patient·e·s atteint·e·s de glaucome, a été reconnu au printemps dernier par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis comme « dispositif révolutionnaire ». Une étape importante dans la stratégie de la start-up, qui lui permet d’envisager le lancement de son dispositif sur le marché américain.


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HEALTH VALLEY

Vaccination: tout miser sur l’information Certains groupes de population semblent moins sensibles aux arguments en faveur de la vaccination. Comment les accompagner au mieux? SENSIBILISATION Manque de repères, difficultés à comprendre le français, méconnaissance des institutions officielles. Voilà autant de raisons qui font que certaines populations, récemment arrivées en Suisse, ont de la difficulté à s’informer sur l’évolution de la situation sanitaire. Ainsi, 38,6% des patient·e·s admis·e·s aux soins intensifs à Saint-Gall étaient des migrant·e·s, alors que leur part dans la population du canton n’est que de 24%, a relevé au printemps dernier une étude de l’épidémiologiste Matthias Egger – ancien directeur de la task force Covid-19 de la Confédération. « Ces populations présentent souvent des facteurs de comorbidité comme l’hypertension, le diabète ou l’obésité », dit Jean-Daniel Chiche, directeur du Service de soins intensifs au CHUV. Mais elles ont aussi moins accès à une information compréhensible.»

GILLES WEBER, ISTOCK, DR

« Des études britanniques ont montré que les minorités ethniques ont eu un accès restreint aux tests de dépistage du Covid19 et qu’elles ont aussi été davantage hospitalisées », complète Patrick Bodenmann, chef du Département vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté. Face à ce constat, le Comité de pilotage vaccination du canton de Vaud a mandaté Unisanté et l’Office du médecin cantonal pour mettre en place, au printemps, un dispositif de vaccination mobile allant à la rencontre des personnes issues du domaine de l’asile. Après six mois, environ 30% des requérant·e·s d’asile vivant en foyer et près de 2'500 sans-papiers du canton ont été vacciné·e·s. Supports multilingues Le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) vaudois a également intensifié ses efforts pour s'adresser aux résident·e·s étranger·ère·s avec statut légal, mais allophones. «Nous avons produit des affiches et des flyers avec des illustrations et un QR code 7

TEXTE : STÉPHANIE DE ROGUIN

à partir duquel il est possible d’accéder à de l’information en une quinzaine de langues différentes», expose Sonia Arnal, déléguée à la communication du département. Ces flyers ont été distribués par le biais d’une trentaine d’associations, allant de Caritas aux cercles culturels de communautés spécifiques. Au bout du lac, c’est la Croix-Rouge genevoise qui s’est chargée de cette mission, en collaboration avec les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en proposant aux personnes sans assurance-maladie, pour certain·e·s sans papiers, de les aider à s’inscrire à la vaccination. « Cette prestation a été annoncée lors de nos différentes activités, mais aussi par le biais de notre réseau », indique Laura Magdalena, directrice du développement stratégique de l’institution. À la mi-septembre, près de 5'600 personnes ont pu bénéficier de cette aide.

EN HAUT : PATRICK BODENMANN, CHEF DU DÉPARTEMENT VULNÉRABILITÉS ET MÉDECINE SOCIALE D’UNISANTÉ EN BAS : SONIA ARNAL, DÉLÉGUÉE À LA COMMUNICATION DU DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DE L'ACTION SOCIALE (DSAS)

Informer via les médias de communautés En parallèle, des représentants de communautés ont transmis l’information ad hoc par le biais de leurs propres médias, à l’instar du site destiné à la communauté albanaise en Suisse Albinfo.ch. Le site, qui compte près d’un million de visites par mois, a publié les informations émanant de l'OFSP et réalise régulièrement des interviews avec différent·e·s médecins et expert·e·s. La chaîne d’information sur internet Diaspora TV relaie aussi les directives de l’OFSP en 16 langues ainsi que dans un journal mensuel en huit langues, grâce au travail de bénévoles. La plateforme bernoise, qui existe depuis 2018, organise également des talkshows avec des médecins communautaires. « Nous faisons tout notre possible pour encourager les gens qui nous suivent à se faire vacciner», confirme Mark Emmanuel Bamidele, le directeur de la chaîne, qui compte une audience de 350’000 à 500’000 personnes par mois. /


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HEALTH VALLEY

L’INTERDISCIPLINARITÉ VOUS SEMBLE-T-ELLE UNE DIMENSION PRIMORDIALE DANS CE DOMAINE ?

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LUIGI PULVIRENTI

LE DIRECTEUR DE LA NEUROSCIENCE SCHOOL OF ADVANCED STUDIES À LONDRES A CO-PRÉSIDÉ UN SOMMET INTERDISCIPLINAIRE SUR LES NEUROSCIENCES ORGANISÉ À CRANS-MONTANA DÉBUT SEPTEMBRE.

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QU’EST-CE QUE CE SOMMET A APPORTÉ DE NOUVEAU À LA RECHERCHE EN NEUROSCIENCES?

Nous avons organisé une retraite d’études, réunissant une trentaine de chercheur·euse·s du monde entier, parmi les plus chevronné·e·s du domaine, non pas pour parler de nos recherches et de nos résultats, mais pour façonner l’avenir des neurosciences. L’idée était de faire un pas de côté pour voir comment travailler ensemble, comment appréhender des méthodes de travail qui sont encore peu exploitées. Cet événement est voué à se reproduire chaque année, en faisant intervenir des chercheur·euse·s différent·e·s à chaque édition.

La spiruline récompensée

SUPERALIMENT La société Plein’R a remporté le Prix Créateurs 2021 de la BCVs (Banque cantonale du Valais), en septembre dernier. Basée à Saxon, cette société est la première à produire de la spiruline en Valais. Ressemblant à une algue, la spiruline est considérée comme un superaliment, le plus riche et le plus complet qui existe après le lait maternel. Fortement dosée en protéines végétales, elle apporte au corps humain de nombreuses substances, comme le fer, le zinc et de multiples vitamines. La société produit actuellement 200 kilos de spiruline par an et espère doubler, voire tripler sa production pour pouvoir être rentable.

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DANS LES CONCLUSIONS DU SOMMET, VOUS PARLEZ DE PRENDRE PLUS DE RISQUES EN MATIÈRE DE RECHERCHE EN NEUROSCIENCES, COMMENT CELA SE TRADUIT-IL ?

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Il y a cinquante ans, lorsqu’on imaginait la profession de chercheur·euse·s, on pensait à une activité explorant des schémas inconnus. Aujourd’hui, la recherche coûte cher, les instruments sont souvent très onéreux. Il faut donc partir du connu et s’étendre progressivement sur d’autres domaines. Il faut aiguiser la curiosité des neuroscientifiques pour tester des hypothèses qui n’ont pas encore été éprouvées. On croit que la maladie d’Alzheimer, par exemple, est due à un certain assemblage de protéines dans le cerveau. Mais l’explication n’est peutêtre pas uniquement là. La curiosité d’aller creuser des éléments encore méconnus, comme chercher les marqueurs biologiques, est essentielle. /

13'000 M2

C’est la surface allouée au nouveau centre de production Incyte BioPlant, sur le parc technologique Y-PARC à Yverdon-les-Bains. La société biopharmaceutique Incyte, dont le siège se trouve aux États-Unis, est spécialisée dans la découverte, le développement et la commercialisation de nouveaux médicaments contre le cancer. Elle pourra développer sur ce nouveau site des produits biologiques à haut rendement dans trois bâtiments abritant la production, les opérations techniques et les laboratoires d'analyse. À pleine capacité, le site peut accueillir environ 130 employé·e·s.

DR

3 QUESTIONS À

Pour étudier le cerveau, il faut raisonner à plusieurs échelles et à plusieurs niveaux : on peut étudier les cellules neuronales individuellement, les noyaux de ces cellules, les aires du cerveau, etc. Les spécialistes de ces domaines avancent souvent de manière cloisonnée. En regroupant les découvertes, en prenant en compte tant les facteurs épigénétiques que comportementaux, une nouvelle forme de connaissance va émerger, qui pourra aider à trouver de nouveaux traitements thérapeutiques.


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HEALTH VALLEY

La polypill en renfort contre les maladies cardiovasculaires

UN COCKTAIL EFFICACE « En soi, le fait de combiner plusieurs substances dans un même comprimé n’est pas nouveau, prévient Julien Castioni, médecin associé au Service de médecine interne au CHUV. Mais jusqu’à présent, ces polypills avaient une cible unique, l’hypertension par exemple. » Ce qui est plus récent, c’est de mêler plusieurs composants pour prévenir les maladies cardiovasculaires. La polypill est disponible en Suisse et comprend trois substances : deux antihypertenseurs et une statine (anticholestérol). Certains comprimés, produits en Espagne ou en Inde, intègrent également de l’aspirine. « Cette formulation est plus adaptée pour des patient-e-s avec une maladie cardiovasculaire établie, après un infarctus du myocarde par exemple », précise le médecin associé du CHUV.

Une polypill, c’est un comprimé (pill) contenant plusieurs (poly) principes actifs. Ce procédé a révélé un certain succès pour lutter contre les maladies cardiovasculaires. Une solution miracle ?

DES PHARMAS PEU SÉDUITES Le principal avantage d’un tel procédé est qu’il améliore l’adhérence du médicament, soit sa prise effective par la personne. « Lorsqu’un·e patient·e a quatre ou cinq comprimés à prendre, il·elle a des risques d’en oublier un », expose Julien Castioni. Une polypill a également un coût bien moins élevé que la prise séparée de plusieurs comprimés, d’où son succès dans les pays à bas revenus. En Suisse, elle peine cependant à s’implanter. Le concept se révélant peu intéressant pour l’industrie pharmaceutique.

USAGE COURANT OU MARGINAL? Un·e médecin travaillant en milieu hospitalier va rarement administrer une polypill, admet Julien Castioni : « Les maladies cardiovasculaires doivent être prises en charge avec un dosage sur mesure pour chaque médicament. Il faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour trouver la combinaison adéquate. » La prescription de polypills s’inscrit ainsi avant tout dans les pratiques de médecins installés, qui suivent leurs patient·e·s sur une longue durée.

Apaiser par les voix parentales

ISTOCK

DOULEUR La voix d'un parent peut diminuer la douleur chez son bébé prématuré lorsque celui-ci subit une intervention médicale. C’est ce qu’a observé une équipe de chercheur·euse·s de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Hôpital Parini en Italie et l’Université de la Vallée d’Aoste. Du fait de leur fragilité, les nouveaunés prématurés sont soumis à de nombreux examens, provoquant chez eux un stress important. Les chercheur·euse·s ont observé que lorsque la mère parlait à son bébé alors qu’il subissait un traitement, les signes d’expression de la douleur du nourrisson diminuaient et son taux d’ocytocine augmentait significativement, ce qui peut attester d’une meilleure gestion de la douleur. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Scientific Reports.

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HEALTH VALLEY

L’APPLICATION

Un accès 24h/24 à des prestations de santé personnalisées, un guide des symptômes numérique, la prise de rendez-vous en ligne ou la commande de médicaments : c’est ce que permet Well, une application de télémédecine qui veut être la plus complète en la matière de Suisse. Disponible depuis le début de l’automne sous forme de test, elle sera complétée pour présenter une version intégrale au printemps prochain. L’app est le fruit d’une collaboration entre les assureurs maladie CSS et Visana, le prestataire de télémédecine Medi24 (Allianz Care), ainsi que la pharmacie en ligne Zur Rose.

Les spécialistes du système digestif sur un même site

MORGES L’Ensemble hospitalier de la Côte (EHC) a inauguré le 6 septembre dernier son nouveau Centre digestif des Halles. Installé au centre-ville de Morges, ce nouveau site se déploie sur 300 m2 et regroupe toutes les spécialités médicales liées au système digestif : gastro-entérologie, proctologie, pathologie abdominale, hépatologie, ou encore maladies inflammatoires de l’intestin. Le Centre propose ainsi une prise en charge personnalisée reposant sur une collaboration multidisciplinaire dans ces différentes spécialités médicales.

De nouvelles armes contre les parasites

INNOVATION L’entreprise de biotechnologie neuchâteloise INVENesis, fondée par d'ancien·ne·s employé·e·s de Novartis, a mis au point une plateforme de tests novatrice pour la recherche de nouveaux traitements antiparasitaires. Une innovation importante, alors que les parasites développent de plus en plus de résistance aux médicaments. Ce travail s’est fait en association avec les instituts de recherche Inrae et le CSEM. Soutenu par le Canton de Neuchâtel et par InnoSuisse, le système suscite déjà l’intérêt de plusieurs entreprises actives dans la santé animale.

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3 QUESTIONS À

STEFANO MANDRIOTA

LES SELS D'ALUMINIUM SONT FORTEMENT PRÉSENTS DANS CERTAINS COSMÉTIQUES, NOTAMMENT LES DÉODORANTS ET LES CRÈMES SOLAIRES. STEFANO MANDRIOTA, DIRECTEUR DU LABORATOIRE DE CANCÉROGENÈSE ENVIRONNEMENTALE À LA FONDATION DES GRANGETTES (GE), A DIRIGÉ AVEC LE PROFESSEUR ANDRÉ-PASCAL SAPPINO UNE RÉCENTE ÉTUDE QUI CONFIRME LE POTENTIEL CANCÉRIGÈNE DE CES SUBSTANCES. LA DANGEROSITÉ DES SELS D’ALUMINIUM POUR LA SANTÉ HUMAINE EST IDENTIFIÉE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES. QU’EST-CE QUE VOTRE ÉTUDE APPORTE DE PLUS ?

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Les études faites jusqu’à présent se concentraient sur le lien entre l'utilisation de sels d'aluminium et le cancer du sein. Nos études ont permis de comprendre plus précisément ce mécanisme. Nous avons découvert que la substance peut être cancérigène pour les cellules mammaires, même lorsqu'elles sont exposées à une très faible dose. CETTE SUBSTANCE EST DONC CONNUE COMME POTENTIELLEMENT DANGEREUSE, MAIS SON UTILISATION DANS L’INDUSTRIE COSMÉTIQUE N’EST PAS ENCORE INTERDITE ?

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Comme pour toute substance qui porte un intérêt financier, il peut s’avérer difficile d’obtenir une interdiction. Il n’y a qu’à voir la situation avec le glyphosate, déclaré cancérigène probable par l’OMS en 2017, mais toujours autorisé en Suisse. Y A-T-IL MALGRÉ TOUT DES SIGNES ENCOURAGEANTS, QUI MONTRENT QUE CE PROBLÈME EST PRIS EN CONSIDÉRATION ?

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Oui, ça bouge au niveau politique. En 2016 déjà, une initiative des Vert·e·s demandant le retrait des sels d’aluminium dans les cosmétiques était passée devant le Conseil national. À Genève, une interpellation allant dans ce sens est en train d’être débattue au Grand Conseil. Une deuxième interpellation, au Conseil fédéral, vient d’être déposée par les Vert·e·s. /

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LA TÉLÉMÉDECINE S'INVITE SUR LES TÉLÉPHONES


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HEALTH VALLEY

ÉTAPE N° 24

COMBIOXIN

SUR LA ROUTE

ÉPALINGES

À la rencontre des acteurs de la Health Valley. Nouvelle étape : Épalinges.

Changer d’approche contre les bactéries Combioxin développe un traitement à base de liposomes pour lutter contre les pneumonies graves. TEXTE : CAROLE EXTERMANN

Les formes aiguës de pneumonie sont responsables chaque année de 2,4 millions de décès dans le monde. La start-up Combioxin travaille actuellement sur un traitement révolutionnaire basé sur des liposomes, des vésicules artificielles faites de parois graisseuses, qui capturent les toxines libérées par les bactéries. « La technologie a été découverte par des chercheurs bernois en 2013, précise Samareh Azeredo da Silveira, cofondatrice de Combioxin. Nous avons collaboré très tôt avec l’équipe pour sélectionner la formulation exacte du médicament. » Lors d’une infection bactérienne, les toxines sécrétées par la bactérie sont particulièrement problématiques, car elles attaquent les organes, ralentissent les défenses immunitaires et causent des complications difficilement traitables. « Ces liposomes agissent comme une éponge qui capture et neutralise les toxines. Ce médicament nommé CAL02 ne s’attaque donc

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pas directement à la bactérie, contrairement aux antibiotiques. » Les première et deuxième phases des essais cliniques ont été passées avec succès. Le traitement a été testé sur des patient·e·s aux soins intensifs atteint·e·s de pneumonie. La jeune start-up vient de signer un contrat avec l’entreprise américaine Eagle Pharmaceuticals qui a investi 35 millions pour lancer une étude qui conduira, si tout se passe bien, à la mise sur le marché de CAL02. Le traitement est particulièrement prometteur, puisqu’il pourra à terme s’appliquer à toutes sortes d’infections. Actuellement, CAL02 semble efficace contre 8 des 12 agents pathogènes que l’OMS a classés comme prioritaires pour la recherche de nouveaux antibiotiques. Le médicament développé par Combioxin est également très attendu pour les populations qui ont développé des résistances aux antibiotiques. /


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HEALTH VALLEY

THERANOS, SCANDALE SANITAIRE À 9 MILLIARDS DE DOLLARS?

BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de la Fondation Inartis et directeur du Campus Biotech inartis.ch republic-of-innovation.ch healthvalley.ch

TEXTE : BENOÎT DUBUIS

Le 8 septembre s’est ouvert l’un des procès les plus importants de cette fin d’année: celui de Theranos ou plutôt celui d’Elizabeth Holmes, celle que le monde entier voulait voir comme l’équivalent féminin de Steve Jobs. Celle qui s’est écroulée, avec son mensonge, après des mois de tromperies et d’escroqueries. Un procès qui est également celui de la « tech ». La question qui revient sur toutes les lèvres : un tel scandale pourrait-il avoir pour cadre la Suisse ? LE CÔTÉ SOMBRE DE L’ÉCONOMIE DE L’INNOVATION

À MÉDITER

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où des vies sont en jeu, où il est inconcevable d'itérer et de déboguer au fur et à mesure.

Si l'on combine cette réalité avec le mythe du scientifique brillant qui est spécialiste de tout et ne peut jamais se tromper, on obtient un ensemble de circonstances très dangereuses – le genre qui donne lieu à l’idéalisation d’une histoire qui conduit à des valorisations surfaites dont les entrepreneur·euse·s ne savent comment s’en sortir… et se termine hélas parfois, comme dans le cas de Theranos, par des accusations criminelles. Dans cette histoire malheureuse, on peut voir une fable moderne sur le manque d’humilité face à la complexité scientifique résultant en une superficialité coupable, sur l’art de la persuasion, sur le chemin menant de l’exagération à la tromperie. En conclusion, s’il manquait à Holmes une chose, n’était-ce pas l'éthique comme principe directeur cardinal ? C’est certainement ce qui non seulement a provoqué sa perte, mais questionne toute une industrie alors que la grande majorité des actrices et acteurs s’engagent de façon énergique et honnête pour repousser les barrières de la connaissance et développer de nouvelles solutions, de nouveaux produits. /

Il y avait en effet à cette époque un désir ardent de voir une femme entrepreneuse s'imposer et réussir à l'échelle de tous ces hommes: Mark Zuckerberg, Larry Page et Sergey Brin, Steve Jobs et Bill Gates avant eux… et le charme de cette jeune femme conventionnellement séduisante y a largement contribué. Sa méthode ? Celle qui fut qualifiée de bulle à plusieurs reprises dans l’histoire : le secteur de l’innovation met en scène des entrepreneur·euse·s qui, pour se démarquer, sont tentés d’abuser de leur mantra : « Fake It Until you Make It ».

La plus grande leçon à tirer de l'histoire de Theranos est peut-être que la promotion exacerbée de la culture de l’innovation basée sur les trois piliers gloire, pouvoir et fortune, que dénonçait Emmanuel Faber, ancien PDG de Danone, est propre à favoriser des attitudes répréhensibles. Cela est d’autant plus grave dans des secteurs

Elizabeth Holmes est accusée d'avoir fondé une start-up basée sur une technologie qui n'a jamais fonctionné. Theranos promettait le diagnostic de nombreuses maladies avec une seule goutte de sang.

YICHUAN CAO / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP

La culture de l’innovation a créé les conditions permettant à quelqu'un comme Holmes de se présenter et de prospérer en partant de zéro. La passion et le mysticisme d'Elizabeth Holmes ont attiré les investisseurs de la Silicon Valley qui n'ont pas examiné de trop près les affirmations de la société portée par des personnalités telles que le fondateur d'Oracle, Larry Ellison, et l'ancien secrétaire d'État Henry Kissinger. Dans ce contexte, le facteur séduction a joué un rôle clé.


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MÉDITATION IV n° 7

CYBERDÉPENDANCE p. 19

Adolescent·e·s : pour une médecine sur-mesure

SCIENCE PHOTO LIBRARY, ISTOCK

Publiée dans la revue Scientific Reports, une étude menée par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE) démontre que la pratique de la méditation de pleine conscience est bénéfique pour les adolescent·e·s né·e·s prématurément. Ces jeunes présentent en effet le risque – plus élevé que la moyenne – de développer des troubles du comportement, des fonctions exécutives ou des compétences sociales et émotionnelles. Cette étude suggère ainsi d’utiliser la méditation de pleine conscience comme outil d’intervention clinique auprès des adolescent·e·s, prématuré·e·s ou non. /

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IV n° 1

STATISTIQUES IV n° 10

p. 21

La mort, un enjeu vivant Une étude d'Unisanté montre que la mortalité en 2021 est, à ce jour, la plus faible jamais enregistrée en Suisse. Après avoir augmenté l’an dernier suite aux deux premières vagues de Covid-19, le nombre de décès dans notre pays a été, au premier semestre 2021, plus faible que les six années précédentes. Il n’a pas été observé d’impacts visibles de la grippe ni de conséquences importantes liées à la troisième vague de Covid-19 cette année. /

IDENTITÉ IV n° 17

p. 9

À la conquête du cerveau humain Chaque être humain a une empreinte cérébrale unique, au même titre que ses empreintes digitales, qui permettent de l’identifier de manière absolument sûre. Ce constat a été affirmé par Enrico Amico, collaborateur scientifique au Centre de neuroprothèses et au Laboratoire de traitement d’images médicales de l’EPFL, après des années de recherches. Son étude est publiée dans la revue Science Advances. /

p. 51

Nouveaux médias : nouvelles addictions ? Connaissez-vous le «doomscrolling»? Vous le pratiquez certainement chaque jour sans le savoir. Il s’agit de faire défiler une longue page internet sur son smartphone. De quoi emmagasiner une quantité énorme d’informations, générant du stress et de l’angoisse suivant la nature des données. À l’origine de ce procédé, Aza Raskin, 22 ans à l’époque de l’invention du scroll infini en 2006. Celui qui milite aujourd’hui contre les technologies rendant les gens accros a récemment confié que son invention «fait perdre à l’humanité l’équivalent de 200'000 vies par jour». Un constat qu’il juge effrayant, au point de travailler sur un procédé qui ralentira le flux à mesure que l'on fait défiler les pages. /


IN SITU

RETOUR SUR TERRE L’absence de pesanteur qui règne dans l’espace a un impact important sur le corps. Le manque de gravité exerce une influence sur le sens de la circulation sanguine, l’équilibre, la densité osseuse et le système immunitaire. Thomas Pesquet devra subir des contrôles de la tension artérielle, des examens neurologiques pour s’assurer que son corps se réhabitue correctement à être de nouveau debout, ainsi que des tests pour contrôler son système immunitaire et repérer d’éventuelles infections. Deux jours avant son retour sur Terre le 9 novembre dernier, Thomas Pesquet installe, au sein du laboratoire Kibo de la Station spatiale internationale, un dispositif qui permet d’étudier les fluides en fonction de la température. Désormais, c’est le jeune spationaute français lui-même qui doit se livrer à une série de tests et d’exercices avant de retrouver sa vie terrestre habituelle. Après six mois en orbite, le spationaute suivra un programme de réhabilitation au Centre européen des astronautes à Cologne qui devrait durer environ trois semaines. PHOTO : NASA

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IN SITU

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IN SITU

GLOBE

IN SITU

INDE Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde. Nouvelle étape en Inde.

Morsures fatales de serpent

ÉTUDE Au cours des deux dernières décennies, plus d’un million d’Indien·ne·s seraient mort·e·s suite à une morsure de serpent, alerte l’OMS qui a publié l’an dernier les résultats d’une étude à ce sujet. L’Inde serait ainsi l’un des pays les plus touchés par ce phénomène et cumule près de la moitié du nombre total de décès annuels dans le monde qui s'élève à 100'000 cas. Les principales espèces menaçantes sont la vipère de Russell, le Bongare indien et le cobra. L’objectif de l’OMS est donc de renforcer la prévention dans le pays et de réduire de moitié le nombre de victimes de ce fléau. Les reptiles se trouvent principalement dans les zones de basse altitude où est pratiquée l’agriculture intensive. Il existe des méthodes pour limiter les risques de morsures telles que porter des bottes et des gants en caoutchouc, ou encore s’équiper d’une lampe-torche la nuit pour les éloigner. Encore faut-il y avoir accès.

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50

milliards de dollars

C’est le montant que devraient atteindre les exportations indiennes de dispositifs médicaux d’ici à cinq ans d’après l’Agence nationale de promotion et de facilitation des investissements de l’Inde. Une croissance majeure pour un marché actuellement estimé à 10 milliards de dollars. Pour y parvenir, le pays développe actuellement quatre parcs industriels dédiés à la fabrication de dispositifs médicaux. Une mesure qui vise aussi à anticiper le besoin de dispositifs de santé à l'intérieur du pays en raison du vieillissement de la population de l'Inde.

Vers la fin des thérapies de conversion?

PROGRÈS Le Tamil Nadu devrait être le premier État de l'Inde à interdire la thérapie de conversion à l'hétérosexualité. Alors que cette pratique est encore largement appliquée dans les hôpitaux et les institutions religieuses du pays, la Haute Cour de justice de Madras dans l’État du Tamil Nadu a rendu en juin dernier un jugement condamnant fermement ces thérapies, rapporte The Indian Express. À partir du cas de deux jeunes femmes harcelées par leurs parents parce qu’elles vivaient en couple, la Haute Cour de justice de Madras a publié des directives visant à interdire toute tentative de guérison médicale ou de changement d’orientation sexuelle. L’ordonnance précise que tout·e professionnel·le usant de ces pratiques se verrait retirer son droit d’exercer.


IN SITU

GLOBE

Comment le Covid-19 a dopé le système de santé indien Pour lutter contre la pandémie, l’Inde mise sur la santé numérique. Des solutions pour unifier le système de santé ont aussi été trouvées.

ARUN SANKAR / AFP

SANTÉ NUMÉRIQUE L’Inde a lourdement été frappée par la pandémie de coronavirus. Le bilan s’élevait en novembre dernier à 460'791 décès. Au-delà de ces effets dramatiques, le Covid-19 a permis au pays de renforcer son système de santé. « Le virus a changé la donne, explique Swetha Suresh, responsable de l’innovation et des partenariats avec les start-up chez Swissnex en Inde. Il a notamment permis de créer et d’accélérer l’adoption de la santé numérique. » En août 2020, la « National Digital Health Mission » a été lancée pour améliorer le système de santé et y intégrer davantage les outils digitaux, tels que la création de dossiers médicaux personnels numériques. L’organisation vise aussi à unifier le réseau de soins en créant un registre unique des différents établissements de santé.

L’application Aarogya Setu, déjà téléchargée plus de 205 millions de fois, témoigne de ce progrès numérique dans le domaine de la santé. Pour lutter contre la propagation du

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Covid-19, l’application trace les déplacements de l’utilisateur·trice. En cas de contact avec une personne positive au virus, l’application l’informe et organise directement un rendezvous médical. Le contexte de la pandémie a aussi permis le développement de solutions pour la gestion logistique des vaccins. Emvolio est un dispositif de réfrigération portable spécialement développé pour les vaccins contre le Covid-19. Ce système de réfrigération garantit un maintien précis de la température, et sans risque de fuites, durant douze heures. Le Covid-19 a aussi permis à l’Inde de créer des dispositifs sur son propre territoire. « Jusqu’à présent, l’Inde a été tributaire des importations. Mais c'est en train de changer. Un ventilateur de classe mondiale a été créé par la société Nocca Robotics en 90 jours seulement. » La pandémie a aussi eu un impact sur le développement de la télémédecine en Inde. L’entreprise d’hôpitaux Fortis Healthcare a lancé des consultations à distance dans 23 centres. /


ERRATUM

Deux photos ont malencontreusement été inversées dans notre dossier « Faciliter l’ascension des femmes médecins » lors de la mise en page du numéro précédent (n° 23 septembre 2021). Un titre contenait aussi une imprécision. Nous vous présentons nos excuses pour cet incident, et vous proposons de refaire connaissance avec Emmanuella Guenova et Fernanda Herrera, au travers de leurs portraits corrigés.

EMMANUELLA GUENOVA

POUR LE « TOP-SHARING » FERNANDA HERRERA fonction

Médecin associée, investigatrice clinicienne au Service de radio-oncologie et Service d’immuno-oncologie, présidente du Groupe gynécologie de l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC)

fonction

Responsable des laboratoires de mycologie et de biologie cutanée et d’un programme dédié aux lymphomes cutanés / Professeure associée UNIL

âge

41 ans

âge

46 ans

arrivée au chuv

2019

arrivée au chuv

2010

« Mon focus de recherche porte sur l’immunologie cutanée, notamment sur la réponse apportée par le système immunitaire de la peau face à des agressions extérieures telles que les cancers. Pouvoir passer la moitié de ses journées dans la recherche, et l’autre en clinique est quelque chose de passionnant. Bien sûr que le fait d’avoir de nombreuses responsabilités diminue la part disponible pour la recherche, mais au final on trouve toujours le temps. J’ai toujours été intéressée par les sciences naturelles, notamment du fait de leur caractère précis. J’ai aussi été motivée par l’exemple de mon père et de ma mère, respectivement chirurgien et médecin interniste-allergologue. Je n’ai pas l’impression que mon parcours ait été rendu plus difficile du fait d’être une femme ou d’être d’origine étrangère (Bulgare et Allemande). Peut-être même que cela a renforcé ma motivation. Je remarque cependant que les femmes se montrent souvent plus prêtes à faire des compromis et qu’en fin de compte, c’est la personne qui s’affirme le plus qui remporte la mise, plutôt que celle qui dispose des meilleures compétences. » 18

« La médecine est un domaine exigeant, mais qui correspond à ma vocation et à mon besoin d’aider les autres. J’ai été inspirée par un médecin, ami de ma famille : j’admirais l’empathie dont il faisait preuve envers ses patient·e·s. Je me suis spécialisée en oncologie, inspirée par l’investissement du corps médical pour prendre en charge un de mes proches très âgé avec un cancer avancé. Mes recherches portent sur l’évaluation de la réponse des patient·e·s à l’immunothérapie du cancer. J’étudie comment cette technologie prometteuse peut être combinée avec des traitements plus éprouvés comme la radiothérapie. Je suis d’une nature persévérante et optimiste et je me suis toujours dit que si d’autres y sont arrivées, je pouvais le faire aussi. Mais les postes à responsabilités demandent un investissement hors norme. Cela peut freiner les femmes qui ne souhaitent pas faire abstraction de leurs projets personnels, d’où l’intérêt de développer des initiatives comme le ”top-sharing”, qui permettent de partager un poste entre plusieurs personnes. »

RÉMI CLÉMENT, HEIDI DIAZ, GILLES WEBER

L’IMPORTANCE DE L’AFFIRMATION


FOCUS

MÉDECINE ET DOUTES

LA MÉDECINE AU BORD DE LA CRISE DE FOI TEXTES :

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

ALAMY

La méfiance envers la science n’est pas nouvelle. Mais elle s’est développée avec l’usage des réseaux sociaux, et la crise sanitaire a encore accentué le phénomène. Pour y répondre, la médecine doit évoluer en respectant un cadre déontologique irréprochable.

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FOCUS

MÉDECINE ET DOUTES

A

u cours des quarante prochaines années, la science produira plus de connaissances que l’humanité n’en a créées dans toute son histoire, annonce l’auteur américain Shawn Lawrence Otto dans son livre The War on Science. L’écrivain déplore dans le même temps ce paradoxe : au moment où le monde a le plus besoin des scientifiques, l’idée de connaissance objective semble totalement en crise. Selon le Baromètre scientifique suisse, 21% des personnes interrogées pensent que le nombre de décès dus au coronavirus est volontairement exagéré par les autorités. Près de 16% croient que des personnes puissantes ont planifié la pandémie et 9% mettent même en doute la présence de preuves attestant de l’existence du nouveau virus. Comment comprendre cette défiance, et quelles réponses y apporter ? Explications en six points.

Bruno Strasser, historien des sciences et professeur à l’Université de Genève. Les chercheur·euse·s bénéficient d’une image bien plus positive que celle des politicien·ne·s, des médias ou des chefs de multinationales, par exemple. « La confiance peut être morcelée, explique-t-il. On peut être opposé à un type de vaccin et favorable à la chimiothérapie. Ces nuances sont parfois perçues comme une défiance envers la science dans son ensemble, alors que ce n’est pas du tout le cas. »

CHIFFRES

60%

Le pourcentage de personnes qui indiquent un grand intérêt pour la science et la recherche.

/

La perception de la science est fortement influencée par les réseaux sociaux. Des informations inexactes ou même mensongères circulent de façon virale sur ces supports et participent à la diffusion de thèses conspirationnistes. D’autant que les algorithmes de Facebook ou Twitter orientent leurs lectorats vers des contenus auxquels ils adhèrent déjà. De quoi renforcer les préjugés et affaiblir le développement d’un esprit critique. Cette dynamique participe par ailleurs à brouiller la frontière entre le fait scientifique et l’opinion, comme le relevait le récent docu-fiction à succès The Social Dilemma, de Jeff Orlowski. Les créateur·trice·s de ces outils numériques, effrayé·e·s par ce qu’ils ont eux-mêmes généré, alertent sur le danger de ces plateformes qui incitent les internautes à perdre la maîtrise de leurs convictions, ce qui peut même modifier leur comportement. La science devient un sujet où chacun·e peut énoncer sa propre vérité, mettant ainsi en péril la vérité partagée et le consensus qui la constitue. Pourtant, en Suisse, depuis les années 1970, les enquêtes d’opinion montrent que la confiance de la population envers la science demeure plutôt bonne et, souvent, bien meilleure que ce qu’imaginent les scientifiques, observe 20

56%

La proportion de gens qui considèrent que les controverses entre les scientifiques font avancer la recherche.

/

72% La proportion de population qui souhaite que les décisions politiques concernant la pandémie soient définies par des connaissances scientifiques.

ACCORDER UNE PLACE AU DOUTE

Ce qui a changé, c’est que la population dispose désormais d’espaces d’échange liés à la science ou la médecine, poursuit Bruno Strasser. « Pour le meilleur et pour le pire. Mais ces espaces o n t l e m é r i t e d ’av o i r contribué à l’émergence d’une critique. » Il faudrait accorder plus de place au doute, à l’incertitude, dans la communication scientifique pour renforcer la confiance de la population envers la science. « Par le passé, on a souvent présenté des découvertes comme faisant l’objet d’un consensus scientifique, en négligeant le facteur d’incertitude qui est inhérent à la science, et qui en fait sa force. »

SOURCE : BAROMÈTRE SCIENTIFIQUE SUISSE

DES RÉSEAUX PAS TOUJOURS RESPONSABLES


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LES BIAIS COGNITIFS, UN HÉRITAGE ANCIEN

Pascal Wagner-Egger étudie les croyances collectives, dont celles liées aux théories du complot. Il explique le penchant humain pour la désinformation. Et sur le Net, tout le monde peut s’exprimer ; les nombreux non-spécialistes comme les bien plus rares spécialistes. Souvent, les premiers ont plus de temps à disposition pour le faire, avance-t-il. « De sorte qu’on se retrouve avec de grandes quantités d’informations non valides. » L’avènement d’Internet a aussi provoqué l’essor des théories du complot.

PROPOS RECUEILLIS PAR

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

DAVID MARCHON

La pandémie de Covid-19 a-t-elle eu un impact sur notre image collective de la science ? Elle a plutôt exacerbé des attitudes préexist a n t e s , e s t i m e Pa s c a l Wagner-Egger, enseignantchercheur en psychologie sociale à l’Université de Fribourg. Si la confiance d’une majorité de personnes envers la science est demeurée plutôt stable, la contestation s’est faite de manière croissante lors de la deuxième vague, observe-t-il. « Il y a eu certes beaucoup de bruit, mais produit par une minorité. Celle-ci était déjà méfiante face à la médecine allopathique et elle l’est devenue encore davantage. Ce sont des personnes plutôt adeptes des médecines alternatives. » Déjà, avant la pandémie, les vaccins cristallisaient deux phénomènes, souligne le chercheur : la peur intuitive de s’injecter une maladie atténuée pour combattre un virus, craignant d’éventuels effets secondaires, et le fait que l’effet positif des vaccins ne se remarque plus quand ils ont déjà complètement éradiqué plusieurs maladies. « Les personnes plus âgées se rappelleront qu’on mourait de la polio en Suisse il y a soixante ans. En Afrique, les antivaccins n’existent pas parce qu’ils voient les conséquences des maladies, bien plus graves que celles, éventuelles, des vaccins. » Le changement induit par l’essor des réseaux sociaux, c’est que la 21

désinformation circule plus amplement et plus vite, soutient Pascal Wagner-Egger. « Internet est une caisse de résonance immense pour tout ce qui est rumeurs et fausses croyances. L’information sensationnaliste voyage très rapidement, elle est beaucoup plus partagée que l’information. En revanche, les correctifs circulent plus lentement et ne touchent pas tout le monde. » Dans son récent livre Psychologie des croyances aux théories du complot – Le bruit de la conspiration, il fait valoir que 54% des vidéos sur le Covid-19 sur YouTube allaient à l’encontre de la majorité des études scientifiques. « Il s’agit d’un bel exemple de la surexposition de la désinformation sur la Toile, puisque les fake news et autres propos anti-science ont uniquement Internet comme canal de diffusion. »

Le complotisme – qui consiste en des accusations graves sans preuves suffisantes – est un discours de revanche contre les élites, affirme-t-il. « Plus on descend dans l’échelle sociale, plus on se place aux extrêmes politiquement (et surtout à l’extrême droite), plus on est susceptible d’adhérer à ces théories, car elles permettent d’expliquer pourquoi on est défavorisé et de désigner un bouc émissaire. » L’être humain croit trop vite, à partir de quelques cas, sur la base d’un mode de pensée intuitif hérité de nos ancêtres dont la survie était le but principal, et il s’accroche à ses croyances tant individuellement que socialement, détaille Pascal WagnerEgger. « C’est ce qu’on appelle les biais cognitifs. Ceux-ci expliquent pourquoi nous sommes attirés par la désinformation liée aux dangers ou aux mensonges, et le fait de la diffuser à l’échelle mondiale produit évidemment des effets catastrophiques. »


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La crise du Covid-19 a créé une situation totalement inédite : la population a eu l’occasion de suivre la construction du savoir scientifique autour du virus, comme on regarderait une émission de téléréalité. Le public assistait ainsi, en temps réel, aux questionnements autour de la pandémie. Un chemin qui passe nécessairement par des doutes, des remises en cause ou des rectifications, par exemple par rapport au port du masque ou à l’efficacité de certains médicaments. « Le grand public n’a pas forcément compris que ces contradictions font partie de la démarche scientifique, pensant qu’un résultat de recherche était valable pour toujours, estime Bruno Strasser. Nous payons aujourd’hui les erreurs passées de la communication scientifique. » Cette crise, marquée par une perte de confiance envers les scientifiques, souvent perçus comme une élite déconnectée des préoccupations du peuple, n’est pas nouvelle. Son origine se situerait dans les années 1960, après les deux guerres mondiales. L’emploi de gaz de combat ou de la bombe atomique a fait émerger l’image d’une science orientée contre le bien commun. Par la suite, les mouvements de mai 1968 et de la contre-culture ont remis en cause toute forme d’autorité. Un phénomène qui a encore pris plus d’ampleur avec les grands accidents technologiques et industriels, comme Tchernobyl. Les avancées scientifiques autour du génie génétique et le développement de pesticides ont aussi contribué à ces controverses en raison des problèmes éthiques qu’ils soulèvent.

RÉHABILITER LE DROIT À LA CRITIQUE

Le développement des connaissances s’est toujours accompagné d’un regard critique, surtout visà-vis de la science telle qu’elle se décline à travers les techniques, explique Bruno Strasser. « Dès le XVIII e siècle, on a assisté à des révoltes contre les machines, tandis que durant les Trente Glorieuses, entre 1945 et 1975, des voix critiques se sont élevées pour dénoncer les conséquences négatives des avancées de la science et de la technologie sur l’environnement et la société. » 22

La science a su faire ses preuves et se montrer digne de confiance, relève pour sa part Philippe Huneman, directeur de recherche à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques à la Sorbonne. « L’accumulation des connaissances représente le meilleur outil pour connaître le monde du réel et pouvoir agir dessus. Il est tout à fait rationnel de s’en remettre avant tout à ce domaine pour fonder les croyances à la base de nos actions. » La meilleure manière de produire la science est de la justifier par ses procédures, ses méthodes et ses normes. « Les procédés qui guident la science sont fiables parce qu’ils reposent sur une organisation sociale. C’est ce que Robert Merton, l’un des pères de la sociologie des sciences dans les années 1950, a défini comme le scepticisme organisé. La recherche n’est pas l’affaire d’une activité scientifique individuelle et isolée. Même de grands savants comme James Watt ou Albert Einstein travaillaient au sein d’une communauté scientifique encadrée par des procédures normées. »

L’IMPORTANCE DE L’ÉVALUATION COLLECTIVE

Ce scepticisme organisé est assuré à travers des conférences, des institutions consacrées à la discussion, et le peer review : un examen par des expert·e·s indépendant·e·s dans le domaine, explique Philippe Huneman. Car le doute, ce n’est pas simplement dire «tout ça, c’est n’importe quoi». «Il faut avoir des raisons justifiées pour être pris au sérieux quand on avance un doute. Il n’est toutefois pas toujours évident de distinguer le complotisme de la méfiance fondée envers des pratiques scientifiques douteuses. » Un autre garde-fou contre les dérives scientifiques repose sur le fait que tout manquement à la déontologie est très coûteux : une seule fraude sur des données peut coûter une carrière. « Par conséquent, il est légitime de conserver un degré de confiance raisonnable envers la science comme productrice de vérité. À condition, bien sûr, que cette organisation sociale fonctionne bien. » Actuellement, cette forme d’évaluation fonctionne plutôt bien, même si elle gagnerait à être renforcée dans certains secteurs, souligne Philippe Huneman. « Il existe toujours un risque de certains biais de résultats, lié au financement


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LE DOUTE DANS L’HISTOIRE DE LA MÉDECINE Depuis qu’elle existe, la médecine suscite méfiances et revendications, parfois virulentes. Le médecin et historien Vincent Barras rappelle quelques moments forts.

L’invention de la vaccination contre la variole, à partir d’une maladie analogue (appelée « cowpox » prélevée directement sur le pis des vaches, engendre une grande méfiance au sein de la population. On craint alors la « minotaurisation », soit la transformation en vache. Des revendications importantes auront également lieu au XIXe siècle, lorsque l’obligation vaccinale contre la variole sera inscrite dans la loi.

1666

1796

1950

Les pratiques de traitement en psychiatrie, notamment l’usage de neuroleptiques, d’électrochocs et les conditions d’internement sont dénoncées. Cet épisode anti-psychiatrique mènera à une remise en question des méthodes pratiquées dans ce domaine et aboutira à de nombreuses réformes.

1970

1980

La maladie de Lyme déclenche de nombreuses controverses. L’autrice américaine Kris Newby défend la thèse selon laquelle la maladie serait le résultat d’expériences militaires qui auraient mal tourné. Au sein même de la communauté scientifique, les spécialistes sont en désaccord, certains dénonçant l’attribution erronée de nombreuses pathologies à la maladie.

L’accès aux médicaments devient de plus en plus facile suite à la mise en place au début du siècle de systèmes d’assurance maladie en Suisse. Mais la méfiance règne du fait que les groupes pharmaceutiques se développent aussi à cette période. Dans l’imaginaire collectif, les médicaments sont alors directement liés à cette grande industrie qui est souvent suspectée d’agir dans un but seulement lucratif.

Les premières années de l’épidémie de sida ont été marquées par le scandale du sang contaminé. Plusieurs personnes hémophiles avaient alors subi des transfusions alors que le sang récolté n’avait ni été dépisté ni transformé. L’ancien patron du Laboratoire de la Croix-Rouge qui s’occupait de livrer les produits sanguins a été reconnu coupable et emprisonné.

1990

2010

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Molière publie Le médecin malgré lui. La pièce reflète la longue histoire des doutes envers la médecine. Dans cette comédie, les médecins sont représentés comme des manipulateurs qui se donnent l’air savant, alors qu’ils ne connaissent rien au corps humain.

Le scandale du Mediator, un médicament coupefaim destiné aux personnes souffrant de diabète, amplifie le doute envers l’industrie pharmaceutique. Mis sur le marché en 1976, il a provoqué des effets secondaires graves tels que des lésions des valves cardiaques ainsi que de l’hypertension artérielle. En 2021, le fabricant a été condamné pour avoir négligé les risques que comportait ce traitement.


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4 SOLUTIONS POUR MIEUX COMMUNIQUER LA SCIENCE AU PUBLIC L’importance de la communication scientifique et du dialogue entre le public et la science a été illustrée à maintes reprises ces dernières années, notamment lors de la pandémie. Les Académies suisses des sciences ont demandé au groupe d’experts « Communicating Sciences and Arts in Times of Digital Media » d’identifier les façons de les améliorer. Voici quelques-unes de leurs recommandations : 1 Renforcer le soutien aux

scientifiques s’impliquant dans la communication publique ainsi qu’aux lanceurs d’alerte, sur les plans professionnel, social, psychologique et juridique, pour éviter les attaques personnelles, en particulier contre les expert·e·s ;

2 Encourager la communication

scientifique et le dialogue avec les publics mal desservis ;

3 Soutenir les initiatives de

recherche participative ; refléter la diversité scientifique, en termes de domaines de recherche, mais aussi en ce qui concerne l’ancienneté des chercheurs·euses, leur âge, leur genre et leur origine ;

4 Créer une nouvelle infrastruc-

ture pour soutenir le journalisme scientifique incluant diverses sources de financement afin de garantir l’indépendance de ces médias.

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MÉDECINE ET DOUTES

notamment. Dans certaines disciplines, les intérêts économiques en jeu sont astronomiques. C’est le cas dans les sciences médicales. Un domaine dans lequel les financements des projets de recherche peuvent venir de l’industrie agroalimentaire, qui n’est évidemment pas objective. Ainsi, certaines études au sujet des aliments dans les revues scientifiques de nutrition se montrent favorables à 55% aux produits de cette industrie contre seulement 9% quand la recherche est menée de façon indépendante*.

SOIGNER LES BIAIS, LA FRAUDE ET L’ESPRIT DE COMPÉTITION

Des biais peuvent aussi influencer la recherche et ses résultats. Philippe Huneman cite l’exemple du paludisme, une des principales causes de mortalité dans les pays tropicaux. Pendant longtemps, cette affection a reçu très peu d’attention et, surtout, peu de financements par rapport à d’autres maladies occidentales. Autre problème : la recherche scientifique repose souvent sur une perspective androcentrique, c’est-à-dire basée exclusivement sur un point de vue masculin, de façon consciente ou non, relève l’expert. «Des maladies concernant les hommes blancs, comme la calvitie, sont surétudiées par rapport à celles touchant uniquement les femmes, comme l’endométriose. » Il rappelle aussi que, pendant longtemps, les théories scientifiques sur la biologie de la reproduction ont été très peu objectives et très sexistes, comme l’a relevé notamment la philosophe Elisabeth Lloyd. Celle-ci a notamment montré que les explications du plaisir féminin, dans la biologie évolutionniste, ont systématiquement été liées à l’idée que le sexe de la femme se limite à une fonction reproductive. Un facteur supplémentaire susceptible de trahir l’objectivité scientifique concerne la pression exercée sur les chercheurs et chercheuses pour qu’ils·elles publient beaucoup, selon la fameuse maxime « publish or perish » (publier ou périr). « Il s’agit d’un système ultra-compétitif induisant des comportements contraires à la démarche scientifique », regrette Philippe Huneman, évoquant l’essor des revues dites prédatrices, où tout et n’importe quoi est publié, de manière à encaisser un maximum de frais de publication.


FOCUS

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DÉCISIONS POLITIQUES, FONDEMENTS SCIENTIFIQUES

Directrice de l’Office fédéral de la santé publique, Anne Lévy partage ses observations sur le lien de confiance entre politique et science. « La coopération entre science et politique est passée par un énorme processus d’apprentissage. Les derniers mois ont aussi révélé des problèmes et des insuffisances. À l’avenir, il importe de saisir les chances offertes par la collaboration, mais aussi de conserver et d’étendre les structures qui fonctionnent bien. Il s’agit avant tout de l’expérience avec la science task force et des échanges réguliers avec ses membres, qui peuvent être utiles dans des contextes similaires.

CHRISTIAN BEUTLER/KEYSTONE

Lorsqu’il s’agit de prendre des décisions politiques, surtout celles de grande portée, il faut garder une vue

d’ensemble et intégrer les connaissances scientifiques en leur accordant la place qui leur est due. Dans un contexte de crise, l’objectivité doit plus que jamais être de mise. C’est délicat si la science devient le jouet de programmes politiques. Ainsi, il est d’autant plus important que les scientifiques expriment leur position de manière claire et compréhensible. Les connaissances scientifiques sont essentielles à la prise de décisions fondées. La gestion de crise est un système très complexe, dans lequel des informations entrantes doivent être traitées en permanence. Des décisions de grande portée sont d’ailleurs prises chaque jour. À titre d’exemple, mi-septembre 2021, la task force de l’OFSP tenait sa 180e séance. Il ne faut jamais perdre de vue que ce que nous savons aujourd’hui

Dans son ouvrage Malscience : de la fraude dans les labos, Nicolas Chevassus-au-Louis décrit une communauté scientifique où la compétition est acharnée et où la vérité est arrangée en fonction de ce qui doit être démontré. « La fraude en science repose sur la fabrication de données, leur falsification ou même parfois sur du plagiat », détaille le biologiste de formation, signalant que 2% des chercheur·euse·s, interrogé·e·s de manière anonyme, reconnaissent avoir inventé ou falsifié des données au moins une fois au cours de leur car25

reflète l’état actuel de la science. Il ne sera pas nécessairement le même dans deux mois. Cette situation a été et demeure un défi, notamment sur le plan communicationnel. Que les découvertes scientifiques fassent l’objet de discussions politiques n’est pas nouveau. Mais, en pleine pandémie, alors que les connaissances scientifiques se construisent chaque jour, qu’elles grandissent et s’adaptent en permanence, il peut être difficile pour le grand public de suivre et de comprendre les controverses. Une situation renforcée par l’intérêt marqué des médias pour les divergences de vues qui accompagnent un sujet scientifique, plutôt que par les découvertes elles-mêmes.»

rière. Ce qui représenterait pas moins de 140 000 scientifiques à travers le monde. « D’ailleurs, le nombre de rétractations dans la littérature scientifique, en bonne partie à cause d’erreurs dans les résultats, a été multiplié par dix depuis les années 1980. » Parmi les sciences de la nature, la biologie et la médecine sont particulièrement touchées par la fraude. En cause, la taille souvent réduite des équipes de recherche et des laboratoires. Mais aussi, les importantes sommes d’argent


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LES MÉDECINS ET LES MÉDIAS

L’infectiologue Didier Raoult a reçu, en décembre dernier, une sanction de la part de l’Ordre des médecins pour avoir donné de fausses informations au sujet de l’hydroxychloroquine. Le directeur de l’Institut hospitalouniversitaire en maladies infectieuses de Marseille a fait de la promotion pour un traitement dont les effets sur le Covid-19 n’étaient pas prouvés.

Plusieurs voix se sont alors fait entendre pour appeler les médecins à davantage de précision : dans toute

prise de parole, il convient de bien distinguer ce qui est de l’ordre de l’avis personnel, d’une part, et ce qui fait consensus dans la discipline en question, d’autre part. Par ailleurs, « il faut évidemment mettre les choses au conditionnel et rappeler que les vérités que l’on énonce aujourd’hui ne sont pas encore pleinement étayées par la science », a expliqué Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil de l’Ordre des médecins en France dans le magazine Marianne en juillet. Une déclaration intervenue à la suite

en jeu. « Ces disciplines comptent parmi les plus fragiles du point de vue épistémologique, explique Nicolas Chevassus-au-Louis. Dans un tel contexte, il est plus difficile de reproduire une expérience, et il devient donc plus tentant de changer les résultats. » L’enquêteur rapporte qu’actuellement, une étude sur cinq est embellie et souligne la difficulté de tracer une frontière précise entre l’ajustement de certains résultats et le début de la fraude. Il observe d’ailleurs aussi que peu ou pas d’échecs d’études sont publiés. « Désormais, 90% des chercheur·euse·s trouvent des résultats positifs. Comme ils doivent continuellement justifier leurs financements, ils ont évidemment intérêt à trouver ce qu’ils cherchaient. » 26

de dix plaintes portées par l’organisation contre des médecins par rapport à leurs déclarations publiques au sujet du Covid-19. En effet, la déontologie médicale impose un principe de précaution : celui de nuancer ses propos lors de toute intervention dans les médias au sujet d’une maladie dont la science n’a pas encore pu établir de connaissances solides. Face à l’ampleur de la pandémie de Covid-19, les médecins jouent un rôle capital. Plus que jamais, distinguer avis personnel et consensus revêt une importance majeure.

DONNER DU TEMPS À LA SCIENCE

Nicolas Chevassus-au-Louis soutient que cette explosion de la fraude scientifique est favorisée par l’intensification de la compétition scientifique internationale, notamment avec l’arrivée des chercheur·euse·s chinois·es et indien·ne·s sur le marché, la grande raréfaction du financement des laboratoires et les délais de plus en plus courts impartis aux projets. L’évaluation des chercheur·euse·s en fonction

ISA HARSIN/SIPA

Un grand nombre de médecins se sont exprimés dans les médias pendant la pandémie. Lors de leurs interventions télévisées (notamment à propos des effets supposés de l’hydroxychloroquine), les propos parfois contradictoires de professionnel·le·s d’une même discipline ont pu étonner les téléspectateurs·trices. Au point de donner l’impression d’une médecine en pleine confusion.


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MÉDECINE ET DOUTES

du facteur d’impact – le nombre de fois où un article va être cité après publication – des revues dans lesquelles elles·ils publient est responsable également des dérives actuelles. » Durant la pandémie, et face à l’urgence de trouver des solutions et des explications quant au virus, on a assisté à une frénésie de prépublications – des travaux qui n’avaient même pas encore été évalués par des pairs – s’accompagnant d’un moindre contrôle sur la qualité de la part de la communauté scientifique. La recherche doit être mieux protégée contre les abus, insiste Nicolas Chevassus-au-Louis. « La science demeure la meilleure méthode pour aboutir à un savoir sur le monde qui soit vérifiable. Il n’y a pas de raison de douter de la science comme telle. Mais son fonctionnement doit être fondé sur des critères rationnels et sérieux. » Pour éviter ces dérives, il est nécessaire de retrouver un rythme plus lent dans la recherche scientifique. Une solution qui pourrait notamment être mise en place en modifiant les règles concernant l’attribution

de financement et l’évaluation des chercheur·euse·s, laquelle repose actuellement essentiellement sur une évaluation quantitative basée sur leur nombre de publications. Un fonctionnement qui peut inciter à la fraude, pour publier davantage et plus vite. « Dans le cadre du financement ou des promotions, on pourrait demander aux chercheurs de fournir leurs trois publications les plus significatives. L’évaluateur prendrait le temps de les lire et il s’agirait d’une évaluation qualitative. » Nicolas Chevassus-au-Louis revendique égal e m e n t u n e m e i l l e u re é d u c a t i o n d e s j e u n e s chercheur·euse·s, fondée sur la revalorisation de la rigueur et de l’intégrité scientifique. /

* Sacks G, Riesenberg D, Mialon M, Dean S, Cameron AJ. The characteristics and extent of food industry involvement in peer-reviewed research articles from 10 leading nutritionrelated journals in 2018. PLoS One. 2020 ;15(12) :e0243144. Published 2020 Dec 16. doi :10.1371/journal.pone.0243144

FRED SCHEIBER/SIPA

L’introduction d’un pass sanitaire et l’obligation vaccinale ont donné lieu à plusieurs manifestations. Au-delà de la méfiance envers le vaccin, une partie de la population est en désaccord avec la façon dont la pandémie est gérée sur le plan politique. 27


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PROPOS RECUEILLIS PAR

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

MÉDECINE ET DOUTES

« IL FAUT DÉMYSTIFIER L’ACTIVITÉ SCIENTIFIQUE »

« Critique de science », comme d’autres sont critiques littéraires, Jacques Testart défend une approche scientifique au service du bien commun. Interview.

in vivo Vous affirmez que la science doit être critiquée, au nom de la science même. Pourquoi ? jacques testart Personne ne peut nier l’apport de la science occidentale à nos civilisations et à notre compréhension du monde. Elle constitue un savoir exceptionnel grâce à son protocole rationnel pour l’acquisition permanente de connaissances. Mais du point de vue rationnel, qui est celui de la science, on ne peut pas la défendre sans la critiquer. Croire que la science a réponse à tout, a raison sur tout, l’ériger en religion sans la critiquer, relève du dogmatisme et très peu de l’esprit scientifique. La critique ou la contestation du progrès – qui ne consiste pas dans le refus global de toutes les productions techniques – rencontrent souvent des jugements hostiles et sommaires. Cette contestation serait le fait d’esprits obscurantistes qui prôneraient un retour à la chandelle dans la caverne. Or, on ne peut pas assimiler toute critique à un complot ou à de l’ignorance.

Défenseur d’une science citoyenne Le Français Jacques Testart est biologiste, pionnier de la fécondation in vitro, directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à Paris. Il est par ailleurs président d’honneur de Sciences citoyennes. L’association vise l’accroissement des capacités de recherche et d’expertise de la société civile, des forces associatives, consuméristes et syndicales ; la constitution d’un tiers secteur scientifique, répondant mieux à des besoins sociaux et écologiques croissants et négligés par les orientations scientifiques dominantes ; la stimulation de la liberté d’expression et de débat dans le monde scientifique, ainsi que l’appui aux lanceur·euse·s d’alerte. 28

Vous vous définissez vous-même comme un critique de science, quel est votre rôle dans cette posture ? jt Je démystifie l’activité scientifique pour permettre aux citoyen·ne·s de se sentir légitimes à porter des jugements sur les institutions et leurs productions. Le·la critique de science a pour vocation de susciter au sein de la population un doute légitime face à la volonté de résoudre les problèmes sociaux principalement par des moyens technologiques. Le·la critique de la science possède la volonté de comprendre et de révéler des mécanismes communs aux développements indésirables de la science quand elle est livrée à des intérêts particuliers ou à des idéologies néfastes. Aujourd’hui, par exemple, les intérêts du capitalisme sont déterminants dans la nuisance des activités scientifiques. iv

Il s’agit aussi de populariser les disciplines scientifiques ? jt Oui, le·la critique vise à remettre en question le caractère élitiste et autoritaire de la communauté scientifique, souvent imbue de ses prérogatives, ainsi que son indifférence relative par rapport aux effets économiques, écologiques ou éthiques de ses activités. Les scientifiques ne sont pas des demi-dieux ou demi-déesses. Être chercheur·euse ne devrait pas empêcher de demeurer citoyen·ne et donc responsable des conséquences de ses actes. iv

Le ou la critique relève aussi la condescendance avec laquelle ils·elles considèrent parfois la population, supposée incapable de comprendre ou de porter un jugement sur l’activité scientifique. Il·elle s’intéresse aux conséquences, constatées ou prévisibles, de l’activité technoscientifique, soumise à des finalités économiques ou militaires. L’arrogance de la science officielle, ou son instrumentalisation par des intérêts qui ne sont pas ceux de la population, peut avoir comme conséquence regrettable d’entraîner certaines personnes à lui préférer tout ce qui n’en relève pas, au risque d’avaliser des pratiques totalement dénuées de fondement.


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iv Un·e simple citoyen·ne peut-il lui aussi critiquer la science? jt Un bagage scientifique est certes requis lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur la qualité scientifique d’une démarche ou d’un résultat. Mais en ce qui concerne des innovations qui influencent la vie de tout le monde et, comme c’est souvent le cas, qui menacent le bien commun – notre qualité de vie, notre santé, l’environnement… – n’importe qui est habilité à en juger. iv Qu’est-ce qui a fait naître « l’appel citoyen

pour la démocratisation de la science1» ?

jt Face à la marchandisation des savoirs et du

vivant, de nombreuses mobilisations et initiatives ont engagé une réaction démocratique, souhaitant un nouveau pacte social pour une science citoyenne, responsable et solidaire. Il ne s’agit pas d’une « montée des croyances irrationnelles » ou d’un manque d’information ou de « culture scientifique ». Ces manifestations démontrent qu’une science pour tous·tes doit se construire avec tous·tes, dans le dialogue avec des savoirs jusqu’ici dévalorisés, par exemple ceux des paysan·ne·s. Et ce, en reconnaissant d’abord que la noble démarche scientifique pour découvrir et comprendre le monde est très souvent sous-tendue par la volonté utilitaire de maîtriser et de mettre en marché, surtout depuis que la science est devenue technoscience au XXe siècle.

Vous soulignez l’urgence de la situation ? L’Anthropocène – l’ère géologique actuelle marquée par l’influence humaine destructrice, notamment sur le climat et la biosphère – est essentiellement la conséquence de l’exercice d’une puissance technologique sans frein. Il est donc absolument légitime et urgent de soumettre la technoscience à un examen critique. L’humain a fait basculer notre monde dans une hostilité irréversible et s’obstine à soutenir cette tendance mortifère. Il est grand temps de s’interroger sur ce que pourraient être les progrès scientifiques authentiques qui préservent les ressources naturelles, n’entraînent pas de pollutions notables, avancent avec précaution, créent ou respectent la convivialité. En somme, ceux qui bonifient la vie des humains sans compromettre la planète et les êtres vivants. C’est aux populations de réaliser ces choix, et non aux scientifiques, tout « expert·e·s » qu’ils soient. Des procédures doivent être validées pour que ce soient les citoyen·ne·s qui décident effectivement du bien commun.

iv

BALTEL/SIPA

jt

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Comment vos collègues réagissent-ils·elles à votre démarche ? jt Très peu la comprennent et l’acceptent. En général, les chercheur·euse·s, qui ont beaucoup investi (études longues, horaires de travail illimités, salaires médiocres...) et qui assument une vocation noble, recherchent la considération et contestent toute analyse critique de leur fonction. Ils·elles estiment qu’il revient seulement à la société de leur donner davantage de moyens. Ils·elles confondent souvent involontairement la connaissance (objectif incontesté) avec la production de moyens et de techniques pour changer le monde (objectif à expertiser par la population). Les crises environnementales commencent à leur ouvrir les yeux. iv

1 Jacques Testart fait ici référence au manifeste « Maîtriser la science », paru en 1988 dans le « Monde et Nature », signé aussi par le biologiste Albert Jacquard.


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EN LECTURES

Dans chaque numéro d’In Vivo, le Focus se clôt sur une sélection d’ouvrages en « libres échos ». Ces suggestions de lectures sont préparées en collaboration avec Payot Libraire et sont signées Joëlle Brack, libraire et responsable éditoriale de www.payot.ch.

QU’EN DIT LA SCIENCE ? Qu’en dit la science ? RAPHAËL CHEVRIER BUCHET-CHASTEL, 2021 - 265 PAGES, CHF 33,20

Docteur en physique travaillant pour Arianespace, Raphaël Chevrier est également très actif comme chroniqueur et vulgarisateur scientifique. Sans jargon ni démagogie, il décrypte dans « Qu’en dit la science ? » les grandes questions actuelles. Le doute, en science, est-il une nécessité ou un obstacle ? raphaël chevrier Le doute est le fondement de la méthode scientifique, marquée par le principe de réfutabilité et par des allers-retours entre théorie et expérimentation. Mais pour qu’il ne se transforme pas en remise en cause systématique de « la science », expert·e·s comme profanes pouvant lui opposer leur propre vérité, il faut savoir faire la différence entre les certitudes de la connaissance et les incertitudes de la recherche. La connaissance regroupe les affirmations scientifiques qui, sur le fondement de faits et de démonstrations, ont abouti à un consensus difficilement ébranlable, mais nous sommes moins habitués à voir la science se faire. Des chercheur·euse·s continuent d’avancer pour comprendre l’origine du coronavirus, dans l’espoir qu’un jour leurs travaux JOËLLE BRACK

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basculent dans le domaine du savoir. La grande majorité des savant·e·s respecte cette méthode, mais il a suffi qu’une poignée d’entre eux·elles refusent de reconnaître les incertitudes inhérentes à leurs hypothèses pour donner le sentiment que la science doutait d’elle-même, et ouvrir un boulevard à tous les excès. jb Pour répondre au doute, comment sélectionnez-vous «ce qu’en dit la science» sans qu’elle paraisse arrogante  ? rc Il existe quelques trucs et astuces permettant au non-scientifique de se repérer dans la masse des informations : quel est le parcours de la personne qui publie une étude scientifique, ou diffuse l’information ? Est-elle coutumière des coups d’éclat, de cette prétention à avoir raison contre tous (ce qui, en science, est rarement le cas) ? Dans quel journal spécialisé l’étude a-t-elle été publiée ? A-t-elle été reproduite par d’autres équipes ? La vérification prend du temps et requiert une certaine expérience, ce qui soulève aussi la question de la place de la culture scientifique dans nos sociétés. jb Votre ouvrage parle aux personnes convaincues et curieuses, mais probablement peu aux gens qui en auraient le plus besoin: comment les toucher? rc L’idée de ce livre consiste à former l’esprit critique et à fournir des outils pour que le·la lecteur·trice se forge sa propre opinion sur les grandes questions qui traversent nos sociétés, toujours plus scientifiques et technologiques. Comment évaluer la pertinence des décisions prises par des algorithmes, ou l’innocuité des vaccins, sans comprendre la façon dont ils sont élaborés ? Que penser des lois de bioéthique sans connaître les nouveaux outils d’édition génétique ? Tout l’enjeu est là : changer notre regard collectif sur la science et son statut d’autorité, lequel risque de produire l’effet inverse, c’est-à-dire la méfiance, voire le rejet. Plus que la réponse scientifique, être au clair avec la nature


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EN LECTURES

EN BREF

des arguments – connaissance, hypothèse ou idée reçue – utilisés est indispensable pour débattre de façon apaisée. jb Arrive-t-il que les personnes qui doutent aient finalement raison? rc Le problème n’est pas de savoir qui a raison, in fine, mais de respecter la démarche scientifique. La limite est parfois atteinte lorsque certain·e·s chercheur·euse·s prennent le public à témoin en lui demandant de croire plutôt que d’être convaincu par des faits vérifiables. Finalement, tout cela nous rappelle que la science ne peut être réduite aux principes et méthodes, mais dépend de femmes et d’hommes, de financements publics et privés, de revues scientifiques qui peuvent faire l’objet de critiques. En ce sens, la science reste un projet de société dont il convient d’entretenir sans cesse l’idéal. /

CHRONIQUE

100 fake news face à la science RÉDACTION DU MÉDIA « CURIEUX ! », FIRST ÉDITIONS, 2021 – 240 PAGES, CHF 27,70

Vous pensiez que la mémoire se travaille, que l’Univers est infini et qu’il faut huit heures de sommeil pour être en forme? Aïe… Autrefois nommées légendes urbaines, les fake news n’ont pas attendu les réseaux sociaux: que ce soit sur la nature et l’Univers, la nourriture ou les capacités humaines, les idées toutes faites sont, souvent, mal faites – mais très résistantes. L’équipe scientifique du média Curieux! en a sélectionné une centaine, en apparence très crédibles, pour trier le vrai du faux, expliquer leur origine et, surtout, rétablir la vérité. Des imprécisions colportées aux mensonges dictés par l’intérêt, les fake news ont deux alliés: le désir d’avoir l’air au courant et l’absence de recul critique. Ces explications, complètes et accessibles, combinent arguments solides et humour pour nous aider à douter à bon escient, afin de ne plus être victimes d’idées biaisées ou totalement erronées. 31

Elles accouchent et ne sont pas enceintes. Le déni de grossesse SOPHIE MARINOPOULOS, ISRAËL NISAND, LES LIENS QUI LIBÈRENT, 2019 – 208 PAGES CHF 12,20

Du phénomène des enfants « nés sans leur mère », on ne parle que lors de faits divers. Et l’incompréhension domine : comment est-il possible de ne pas s’apercevoir de sa propre grossesse ? Et que l’entourage ne se doute de rien ? Une psychologue et un obstétricien unissent leurs expériences pour éclairer le déni de gestation, replacé dans son contexte familial, scientifique et social. Ils décryptent les éléments psychiques et biologiques qui organisent la supercherie sous les yeux du conjoint, du corps médical et, surtout, de la future mère, levant le doute – intellectuel, sinon émotionnel. L’HÉSITATION VACCINALE

KRISTELL GUÉVEL-DELARUE PRESSES DE L’EHESP, 2020 – 194 PAGES, CHF 30,60

Malgré l’expérience de dizaines de millions de patient·e·s, d’autres millions… patientent : pour se faire vacciner, contre le Covid-19 mais pas uniquement, ces personnes « attendent de voir ». Kristell Guével-Delarue, virologue consciente de ce que le doute n’est pas que dogmatique (mais qu’il le devient si on ne fait rien pour l’éclairer), guide donc le·la lecteur·trice hésitant·e à travers les dédales de la recherche scientifique, à la rencontre d’un outil de santé publique irremplaçable. Toutes les objections sont analysées, recadrées, et la réalité médicale présentée avec une conviction sobre : il y va de la vie de millions d’êtres humains, que le doute peut tuer. Les Voisins FIONA CUMMINS, SLATKINE, 2021 – 409 PAGES, CHF 34

Rien de tel qu’un bon polar pour instiller du doute ! Dans la rue où vient d’emménager une famille un peu bancale, et où les meurtres se succèdent à une cadence inquiétante, ce ne sont qu’indices bizarres, témoignages venus de nulle part et pièges se tissant insidieusement.


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« De notre côté, il faut savoir se montrer à l’écoute » Chantal Berna Renella 32


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INTERVIEW

CHANTAL BERNA RENELLA étudie la façon dont la douleur peut être atténuée sans prise de médicaments. La spécialiste plaide pour une meilleure intégration des thérapies complémentaires et un renforcement du lien thérapeutique. INTERVIEW : ADRIEN KUENZY PHOTO: GILLES WEBER

« Il est temps de renouer avec la dimension humaine de la médecine » que ce soit en médecine conventionnelle ou Chaque patient·e a ses propres ressources qui l’aideront à guécomplémentaire, mener des essais thérapeurir: il faut l’aider à les mobiliser. Cette vision de la pratique tiques et obtenir des preuves prend du temps. médicale intéresse Chantal Berna Renella, responsable du Durant cette attente, il y a de la place pour les Centre de médecine intégrative et complémentaire (Cemic) opinions diverses et des essais personnels. De du CHUV. L’approche intégrative vise à considérer la perplus, la médecine conventionnelle n’a toujours sonne sur le plan biologique, psychologique, social et spipas grand-chose à offrir pour soulager les effets rituel, en tenant compte à la fois des outils proposés par du syndrome de covid long, ce qui mène parfois la médecine conventionnelle mais aussi de ceux de la à des frustrations. médecine complémentaire, du moment qu’ils sont soutenus par des preuves. IV La médecine complémentaire aurait-elle pu fourIN VIVO La pandémie a accentué la méfiance envers nir des solutions en attendant le développement la médecine conventionnelle. Pourquoi ? d’un vaccin ? CHANTAL BERNA RENELLA La crise a révélé beaucoup CBR À ce stade, la médecine complémentaire ne possède de choses. En l’absence de connaissances, notre pas les outils pour traiter une infection au Covid-19 sémédecine se doit d’être modeste. Malheureusevère. Lorsqu’un·e patient·e n’arrive plus à utiliser son ment, certain·e·s représentant·e·s de la médepropre poumon, il ou elle doit être intubé·e aux soins incine d’école ont dévié de ce comportement, tensifs. Dans ce contexte, la médecine complémentaire présentant des hypothèses comme des véripermet d’apporter davantage de confort, et peut-être de tés. Ces comportements ont profondément résilience. Mais elle ne peut malheureusement pas résoudre questionné le système et son intégrité. Or, le mécanisme pathologique.

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INTERVIEW

de l’entreprise pharmaceutique qui en est à l’origine. En thérapies complémentaires, tion entre médecines traditionnelles et complémentaires ? le matériel utilisé est souvent low-tech et CBR La demande des patient·e·s est là. Dans le cas du Covid long, par exemple, les médecines complémentaires proposent peu commercial. D’autre part, la méthododes approches intéressantes comme l’apport des techniques logie demande une réflexion poussée, qu’il méditatives en complément de la physiothérapie, pour soula- s’agisse de trouver un bon contrôle pour des études randomisées, ou de mener des reger la difficulté à respirer qui persiste sur la durée. cherches sur des techniques dont le mécanisme est à ce jour encore inconnu, voire pour lequel il n’existe pas de mesures comme les énergies du corps. IV Cette situation a-t-elle renforcé le besoin d’une collabora-

LES MASSAGES ONT DÉMONTRÉ DES EFFETS POSITIFS AU NIVEAU DU VÉCU SUBJECTIF DES PERSONNES. IV Les pratiques complémentaires ont trouvé leur place à l’hôpital. Sur quelles bases choisissez-vous les traitements proposés ? CBR Nous nous concentrons sur des pratiques étudiées. La méditation en clinique est utilisée par exemple pour aider les patient·e·s à gérer la douleur ou le stress liés à une maladie chronique. Une littérature scientifique sérieuse existe à ce sujet. Pour chaque technique, il s’agit de pouvoir identifier le mécanisme d’action. Pour la méditation, des études en neurosciences ont identifié des réactions visibles au niveau cérébral. Il s’agit donc de se baser sur de la recherche et des preuves, à distance des mythes qui ne demandent que des croyances. IV Quels sont les obstacles à l’évaluation scientifique des thérapies complémentaires ? CBR Il en existe sur différents plans. D’une part, il y a les coûts et la motivation à financer la recherche. L’évaluation d’un nouveau médicament bénéficie du soutien

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IV Y a-t-il des techniques avec lesquelles vous travaillez sans preuves scientifiques ? CBR Partiellement. Ainsi, les recherches sur les mécanismes des bienfaits du massage sont encore balbutiantes. Pourtant, nous avons intégré cette technique car des effets ont été démontrés, entre autres au niveau du vécu subjectif. Ce vécu est primordial et non sans impact! Dans le cas des personnes souffrant d’un BIOGRAPHIE cancer en soins palliatifs, des études Chantal Berna indiquent que la survie est améliorée par Renella est médecin adjointe une bonne prise en charge des douleurs, responsable du donc d’une part de leur vécu subjectif.

Centre de médecine intégrative et complémentaire (Cemic) du CHUV depuis 2019 et professeure associée de la Faculté de biologie et médecine (FBM) de l’Université de Lausanne. Elle est spécialisée en médecine interne, médecine psychosomatique, antalgie interventionnelle et en hypnose clinique. En 2010, elle obtient un doctorat en neurosciences de la douleur à l’Université d’Oxford. Elle a rejoint le Centre d’antalgie du CHUV en 2015 et étudie aujourd’hui comment intégrer au mieux les thérapies complémentaires dans un hôpital académique.

IV Les médecines complémentaires doivent-elles toujours être intégrées dans le système de la médecine classique pour ne présenter aucun risque ? CBR C’est un élément important. Il faut élaborer un langage commun pour être sûr·e·s que tous·tes les praticien·ne·s œuvrent dans le même sens et que les éventuels risques soient pris en compte, surtout pour des personnes atteintes dans leur santé. Par exemple, en cas de cancer, un·e masseur·euse doit disposer de certaines informations, comme le taux de plaquettes du patient·e, pour éviter des complications telles que des hématomes.


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INTERVIEW

est en train de perdre son sens, et le personnel se trouve IV Est-ce que le manque de légitimité des prasouvent en rupture de motivation ou d’énergie. D’autres tiques liées à la «médecine douce» est dû limitations sont aussi des facteurs importants, comme le aussi à l’absence d’offres de formations ? manque de traitements conventionnels face à des malaCBR Il y a une grande offre de formations, dies ou des symptômes. La médecine conventionnelle n’a mais parfois de qualité inégale. Cependant, pas réponse à tout. Et quand elle ne propose rien, les une professionnalisation et une formalisation gens n’hésitent pas à chercher ailleurs. / des formations se développe rapidement. Des diplômes fédéraux en médecine complémentaire, comme en massage thérapeutique ou en art-thérapie, poussent le champ en avant. Ils représentent des titres reconnus attestant d’un cursus construit de plusieurs années de formation. En revanche, certaines pratiques sont encore peu encadrées. C’est le cas de l’hypnose, par exemple, avec de multiples écoles et un titre d’hypnothérapeute qui n’est pas protégé. Il est possible de suivre des formations très brèves à l’issue desquelles on peut déjà se revendiquer hypnothérapeute. Par conséquent, il peut être difficile pour les patient·e·s de choisir leurs praticien·ne·s.

LA MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE PERMET D’APPORTER DAVANTAGE DE CONFORT DE VIE ET DE Peut-on dans certains cas relativiser la preuve RÉSILIENCE, MAIS NE scientifique dans les médecines complémentaires? Oui, quand il y a une volonté forte de la part PEUT PAS RÉSOUDRE d’une personne en traitement, ou des croyances particulièrement ancrées, avec une thérapie qui ne UN MÉCANISME présente pas de risques. On doit toujours garder en PATHOLOGIQUE. tête la balance risques-bénéfices. Les preuves scienIV

CBR

tifiques de l’homéopathie sont débattues, mais les risques sont minimes si le traitement est délivré par un·e homéopathe bien formé·e. Alors pourquoi l’interdire à une personne qui dit en avoir déjà bénéficié ? Il faut savoir se montrer à l’écoute des besoins et des volontés des patient·e·s. IV Ce regain d’intérêt pour les «médecines douces» n’estil pas aussi un signe que les gens ne se sentent pas assez écoutés dans le cadre de la médecine conventionnelle ? CBR On observe un besoin de retrouver plus d’ humanité dans la médecine et de bénéficier d’une prise en charge globale. Or, la médecine a pris un fort virage technologique ces dernières décennies. De plus, une certaine déshumanisation s’est développée, notamment en raison du système des assurances, des codes de remboursement et de la demande de productivité. Cela heurte la plupart des soignant·e·s et des médecins. Notre système

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DÉCRYPTAGE

Sida, ce vaccin qui n’arrive jamais Après quarante ans de recherche, aucun vaccin contre le sida n’est disponible sur le marché. La technologie ARN utilisée contre le Covid-19 pourrait changer la donne, mais c’est aussi sur la visibilité des personnes vivant avec ce virus qu’il faut agir.

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TEXTE : LAURENT PERRIN

epuis quarante ans, près de 32 millions de personnes sont décédées du sida, autrement dit de l’affaiblissement du système immunitaire provoqué par une infection au VIH1. À ce jour, sept vaccins ont été testés pour lutter contre ce rétrovirus (voir encadré). Mais le plus prometteur, testé en Thaïlande il y a une dizaine d’années, présentait une protection de seulement 31%. La principale difficulté pour s’attaquer au VIH concerne le développement d’anticorps neutralisants. « Ces anticorps n’apparaissent que plusieurs années après l’infection au VIH et chez seulement 10% de la population concernée, explique Barton Ford Haynes, médecin et immunologiste américain, dans un article récent paru dans la revue scientifique Nature. Alors que dans le cas du Covid-19, des anticorps se développent

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Virus de l’immunodéficience humaine

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dix jours après une infection ou deux semaines après la vaccination. » Le développement rapide du vaccin contre le Covid-19 a été facilité par un contexte relativement favorable, souligne Matthieu Perreau, professeur associé au Service d’immunologie et allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois . «Tout est allé très vite car le milieu de la recherche a appris des épi-

Rétro­ virus Ce type de virus est capable d’intégrer son génome dans celui de son hôte. Le virus du sida peut donc s’exprimer via cette cellule hôte durant toute sa durée de vie. Ce processus permet au virus de se multiplier dans le corps et affaiblit le système immunitaire de la personne touchée. Elle souffre ainsi d’immunodéficience et ne peut plus lutter contre les différents virus qu’elle attrape.


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DÉCRYPTAGE

démies précédentes du SRAS2 et du MERS3. Mais aussi parce que de nouvelles stratégies vaccinales étaient prêtes, issues notamment de la recherche sur le VIH.» Une fois mis au point, un vaccin doit franchir plusieurs étapes indispensables avant d’être validé par les autorités médicales. Il faut d’abord s’assurer de son innocuité (absence de nocivité), puis de son immunogénicité (capacité à induire une réponse immunitaire), et enfin de son efficacité (capacité à empêcher l’apparition de la maladie liée à une infection). « Le problème avec le vaccin contre le VIH, c’est que l’on a du mal à générer une réponse immunitaire appropriée. » Une autre différence majeure entre le virus du VIH et celui du Covid-19 concerne l’apparition de variants. Ceux liés au Covid-19 n’échappent pas totalement à la protection vaccinale. Mais le VIH mute si rapidement, qu’il peut échapper à la pression exercée par le système immunitaire en quinze jours. Il existe aujourd’hui une variété de VIH, que l’on distingue par une nomenclature complexe composée de « types, de groupes et de clades », ces derniers étant des ensembles formés par un organisme particulier et sa descendance. Un vaccin contre le VIH présente donc la tâche complexe de protéger contre cette incroyable diversité. En outre, quelques jours après l’infection, le VIH possède la capacité de persister dans l’organisme en se dissimulant dans certaines cellules, qui agissent alors comme un réservoir pour le virus. Cette opération permet au VIH de résister non seulement à la pression exercée par le système immunitaire mais également à un traitement antirétroviral. « Le vaccin contre le VIH doit

La pandémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) est apparue en Chine en 2002. Le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) a été découvert en 2012. C’est une forme de coronavirus qui provoque une pneumonie aiguë.

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donc également frapper vite et fort pour empêcher la formation de ce réservoir », souligne Matthieu Perreau. INVISIBILITÉ MÉDIATIQUE La stigmatisation et la discrimination des personnes vivant avec le VIH ont depuis fait l’objet de nombreuses études. Pour combattre les idées reçues, et faire connaître les avancées en la matière, David JacksonPerry, chargé de mission à l’Antenne de la consultation des maladies infectieuses du CHUV, travaille au quotidien avec ces personnes et leur entourage. Il rappelle ainsi la règle du i = i, pour indétectable = intransmissible: une personne sous traitement – sa charge virale est alors indétectable – ne peut pas transmettre le virus. Mais seulement 4% de la population en est convaincu, d’après une récente étude de la National AIDS Trust, une organisation non gouvernementale basée au Royaume-Uni. Ces personnes peuvent par ailleurs espérer avoir une durée et une qualité de vie comparables à celle de la population générale. Malheureusement, conclut le spécialiste, «les représentations médiatiques ont de la peine à évoluer. C’est un sujet encore très tabou. On ne voit

Propa­gation Le virus du sida a d’abord été identifié chez des singes, dans la région du Congo, au début du XXe siècle, avant d’être transmis à l’homme aux alentours de 1950. Dans les décennies qui suivent, le virus et ses différents variants migrent dans toutes les régions du globe. En 2020, 37,7 millions de personnes vivaient avec le VIH dans le monde dont 1,7 million de personnes qui ont attrapé le virus dans l’année. Depuis son apparition, 36,3 millions de personnes ont perdu la vie à cause de cette maladie.


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DÉCRYPTAGE

pas de films ou de séries qui traitent de personnes vivant avec le VIH de nos jours.» Ces représentations obsolètes aboutissent à des comportements inappropriés. David Jackson-Perry cite l’exemple d’un patient hospitalisé pour une autre maladie, et dont le soignant demande devant d’autres patients : « Alors, vous avez pris vos antirétroviraux? » Ou encore ce physiothérapeute qui reçoit un patient pour un mal de dos, et qui, informé - sans raison apparente - que son patient vit avec le VIH… enfile des gants avant de le soigner. POLITIQUE DE L’AUTRUCHE Pas de quoi cependant perdre son optimisme. « Je suis persuadé que l’on trouvera un jour un vaccin contre le VIH. Cela pourrait passer par l’éducation du système immunitaire via l’administration séquentielle de différents vaccins. Nous pourrions ainsi envisager de forcer le système immunitaire à générer des anticorps neutralisants extrêmement efficaces. » Selon l’expert, les vaccins à ARN messager (ARNm), comme ceux mis au point contre le Covid-19, sont particulièrement prometteurs. « Leur emploi pourrait permettre des administrations répétées sans perte d’immunogénicité. » Par définition, les vaccins à ARNm ne génèrent pas de réponse contre le vecteur, puisqu’il n’y en a pas. « On peut donc en théorie recevoir autant d’administrations que nécessaire. C’est une approche totalement nouvelle. » Un premier essai de vaccin ARNm contre le VIH a été lancé cet été par l’entreprise américaine Moderna (voir encadré).

Vaccin à ARN messager L’entreprise américaine de biotechnologie Moderna, désormais connue pour son vaccin à ARN messager contre le Covid-19, compte employer cette même technologie contre le VIH. Le vaccin permettra de fournir aux cellules le code génétique des protéines du virus du sida. Le système immunitaire peut ainsi les reconnaître et produire des anticorps qui lutteront contre le virus lors d’une éventuelle infection. Moderna vient de lancer une étude qui devrait livrer ses résultats finaux d’ici à 2023.

commence à parler du sida dès 1981, le président américain Ronald Reagan attendra quatre ans avant d’employer ce mot en public », rappelle David Jackson-Perry. La raison de ce décalage vient, selon lui, du fait que « les personnes les plus touchées par le virus proviennent de communautés déjà stigmatisées par ailleurs ». Il s’agit des fameux 4H, pour homosexuels, héroïnomanes, Haïtien·ne·s et hémophiles, auxquels on peut ajouter les travailleurs et travailleuses du sexe. « Le fait qu’il n’y ait toujours pas de vaccin contre le sida s’explique aussi par un manque de volonté politique au départ. » /

ERIC DÉROZE

Ce retard dans la recherche autour d’un vaccin contre le VIH s’explique aussi par l’image négative qui a longtemps été associée à cette maladie. « Alors que l’on

Matthieu Perreau détaille les obstacles au développement au vaccin contre le VIH. Il est professeur associé au Service d’immunologie et allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV/UNIL). 38


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PROSPECTION

TEXTE : ANNEGRET MATHARI

LES LOURDES CONSÉQUENCES DE LA PANDÉMIE LE POIDS MOYEN DES SUISSES A AUGMENTÉ DE PLUS DE 3 KG DURANT LE CONFINEMENT. CETTE ÉVOLUTION INQUIÈTE LES SPÉCIALISTES DE LA SANTÉ.

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n 2020, les Suisse·sse·s ont pris 3,3 kg en moyenne, selon une étude menée par l’Université de SaintGall. Une augmentation hors normes en regard des autres années où la prise de poids moyenne n’était que de 100 g par personne. « Ces chiffres sont d’autant plus frappants qu’ils peuvent paraître en décalage total avec l’image renvoyée par les réseaux sociaux durant les

semi-confinements, où un retour généralisé à un mode de vie plus sain était montré », explique Lucie Favre, médecin associée au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. La réalité est bien différente. Derrière la mode du pain fait maison et du retour de la cuisine à domicile avec des produits locaux, de nombreuses personnes étaient durant cette période en situation de détresse. « Dès les premières semaines de semi-confinement, nous avons constaté une accentuation des

troubles alimentaires chez nos patient·e·s lors des consultations téléphoniques que nous avions maintenues. » En effet, s’il est plutôt conseillé à une personne en situation d’obésité de limiter ses réserves alimentaires, le contexte de la pandémie invitait, au contraire, à faire des courses plus importantes pour restreindre les contacts entre les individus. Cela a eu un

La crise sanitaire a aussi eu un effet sur la prise de conscience du problème de l’obésité.

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PROSPECTION

LE SCAPHANDRE QUI MESURE LE MÉTABOLISME Les besoins énergétiques d’un individu sont composés essentiellement du métabolisme de base et des dépenses en lien avec l’activité physique. Pour connaître avec précision les dépenses énergétiques de base, c’est-à-dire l’énergie requise pour maintenir l’activité métabolique des tissus, l’activité cardiaque ou la respiration, on peut effectuer une calorimétrie indirecte.

En clinique, le métabolisme de base est rarement mesuré mais on peut prédire de manière fiable les besoins métaboliques d’une personne à l’aide de formules qui tiennent compte du sexe, du poids, de la taille et de l’âge de la personne.

ALEXANDRA WEY/KEYSTONE

Lors de ce type d’examen, une sorte de scaphandre déposé sur le visage des patient·e·s mesure la quantité d’oxygène

utilisée et le rejet du dioxyde de carbone. Le métabolisme de repos est particulièrement influencé par la masse musculaire et cela explique les différences liées au sexe puisque cette masse est majoritairement plus importante chez les hommes.

Durant la pandémie, la course à pied a rencontré beaucoup de succès. Un changement important, car pour une majorité de la population, se rendre sur son lieu de travail est la seule activité physique pratiquée au quotidien. Des marcheur·euse·s dans un bois au bord du Rotsee à Lucerne, en mars 2020.

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effet sur la prise de poids. Mais pas seulement. « La diffusion à travers les médias ou sur les réseaux sociaux d’images témoignant d’un retour aux sources et d’une alimentation plus saine participe aussi à renforcer la culpabilité que les personnes en surpoids peuvent ressentir. C’est très néfaste et cela peut augmenter leur sentiment d’incapacité à gérer la situation et engendrer des prises alimentaires compulsives. » Le confinement et la généralisation du télétravail ont aussi limité la possibilité de faire de l’exercice physique. «Pour une majorité de la population, la seule activité physique est de se rendre sur son lieu de travail», précise Lucie Favre. L’UTOPIE DE L’ÉGALITÉ DES CHANCES Il est certain que la prise de poids est toujours liée à un déséquilibre entre l’apport calorique et l’énergie dépensée. Pourtant, il ne faut pas croire que nous sommes tous égaux face à la prise de poids. Les scientifiques ne parviennent pas encore à expliquer pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables à la prise de poids que d’autres.

ERIC DEROZE

Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, une personne en surpoids n’a pas forcément un mauvais métabolisme. « Le fonctionnement du métabolisme énergétique est complexe, détaille Lucie

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PROSPECTION

Favre. Même en franchissant la même distance à pied, deux personnes pourront dépenser une quantité d’énergie totalement différente. Et cela ne tient pas au métabolisme lui-même, mais à la façon, par exemple, de mobiliser son corps. » C’est également le constat d’une étude parue en août dernier dans la revue Science : c’est seulement à partir de 60 ans que l’on mesure une diminution des dépenses énergétiques. Entre 20 ans et 60 ans, le niveau des dépenses énergétiques reste stable. La pandémie a aussi eu un effet sur la prise de conscience du problème de l’obésité. Au sein de son service, Lucie Favre a mesuré une augmentation de 25% des demandes de consultation. « Comme le Covid a touché énormément de monde et que le surpoids était considéré comme un facteur de risque pour une

évolution sévère de la maladie, les personnes concernées ont réalisé que l’obésité est une maladie, et qu’il était important de la prendre en charge. » /

Lucie Favre relate les enjeux liés à la prise de poids considérable de la population suisse durant la pandémie de Covid-19. Elle est médecin associée au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme au CHUV.

LA STIGMATISATION, UN FREIN À LA CONSULTATION L’obésité a été reconnue comme une maladie chronique et complexe en 2008. Pourtant, de nombreuses personnes souffrent de stigmatisation dans les soins. Le personnel médical leur reproche parfois de manger trop ou de faire trop peu d’exercice, alors que ces personnes ne parviennent souvent pas à perdre du poids malgré leurs efforts. Ces mises en échec répétées peuvent augmenter les troubles anxieux et rendre ces personnes encore plus vulnérables à la prise de poids. Les cabinets et les hôpitaux manquent aussi de matériel adapté. Tant au niveau de l’infrastructure (lits, sièges) que des dispositifs tels que des tensiomètres adaptés ou encore des attelles à la bonne taille.


TEXTE : YANN BERNARDINELLI

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TENDANCE

L’EXPLOIT APPARTIENT À CEUX QUI DORMENT BEAUCOUP

Noam Yaron vient de traverser à la nage 75 kilomètres du lac Léman en moins de vingt heures. Le jeune sportif raconte comment une bonne gestion du sommeil a contribué à la réussite de cet effort hors norme.

ntraînement technique, musculaire et cardiologique, gestion de l’alimentation, de l’hydratation, de la respiration et de la souplesse, suivi médical et façonnement psychologique sont désormais les standards de préparation physique des sportifs d’élite. Pour établir le nouveau record de la traversée du lac Léman à la nage, Noam Yaron a néanmoins dû les dépasser : nager 75 km pendant 19 heures et 53 minutes a surtout nécessité un travail sur l’hygiène de son sommeil. « Les nombreux conseils trouvés sur la Toile ne suffisent pas pour préparer son corps et son esprit à un tel challenge. Avoir un encadrement professionnel et le sens du détail sont des indispensables, car de la préparation physique au matériel, en passant par les sponsors, tout a une importance capitale pour la réussite d’une telle performance », indique d’emblée Noam Yaron. De plus, l’exploit n’est pas à portée de tous·tes, car le jeune Vaudois de 24 ans est avant tout un sportif d’élite, ancien champion suisse junior de nage en eau libre.

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ACCEPTER LA DOULEUR

La préparation de cet exploit sans précédent a inclus un test en conditions réelles sur la moitié du parcours. Un essai en demi-teinte pour Noam Yaron, durant lequel il a ressenti de vives douleurs aux côtes et à l’aine. Une analyse a alors montré que les douleurs des côtes découlaient d’une mauvaise respiration qui contractait son diaphragme. Le problème a été réglé par l’intégration de phases de nage sur le dos. Le souci à l’aine, indissociable de la technique de nage, n’a par contre pas pu être réglé. Le jeune recordman a alors travaillé sur l’acceptation de la douleur par des techniques d’hypnose. «Je savais que j’allais ressentir des douleurs après une heure et demie de nage, j’ai appris à composer avec.»

Il a commencé son entraînement en janvier pour accomplir sa performance à la mi-juillet 2021. « J’ai pas mal couru au début pour améliorer mon endurance et j’ai perfectionné mes capacités cardiologiques et musculaires en salle. » Comme à l’époque, les piscines étaient fermées pour cause de pandémie, il n’a pas beaucoup nagé lors de sa préparation. « Mon entourage doutait de ma capacité à réussir cet exploit. Il faut dire que j’ai dû limiter mon entraînement, car en hiver, le lac est très froid. Je me suis jeté dans de l’eau à 4 degrés pendant une heure et demie en février ! »

Les avantages de l’hygiène du sommeil pour les performances sportives ont été mal étudiées jusqu’à présent.


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TENDANCE

NOAM YARON PRODUCTION SÀRL

Pour sécuriser la nage de nuit, l’équipe du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV a imaginé un système de ligne d’eau munie d’un éclairage bleu.

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TENDANCE

« Le sommeil permet d’optimiser les capacités à la fois physiques et mentales des sportifs et des sportives »

Pour cette performance d’approximativement vingt-quatre heures de nage et une période de trente heures d’éveil, selon les bases du précédent record, une préparation particulière a été nécessaire pour gérer la phase nocturne. Afin de sécuriser la nage de nuit, l’équipe de Noam Yaron a imaginé un système de ligne d’eau munie d’un éclairage bleu tiré par un bateau. La couleur spécifique de l’éclairage a été suggérée par le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du CHUV. «La lumière bleue aide à rester éveillé durant la nuit, car elle indique, via les voies visuelles, à notre horloge biologique interne qu’il fait jour et limite la libération de la mélatonine, explique Virginie Bayon, médecin associée au CIRS. Ainsi, un état dynamique et d’alerte est maintenu. Nous lui avons également conseillé d’effectuer, si possible, des pauses plus longues au cours de la nuit.»

Hormis sa condition physique, Noam Yaron a beaucoup travaillé la navigation, en collaboration avec l’équipe de Meteolakes, une plateforme en ligne pour le suivi et la prévision de l’état des lacs suisses basée à l’EPFL. « Nous avons étudié différentes données biophysiques et météorologiques du lac pour trouver la meilleure voie de nage et avoir un suivi sur mesure pendant la performance », indique le sportif. Une bonne optimisation peut faire gagner un demi-mètre par minute. Sur les 75 km du parcours qui sépare le château de Chillon des Bains des Pâquis, le gain de temps peut être considérable. Dans l’optique de promouvoir la préservation des eaux, Noam Yaron a également collaboré avec l’Association de sauvegarde du Léman pour sensibiliser le grand public à cette problématique.

LE SOMMEIL COMME ENTRAÎNEMENT Les avantages de l’hygiène du sommeil pour les performances sportives ont été mal étudiés jusqu’à présent, mais les chercheur·euse·s et les sportif·ive·s y portent désormais un intérêt grandissant. Pendant le sommeil, les muscles se réparent et les cellules se régénèrent notamment grâce à une hormone de croissance sécrétée pendant le sommeil profond. Il y a ainsi des conséquences non négligeables sur la santé physique, mais aussi mentale. « Tous les mécanismes physiologiques ne sont pas complètement élucidés, mais les bénéfices sont clairs », précise Mathieu Berger, chercheur postdoctoral au CIRS. Un trouble du sommeil, comme l’apnée ou l’insomnie, peut favoriser des problèmes métaboliques et cardiovasculaires. « Nous effectuons des bilans qui évaluent la qualité du sommeil. L’objectif est de vérifier l’absence de pathologies du sommeil dans un premier temps, avant d’optimiser le sommeil dans un second temps. » Sur ces bases, l’équipe du CIRS a formulé des recommandations, tant sur l’hygiène du sommeil avant l’événement que sur le comportement à adopter pendant la performance de Noam Yaron, avec le succès que l’on sait. /

GILLES WEBER

L’équipe du CIRS a proposé au nageur un programme de gestion du sommeil sur la base de son hygiène de vie pour améliorer sa santé physiologique et psychologique, avec des conséquences positives sur ses performances sportives. Sevrage de caféine, réduction du temps d’écrans le soir et extension du temps de sommeil de neuf à dix heures par nuit ont ainsi rythmé la préparation de Noam Yaron.

SAUVER LES EAUX

Virginie Bayon, médecin associée au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV

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COULISSES

UNE FORMATION ACADÉMIQUE POUR LES SOIGNANT∙E∙S : LE BILAN DES 10 ANS TEXTE : NICOLAS JAYET (CHUV)

La profession infirmière bénéficie depuis une dizaine d’années d’une formation dispensée à l’université. Une évolution qui profite tant au bien-être des patient·e·s qu’au fonctionnement de l’hôpital.

U

n nouveau profil a fait son apparition dans le système de santé romand il y a une dizaine d’années : l’infirmier·ère clinicien·ne spécialisé·e (ICLS). Titulaires d’un master universitaire, les ICLS œuvrent aujourd’hui aussi bien auprès des personnes hospitalisées qu’au sein d’équipes mobiles ou en consultations ambulatoires. En formation, ces spécialistes ont acquis les fondements cliniques et scientifiques de la discipline, ainsi que les compétences en coaching, en leadership et en éthique nécessaires pour dispenser des prestations spécialisées de manière autonome et faire évoluer, sur le terrain, la manière de soigner. Ce sont donc à la fois des expert·e·s des soins infirmiers et des passeur·euse·s de savoirs. Cette évolution a été rendue possible par la création de l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins (IUFRS) en 2007, au sein de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne. La voie doctorale a vu le jour

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d’abord sous l’égide d’éminentes figures académiques du continent nord-américain, où le concept a fait ses preuves de longue date. La filière académique suisse romande n’a toutefois été complétée qu’en 2009, lors de l’ouverture du programme de master. Pendant longtemps, dispenser les meilleurs soins consistait à appliquer rigoureusement ce qui avait été appris lors de la formation initiale, même si cette dernière datait de plusieurs décennies. Désormais, sous l’effet de connaissances nouvelles et des exigences légales, les meilleures prestations sont celles qui s’appuient sur les savoirs scientifiques les plus récents, celles qui sont adaptées au contexte dans lequel elles sont dispensées, et qui tiennent compte de l’avis du·de la patient·e. On appelle cela l’evidence-based practice, ou « pratique fondée sur des résultats probants ». Les patient·e·s ont naturellement beaucoup à y gagner, mais on mesure également à quel point cette approche complexifie le métier, en raison de savoirs qui évoluent continuellement.

Auprès des patient·e·s Les ICLS consacrent une large partie de leur activité aux soins directs aux patient·e·s. Mais ces spécialistes interviennent aussi en soutien aux équipes soignantes dans la gestion des situations les plus


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COULISSES

complexes. Il s’agit alors d’analyser ensemble les soins à dispenser en considérant plusieurs alternatives, comprenant les considérations éthiques ou les échecs thérapeutiques par exemple. Chacune de leurs actions vise l’amélioration de la qualité des soins dans le service où elles exercent. Elles implantent des changements de pratique et soutiennent leurs collègues dans l’adoption de ces changements. « Les compétences acquises pendant le master sont essentielles, souligne Isabelle Lehn, directrice des soins du CHUV. Dans les centres oncologiques et les consultations ambulatoires, les ICLS accompagnent dans la durée les personnes atteintes de cancer ou d’autres maladies chroniques et sont déterminant·e·s pour la compréhension et l’acceptation de la maladie, les changements de mode de vie, l’adhésion au traitement ou encore la prévention secondaire. » Autre exemple, les ICLS de gériatrie qui, dans tout l’hôpital, contribuent à adapter les soins, l’environnement et les processus aux besoins spécifiques des personnes âgées. « Ce ne sont que deux cas parmi d’autres, mais ils reflètent la capacité des ICLS à concevoir et dispenser des soins qui fournissent des résultats positifs concrets dans la prise en charge des patient·e·s. »

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ANS

La durée moyenne qui s‘écoule entre le moment où émerge un savoir nouveau et celui où il se matérialise par un changement de pratique en faveur des patient·e·s.

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Compétences à tous les étages À plus large échelle, les ICLS mettent en place des prises en charge standardisées pour des profils de patient·e·s déterminés en suivant les recommandations internationales de bonnes pratiques. D’autres révisent ou créent les protocoles qui définissent comment les soins doivent être réalisés. Et lorsque des améliorations doivent être apportées à l’ensemble de l’hôpital, pour mieux prévenir des risques de complications ou d’erreurs par exemple, les ICLS se muent en chef·fe·s de projet au service d’objectifs stratégiques. Enfin, un grand nombre de programmes de formation offerts à l’hôpital sont conçus et mis en œuvre grâce à la collaboration entre pédagogues et ICLS. Leur profil de compétences spécifique présente donc un intérêt à tous les niveaux de l’hôpital.

Nouveaux horizons académiques Les hautes écoles vivent, elles aussi, une transformation depuis qu’elles dispensent leur enseignement au niveau bachelor, soit la première marche de l’escalier académique. « Avant 2009, pour atteindre le niveau master qu’exige a minima leur fonction, les professeur·e·s HES devaient réaliser des études universitaires en pédagogie ou en psychologie par exemple. Aujourd’hui, les contenus enseignés sont ancrés dans la discipline et plébiscités par les étudiant·e·s», explique Blaise Guinchard, doyen des études à la Haute école de la santé La Source. Pour sa collègue Alexandra Nguyen, doyenne facultaire, « raisonnement scientifique et raisonnement clinique vont désormais de pair, et cela confère aux ICLS une posture et un positionnement forts dans la collaboration interprofessionnelle. La filière académique a également ouvert les horizons pour les parcours de carrière des étudiant·e·s comme pour le corps enseignant et de recherche. »


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COULISSES

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Le nombre de masters en sciences infirmières qui ont été délivrés à Lausanne en une décennie. Au CHUV, 60 infirmier·ère·s clinicien·ne·s spécialisé·e·s exercent aujourd’hui dans toutes les spécialités de l’hôpital.

Combiner recherche et activité clinique La réalisation d’un doctorat, et donc la poursuite de la carrière académique, constitue une évolution naturelle pour les titulaires de master qui se destinent à produire à leur tour des savoirs. « Dès cette année, le programme de master offre d’ailleurs deux options, l’une clinique et l’autre en recherche », explique Cédric Mabire, responsable du programme de master en sciences infirmières à l’IUFRS. Cela permet de préparer de manière plus spécifique celles et ceux qui s’orienteront ensuite vers la pratique des soins ou la recherche. » Cette voie connaît un vrai succès, démontrant ainsi que la profession a véritablement engagé son virage académique. En 2019, plus de 20 doctorats étaient en cours sous l’égide du jeune institut universitaire. Des chercheur·euse·s qui ne développent pas de nouvelles pilules mais œuvrent essentiellement à trouver les interventions infirmières permettant de réduire les symptômes, prévenir les complications, adapter les soins, accompagner les patient·e·s et les familles vers davantage d’autonomie.

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Des compétences indispensables Si le master en sciences infirmières était tant attendu il y a dix ans, c’est qu’il a répondu à un véritable besoin. « L’ICLS permet aux patient·e·s de bénéficier plus vite de davantage de soins correspondant aux meilleurs standards », souligne Cédric Mabire. Pour Isabelle Lehn, le développement des filières académiques est aussi une réponse au contexte sociétal et à la nécessaire évolution des systèmes de santé : « Le vieillissement, l’essor des maladies chroniques, l’évolution des savoirs et des technologies rendent nos environnements de travail extrêmement complexes et exigeants. Il est de notre responsabilité de faire évoluer les compétences et les rôles des acteur·trice·s pour continuer à garantir les meilleurs soins à la population à l’hôpital mais aussi et surtout dans la communauté. » Ces développements se poursuivent, avec notamment l’ouverture récente d’un programme de master en sciences de la santé (filières ergothérapie, nutrition et diététique, physiothérapie, sage-femme et technique en radiologie médicale) et l’entrée dans le paysage sanitaire des infirmier·ère·s praticien·ne·s spécialisé·e·s, également formé·e·s au niveau universitaire. /



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LABO DES HUMANITÉS

RECHERCHE

Dans ce « Labo des humanités », In Vivo vous fait découvrir un projet de recherche de l’Institut des humanités en médecine (IHM) du CHUV et de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.

Le doute, inévitable en soins palliatifs TEXTE : ELENA MARTINEZ

DR / SCIENCE PHOTO LIBRARY

MARTYNA TOMCZYK Martyna Tomczyk est docteure en éthique médicale de l’Université Paris Descartes et de l’Université des sciences médicales de Poznań (Pologne). Elle est responsable d’un projet de recherche à l’Institut des humanités en médecine, en collaboration avec Ralf Jox, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, neurologue, palliativiste et spécialiste en éthique médicale. Ses recherches actuelles portent sur les recommandations éthiques concernant la sédation palliative et plus généralement sur les questions touchant à la fin de vie.

En soins palliatifs, les doutes sont très présents, particulièrement autour de certaines procédures. L’une d’elles est la sédation palliative jusqu’au décès. « La certitude » quant au soulagement de la souffrance de la personne en fin de vie à l’aide de cette pratique est-elle véritablement certaine ? C’est la question que Martyna Tomczyk, chercheuse éthicienne à l’Institut des humanités en médecine, aborde dans ses travaux.

vie est multifactorielle, avec des composantes physiques, psychiques, existentielles, spirituelles et sociales. Peut-on être certain·e que la sédation supprime la perception ou la conscience de toutes ces composantes ? Peut-on en déduire qu’elle est un traitement efficace contre la souffrance existentielle, par exemple ? » interroge l’éthicienne, qui travaille en étroite collaboration avec des clinicien·ne·s en Suisse comme à l’étranger. Les représentations diverses autour de la sédation ont un impact direct sur les pratiques et la communication avec le ou la patient·e et ses proches. Des paroles sont dites – ou non, et des actes sont posés – ou non, parfois au détriment de la personne souffrante et de ses proches.

« Il est important de faire le point, en toute transparence, sur les certitudes et les incertitudes relatives à cette forme particulière de sédation en fin de vie, et D’après l’European Association for Palliative de les accepter avec humilité », souligne Care, le but de la sédation palliative en la chercheuse. Une vaste revue de général est de soulager une souffrance littérature, réalisée récemment dans le insupportable pour le·la malade, alors cadre d’un projet soutenu par la Fondaque tous les moyens disponibles et adaptés tion Pallium du canton de Vaud, et de très à cette situation ont été mis en œuvre, nombreuses études de terrain menées sans obtenir le soulagement attendu ; c’est auprès de soignant·e·s lui permettent un traitement de dernier recours. Il existe d’affirmer que seules deux certitudes plusieurs types de sédation, dont « la entourent cette pratique : le moment du sédation profonde continue jusqu’au décès», début de la sédation et le moment où elle qui ne cesse de susciter des interrogations se termine, c’est-à-dire à la mort de la cliniques, éthiques et juridiques. Des personne souffrante. controverses, résultant essentiellement de convictions personnelles, font parfois fi de Face à ces multiples incertitudes, Martyna faits scientifiques établis. Et ces faits font Tomczyk recommande une présence de parfois aussi défaut, ce qui complexifie les qualité auprès des patient·e·s et de leurs enjeux. En effet, que sait-on de la vie proches, et un questionnement permaintérieure d’une personne sur le point de nent, constructif et humble, accompagné mourir, qui plus est sous sédation ? Rien ou d’une profonde acceptation de la finitude pas grand-chose. « La souffrance en fin de humaine. / 49


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Cheveux, poils et ongles en disent long sur notre santé Les laboratoires d’analyse médicale ne se limitent plus aux seules prises de sang. L’examen d’autres parties du corps permettent des diagnostics toujours plus précis. TEXTE : JEAN-CHRISTOPHE PIOT

T

ous·tes les patient·e·s le savent : lorsqu’on prend le chemin du laboratoire d’analyse médicale, c’est le plus souvent pour y effectuer une prise de sang ou un don d’urine. Ces substances contiennent en effet plus de mille marqueurs distincts, tels que des toxines, des protéines ou des hormones. Ces tests in vitro comptent parmi les outils les plus utiles aux professionnels de santé : 70% des décisions médicales nécessitent le recours à ce type d’examen. Mais praticien·ne·s et biologistes se tournent désormais de plus en CORPORE SANO

plus fréquemment vers d’autres substances corporelles : sueur, larmes et salive en disent long sur notre état de santé, tout comme nos cheveux, nos ongles ou nos poils – les phanères, en langage médical. Cet intérêt nouveau s’explique de plusieurs façons. À commencer par le fait que les tests sanguins ou urinaires présentent des limites : riche en sels et en cristaux, l’urine a tendance à compliquer le repérage de certains biomarqueurs protéiques. Dans le sang, c’est l’albumine qui peut masquer d’autres indicateurs prépondérants. Autre frein, « l’une et l’autre substances ont tendance à se renouveler trop rapidement pour permettre le repérage dans

la durée de certains composés chimiques », explique Olivier Gaide, médecin-chef au sein du Service de dermatologie et vénéréologie du CHUV. Des éléments qui se retrouvent bien plus longtemps dans d’autres parties du corps. Ainsi, un ongle met six mois à une année pour se renouveler entièrement. FACILE ET SANS DOULEUR

Au quotidien, l’analyse de nos phanères (ongles, cheveux, poils) ou de nos liquides corporels présente un autre intérêt : le prélèvement de l’échantillon nécessaire est en général plus rapide, plus facile et moins douloureux qu’une phlébotomie – soit le nom savant de la prise de sang. La règle n’est pas absolue.


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Analyses des substances corporelles PRÉLÈVEMENTS TRADITIONNELS

+1000

Le sang et l'urine contiennent plus de 1000 marqueurs identifiables

70% Sang

Urine

Selles

des décisions médicales sont prises en fonction du résultat d'un prélèvement de sang ou d'urine.

NOUVEAUX PRÉLÈVEMENTS FLUIDES :

CELLULES :

Cheveux

Larmes • pistes pour identifier les risques d'AVC • faciliter le suivi de la sclérose en plaques • en cours de recherche

PHANÈRES :

Cellules du nasopharynx

Salive

• tests antigéniques

• analyse de l'acidité • prévenir l'apparition de caries

• détection du Covid-19

Poils • analyse d'agents infectieux : mycoses ou champignons

Sueur • dépister la mucoviscidose

Ongles

Toutes ces substances corporelles peuvent être analysées plus facilement ou rapidement que le sang, l'urine et les selles.

CORPORE SANO

INNOVATION


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Celles et ceux qui ont subi l’un des fameux tests nasopharyngés courants depuis le début de la pandémie de Covid-19 savent que tous les prélèvements biologiques ne sont pas une partie de plaisir. Seule solution disponible pendant plusieurs mois, cette technique suppose d’enfoncer un écouvillon jusqu’au nasopharynx avant de lui imprimer une rotation destinée à recueillir suffisamment de cellules pour permettre un test PCR ou antigénique. Reste que dans bien des cas, les alternatives aux prélèvements sanguins classiques sont moins douloureuses, plus rapides et plus simples, souligne Olivier

Gaide : « Une prise de sang est un geste invasif certes léger, mais qui rebute certain·e·s patient·e·s. Elles et ils préfèrent largement fournir des éléments biologiques qui se donnent ou se prélèvent sans douleur. Recueillir de la salive, du liquide lacrymal, des poils, des cheveux ou des ongles s’avère bien plus facile. » Ces examens alternatifs présentent également un potentiel d’économie pour les systèmes de soin. « Procéder à une prise de sang représente un certain coût et prend du temps. Il faut prévoir un local calme et isolé, utiliser du désinfectant et du matériel de phlébotomie, mobiliser du personnel… En revanche, mettre de la salive dans

un tube ou couper quelques cheveux ne nécessite pas de compétences particulières. » Cette facilité de prélèvement lève un grand nombre de contraintes, d’autant que les dispositifs médicaux ne cessent de progresser, ajoute Olivier Gaide en citant le cas de patient·e·s atteint·e·s de diabète : « Les nouveaux capteurs de glycémie permettent d’éviter des prises de sang répétitives et douloureuses. Les patient·e·s peuvent analyser leur glycémie toutes les quinze ou trente minutes grâce à un simple patch doté d’une microaiguille, et donc adapter au plus juste leur prise d’insuline. »

Les promesses de la transplantation fécale L'analyse des selles permet de dépister des maladies, mais aussi de restaurer la flore bactérienne des patient·e·s pour guérir différentes pathologies. Ouvert en 2019, le centre du CHUV dédié à la transplantation fécale s'intéresse à cette technique destinée aux patient·e·s touché·e·s par une infection due à un bacille, le Clostridioides difficile, qui cause de fortes diarrhées et colites. Principalement délivré sous forme de gélules, le traitement présente des résultats spectaculaires. « La transplantation fécale (TMF) permet de traiter avec succès 80% à 90% des patient·e·s,

CORPORE SANO

alors que les antibiotiques classiques sont efficaces dans 20 à 30% des cas », explique Tatiana Galperine, cheffe de clinique et responsable de la création du Centre de transplantation de microbiote fécal du CHUV. Ce médicament fait actuellement l’objet d’une autorisation de mise sur le marché simplifiée auprès de Swissmedic. Mais il permet déjà de soigner chaque année une trentaine de patient·e·s pris en charge au CHUV. « Notre travail consiste aussi à sélectionner les donneur·euse·s au terme d’un processus particulièrement strict, indique Tatiana

INNOVATION

Galperine. Vient ensuite la production du médicament lui-même, en collaboration avec les services des maladies infectieuses. » Enfin, d’autres activités relèvent cette fois de la recherche, notamment en lien avec le Service d’oncologie. « Plusieurs études tendent à démontrer que la TMF améliorerait la tolérance des patient·e·s face à certaines chimiothérapies ou immunothérapies sur le plan digestif. Il semble également qu’elle favorise la réponse à ces traitements en modulant le microbiote intestinal. » La TMF n’a pas dit son dernier mot.


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CHEVEUX CONTRE CHAMPIGNONS

Ongles et cheveux concentrent plus particulièrement l’attention d’Olivier Gaide. « Les phanères sont utiles pour repérer les agents infectieux qui s’attaquent à l’ongle ou au système pileux des malades. » On cumule plusieurs techniques, des plus simples aux plus complexes pour identifier mycoses, moisissures ou levures. « Le premier examen est indolore et très rapide. Nous prélevons des cheveux pour rechercher différents types de champignons, soit en partie, soit en les arrachant à la racine pour examiner leur bulbe. Nous analysons aussi régulièrement des fragments d’ongles en les observant au microscope et en leur appliquant au besoin différentes solutions de coloration pour mettre en évidence tel ou tel parasite. » Lorsque c’est nécessaire, une troisième phase d’analyse consiste à placer le fragment en culture pendant quelques jours avant de pratiquer un examen biologique moléculaire capable de détecter l’ADN d’un élément pathogène. TRANSPIRER, C’EST LA SANTÉ

Étudier les fluides biologiques ou les matières corporelles n’est pas nouveau en soi : dès l’Antiquité, les médecins examinaient les selles ou l’urine de leurs patient·e·s. Au Moyen Âge, on parle du « baiser salé », en référence au goût de la peau de certains nourrissons. Si on en CORPORE SANO

«Les alternatives aux prises de sang sont avantageuses car elles sont moins douloureuses, plus rapides et plus simples à pratiquer.»

ignorait alors l’origine, ce trouble de la sudation, qui peut indiquer une mucoviscidose, est toujours couramment pratiqué au CHUV aujourd’hui. « Nous récoltons une petite quantité de sueur dans un dispositif placé sur l’avant-bras des enfants, après stimulation de la transpiration. La mesure des quantités de sel et de chlore permet de poser ou d'exclure la plupart du temps le diagnostic. » Les tests salivaires sont un autre outil précieux pour les professionnel·le·s de santé. Les dentistes en analysent ainsi l’acidité et la composition pour prévenir l’apparition de caries ou de plaque bactérienne. Facile à recueillir, la salive n’expose pas les professionnel·le·s aux maladies transmissibles par le sang, ne coagule pas et contient plus de 1000 protéines et des molécules d'ARN. CE QUE DISENT LES LARMES

Au même titre que la sueur, les larmes font partie des fluides les plus prometteurs en termes de recherche. Les études cliniques en cours laissent penser que les biomarqueurs protéiques ou les parasites présents dans le liquide lacrymal permettront d’ici à quelques années de détecter une infection virale, INNOVATION

d’identifier des risques d’AVC ou de faciliter le suivi de maladies comme la sclérose en plaques, sans recourir à des examens plus lourds comme les ponctions lombaires. Précieuses pour les patient·e·s, les analyses pratiquées sur les phanères et les liquides corporels laissent entrevoir à terme un repérage toujours plus fin et plus précoce d’une vaste gamme de biomarqueurs, dès les premiers stades de différentes maladies. De quoi fournir de nouvelles armes aux médecins. /


TEXTE : PATRICIA MICHAUD

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VERS LA FIN DU MARCHÉ NOIR DE L’OR BLANC ? La première banque de lait maternel de Suisse romande va ouvrir ses portes dans quelques mois. Alimenté par des donneuses volontaires, ce lactarium vise à répondre aux besoins des bébés prématurés et des mères qui ne peuvent pas allaiter.

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n l’appelle l’or SIX MOIS AU SEIN blanc. Mais, L’Organisation ironiquement, le mondiale de la lait maternel fait santé (OMS) l’objet d’un préconise un allaitement marché noir. Sur exclusif des nourles réseaux rissons durant sociaux, ce nectar six mois, suivi est au cœur de nombreuses tractations. d’un allaitement En Suisse, plusieurs groupes Facebook lui complémentaire jusqu’à l’âge de sont consacrés, dont « Human Milk 4 2 ans ou plus. En Human Babies » (qui compte près de 1500 Suisse, on recommembres) ou encore Lait’change. On y mande d’initier la diversification retrouve des échanges gratuits entre de l’alimentation mamans. Mais le précieux élixir est au plus tôt après parfois vendu via Internet pour de quatre mois et au coquettes sommes : jusqu’à 200 francs plus tard après six mois. Les pépour 100 ml, ce qui représente à peine diatres conseillent un demi-biberon ! Le lait en poudre constitue une solution convenable, mais les expert·e·s de la santé s’accordent à dire que les vertus du lait maternel sont multiples. « Il s’agit d’un système biologique complexe et dynamique que l’industrie alimentaire n’est pas parvenue à reconstituer à ce jour », souligne Céline Fischer Fumeaux, médecin adjointe au Service de néonatologie du CHUV.

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d’introduire les aliments de complément au-delà de six mois, car la teneur nutritionnelle du lait maternel ne suffit plus à couvrir tous les besoins du nourrisson, notamment en ce qui concerne l’apport en fer.

TENDANCE

BÉNÉFICES À LONG TERME

Le lait maternel apporte aux nourrissons des nutriments parfaitement adaptés à leur croissance. Ces agents agissent notamment au niveau immunologique et offrent une protection importante aux nouveau-nés. Il permettrait même de réduire les morts subites du nourrisson. » À terme, il a aussi été observé que l’allaitement protégerait l’enfant contre le diabète ou l’obésité. Fait moins connu du grand public, la pratique engendre de nombreux bénéfices pour la mère. « Grâce à la sécrétion d’ocytocine générée par l’allaitement, l’utérus se contracte pour retrouver sa taille d’origine. Cela permet de diminuer les risques d’hémorragie après la naissance. » Il a aussi été observé que les femmes qui optent pour cette pratique sont moins touchées par la dépression post-partum. L’allaitement leur assure également une protection à plus long terme contre certains types de cancers (ovaires, seins), ainsi que contre d’autres maladies telles que le diabète de type 2. Sans oublier les avantages au niveau environnemental et économique.


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BURGER/PHANIE

Le lait maternel récolté doit être pasteurisé. Cette image a été prise au lactarium de Bordeaux/Marmande en France, où 12'000 litres de lait sont collectés par an. CORPORE SANO

TENDANCE


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LA SUISSE À LA TRAÎNE

Mais s’il ne fallait citer qu’une catégorie pour laquelle le lait maternel est particulièrement important, il s’agit des nouveau-nés en situation de vulnérabilité, qu’ils soient prématurés, à faible poids ou malades. « Pour ces bébés, le lait maternel présente des avantages supplémentaires, relève Céline Fischer Fumeaux. Il constitue notamment un facteur de protection contre un certain nombre de complications néonatales graves, dont la plus redoutée est l’entérocolite nécrosante, une maladie affectant les intestins. » Selon des études, le recours à du lait maternel – plutôt qu’à du lait en poudre – permettrait de diminuer de moitié l’occurrence de cette maladie. « On a par ailleurs pu observer des durées d’hospitalisation plus courtes pour les prématurés nourris de cette manière, ainsi que des effets positifs sur leur développement à plus long terme. » UN PARTENARIAT NOVATEUR

À l’image du personnel soignant spécialisé dans la pédiatrie et la néonatologie, de nombreux organismes dédiés à la promotion de la santé préconisent une alimentation à base de lait maternel, et ce, le plus longtemps possible. « L’idéal, c’est bien évidemment que le bébé soit nourri avec le lait de sa propre mère, qui est parfaitement ajusté à ses besoins », poursuit la spécialiste. Pourtant, il arrive justement souvent que dans le cas d’une naissance prématurée, la lactation cesse. Face au choc émotionnel que cet événement provoque, les mères n’ont souvent pas ou pas assez de lait pour leur propre enfant, alors qu'il en a particulièrement besoin, puisqu'il ou elle est encore plus vulnérable que lorsque la naissance arrive à terme.

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La Suisse arrive en 71e position (sur 98 pays évalués) au niveau de son engagement en faveur de l’allaitement, selon un rapport publié en 2020 par la World Breastfeeding Trends Initiative (WBTi). Les auteur·e·s de l’enquête dénoncent notamment le fait que dans notre pays, l’allaitement maternel n’est pas mis en avant comme une stratégie nationale de santé. En terre helvétique, « les taux d’allaitement ne sont monitorés que tous les dix ans », regrette pour sa part Céline Fischer Fumeaux. Selon la dernière édition disponible de l’ « Étude suisse sur l’alimentation des nourrissons » (Swifs), qui date de 2014, le taux d’initiation de l’allaitement est élevé, soit 95%. Par contre, la durée de l’allaitement exclusif se situe en dessous des recommandations de l’OMS : moins de deux tiers des nourrissons sont exclusivement allaités à la fin du 4e mois, et à peine un quart entre le 5e et le 6e mois, en défaveur de la Suisse romande.

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C’est d’ailleurs pour offrir aux familles concernées une alternative aux préparations infantiles pour nourrissons que sont nés les lactariums. Véritables banques de lait maternel, ces structures – au nombre d’environ 280 en Europe – mettent à la disposition des bébés prématurés du lait issu de donneuses. Début 2022, Lausanne accueillera le premier lactarium latin du pays, qui en compte huit en Suisse alémanique. Soutenu par le Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud, le CHUV a conclu un partenariat novateur avec l’organisme Transfusion interrégionale CRS, spécialisé dans l’approvisionnement en produits sanguins et dérivés. Pour assurer la qualité de l’aliment, les donneuses sont soumises à des tests sanguins. Le lait est lui aussi analysé pour vérifier qu’il ne contient pas de virus ou de bactéries. Les dons seront ensuite pasteurisés puis congelés afin d’être conservés de façon adéquate. « Certes, la pasteurisation altère un peu la qualité du produit mais il s’agit sans aucun doute du deuxième meilleur lait que l’on puisse offrir à un nourrisson dans ces situations, derrière celui de sa propre mère », commente Céline Fischer Fumeaux, responsable de ce projet. Elle se réjouit d’ailleurs de l’enthousiasme que suscite le lactarium : dès l’annonce officielle de son lancement, de nombreuses femmes se sont spontanément proposées comme donneuses.


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UN RÉSEAU ET DES INFOS

PLUSIEURS CENTAINES DE LITRES POUR UN SEUL NOURRISSON

À l’avenir, l’idée serait d’élargir l’offre et de pouvoir proposer du lait destiné aux bébés sains dont la mère ne peut ou ne souhaite pas allaiter. Car c’est bien là que la politique d’encouragement à l’allaitement se heurte à sa principale difficulté : alors que la majorité des parents reconnaissent les bienfaits de cette pratique, certains d’entre eux dénoncent une trop forte pression sociale sur l’allaitement, qui n’est pas forcément compatible avec leur mode de vie. « Lorsque notre banque aura atteint son rythme de croisière, elle devrait fournir plus de 300 litres de lait par année », note la responsable du projet. Or, ce lait couvrira en priorité les besoins de plus de 100 à 200 nouveau-nés prématurés, ou avec certaines autres pathologies à risques, durant leur hospitalisation. Alors que pour couvrir les besoins d’un seul nourrisson sain de poids moyen durant six mois, il faudrait plusieurs centaines de litres. Les parents de nourrissons sains qui renoncent à l’allaitement maternel devront donc continuer à choisir entre le lait en poudre et les réseaux informels d’échange. « Ce type d’approvisionnement, même s’il part d’une bonne volonté, n’est pas recommandé par les spécialistes, avertit Céline Fischer Fumeaux. Comme le lait échappe à tout type de vérification, il peut contenir des virus ou des bactéries, mais aussi des toxines (nicotine, alcool, médicaments) en lien avec la consommation de la donneuse. » Il est pourtant important de continuer de laisser les femmes libres quant à la question de l’allaitement et de garantir des alternatives sécuritaires aux normes strictes pour les préparations infantiles données en substitution du lait maternel. CORPORE SANO

Le manque d’information autour de l’allaitement pousse de nombreuses mères à se tourner vers les préparations infantiles pour nourrisson contre leur volonté. Loryne Zwicky a créé Lait’change en 2019, lorsqu’elle s’est rendu compte qu’aucun lactarium n’existait en Suisse romande. Le principe est simple: donneuses et preneuses de lait maternel postent des petites annonces sur la page Facebook de l’association, qui sont classées par canton de résidence. Des sages-femmes chapeautent ces échanges, par exemple pour vérifier la qualité du lait ou donner des conseils.

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Pour l’instant, il s’agit donc de protéger les femmes qui font le choix d’allaiter. « La Suisse a une grande marge de progression en comparaison internationale », explique Céline Fischer Fumeaux. En effet, même si, depuis 2014, la loi du travail accorde une rémunération des pauses pour l’allaitement, la conciliation entre cette pratique et la reprise d’une activité professionnelle demeure encore compliquée pour de nombreuses femmes. /


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MÉNOPAUSE, EN PARLER PLUS POUR MIEUX L’ACCOMPAGNER TEXTE: ADRIANA STIMOLI ET ARTHUR DU SORDET

La ménopause est de plus en plus abordée ouvertement. Une évolution qui influence les pratiques médicales.

«

C’est littéralement comme si quelqu’un avait mis une chaudière dans mon corps », raconte publiquement Michelle Obama en août 2020 dans « The Michelle Obama Podcast ». Ces dernières années, une révolution autour de la ménopause s’est déclenchée. En juillet dernier, la série israélienne Hamishim-Cinquante, diffusée sur Arte, aborde à son tour les clichés qui entourent cette période particulière de la vie des femmes. Médicalement, la ménopause est définie comme la cessation

des règles : elle se déclenche quand la production d’ovules n’est plus possible. Maux de tête, bouffées de chaleur, troubles du sommeil et perte de libido, la liste des symptômes est longue. Des désagréments pour lesquels les femmes concernées rapportent recevoir peu de soutien et de compréhension de la part de leur conjoint, ou de leur entourage au sens large. « Au même titre que les règles, ces problématiques sont socialement considérées comme des discussions de ‘bonne femme’ et restent peu abordées », dit Cécile Charlap, sociologue et auteure du livre La Fabrique de la ménopause, pour lequel elle s’est entretenue avec de nombreuses femmes ménopausées. « La ménopause est la période de la vie reproductive qui est le moins considérée, explique Nicolas Vulliemoz, responsable de l’unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique du CHUV. Elle revêt un caractère négatif. » D’une part, parce que le sujet relève de la sphère intime. De l’autre, parce que ses symptômes peuvent être gênants et donc difficiles à aborder. Le médecin est cependant convaincu que le silence autour de la ménopause commence à se dissiper grâce à la présence plus importante des femmes dans la sphère publique.

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« Conjointement à cette évolution, on observe davantage d’ouverture sur des thématiques comme la ménopause ou l’infertilité. La femme a longtemps été valorisée pour ses capacités reproductives. Désormais, c’est moins le cas. Ce changement contribue à écarter la vision négative souvent associée à la ménopause. » DES GYNÉCOLOGUES LONGTEMPS DÉSINTÉRESSÉS Le tabou autour de la ménopause provoque également une incidence sur les pratiques médicales. « Ce qui m’a frappée, c’est le manque d’intérêt de mon gynécologue, se rappelle Séverine*, 57 ans. Il m’a prescrit des hormones pour soulager mes symptômes, mais sans explications. En discutant autour de moi, je me suis rendu compte que ce constat était généralisé. » Des gynécologues qui donnent des traitements hormonaux sans prendre le temps ni d’en expliquer les conséquences ni de sensibiliser les patientes, c’est aussi le constat que Cécile Charlap a tiré de ses recherches. « Très souvent, il y a peu de dialogue. Soit la patiente et le médecin partagent la même vision et cela se passe bien, soit le médecin impose un traitement hormonal substitutif. » ÉVOLUTION DES PRATIQUES Mais la prise en charge évolue, souligne Nicolas Vulliemoz. « Avant, on partait du principe qu’il fallait absolument un traitement hormonal au moment de la ménopause. Dans les années 2000, des études ont mis l’accent sur les risques de ces traitements, notamment sur leur corrélation avec le cancer du sein. Il y a alors eu un arrêt abrupt de ces thérapies, CORPORE SANO

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explique le médecin. Désormais, les indications et les contre-indications sont mieux connues. » Aujourd’hui, de plus en plus de gynécologues semblent privilégier l’écoute et des solutions sur mesure, adaptées à chaque patiente. Un changement que la sociologue Cécile Charlap explique par une nouvelle génération de médecins formée à légitimer la parole des patientes, et possédant une plus grande conscience des questions de genre. L’ANDROPAUSE TOUJOURS DISCRÈTE Parfois considérée comme le pendant masculin de la ménopause, l’andropause demeure un sujet peu abordé. Pour Nicolas Vulliemoz, l’explication est avant tout d’ordre médical : « Alors qu’on connaît la ménopause, il existe toujours un débat autour de la définition de l’andropause, détaille-t-il. De plus, les modifications hormonales chez l’homme ne peuvent pas être comparées à celles des femmes : elles n’induisent pas de symptômes invalidants. » /

* Nom connu de la rédaction


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Savez-vous prendre vos médicaments? Les effets secondaires des traitements sont souvent méconnus. Plusieurs études menées au CHUV fournissent des pistes pour améliorer la situation. TEXTE : ERIK FREUDENREICH

P

rès d’une personne sur deux en Suisse consomme des médicaments chaque semaine. Ce rapport, issu d’une enquête sur le sujet menée par l’Office fédéral de la statistique (OFS) auprès de la population de 15 ans et plus, montre une progression de plus de 30% depuis les années 1990.» Parmi les substances les plus fréquemment consommées au cours des sept jours précédant le sondage, on compte les antidouleurs (24% des répondant·e·s), les antihypertenseurs (16%), les traitements contre le cholestérol (8%) et ceux pour le cœur (7%). Somnifères, tranquillisants et antidépresseurs complètent ce classement. L’étude de l’OFS indique aussi que les femmes prennent plus souvent des médicaments que les hommes (55% contre 45%). Enfin, la part des personnes consommant des médicaments progresse avec l’âge, pour atteindre 84% chez les personnes âgées de 75 ans et plus. CORPORE SANO

Des chiffres qui interrogent sur les connaissances des patient·e·s concernant les substances qu’ils·elles absorbent. Plusieurs études indiquent en effet que les doses de médicaments sont parfois administrées de façon imprécise, en particulier chez les enfants et les personnes âgées. D’autant plus qu’un nombre important de milliards patient·e·s ignore les effets secondaires C’est le volume en francs que principaux des pilules et représentait le marché du médicament en Suisse cachets qu’elles et ils en 2019 (aux prix du fabriingurgitent.

6,136

COMPÉTENCES DU·DE LA PATIENT·E

cant), selon les données de la faîtière Interpharma.

Ces questions animent aussi Jenny Gentizon, candidate au doctorat en sciences infirmières de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL). L’infirmière de formation a cosupervisé plusieurs études sur le sujet et prépare aujourd’hui une thèse sur l’aptitude des

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Le rôle des pharmacies

Le pourcentage de médicaments distribués par les pharmacies. Aujourd’hui, les pharmacies demeurent le principal canal de distribution des médicaments. En termes de valeur, elles représentent environ 48% du chiffre d’affaires total du marché. Les autres canaux de distribution sont les médecins, les drogueries et les hôpitaux.

65%

personnes âgées hospitalisées à comprendre la prise de médicaments, soit la multitude des compétences cognitives ou sociales que les patient·e·s doivent posséder pour gérer leur traitement. « L’adhésion médicamenteuse, c’est-à-dire le fait que les patient·e·s prennent leurs médicaments conformément à ce qui leur a été prescrit, a jusqu’ici surtout été évaluée selon qu’elle soit optimale ou non. Environ la moitié des patient·e·s qui gère des médicaments sur le long terme ne les prennent pas comme ils devraient », explique Jenny Gentizon. Mais des études plus récentes encouragent à différencier la non-adhésion volontaire de celle qui est involontaire. Des facteurs comme un déficit d’acuité visuelle, des problèmes cognitifs ou le manque de compréhension du plan de traitement peuvent contribuer à une non-adhésion involontaire aux médicaments chez les personnes âgées. » CORPORE SANO

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MÉCONNAISSANCE DES EFFETS SECONDAIRES

Ces deux dernières années, la chercheuse a eu l’occasion de co-superviser plusieurs travaux de master consacrés à la médication des seniors vaudois·e·s hospitalisé·e·s. Une des études s’est penchée sur les connaissances des patient·e·s au sujet de leurs anticoagulants oraux. Sur la base d’un sondage comportant des questions de type «vrai ou faux», les résultats ont mis en évidence une moyenne de 68,3% de réponses correctes. Les effets secondaires, les surveillances, les interactions avec d’autres médicaments et les modifications du style de vie sont les domaines pour lesquels les patient·e·s présentaient le plus de lacunes. «Une des conclusions importantes concerne le fait qu’un tiers des patient·e·s ne connaissent pas le risque principal de l’anticoagulothérapie orale, soit le risque hémorragique, souligne Jenny Gentizon. L’étude a aussi mis en évidence des tendances d’associations entre le niveau de connaissance et l’âge ainsi que le niveau de formation des patient·e·s.» Ces résultats soulignent l’importance d’évaluer les connaissances des patient·e·s et de mettre en place des actions ciblées pour prévenir l’occurrence de problèmes. CINQ À DIX MÉDICAMENTS SIMULTANÉS

La même cohorte de patient·e·s vaudois·e·s a ensuite répondu à un questionnaire sur le «sentiment d’efficacité personnelle» envers l’autogestion de leurs médicaments, soit leur confiance à les prendre conformément à la prescription. Parmi les personnes interrogées, 93% sont polymédiquées (soit prennent simultanément plus de cinq médicaments). Près de 18% de la cohorte doit même


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12% Dépenses de santé

La part du budget dédiée aux médicaments en Suisse, sur le total des dépenses consacrées à la santé.

prendre dix médicaments ou plus. Les personnes âgées se montrent néanmoins confiantes dans la gestion de leurs traitements, avec un niveau d’efficacité moyen de 33,4 sur 39 points possibles. «Malgré les lacunes de connaissances évoquées plus haut, les patient·e·s reportent un sentiment d’efficacité relativement élevé, relève Jenny Gentizon. L’étude a cependant identifié deux éléments qui doivent être portés à l’attention des professionnel·le·s: les patient·e·s se montrent moins confiant·e·s envers leurs capacités à suivre le plan de traitement après qu’un changement de prescription a eu lieu, ou lorsque leurs médicaments causent des effets indésirables.» Bien que les deux recherches exploratoires menées dans le canton de Vaud n’aient pas vocation à formuler des recommandations pour des changements de pratique, elles mettent en évidence plusieurs adaptations possibles en guise de filet de sécurité, relève la chercheuse : renforcer les informations et l’éducation ciblée en utilisant un langage simple et des supports écrits avec des illustrations. « Un autre aspect à développer concerne l’utilisation de la méthode teach-back. » Celle-ci consiste à transmettre des informations avant de CORPORE SANO

demander aux personnes d’expliquer avec leurs mots ce qu’elles ont compris. « L’hospitalisation n’offre pas toujours le contexte le plus favorable pour la rétention des informations (fatigue, stress, perte de repères). Dans un contexte où le·la patient·e est amené·e à consulter plusieurs spécialistes, il faut penser des stratégies qui renforcent la continuité des informations entre personnel soignant, patient·e·s et entourage. Améliorer l’implication des proches répondrait à un réel besoin exprimé de leur part. Aussi, avoir son dossier dans une même et unique pharmacie est un moyen pratique qui permet de renforcer le suivi des patient·e·s. » ROUTINES INVENTIVES

Jenny Gentizon termine aujourd’hui sa thèse sur la capacité à prendre correctement des médicaments chez les seniors hospitalisé·e·s, financée par le CHUV et dirigée par le docteur Cédric Mabire. «Ce concept souligne la complexité des compétences cognitives et sociales dont les patient·e·s ont besoin pour gérer leurs médicaments, et va au-delà de la connaissance du nom des médicaments, des précautions et des surveillances. Cela implique des compétences de communication avec les professionnels de santé, pour poser des questions, participer aux décisions ou exprimer un désaccord concernant tel ou tel médicament. Cela concerne aussi une forme d’inventivité avec la mise en place de routines quotidiennes, des stratégies

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Jenny Gentizon termine une thèse sur la capacité des séniors à prendre correctement leur médicaments. Elle est candidate au doctorat en sciences infirmières de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL), au sein de la pharmacie du CHUV.

RÉMI CLÉMENT

personnelles pour prévenir la survenue de problèmes et assurer le suivi du plan du traitement.» L’objectif de la thèse réside dans le développement d’un outil de mesure de la capacité à comprendre comment prendre leurs médicaments, pour les patient·e·s âgé·e·s hospitalisé·e·s, baptisé MED-fLAG. Pour ce faire, Jenny Gentizon peut s’appuyer sur un cochercheur particulier : Éric Pilet, 77 ans et plus de 50 hospitalisations au compteur. Membre du ColLaboratoire, une unité de l’UNIL qui met en relation chercheur·euse·s et citoyen·ne·s, il s’est immédiatement manifesté pour prendre part au projet. « Le développement du MED-fLAG est réalisé avec une équipe interprofessionnelle, mais la participation d’un citoyen co-chercheur apporte une contribution irremplaçable dans la production de savoirs. Cela permet de mieux comprendre la réalité des personnes qui gèrent des médicaments au quotidien et la multitude des défis auxquels elles doivent faire face au long de la trajectoire de soins. » / CORPORE SANO

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33,1%

C’est le pourcentage de femmes atteintes de maladies cardiovasculaires. En Suisse, ce type de maladies est la cause de décès la plus fréquente. Chez les hommes, le taux s’élève à 29,6%.


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DU VENIN COMME MÉDICAMENT LES TOXINES DES ANIMAUX VENIMEUX PRÉSENTENT UN POTENTIEL IMPORTANT DANS LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX MÉDICAMENTS. TOUR D’HORIZON.

En 2011, le projet Venomics recevait 10 millions d’euros pour réaliser la première banque de toxines au monde. Le projet financé par le septième programme-cadre de l’Union européenne (FP7), qui s’est terminé en 2015, a ainsi reproduit in vitro 3600 toxines qui peuvent être utilisées pour la recherche de nouveaux médicaments. « Les toxines issues des animaux sont beaucoup plus efficaces que les molécules complètement artificielles, explique Nicolas Gilles, docteur et chercheur au Commissariat français à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

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Dans la nature, les molécules ont été raffinées par l’évolution et sont donc toujours actives. » L’avantage de la reproduction des toxines en laboratoire est aussi d’obtenir des échantillons plus grands. « Les animaux venimeux sont souvent minuscules. Et sur une araignée de 3 millimètres, par exemple, on pourra extraire très peu de toxine. » Cette démarche permet aussi de préserver la faune, car une fois reproduite en laboratoire, la toxine est à disposition et n’a plus besoin d’être prélevée dans la nature.

MATTHIJS KUIJPERS / ALAMY STOCK PHOTO

TEXTE : CAROLE EXTERMANN


STEPHEN DALTON / PHOTOSHOT / BIOSPHOTO, BIOSPHOTO / ALAMY STOCK PHOTO

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1/

TARENTULE

Le venin de tarentule pourrait présenter une alternative aux analgésiques. Des laboratoires de l’Université de Californie suivent cette piste et tentent de développer un médicament qui aura l’avantage de provoquer moins d’effets secondaires et d’être moins addictif que les opioïdes actuellement administrés pour traiter les douleurs aiguës.

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LE CÔNE MARIN

Ce mollusque marin venimeux a permis de formuler le Prialt. Un médicament, utilisé sous sa forme synthétique, contre la douleur, dix fois plus efficace que la morphine.

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MAMBA VERT

Ce serpent qui vit en Afrique de l’Est possède un venin prometteur. Nicolas Gilles travaille actuellement sur un médicament qui serait efficace pour les maladies liées aux reins. Il prévoit de lancer une start-up l’an prochain, pour développer le traitement.

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GERARD LACZ / ALAMY STOCK PHOTO

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LÉZARD LE MONSTRE DE GILA

TOM INGRAM / ALAMY STOCK PHOTO, SEAPHOTOART / ALAMY STOCK PHOTO

Les toxines présentes dans la salive de ce reptile ont permis de développer le Byetta, un médicament injectable en cas de diabète de type 2. Il permet de stimuler une libération d’insuline dès que le taux de glucose dans le sang est trop élevé.

5/

ANÉMONE DE MER

La toxine de cet animal marin est en cours d’étude. Les sécrétions toxiques de l’anémone de mer pourraient servir à fabriquer un médicament pour lutter contre des pathologies immunitaires telles que le lupus, le psoriasis ou même la sclérose en plaques.

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ans le cadre de la recherche en laboratoire, les cellules vivantes étaient généralement cultivées sur une surface plate, en 2D. Or cette technique ne permet pas d’avoir un aperçu représentatif de la complexité d’une tumeur, par exemple. Depuis une dizaine d’années, les spécialistes de ce domaine travaillent sur des cellules vivantes en 3D. Ce sont les organoïdes, qui consistent à répliquer la diversité des cellules qui forment un tissu. « Ce ne sont pas des mini-organes, précise la professeure Tatiana Petrova, du Département d’oncologie de l’UNIL. Les organoïdes sont un amas de quelques centaines de cellules qui reproduisent de nombreuses caractéristiques d’un organe. » Les organoïdes sont utilisés dans de nombreux domaines de recherche, tels que les CORPORE SANO

NOM ORGANOÏDES TAILLE PLUSIEURS CENTAINES DE MICROMÈTRES À PLUSIEURS MILLIMÈTRES. CARACTÉRISTIQUE REPRODUIRE LES PARTICULARITÉS D’UN ORGANE

Les promesses des organoïdes Ces cellules vivantes en 3D sont utilisées notamment pour tester les chimiothérapies. Elles pourraient à terme permettre de réduire la part d’expérimentation animale. TEXTE : LAURENT PERRIN FAUNE & FLORE

neurosciences, la recherche contre le cancer ou encore dans le développement biologique. Dans le futur, ils aideront à déterminer les chances de réussite d’une chimiothérapie. « Aujourd’hui, c’est comme si l’on traitait la tumeur avec un marteau. Certes, la tumeur répond à la chimiothérapie, mais il en reste parfois une partie, qui peut conduire à une récidive », explique la professeure. Ces nouvelles recherches permettraient d’être plus précis. Les maladies dégénératives comme Alzheimer et Parkinson pourraient aussi bénéficier de cette médecine de précision. « Les organoïdes permettront à terme de réduire le nombre de tests sur des animaux, mais ce n’est pas un but en soi. Le but, c’est l’avancée médicale. Et pour acquérir de l’expérience, il faut pour l’instant nécessairement passer par l’expérimentation in vivo », conclut la chercheuse. /


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FRANCOISE NINANE Directrice adjointe des soins, CHUV

Une évolution rapide, mais durable

Durant la dernière décennie, l’organisation des soins a traversé plusieurs périodes de mutation, comme l’arrivée dans les équipes des premiers infirmiers et infirmières clinicien·ne·s spécialisé·e·s formé·e·s par l’Institut de formation et recherche en soins à Lausanne. Ce nouveau rôle professionnel a contribué à la transformation des soins, désormais basés sur les connaissances scientifiques les plus récentes. Cette nouvelle organisation n’a mis qu’une dizaine d’années à se mettre en place. Dix ans seulement. Songez au temps qui a été nécessaire pour transformer nos organisations d’entreprise à l’arrivée de l’informatique. Songez encore au dossier de santé électronique, que l’on annonce depuis de nombreuses décennies…

transformer leur manière de travailler afin de tirer le plus grand profit possible de ces compétences toutes neuves. Avec d’excellents résultats : de nouvelles formes de collaboration sont ainsi nées au sein d’équipes multidisciplinaires, tandis que les équipes soignantes ont construit des stratégies innovantes pour intégrer les nouvelles pratiques de soins, basées sur des recherches académiques rigoureuses. Comme tout changement systémique, celui-ci a nécessité un accompagnement attentif pour aider à la bonne compréhension, pour valoriser la contribution de chaque membre de l’équipe de soins et – aussi – pour soutenir les professionnel·le·s dans les moments de doute. Aujourd’hui, personne ne remet en cause la plus-value du rôle des clinicien·ne·s spécialisé·e·s. Après la discipline infirmière, les autres professions de santé ont d’ailleurs emboîté le pas à ces rôles de clinicien·ne·s spécialisés, et les premiers infirmiers et infirmières praticien·ne·s spécialisé·e·s formé·e·s ayant été intégré·e·s dans la pratique depuis 2020.

ERIC DÉROZE

Si cette nouvelle organisation a pu prendre racine dans l’environnement sanitaire romand, c’est parce qu’il a été possible de prouver qu’elle avait un En Suisse romande, ce virage culturel a été certain sens pour les patient·e·s et leurs proches. conduit dans les hôpitaux d’abord, puis dans L’optimisation des pratiques de soins, les plus les structures communautaires et les lieux de actualisées, est une exigence de qualité pour les vie. En commençant une formation à soins et la santé de la population. Le terrain était l’université, plusieurs centaines de mûr, préparé par la génération qui nous a soignant·e·s ont motivé leurs institutions à précédé·e·s, et la mutation a eu lieu. Sans beaucoup créer de nouveaux types de profils et à de bruit. Mais de manière durable. /

CORPORE SANO

CHRONIQUE


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CITRATE DE SILDÉNAFIL C 22H 30N 6O 4S

C 22H 30N 6O 4S UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE : CAROLE EXTERMANN

La sulfureuse aventure du Viagra

La sérendipité, c’est le terme utilisé par les scientifiques lorsqu’ils·elles trouvent quelque chose qu’ils·elles ne cherchaient pas. Une aubaine que le laboratoire Pfizer n’a pas laissé passer. En 1989, son groupe de recherche de la ville de Sandwich, en Angleterre, travaille sur le sildénafil, une molécule destinée à devenir un nouveau médicament pour lutter contre l’angine de poitrine, et découvre ce qui deviendra le fameux Viagra.

du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Les chercheurs ont donc utilisé le sildénafil pour tenter d’inhiber cette enzyme et prolonger la dilatation des artères afin de mieux irriguer le cœur. »

L’enjeu pour ces scientifiques était de trouver un médicament dont l’effet permettrait de dilater les vaisseaux plus longtemps que la nitroglycérine, administrée depuis 150 ans contre l’angine de poitrine. « Les recherches se concentrent autour de l’enzyme phosphodiestérase-5, qui met fin à l’effet vasodilatateur de la nitroglycérine, explique Thierry Buclin, médecin-chef

Au moment des essais cliniques, c’est l’échec. Les patient·e·s ne rapportent pas d’effet sur leur angine de poitrine. En revanche, les hommes témoignent, pour la plupart, d’une superbe érection. « C’est la deuxième chance de cette découverte. Il n’était pas évident que les patients fassent part de cet effet inattendu, dans le contexte des années 1980. »

CORPORE SANO

ZOOM

En 1998, le Viagra est mis sur le marché aux États-Unis. Ce sera un succès commercial mondial sans précédent, accompagné aussi de nombreuses critiques. « Le Viagra était craint. Des personnes s’imaginaient que la pilule bleue rendrait ses utilisateurs accros au sexe ou vicieux. » Aussi, le médicament fait l’objet d’un marché noir important. En 2020, plus de 87% des médicaments saisis par les douanes suisses étaient des inducteurs d’érection. « C’est un traitement qui s’accompagne parfois d’un effet placebo. Achetés en ligne, les comprimés ne contiennent souvent pas la quantité de substance active

annoncée. Mais quand on a payé 80 CHF pour se procurer la pilule, on s’imagine que ça doit marcher. » Actuellement, en Suisse, le Viagra n’est pas remboursé par l’assurance-maladie obligatoire, sauf dans l’indication particulière de l’hypertension pulmonaire. Pourtant, la pilule bleue n’a pas qu’un intérêt récréatif, elle peut s’avérer médicalement indiquée dans le cas de certaines maladies ou traitements qui compromettent l’érection, par exemple les antidépresseurs qui provoquent cet effet chez plus de la moitié des patients. « Une autre retombée bienvenue du Viagra a été d’offrir un sursis aux rhinocéros d’Afrique, menacés d’extinction et impitoyablement chassés pour la vente de poudre de leur corne, réputée efficace contre la défaillance masculine. » /


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ÉCLAIRAGE

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Texte : Simon Faraud

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ÉCLAIRAGE

medCHUV : un portail d’accès digital aux prestations médicales Le portail medCHUV a ouvert ses portes virtuelles le 15 septembre. Ses objectifs? Pour les médecins externes, pouvoir adresser facilement des patient·e·s en offrant une porte d’entrée unique menant à toutes les prestations du CHUV, simplifier le travail administratif des secrétariats, autoriser la transmission sécurisée de données et permettre un suivi des prises en charge. Les avantages sont multiples, pour les équipes comme pour les patient·e·s.

l nous faut parfois une semaine pour avoir un dossier complet. Les demandes externes peuvent arriver par e-mail, par fax, par téléphone, voire même par courrier postal  ! » Dans les différents secrétariats du CHUV, l’ouverture d’un dossier patient peut s’avérer chronophage, comme nous le confie Nathalie Cevey, assistante de médecin au Centre coordonné d’oncologie (CCO). Et les informations se révèlent parfois difficiles à réunir, notamment les sésames que sont les numéros AVS et d’assurance-maladie, indispensables à toute admission.

« Le suivi des demandes est très compliqué. Nous aimerions être averti·e·s de ce qui se passe. » Dre Florence Joye

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Si les moyens d’envoyer des patient·e·s au CHUV restent multiples, certains médecins ou cabinets médicaux externes ont toutefois pris les devants en optant pour un système d’envoi digital des demandes de prise en charge et des dossiers médicaux. C’est par exemple le cas du Cabinet du Chêne de Thierrens (VD) où, il y a encore quelques années, «tout passait par les photocopies et le fax, avec une qualité qui rendait parfois les documents illisibles». La Dre Florence Joye, médecin interniste FMH, utilise désormais un système informatique dans lequel toutes les demandes de convocation sont créées et tous les documents pertinents chargés avant l’envoi. La Dre Joye est satisfaite du gain de temps permis par ce système, mais tout n’est pas parfait pour autant : « Le suivi des demandes est très compliqué. C’est une des limites de notre système actuel. Il arrive


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que le·la patient·e nous appelle pour nous demander si nous avons bien envoyé la convocation, car il ou elle n’a pas reçu de nouvelles depuis trois mois. Les seuls retours que nous avons, nous les avons par le biais des patient·e·s. » PLUS SIMPLE, PLUS CONFORTABLE ET PLUS RAPIDE

Les difficultés rencontrées par les professionnel·le·s extérieur·e·s au CHUV pour y envoyer des patient·e·s et suivre les demandes comptent parmi les raisons d’être de la plateforme medCHUV. « Nous souhaitons vraiment que le CHUV ne soit pas une tour d’ivoire, affirme le Dr Antoine Garnier, responsable du projet

medCHUV en bref LE CHUV DÉVELOPPE MEDCHUV POUR ATTEINDRE QUATRE OBJECTIFS

→ Rendre ses prestations visibles → Simplifier le flux de travail des secrétariats → Faciliter la création de séjours, même en l’absence du ou de la patient·e → Transmettre des documents externes directement dans le dossier, en toute sécurité LE PORTAIL EST CONSTITUÉ DE TROIS ENTITÉS

→ Le site medCHUV → L’application RefExpert contenant les prestations que chaque service veut publier → MedIn, un module de l’application institutionnelle MedEx permettant la réception et le traitement des demandes provenant de medCHUV AUJOURD’HUI, QUATRE TYPES DE DEMANDES SONT DISPONIBLES

→ Adresser son ou sa patient·e → Hospitaliser son ou sa patient·e (hors urgences) → Demander un avis sur un dossier → Obtenir un extrait de dossier

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pour la Direction médicale. Le CHUV appartient à l’ensemble des médecins du canton de Vaud, qui doivent pouvoir y accéder facilement. En ouvrant un accès direct, nous offrons un service plus simple et plus confortable. Il permet de savoir qu’on adresse son ou sa patient·e au bon endroit, offre la possibilité de faire cela indépendamment des horaires d’ouverture des secrétariats, et il envoie la confirmation de la bonne réception des dossiers. » Pour Nathalie Cevey, la plateforme medCHUV répond à un besoin de simplification et de rapidité des demandes externes : « Cela apporte un énorme gain de temps et permet une organisation plus sûre. Cela nous évitera notamment de nombreux échanges et téléphones pour recueillir les informations essentielles à la prise en charge. » UNE PLATEFORME ÉVOLUTIVE

L’accès au portail medCHUV est géré en partenariat avec la Société vaudoise de médecine (SVM), qui a participé à sa conception. Il va rapidement s’ouvrir aux autres professionnel·le·s de la santé en Suisse, comme le confirme le Dr Garnier: «Nous devons aller très vite. On peut déjà y accéder avec une adresse HIN, donc depuis toute la Suisse. Nous collaborons également avec la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV), ce qui ouvrira la possibilité pour les médecins qui travaillent dans les hôpitaux d’adresser des patient·e·s et des dossiers directement.» À terme, medCHUV per-


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mettra d’interagir avec les hôpitaux d’autres cantons, dont ceux du Valais ou de Neuchâtel, avec lesquels le CHUV entretient des rapports de collaboration étroits. Au Cabinet du Chêne de Thierrens, l’optimisme se mêle à la méfiance lorsque l’on évoque medCHUV. La facilité d’utilisation et de transfert des documents, un accès ouvert aux assistant·e·s médicaux·ales et la rapidité d’envoi des dossiers seront déterminants pour favoriser l’adoption de la plateforme par le cabinet du Chêne. Pour la Dre Florence Joye, le système représente un pas en avant significatif dans sa collaboration avec le CHUV, mais certains points restent à vérifier : « Nous devons déjà voir comment la plateforme fonctionne. Les assistant·e·s médicaux·ales jouent un rôle important en assumant une grande partie des démarches administratives. Il faudrait que la plateforme medCHUV leur permette d’envoyer directement des demandes. » Bonne nouvelle, cette fonctionnalité est en cours de développement et d’autres devraient arriver rapidement. L’évolution de la plateforme concernera aussi bien ses aspects techniques que sa manière de présenter les différentes consultations du CHUV : « Un des enjeux est la clarté des consultations proposées », résume Antoine Garnier, bien conscient que pour être pleinement adopté, le portail medCHUV doit permettre aux médecins installé·e·s de trouver rapidement les prestations qu’ils et elles recherchent.

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« Le CHUV appartient à l’ensemble des médecins du canton de Vaud, qui doivent pouvoir y accéder facilement. » Dr Antoine Garnier

POUR LE BIEN DES PATIENT·E·S

La transition vers une utilisation de medCHUV à large échelle se veut d’ailleurs douce et progressive, tant pour les collaborateur·trice·s du CHUV que pour les prestataires externes : « Il n’y a pas d’obligation, nous ne sommes pas en train de fermer des canaux d’accès au CHUV. Un médecin qui aurait l’habitude d’appeler un ou une collègue pourra continuer à le faire », insiste le Dr Garnier, pour qui la plateforme répond à l’évolution de la société et de la médecine vers toujours plus de digitalisation : « Certains canaux vont se fermer naturellement. Par exemple, le fax ou le courrier. » Surtout, toutes et tous s’accordent pour pointer du doigt le principal bénéfice apporté par cette nouvelle organisation, comme le résume Nathalie Cevey : « C’est avant tout très bénéfique pour les patient·e·s, car nous pouvons les prendre en charge beaucoup plus rapidement. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour le bien des patient·e·s. »


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LE PORTRAIT DE

PARCOURS

Hélène Girard Les premières infirmières cliniciennes spécialisées (ICLS) romandes sont apparues il y a dix ans exactement. Hélène Girard est issue de la 5e volée et œuvre auprès des personnes âgées. Elle incarne ce mariage réussi entre la science et la pratique clinique. TEXTE : NICOLAS JAYET PHOTO : ERIC DÉROZE

« La science permet d’améliorer l’évaluation des besoins et des risques, de mieux prévenir, de mieux soulager. Mais elle n’empêche pas la mort, cette partie de la vie que l’on ne maîtrise pas et qui nous ramène à notre rôle premier, l’accompagnement. »

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CURSUS

PARCOURS

1985-1995

DE LA VILLE AUX VACHES Hélène Girard vient au monde le 9 décembre 1985 à Genève, mais emménage à L’Étivaz, un village célèbre pour son fromage, à l’âge de 5 ans. En l’absence de cantine scolaire, c’est à l’EMS que la sage écolière prend ses repas de midi, en compagnie des résident·e·s. Des liens se créent.

1996-2008

INFIRMIÈRE PLUTÔT QUE VÉTÉRINAIRE Passionnée par les animaux, elle se rêve vétérinaire jusqu’au jour où l’un d’eux recommande l’euthanasie de son cochon d’Inde ! Désormais, Hélène Girard cherche un projet professionnel davantage orienté vers « l’accompagnement » et se laisse convaincre par le témoignage d’une infirmière au Salon des métiers. Elle quitte le Pays-d’Enhaut et décroche son bachelor à la Haute école de santé Vaud. Une « école de la vie », dans laquelle elle ne manquera pas de suivre tous les cours à option sur la personne âgée et les soins palliatifs.

2009-2013

RETOUR À DOMICILE Diplôme d’infirmière HES en poche, elle débute au CHUV, en médecine interne. Elle y approfondit ses domaines de prédilection – gériatrie, santé mentale, addictions – puis rejoint le CMS d’Épalinges comme infirmière référente. Au cœur des soins à domicile, elle mesure davantage encore la responsabilité derrière chacune de ses décisions et l’importance d’un solide partenariat avec les soigné·e·s et leurs proches.

2013-2015

CONTRE LA FRUSTRATION, LE MASTER Après cinq ans de pratique, le compte n’y est pas. Exigeante avec ellemême, Hélène Girard voudrait améliorer la qualité de ses décisions, son jugement clinique et la collaboration avec les collègues médecins. Pour cela, elle s’engage à temps plein dans la réalisation du master en sciences infirmières. Deux ans plus tard, c’est en qualité d’infirmière clinicienne spécialisée qu’elle postule au CHUV, en gériatrie.

2016-2021

LA SCIENCE, LA MORT, LA VIE Le rôle d’ICLS a du sens à ses yeux. Sur le site de Sylvana où elle exerce actuellement, Hélène Girard contribue à améliorer les soins dispensés aux personnes âgées sur la base de savoirs scientifiques, tout en les adaptant au contexte et à la volonté des patient·e·s. Quant à ses projets à court terme, il s’agira de la naissance de son second enfant au tout début de l’année prochaine.

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BACKSTAGE

SHOOTING Gilles Weber a réalisé le portrait de Chantal Berna Renella qui s’est exprimée dans ce numéro sur les alternatives à la prise de médicaments dans la gestion de la douleur.

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ERIC DÉROZE

COUVERTURE Plusieurs pistes ont été explorées pour représenter la thématique du doute en Médecine.


CONTRIBUTRICES

GABRIELLA SCONFITTI Gabriella Sconfitti a rejoint le Service de communication et de création audiovisuelle du CHUV il y a plus de dix ans. Depuis 2021, elle est aussi adjointe à la direction de ce service. Sa grande connaissance de l’institution et son sens stratégique aiguisé sont des atouts précieux pour aider à l’élaboration du sommaire. Elle est aussi l’une des dernières relectrices du magazine et se porte garante de sa qualité.

CAROLE EXTERMANN Pour ce numéro d’«In Vivo», Carole Extermann s’est occupée de la coordination du magazine. Elle a aussi contribué à la rédaction en s’intéressant au Sildénafil, la molécule qui a permis la découverte fortuite du Viagra. Pour «In Extenso», elle s’est penchée sur les mystères de la gémellité. Carole Extermann travaille en tant que journaliste chez Large Network depuis 2018.

MERET WATZLAWICK Diplomée de la HEAD, Meret Watzlawick est une graphiste genevoise de 28 ans qui travaille régulièrement pour Large Network depuis deux ans. Son interêt particulier pour l’édition et la presse lui a fait découvrir l’agence Large Network justement grâce au magazine «In Vivo». Elle a collaboré à la mise en page de ce numéro.

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IN VIVO

Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse Large Network www.invivomagazine.com

ÉDITION

CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch Large Network, www.largenetwork.com redaction@invivomagazine.com T. + 41 22 919 19 19 ÉDITEURS RESPONSABLES

Béatrice Schaad et Philippe Eckert DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE

Arnaud Demaison, Bertrand Tappy (ad interim) REMERCIEMENTS

Le Service de communication du CHUV

PARTENAIRE DE DISTRIBUTION

BioAlps

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION

Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET

Carole Extermann DESIGN

Large Network (Aurélien Barrelet, Sabrine Elias, Julien Savioz, David Stettler, Meret Watzlawick)

RÉDACTION

Large Network (Yann Bernardinelli, Arnaud Demaison, Andrée-Marie Dussault, Carole Extermann, Simon Faraud, Erik Freudenreich, Nicolas Jayet, Adrien Kuenzy, Annegret Mathari, Patricia Michaud, Laurent Perrin, Jean-Christophe Piot, Stéphanie de Roguin, Arthur du Sordet, Adriana Stimoli, Martyna Tomczyk)

RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE

Sabrine Elias, David Stettler MISE EN PAGE

Aurélien Barrelet, Julien Savioz, David Stettler, Meret Watzlawick COUVERTURE

Large Network, Aurélien Barrelet IMAGES

CHUV (Rémi Clément, Eric Déroze, Heidi Diaz, Gilles Weber) IMPRESSION

PCL Presses Centrales SA TIRAGE

15 000 exemplaires en français Les propos tenus par les intervenants dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.

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