IN VIVO #28

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Penser la santé

N° 28 – DÉCEMBRE 2023

HÔPITAL / ENVIRONNEMENT / SANTÉ

FERTILITÉ Les enjeux des grossesses tardives

CHEVEUX Solutions contre l’alopécie

ACNÉ Des traitements toujours plus ciblés

Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

IN VIVO / N° 28 / DÉCEMBRE 2023

SOMMAIRE

IN SITU

07 / HEALTH VALLEY

Émotions et démence

11 / SUR LA ROUTE

Une bague connectée

FOCUS

17 / DOSSIER

Médecine et durabilité : le défi du siècle

PAR CAROLE BERSET, ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, CAROLE EXTERMANN

Le samedi 29 mai 2021, à Genève, environ 200 professionnel·le·s de la santé manifestaient devant le siège de l’Organisation mondiale de la santé. Portées par le mouvement Doctors for Extinction Rebellion, les revendications étaient claires : il faut urgemment que tous les pays reconnaissent les risques sanitaires liés au réchauffement climatique, puis qu’ils passent à l’action. Aujourd’hui encore, les membres de l’organisation réclament qu’il soit déclaré publiquement que le changement climatique met les gens en danger de mort.

Le magazine In Vivo édité par le CHUV est vendu au prix de CHF 5.- en librairie et distribué gratuitement sur les différents sites du CHUV.

MENS SANA

32 / INTERVIEW

Samah Karaki :

« Nous ne sommes pas aussi libres que nous aimerions le croire »

PAR ÉMILIE MATHYS

36 / TENDANCE

Perdre ses cheveux

PAR ARTHUR DU SORDET

40 / DÉCRYPTAGE

Troubles de l’audition, sujet tabou

PAR AUDREY MAGAT

44 / PROSPECTION

Ces grossesses tardives

PAR ÉMILIE MATHYS

47 / COULISSES

L’hypertension, aussi chez les jeunes

PAR ERIK FREUDENREICH

CORPORE

SANO

50 / INNOVATION

La santé sur smartphone

PAR CAROLE BERSET

54 / TENDANCE

Le succès des immunothérapies contre les mélanomes

PAR JULIEN CREVOISIER

58 / TABOU

Problèmes d’éjaculation

PAR YANN BERNARDINELLI

ET CAROLE EXTERMANN

62 / DÉCRYPTAGE

L’acné à l’ère de la peau parfaite

PAR BLANDINE GUIGNIER

67 / EN IMAGES

Les coulisses des cuisines du CHUV

PAR AUDREY MAGAT

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ARNAUD DEMAISON

Responsable éditorial

SOIGNER TUE

Cet été, près de 70% de la population suisse se déclarait préoccupée par le changement climatique. La crise environnementale ne se limite plus à des scénarios catastrophes lointains, mais devient de plus en plus concrète avec des répercussions bien tangibles. Pendant que les forêts d’Amérique et d’Australie brûlent, l’Europe se noie sous les crues. Un continent de plastique dérive sur l’océan Pacifique et l’Asie étouffe sous son smog. Et ce déchaînement des éléments nous rend malades.

Cancers (p. 54), maladies respiratoires, éco-anxiété (p. 22) ou encore problèmes de fertilité (p. 44). Et si même nos problèmes de peau (p. 62) et autres dérèglements hormonaux (p. 75) étaient des conséquences de la pollution humaine ? Pas de panique, l’hôpital est là pour soigner ces maux. Mais avec quel impact écologique ? Le système de santé suisse est particulièrement gourmand. Il représente près de 7% de notre empreinte carbone, un chiffre comparable à celui de l’aviation civile. En hausse constante, les besoins énergétiques de l’hôpital contribuent ainsi à l’apparition des problèmes qu’il est censé traiter (p. 17). Subtilement, l’histoire du pompier pyromane se répète.

Dès lors, comment rendre la consommation de soins plus durable alors que la courbe des besoins continue de croître : c’est le casse-tête auquel doivent maintenant s’attaquer les professionnel·le·s du secteur. Les défis démographiques comme le vieillissement de la population ne font que renforcer les effets de ce cercle vicieux. Alors certes, rien n’est trop cher lorsqu’il est question de santé. Mais finalement, quelles sont les conséquences ? /

Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de « Health Valley ».

IN SITU HEALTH VALLEY

Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.

NEUCHÂTEL P. 8

Un escape game pour prévenir les addictions.

FRIBOURG P. 9

Des surfaces autodésinfectantes ont été développées par l’Université de Fribourg.

LAUSANNE P. 8

Le designer Renaud Defrancesco a participé au développement d’un stéthoscope lié à l’IA.

GENÈVE P. 7

Le rôle des émotions négatives dans la démence, étudié par une équipe de l’UNIGE.

PROTHÈSE

CARDIAQUE

La société Novostia conçoit des valves cardiaques dans un nouveau matériau. L’innovation permet d’assurer une meilleure qualité à la prothèse et donc d’améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de maladies cardiaques, et particulièrement les jeunes patient·e·s. La société, basée à Neuchâtel, vient d’annoncer une levée de fonds de 2,5 millions.

ANTIPSYCHOTIQUE

Un trophée de l’innovation 2023 a été remis à Marco De Pieri et Greta Poglia, aux HUG. Le duo a imaginé un outil génétique pour personnaliser un traitement antipsychotique. Le projet « Les affinités (s)électives » fonctionne avec un kit génétique rassemblant un ensemble de variations d’ADN qui permettra d’orienter l’administration d’un traitement précis aux personnes atteintes de schizophrénie.

CANCER

Le spin-off Parithera développe un diagnostic précoce pour lutter contre les cellules tumorales résistantes. Pour éviter d’administrer des traitements qui ne fonctionnent pas, Parithera a élaboré un appareil en collaboration avec l’EPFL et l’EPFZ. La jeune entreprise a notamment obtenu des fonds d’Innosuisse et de Venture Kick du Biopôle.

C’est le nombre de personnes décédées en Suisse en une année, en lien avec des effets secondaires d’un médicament. Ils concernent le plus souvent le système digestif, urogénial, l’état mental ou comportemental.

« Je crois que le vaccin Covid-19 pour Moderna a joué en quelque sorte le rôle de l’iPhone pour Apple. »

DAN STANER

DIRECTEUR SUISSE DE MODERNA, À PROPOS DES VACCINS À ARN MESSAGER. DANS LA MATINALE DE LA RTS DU 11 OCTOBRE 2023, IL S’EST EXPRIMÉ SUR LA MANIÈRE DONT LE DÉVELOPPEMENT DE CETTE TECHNOLOGIE A OUVERT DE NOUVELLES PISTES DE TRAITEMENTS AU-DELÀ DU COVID-19.

Les seniors et le cannabis

DOULEURS Les produits au CBD intéressent surtout les personnes de plus de 60 ans, d’après une étude d’Addiction Suisse. Sous forme d’huile, de chewing-gums ou de baumes, le cannabis aide à réduire l’anxiété, les douleurs liées aux inflammations ou encore les problèmes de sommeil. Pourtant, leur efficacité n’est pas encore prouvée scientifiquement et les produits, souvent chers, pas remboursés par les assurances maladie. L’année dernière, l’Association des chimistes cantonaux a révélé que la majorité des produits trouvés dans le commerce étaient non conformes en raison de leur teneur trop élevée en CBD ou THC.

UN CHEWING-GUM POUR RÉDUIRE L’OBÉSITÉ

Destiné d’abord aux enfants souffrant d’obésité, ce chewing-gum, au goût de menthe permet d’agir sur la métabolisation intestinale. Baptisé « FibreGum », l’aliment contient des fibres alimentaires fermentées par un groupe de bactéries spécifiques visant à améliorer l’équilibre du microbiote et donc de lutter contre l’obésité. Un essai est actuellement mené sur un groupe de 100 enfants. La technologie a été développée par Maria Luisa Balmer, chercheuse à l’Université de Berne.

Méditer pour mieux vieillir ?

La régulation des émotions négatives pourrait participer à prévenir le développement de maladies neurodégénératives.

MÉMOIRE Lorsqu’elles ne sont pas régulées, les émotions négatives peuvent impacter durablement certaines zones du cerveau. Une recherche européenne en cours, codirigée par l’UNIGE, ajoute que cet effet pourrait même donner lieu au développement d’une maladie neurodégénérative. Cette étude met en lumière la manière dont les émotions négatives peuvent perturber les connexions neuronales, en particulier dans les régions responsables de la gestion des émotions et de la mémoire autobiographique. L’équipe de recherche avance l’hypothèse qu’une régulation émotionnelle appropriée pourrait jouer un rôle essentiel dans la prévention de la neurodégénérescence.

En effet, le vieillissement démographique de notre société s’accompagne de la croissance des maladies neurodégénératives, un défi majeur du XXIe siècle. Tandis que l’espérance de vie augmente, la recherche médicale se concentre sur la prévention et la prise en charge de ces pathologies. Gilles Allali, directeur du Centre Leenards de la mémoire au CHUV, rappelle que l’intérêt pour ces maladies n’est pas nouveau, mais les neurosciences ont fait récemment d’énormes progrès dans la compréhension de leurs mécanismes.

Les émotions jouent un rôle essentiel dans le bien-être mental et par extension dans la santé cérébrale. La tristesse, la colère, la peur ou l’anxiété font partie intégrante de l’expérience humaine, mais peuvent parfois s’installer de manière chronique ou incontrôlable, lorsque l’individu souffre par exemple de dépression. Leur impact sur le cerveau pourrait alors conduire à une plus grande vulnérabilité, donc à ce que l’on désigne communément comme démence. « La démence n’est pas un diagnostic en soi, mais désigne plutôt l’ensemble de troubles affectant la mémoire, la pensée, la communication et le comportement d’un individu », explique Gilles Allali. La distinction est en

effet importante, puisqu’elle laisse entendre que la réalité des maladies neurodégénératives est multiple et complexe, de même que l’importance d’en décrypter les rouages.

Des recherches récentes ont également mis en évidence l’importance de l’inflammation systémique dans le développement de ces maladies. Le stress chronique est associé à une inflammation prolongée du corps, ce qui constitue un facteur de risque potentiel. Une piste pour la prévention de ces facteurs aggravants semble ainsi se dessiner du côté d’une prise en charge psychologique et mentale. Des études en cours en neurosciences suggèrent en effet que des pratiques comme la thérapie cognitivo-comportementale ainsi que la méditation en pleine conscience, peuvent avoir un impact positif sur la santé cérébrale, en favorisant notamment la neuroplasticité et en améliorant la régulation des émotions. Ces approches pourraient ainsi jouer un rôle majeur dans la prévention du risque de neurodégénérescence.

Depuis 2013, le Centre Leenaards de la mémoire offre un soutien essentiel aux patient·e·s atteint·e·s de maladies neurodégénératives et à leurs proches. Les avancées dans la compréhension de ces pathologies permettent de mieux adapter les outils thérapeutiques, notamment en ce qui concerne l’encadrement psychologique des patient·e·s et de leur entourage.

EN HAUT : GILLES ALLALI, DIRECTEUR DU CENTRE

LEENARDS DE LA MÉMOIRE

EN BAS :

FORMATION D’UNE

PLAQUE AMYLOÏDE

ENTRE LES NEURONES

DANS LA MALADIE D’ALZHEIMER.

Il est aujourd’hui formellement établi que la santé mentale et la santé physique sont étroitement liées, la mise en place de stratégies de prévention devient donc un enjeu majeur. Le récent engouement public pour les domaines de la santé mentale et des neurosciences pourrait constituer un atout précieux pour la promotion de modes de vie favorables à une santé mentale et physique équilibrée et contribuer à ce qui devient rapidement un enjeu de santé publique. /

3 QUESTIONS À

RENAUD DEFRANCESCO

DESIGNER ET DIRECTEUR DU BUREAU 141 À LAUSANNE, IL VIENT DE DÉVELOPPER LE PNEUMOSCOPE, UNE FORME DE STÉTHOSCOPE QUI PEUT AIDER À DÉTECTER

CERTAINES MALADIES PULMONAIRES GRÂCE À L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE.

1 QU’EST-CE QUE LE PNEUMOSCOPE ?

C’est un projet initié en 2018 par le professeur Alain Gervaix, chef des urgences pédiatriques aux HUG, en collaboration avec l’organisation Terre des Hommes et l’EPFL. Il s’est inspiré de l’application de reconnaissance de musique Shazam pour concevoir le pneumoscope, un stéthoscope qui enregistre des bruits pulmonaires et les analyse grâce à l’intelligence artificielle. À partir de cette idée, j’ai développé, en partenariat avec la start-up Onescope, un dispositif ergonomique qui tient dans la paume de la main permettant d’aider au diagnostic de maladies telles que l’asthme, la bronchiolite ou la pneumonie. Le pneumoscope est actuellement en phase de test.

2 QU’EST-CE QUI VOUS STIMULE DANS LA CRÉATION DE DISPOSITIFS MÉDICAUX ?

Je trouve ce type de projets intéressants, car il apporte des outils utiles à la société. Dans le cas

du pneumoscope, l’enjeu était capital puisque la pneumonie est la principale cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans dans le monde. S’il est d’abord destiné aux médecins, à terme, l’objet pourra être utilisé par le grand public.

3

COMMENT SE DÉROULE LA CONCEPTION D’OBJETS MÉDICAUX ?

Le design d’un objet médical et son ergonomie sont conçus en interaction avec des tests d’utilisateurs. Dans le cas du pneumoscope, la technologie permettait de faire un objet plus petit, mais, pour les professionnels de la santé qui l’ont essayé, l’expérience d’utilisation de l’instrument était meilleure lorsque ce dernier était légèrement plus volumineux. De plus, ce type d’objets doit répondre à des certifications médicales ; les matériaux doivent être bio-compatibles, soit capables d’être tolérés par un organisme vivant, et la forme de l’objet doit être simple et facilement nettoyable. /

Un escape game contre les addictions

SENSIBILISATION Pour prévenir les comportements addictifs à risque chez les jeunes, Promotion santé Valais a imaginé un dispositif ludique. À travers un escape game sur tablette, les participant·e·s doivent résoudre des énigmes pour libérer le personnage de l’espace virtuel dont il est prisonnier. L’action a donné lieu à un travail de recherche mené par l’Université de Neuchâtel afin d’évaluer les effets du dispositif pour prévenir les risques d’addiction à l’alcool, au cannabis, au tabac ou aux écrans qui peuvent toucher les jeunes.

Pour traiter certains troubles de la vision, il est possible d’intervenir directement sur les gènes concernés. Présentation en trois étapes.

LA THÉRAPIE GÉNIQUE POUR RETROUVER

LA VISION

« REMPLACER » UN GÈNE DÉFECTUEUX

Pour les personnes atteintes dans leur vision, la thérapie génique ophtalmique peut « remplacer » un gène défectueux à l’origine d’une maladie héréditaire où les photorécepteurs – les cellules de la rétine qui captent les signaux lumineux – sont lésés. Comme dans le cas de la rétinite pigmentaire, une maladie génétique due à des mutations du gène RPGR sur le chromosome X. Cette maladie dégénérative de l’œil se caractérise par une perte progressive et précoce de la vision évoluant vers la cécité. En avril, la première thérapie génique ophtalmique en Suisse romande a été réalisée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne.

ADMINISTRER UN PRODUIT DE THÉRAPIE GÉNIQUE

Ce « remplacement » est fait en introduisant une version saine du gène déficient au sein même du noyau d’une cellule visée à l’aide d’un vecteur viral, modifié et inoffensif. Concrètement, un produit de thérapie génique, le botaretigene sparoparvovec, est administré par injection sous-rétinienne. Lorsque le vecteur viral contenant le gène sain est injecté dans l’œil, il transfère celui-ci dans les cellules photoréceptrices, permettant ainsi la transcription de la protéine manquante nécessaire à la vision.

AMÉLIORATIONS

DE LA FONCTION DES PHOTORÉCEPTEURS

Dans le cadre d’un essai clinique de phase III, mené par l’équipe de Hoai Viet Tran de l’Hôpital ophtalmique JulesGonin, le botaretigene sparoparvovec, qui délivre des copies fonctionnelles du gène RPGR dans l’œil, a démontré une grande efficacité. Des améliorations de la fonction des photorécepteurs ont notamment été observées. Une meilleure sensibilité rétinienne, voire une amélioration de l’acuité visuelle et du champ visuel ont pu être mesurées chez certain·e·s patient·e·s. Le produit pourrait permettre ainsi de ralentir la progression de la maladie. Sans traitement jusqu’aux avancées de la thérapie génique, la rétinite pigmentaire était considérée comme incurable.

Le nœud chirurgical parfait

FORMATION La technique des nœuds chirurgicaux parfaits a été dévoilée en juin dernier par des scientifiques de l’EPFL. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les chirugien·ne·s effectuaient ce geste de manière intuitive et il leur fallait souvent des années de pratique pour que le nœud tienne bien. Les résultats de l’étude pourraient donc servir à remédier à cette approche intuitive en formant plus rapidement les médecins à la réalisation de nœuds chirurgicaux plus sûrs.

Des surfaces autodésinfectantes

HYGIÈNE Sous forme de revêtement, l’innovation développée par l’Université de Fribourg permet de réduire une population bactérienne par 10’000, en moins de cinq minutes. Un dispositif particulièrement utile dans un environnement hospitalier. La découverte est d’autant plus intéressante qu’elle fonctionne sans solvants toxiques et est compatible pour l’instant sur des surfaces en coton, en caoutchouc ou en verre.

3 QUESTIONS À ARTHUR GERMAIN

ONEDOC, LE SITE DE RENDEZ-VOUS MÉDICAUX EN LIGNE, COMPTE ACTUELLEMENT 7500 PROFESSIONNEL·LE·S ET 2,5 MILLIONS DE PERSONNES INSCRITES. SON COFONDATEUR REVIENT SUR CE SUCCÈS.

1 COMMENT AVEZ-VOUS EU L’IDÉE DE CRÉER

CETTE PLATEFORME ?

Avec mon associé Alexandre Curreli, nous avions envie de lancer une entreprise, sans savoir encore dans quel secteur. Après avoir exploré de nombreuses possibilités dans des domaines différents, nous sommes tombés par hasard sur des plateformes étrangères de prise de rendez-vous médicaux en ligne et nous avons décidé, en 2017, de créer une alternative suisse.

2 QUELLES DIFFICULTÉS AVEZ-VOUS RENCONTRÉES ?

Les obstacles ont surtout concerné la partie commerciale. Il a fallu beaucoup de temps et d’arguments pour convaincre les premiers médecins de nous rejoindre. Ils étaient souvent réticents à utiliser des technologies qu’ils ne connaissaient pas. Le succès a été relativement rapide. Aujourd’hui OneDoc compte 7500 professionnels et 2,5 millions de patients. La plateforme simplifie et améliore la relation entre patients et médecins, tout en dégageant du temps pour les assistants médicaux afin qu’ils et elles puissent se concentrer sur le cœur de leur métier et ainsi gagner en productivité.

3 QUELS SONT LES PROJETS FUTURS ?

L’objectif est double : continuer à développer le nombre d’utilisateurs de la plateforme mais aussi élargir les services proposés. Outre la prise de rendez-vous en ligne, il existe depuis la pandémie une solution de télémédecine pour les professionnels qui connaît actuellement un regain d’activité significatif. De nouvelles fonctionnalités, disponibles dans les prochains mois permettront à des généralistes ou des pharmaciens d’adresser leurs patients à des spécialistes de manière informatisée et efficace. /

Dons du sang inclusifs

ÉGALITÉ Depuis le 1 er novembre, les hommes homosexuels peuvent participer au don du sang sans restrictions supplémentaires. Interdits jusqu’en 2017, les dons étaient ensuite autorisés pour les hommes pour autant qu’ils n’aient pas eu de rapport avec d’autres hommes au cours des douze derniers mois. Désormais, les délais de suspension sont identiques pour tous. Cette nouvelle réglementation s’est basée sur une évaluation des risques menée par un groupe d’expert·e·s mandaté par Transfusion CRS Suisse.

Désengorger les urgences

APPLICATION Le taux de consultations aux services d’urgence du canton de Vaud figure parmi les plus élevés de Suisse. Pour réduire la fréquentation des hôpitaux, les médecins Alexis Bikfalvi et Eric Albrecht ont lancé une application de consultations à domicile. Docadom permet d’orienter les personnes qui ont besoin d’un traitement en urgence et celles qui peuvent recevoir un traitement à la maison. Les médecins de Docadom se déplacent à vélocargo électrique et interviennent rapidement.

Les coûts démesurés de la sédentarité

OBÉSITÉ La population suisse manque de connaissances sur la quantité d’exercice physique nécessaire pour garder la santé. Telle est la conclusion de l’enquête « Santé et Lifestyle » menée par l’Office fédéral de la santé publique. Et d’après l’OMS, d’ici à 2030, 500 millions de personnes seront concernées par l’obésité ou des maladies liées à l’inactivité. L’organisation appelle les différents pays à mettre en place des politiques pour encourager la population à être plus active. Et la Confédération a mis à jour ses recommandations : 150 à 300 minutes d’activité physique par semaine pour les adultes et 60 minutes par jour pour les enfants.

SUR LA ROUTE

À la rencontre des acteurs et actrices de la Health Valley. Nouvelle étape : Neuchâtel.

ÉTAPE N° 28

SENBIOSYS

NEUCHÂTEL

Alliance entre la santé et la bijouterie

La bague connectée imaginée par la start-up Senbiosys apporte un outil efficace.

TEXTE : LAURENT GRABET

En mars dernier, la start-up neuchâteloise

Senbiosys levait près de 550’000 francs en un mois sur la plateforme de crowdfunding Kickstarter. Cinq fois plus que le montant espéré. La raison d’un tel enthousiasme ? Sa bague connectée Iris, dont pas moins de 10’000 exemplaires ont déjà été précommandés à ce jour générant 1,5 million de francs de revenus. Sa production en série commencera début 2024, selon Antonino Caizzone, ancien chercheur en électronique de l’EPFL et cofondateur du projet. Le duo travaille sur cet objet depuis 2017. Avec ses 5 mm de large pour 2,5 mm d’épaisseur, la bague connectée Iris est la plus fine du monde. Contrairement aux montres souvent moins précises, car les données récoltées au poignet sont moins perceptibles, elle n’a pas besoin d’être rechargée tous les un à trois jours.

« Nos batteries fonctionnent avec

seulement un peu de lumière », précise Antonino Caizzone. Mais cette bague est surtout révolutionnaire grâce au capteur miniature dont elle est équipée. Son volume est de 4 mm3. C’est 5 fois moins que ce qui existait jusqu’alors sur le marché. Cette bague connectée mesure les signaux vitaux de la personne qui la porte en continu, sans avoir à l’enlever la nuit comme c’est souvent le cas avec les montres connectées. « La bague mesure la fréquence cardiaque, la pression artérielle ou le taux d’oxygénation du sang. Son avantage par rapport à une montre est qu’il est plus facile de la garder tout au long de la journée et la nuit. Les données sont donc plus précises, permettant ainsi une meilleure prévention. » L’entreprise de l’Italien de 33 ans compte une dizaine d’employé·e·s et est à la recherche de nouveaux investisseurs. / senbiosys.com

SI LES ACTES SONT INDIVIDUELS, LE SUCCÈS

EST COLLECTIF

TEXTE :

C’est un adage que j’exprime fréquemment dans des contextes différents, soulignant l’importance du collectif, la nécessité de bâtir ensemble, de capitaliser sur des expertises individuelles qui s’enrichissent mutuellement et conduisent à des effets perceptibles.

La question de la durabilité n’échappe pas au concept de « la goutte d’eau dans l’océan » qui peut décourager les bonnes volontés et justifier le fait de ne rien entreprendre au vu de l’ampleur de la tâche. Pourtant, la prise de conscience de la responsabilité du monde médical et pharmaceutique est réelle, mais des méthodologies et des métriques ont été développées et des exemples lumineux existent. Ils méritent d’ailleurs bien plus de visibilité, afin de servir de source d’inspiration, ce que l’Académie suisse des sciences techniques (SATW) va faire dans le cadre de son Tech for Society Award dès l’an prochain.

Un article de Chimia* résume l’approche soutenue par la SATW qui encourage le développement de bonnes pratiques dans le domaine pharmaceutique. Elle invite à aborder la durabilité en la comparant au fait de manger un éléphant. La problématique, tout comme l’animal, est bien trop massive pour être abordée sans être décomposée. Une technique qui empêche de se sentir impuissant. Cela me rappelle un calcul que j’effectuais cet été pour prendre conscience de l’impact des feux de forêt au Canada (1 milliard de tonnes de CO2) alors que la saison des incendies n’était pas encore finie. Rapporté à des échelles plus intuitives, cela représente 71 milliards de cigarettes consommées, ou 192’000 tours du monde en voiture… facile de se décourager en se disant que son action individuelle n’est pas significative.

NE RIEN FAIRE SERAIT LA PIRE DES SOLUTIONS

Entre la théorie et la pratique, il n’y a pas qu’un pas, mais un long chemin, tant il est vrai que les exercices collectifs nécessitent beaucoup d’application et de rigueur. Une solide gestion présupposant une confiance établie et surtout une ambition commune.

inartis.ch republic-of-innovation.ch healthvalley.ch

Ce chemin, l’industrie pharmaceutique l’a emprunté depuis longtemps en travaillant sur la diversité de ses opérations : améliorer les formulations, les processus et la logistique, mais surtout en coordonnant ses actions avec celles de ses partenaires. La prise de conscience de l’importance d’actions collectives pour atteindre un impact significatif a d’ailleurs été relevé par l’enquête conduite par Fortune/Deloitte en 2022 auprès des « Life Science CEOs ».

Selon ce document, 50% des PDG s’engageraient à coordonner leurs actions avec tous les intervenants de l’écosystème de la chaîne d’approvisionnement. Ce même rapport met en évidence l’importance particulière des opportunités en matière de durabilité dans le secteur de la chimie pharmaceutique, qui est responsable d’environ 90% des ventes mondiales. Le défi réside dans les facteurs E élevés (ratio kg de déchets/kg de produit final) liés principalement à l’augmentation de la complexité de la production de ces médicaments.

Des améliorations de procédés de production apportent une réponse, dont l’effet est double : en termes d’impact sur l’environnement mais également sur le coût de production, démontrant l’intérêt de s’engager résolument dans cette voie. Un troisième bénéfice loin d’être négligeable touche à l’intangible, l’image d’une industrie attachée au « Swissness », synonyme de précision, de fiabilité et d’efficacité et qui, grâce à cet engagement intégrera la dimension de durabilité, à savoir produire des médicaments efficaces de manière durable. /

* Sustainability Across the Pharmaceutical Value Chain : How Switzerland Could Take a Leading Role in Promoting a Greener Approach ; Marta Gehring and Hans-Peter Meyer, Chimia 2022, 76, No 9

BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président du BioAlps et directeur du site Campus Biotech

POST-SCRIPTUM

LA SUITE DES ARTICLES D’ IN VIVO

AVEUGLES

Méfiez-vous de vos perceptions

Pouvoir lire la notice d’un médicament est un geste essentiel. Pourtant les personnes aveugles n’y ont pas accès. Une problématique sur laquelle un groupe d’étudiant·e·s a décidé de se pencher dans le cadre de l’Assistive Technologies Challenge, un cours-projet de l’EPFL coordonné par l’association HackaHealth. L’application MedScan que le groupe a développée permet, en scannant une boîte de médicaments d’avoir accès à des informations simples comme le nom du produit, sa date d’expiration ou encore le dosage recommandé. L’application sera disponible en français, en allemand et en italien. /

OVOCYTES

Infertilité, quand la science crée la vie

Le nombre de femmes ayant recours à la congélation d’ovocytes s’accroît de façon exponentielle. Pourtant seules 13 à 15% d’entre elles les utiliseront. En effet, pour la majorité, la grossesse surviendra naturellement ou ne sera finalement pas souhaitée. Au CHUV aussi, le nombre de patientes qui congèlent leurs ovocytes a été multiplié par 5 au cours de ces huit dernières années. Une augmentation qui serait notamment liée à la révision de la loi sur la procréation assistée qui permet désormais de conserver les ovocytes durant dix ans, contre cinq auparavant. /

OPÉRATIONS

Jeunes et transgenres : comment les accompagner ?

Ces dernières années, le nombre d’opérations de réassignation sexuelle augmente. Des gestes auxquels ont principalement recours les jeunes. En octobre dernier, l’OFS indiquait que les interventions de cet ordre avaient augmenté de 115% entre 2018 et 2022. Ces opérations permettent d’aligner les caractéristiques physiques sur le genre ressenti. La plus courante est la mastectomie, soit l’ablation des seins, qui a été pratiquée, en Suisse, à 221 reprises en 2022. Les personnes qui ont réalisé cette opération sont en moyenne âgées de 27 ans. /

SOMMEIL

De l’alimentation fermentée au microbiote urbain

Pour la première fois, une corrélation a été établie entre le microbiote intestinal et la maturation du sommeil des nourrissons. C’est le résultat d’une recherche menée par une équipe de l’Université de Fribourg en lien avec la création du Baby Sleep Laboratory. D’après les premières pistes, les bébés qui ont un microbiote peu diversifié font plus de siestes au long de la journée. Les spécialistes ont aussi pu remarquer qu’il y a une forte corrélation entre la maturation du cerveau, du système digestif et la maturation du sommeil vers l’âge de 3 mois. /

L’ADN DE BEETHOVEN DÉCRYPTÉ GRÂCE À UN CHEVEU

En léguant des mèches de cheveux, peu avant sa mort, Ludwig van Beethoven ne pouvait pas s’imaginer qu’elles seraient analysées, 196 ans plus tard. L’ADN séquencé grâce à ses cheveux n’a pas encore permis de comprendre à quelle pathologie était liée sa surdité, mais l’équipe de recherche a pu confirmer la maladie qui a causé sa mort. Dans un article publié dans la revue Current Biology, l’équipe de l’institut allemand Max-Planck de science de l’histoire humaine explique avoir identifié une variante génétique prédisposant aux maladies du foie. L’analyse génétique concorde avec les écrits du célèbre compositeur qui font souvent état de crises de jaunisse et avec la cirrhose qui a causé sa mort.

Les spécialistes espèrent poursuivre les recherches pour parvenir à comprendre la cause de la surdité brutale qui frappa Beethoven au cours de sa 30e année.

IMAGE : IGOR GOLOVNIOV HISTORICAL LIBRARY/ALAMY

MÉDECINE ET DURABILITÉ :

LE DÉFI DU SIÈCLE

TEXTES : CAROLE BERSET, ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, CAROLE EXTERMANN

En soignant la population, le système de santé pollue énormément.

Face à l’ampleur de la crise climatique, la médecine doit ajuster ses pratiques pour devenir plus durable.

La pollution rend malade. Mais soigner nuit à l’environnement et affecte donc, indirectement, encore plus de personnes. En Suisse, les systèmes de santé génèrent 6,7% des gaz à effet de serre émis par le pays. C’est autant que l’aviation civile. Et pendant que cette menace, majoritairement considérée par la population comme distante, s’intensifie, le personnel médical y fait directement face. « Lorsqu’on n’y est pas confronté au quotidien, il est difficile de prendre la mesure de l’ampleur de la situation, explique Valérie D’Acremont, responsable du secteur ‹ Santé globale et environnementale à Unisanté ›. Les impacts du changement climatique peuvent être camouflés, notamment quand ils accentuent un phénomène qui existe déjà. » La pollution augmente, par exemple, le nombre de décès liés aux maladies cardiovasculaires. Mais la population ne s’en rend pas forcément compte, car les décès en lien avec cette maladie sont communs.

« En tant que soignants, nous sommes dans une posture étrange, dit Renaud Du Pasquier, chef du Service de neurologie au CHUV. Nous participons largement au problème tout en en subissant aussi une partie des conséquences. Puisque c’est nous qui devons absorber l’augmentation du nombre de malades ou nous occuper de traiter des maladies liées au changement climatique. » Une situation dénoncée mondialement au sein du milieu de la santé. En 2021, par exemple, plus de 200 journaux médicaux prestigieux, dont The Lancet et The British Medical Journal, ont adressé un appel à l’OMS. Leur demande est claire : il est urgent de considérer, conjointement, la perte de la biodiversité et la crise climatique comme une urgence sanitaire mondiale.

En écoutant le personnel médical, on comprend que les effets du changement climatique sur la santé sont déjà palpables. « La pollution de l’air est responsable de 3000 morts par année, précise Valérie d’Acremont. L’équivalent du nombre de décès liés au covid en Suisse durant les quatre ans de pandémie. » Au-delà des atteintes physiques, le bouleversement climatique affecte aussi de manière spectaculaire la santé mentale de la population. « On constate une nette augmentation des décompensations, des gens qui se suicident, de jeunes qui souffrent d’éco-anxiété ou de solastalgie. » Or, le système de santé n’est pas encore prêt. « Les psychologues et psychiatres réfléchissent à de nouvelles façons d’accompagner les personnes touchées. »

Face à ce constat, il est urgent de repenser la façon de pratiquer la médecine. Pour Renaud Du Pasquier, il n’est pas question d’attendre que les générations

futures fassent mieux. « C’est maintenant qu’il faut agir. » En tant que vice-doyen à la Faculté de biologie et de médecine, le neurologue a participé à intégrer un module d’enseignement pour inclure les questions de durabilité aux études de médecine. « Le bénéfice est double. Les jeunes sont informés des enjeux environnementaux à travers une formation de qualité et les enseignants sont obligés de se mettre à jour. »

CHIFFRES

Le nombre de personnes qui meurent en raison de la pollution de l’air, par an, en Suisse.

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La proportion des 16 à 25 ans qui considèrent le futur comme effrayant.

L’important est aussi de pouvoir proposer des pistes concrètes pour changer les pratiques. « Désormais, je ne finis plus aucune conférence sans lueur d’espoir, dit Valérie D’Acremont, sinon les gens sont sidérés et incapables d’agir pour améliorer les choses. » Et la participation de la population est indispensable pour s’orienter vers une médecine plus durable. Dans le livre Santé et environnement – vers une nouvelle approche globale¹ un groupe de spécialistes s’est réuni pour tenter de cerner les enjeux des relations entre la santé et l’état de la nature. Afin de dresser un état de la situation et dégager des axes pour améliorer la durabilité dans le domaine de la santé, la problématique est envisagée à travers le prisme de la médecine, mais aussi de la philosophie, la sociologie, les sciences de la terre, les biosciences ou encore l’anthropologie.

¹ « Santé et environnement » est un livre rédigé par plus de 70 spécialistes sous la direction de Nicolas Senn, Marie Gaille, Maria del Rio Carral et Julia Gonzalez Holguera. La version PDF de l’ouvrage peut être téléchargée en ligne.

Et l’une des pistes envisagées pour opérer un changement dans la manière de soigner la population est de questionner ce qui rend les gens malades et donc de renforcer les dispositifs de prévention. Les expert·e·s qui se sont penché·e·s sur les solutions pour rendre la médecine plus durable accordent aussi de l’importance à la promotion des cobénéfices. Une manière d’inviter les individus à adopter des gestes quotidiens au niveau des choix alimentaires, de la mobilité, de leur rapport à la nature qui soient à la fois bénéfiques pour leur santé et pour l’environnement. Car il convient d’impliquer les citoyen·ne·s dans les réflexions et de prendre exemple sur les bonnes pratiques mises en place dans les autres pays. « On pourrait notamment s’inspirer des pays du Sud qui ont développé tout un système de santé décentralisé en développant les soins communautaires de proximité, ajoute Valérie D’Acremont. On pourrait faire autrement, imaginer les salles d’attente comme des cafés, il faut ouvrir toutes les pistes, se donner de la force. »

IMPACTS PSYCHIQUES

Dans l’ouvrage Santé et environnement, les spécialistes s’accordent à dire que les effets du changement climatique sur la santé mentale restent sous-estimés. « Dans le cadre de catastrophes naturelles, l’impact sur la santé se manifeste 40 fois plus fréquemment au niveau psychique que physique. Quant à la modification progressive du climat, elle induit des troubles psychiques, une hausse d’un degré de la température moyenne dans une région conduisant à une augmentation de 2% de la prévalence des troubles psychiques, soit 160’000 nouveaux cas à l’échelle suisse. Ces éléments vont peser très lourd sur les coûts de la santé », souligne Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie générale du CHUV.

PERSONNES VULNÉRABLES

La qualité de vie des individus les plus fragiles diminue à mesure que les températures augmentent. Les impacts des changements climatiques sur la santé mentale se révèlent particulièrement dévastateurs. Le dernier rapport du GIEC a révélé que les effets du changement climatique se trouvent exacerbés par des facteurs d’inégalités liés à l’âge, au handicap et aux faibles revenus.

« Les nouveau-nés, les enfants, les personnes âgées, ou celles souffrant de pathologies psychiatriques et les adultes en situation socio-économique précaire représentent les catégories les plus vulnérables », précise Marc Humbert, médecin associé du Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du CHUV.

Les pics de chaleur extrêmes et les canicules engendrent une hausse des déshydratations et des accidents cardiovasculaires, et la pollution des pathologies respiratoires. « Les personnes âgées risquent de faire des coups de chaleur, par exemple. Des facteurs environnementaux comme l’isolement social, l’absence de climatisation et des logements vétustes peuvent aussi contribuer à une plus grande vulnérabilité », explique Marc Humbert.

En cas d’exposition à un événement climatique, certains individus peuvent se retrouver dans des situations de détresse psychologique, dont l’issue peut être fatale. « Les personnes qui dépendent de la nature pour générer leurs sources de revenus sont particulièrement touchées. Certains pays ont vu le taux de suicides des agriculteurs multiplié par deux durant les périodes de sécheresse », détaille Philippe Conus. Il est aussi avéré qu’une confrontation directe à une catastrophe naturelle peut entraîner des troubles psychiques comme la dépression ou des états de stress post-traumatique.

UNE IRM À CONSOMMATION RÉDUITE

L’Imagerie par résonance magnétique (IRM) classique possède un champ magnétique entre 1,5 et 7 tesla (T ; unité pour mesurer l’intensité d’un champ magnétique), tandis que celui des récentes IRM à bas champ varie entre 0.1 et 0,55 T, explique Alban Denys, chef du Département Service de radiodiagnostic et radiologie au CHUV. « L’IRM à bas champ requiert moins d’hélium, un gaz rare et limité sur Terre, consomme moins d’électricité, est plus légère et son installation nécessite moins d’espace. »

GESTES À ADOPTER EN CAS DE CANICULE

• Se protéger

- réduire l’activité physique aux heures les plus chaudes

- privilégier les lieux ombragés

• Éviter la chaleur – se rafraîchir

- fermer les fenêtres et les stores pendant la journée

- aérer la nuit

- porter des vêtements légers

- se rafraîchir en prenant des douches froides

- déposer des linges froids sur le front, la nuque, les pieds et les mains

• Boire beaucoup – manger léger

- boire au moins 1,5 litre par jour sans attendre d’avoir soif

- prendre des repas froids et rafraîchissants

- veiller à consommer suffisamment de sel

Source : OFSP, « Les 3 règles d’or en cas de canicule ».

LIMITER LA PROLIFÉRATION DU MOUSTIQUE TIGRE

L’espèce envahissante profite du réchauffement climatique pour s’installer en Suisse. Des mesures permettent de limiter l’expansion de cet insecte potentiellement porteur de maladies.

• Ne pas laisser de petits volumes d’eau non couverts traîner sur la terrasse ou le balcon.

• Consulter un·e médecin en cas de symptômes fiévreux lors d’un retour de voyage.

• Signaler tout moustique actif sur la plateforme nationale moustiques-suisses.ch

À l’inverse, des patient·e·s atteint·e·s de troubles psychiques peuvent voir leur pathologie s’aggraver après un événement climatique. « Une personne souffrant de troubles bipolaires dont le rythme circadien est perturbé en raison de la chaleur sera d’autant plus susceptible de déclencher des épisodes maniaques », relève Philippe Conus. Une étude parue dans la revue américaine Science a aussi indiqué qu’une personne atteinte de schizophrénie avait un risque de mourir 3 fois plus important durant des vagues de chaleur que le reste de la population.

L’ÉCO-ANXIÉTÉ COMME RÉVÉLATEUR

L’éco-anxiété qualifie les effets psychologiques que peut provoquer une prise de conscience de la menace des changements climatiques. Défini dans Santé et environnement comme un « sentiment d’angoisse exacerbé par un sentiment d’impuissance », l’éco-anxiété est néanmoins perçue comme une réaction saine face à un enjeu considéré comme réel par les professionnel·le·s de la santé. « L’éco-anxiété révèle un problème collectif quant à la nécessité de repenser nos modèles de société, notre économie, nos modes de vie », note Sarah Koller, chercheuse et praticienne en écopsychologie à l’Université de Lausanne. « La pathologie, au contraire, est le déni », d’après Philippe Conus.

Une enquête menée par des chercheurs de l’Université de Bath en 2021 révélait que trois quarts des 16 – 25 ans jugeaient le futur effrayant. « La perspective de sortir d’une économie de croissance peut apparaître comme un effondrement total. Or, l’éco-anxiété s’amenuise lorsqu’elle est mise au service d’une transition vers des systèmes alternatifs, et qu’elle amène à penser des façons d’habiter, de se déplacer ou de travailler qui s’inscrivent dans un véritable respect du vivant, note Sarah Koller. L’enjeu consiste à sortir de la torpeur que cet état provoque afin de développer des ressorts motivationnels, qui poussent à l’action positive. »

IMPACTS SUR LA SANTÉ

Les dégradations liées au changement climatique menacent directement la santé. Exemples de maladies provoquées par ces perturbations.

PROLIFÉRATION DE MOUSTIQUES ET DE TIQUES

Risques de transmission de maladies à l'humain : malaria, dengue, chikungunya, Lyme, encéphalite à tiques.

INCENDIES DE FORÊTS

Atmosphère saturée de microparticules qui provoquent des maladies cardio-respiratoires.

VAGUES DE CHALEUR

Décès par déshydratation, problèmes cardiovasculaires.

Crises d’asthme en raison de l’augmentation des pollens.

Réduction de la capacité de travail et de la productivité agricole.

CATASTROPHES NATURELLES

Nécessité d'abandonner son lieu de vie, conflits sociaux, stress et maladies psychiques.

INONDATIONS

Contamination des eaux propres à cause des débordements d'égouts, risques de diarrhées, et prolifération de rats transmetteurs de maladies.

PROLIFÉRATION D’ALGUES

Poissons et fruits de mer menacés, risque de transmission de maladies à l'homme lors de la consommation.

Anthropologue spécialisée dans les stratégies de résilience, Noémie Cheval a ouvert l’antenne suisse romande du Réseau Transition international. Facilitatrice d’éco-pédagogie, elle y conçoit et donne des formations ainsi que des ateliers sur la transition intérieure individuelle et collective.

« ACCEPTER LA RÉALITÉ DE LA SITUATION DEMANDE BEAUCOUP DE COURAGE ET DE MATURITÉ »

L’éco-anxiété qui a traversé Noémie Cheval, 41 ans, lui a permis de passer à l’action. Aujourd’hui, la jeune femme donne des formations dans le domaine de la transition écologique et solidaire au sein de la structure qu’elle a créée à Bienne.

PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE BERSET

« Ce qui me fait le plus peur, ce sont nos comportements, nos modes de vie, nos choix politiques et économiques, qui sont la cause du réchauffement climatique. L’éco-anxiété trouve son origine dans une prise de conscience souvent douloureuse concernant la crise que nous sommes en train de vivre. La légitimité donnée aux responsables de la destruction à grande échelle de nos conditions d’existence a provoqué chez moi un choc qui a amorcé mon éco-anxiété.

Sensible aux injustices sociales depuis mon adolescence, j’ai entamé une réflexion profonde quant à la nécessité de développer des systèmes humains plus résilients

durant mes études – notamment lors de mon Master en anthropologie et d’un diplôme spécialisé en territoire et population dans des contextes de conflit –, mais aussi à travers des expériences et des rencontres. La découverte, en 2011, du ‹ Travail qui Relie ›, des ateliers d’écopsychologie pratique, de l’autrice américaine Joanna Macy a néanmoins constitué un véritable déclic. Cet ouvrage m’a permis de réaliser l’ampleur des impacts qu’engendrent nos systèmes de croissance infinie sur notre environnement.

Mais j’ai mis du temps à m’autoriser à ressentir ce que ces constats suscitaient en moi. La résonance des émotions d’autres personnes au sein du ‹ mouvement de la Transition › (Transition Network) a été libératrice. La disparition des biotopes me rend triste et

la quasi-inertie des pouvoirs publics me met en colère. J’éprouve de l’anxiété par rapport à certaines situations concrètes telles que l’asthme climatique que j’ai développé il y a quelques années, lié au changement de la qualité de l’air. Ne pas acheter de ventilateur par conviction écologique, au risque de mettre ma famille en danger, n’est pas toujours facile à assumer. Grâce aux ateliers, je me suis aussi avoué que j’avais honte de faire partie de la seule espèce responsable de tels bouleversements. La peur des effets du changement climatique répond à une menace établie scientifiquement. La reconnaître et accepter la réalité de la situation demande néanmoins beaucoup de courage et de maturité.

J’ai traversé des moments de grande solitude. C’est aussi peut-être pour

cette raison que certains se protègent en choisissant la stratégie du déni. En ce qui me concerne, j’ai par exemple dû faire le deuil d’une vision de la réussite représentée par une villa quatre façades, injustifiable d’un point de vue écologique. Se déplacer à vélo avec mes jeunes enfants me demande aussi du courage face aux SUV, les espaces publics n’étant pas toujours adaptés à la mobilité douce non polluante. Mais cela me procure beaucoup de joie, car je me sens reliée à mon environnement et aux solutions pour le protéger, qui sont à la portée de tous.

Face à l’urgence de la situation, mon désir d’agir pour protéger le vivant, c’est-à-dire mes amis, ma famille, mais aussi les forêts et toutes les espèces présentes sur terre s’était souvent heurté à un négationnisme scientifique – autant politique que privé –, pouvant provoquer un sentiment d’impuissance et de désespoir. Les rencontres au sein du ‹ mouvement de la Transition › ont été en ce sens fondamentales, car elles m’ont permis de me rendre compte que je ne suis pas seule, et qu’il existe aussi tout un historique de résistances, d’outils et d’associations proposant des solutions pour effectuer ce changement sociétal.

En essayant de résoudre cette écoanxiété qui paralyse, je peux mettre mon énergie et mon imagination au service d’un changement positif. Que ce soit en tant qu’experte de la transition au sein du Réseau Transition Suisse romande ou en tant que maman, j’entre aujourd’hui en action aux côtés de milliers d’autres, non plus par culpabilité ou par contraintes morales à consommer moins, mais à partir d’une intelligence et résilience collectives. C’est très différent. Cette transition intérieure me permet de continuer à m’engager pour la vie à mon échelle avec détermination et plaisir. »

PRESCRIRE DIFFÉREMMENT

Restreindre l’usage excessif des traitements en milieu hospitalier. C’est l’un des objectifs que Marie Méan, médecin adjointe au CHUV et privat-docent à la Faculté de biologie et médecine à l’UNIL, poursuit dans le cadre de ses recherches et dans sa pratique quotidienne. « Pour éviter qu’un·e patient·e·s reçoive des traitements qui ne sont pas nécessaires, il est fondamental de prescrire de manière rationnelle, selon les recommandations d’usage et de procéder régulièrement à une revue des médicaments pour en dé-prescrire certains, en accord avec les patient·e·s et leur médecin traitant. »

Prescrire pour une durée adéquate et limitée est également important. « Prenons l’exemple des antibiotiques donnés pour lutter contre une infection ; il faut viser la durée la plus courte possible, tout en s’assurant que le ou la patient·e respecte la durée prescrite », indique-telle. La recherche montre que limiter la durée de prescription des antibiotiques réduit les effets secondaires, la résistance et la contamination médicamenteuse de l’environnement. « En cas de pneumonie, qui est un motif fréquent d’hospitalisation, une prescription d’antibiotiques de cinq jours est le plus souvent efficace, et parfois même trois jours suffisent. »

À la sortie de l’hôpital, la personne hospitalisée pour un problème aigu reçoit un emballage complet du traitement prescrit plutôt que le nombre exact de comprimés nécessaires. « Des médicaments se retrouvent dans les déchetteries, dans les pharmacies, ou pire, sont jetés dans les WC. Il s’agit d’un gaspillage évitable, d’autant plus dans un contexte de pénurie pour certains médicaments. »

Une prescription peut donc être évitée, écourtée, supprimée, et aussi remplacée, soutient Marie Méan. Un traitement chronique peut parfois être évité en modifiant le mode de vie. Par exemple en optant pour une alimentation plus saine comprenant moins de protéines animales, moins de sucre, mais aussi en faisant plus d’exercice physique. « Stimuler les patient·e·s à sortir de leur lit d’hôpital plusieurs fois par jour contribue à prévenir les thromboses, on évite ainsi de leur donner un traitement pharmacologique. La mobilité

COMMENT UTILISER

LES MÉDICAMENTS DURABLEMENT

Parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre du système de santé figurent les médicaments. Pour limiter les dégâts environnementaux, il faut adapter les comportements.

Avoir un·e médecin généraliste et un·e pharmacien·ne de référence

Collaborer activement avec les professionnel·le·s pour optimiser l’usage de ses médicaments

Obtenir ses médicaments par des sources fiables, éviter les commandes par Internet

Informer les spécialistes des difficultés rencontrées avec ses médicaments

Limiter le stockage de médicaments au domicile, pour les traitements chroniques prévoir une marge de deux semaines

Envisager un achat rationnel de médicaments en vente libre et en petite quantité

Rapporter les médicaments inutilisés ou périmés à la pharmacie ou dans les déchetteries

Ne jamais utiliser l’évier ou les toilettes pour éliminer ses médicaments

Pour les patient·e·s sous semainiers, ne pas vider son semainier avant le remplissage par le pharmacien ou l’infirmière

a aussi toute une série d’effets positifs ; elle réduit la dépression, favorise le sommeil et accélère le retour à la maison. » Par ailleurs, des traitements à base de plantes peuvent aussi être proposés. « C’est d’ailleurs ce que nous utilisons pour les problèmes d’insomnie à l’hôpital. Mais pour pouvoir prescrire de manière encore plus durable, il faudrait que l’industrie pharmaceutique publie des données sur l’impact écologique des médicaments, de la recherche à la fabrication en comptant aussi la distribution et le marketing. »

SIGNAUX D’ALARME EN CAS DE CANICULE

Les symptômes faisant suspecter un coup de chaleur chez une personne âgée :

• Fatigue

• Léthargie

• Faiblesse

• Confusion

• Vertiges

• Céphalées

• Sensation de bouche sèche

• Nausées

• Vomissements

• Diarrhées

• Crampes musculaires

REPENSER LES SOINS

Gros pollueur, le système de santé n’est pas soutenable à long terme ; ni pour l’environnement, ni financièrement. Comment l’hôpital peut-il revisiter son modus operandi pour être plus durable ? « Le but est de transformer l’hôpital pour qu’il soit durable », avance le médecin-chef du Département de médecine de famille à Unisanté, Nicolas Senn, également professeur de médecine de famille à l’UNIL. Pour rendre ses pratiques plus éco-compatibles, l’hôpital peut d’abord faire un bilan carbone afin d’identifier les sources d’émissions et où elles peuvent être réduites, voire supprimées.

Les bâtiments consomment beaucoup d’énergie. Pour réduire leur empreinte carbone, une approche d’éco-conception et de green labs doit être promue. Ces derniers permettent de minimiser l’utilisation de l’énergie, de l’eau et des matériaux, tout en améliorant l’efficacité des processus. Tandis que l’éco-conception veillera notamment à l’optimisation et à la réduction du chauffage et l’isolation des bâtiments.

Au quotidien, le personnel hospitalier doit trier les déchets et réduire le gaspillage. Diminuer les actes médicaux inutiles est aussi un levier important. Notamment les scanners et les IRM qui sont de grandes sources de pollution atmosphérique, et sont prescrits de façon excessive. « On estime qu’entre 20 et 40% des examens réalisés n’apportent pas de bénéfice aux patients. » En chirurgie, une approche « verte » doit être adoptée ; en utilisant le plus possible du matériel non jetable, provenant de filières certifiées et

qui peut être réutilisé, tout en ayant recours aux gaz anesthésiants les moins nocifs pour l’environnement.

Favoriser le déploiement d’interventions qui ont des cobénéfices est aussi fondamental. Beaucoup d’émissions de CO₂ liées à l’hôpital proviennent du transport des patient·e·s et du personnel. « Promouvoir une mobilité douce engendre des cobénéfices ; celle-ci entraîne des bienfaits tant pour la santé des patient·e·s que pour l’environnement. Même chose en ce qui concerne l’alimentation ; un régime avec moins de produits d’origine animale comporte des avantages pour les deux domaines. »

Actuellement, les systèmes de santé suisses sont principalement centrés sur des prestations curatives de nature biomédicale. Pour aller dans le sens d’une médecine plus durable, il faudrait les faire évoluer vers des activités préventives, comme le préconise la feuille de route de l’Académie suisse des sciences médicales². Enfin, l’allocation des soins peut également être rationalisée grâce à la télémédecine, à l’e-health et au regroupement des hôpitaux afin d’améliorer la coordination des soins.

² « Pour des services de santé durables dans les limites de la planète », 2022.

DÉFIS FUTURS

« Dès les années 2000, dans le cadre de mon activité de spécialiste de médecine tropicale en Afrique, j’ai pu constater que les phénomènes climatiques évoluaient rapidement, témoigne Valérie D’Acremont. J’ai compris que j’étais en train d’assister à ce qui nous attendait dans le futur, en Europe. Soit la diminution des rendements agricoles, la désertification et, donc, les problèmes de nourriture. » Et si, pour l’instant, l’accès aux aliments est encore garanti dans la majorité des régions en Europe, d’autres problématiques apparaissent.

En lien avec les bouleversements climatiques, des insectes exotiques survivent en Suisse et transmettent parfois des maladies tropicales. « Le problème, c’est qu’actuellement, lorsqu’on se fait piquer par un moustique, on

LA SOLUTION DES COBÉNÉFICES

Pratiquer une activité qui soit à la fois bénéfique pour la santé et pour l’environnement, c’est le principe du cobénéfice. Le personnel du système de santé joue un rôle clé dans l’adoption de ces gestes. Exemple.

ne s’imagine pas que ça pourrait être problématique. Et les médecins, lorsqu’ils reçoivent des personnes fiévreuses, penseront d’abord qu’il s’agit d’une grippe, alors qu’en réalité ça pourrait être une nouvelle maladie qui vient d’arriver en Suisse. »

Une autre conséquence majeure de l’évolution de la situation climatique est la migration des populations, forcées de quitter des régions qui deviennent invivables. Cependant, l’inexistence actuelle de la reconnaissance du statut de réfugié·e climatique empêche l’accès aux soins. Une problématique qui préoccupe particulièrement Patrick Bodenmann, chef du Département Vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté, qui cherche à étendre la prise en charge pour qu’elle réponde aussi aux besoins des personnes marginalisées dans le cadre de migrations forcées par les changements climatiques. « L’équité en santé, appliquée à la médecine, ne vise pas une prise en charge homogène, mais des soins qui s’adaptent aux besoins spécifiques de chaque patient·e en intégrant les déterminants socio-économiques de la santé, leurs vulnérabilités et leur potentiel de résilience. »

En plus d’une inégalité en termes d’accès aux soins, les impacts du changement climatique apportent un

• Aménagement urbain

• Infrastructure cyclable et piétonne

• Espaces verts

• Contraintes envers les voitures

Déplacement quotidien à pied ou à vélo

déséquilibre mondial important. Le fardeau sanitaire de la crise climatique est largement plus important pour les pays plus pauvres qui ont pourtant nettement moins participé au problème.

Les facteurs majeurs qui aggravent la situation et sur lesquels il faut donc agir le plus rapidement possible sont la déforestation, l’élevage intensif des animaux et la frénésie des voyages en avion, selon Valérie D’Acremont. « Au niveau du système de santé, il faut arrêter avec le fonctionnement hospitalo-centré et il faut renforcer la prévention et les soins communautaires. L’hôpital a tout à y gagner. »

Face à l’objectif d’une transition vers un monde plus durable, la santé peut jouer un rôle central pour augmenter la préoccupation des populations pour le changement climatique, écrit Anneliese Depoux, spécialisée dans les enjeux de médiatisation des crises sanitaires dans sa participation à l’ouvrage Santé et environnement. Une perspective partagée par François Gemenne, directeur de l’Observatoire Hugo³ en Belgique qui signe la préface du même ouvrage. « La santé, parce qu’elle touche au plus intime de nousmêmes, à notre intérêt premier peut aussi être un

formidable levier pour agir pour la préservation de l’environnement. » Les systèmes de santé qui génèrent énormément de pollution en soignant des personnes souvent malades à cause de l’état de l’environnement jouent donc aussi un rôle majeur dans l’orientation des comportements des populations. Finalement, cette dynamique confirme qu’il est impossible de penser les urgences environnementale et sanitaire comme deux choses distinctes pour créer un futur plus durable. /

³ L’Observatoire Hugo, situé à Liège, est dédié aux migrations environnementales.

Sources : le contenu des encadrés et des infographies de ce focus est tiré du livre « Santé et environnement. Vers une approche globale », sous la dir. de Nicolas Senn, Marie Gaille, Maria del Rio Carral et Julia Gonzalez Holguera.

COBÉNÉFICES

• Moins de gaz à effet de serre

• Moins de bruits

• Moins de pollutions atmosphériques

• Moins de fragmentation d’habitats naturels

• Plus d’activité physique

• Moins de stress

• Plus de contact social

MORBIDITÉ

• Réduit les impacts du déréglement climatique

• Réduit la pollution

• Préservation de la biodiversité

Diminue :

• l’obésité

• le diabète de type 2

• les maladies cardiovasculaires

• les maladies respiratoires

MORTALITÉ

Réduction de décès prématurés

« LE

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE EST LA PLUS GRANDE MENACE POUR LA SANTÉ. TOUT

LE RESTE EST FUTILE. »

Selon Christopher Richard, militant et médecin, seule une médecine plus durable peut assurer le bien-être de la population.

in vivo À quel moment avez-vous ressenti l’urgence d’agir pour l’environnement ?

christopher richard Au début de mon parcours, j’étais particulièrement serein. J’étais convaincu que mon métier avait un sens inébranlable, puisqu’il est scientifique et social. Ma première remise en question a émergé il y a une dizaine d’années lorsque je travaillais aux soins intensifs en Angleterre. Je me suis rendu compte que la majorité des maladies critiques de nos patient·e·s étaient la conséquence d’un problème psychosocial. Et lorsqu’en 2019, un groupe de médecins anglais s’est rattaché au mouvement d’Extinction Rebellion, manifestant leur devoir d’alerter la population quant aux impacts du changement climatique sur la santé, je me suis reconnu dans cette démarche.

Biographie

Christopher Richard est médecin chef adjoint au Département des urgences et membre du cercle pour des soins durables du Réseau hospitalier de Neuchâtel. Il est membre des Doctors pour Extinction Rebellion Neuchâtel (DR4XR) et anime des ateliers dans la nature pour le personnel soignant pour faciliter la transition du système de santé.

iv Quelle forme cette revendication a-t-elle prise ?

cr Je ne suis pas allé me coller les mains sur la route, mais j’ai fondé un collectif à Neuchâtel. L’idée était de rassembler des personnes pour imaginer à quoi pourrait ressembler une médecine durable. Car l’enjeu est là : en Suisse, le système de santé génère au moins autant d’émissions de gaz à effet de serre que l’aviation civile. En soignant, nous participons donc largement au problème, et notre métier perd son sens initial qui est d’œuvrer pour le bien-être de la population. Pourtant, les gens sont largement sous-informés. Ce que nous revendiquons à travers le mouvement des professionnel·le·s de la santé en faveur d’Extinction Rebellion (Doctors for XR), c’est d’abord que le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité soient traités comme des problèmes de santé publique majeurs. Le réchauffement climatique est la plus grande menace pour la santé, tout le reste est futile et il est urgent d’en prendre acte.

iv Où faut-il agir en priorité pour rendre la médecine plus durable ?

cr Lorsqu’on parle d’une pratique plus compatible avec le vivant, on ne parle pas de l’impact des gants en plastique sur l’environnement. C’est la façon d’exercer ce métier qu’il faut remettre en question et notre manière d’envisager la santé. Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les déterminants de la santé, c’est à-dire ce qui fait que la population se sent bien, sont principalement dépendants de l’équilibre psycho-social. C’est décourageant de voir qu’autant d’énergie et d’argent sont consacrés au curatif et aux technologies, alors que c’est sur le soin qu’il faudrait davantage se concentrer. Autrement dit, porter plus d’attention à la prévention et à la manière de faire société. Investir dans le vivre-ensemble, l’alimentation, la mobilité douce et la santé mentale. Des projets comme les maisons de santé pensées comme des lieux vivants et communautaires sont particulièrement prometteurs à cet égard.

iv Faire face au changement climatique a donc directement à voir avec le lien ?

cr Oui et c’est un aspect qui s’est confirmé durant la crise du Covid-19, qui a fortement atteint le métier. La pandémie a notamment donné lieu à d’importantes remises en question. Les jeunes médecins et les personnels infirmiers sont nombreux à exprimer une perte de sens de leur pratique. L’obligation d’efficacité dans le contexte hospitalier met à mal le lien thérapeutique pourtant capital. Le temps pour la compassion et l’écoute manque, alors qu’il est nécessaire. Pour une population en meilleure santé, il faut agir sur les liens sociaux. Des familles isolées qui se morfondent dans le burn-out : cela ne peut pas constituer une société en bonne santé, résiliente face aux impacts du changement climatique.

iv Comment concilier militantisme et travail au sein de l’institution ?

cr Mon chef partage mes idées et m’accorde même du temps. J’ai donc pu monter un groupe sur la durabilité des soins. C’est plutôt au niveau de la direction, et plus généralement la gouvernance du système de santé, que c’est compliqué. Nous n’avons pas de ressources financières pour ces activités, car les décisions sont prises par le conseil d’administration qui suit les voix des politiques. Et malgré toute l’évidence scientifique sur laquelle repose l’urgence climatique, les lois ne changent toujours pas et nos émissions carbone ne font que croître.

iv Que faudrait-il changer en priorité au niveau politique ?

cr Il n’est pas possible de continuer avec un système de santé gouverné par les assurances maladie et les pharmas, et des élu·e·s qui pensent uniquement sur le court terme. Il faut que la population soit davantage impliquée et qu’elle participe activement à redéfinir ce qu’est la santé à travers la mise en place d’assemblées citoyennes formulant des actions concrètes. Financièrement, il faut trouver une manière de valoriser de façon significative la transition écologique et sociale.

iv Qu’est-ce qui pourrait redéfinir la santé, par exemple ?

cr Le rapport que nous entretenons avec la finitude. Le but actuel des systèmes de santé est de prolonger la vie. La mort est devenue quelque chose de totalement tabou et médicalisé. Il faudrait se questionner sur la pertinence de consacrer des ressources gigantesques pour les derniers jours de vie d’une personne. Il faudrait opérer un véritable changement culturel autour

du rapport à la santé. Réfléchir à la santé comme à un mode de vie, intégrer les notions de pratiques spirituelles et de santé, favoriser le bien vivre plutôt que le vivre longtemps.

iv De nombreuses personnes se sentent impuissantes face au changement climatique. Comment faire pour passer à l’action ?

cr Ressentir de la culpabilité et de l’impuissance, c’est un bon signe. Ça veut dire qu’on a constaté le problème. C’est la première étape d’un changement intérieur. Et cette transition a bien plus d’importance que de s’acheter une brosse à dents en bambou. Pour apaiser mon sentiment d’impuissance, j’ai suivi des ateliers créés par Joanna Macy, une des fondatrices de l’écopsychologie. J’ai compris qu’il faut activer les leviers qui sont à notre disposition et que le changement s’exprime d’abord à travers notre manière d’être en lien avec le vivant et de trouver comment en prendre soin. Pour agir collectivement, la peur ne peut pas fonctionner comme moteur. Il est préférable, au contraire, de montrer aux gens là où on aimerait aller ensemble, puis espérer que le plus grand nombre suive. /

Dans chaque numéro d’In Vivo, le Focus se clôt sur une sélection d’ouvrages en « libres échos ». Ces suggestions de lectures sont préparées en collaboration avec Payot Libraire et sont signées Joëlle Brack, libraire et responsable éditoriale de www.payot.ch.

ÉCOLO AU BOULOT

PROPOS RECUEILLIS

Écolo au boulot

CASSANDRE JOLY

JOUVENCE 2023

120 PAGES

CHF 7.90

Accompagnatrice de démarches de transition écologique et animatrice du podcast « Écolo au boulot », Cassandre Joly publie un petit guide du même titre pour nous initier au « travail durable ».

IN VIVO Concrètement, qui peut agir pour une entreprise écoresponsable ? cassandre joly Tout le monde peut agir à une échelle individuelle en amenant des pratiques vertueuses au travail sans rien demander à personne. Ensuite, il y a ce qu’on peut mettre en place au sein d’un service (type recyclage ou covoiturage entre collègues), pour de bonnes pratiques collectives. Mais si l’on veut modifier une structure, des achats, etc., il faut échanger avec leurs responsables. Cela semble compliqué, mais l’impact est souvent très important, l’effort en vaut le coup.

IN VIVO Quelles sont les réticences des entreprises ? cj On retrouve surtout des questions organisationnelles, d’où l’intérêt de faire savoir à sa hiérarchie qu’on est intéressé : c’est précieux d’avoir des employés engagés pour la transition écologique. On craint souvent le coût mais c’est rarement le cas, beaucoup d’actions coûtent peu, et permettent même des économies.

IN VIVO Qu’est-ce qui est efficace rapidement ?

cj C’est surtout ce qui est porté et soutenu à plusieurs, avec la direction. Car seul, on peut

s’épuiser – et le jour où l’on part, tout s’arrête. Parfois, démarrer par une petite action permet de montrer l’intérêt des collaborateurs·trices, et de prouver que ça marche. Mais sur la durée, il est impératif de structurer un plan d’action, en ciblant notamment des mesures qui auront de l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre ou les externalités négatives. Sinon, on tombe dans le greenwashing.

IN VIVO Quels sont les arguments pour convaincre ?

cj Avant de convaincre, je dirais qu’il faut donner envie, et cela ne se joue pas uniquement sur la rationalité : il faut créer des émotions positives, donner confiance, montrer que c’est possible, expliquer concrètement comment ça se passe, partager des retours d’expérience. On soulignera ensuite que c’est bon pour le recrutement : les jeunes veulent rejoindre des entreprises engagées, mais aussi pour l’image de marque, au niveau des économies d’énergie, de consommables… et même ça permet d’anticiper par rapport à de futures réglementations.

IN VIVO Qu’est-ce que cela apporte, en interne et à l’extérieur ?

cj En interne, ça donne du sens au travail, ce qui est important pour la motivation, mais ça permet aussi de se rapprocher entre collègues, d’échanger sur autre chose que le travail. En externe, c’est utile pour l’image de l’entreprise et la participation à de nouveaux réseaux engagés, avec tout ce que cela ouvre.

IN VIVO Peut-on faire cela sans coach ?

cj Oui, beaucoup d’employés sont très informés et peuvent aider à mener de premiers projets ambitieux. Il y a aussi des guides en ligne, des webinaires, des livres. Un cabinet de conseil pourra néanmoins être utile pour structurer un plan solide, ou labéliser la démarche.

IN VIVO Existe-t-il de telles initiatives en milieu médical ?

cj Oui, dans un village français, un cabinet de dentistes a lancé une démarche zéro déchet, remplaçant tous les jetables possibles par des versions lavables, et travaille sur la prévention pour éviter d’avoir à utiliser des matériaux dentaires ensuite. Et « Les p’tits doudous », un collectif de soignants créé par une infirmière, récupère dans les blocs opératoires les objets métalliques à usage unique pour les recycler. L’argent obtenu permet d’offrir des doudous aux jeunes patients. /

CHRONIQUE

La panseuse de secret

MURIEL MEUNIER

FAVRE, 2023

222 PAGES

CHF 27

La médecine qu’exerce Gabrielle de Kermorvan ne laisse aucun déchet : elle est guérisseuse, un « secret » qu’elle tient de son grand-père, et qu’elle pratique en alliant sa connaissance de la nature à son écoute du corps et des âmes. Elle n’a rien d’une sorcière pourtant, au contraire elle aimerait étudier la médecine. Mais dans le Morbihan de 1815 la carrière des femmes n’est pas une préoccupation. Profitant de la chute de l’Empire, les Chouans (royalistes) tentent de reprendre l’avantage et y parviennent en partie ; Gabrielle se rabat sur les soins qu’on lui permet, et devient sage-femme. Les temps troublés, et l’espoir de retrouver son amoureux disparu, lui donneront cependant l’occasion de prouver ses talents de panseuse autant que son caractère bien trempé. Muriel Meunier brosse le portrait attachant d’une femme victime des préjugés, mais forte et créative dans l’adversité, et d’une période glorieuse quoique brève dont les Bretons sont fiers.

Un cahier de documents anciens illustre l’ambiance du roman.

Réduire son empreinte plastique

HÉLÈNE SEINGIER

ULMER, 2023

123 PAGES, CHF 27.10

Ce à quoi nous tenons

ÉMILIE HACHE

LA DÉCOUVERTE, 2019

269 PAGES, CHF 17.50

La face cachée des étiquettes

ÉLOÏSE MOIGNO, THOMAS ÉBÉLÉ

EYROLLES, 2023

11 PAGES CHF 29.70

Dans l’absolu, on peut se dire que si la révolution industrielle ne connaissait pas le plastique, on devrait pouvoir s’en passer aussi. Or le plastique est partout, et nous a si bien habitués à ses facilités… Mais le snober est loin d’être infaisable, et la journaliste Hélène Seingier balise notre cheminement jusque dans les détails. Implacable dans la dénonciation des présences évidentes – ou, surtout, cachées – elle liste toutes les activités du quotidien pour proposer des solutions de rechange simples, très peu coûteuses et, on en est presque surpris, tout aussi pratiques. Plastique ? Traquez l’intrus !

Alors que l’expression « écologie punitive » est à la mode, la chercheuse en philosophie pragmatique Émilie Hache démontre l’utilité de son domaine en abordant l’écologie comme un tout, ressources et bénéficiaires impliqués dans un même monde, riche et divers mais clos et menacé. Elle propose d’oublier sans regret les vieux débats accusateurs pour passer à une dimension plus globale. C’est en définissant Ce à quoi nous tenons que nous serons en mesure de le protéger. En se basant sur les démarches initiées par des collectifs citoyens engagés, de l’agriculture aux industries, en passant par la médecine, il s’agit de refonder notre rapport à l’environnement, et à son usage commun, pendant qu’il en est encore temps.

Écoresponsable est un qualificatif qui sonne bien, mais qui demande des preuves. Celles qui se trouvent sur les étiquettes des vêtements ne sont pas toujours limpides. Le collectif SloWeAre a donc lancé son propre label « vert », et un guide pratique qui aide à décrypter les termes et symboles, mais aussi à connaître les procédés à la source des textiles, les conséquences de leur élimination. Repérer les matériaux ou traitements pernicieux, c’est concrètement consommer de manière durable et agréable – car un dressing responsable l’est envers la planète, mais surtout pour soi.

EN BREF

« On ne part pas tous et toutes du même niveau de compétences, de stress, de statut social. »

Samah Karaki

SAMAH

Selon la docteure en neurosciences, le talent n’est pas une capacité innée. Elle remet en question le système méritocratique.

INTERVIEW : ÉMILIE MATHYS
« Nous ne sommes pas aussi libres que nous aimerions le croire »

Une bonne dose de talent, un travail acharné et une volonté à toute épreuve : une recette a priori imparable pour expliquer la réussite d’une poignée d’élu·e·s, souvent regardé·e·s d’un œil admiratif. Pourtant, invoquer un « ingrédient magique » pour expliquer que certains échouent quand d’autres réussissent a des conséquences sociales terribles, et creuse les inégalités, s’alarme la neuroscientifique Samah Karaki dans son dernier ouvrage. Rencontre.

in vivo Vous voulez utiliser la science pour plus de justice sociale. En quoi les sciences cognitives sontelles concernées par ces questions ?

samah karaki Les sciences « dures » et les sciences humaines et sociales utilisent des méthodologies différentes et portent également un regard différent sur des phénomènes tels que les compétences humaines ou l’apprentissage. D’où l’importance d’avoir un regard multidisciplinaire. La justice sociale telle que je la conçois n’est pas un phénomène uniquement moral, mais objectif et quantifiable, grâce aux statistiques notamment. La démarche scientifique permet un regard objectif sur des phénomènes sociaux.

iv Votre domaine d’étude porte sur le stress. Pourquoi s’attaquer aujourd’hui à la notion de talent ?

sk Le talent fait partie de l’équation du mérite. En d’autres termes, nous tenons notre valeur de notre talent et des efforts qui ont servi à le faire fructifier, de nos traits moraux tels que la persévérance, le courage ou la volonté. On considère que le talent découle d’un potentiel que l’on fait prospérer de manière individuelle. Or, on sait que le stress affecte de manière directe nos capacités d’apprentissage, de concentration, de mémorisation, et notre charge mentale. D’un point de vue plus global, les individus qui portent les charges mentales les plus lourdes ne sont pas en train de faire fructifier de manière égale leur potentiel. Le stress psychologique que nous subissons façonne ce que nous produisons. Notre santé est directement liée à nos conditions de vie.

iv Pourquoi sommes-nous tellement attachés à la notion de talent ?

sk La notion de talent permet d’expliquer d’une manière simple pourquoi nous avons des différences au niveau de

l’aisance et la rapidité de nos compétences. Elle renvoie ces différences à l’individu, à une origine biologique. Cette explication linéaire nous apaise, car elle invisibilise tous les facteurs complexes qui façonnent nos capacités à l’arrivée. Nous l’acceptons comme nous acceptons un phénomène naturel :

« Cette personne réussit, car elle a du talent » est plus simple à admettre qu’elle réussit, car elle a des privilèges que les autres n’ont pas. La notion est ainsi instrumentalisée pour légitimer les inégalités sociales et créer une illusion d’objectivité. Notre attachement à cette notion de talent est une manifestation de notre désir de toucher l’extraordinaire, de mettre de la magie dans nos vies ordinaires.

iv L’environnement et les privilèges permettent à un talent d’éclore, et le statut social influence « l’intelligence » sur plusieurs générations. Comment le cerveau est-il modelé par des facteurs sociaux, politiques et familiaux ?

«

MÊME NOTRE DOULEUR EST SUBJECTIVE ET INFLUENCÉE

PAR DES MENACES PSYCHOLOGIQUES. »

sk Nos cerveaux ne sont pas des organes isolés du monde. Ce sont des organes sociaux et émotionnels. Nous sommes façonnés par nos rencontres, les accidents de la vie, les émotions que nous vivons. Le cerveau est à l’image de la vie que nous avons. Être exclu socialement, ne pas se sentir aimés pour ce que nous sommes, ou vivre dans l’incertitude, cela produit une charge mentale interprétée par notre biologie comme une attaque physique. Dans les milieux de la santé, par exemple, plus on donne d’autonomie au patient sur le choix du traitement ou la manière de s’administrer un médicament, moins la douleur est vécue comme importante. Même notre douleur est subjective et influencée par des menaces psychologiques. La médecine ne relève pas que du médical mais aussi du psychosocial. Il n’y a pas de barrière entre ce que nous vivons psychologiquement et ce que nous vivons dans notre corps biologiquement.

iv À l’adage « Quand on veut on peut », vous opposez « il faut pouvoir pour vouloir ». C’est-à-dire ?

iv En déconstruisant l’idée selon laquelle le talent est « inné » et individuel, vous pointez aussi les inégalités sur lesquelles s’est construite notre société.

sk Les besoins psychologiques tels que ceux de reconnaissance, de contrôle et d’appartenance influencent le cerveau de la même manière qu’un stress physique. L’épidémiologiste Richard Wilkinson a montré que plus on est menacé dans notre statut social, plus le risque est grand de contracter du diabète et des maladies cardiovasculaires, des maladies davantage observables dans les classes populaires. Nous devons sortir de cette vision biologisante des inégalités sociales pour les politiser et les socialiser.

sk On peut supposer que nous sommes des êtres rationnels et qu’il suffit de penser pour être. Notre héritage cartésien nous donne l’illusion que nos volontés sont à l’origine de nos choix. Or, nous avons des capacités attentionnelles et décisionnelles très limitées. Les neurosciences ont démontré que nos décisions sont automatiques, intuitives et émotionnelles et, dans un second temps, rationnalisées. Nos prises de décisions sont surtout liées à notre environnement. Les moyens précèdent la volonté. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas de responsabilité individuelle, mais il faut admettre avec réalisme et humilité que nous ne sommes pas aussi libres que nous aimerions le croire. De là peut s’opérer une prise de conscience sur la manière dont nous souhaitons créer d’autres types d’environnements plus à même de nous aider à faire fructifier nos potentiels.

iv Si le talent n’est pas inné, qu’en est-il du travail acharné pour justifier de la réussite ?

sk Le travail est évidemment nécessaire, rien ne se produit dans l’inertie. Mais il faut le placer dans une stratégie et un dispositif donnés. On ne part pas tous et toutes du même niveau de compétences, de stress, de statut social. Le bagage culturel et financier des parents joue un rôle énorme dans les connaissances qu’acquièrent les enfants dans leur réussite scolaire. Il n’y a pas de relation linéaire entre la quantité de travail abattue et la réussite finale. Toutes les heures ne se valent pas, nous évoluons dans une loi du marché qui valorise plus certaines professions que d’autres, à l’image des soignant·e·s, qui, pourtant, ne comptent pas leurs heures.

Notre attachement, voire notre obsession, envers ces compétences est tel que nous les considérons comme l’intelligence humaine. Or, il existe d’autres formes d’intelligences, qui prennent parfois plus de temps à être révélées mais que l’école ne valorise pas. On peut également y voir la volonté de certaines classes sociales privilégiées de se démarquer en trouvant de nouveaux indicateurs. Ne devrait-on pas réfléchir à un système scolaire adapté aux différentes intelligences ?

iv Votre discours n’est-il pas teinté de fatalisme ?

sk Ce n’est pas fataliste de dire que notre marge de manœuvre est limitée si cette prise de conscience est suivie d’une réflexion et d’une mise en action : comment repenser les structures pour une société plus juste ? Partir de l’expérience individuelle en réfléchissant collectivement est la meilleure manière de faire avancer le savoir et les droits humains. /

ET, DANS UN SECOND TEMPS, RATIONNALISÉES. »

iv Vous consacrez dans votre livre un chapitre aux enfants à haut potentiel intellectuel. Comment expliquez-vous le boom de ces enfants « surdoué∙e∙s » ? Qu’est-ce que cela révèle de notre système éducatif ?

sk Notre système scolaire valorise un certain type de compétences, ici logicomathématiques, mesurées par des tests.

BIOGRAPHIE

Samah Karaki naît en 1984 et grandit à Beyrouth, où elle étudie la biologie. Docteure en neurosciences, elle fonde en 2014 le Social Brain Institute qui a pour objectif de s’appuyer sur les apports des sciences cognitives pour promouvoir la justice sociale et environnementale.

L’actrice, productrice et réalisatrice

Jada Pinkett Smith a participé, malgré elle, à médiatiser l’alopécie.

Déjà évoquée lors d’une émission télévisée en 2018, sa maladie a ensuite été abordée à de multiples reprises en ligne et dans les médias suite à l’incident lors de la cérémonie des Oscars en 2022.

Will Smith, son mari, avait alors giflé le présentateur qui s’était moqué du crâne rasé de l’artiste.

PERTE DE CHEVEUX : TRAITER LE MAL À LA RACINE

L’alopécie est souvent vécue comme une souffrance. Des solutions existent, mais peu de médecins sont spécialisé·e·s.

Source d’angoisse, la perte de cheveux porte un nom : l’alopécie, un trouble dermatologique très courant. Selon Pierre de Viragh, dermatologue consultant à l’Hôpital universitaire de Berne, on estime que le pourcentage d’hommes touchés correspond à la tranche d’âge : à la vingtaine, l’alopécie concerne 20% des hommes, à la trentaine, 30%, et ainsi de suite. Généralement, l’alopécie est considérée comme une problématique masculine. Mais les femmes ne sont pas épargnées. Particulièrement à l’approche de la cinquaintaine, avec la ménopause, la moitié d’entre elles sont touchées par le phénomène.

L’ALOPÉCIE

SOUS TOUTES SES FORMES

L’alopécie androgénétique, héréditaire, est la forme la plus courante. Elle repose sur la prédisposition génétique des follicules pileux à être sensibles à la dihydrotestostérone (DHT), une transformation de la testostérone, hormone sexuelle masculine. Ainsi, la DHT vient accélérer la chute des cheveux, jusqu’à ce qu’ils cessent complètement de repousser. Mais le phénomène ne touche pas uniformément le crâne. À l’arrière de la tête, au-dessus de la nuque et des oreilles, les cheveux sont épargnés, car ils sont insensibles aux hormones. Chez les femmes, ces hormones sexuelles mâles sont également présentes, bien qu’en moindre quantité. Lors de la ménopause et du changement hormonal qu’elle induit, le nombre d’hormones féminines diminue. La proportion d’androgènes est alors plus élevée et peut impacter les follicules, surtout s’ils sont génétiquement prédisposés à y être sensibles.

Lorsque l’alopécie androgénétique touche les femmes, elle est généralement moins

visible, car plus diffuse. Aussi, contrairement aux hommes, les femmes ne perdent généralement pas les cheveux situés sur la ligne frontale.

LA PELADE

Plus rapide et généralement plus visible, la pelade est une autre forme d’alopécie. Elle se caractérise par une perte soudaine de plaques entières de cheveux sans cause évidente qui peut toucher toutes les zones poilues du corps. « J’avais les cheveux très épais et ils ne tombaient jamais. Puis, du jour au lendemain, j’en perdais énormément, explique Gregory, touché par une pelade à 27 ans. J’en laissais sur l’oreiller, dans la douche. Je passais ma main dans les cheveux et une mèche y restait ». Les prises de sang ne donnant rien, sa pelade est associée par sa dermatologue à la période de stress qu’il vivait. « Comme avec une attaque de migraine, on ne connaît pas vraiment la cause d’une pelade. Parfois, elle est donc associée au stress », confirme Pierre de Viragh. Une fois le problème passé, les cheveux repoussent. D’abord blancs, puis de façon presque normale, bien qu’ils restent souvent moins épais. Les cheveux de Gregory ont repoussé, sa chevelure et sa barbe sont désormais tachetées, noir et blanc. « Au début, c’était dur, raconte-t-il. Mais je m’y suis habitué et finalement j’aime bien. Ça me donne un style unique, c’est cool. »

D’autres formes d’alopécie existent, comme l’effluvium télogène qui provoque de manière passagère une chute abondante des cheveux, mais « elles sont beaucoup plus rares », explique Pierre de Viragh. Elles peuvent être dues à des carences ou à des maladies.

LA TRICHOLOGIE, UN DÉSERT MÉDICAL

Alors que l’alopécie concerne une grande partie de la population, il existe très peu

Pour palier la perte de cheveux, l’une des techniques consiste à prélever des cheveux à l’arrière de la tête avant de les transplanter méticuleusement dans les zones dégarnies. C’est la méthode baptisée « follicular unit extraction ».

de spécialistes dans les hôpitaux cantonaux universitaires de Suisse romande. Toutes les personnes interrogées se sont rendues chez des dermatologues généralistes pour leurs problèmes capillaires. « La trichologie, la science qui s’occupe de l’étude des cheveux et des poils, est une discipline négligée au niveau mondial. Et ce n’est pas le domaine le plus plébiscité dans les milieux universitaires. Il s’agit de patients lourds à prendre en charge, pour proportionnellement peu d’honneur et de réputation scientifique. »

FAIRE REPOUSSER LES CHEVEUX

Heureusement, il existe des solutions. À commencer par les traitements médicamenteux. Pour les hommes, les principaux sont le Minoxidil qui a un effet stimulant « sans qu’on en comprenne exactement le mécanisme », explique le spécialiste, ainsi que le Finastéride, qui bloque la transformation de la testostérone en DHT. Pour les femmes, le Minoxidil fonctionne aussi, tout comme la pilule contraceptive à

activité partielle anti-androgénique. « Chez beaucoup de patientes, on obtient de bons résultats. »

Une multitude de solutions sont proposées dans les instituts capillaires. « Certaines sont peu efficaces, et peuvent se révéler être une perte de temps et d’argent. »

La luminothérapie ? « Il n’y a pas assez de données scientifiques pour qu’on puisse la soutenir. » Les injections de plasmas riches en plaquettes ? « C’est très cher, ça fait mal et beaucoup d’expériences montrent que ce n’est efficace que dans 50% des cas. » Mieux vaut, selon lui, commencer avec d’autres méthodes et garder cette alternative comme complément à un traitement. « Si une clinique vous propose ce type d’injections en premier lieu, fuyez ce cabinet. »

LES GREFFES CAPILLAIRES EN PLEIN BOOM

La greffe capillaire est l’autre moyen efficace de lutter contre le dégarnissement. Un nombre croissant de personnes y a recours

dans le monde entier. « Un phénomène particulièrement marqué depuis deux ou trois ans, explique Stéphane de Buren, spécialiste suisse de la chirurgie à l’étranger.

C’est l’effet boule de neige, car les gens se rendent compte que ça marche. »

Et dans ce secteur, le tourisme médical, notamment vers la Turquie, est très élevé.

« C’est comparable à ce qui se passe pour la chirurgie esthétique et les soins dentaires. Les Suisses partent à l’étranger pour les opérations qui ne sont pas prises en charge par l’assurance. »

À qualité égale, les prix sont jusqu’à quatre fois moins chers qu’en Suisse, selon Stéphane de Buren.

Plusieurs procédés pernettent de greffer des cheveux. La meilleure méthode, selon le spécialiste, consiste en un prélèvement des follicules pileux situés dans les zones qui ne sont pas touchées par l’alopécie, pour les implanter dans les parties dégarnies. Cette méthode s’appelle la « follicular unit extraction ». Une autre technique, la « follicular unit transplantation », consiste à prélever des bandes entières de cheveux dont les greffons sont extraits.

Si la méthode d’implantation par bandes est plus rapide et moins coûteuse, le spécialiste recommande la première technique, qui ne laisse pas de cicatrice visible et qui est beaucoup moins invasive. Il est parfois conseillé de réitérer l’opération si la calvitie évolue. Avant de se faire greffer, Pierre de Viragh préconise un traitement médical pour stabiliser la situation. « La greffe sans traitement peut donner à long terme de mauvais résultats. Les cheveux de l’arrière de la tête n’ayant pas la même qualité que ceux de devant. »

Beaucoup d’instituts prétendument spécialisés, en Suisse où à l’étranger, sont focalisés sur l’aspect commercial « Dès qu’il n’y a plus de business à faire, ils renvoient les patients vers des dermatologues. »

Aussi, il recommande de bien choisir son établissement : un bon critère est de voir si le médecin responsable fait figurer son nom sur la porte, garantissant qu’il prend la responsabilité de l’institut personnellement. « Même si l’opération est peu risquée, c’est de la chirurgie. Il faut que la greffe soit faite par quelqu’un qui a suivi une formation pointue. » Et il faut y mettre le prix. « La meilleure offre n’est pas toujours le meilleur choix. » /

SE TATOUER DES CHEVEUX POUR GAGNER EN DENSITÉ

Pour augmenter sa densité capillaire, parfois en complément à une greffe, certaines personnes décident de passer par la tricopigmentation, une technique qui s’apparente au tatouage et qui vient implanter sous la peau, non pas de l’encre, mais des pigments bioabsorbables qui imitent le cheveu.

« C’est une prestation assez récente en Suisse, mais courante en Italie, explique

Sandra Moscatello, tricopigmentologue

dans une clinique genevoise. Il y a de plus en plus de demande. » Sa clientèle se compose de personnes qui ont peur de la greffe ou qui souhaitent un complément à une greffe peu satisfaisante. « Mes patients sont majoritairement des hommes, car la tricopigmentation permet d’obtenir un effet de crâne rasé, explique-t-elle. Mais j’ai aussi des femmes chez qui le résultat est presque imperceptible, mais permet de gagner en densité. »

SORTIR DU SILENCE

Les troubles de l’audition touchent près de 15% de la population suisse. Ils sont souvent tabous, malgré leurs conséquences sur l’épanouissement social et personnel des individus. Témoignages et conseils.

TEXTE : AUDREY MAGAT

Sept ans, c’est le nombre d’années qu’attendent, en moyenne, les Suisses et Suissesses avant de consulter pour des troubles de l’audition. Et seulement 50% des personnes atteintes décident de traiter ce problème. « Les troubles de l’audition sont encore tabous parce qu’ils sont associés à la vieillesse dans l’imaginaire collectif, explique Mercy George, médecin spécialisé en otologie – spécialité médicale consacrée aux affections et anomalies de l’oreille et de l’audition – au CHUV. C’est pourtant tout à fait commun, comme les troubles de la vue, qui eux ne souffrent pas des mêmes préjugés. »

En Suisse, 1,3 million de personnes sont malentendantes, selon Pro Audito Suisse, organisation indépendante qui aide les personnes ayant une déficience auditive.

La perte auditive arrive en cinquième position au classement des maladies qui affectent le plus la qualité de vie selon l’OMS, qui dénombre 1,5 milliard de personnes atteintes d’un trouble de l’audition dans le monde.

« Les déficiences auditives entraînent des problèmes au niveau des relations interpersonnelles », explique Heike Zimmermann, codirectrice de Pro Audito Suisse. « Les difficultés d’interactions peuvent devenir problématiques, créer des malentendus, et l’effort mis à l’écoute peut frustrer et épuiser. Les capacités à travailler

BRUIT

PARASITE

La chanteuse belge Angèle souffre d’acouphènes chroniques, un « deuil du silence » qu’elle décrit dans sa chanson « J’entends ».

et voyager sont également réduites. Au niveau sécurité également, les alarmes et les bruits de la circulation non perçus mettent en danger. Finalement, ces freins provoquent souvent un isolement social. »

PAS DE

COTON-TIGE

Mercy George met par ailleurs en garde contre les risques psychologiques d’une perte auditive non traitée. « Les pertes auditives ont un impact social très important. Les personnes atteintes se retirent socialement, ce qui peut entraîner des dépressions et des solitudes profondes. La situation est particulièrement alarmante chez un enfant qui n’exprimera pas forcément son sentiment de solitude. » Pour les reconnaître, la médecin conseille de rester attentif aux indices comme « l’impression que l’entourage marmonne, qu’il faut augmenter le son de la télévision, ou lorsque l’on peine à comprendre les autres au restaurant. »

La sécrétion de cérumen dans le conduit auditif est normale. Les cotons-tiges sont à éviter puisqu’ils risquent de créer des bouchons ou d’irriter l’oreille.

qu’elles puissent être entendues plus clairement.

Lorsque l’atteinte est plus importante et que les aides ne fonctionnent plus, les implants cochléaires peuvent être envisagés. Un dispositif électronique est alors placé chirurgicalement à l’intérieur de la cochlée afin de stimuler directement le nerf auditif. La chirurgie et la prise en charge médicale sont des options possibles pour les problèmes touchant les autres parties de l’oreille. « Un appareil auditif adapté est la meilleure solution actuellement, confirme Heike Zimmermann. Il existe également des appareils complémentaires, et apprendre la lecture labiale peut améliorer la compréhension d’environ 30%. »

RECONNAÎTRE LES

SIGNES POUR AGIR

L’oreille se compose de trois parties : l’oreille externe, qui comprend le pavillon et le conduit auditif avec le tympan, l’oreille moyenne avec les osselets, puis l’oreille interne avec la cochlée, les canaux semi-circulaires et le nerf auditif. Les aides auditives constituent une solution intéressante pour les personnes souffrant d’une perte auditive due à des problèmes d’oreille interne. Ces appareils, placés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’oreille, amplifient les vibrations sonores afin

La perte d’audition peut avoir plusieurs origines : des causes infectieuses (bactériennes ou virales), une accumulation excessive de cérumen dans le conduit auditif, des otites répétées dans l’enfance, le tabagisme, la prise de certains médicaments et les traumatismes sonores (professionnels ou récréatifs). Plus généralement, elle est due à la vieillesse. Selon l’OMS, les oreilles commencent à vieillir à 30 ans. À 60 ans, plus d’un tiers des personnes sont touchées par une perte d’audition. À 70 ans, ce sont deux personnes sur trois, puis le taux dépasse les 80% passé 80 ans. « Avec l’évolution démographique et la génération des baby-boomers, la surdité liée à l’âge va devenir un sujet majeur ces prochaines années », ajoute

la codirectrice de Pro Audito. En outre, économiquement, les déficiences non traitées coûtent 6,3 milliards de francs par an en Suisse, dont près des deux tiers est due à la baisse de la qualité de vie des personnes concernées selon une étude publiée en 2020 par Pharmapro, plateforme d’offres d’emploi pour les métiers de la pharmacie en Suisse.

LA BLESSURE DES ACOUPHÈNES

Les acouphènes sont des bruits parasites comme des bourdonnements, des grésillements, des chuintements ou des sifflements, qui sont perçus sans qu’il y ait de stimuli extérieur. En Suisse, ils touchent 10 à 18% de la population, de tout âge et sont d’une gravité variable, allant de la gêne à la surdité unilatérale ou bilatérale. Les atteintes chroniques touchent 4% de la population adulte. « On les surnomme ‹ les pleurs de la cochlée ›, explique Mercy George. Dans 60% des cas, la cause est claire, que ce soit une infection ou plus généralement une blessure liée à un son trop fort,

par exemple via des écouteurs. Dans les 40% restants, leur cause est idiopathique, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de cause définie. Leur apparition est alors plutôt liée à des facteurs comme le stress. »

Alain Frey est musicien professionnel. Il produit et joue de la batterie avec son groupe Elvett. Pour lui, les acouphènes sont apparus il y a une vingtaine d’années : « Après avoir travaillé pendant des heures, je suis allé à un concert, l’ambiance de la soirée était bruyante. Je me sentais particulièrement fatigué par le son, le lendemain matin j’ai eu un acouphène qui n’est jamais parti. »

Le batteur a dû arrêter de se produire sur scène pendant certaines périodes. « C’était un déchirement, mais je dois préserver ma santé. Dans le monde de la musique, les acouphènes ont été tabous pendant longtemps. Ce n’était pas rock de baisser le son et de se protéger du volume. » Mais le son d’une caisse claire sur une batterie est particulièrement bruyant : allant jusqu’à 120 décibels, ce son équivaut à celui d’un marteau-piqueur.

Le musicien genevois entend un bruit blanc très aigu dans les deux oreilles.

OSER DEMANDER DE L’AIDE

Des associations comme Pro Audito, Pro Senectute ou encore la fondation Forom écoute accompagnent les personnes dans leur perte d’audition. Elles offrent des explications et des conseils pratiques.

Le musicien Alain Frey souffre d’acouphènes depuis 20 ans. Une problématique qui touche 10 à 18% de la population suisse.

« Du réveil au coucher, je perçois ce bruit parasite. Il faut apprendre à vivre avec, à l’ignorer, autrement c’est extrêmement irritant et épuisant. De mon expérience, l’anxiété et la fatigue ont tendance à empirer la situation. »

REMBOURSEMENT

Les problèmes d’audition constatés par un médecin donnent droit à une contribution financière de l’AVS pour obtenir un appareil auditif. Pour plus de renseignements, s’adresser à l’organe AI de votre canton.

Les acouphènes sont sans danger mais peuvent provoquer un inconfort majeur, entraînant parfois des insomnies ou des maux de tête, voire des dépressions. Il n’existe, dans la majorité des cas, pas de traitement, car les dommages causés à l’oreille interne sont irréversibles : une fois blessée, l’oreille ne se répare pas. « Je me sens démuni, le mal est fait », ajoute le musicien. Les acouphènes entraînent aussi une hyperacousie, ce qui signifie que la perception des sons est plus forte que la normale. « Les bruits du quotidien peuvent devenir un supplice. On ne se sent jamais au repos, tout agresse », témoigne le musicien de 51 ans.

RENFORCER

LA PRÉVENTION

CHEZ LES JEUNES

Pro Audito Suisse conseille à chacun·e de prendre soin de son audition et de ne pas hésiter à passer des tests auditifs. L’association demande aussi que toutes les vidéos et émissions de télévision soient sous-titrées ainsi que l’accessibilité des contenus des manifestations et discours publics.

George Mercy appelle également à une meilleure prévention : « La fragilité de l’audition est complétement négligée, or il est possible de la préserver avec

des gestes simples, par exemple en gardant un volume à maximum 60% dans les écouteurs, et en utilisant des protections d’oreilles lors de concerts ou d’événements bruyants. » Le musicien du groupe Elvett appelle lui aussi à davantage de prévention et recommande de faire attention au volume dans les écouteurs intra-auriculaires qui dirigent le son directement sur le tympan. Un mode de vie sain, accompagné d’un bon contrôle de l’hypertension et du diabète, contribue également à maintenir une bonne qualité auditive. /

GARE À L’OTOTOXICITÉ

Certains médicaments comme les antituberculeux, les médicaments anti-tumoraux, certains antibiotiques ou encore l’aspirine peuvent provoquer des altérations des fonctions auditives. Il est donc essentiel de parler de vos troubles de l’audition à votre médecin pour éviter les interactions délétères.

MAMAN À 40 ANS : LE DÉFI DE LA FERTILITÉ

Le désir d’être mère se heurte encore à la biologie. Si les progrès de la science ont permis à des quadragénaires d’enfanter, la fertilité, elle, reste encore un enjeu pour le monde médical.

Eva Longoria, Adriana Karembeu ou encore Céline Dion, les célébrités devenues mamans sur le tard ont attiré l’attention des médias. Plus proche de chez nous, L’Illustré présentait en août dernier des Romandes qui ont donné la vie à plus de 44 ans. Des histoires qui font naître des espoirs dans un pays où l’âge moyen du premier enfant se situe à 31,2 ans (OFS), mais qui occultent souvent le rôle de la science dans ces grossesses dites tardives. « Je reçois plusieurs fois par jour des patientes de

plus de 40 ans, et plusieurs fois par mois des futures mamans âgées de 45 ans et plus. Ce n’est plus un phénomène rare », confirme le Professeur David Baud, chef du Service d’obstétrique au CHUV et spécialisé dans le suivi des grossesses à haut risque. Depuis les années 2000, le nombre de femmes qui accouchent à plus de 40 ans a doublé, selon l’OFS. Deux tiers des patientes qu’il reçoit dans son cabinet sont enceintes grâce à la procréation médicalement assistée (PMA).

Les changements sociétaux se heurtent à la biologie, qui ne suit pas toujours. Des études plus longues qu’auparavant,

des voyages, des carrières chronophages, une instabilité professionnelle et amoureuse font partie des facteurs qui expliquent que le projet bébé prend parfois du temps à se concrétiser. Sans compter la baisse de fertilité dans la population en général, notamment liée à l’augmentation de l’âge auquel s’entame le projet de parentalité. Loin de manquer de travail, la médecine de la fertilité du CHUV a, en effet, vu son activité augmenter de près de 70% entre 2016 et 2021. « La majorité de nos patientes sont âgées de plus de 38 ans », précise Anna Surbone, médecin associée à l’Unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique qui

propose diverses techniques de PMA. « Si l’âge de la grossesse augmente, cela ne signifie pas que le taux de fécondité suit », confirme la spécialiste. Elle accueille fréquemment des femmes de 40 ans qui attendent de la science un miracle et tombent des nues en apprenant les probabilités de réussite. « Au-delà de 43 ans, les chances de succès (soit qu’une grossesse arrive à terme) d’une fécondation in vitro sont environ de 5%, car la réserve ovarienne et la qualité des ovocytes diminuent rapidement avec l’âge. Il y a des limites

L’actrice américaine Eva Longoria, notamment connue pour son rôle dans la série « Desperate Housewives », enceinte pour la première fois à 42 ans, en 2018.

biologiques qu’on ne peut pas dépasser. Il y a un vrai travail de sensibilisation à faire, notamment pour que les jeunes femmes, si elles le souhaitent, congèlent leurs ovocytes le plus tôt possible. » Mais, pour l’heure, le don d’ovocytes est interdit en Suisse. Il est ainsi fréquent que des femmes célibataires ou des couples âgés de 45 ans et plus se tournent vers l’Espagne ou le Danemark pour se procurer des ovocytes plus « jeunes ».

UN BÉBÉ À TOUT PRIX

Pour celles et ceux qui décident de se lancer dans une fécondation

in vitro (FIV), soit la technique de PMA qui rencontre le plus de succès, mieux vaut avoir un compte en banque bien garni. Un cycle de FIV coûte entre 8000 et 10’000 francs et il en faut souvent plusieurs pour espérer arriver à une naissance. Des coûts élevés, non remboursés. « Malgré le sacrifice financier que représente la PMA, nous recevons des profils très variés. Le désir d’enfant surpasse tout, que l’on soit riche ou pauvre. Certains couples font des emprunts, piochent dans leurs économies. Mais il nous arrive de voir des couples renoncer à un cycle supplémentaire faute de moyens, c’est très frustrant. »

Pour les couples qui ont toutefois le bonheur d’avoir un test de grossesse positif, le chemin jusqu’à la parentalité peut se révéler sinueux. « Ce n’est pas une folie de faire un enfant à plus de 40 ans, si on est en bonne santé, la majorité des grossesses se passent bien. Mais il est vrai qu’avec l’âge, la probabilité d’accumuler des maladies comme l’hypertension ou le diabète est plus importante. Il est également plus fréquent

CE QUE DIT LA LOI FÉDÉRALE SUR LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT

ASSISTÉE (LPMA)

La loi suisse place le bien-être de l’enfant au centre des préoccupations. Ainsi, s’il n’existe pas de limites officielles pour accéder à la PMA, les parents doivent être à même de subvenir aux besoins de l’enfant jusqu’à ses 18 ans. Par ailleurs, tout traitement doit faire l’objet d’un consentement des deux partenaires.

La Suisse, actuellement le seul pays européen avec l’Allemagne à interdire le don d’ovocytes, devrait bientôt également l’autoriser. Le Conseil des États a suivi le National et accepté en septembre 2022 une motion visant à autoriser le don d’ovocytes, au même titre que le don de sperme qui est autorisé aux couples mariés dont l’homme est infertile.

de donner naissance à des bébés prématurés ou par césarienne », souligne le professeur David Baud, rappelant que l’essentiel étant l’état de santé préexistant à la grossesse.

Si les progrès et la loi en matière de PMA continueront d’évoluer dans le futur (voir encadré) et devraient encore permettre à de nombreuses femmes de connaître la maternité au cours de leur seconde moitié de vie, il n’en reste pas moins que la fertilité reste un enjeu majeur pour ces prochaines années.

« La qualité du sperme diminue chaque année de 1% au niveau mondial, notamment à cause

Depuis juillet 2022, il est également autorisé pour les couples de femmes mariées. Toutefois, seuls les couples dont les femmes sont infertiles pourront avoir accès aux dons d’ovocyte.

À l’heure actuelle, les couples ou les femmes célibataires qui souhaitent bénéficier du don d’ovocytes doivent se rendre à l’étranger, un traitement qui n’est pas remboursé ici. La gestation pour autrui, le don de sperme chez les couples non mariés et chez les femmes sans conjoint sont exclus de la LPMA, tout comme la détermination du sexe (sauf pour exclure une maladie grave).

de la pollution et des pics de chaleur qui perturbent la production de spermatozoïdes.

À ce rythme, il n’y aura plus de sperme dans cent ans », déplore le professeur Baud. Et les traitements de PMA deviendraient alors obsolètes. /

Anna Surbone

« Si l’âge de la grossesse augmente, cela ne signifie pas que le taux de fécondité suit », prévient Anna Surbone, médecin associée à l’Unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique.

L’HYPERTENSION, CE DANGER INSIDIEUX

La maladie concerne désormais aussi des personnes plus jeunes. D’où l’importance de mesurer régulièrement sa tension artérielle à tout âge et d’appliquer les mesures de prévention.

Il y a quelques semaines, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié sa première étude sur l’impact de l’hypertension artérielle au niveau mondial et les moyens de lutter contre cette maladie. Souvent qualifiée de « tueur silencieux », elle touche un adulte sur trois dans le monde. « Des traitements simples et peu coûteux permettent de maîtriser efficacement l’hypertension, et pourtant celle-ci n’est maîtrisée que chez environ une personne hypertendue sur cinq », a souligné Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, à l’occasion de la présentation du rapport. Il conclut qu’une extension des traitements à travers le monde pourrait éviter 76 millions de décès entre 2023 et 2050.

En Suisse aussi, l’hypertension progresse : elle concerne aujourd’hui près de 27% de la population, contre 20% il y a un quart de siècle, selon les données récoltées par l’Office fédéral de

la statistique. Pour rappel, l’hypertension est constatée lorsque la force exercée par le sang contre les parois des artères est constamment trop élevée. Cette pression excessive peut entraîner des dommages aux vaisseaux sanguins, au cœur et à d’autres organes du corps, tels que les yeux ou les reins.

La tension artérielle s’exprime en millimètres de mercure (mm Hg). Sa mesure, en général à l’aide d’un brassard de tensiomètre, comporte deux chiffres : la pression systolique (lorsque le cœur bat) et la pression diastolique (quand le cœur est au repos). Une lecture normale correspond à une valeur autour de 120/80 mm Hg. À l’inverse, on parle d’hypertension artérielle lorsque la mesure en milieu médical atteint ou dépasse la valeur de 140/90 mm Hg, ou 135/85 mm Hg à domicile.

« L’hypertension est une maladie silencieuse, car dans l’immense majorité des cas, les patients sont asymptomatiques, explique Grégoire Wuerzner, médecin-chef au sein du Service de néphrologie et d’hypertension du CHUV. Les dégâts se font dans la durée, de manière insidieuse. Une pression artérielle trop élevée provoque une rigidification des artères au cours du temps, ce qui peut à terme conduire à des insuffisances cardiaques ou rénales. »

TEXTE : ERIK
FREUDENREICH

1 fois par an

La fréquence minimale recommandée de mesure de la tension artérielle pour une personne adulte en bonne santé.

Trentenaires concernés

Parmi les facteurs de risque qui contribuent au développement de l’hypertension, il y a notamment l’hérédité, l’obésité, une alimentation riche en sel ou encore un manque d’activité physique. Le tabagisme, la consommation excessive d’alcool ou le stress chronique constituent d’autres facteurs aggravants, tout comme certains antécédents médicaux, tels que le diabète ou les maladies rénales. On distingue par ailleurs l’hypertension secondaire, qui résulte de causes sous-jacentes identifiables, telles que les troubles rénaux, ou certaines maladies vasculaires rénales.

Jusqu’à présent associée à la population âgée, l’hypertension touche désormais un nombre croissant de personnes plus jeunes, parfois dès l’âge de 30 ans. « Cela constitue clairement

une tendance que nous remarquons, même si nous ne disposons pas de chiffres détaillés pour la Suisse, remarque Grégoire Wuerzner. On sait en revanche que cette situation est liée à l’augmentation du nombre d’adolescents en surpoids ou obèses. » Ainsi, 17% des enfants et adolescents sont aujourd’hui en surpoids, selon une enquête menée il y a deux ans auprès de 29’000 élèves par l’organisation Promotion Santé Suisse, soit une légère augmentation par rapport au précédent pointage réalisé en 2017.

Le spécialiste souligne l’importance de mesurer régulièrement sa pression artérielle, au moins une fois par an pour les personnes adultes, voire davantage lorsque l’on s’approche des valeurs limites. « La pression artérielle peut s’avérer variable, c’est pourquoi plus on la mesure, plus on obtient une image précise. »

À cela s’ajoutent des situations particulières comme « l’effet blouse blanche », qui provoque chez certain e s patient·e·s une tension trop élevée lors d’un contrôle chez le médecin, en raison d’une augmentation du stress. « Il existe aussi un phénomène inverse, l’hypertension masquée, soit une mesure normale lors d’un examen dans un cabinet médical, mais plus élevée dans la vie courante. »

Le défi de l’observance thérapeutique

Le traitement de l’hypertension repose généralement sur diverses adaptations en matière d’hygiène de vie, auxquelles peut s’ajouter la prise d’un ou plusieurs médicaments. « Pratiquer davantage d’activité physique ou diminuer la consommation de sel sont des mesures qui bénéficient à toute personne hypertendue, souligne le praticien. À titre d’exemple, la perte de 1 ou 2 kilos de poids corporel entraîne une diminution de 1 millimètre de mercure (mmHg) de

la pression artérielle. Même une petite perte de poids entraîne un effet positif. »

Mais que l’hypertension soit traitée par un changement de l’hygiène de vie et/ou des mesures pharmacologiques, le principal défi demeure la persistance dans le temps. « Il est essentiel de posséder une certaine discipline, qu’il s’agisse de la mesure de sa tension ou la prise régulière des médicaments », témoigne Bernard*, qui suit un traitement contre l’hypertension depuis vingt ans.

Concernant son traitement, il a fallu expérimenter différentes choses pour trouver la combinaison idéale. « Il est vrai que certains médicaments peuvent parfois avoir des effets secondaires, qui peuvent être plus gênants que l’hypertension elle-même : dans mon cas par exemple, des crises de goutte (inflammation des articulations, ndlr) déclenchées par un diurétique. D’où l’importance d’instaurer une bonne collaboration entre patient e et médecin, mais aussi de s’intéresser à son propre cas. Il est essentiel de se montrer curieux, car l’on reste le meilleur acteur pour maintenir sa santé. »

Approches innovantes

Dans certains cas, lorsque l’hypertension est grave ou résistante au traitement médicamenteux, des interventions chirurgicales peuvent être envisagées.

« Un traitement interventionnel s’effectue par voie endovasculaire et consiste à remonter dans les artères rénales pour y désactiver le système nerveux sympathique. » Une technique qui a fait l’objet d’une récente étude au sein du CHUV.

Les chercheurs lausannois s’intéressent aussi aux nouvelles technologies permettant de faciliter la détection et le suivi des patient·e·s. Plusieurs entreprises suisses se profilent d’ailleurs sur ce marché. Ainsi la société lausannoise

Biospectal a conçu une solution permettant de mesurer sa tension artérielle en utilisant la caméra d’un smartphone, tandis que l’entreprise neuchâteloise Aktiia développe un appareil de surveillance de la pression artérielle, qui permet d’effectuer automatiquement plus de 70 mesures par semaine, et cela jour et nuit. Autant d’innovations prometteuses, même si le brassard de tensiomètre devrait conserver une place de choix au cabinet médical ou à la maison ces prochaines années. /

* Nom connu de la rédaction

27%
La part de la population suisse concernée par l’hypertension.

Santé connectée

Véritables appuis pour suivre une maladie ou rester en forme, les applications de santé rencontrent un franc succès. Elles apportent souvent une aide motivationnelle importante. Encore faut-il interpréter correctement leurs données.

TEXTE : CAROLE BERSET

ILLUSTRATION : ANA YAEL

orsque Sophie*, atteinte de diabète, constatait que sa glycémie se trouvait juste au-dessous de sa valeur idéale avant d’aller se coucher, la jeune femme préférait systématiquement manger encore un peu, par précaution. Le but ? Faire remonter son taux de sucre dans le sang afin de prévenir tout risque d’hypoglycémie –qui peut provoquer un coma ou des convulsions – durant la nuit. Mais depuis que la jeune maman utilise AndroidAPS, ce rituel n’a plus lieu d’être. L’application, comme FreeStyle Link et GluciCheck, permet en effet un suivi connecté du diabète.

« Mon diabète s’est déclaré au cours de ma grossesse. Les injections au stylo impliquaient de calculer constamment la dose d’insuline à s’administrer et représentaient une immense

contrainte – également matérielle –, surtout avec un bébé. J’ai donc vite opté pour une pompe à insuline, que je peux désormais connecter à un capteur collé à mon bras via AndroidAPS. L’application calcule elle-même la dose à injecter et permet, dans une certaine mesure, d’envoyer ou de couper l’insuline sans que j’aie à faire quoi que ce soit. » Grâce aux différentes applications qu’elle utilise au quotidien, la jeune femme a vu son état de santé global s’améliorer : sa glycémie – notamment à jeun –reste plus facilement dans la norme et sa charge mentale a drastiquement diminué.

Les applications de santé constituent une véritable aide, par exemple dans la prise de médicaments, pour les personnes atteintes de cancer, de pathologies cardiaques ou de douleurs chroniques, indiquait en 2021 une étude du Journal of

Medical Internet Research. Outre les applications dites médicales, les applications non médicales, de sport, fitness ou bien-être connaissent un succès fulgurant depuis quelques années, renforcé durant la pandémie. Un rapport publié dans le State of Mobile 2022 indiquait une augmentation de plus de 25% des téléchargements entre 2019 et 2021. Home Workout, No Equipment et Mi Fit, disponibles sur bracelet connecté ou smartphone, constituaient par ailleurs le trio de tête des applications les plus téléchargées au monde en 2020.

INTERPRÉTER SES DONNÉES

Qu’ils soient professionnels ou amateurs, de plus en plus de sportifs osent évoquer l’utilisation d’applications de santé dans le cadre d’une consultation. Responsable du Centre de médecine du sport au CHUV, Vincent Gremeaux encourage cette attitude : « Bien que les

Une

opportunité pour la recherche scientifique

Dans le domaine de la science du sport, les données collectées par les applications de santé représentent des ressources très intéressantes pour le développement de nouvelles connaissances médicales. Car les recherches réalisées jusqu’à présent ne permettaient pas de recréer les conditions exactes vécues par les sportifs. « Recueillies sur de larges groupes d’individus, de telles données constituent une occasion d’affiner notre compréhension du rapport entre le niveau d’activité et l’état de santé d’une personne,

applications ne remplacent pas un suivi médical et ne peuvent pas convenir à tous les types de personnes, elles constituent un outil d’échange supplémentaire entre le médecin et le patient. Afin d’éviter des dérives telles qu’un programme inadapté pour une personne qui souhaite reprendre le sport après une longue période d’inactivité ou un surentraînement pour un athlète, le médecin peut guider le patient dans le choix d’un outil qui convienne à sa situation. »

L’interprétation des résultats obtenus ainsi qu’un regard critique représentent un enjeu fondamental afin de garantir une utilisation saine des applications. Médecinchef au sein du Service de cardiologie du CHUV, Aaron Baggish aide régulièrement ses patient·e·s à comprendre ce que signifient leurs données. « Les applications

explique le cardiologue Aaron Baggish. Le but étant d’améliorer la prise en charge médicale en la rendant toujours plus personnalisée. »

La validité scientifique des données utilisées pour la recherche doit toutefois être garantie. À titre d’exemple, le bracelet tensiomètre de la start-up neuchâteloise Aktiia –dont la technologie a été développée par le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) – a vu sa précision démontrée dans le cadre d’essais

cliniques au sein du CHUV notamment. « Jusqu’ici, il n’y avait pas vraiment d’applications capables de mesurer quotidiennement la pression artérielle de manière satisfaisante, résume Aaron Baggish. Ce bracelet est donc très prometteur car ces données sont exemptes de biais relatifs au contexte hospitalier ou clinique. Les médecins pourront donc prescrire des médicaments ou conseiller d’éventuels changements de modes de vie avec d’autant plus d’exactitude. »

livrent parfois des informations inexactes. Certains outils de mesure de la tension artérielle peuvent par exemple indiquer une augmentation ou diminution anormale du rythme cardiaque durant un exercice physique. Or, il s’agit souvent d’une faille du système. Il est donc très important de distinguer ce qui relève d’un réel problème de santé de ce qui ne l’est pas, et de s’adresser à son médecin pour lever le doute. »

QUALITÉ DIFFICILE À ÉVALUER

La fiabilité et l’efficacité de la majorité des applications de santé ne sont aujourd’hui pas avérées cliniquement ou scientifiquement. Sur 68 applications analysées, plus de deux tiers n’avaient pas été soumises à des études cliniques avant d’être commercialisées, indique un rapport publié sur le site « Science et Avenir ». Afin de

répondre à cette problématique, le Centre de compétences et de coordination de la Confédération et des cantons « eHealth Suisse » a établi, en 2019, un catalogue de neuf critères afin d’aider professionnel·le·s de santé et patient·e·s à identifier les applications pertinentes en fonction de leurs besoins. « Cela reste toutefois difficile à évaluer, en particulier en raison du renouvellement important de ces applications. Il faudrait réfléchir à une solution plus globale à l’avenir », souligne Vincent Gremeaux. Beaucoup de médecins ne savent pas comment intégrer ces outils à leur pratique. « Mon souhait serait de développer un programme afin d’accompagner les médecins dans l’utilisation de ces données », précise Aaron Baggish.

Une absence d’études cliniques ne rime néanmoins pas toujours avec inefficacité. « Les applications peuvent constituer une aide motivationnelle extraordinaire, et encourager le ou la patient·e à atteindre ses objectifs, souligne le spécialiste. Il n’y a rien de tel que de visualiser sa progression sur un histogramme. Le fait qu’une application ait été créée par un professionnel des sciences du sport ou un médecin et qu’elle intègre un aspect pédagogique peut aussi constituer des critères de qualité. »

Aaron Baggish conseille aussi de définir des buts clairs et spécifiques, qu’il s’agit ensuite de « traduire » dans l’application. « Marcher 2h30 à un rythme soutenu ou modéré ne correspond pas au même effort. Cela doit donc être retranscrit au moment d’indiquer ses objectifs. »

TÉLÉCHARGER EN CONSCIENCE

« Afin de garantir une certaine sécurité, j’ai installé l’application sur un deuxième téléphone, que je laisse la plupart du temps en mode avion, précise Sophie. Il m’est arrivé d’avoir peur que mon application soit piratée et que l’on puisse m’injecter de l’insuline à distance, par exemple. » Pour Olivier Crochat, directeur exécutif du Center for Digital Trust de l’EPFL, le piratage des données de fitness ou de santé représente pour l’instant un faible intérêt pour les cybercriminels. « Il est difficile de concevoir comment faire du chantage à partir du nombre de pas que vous effectuez par jour,

par exemple. Le risque de profilage est bien plus important. » Afin de garantir sa cybersécurité, le spécialiste en confiance numérique conseille donc de privilégier les applications développées par une société locale. Bien que la Suisse et l’Europe disposent d’une législation forte en matière de protection des données, Olivier Crochat souligne néanmoins le caractère ambivalent des métadonnées. « De plus en plus d’employeurs encouragent le téléchargement d’applications de bien-être ou de fitness. Or, même si l’employé décide de ne pas partager ces données, le simple fait de se connecter régulièrement à une

application contre la dépression, par exemple, donne déjà de précieuses informations à son sujet. »

Certaines assurances comme Helsana ou CSS utilisent des applications développées par une société allemande dans le but de récompenser les assuré e s qui privilégient un mode de vie sain et d’améliorer la prévention. « La question consiste à savoir où est le curseur entre une incitation bienveillante et une manière de filtrer les assuré·e·s afin de pénaliser ceux ou celles qui se retrouveraient dans la catégorie des mauvais élèves », résume l’expert. /

* Prénom d’emprunt

Selon Aaron Baggish, cardiologue au CHUV, les médecins peuvent aider à détecter les informations inexactes que livrent parfois les applications de santé.

« LES IMMUNOTHÉRAPIES ONT CHANGÉ LA DONNE »

La lutte contre le cancer de la peau a connu une avancée remarquable ces dernières années.

L’oncologue néerlandais John Haanen y a largement contribué en développant une méthode innovante. Présentation.

« Lorsque j’ai entrepris mes premières recherches, la seule thérapie disponible pour combattre le mélanome en phase métastatique était la chimiothérapie, avec des résultats très mitigés, explique John Haanen, chercheur en oncologie. Seuls 10% des patients voyaient leur situation s’améliorer, avec des signes de rémission temporaire et dans de très rares cas une rémission complète. Mais depuis, la donne a radicalement changé. »

Après plus d’un quart de siècle de recherche sur la lutte contre le cancer, de la peau principalement, aux stades avancés, le professeur, qui a rejoint au printemps 2023 le Service d’oncologie du CHUV, se réjouit des progrès considérables dans l’efficacité des traitements. Au début des années 2010, les premières formes d’immunothérapie misaient sur l’activation des cellules immunitaires pour détruire les cellules cancéreuses et affichaient des résultats surprenants. Au début des années 2010, les premières formes d’immunothérapie font leur

apparition. Contrairement à la chimiothérapie, ce traitement ne vise pas à inhiber la réplication des cellules, mais à permettre au système immunitaire de mieux reconnaître les cellules cancéreuses et les détruire.

Pour passer entre les mailles du filet immunitaire, les cellules cancéreuses développent plusieurs mécanismes, dont celui qui consiste à imiter des cellules saines et ainsi tromper les récepteurs (dénommés « points de contrôle »). En injectant une molécule capable de bloquer ces récepteurs qui permettent aux cellules cancéreuses d’avancer masquées, l’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle aide le système immunitaire à reconnaître les cellules défaillantes.

Depuis l’introduction de ces traitements au début des années 2010, le taux de survie à cinq ans des patient·e·s atteint·e·s de mélanome de stade IV (le stade métastatique) est passé de 5%

UNE CARRIÈRE DÉVOUÉE À LA RECHERCHE CONTRE LE CANCER

Docteur en immunohématologie depuis 1991, le professeur John Haanen se spécialise en médecine interne avant de se rediriger vers des recherches post-doctorales à l’Institut néerlandais du cancer (NKI) puis s’est formé en oncologie médicale. Membre actif de la European Society for Medical Oncology, il dirige la recherche sur les thérapies cellulaires pour les tumeurs solides, les immunothérapies néoadjuvantes et les biomarqueurs au NKI.

Ses recherches se sont concentrées sur les immunothérapies innovantes, notamment la vaccination par l’ADN et la thérapie génique TCR. Il a rejoint le Service d’oncologie médicale du CHUV en 2023, et continuera toutefois d’exercer au sein du NKI et de l’Université de Leyde aux Pays-Bas.

LES CARACTÉRISTIQUES VISIBLES

D’UN MÉLANOME : LA RÈGLE ABCDE

ASYMÉTRIE

Les mélanomes sont souvent asymétriques, avec une forme inégale plutôt que ronde ou ovale.

BORDS IRRÉGULIERS

Les bords irréguliers et mal délimités peuvent indiquer qu’il s’agit d’un mélanome.

COULEUR VARIABLE

Les mélanomes peuvent présenter une variété de couleurs, notamment du marron, du noir, du rouge, du bleu ou du blanc.

DIAMÈTRE

La plupart des mélanomes sont plus larges que la gomme d’un crayon (plus de 6 mm de diamètre). Même si les plus petits peuvent aussi être dangereux.

ÉVOLUTION

Il est essentiel de surveiller toute lésion qui change de taille, de forme, de couleur ou qui démange, saigne ou fait des croûtes.

à près de 50%. « Les résultats sont saisissants. Il est arrivé que la tumeur disparaisse après une immunothérapie néoadjuvante, c’est-à-dire un traitement censé réduire sa taille en préparation d’une intervention chirurgicale. Dans certains cas, nous utilisons aussi l’immunothérapie aux stades précoces pour prévenir la propagation de la maladie. »

UN PAS DE PLUS VERS UN TRAITEMENT CURATIF ?

Avant que les immunothérapies de type « inhibiteurs de points de contrôle » émergent, l’oncologue américain

Steven Rosenberg s’intéressait déjà au potentiel des lymphocytes (cellules immunitaires) présents dans la tumeur (les « TILs » pour tumor-infiltrating lymphocytes) pour lutter contre les tumeurs. En 1986, le chercheur parvient à isoler les TILs dans le but de les cultiver en laboratoire et les réinjecter en masse dans l’organisme.

Mais faute de financements, les recherches avancent au ralenti. Il faudra donc attendre 2014 pour que des essais cliniques de phase 3 aient lieu, sous la houlette du professeur John Haanen.

En 2022, l’équipe constituée de chercheurs de l’Institut néerlandais du cancer (NKI) et du Centre national danois d’immunothérapie contre le cancer publie les résultats de la première étude sur l’efficacité de la thérapie TILs sur des patient·e·s n’ayant pas réagi à l’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle. « Certains spécialistes se montraient sceptiques à l’idée qu’une thérapie TILs puisse fonctionner sur un·e patient·e qui n’a pas réagi aux inhibiteurs de points de contrôle, car les deux procédés reposent sur le système immunitaire. »

Toutefois, les études cliniques menées par John Haanen affichent des résultats encourageants. « Sur dix patients n’ayant pas montré de signes d’amélioration après un traitement par inhibiteurs de points de contrôle, cinq répondent favorablement à la thérapie TILs et deux voient leur tumeur disparaître complètement. »

AUSSI AU CHUV

Au CHUV, certain·e·s patient·e·s ont pu participer aux essais cliniques de la thérapie TILs. Parmi eux, Philippe G. qui a bénéficié de ce traitement en 2021, près de dix ans après un diagnostic de mélanome avancé qui, par chance, avait pu être pris en charge.

Mais quatre ans plus tard, c’est la rechute et le début d’un nouveau parcours semé d’embûches : des métastases sont détectées à proximité de ses poumons. Philippe G. enchaîne alors les opérations chirurgicales et les immunothérapies et son état de santé s’améliore. En 2020, une nouvelle tumeur au cerveau doit être traitée par radiothérapie puis en 2021, c’est au niveau de son genou que les cellules cancéreuses se sont agglutinées pour former plusieurs tumeurs. « C’est à ce moment-là que les médecins m’ont

proposé de participer aux essais cliniques de la thérapie TILs. » Toutes les personnes atteintes d’un cancer ne sont pas éligibles, car pour que la thérapie fonctionne, il faut notamment extraire un échantillon de la tumeur. « Ma tumeur contenait juste assez de lymphocytes pour que l’on puisse lancer la culture en laboratoire », raconte l’homme de 52 ans. Autre facteur déterminant : l’évolution de la tumeur doit être stable, car plusieurs semaines s’écoulent entre le prélèvement des lymphocytes et la réinjection.

Philippe G. reçoit d’abord une chimiothérapie afin de préparer son organisme à l’arrivée des milliards de lymphocytes multipliés in vitro. « En dix ans de traitement, cela a été ma première chimiothérapie, et ça été l’épisode le plus dur en termes d’effets secondaires. » Une fois cette phase terminée, les médecins lui administrent la thérapie TILs. « J’ai reçu une petite dizaine d’injections en trois jours, toutes suivies d’un effet collatéral assez spécial : des tremblements incontrôlables et très forts. Ce n’est pas douloureux, mais cela marque tout de même l’esprit. »

En définitive, la stratégie thérapeutique se révèle payante. Deux semaines plus tard, toutes les tumeurs ont disparu et, après quelques mois, Philippe G. réintègre le travail et retrouve une vie ordinaire. Malgré toutes ces épreuves, le quinquagénaire s’estime chanceux : « Sans les percées majeures réalisées par l’oncologie ces dix dernières années, le scénario aurait sans doute pris une autre tournure. » /

ÉJACULATION : L’ENJEU DU TIMING

TEXTE: yaNN BERNaRDINEllI ET CaROlE EXTERMaNN

Taboue, l’éjaculation précoce peut engendrer beaucoup de souffrances. Des solutions existent.

«

On préférera parler d’éjaculation rapide que précoce », explique

Fiona Bourdon, sexologue et psychotraumatologue au sein de Sexopraxis. Mais parler de ce problème, justement, est si rare que les études cliniques à ce sujet manquent. Tout comme le nombre d’hommes concernés, la statistique oscille ainsi entre 5 et 30%. En plus du manque de consultations, il existe beaucoup de définitions différentes du trouble, ce qui impacte l’étendue de la population concernée. « Les 5% avancés par le registre américain me semblent plus réalistes », estime

Julien Blanc, médecin au Service d’urologie du CHUV, responsable de la consultation d’andrologie. Cette spécialité s’occupe des problèmes de l’appareil reproducteur et urologique masculin. Néanmoins, elle n’est pas reconnue comme spécialité médicale en soi par la Fédération suisse des médecins. Techniquement, selon les institutions, les pays ou les époques, ce sont les urologues, les gynécologues, les endocrinologues ou encore les dermatologues qui assurent les consultations.

L’ESTIME DE SOI IMPACTÉE

Pour Julien Blanc, il y a éjaculation précoce lorsqu’elle a lieu sans possibilité de contrôle dans la minute suivant la pénétration et qu’elle génère des souffrances psychologiques. « Il faut que le trouble persiste plusieurs mois et que d’autres pathologies soient exclues », précise-t-il. De plus, il y a deux grands types d’éjaculations précoces, celles qui sont là depuis toujours et celles, plus rares, qui apparaissent au cours de la vie. « On en distingue même plus, selon les définitions, car il faut prendre en compte les personnes qui se considèrent comme précoces alors qu’elles ne le sont pas. Du moment que l’éjaculation, précoce, normale ou même tardive, génère un sentiment de mal-être personnel ou pour le couple, c’est important d’en parler », poursuit Julien Blanc.

LA PISTE PHYSIOLOGIQUE

Concernant l’explication physiologique de ce trouble, Julien Blanc manque également d’informations. « On ne sait pas bien ce qui se passe, nous supposons une hypersensibilité du gland associée à des changements hormonaux et psychologiques. » L’éjaculation est une activité réflexe qui survient normalement à la suite de la stimulation du gland. Elle est influencée par le contrôle cérébral à travers de nombreux circuits neuronaux reliant le cerveau à l’organe génital. Dans ce parcours, le neurotransmetteur sérotonine joue un rôle important en inhibant le réflexe d’éjaculation. Les personnes qui ont un dérèglement du système de la sérotonine peuvent avoir des difficultés à empêcher ce réflexe. Comme la sérotonine est également impliquée dans la gestion des humeurs, il existe un lien encore largement incompris avec la santé mentale. Cependant, il apparaît parfois que l’éjaculation rapide, au-delà de l’angoisse de performance, soit lié à un traumatisme. « Le trouble peut être liée à des abus sexuels lors de l’enfance, explique Fiona Bourdon. Éjaculer rapidement signifie alors mettre un terme, le plus vite possible, à la relation sexuelle vécue comme insupportable, car assimilée aux abus sexuels passés. Le corps est donc en état d’hypervigilance et réagit en fonction de cette dernière. »

D’autres fois, l’éjaculation rapide est liée à un défaut d’apprentissage, c’est-à-dire la nonconnaissance de son corps, de sa sensibilité et de sa sensorialité. « Ce défaut d’apprentissage est parfois en lien avec un début de sexualité basé sur la consommation de pornographie. »

Le seul médicament validé spécifiquement pour l’éjaculation précoce, la Dapoxetine, agit effectivement sur la sérotonine en augmentant son taux. D’autres solutions existent, comme des antidépresseurs, des sprays

pour abaisser la sensibilité du gland, des analgésiques et des psychothérapies. « Il est difficile d’estimer le taux de réussite de toutes ses approches », indique Julien Blanc.

AU-DELÀ DE LA DURÉE

Multipliant le temps avant l’éjaculation par trois ou quatre avec la Dapoxetine, on se retrouve au mieux à deux ou trois minutes. Ce timing augmenté peut tout changer pour certains, comme ne pas suffire pour d’autres. La consultation est donc également une opportunité de dialogue autour de la sexualité, elle permet de lutter contre les fausses croyances. « Par exemple, certains patients ignorent qu’après l’éjaculation il est normal de ne plus avoir d’érection ou encore que tenir cinq minutes est tout à fait dans la norme », précise Julien Blanc. Ensuite seulement, la consultation permet d’agir grâce aux diverses possibilités d’amélioration. Pour Fiona Bourdon, l’une des solutions est d’agir au niveau des politiques en santé sexuelle. « Pour atteindre une sexualité plus épanouie, il est indispensable de nourrir l’aspect sensuel du lien à son propre corps, autant que le sexuel. Être totalement en contact avec ses sensations corporelles et celles de l’autre exclut, de facto, la dimension performative de la relation sexuelle, c’est-à-dire pénétrative et orgasmique. » /

RECHERCHE

Dans ce « Labo des humanités », In Vivo vous fait découvrir un projet de recherche de l’Institut des humanités en médecine (IHM) du CHUV et de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.

Les premières femmes médecins et leur projet de « médecine féminine »

TEXTE :

Amélie Puche est historienne et chercheuse postdoc à l’IHM. Elle s’intéresse à l’histoire du genre et de l’éducation, ainsi qu’à l’histoire culturelle et sociale. Elle est membre associée du Centre de recherche et d’études « Histoire et Sociétés » de l’Université d’Artois.

Pour aller plus loin

A. Fauvel, L. Begert, I. Demirbas, 2021, « Quand la Suisse était ‹ féministe › », Revue médicale suisse, 7/7442, p. 1246 – 1249.

A. Puche, 2022, « Les Femmes à la conquête de l’université (1870 – 1940) », Paris, L’Harmattan.

Comprendre ce que les premières femmes médecins ont collectivement apporté aux théories et aux pratiques de la médecine de leur temps et visibiliser ces pionnières ainsi que leurs travaux, voilà l’ambition du projet Medif. Intitulé « La médecine féminine. Une histoire des premières femmes médecins et de leur contribution à l’innovation médicale entre la Suisse francophone et la France, 1867 – 1939 », le projet a démarré en septembre dernier au sein de l’Institut des humanités en médecine.

Les premières femmes médecins étaient formées presque exclusivement en France ou en Suisse, seuls pays à ouvrir largement leurs portes aux étudiantes de médecine en Europe occidentale dès 1867. Par contre, les femmes rencontraient de nombreux obstacles durant leur parcours. Par exemple, celles qui officiaient jusque dans l’entre-deux-guerres, étaient considérées, aux yeux de leurs confrères, comme des concurrentes leur volant leurs postes et leur patientèle. Elles ont ainsi dû s’organiser collectivement et constituer des réseaux composés majoritairement de chercheuses, comme celui sur l’étude de la sexualité financé par Marie Bonaparte. Ce groupe, dont le projet Medif étudiera les travaux, cherchait à rendre visible la vision des femmes sur leur propre corps et leur sexualité. Cet exemple incarne le projet de « médecine féminine », développé et diffusé par ces

femmes médecins de France et de Suisse, initiative dont le sens et la portée n’ont jamais été étudiés jusqu’ici. L’analyse des manuels de santé rédigés par ces femmes, outils d’élaboration et de diffusion de la « médecine féminine », permettra de restituer l’étendue du projet élaboré par ces pionnières.

Lever le voile sur les premières femmes médecins permettra de retracer quelques carrières féminines exemplaires. « Mais plus que les figures individuelles, c’est la pensée collective de ces pionnières qui sera mise en exergue grâce à une cartographie de leurs réseaux », nous explique l’historienne de la médecine Amélie Puche. En outre, Medif cherchera à comprendre pourquoi et comment le rôle de ces femmes reste méconnu.

Une analyse des mécanismes d’invisibilisation à l’œuvre, touchant aussi bien la personnalité (et même souvent le nom) de ces médecins que leurs travaux, sera alors produite.

Ce projet de recherche, financé pour quatre ans par le FNS, est porté par deux corequérant e s, Aude Fauvel et Rémy Amouroux, une post-doctorante, Amélie Puche, et deux doctorants, Alix Vogel et Mikhaël Moreau ; et mobilise deux partenaires, Joëlle Schwarz (Unisanté) et Aurélien Ruellet (Université du Mans). /

JOËLLE SALOMON CAVIN

MAÎTRE D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE À L’INSTITUT DE GÉOGRAPHIE ET DURABILITÉ DE L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE

Indésirables punaises

Les punaises des lits horrifient. Elles nous transforment en proie vulnérable dans l’espace le plus intime de l’appartement : le lit. Leur prolifération n’est pas un problème récent. Il est juste mis en lumière par l’organisation des Jeux olympiques 2024 à Paris. C’est pathétique qu’il ait fallu attendre un événement international pour enfin prendre au sérieux ce problème de santé publique.

Les punaises des lits sont de petits insectes brunâtres, au corps ovale et aplati doté de deux antennes. Elles se nourrissent de sang principalement humain et s’épanouissent dans des espaces épais comme une carte de crédit, à l’instar des plinthes, des fissures dans les meubles ou des prises électriques. Contrairement aux moustiques tigres, elles ne transmettent aucune maladie. Les conséquences sont plutôt psychologiques. Nos appartements sont conçus comme des espaces protecteurs, dont on croit avoir la maîtrise. Se savoir infesté·e crée un sentiment d’insécurité.

Les riches comme les pauvres peuvent être touché·e·s, l’inégalité sociale se reflète plutôt dans l’accès aux traitements nécessaires pour s’en débarrasser. Désinfection, chien renifleur, cure de froid ou de chaud : menées par des sociétés spécialisées, ces interventions peuvent coûter plusieurs milliers de francs. Pour plus d’efficacité, il faut servir d’appât et dormir dans le lit infecté pour attirer les punaises hors de leur cachette. Dans les pires cas d’infestation, les meubles doivent être jetés. Socialement, les victimes sont parfois ostracisées. Une étude menée aux États-Unis a ainsi montré que les syndromes manifestés suite à une infestation sont similaires à ceux d’un stress posttraumatique, engendrant anxiété et insomnies.

Ces insectes, à l’instar de nombreux parasites, ont été tellement chassés des foyers qu’on a oublié comment se comporter avec eux. Pour reconnaître la présence de punaises des lits, outre les marques de piqûres rouges sur le corps, il faut chercher d’éventuelles petites taches noires – les déjections – sur le bord du matelas ou dans les bouchons des lattes du sommier.

PROFIL

Joëlle Salomon Cavin est maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL. Elle publie, en 2022, « Indésirables ?! Les animaux mal-aimés de la ville » aux Editions 41, dans lequel elle s’intéresse aux rats, cafards, pigeons et autres punaises des lits, une partie souvent oubliée de la biodiversité de la ville.

Reste ensuite à adopter les bons comportements. Par exemple en arrivant dans un hôtel, le sac de voyage ne doit pas être posé sur le lit mais sur une table ou même dans la baignoire, le temps de vérifier le matelas. La punaise des lits n’étant pas liée aux questions de propreté, la qualité de l’hébergement ne garantit pas l’absence du parasite.

L’acné n’est pas une fatalité

Environ un jeune sur cinq doit composer avec une acné modérée à sévère durant sa jeunesse. Cette maladie peut être combattue avec des traitements toujours plus ciblés.

TEXTE : BLANDINE GUIGNIER

«Good skin », « luminous », « bold glamour » : ces filtres aux noms prometteurs se multiplient sur les réseaux sociaux. Appliqués sur des visages pris en photo ou filmés, ils donnent à voir des peaux complètement lisses, sans aucune marque, ni tâche. L’aspect et le teint quasi irréels des influenceurs sur la plateforme TikTok, utilisée par 34% des moins de 18 ans en Suisse, tranchent avec la réalité que vivent les jeunes au quotidien. Ils sont en effet 75 à 90% à être touchés, à des degrés divers, par une maladie inflammatoire de la peau : l’acné vulgaire. On estime qu’environ 20% d’entre eux souffrent même d’une forme modérée à sévère ; et que 1%

Ne pas toucher

La dermatologue Laurence Feldmeyer conseille de ne pas manipuler ses comédons ou boutons. « À moins de procéder à un peeling fait sur recommandation de son médecin, dans un cabinet esthétique professionnel, mieux vaut éviter de presser ou gratter les lésions, afin d’empêcher surinfections et cicatrices. »

des filles et 3% des garçons sont frappés par des formes plus graves.

« Quand on a de l’acné, on souffre souvent d’une importante baisse de l’estime de soi, qui peut influencer une dépression latente ou sous-jacente », remarque le professeur Olivier Gaide, médecin-chef au Service de dermatologie et vénéréologie du CHUV. Une très large étude publiée en 2018 dans la revue The British Journal of Dermatology a montré que le risque de dépression grave était 63% plus élevé chez les individus souffrant d’acné que chez les autres. Ce lien était surtout présent chez les patient·e·s diagnostiqué e s depuis moins d’une

année, puis diminuait avec le temps. « Il est important que les jeunes atteints de formes modérées à sévères, soient accompagnés dans cette maladie, rappelle le professeur. Ce n’est pas une fatalité. On peut traiter l’acné de manière efficace et avec des moyens thérapeutiques désormais bien connus. »

UNE MALADIE GÉNÉRALEMENT TRANSITOIRE

Quand consulter

Un·e pédiatre ou un·e généraliste peut prescrire des traitements locaux dans un premier temps. Derma Swiss juge toutefois que les personnes atteintes de formes sévères devaient être référées à un·e spécialiste, tout comme celles dont la réponse aux traitements de base est insuffisante et celles connaissant des rechutes régulières.

L’acné démarre le plus souvent à la puberté, chez les jeunes entre 12 et 18 ans, et se prolonge rarement au-delà de la vingtaine. Les bouleversements hormonaux à cette période, ainsi que certaines prédispositions héréditaires, encouragent une plus grande production de sébum, un film de graisse sécrété par des glandes de la peau dites « sébacées ». Théoriquement, le sébum est censé remonter le long du follicule pileux via un petit canal, puis sortir du pore jusqu’à la surface de la peau. Toutefois, en cas de sécrétion de sébum trop importante ou trop épaisse, et de la multiplication de cellules (dite « hyperkératinisation »), ce conduit peut s’engorger et faire apparaître un point noir (comédon ouvert) ou un point blanc (fermé) sur le visage. Le dos et le haut du torse peuvent aussi être concernés.

Les conditions sont alors réunies pour que survienne une infection bactérienne. Sur la peau, la bactérie Cutibacterium acnes, présente normalement en toute petite quantité, se développe et engendre des lésions inflammatoires, du petit bouton rouge (formes modérés) aux kystes importants

(formes sévères). « Le but des traitements sera alors de cibler cette bactérie, de supprimer l’inflammation et d’éviter que des cicatrices, se forment », relève Olivier Gaide.

DES TRAITEMENTS À LA RÉPUTATION SULFUREUSE

Dans la lutte contre la bactérie Cutibacterium acnes et les inflammations qu’elle cause, une famille de molécules s’avère quasi miraculeuse : les rétinoïdes. « Elle est aujourd’hui à la base de la plupart des traitements contre l’acné, souligne le professeur du CHUV. Remboursée par l’assurance maladie, elle est généralement administrée localement. » Dans les cas d’acnés sévères, ces molécules sont ingérées et passent dans le système sanguin. L’antiseptique peroxyde de benzoyle peut lui aussi être utilisé sur la peau grâce à ses effets antimicrobien, antiséborrhéique et comédolytique et cela, dès les formes modérées. Le produit permet donc de freiner le regraissage de la peau et contribue à éliminer les points noirs. Laurence Feldmeyer, médecin adjointe à Hôpital de l’île à Berne, recourt à ce type de traitements. La dermatologue a participé en 2020 à l’élaboration des lignes directrices sur l’acné de Derma Swiss, qui précise que le recours à des antibiotiques doit rester limité, « pour ne pas favoriser la résistance aux antibiotiques », mais ne peut être évité dans certains cas.

« La famille des rétinoïdes a un effet quasi magique sur l’acné, précise Olivier Gaide. Elle souffre malheureusement d’une réputation sulfureuse. Deux polémiques

expliquent ce phénomène. D’une part, l’effet tératogène des médicaments, soit pouvant engendrer des malformations congénitales. D’autre part, ces produits ont été dénoncés comme induisant des états dépressifs. » Le médecin-chef se veut toutefois rassurant : « Au début de leur commercialisation, ces produits ont été prescrits dans des doses importantes. Aujourd’hui, cela se fait en plus faible quantité et de façon beaucoup plus ciblée selon l’état du patient. Depuis une dizaine d’années, le corps médical a une bien meilleure compréhension des mécanismes de l’acné. » À titre d’exemple, une étude française de 2020 a montré les effets positifs de la protéine GATA6, dont l’expression peut être augmentée par les rétinoïdes. Dans les colonnes du quotidien Le Temps, Bénédicte Oulès, chercheuse au laboratoire de biologie cutanée de

l’Institut Cochin à Paris et coauteure de l’étude, explique que la protéine permet de prévenir l’hyperkératinisation responsable de la formation du comédon, de limiter la production de lipides par les glandes sébacées et qu’elle présente une action anti-inflammatoire.

« L’effet tératogène des rétinoïdes est désormais pris au sérieux dans les consultations, affirme Olivier Gaide. Les désirs de grossesse et la prise d’un contraceptif y sont discutés de manière systématique. Concernant l’effet dépressif, des recherches récentes ont montré qu’on peut le considérer comme nul. Les risques de dépression liés à la maladie elle-même chez des jeunes atteints d’une acné sévère non traitée sont beaucoup plus élevés que les effets secondaires de cette classe de médicaments. »

« À l’âge adulte, l’acné prend une dimension différente »

Lorsque des boutons sont revenus sur son front et son menton, Fanny, 28 ans, avoue en avoir fait une « fixette ». « J’avais l’impression que tout le monde ne voyait que ça sur mon visage. » L’acné sous forme de kystes rouges et purulents qu’elle avait connue entre 13 et 14 ans avait certes été « difficile dans cette période ingrate de la vie », mais la plupart de ses camarades en souffraient également à l’école. « À l’âge adulte, l’acné prend une dimension différente, car elle est beaucoup moins courante dans l’entourage. Et, comme cela paraît plus anormal que durant l’adolescence, tout le monde y va de son conseil pour s’en débarrasser, nous renvoyant toujours à notre état. »

La jeune femme s’est tournée vers une spécialiste. « La dermatologue a assez vite fait le lien avec l’arrêt de la pilule contraceptive survenu un peu moins d’une année auparavant. Pour des raisons hormonales, le moyen contraceptif avait permis de faire disparaître mon acné pendant plus de dix ans. Mais comme je ne voulais pas reprendre la pilule, nous avons réussi à remédier au problème grâce à un traitement assez léger, soit un médicament oral durant trois mois et des crèmes en application quotidienne de manière continue. J’ai seulement connu une rechute l’été dernier, certainement à cause du soleil. »

SUPPRIMER LES CAUSES DU PROBLÈME

La pérennisation d’une acné juvénile, comme dans le cas de Fanny, est une des formes les plus courantes de la maladie, surtout dans la vingtaine, relève Olivier Gaide du Service de dermatologie du CHUV. « Des personnes, qui avaient connu une acné relativement modérée à l’adolescence et n’avaient pas forcément eu besoin de consulter, se retrouvent confrontées à une accentuation de la maladie et se tournent alors vers un médecin. Ce dernier peut prescrire des traitements semblables à ceux d’une acné survenant à la puberté (lire l’article principal à ce sujet), avec les mêmes résultats positifs que pour les patients plus jeunes. »

Un bouleversement hormonal peut aussi expliquer une acné à l’âge adulte. Il s’agira alors, autant que possible et en discussion avec les patient·e·s, de supprimer la raison de ce changement. « Nous conseillons par exemple d’arrêter la prise d’anabolisants que certains hommes prennent pour augmenter leur masse musculaire. Chez les femmes, une pilule pro-androgène peut être en cause et il conviendra de la changer. »

Le professeur du CHUV cite un autre cas spécifique, celui de la prise d’hormones dans le cadre d’une transition de genre. « Les patients recherchent alors une plus grande virilisation, avec une diminution des seins, une augmentation des poils et des muscles. Mais, malheureusement, un des pendants négatifs est que les hommes, en raison des androgènes, souffrent plus d’acné que les femmes. Nous essayons alors de les accompagner le mieux possible, en révisant notamment le dosage des hormones. »

Des médicaments non hormonaux, tels que des antituberculeux ou des corticostéroïdes, peuvent également induire des lésions pouvant faire penser à de l’acné.

Enfin, un phénomène appelé « l’acné de la femme adulte » peut survenir chez des patientes qui n’avaient jamais souffert de la maladie auparavant. « Il s’agit de femmes généralement très minces, avec peu d’œstrogènes dans le corps, hormones qui sont majoritairement stockées dans les graisses. Sous l’effet du stress, le niveau des fameux androgènes va à l’inverse augmenter. Et ce déséquilibre favorisera l’apparition de lésions sur le menton par exemple. » Dans ce cas de figure, le Service de dermatologie proposera d’essayer autant que possible de diminuer le stress d’une part, et un traitement à base de rétinoïdes d’autre part, « qui s’avérera souvent le seul médicament efficace ».

Laurence Feldmeyer dit faire preuve de précaution, en restant attentive à tout signe dépressif possible. « Toutefois, c’est, dans la majorité des cas, l’inverse qui se produit : les jeunes se sentent beaucoup mieux dans leur peau après un traitement par rétinoïdes efficace contre leur acné qu’auparavant. »

BILAN HORMONAL

Chez les jeunes femmes, un bilan hormonal peut être réalisé avec le médecin, car un excès d’androgènes peut encourager l’apparition de l’acné. « Il convient alors d’en rechercher la cause avec un gynécologue pour exclure, par exemple, le syndrome des ovaires polykystiques », explique Olivier Gaide. La prise de la pilule doit aussi être discutée avec les femmes au profil acnéique. « Les pilules œstroprogestatives améliorent généralement l’acné, même si elles peuvent avoir des effets indésirables. »

Du côté des garçons, les dermatologues du CHUV, ainsi que le comité d’experts

à l’origine des lignes directrices de Derma Swiss, dont a fait partie Laurence Feldmeyer, constatent un effet négatif de la prise excessive de compléments. « Le culte du corps chez les adolescents est plus développé qu’il y a dix ans, souligne Olivier Gaide. Une partie d’entre eux s’adonnent à la musculation et prend des extraits protéïques, voire des produits stéroïdiens s’apparentant à du dopage. Certains n’osent pas nous en parler. Or, ces produits agissent sur les hormones et peuvent aggraver ou même faire survenir de l’acné. » Là aussi, les jeunes doivent réussir à déconstruire les représentations de corps d’hommes quasi irréalistes proposés par les réseaux sociaux, ainsi que dans les grandes productions hollywoodiennes. /

Des produits à bannir ?

Remèdes de grands-mères et régimes restrictifs pullulent sur la Toile pour vaincre l’acné. Toutefois, il n’y a pas lieu de suivre un régime particulier. « Il n’y a pas un aliment – par exemple le lait ou le chocolat comme on le lit sur Internet – qu’il faudrait bannir, souligne Olivier Gaide, médecin-chef au Service de dermatologie et vénéréologie du CHUV. Mieux vaut toutefois, comme dans d’autres domaines de la santé, manger sainement et de manière équilibrée. Il convient notamment d’éviter une surconsommation de produits sucrés ou une alimentation extrêmement riche en graisse. »

Les cosmétiques utilisés font également l’objet de discussions. Généralement, les médecins ne donnent

Traiter les cicatrices

Si une personne n’a pas été suivie pour son acné, ou bien dans le cas de formes sévères, des cicatrices importantes peuvent se former. Pour les faire partir ou les réduire à l’aide de traitements au laser, il faut toutefois attendre la fin de la phase acnéique. Ces séances ne sont pas remboursées par l’assurance maladie, car jugées d’ordre esthétique.

pas d’avis sur les crèmes vendues sans ordonnance. « Nous leur disons surtout de veiller à n’acheter que des produits pour des peaux grasses ou à problèmes. Nous leur conseillons aussi de limiter l’usage des fonds de teint couvrant qui ont tendance à boucher les pores. »

L’exposition au soleil doit aussi faire l’objet d’une attention particulière, rappelle Laurence Feldmeyer, dermatologue à Hôpital de l’île à Berne. « Je mets en garde mes patient e s, car le soleil peut certes améliorer brièvement l’acné, mais, à long terme, il a un effet délétère. D’autant plus lorsque l’on suit un traitement contre la maladie. »

DANS LES MARMITES DU CHUV

SUR LES PLATEAUX COMME À LA CAFÉTÉRIA, LES REPAS SERVIS AU CHUV SONT CONFECTIONNÉS PAR LES ÉQUIPES DE CUISINE DE L’HÔPITAL. DE L’ENTRÉE AU DESSERT, UNE GRANDE PARTIE DES MENUS EST FAITE MAISON.

TEXTE : AUDREY MAGAT

PHOTOS : APICHAT GANGUILLET

« Les repas équilibrés font partie du traitement des patients. C’est souvent un moment de leur journée qu’ils attendent et dont beaucoup se réjouissent. Notre mission est de leur faire plaisir. »

Alexia Michel est responsable de la centrale de production alimentaire du CHUV. Situé à Bussigny, l’établissement s’occupe de la réception des matières premières et de la préparation du « froid » – c’est-à-dire les sandwichs, les salades,

les produits de boucherie et la pâtisserie, ainsi que les entremets proposés lors des événements et apéritifs. La centrale emploie 60 personnes dans son bâtiment de 5600 m² inauguré en 2019. Les plats chauds sont préparés dans les cuisines du CHUV, situées au sous-sol de l’hôpital. En tout, plus de 7000 repas sont confectionnés par jour. Reportage.

1/ DES QUANTITÉS PHÉNOMÉNALES

Chaque matin dès 5h30, 1200 sandwichs sont confectionnés à la centrale. Thon, carré de porc fumé maison, fromage, ils seront vendus dans les cafétérias et restaurants du CHUV. Une tonne de salade est également servie par semaine. Les cuisiniers et les cuisinières préparent en outre 6 tonnes de saumon fumé par année dans leur fumoir professionnel. Ce matin, 80 kilos de beurre ont été travaillés pour les 6000 pots de beurre café de Paris qui accompagneront le steak du menu.

2/ BOUCHERIE

ARTISANALE

Le CHUV est le dernier centre hospitalier de Suisse romande à avoir sa propre boucherie. Chaque semaine, les trois bouchers et leurs deux aides confectionnent 4,5 tonnes de produits carnés, comme des saucisses de veau, aux choux, ou encore des steaks hachés. Ils innovent également avec des saucisses et des burgers végétariens. La viande de veau et du lard de porc sont ici hachés et préparés avant d’être mis en boyaux pour aboutir à environ 1000 saucisses.

3/ LA VALSE DES DESSERTS

Au menu du jour : tarte au citron. Des cakes aux carottes aux panna cottas, en passant par les cookies, au total, l’espace pâtisserie confectionne 3500 desserts par jour. En été, l’équipe produit 200 kg de glace pour la saison. Cette année, les pâtissier·ère·s ont préparé environ 80 kg de caramels à la crème. Les galettes des rois et leur pâte feuilletée sont également faites maison.

4/ ÉTABLIR

LES MENUS

Les menus sont élaborés par les équipes de cuisine en collaboration avec des diététicien·ne·s du CHUV. Une option végétarienne est toujours disponible parmi les trois menus à choix. « Nous essayons de créer de nouvelles recettes sans viande pour élargir notre offre », ajoute Alexia Michel. Chaque menu se décline également en 14 versions selon les restrictions alimentaires : sans sel, haché, mixé, pauvre en fibres, sans lactose, etc. Ces régimes sont prescrits par exemple avant une intervention ou en fonction de la maladie, mais aussi pour répondre aux allergies et aux intolérances alimentaires.

5/ DANS LES CHAMBRES FROIDES

Deux camions partent quotidiennement de la centrale pour le CHUV, un à 9h et un à 15h. À l’arrivée, ils sont réceptionnés par les équipes de la cuisine.

Le pain – environ 650 kilos par jour, est, quant à lui, confectionné par les ateliers de la prison vaudoise de Bochuz.

6/ AUX FOURNEAUX

Les soupes mijotent, les escalopes grillent, les pommes de terre rissolent : les odeurs sont omniprésentes dans les cuisines du CHUV. L’équipe est composée de 22 cuisinières et cuisiniers qui sont secondés par 70 aides cuisine qui se relaient. Ils confectionnent les trois menus à choix ainsi que les régimes particuliers, et les plats à la carte.

7/ LA CHAÎNE DES PLATEAUX

À 10h55, les cuisines se vident, chacun·e rejoint son poste sur la ligne de préparation des assiettes. Réparti le long du tapis roulant, chaque personne s’occupe d’un élément du plateau, servis les uns après les autres pour arriver à une assiette complète au bout de la ligne. « Une deuxième ligne de mise sur plateau est réservée aux régimes spéciaux qui demandent une attention particulière et sont personnalisés presque au cas par cas », précise le chef Guillaume Salas. En tout, plus de 600 plateaux sont préparés en 1h30 chrono.

8/ BON

APPÉTIT

Les plateaux sont disposés dans des chariots numérotés, qui indiquent à quel bâtiment et étage du CHUV ils sont destinés. Ils seront ensuite récupérés et envoyés à la plonge. Le plateau, d’abord débarrassé, avance sur un tapis roulant où les couverts sont aimantés vers le haut pour être séparés du plateau. Chaque élément suit alors son parcours vers les machines à laver avant de retourner dans les cuisines pour le prochain repas.

Les spécialistes en microbiologie, comme Philipp Engel, aiment les abeilles au moins autant que certain·e·s de leurs collègues les souris. « Ces insectes ne portent dans leur intestin que 15 à 20 espèces différentes de bactéries contre plusieurs centaines chez l’homme, explique le chercheur bâlois, professeur associé au Département de microbiologie fondamentale de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. C’est peu et cela permet donc de mieux comprendre le fonctionnement de leur microbiote réalisant des expériences. » Le scientifique et son équipe, constituée d’une quinzaine de personnes, peuvent aussi créer des abeilles vierges de microbiote puis les coloniser avec une ou plusieurs bactéries. Ainsi, l’équipe peut en étudier les effets plus clairement. Une vingtaine d’équipes de scientifiques travaillent aujourd’hui sur ce thème

NOM

ANTHOPHILA

TAILLE (TÊTE + CORPS)

9 À 15 MM

CARACTÉRISTIQUE

LEUR MICROBIOTE INTESTINAL

COMPTE TRÈS PEU DE BACTÉRIES

Le microbiote des abeilles

Le faible nombre de bactéries qui peuplent l’intestin des abeilles en fait un objet de recherche particulièrement intéressant.

TEXTE : LAURENT GRABET

dans le monde. « Il existe environ 700 espèces d’abeilles. Il est donc intéressant aussi de regarder quelles bactéries se retrouvent chez toutes les espèces, permettant ainsi de mettre en évidence celles qui jouent des rôles clés », explique le chercheur. « Les bactéries ont une influence directe sur la santé des abeilles. Elles les protègent par exemple contre les invasions de pathogènes, ont un impact sur leur physiologie, leur digestion notamment, leurs comportements sociaux mais aussi leur capacité à apprendre et mémoriser de nouvelles tâches », résume Philipp Engel. À ce stade de cette recherche fondamentale, les scientifiques ne peuvent pas encore tirer de parallèles avec la santé du microbiote humain. « Mais cela pourrait venir », dit Philipp Engel. /

RUDY FERRÉ

Infirmier anesthésiste au sein du Bloc opératoire, Département de centres interdisciplinaires du CHUV.

Des abeilles sur le toit, mais pas uniquement

La durabilité est-elle une préoccupation pertinente pour l’hôpital, dont la vocation première serait d’offrir des soins aux patients souffrants ou blessés ? Et moi-même, en tant qu’infirmier anesthésiste, suis-je concerné par cette problématique dans mon activité quotidienne ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a affirmé que le changement climatique est « le plus grand défi sanitaire auquel l’humanité est confrontée ». Il est donc évident que la question environnementale est un enjeu de santé.

Car oui, un hôpital pollue. En Suisse, le système de santé génère environ 7% des émissions de CO₂, soit le 4e rang après l’alimentation, la mobilité et l’habitat. Plus de la moitié de ces émissions proviendraient directement des établissements de soins.

À l’ombre de ces actions très institutionnelles, quelque chose d’autre se met en mouvement. De plus en plus de professionnels de santé se rassemblent, se forment et réfléchissent à des solutions. Ils s’approprient l’enjeu environnemental, prennent l’initiative, interrogent leurs pratiques, font des propositions, influencent et agissent : tri des déchets, consommation d’eau et d’énergie, alimentation durable, mobilité douce ou rationalisation des parcours de soin.

Les hôpitaux en ont pris conscience et mettent en œuvre des actions comme toute entreprise responsable. On observe certes l’apparition de ruches sur leurs toits et de cabanes à insectes dans leurs espaces verts, mais aussi des mesures visant à limiter de manière significative les nuisances engendrées par leurs activités : réduction de la dépendance aux énergies fossiles, substitution du matériel à usage unique par des dispositifs réutilisables, élimination des perturbateurs endocriniens au sein des bâtiments, par exemple.

Cette effervescence commence parfois avec un seul individu, puis crée de l’innovation. Mais surtout, elle redonne du sens et permet à chacun d’agir, pour le bien de tous. La médecine durable, c’est la médecine de la qualité de vie. Et progressivement, l’hôpital tout entier devient la ruche ! /

Breveté dès 1949, le DiEthylHexyl Phthalate, phtalate de di-2-éthylhexyle ou phtalate de bis, de son petit nom DEHP, fut d’emblée très populaire pour sa capacité à rendre les plastiques, PVC surtout, moins cassants et plus flexibles. Un pic de production a été atteint dans l’Union européenne en 1997 avec 595’000 tonnes de plastiques produits. Le DEHP était l’un des perturbateurs endocriniens les plus répandus jusqu’en 2014. « Mais c’est dès 1999 que le retrait de ce plastifiant du marché européen a commencé. L’OFSP l’a même interdit dans les articles de puériculture et les jouets en PVC pour les enfants de moins de 3 ans dès 1986 », rappelle Céline Fischer Fumeaux, médecin adjointe au Service de néonatologie du CHUV. Pourquoi ? Car les

24 H 38 O 4

UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE

TEXTE : LAURENT GRABET DE hp C 24h 38O 4

DEHP, perturbateur endocrinien

scientifiques ont pu établir que sa présence dans divers objets tels que les rideaux de douche, les tuyaux d’arrosage, les couches-culottes, les films et récipients alimentaires, les sacs de sang, les cathéters, ou encore les gants et autres matériels médicaux comme des tubes pour fluides, affectent les glandes endocrines. Ce qui peut avoir des effets délétères sur la fertilité notamment. Aujourd’hui, une directive européenne interdit le DEHP dans tous les jouets et articles de puériculture destinés aux enfants mais

aussi dans les cosmétiques. « Le DEHP est considéré comme cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction. L’OMS l’a classé perturbateur endocrinien dès 2012. Il est aussi qualifié de ‹ féminisant ›, car sa présence a pour effet d’amoindrir la synthèse de la testostérone. On peut retrouver de la DEHP également dans le foie, la rate, les reins, le cerveau ou dans le sang », détaille Céline Fischer Fumeaux. Le DEHP ne se lie pas au PVC avec lequel il est combiné mais migre à sa surface puis vers l’environnement.

C’est pourquoi, aujourd’hui encore, le DEHP est l’un des polluants organiques retrouvé en fortes concentrations dans les sédiments. On le retrouve aussi dans les sols, les eaux et dans l’air. L’exposition à ce polluant est chronique et ubiquitaire. De nos jours encore, le DEHP se retrouve en association avec le PVC dans certains dispositifs médicaux tels que les cathéters, des tubulures de ventilation ou les poches de sang. « Il nous arrive d’en utiliser en néonatologie, mais uniquement lorsqu’il n’y a pas d’alternative aussi efficace et que la vie du jeune patient en dépend. Sinon notre politique est de nous en passer », précise Céline Fischer Fumeaux. /

BACKSTAGE

IMPRESSION

En écho au dossier consacré à la durabilité en médecine, l’équipe d’In Vivo a choisi de supprimer le laminage de la couverture du magazine. En effet, la technique impliquait, pour obtenir un fini brillant, d’intégrer une fine couche de plastique sur la feuille de papier. À partir de ce numéro, le magazine sera donc exempt de plastique.

ILLUSTRATIONS

L’illustratrice Ana Yael a exploré plusieurs pistes pour rendre compte de la thématique des applications de santé (p. 51).

JULIEN CREVOISIER

Journaliste indépendant, Julien Crevoisier écrit pour plusieurs magazines romands. Pour ce numéro d’In Vivo, il s’est entretenu avec le professeur John Haanen au sujet des thérapies cellulaires comme moyen de lutte contre les cancers avancés.

ALAIN GANGUILLET

Ayant accompli son apprentissage et son école supérieure en photographie au Centre d’enseignement professionnel de Vevey, Alain Ganguillet est photographe indépendant depuis 2018 et a intégré le Service de communication du CHUV en 2022. Il apporte son regard photographique sur la documentation des coulisses complexes et mystérieuses du milieu hospitalier.

FANNY ALVAREZ

Formée à l’Eracom Lausanne, la graphiste approfondit ses connaissances à la HEAD où elle réalise un Bachelor en communication visuelle en 2023. Fanny Alvarez se concentre principalement sur des supports imprimés. Pour ce numéro, elle a participé à la mise en page du magazine.

IN VIVO

Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse Large Network

www.invivomagazine.com

ÉDITION

CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse

T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch redaction@invivomagazine.com

ÉDITEURS RESPONSABLES

Béatrice Schaad et Nicolas Demartines

DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE

Arnaud Demaison

REMERCIEMENTS

Service de communication et création audiovisuelle du CHUV

PARTENAIRE DE DISTRIBUTION BioAlps

RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE

Large Network, www.largenetwork.com T. + 41 22 919 19 19

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION

Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean

DIRECTION DE PROJET

Carole Extermann

DESIGN

Large Network (Lena Erard, avec : Fanny Alvarez, Aurélien Barrelet, Sabrine Elias, David Stettler)

RÉDACTION

Large Network (Yann Bernardinelli, Carole Berset, Laurie Chapatte, Julien Crevoisier, Arthur Du Sordet, Andrée-Marie Dussault, Carole Extermann, Erik Freudenreich, Laurent Grabet, Blandine Guignier, Sylvain Labaune, Audrey Magat, Jean-Christophe Piot, Lisa Yahia-Cherif), Émilie Mathys

RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE

Sabrine Elias

COUVERTURE

Illustration : Ana Yael Design : Large Network

IMAGES

CHUV (Eric Deroze, Apichat Ganguillet, Jeanne Martel, Gilles Weber), Ana Yael

IMPRESSION

PCL Presses Centrales SA

TIRAGE

18’000 exemplaires en français

Les propos tenus par les intervenant·e·s dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressé·e·s et en aucune manière l’éditeur.

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