IN VIVO #25

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Penser la santé N° 25 – JUIN 2022

IDENTITÉ

JEUNES ET TRANSGENRES

COMMENT LES ACCOMPAGNER ? TÉMOIGNAGES / ENQUÊTE / SOLUTIONS

TRANSFUSION La perspective du sang artificiel CONSEILS L’éducation sexuelle positive IMAGES La maladie psychiatrique au cinéma Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LE SOMMEIL


« Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs. » Swissnex, Brésil

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Pascal M., Genève

Penser la santé

N° 19 – DÉCEMBRE 2019

« Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j’enseigne. »

MAIN BIONIQUE

Ce nouveau type de prothèse est relié au cerveau.

MAIN BIONIQUE

TOUCHER, BOUGER, SENTIR ? IN VIVO N° 19 – DÉCEMBRE 2019

Isabelle G., Lausanne

EBOLA Comment les vaccins ont été conçus à Lausanne et à Genève SOCIÉTÉ Ces couples qui ne veulent pas devenir parents INTERVIEW Pierre-François Leyvraz sur ses onze ans à la tête du CHUV Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

Penser la santé

Penser la santé

Penser la santé

REPORTAGE PHOTO TÉMOIGNAGES

MATERNITÉ Quand l’accouchement crée des angoisses THÉRAPIE Les bienfaits des selles ADDICTION Les Suisses face au fléau des cachets Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO 24 HEURES DANS LA PEAU D’UN ATHLÈTE

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N° 24 – JANVIER 2022

HIPPOCRATE

DOSSIER

Laure A., Lausanne

/

FEMMES, CHERCHEUSES ET MÉDECINS

DOSSIER

LA SCIENCE FACE AUX VIRUS

La pratique de la médecine s'est toujours accompagnée de scepticisme. Un phénomène aujourd'hui amplifié sur des réseaux sociaux polarisés par la pandémie.

GENRE / CARRIÈRE / COLLABORATION

TRANSMISSIONS / VARIANTS / VACCINS

OBESITÉ Maladies cardiovasculaires, dépression et grossophobie NUISANCES Quand le bruit fait (très) mal FERTILITÉ Ces femmes qui font congeler leurs ovocytes Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

IN VIVO N° 23 – SEPTEMBRE 2021

COMBATTRE LE VIRUS

/

VIRUS

COVID-19

DOSSIER SPÉCIAL

Penser la santé

N° 23 – SEPTEMBRE 2021

FEMMES ET RECHERCHE

N° 22 – AVRIL 2021

« Super mise en page ! »

IN VIVO N° 22 – AVRIL 2021

COVID-19

N° 20 – JUIN 2020

IN VIVO N° 20 – JUIN 2020

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IN EXTENSO LA SANTÉ DES SUISSES

IN EXTENSO LES DENTS

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VÉGANISME Entre bienfaits et carences COMA Plongée dans les mystères d’un organisme à l’arrêt INTERVIEW Le point de vue de Boris Cyrulnik

LA MÉDECINE FACE À LA MÉFIANCE

INNOVATION Ongles, cheveux et poils, nouvelles pistes de diagnostic SIDA Pourquoi est-il si difficile de développer un vaccin? SPORT Concilier endurance et manque de sommeil Édité par le CHUV www.invivomagazine.com

Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LA PILOSITÉ

IN EXTENSO GÉMELLITÉ: LA VIE À DOUBLE

Seule une participation aux frais d’envoi est demandée (20 francs).


IN VIVO / N° 25 / JUIN 2022

SOMMAIRE

IN SITU

7 / HEALTH VALLEY Retrouver un second souffle

11 / SUR LA ROUTE Simplifier le nettoyage des chaises roulantes FOCUS

17 / DOSSIER Le parcours des jeunes transgenres PAR CAROLE EXTERMANN ET STÉPHANIE DE ROGUIN

Le magazine In Vivo édité par le CHUV est vendu au prix de CHF 5.- en librairie et distribué gratuitement sur les différents sites du CHUV.

DR

La première opération de réassignation sexuelle documentée a été subie par Lili Elbe. La peintre danoise, née homme, aurait pris conscience de sa véritable identité de genre en posant pour sa compagne Gerda Gottlieb, peintre et illustratrice de mode. C'est le gynécologue allemand Magnus Hirschfeld qui a réalisé des opérations hautement expérimentales pour retirer son sexe masculin dans un premier temps, avant de tenter de lui implanter des ovaires et un utérus. Lili Elbe décédera des complications liées à sa cinquième opération. L'histoire de sa transition a été rapidement publiée après sa mort, puis l'auteur David Ebershoff en a fait le roman The Danish Girl, publié en 2000 et adapté au cinéma.


SOMMAIRE

22

62

MENS SANA

CORPORE SANO

CURSUS

30 / INTERVIEW

48 / TENDANCE

71 / ÉCLAIRAGE

Jean-Bernard Daeppen : «L’être humain naît dépendant»

Face au porno, l’éducation sexuelle positive

Faire face à la crise, encore et toujours

PAR CAROLE EXTERMANN

PAR BLANDINE GUIGNIER

PAR ERIK FREUDENREICH

34 / DÉCRYPTAGE

52 / INNOVATION

74 / PARCOURS

La valeur inestimable des proches qui aident

Vers la révolution du sang artificiel

Le portrait de Mirjam Kleiner

PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

PAR JEAN-CHRISTOPHE PIOT

37 / PROSPECTION

56 / TABOU

Comment entraîner son cerveau

Jeune femme active, 40 ans, menopausée

PAR STÉPHANIE DE ROGUIN

PAR PATRICIA MICHAUD

40 / TENDANCE

58 / DÉCRYPTAGE

Droit aux origines à l'épreuve de la culture du secret

Ces maladies qu’on croyait disparues

PAR ARNAUD DEMAISON

PAR YANN BERNARDINELLI

43 / COULISSES

62 / EN IMAGES

Violences envers le personnel soignant

La maladie psychiatrique au cinéma

PAR AUDREY MAGAT

PAR AUDREY MAGAT

PAR ERIK FREUDENREICH

SUIVEZ-NOUS SUR : TWITTER : INVIVO_CHUV FACEBOOK : CHUVLAUSANNE

2

THE WEINSTEIN COMPANY/MOVIESTILLSDB, HEÏDI DIAZ, MYN/NIALL BENVIE/NATURE PICTURE LIBRARY/SCIENCE PHOTO LIBRARY

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Éditorial

JE PASSE, DONC JE SUIS Toutes les personnes LGBTIQA+ ont subi au moins une fois dans leur vie une discrimination liée à leur genre ou leur sexualité. Parmi ces lettres, le « T », pour transgenres, est particulièrement vulnérable. En sortant du métro à Paris, Julia a été encerclée par plusieurs individus qui lui ont touché les seins en criant : « Hé, mais t’es un homme toi ? » avant de la frapper au visage. Il y a quelques mois, une femme transgenre a été blessée à Genève par un homme qui lui demandait de voir son sexe, « pour vérifier ». Et à la violence s’ajoute la précarisation : le taux de chômage des personnes trans en Suisse est de 20%, soit cinq fois plus que la moyenne. Si le degré de brutalité varie, le procédé perdure : s’attaquer à faire disparaître toute forme de diversité. Le passing désigne la capacité à s’intégrer dans un groupe sans que puissent être soupçonnées par les autres une identité de genre ou une orientation sexuelle différentes. Beaucoup de personnes transgenres considèrent cette faculté comme une protection vitale pour pouvoir évoluer dans notre société. On le sait aujourd’hui, plus la transition débute tôt – avant le développement des caractères sexuels secondaires par exemple – plus la personne bénéficiera d’un bon passing dans le futur. Or dans les faits, une transition est un traitement médical lourd qui demande l’accompagnement par des spécialistes, et qui s’avère irréversible, notamment quand il y a recours à la chirurgie (p. 26). La médecine se retrouve donc confrontée à un dilemme : comment assister au mieux, parfois dans l’urgence, tout en sachant qu’il ne sera pas toujours possible de revenir en arrière ? La construction du genre d’un individu commence avant sa naissance, « dans les fantasmes des parents », observe notre spécialiste Dana Pamfile (p. 18). Une pression inconsciente reportée sur des ados qui, comme Léon (p. 22), peuvent prendre très tôt conscience d’une dysphorie en lien avec leur identité sans pouvoir la verbaliser, et souffrir pendant de longues années de leur image. Selon une récente étude de la Commission de la santé mentale du Canada, une personne transgenre (en attente de transition) sur trois a fait une tentative de suicide au cours de l’année 2021. Et il est estimé que plus des deux tiers d’entre elles pensent régulièrement à mettre fin à leurs jours. L’urgence sanitaire est déclarée et la médecine l’aborde de front dans Jeunes et transgenres, comment les accompagner ? (p. 17), pour donner toutes les chances possibles à ces jeunes dont la vie est en jeu. C’est en mettant en place des consultations spécialisées dans la transition de genre, y compris chez les plus jeunes, que l’on pourra les accompagner dans ce processus et mettre en œuvre ce qui est médicalement responsable pour leur ouvrir les portes du métro ou du travail, sans avoir à subir le regard de l’autre. En attendant un monde qui ne compte plus les X et les Y, leur laisser la possibilité de « passer », pour exister.

GILLES WEBER

ARNAUD DEMAISON Responsable éditorial

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HEALTH VALLEY

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Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.

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GENÈVE

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GENÈVE Étude sur les effets de la Étude effets .......................................................@@~ @ @ @ @ sur @@ ... . . .fonction .de . . la ..................... @~~@ ~ . .les pornographie en ................................................@ @@@@@@@ @ ........................ .@ .@ .@ .@ .@ .@ .@@~~~~ @ .@ .@ .@ . en .@ .@ .fonction pornographie du genre. .........................................@ .@ .@ .@ .@ .@ .@ .@@@@@@@@~ @~~@ ~@ ~@@@@@@@@@@@@. @........................ du genre. .......................................@ .@ .@@@@@@@@@@@@@@@@ ~ ~ ~@@@@@@@@@@@@. @. @......................... ..................................................... @@@@@@@~ @~~~@ ~ . . . . . .P.. . 13. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ...................................................... @. @@@@~ @~~@ ~@ ~@@ .@ .................................

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LAUSANNE

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LA TOUR-DE-PEILZ

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Active dans la médecine de pointe, veut ~...............................~~~~~~~~~ ~ ~ ~ # # la # #start-up # # # # # #Limula ###### ##############@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@ ................................⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄~ ~ ~ # # # # # # #la ## # # # # # # # #de #############@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@ automatiser production .............................⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄###################################@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@ traitements personnalisés. ............................⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄⁄#####################################@@@@@@@⁄⁄⁄@@@@@@@@@@@⁄⁄ ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~###############################@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@@

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MONTHEY

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HEALTH VALLEY

START-UP EXOSQUELETTES

CANCER Le Tech Launchpad de l’EPFL accorde une subvention (Innogrant) de 100'000 francs à Parithera. Cette start-up vise à améliorer l’efficacité du traitement contre le cancer grâce à une méthode innovante de suivi. Plus de 90% des morts suite à un cancer sont dues à la résistance aux traitements des cellules cancéreuses, qui évoluent souvent très rapidement, ce qui rend les thérapies moins efficaces. L’idée est de remplacer la biopsie des tissus – une technique invasive et pas adaptée à tous – , par un prélèvement des fluides (biopsie liquide). Grâce à sa technologie, l’équipe de Parithera peut analyser et traiter rapidement des petits échantillons, ce qui permet d’adapter les soins en conséquence, sans perdre de temps.

BOURSE Pas moins de trois start-up de l’EPFL ont passé le cap de la cotation en Bourse en 2021, autant que sur les trente dernières années. Les projets sélectionnés sont Sophia Genetics, une plateforme qui réunit et analyse des données médicales pour les hôpitaux, Onward Medical, qui a développé des thérapies destinées aux personnes atteintes au niveau de la moelle épinière pour les aider à retrouver leur motricité, et Astrocast, qui travaille pour le développement de satellites visant à améliorer l’internet des objets. Ces trois jeunes entreprises ont levé respectivement 234, 93 et 40 millions de francs et succèdent à Logitech, Biocartis et Bicycle Therapeutics. 6

L’OBJET

PRÉLÈVEMENT SANGUIN RAPIDE, FACILE ET SANS DOULEUR Se passer des aiguilles pour prélever un échantillon de sang ? C’est l’innovation proposée par Loop Medical qui repose sur un petit dispositif, facile d’usage, capable de prélever jusqu’à 1 ml de sang. L’objet fonctionne grâce à la vasodilatation combinée à une technique de micro-incision. Ce prélèvement peut à la fois être effectué par le médecin ou directement par les patient·e·s. Fondée en 2016 et basée à l’EPFL, la start-up Loop Medical a récolté 6,4 millions de dollars lors d’une levée de fonds en fin d’année 2021. Elle est également soutenue à hauteur de 3,6 millions par la Fondation Bill & Melinda Gates.

«Il sera probablement possible de savoir en temps réel si quelqu’un est en train de rêver d’un visage ou d’un endroit » FRANCESCA SICLARI NEUROLOGUE AU CHUV, LA SPÉCIALISTE DE LA MÉDECINE DU SOMMEIL VIENT DE RECEVOIR 1,5 MILLION D’EUROS DE LA PART DU CONSEIL EUROPÉEN DE LA RECHERCHE POUR LE SOUTIEN DE SON PROJET DREAMSCAPE. PAR LA COMPRÉHENSION DES MÉCANISMES ONIRIQUES, LA CHERCHEUSE ESPÈRE NOTAMMENT MIEUX COMPRENDRE LA FAÇON DE TRAITER LES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES DU SOMMEIL.

DR

L’objectif d’Autonomyo est d’aider les personnes handicapées suite à un AVC à retrouver leurs capacités motrices. Cette start-up qui collabore étroitement avec l’EPFL et le CHUV a séduit le Fonds pour l’innovation technologique (FIT), qui lui a accordé un prêt de 100'000 francs pour le développement d’exosquelettes connectés. Dotés de la technologie d’assistance au mouvement et reliés à une plateforme digitale pour suivre les progrès du patient à distance, ces objets connectés devraient être commercialisés en Suisse et en Europe dès 2023.


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Retrouver un second souffle Les opérations pour les affections complexes des voies respiratoires sont uniquement réalisées dans trois centres hospitaliers en Europe. À Lausanne, le chirurgien Kishore Sandu opère des personnes du monde entier.

VOIES AÉRIENNES La pandémie de Covid-19 et notamment les complications liées à la maladie ont amplifié le nombre d’altérations des voies respiratoires. Chez l’adulte, une intubation prolongée aux soins intensifs peut entraîner une sténose sévère, c’est-àdire un rétrécissement des voies aériennes qui empêche de respirer, de parler et de s’alimenter correctement. Chez les enfants, les affections complexes des voies respiratoires peuvent être issues soit d’une malformation congénitale, soit être acquises suite à un accident ou une intubation prolongée.

TEXTE : CAROLE EXTERMANN

Le chirurgien s’est donné pour mission de rendre possible la prise en charge des affections complexes des voies aériennes au plus grand nombre. Il est ainsi à l’origine de la fondation Inpaf (International Pediatric Airway Foundation) qui permet de soutenir au niveau logistique, psychologique et parfois financier les familles concernées. Pour les personnes originaires d’Europe, l’intervention est prise en charge par l’assurance maladie.

Pour le docteur Kishore Sandu, responsable de l’Unité des voies aériennes au CHUV, ce type de problèmes risque d’augmenter ces prochaines années. « De plus en plus d’enfants naissent prématurés, ce qui nécessite une intubation dont les complications peuvent entraver les voies aériennes. »

DR, ISTOCK

Dans l ’attente d ’une opération, les patient·e·s subissant ce type de troubles vivent avec une canule, une sonde placée à la hauteur du cou, à l’extérieur de la trachée, qui permet d’assurer une ventilation correcte. Cependant, ce dispositif est particulièrement angoissant pour les personnes concernées et leurs proches. En effet, un déplacement accidentel de la canule expose l’enfant ou l’adulte qui le porte à l’asphyxie. « Les opérations demandent une grande expérience, car la standardisation n’existe pas, chaque situation est différente. Aussi, il est important de réussir l’intervention dès la première opération, sinon la personne risque de rester handicapée pour le reste de sa vie. »

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Cette discipline a été reconnue comme médecine hautement spécialisée par la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé. «Ce type d’interventions est lié à des fonctions vitales, mais il existe seulement trois centres importants et de référence où ces malades peuvent être traité·e·s en Europe : à Londres, à Paris et à Lausanne. » Le CHUV accueille ainsi des enfants et des adultes du monde entier. « Parmi les patient·e·s dont 90% viennent de l’étranger, 70% sont des enfants. »

EN HAUT : KISHORE SANDU, RESPONSABLE DE L’UNITÉ DES VOIES AÉRIENNES AU CHUV. EN BAS : REPRÉSENTATION D’UNE CANULE, UNE SONDE QUI PERMET D’ASSURER UNE VENTILATION CORRECTE.

Hors d’Europe par contre, il faut compter environ 180’000 francs par opération. La fondation s’assure aussi de trouver des solutions d’hébergement pour les accompagnant·e·s. L’accessibilité pour des personnes étrangères passe aussi par la traduction des documents en lien avec l’intervention. Le questionnaire de consentement a, par exemple, déjà été traduit en quatre langues. /


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100’000 francs pour Limula

INNOVATION La start-up vaudoise qui facilite les thérapies cellulaires et géniques a reçu le prêt Tech Seed de la Fondation pour l’innovation technologique (FIT). Ce type de médecine nécessite un traitement sur mesure, différent chez chaque patient·e. Ces thérapies au coût élevé permettent une guérison complète, aussi bien de maladies aiguës que chroniques, après une rééducation des cellules immunitaires prélevées sur chaque patient·e. Limula vise à limiter les coûts élevés de ces thérapies via une plateforme d’automatisation de la production des traitements personnalisés.

QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ET LES RESSOURCES PSYCHIQUES POUR LES PERSONNES TOUCHÉES ?

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ELISA HYDE UNE ENQUÊTE SUR L'IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA SANTÉ

Elisa Hyde est coautrice de la publication « Changement climatique : une menace majeure pour la santé psychique et l'équilibre des sociétés », sous la direction de Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie au CHUV et parue récemment dans la revue médicale suisse.

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QUELS SONT LES IMPACTS DU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE SUR LA SANTÉ MENTALE ?

La littérature relève des augmentations de l’ordre de 20% des taux de troubles dépressifs et anxieux et de syndrome de stress post-traumatique, chez les populations touchées par des événements climatiques extrêmes. Les impacts peuvent être directs – dans le cas d’inondations ou de feux de forêt, ou plus graduels, dans le cas de sécheresses, de montées des eaux ou de la température. Mais le dérèglement global peut aussi créer des troubles chroniques plus indirects, que l’on retrouve sur toute la planète: la solastalgie, une détresse psychique spécifiquement liée à la perte ou à la destruction de son propre environnement, et l’écoanxiété, qui se traduit par une angoisse existentielle.

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CE SUJET EST-IL SUFFISAMMENT ABORDÉ DANS LE MILIEU MÉDICAL ?

Les troubles psychiques en lien avec le dérèglement sont sous-représentés dans la littérature. C’est un problème de santé globale en croissance. Il touche énormément les jeunes et va avoir des répercussions sur leur santé sur le long terme. Selon une étude à l’échelle mondiale, 60% des 16-25 ans se sentent très inquiets face au dérèglement climatique et 45% mentionnent qu’il constitue une entrave à la vie quotidienne. On sait de manière certaine et scientifique que la fréquence des événements climatiques extrêmes va se renforcer au cours de ces prochaines années. Il y a de gros progrès à faire dans la prise en charge psychique.

GORODENKOFF PRODUCTIONS/SCIENCE PHOTO LIBRARY, DR

3 QUESTIONS À

Le dérèglement écologique est un amplificateur de vulnérabilités déjà présentes. Les conditions socio-économiques sont le facteur principal du développement de troubles de la santé mentale. L’événement climatique extrême accentue la difficulté des conditions de vie des personnes qui se trouvaient déjà dans une situation précaire. Les populations dont la connexion à la terre est forte ont aussi plus de risques d’être touchées dans leur santé mentale. À l’inverse, l’implication dans la lutte contre le changement climatique est un des facteurs protecteurs les plus importants. Cela permet de diminuer le sentiment d’impuissance, de s’entourer de personnes qui partagent les mêmes valeurs et la même envie de protéger la planète.


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Des fourmis contre le cancer Baptiste Piqueret, chercheur en éthologie expérimentale, vient de publier une étude prometteuse dans la revue en ligne « iScience » qui démontre le potentiel des fourmis dans la détection des cancers.

L’IDÉE Et si les fourmis pouvaient, au même titre que les chiens, renifler un cancer avant même qu’il soit symptomatique ? L’équipe de Baptiste Piqueret, chercheur en éthologie expérimentale à l’Université Sorbonne Paris Nord, s’intéresse à ce petit insecte à la fois pour ses capacités olfactives exceptionnelles, mais aussi pour sa rapide capacité d’apprentissage. Un avantage important par rapport à ses homologues canidés, qui réclament un entraînement pouvant aller jusqu’à une année, et donc des coûts qui s’élèvent à des dizaines de milliers de francs par animal. C’est la Formica fusca, l’espèce de fourmi la plus répandue dans l’hémisphère Nord, qui a été sélectionnée pour apprendre à dépister des cancers.

AU LABORATOIRE Chaque cellule humaine possède une odeur particulière que la fourmi peut donc reconnaître. L’entraînement repose sur une récompense, une goutte d’eau sucrée, que la fourmi reçoit lorsqu’elle se dirige vers l’odeur qu’elle est supposée reconnaître. Ensuite, le même dispositif est mis en place, sans récompense. Une alternative se présente à l’insecte : soit il se dirige vers l’odeur connue, soit vers une odeur différente. Les premières recherches ont révélé que dans 95% des cas, il fallait aux fourmis seulement deux ou trois tentatives avant qu’elles mémorisent l’odeur et donc s’y dirigent.

PROCHAINE ÉTAPE Initialement, les expériences se concentrent sur la reconnaissance du cancer du sein ou de l’ovaire directement à partir des cellules tumorales. Désormais, l’équipe tente d’appliquer ce protocole pour l’analyse de cellules tumorales présentes dans de l’urine de souris. À terme, l’objectif est que les fourmis puissent identifier n’importe quel cancer sur un organisme humain complet.

Sursaut des dons d’organes en 2021 BURGER/PHANIE/SCIENCE PHOTO LIBRARY

PROCHAIN À cause de la pandémie, un recul de 7% de dons d’organes avait été mesuré en 2020. L’année 2021 témoigne d’un retour à la normale. Swisstransplant indique cependant que 72 personnes inscrites sur la liste d’attente d’un don sont décédées l’année dernière sans avoir reçu l’organe dont elles avaient besoin. Une situation qui pourrait évoluer grâce à l’acceptation par le peuple le 15 mai dernier de la modification de la loi sur la transplantation, qui entérine le passage au modèle du consentement présumé : on considère une personne comme favorable au don de ses organes si l’on ne trouve pas de document témoignant de sa volonté.

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3 QUESTIONS À

SAHOLY RAZAFINARIVOSCHOREISZ LA PÉDIATRE INDÉPENDANTE À COURROUX, DANS LE JURA, EST L’AUTRICE DU LIVRE « PRÉVENIR L’OBÉSITÉ INFANTILE, C’EST FACILE ! », PARU EN DÉCEMBRE 2021. QUEL EST VOTRE CONSTAT SUR L’OBÉSITÉ INFANTILE EN SUISSE ?

Plus d’un enfant sur six est en surpoids dans notre pays, d’après Promotion Santé Suisse. La pandémie a amplifié le manque d’exercice, le stress et le temps d’écran. Des études ont constaté une accélération généralisée de la prise de poids chez les enfants. J’appelle cela « l’épidémie cachée par la pandémie ». Ses conséquences ne se verront que dans quelques années. Actuellement, on attend que les enfants soient en surpoids pour s’en occuper, alors que dans le cas de l’obésité, aussi, il est plus simple de prévenir que de guérir.

Lorsqu’une prise de poids trop importante intervient tôt, elle est particulièrement problématique, car elle agit sur un organisme en croissance. Le squelette des enfants ne peut, par exemple, pas supporter un poids trop important, et cette charge risque d’entraîner des fractures et des entorses à répétition. Les jeunes aussi s’exposent à des maladies métaboliques comme le diabète. Une obésité infantile, même si elle peut se résoudre au fil du temps, aura forcément un impact sur leur santé en tant qu’adulte.

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COMMENT PRÉVENIR L’OBÉSITÉ INFANTILE ?

En théorie, les parents sont les plus à même de s’en occuper. Sauf qu’il a été montré que 96% des parents d’un enfant obèse de 2 ans trouvent que son poids est parfait. Bien souvent, l’obésité débutante ne se voit pas. Il faut donc contrôler chez tous les enfants l’évolution de leur indice de masse corporelle (IMC). Jusqu’à 2 ans, ils sont suivis régulièrement par un pédiatre ou par leur médecin de famille. Mais ensuite moins et c’est là que le risque de prendre trop de poids est le plus élevé. L’idéal est d’effectuer un checkup annuel jusqu’à l’adolescence. Les parents peuvent aussi apprendre à calculer l’IMC de leur enfant pour maintenir un poids sain.

Des chimpanzés soignent leurs plaies à l’aide d’insectes

INGÉNIOSITÉ Pas besoin de désinfectant ni de pansement pour les chimpanzés du Gabon. Selon une étude parue dans la revue Current Biology, une équipe de recherche a découvert que les primates attrapaient des insectes au vol, puis les mettaient en bouche avant de les appliquer sur leurs plaies ouvertes, vraisemblablement pour soulager la douleur et désinfecter leurs blessures. Plusieurs observations depuis 2019, vidéos et photos à l’appui, montrent de l’entraide entre les singes sur le soin apporté aux plaies. C’est la première fois qu’un tel comportement est observé chez des animaux.

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DR, NATURE PICTURE LIBRARY/ALAMY

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QUELS SONT LES RISQUES POUR LES ENFANTS EN SURPOIDS ?


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ÉTAPE N° 25

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DEBIOPHARM

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Valley. . . . . . . . . . . .la.Health .... .....................................####################

étape : .................................##################### . . . . . . . . . . .Nouvelle ..... ... Lausanne.

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Simplifier le nettoyage des ..............................#########~~################################ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . # # #chaises # # # # # ~ roulantes ~~################################# ..........................##########~~################################### Reza Safai-Naeeni a inventé ......................############~~~#################################### laver les . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . # # # #une # # #solution # # # # # # #pour ##### # # # #rapidement ########## #################### ..................#### # # # #des # # # fauteuils # # # # # # # #roulants, # # # # # # # un # # #geste ##### ##################### roues capital ................######################################################### pour qui en utilise un.

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2021 pour la qualité de vie des patient·e·s, quelques minutes seulement, contre une voire deux heures si l’opération est organisé par l’entreprise pharmaceutique effectuée manuellement. Debiopharm. Le prototype de dispositif ................############################################~~~~~~~~~~~~~ À 36 ans, ce diplômé de l’EPFL de lavage de roues réalisé par Reza ...............##########################################~~~~~~~~~~~~~~~~ souhaite capitaliser sur cette réussite. Safai-Naeeni apporte un confort considé..............##########################################~~~~~~~~~~~~~~~~~ « Aujourd’hui, notre priorité est de fournir rable aux personnes se déplaçant en .............#####################################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ cette solution à des établissements chaise roulante. L’idée lui est venue de ............##############################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ spécialisés, tels des EMS, des hôpitaux ou Maggie Goudy, la mère d’Emma, 12 ans, ............############################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ des instituts pour les personnes en atteinte d’une paralysie cérébrale. La ............###########################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ situation de handicap, poursuit-il. Les jeune fille doit par exemple renoncer à la .............########################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ besoins en nettoyage des roues demeurent récréation à cause de la boue qui salit les ..............######################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ potentiellement importants, notamment roues de sa chaise roulante et donc la ..................##################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ dans le secteur de la santé, mais pas salle de classe. « J’ai rencontré Maggie ...................################~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~......... seulement. C’est pourquoi nous souhailors d’un hackathon qui avait pour but de .....................###########~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~............ tons proposer des services au-delà du créer une prothèse pour le bras d’Emma. ......................##########~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~............... lavage, par exemple le séchage ou la Maggie m’a fait part de la pénibilité de ........................#######~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~................. désinfection. Nous sommes en train de nettoyer les roues les jours de mauvais ........................######~~~~~~~~......~~~~~~~~~~~.................. rechercher des fonds et des partenaires temps », explique l’ingénieur. Ensemble, .......................#######~~~~~~..................................... pour produire la station à plus large ils décident donc de trouver une solution .....................########~~~~~....................................... échelle et ainsi simplifier la vie des innovante à l’un des problèmes les plus ....................########~~~~~........................................ nombreuses personnes qui vivent les méconnus dont souffrent les personnes .....................#####~~~~~~......................................... mêmes désagréments qu’Emma. » / en chaise roulante. Démarre alors le

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LÉONARD DE VINCI, AU CŒUR D'UNE ENTREPRISE MULTIDISCIPLINAIRE

BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech inartis.ch republic-of-innovation.ch healthvalley.ch

TEXTE : BENOÎT DUBUIS

Le savant génie ne serait peut-être pas né s’il n’avait pas évolué dans le contexte de cet atelier polytechnique. On a là les prémices de ce qui sera au XVIIe siècle la philosophie expérimentale. Ce sont les bases de l’esprit qui doit occuper nos communautés, du souffle que la fondation Inartis infuse dans ses écosystèmes à l’image de Station R (R pour Renens, mais surtout R pour Renaissance) et dans ses différents défis s’appuyant sur l’intelligence collective. Soyons très clairs, c’est d’abord Léonard de Vinci luimême qui s’est fait ! Pourtant son environnement a joué un rôle central, qui fut largement occulté par ses propres mots : « Médiocre est l’élève qui ne dépasse pas son maître ». Il faudra attendre 2019 et une première rétrospective dédiée à Andrea del Verrocchio pour réhabiliter enfin ce maître. Mais le connaissez-vous ? Peut-être l’associez-vous à la peinture ou à la sculpture ? Il est surtout à l’origine d’un univers communautaire qui a été un lieu d’inspiration et de formation phénoménal pour le jeune Léonard.

des plus réputés de la ville de Florence. Ce lieu pluridisciplinaire s’avère exceptionnel pour le jeune Léonard puisque tous les arts y sont pratiqués : le dessin, l’architecture, la sculpture, le modelage, le travail du marbre, du bois, de la terre cuite, du bronze, des métaux précieux et des activités d’ingénierie. Une des qualités les plus extraordinaires d’Andrea del Verrocchio est sa capacité de partage : il ne se réserve aucun des travaux à exécuter. Certaines commandes sont des machines éphémères pour des fêtes ou des tombes sculptées, avec une variété polytechnique exceptionnelle. Léonard s’initie progressivement à ces multiples arts.

Le maître abolit la hiérarchie pour obtenir de meilleurs résultats. À tel point que l'on a du mal à savoir, quand une œuvre sort de son atelier, s'il s'agit d'une composition originale du maître ou d'une œuvre collective dont la seule marque serait « l'atelier ».

Verrocchio associe peu à peu Léonard, qui est encore un inconnu, à des œuvres magistrales. Léonard est le fils naturel d’un jeune notaire et Ainsi de 1468 à 1470, il va peindre, à la demande de Caterina, sans doute d’ascendance paysanne. des moines du couvent de San Salvi, le fameux Avec son statut illégitime, l’activité de notaire lui Baptême du Christ, et là va se situer et se réveiller est interdite et l’enfant ne peut prétendre aller à la plus ancienne preuve que nous possédons du l’université. Il n’a donc pas appris le latin, la génie de Léonard. / poésie, l’histoire, la philosophie, la rhétorique. À l’âge de 12 ans, il est placé dans l’atelier du sculpteur et peintre Andrea del Verrocchio qui l’accepte sur la base de la présentation de dessins dans lesquels le maître aurait reconnu des débuts prometteurs. Il y restera huit ans et y sera initié au dessin, à la peinture, à la ciselure, au coulage du bronze ainsi qu'aux SOURCES arts de la mécanique. Catalogue « Verrocchio, master de Leonardo » Francesco Caglioti Andrea est un sculpteur qui se révèle architecte, un orfèvre qui deviendra l'ingénieur du « monumental » et le métallurgiste de « l'impossible ». Son atelier est devenu l’un

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et Andrea de Marchi. ed. Marsilio, 2019 « Le maître et son disciple », Le Figaro, dossier réalisé par Gilles Denis, Christophe Doré, Cyril Hofstein et Ghislain de Montalembert, avec Jean-Charles Chapuzet, 2006 « Sur les pas de Léonard de Vinci » Gonzague Saint Bris (auteur) Philippe Lorin (illustrateur), 2006


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144’000 tonnes

Selon les estimations de l’OMS, c’est la quantité de déchets supplémentaires générés par les stratégies de vaccination contre le Covid-19. En cause, les multiples seringues et aiguilles, qui doivent être ensuite jetées dans une boîte de sécurité elle-même à usage unique. Sans compter les 87’000 tonnes d’équipements de protection : masques, blouses et gants. Ces chiffres sont basés uniquement sur les commandes d’urgence réalisées par l’ONU. L’OMS insiste sur l’importance « d’améliorer les pratiques de gestion des déchets pour éviter que ceux-ci ne menacent la santé humaine et environnementale ».

Un youtubeur soutient la recherche des effets du porno

BIOARK

SEXUALITÉ La consommation de pornographie aurait un effet néfaste sur la sexualité masculine et bénéfique sur la sexualité féminine. Ce sont les résultats d’une enquête – publiée dans Psychological Medicine, menée par une équipe de recherche des universités de Genève et de Lausanne auprès de 100’000 personnes et 4000 couples hétérosexuels cisgenres et francophones. Dans une vidéo, le youtubeur français Mathieu Sommet a invité sa communauté à répondre au questionnaire et a ainsi recruté la majorité des personnes consultées dans le cadre de cette étude. La démarche a permis de cibler des individus hyperconnectés, à un âge charnière de leur développement sexuel (entre 21 et 22 ans en moyenne). Les données ainsi récoltées attestent que la consommation accrue de porno chez les hommes favorise le sentiment d’être sexuellement incompétents et engendre donc une moins bonne satisfaction de la partenaire. À l'inverse, pour les femmes consommatrices, l’étude évoque un sentiment de compétences sexuelles accrues, une diminution des problèmes sexuels et un partenaire plus satisfait.

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Le site de BioArk Monthey s’agrandit

DÉPLOIEMENT Le site technologique valaisan, dédié aux sciences de la vie, s’offre un troisième bâtiment. Cette nouvelle extension pourra accueillir des PME, des start-up et des spin-off actifs dans le domaine des biotechnologies et du diagnostic, dans des locaux qui offriront notamment des laboratoires technologiques, des équipements techniques et des bureaux. Quelque 5000 m2 sont prévus dans cette aile qui est en cours de construction.


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RUÉE SUR L'IODE La guerre en Ukraine génère de nombreuses inquiétudes, aussi au sein de la population suisse. La protection civile reçoit notamment de nombreuses questions concer­ nant les abris antiatomiques. Cette image a été prise à Beaulieu dans l’un des 26’000 lieux de protection que compte le canton de Vaud. La loi fédérale stipule qu’une place protégée dans un abri doit être prévue pour chaque résident·e à proximité de son lieu d’habitation. Le canton de Vaud garde également une certaine marge de manœuvre, de telle sorte que le taux de couverture excède sa population totale. Les pharmacies enregistrent, quant à elles, une forte augmentation des demandes de pastilles d’iode. En cas d’attaque ou d’accident nucléaire majeur, la prise de ces comprimés permet de limiter le risque de développer un cancer de la tyroïde. Le canton dispose d’une réserve de pastilles d’iode qu’il peut distribuer à la population en cas de nécessité. PHOTO : NIELS ACKERMANN/LUNDI13

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TRANSGENRE

JEUNES ET TRANSGENRES, COMMENT LES ACCOMPAGNER ? TEXTE : CAROLE EXTERMANN ET STÉPHANIE DE ROGUIN

/ Les demandes de réassignation sexuelle sont en augmentation, surtout chez les adolescentes. Ces transitions nécessitent beaucoup de soin dans la prise en charge, notamment en raison de leur impact sur la fertilité. Enquête et témoignages.

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LEXIQUE

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TÉMOIGNAGE D’UNE MÈRE

P. 21

PORTRAIT DE LÉON SALIN

P. 22

INFOGRAPHIE : DES CORPS QUI CHANGENT

P. 24

INTERVIEW DU CHIRURGIEN OLIVIER BAUQUIS

P. 26

ET AUSSI

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LABO DES HUMANITÉS

P. 47

UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE

P. 70


«L

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TRANSGENRE

a transidentité est un sujet complexe qui ne saurait se réduire à des considérations médicales et encore moins statistiques. » Pour Erika Volkmar, codirectrice de la Fondation Agnodice, active dans le soutien des jeunes transgenres et non binaires, l’identité de genre doit se penser dans une perspective englobant également les droits humains et notamment la question de l’autodétermination. Lors d’une transition impliquant des changements hormonaux et physiques, c’est l’hôpital qui opère, prescrit et accompagne les personnes dont le genre assigné à la naissance ne correspond pas à celui ressenti. Ponctuellement des controverses surgissent, comme celle de Keira Bell, 16 ans, rapportée par The Guardian. La jeune femme a lancé une action en justice contre la clinique londonienne Tavistock pour lui avoir prescrit des injections de testostérone et lui avoir retiré les seins trop rapidement. Au CHUV, les demandes de changement de genre se multiplient depuis quelques années, plaçant le corps médical face à un enjeu nouveau : intervenir sur des tissus sains, des corps jeunes, mais dont l’incongruence de genre les place dans une grande détresse. Contre sept demandes de jeunes entre 18 et 25 ans en 2017, le CHUV en a enregistré 49 en 2021. Cette augmentation des demandes de transition reste difficilement explicable. Selon certain·e·s spécialistes, elle n’indiquerait pas une augmentation des dysphories de genre. Elle serait plutôt liée au fait que le « coming out trans » est devenu moins tabou, facilité par une plus grande visibilité du sujet dans l’espace

CHIFFRES

700% Au CHUV, le nombre de demandes de changement de genre est passé de 18 en 2017 à 155 en 2021, ce qui correspond à une augmentation de plus de 700%.

/

29 De 6 en 2017, le nombre de demandes de réassignation provenant de femmes est passé à 29 en 2021 chez les jeunes de moins de 25 ans, au CHUV. Les demandes de réassignation dans l’autre sens sont passées de 1 à 20 au cours de la même période.

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public. Certaines personnes trans, pour qui le coming out était inimaginable, se limitaient jusqu’ici à adopter le style vestimentaire et les attitudes de l’autre sexe, elles savent qu’elles peuvent désormais changer de prénom officiellement, et éventuellement recevoir des hormones et effectuer des opérations chirurgicales. Dès lors, l’hôpital s’organise et cherche les meilleures solutions pour répondre de la façon la plus juste à ces demandes.

LA CONSTRUCTION DU GENRE Médicalement, il n’existe aucune explication certaine qui permette de comprendre pourquoi l’on se sent plutôt homme ou plutôt femme. Selon le psychanalyste et philosophe Jean Laplanche, le genre précéderait même le sexe. « On peut effectivement considérer que la construction du genre chez l’enfant commence déjà dans les fantasmes de ses parents, qu’il est influencé par le fait d’apprendre, lors de l’échographie prénatale, s’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, détaille Dana Pamfile, psychiatre-psychothérapeute spécialisée dans le suivi des adultes trans et en questionnement de genre au CHUV. Après, la construction de l’identité de genre se poursuit dans les interactions précoces, par des processus psychiques complexes d’identification à l’autre et par l’autre. Viendra ensuite le temps charnière de la puberté, avec le développement des caractères sexuels secondaires et la sédimentation de l’orientation sexuelle qui vont également contribuer au développement de l’identité de genre et à son évolution. Enfin, l’adulte connaît aussi des moments de remise en question dans son rapport au genre au moment de devenir parent, par exemple. » Ces influences ne permettent toutefois d’expliquer que partiellement pourquoi des incongruences de genre surviennent, parfois dès 3 ou 4 ans. La WPATH, l’Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre, qui sert actuellement d’autorité en la matière, détaille dans un document dédié aux standards de soins comment la transidentité se manifeste chez le jeune enfant, tout en précisant que sa persistance à l’adolescence et à l’âge adulte reste faible et témoigne souvent des explorations constitutives du psychisme en développement. Elle peut être évoquée verbalement, à travers le souhait d’appartenir à l’autre sexe ou par des plaintes concernant des caractéristiques physiques et des fonctions génitales. Les enfants concernés peuvent aussi préférer les jeux, les vêtements et les activités ordinairement rattachés à l’autre genre.


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D’après la WPATH, la transidentité apparaît lorsque l’expression de genre ne coïncide pas avec les caractéristiques stéréotypées associées à son sexe. Elle ne doit surtout pas être considérée comme intrinsèquement pathologique ou négative. « Les personnes qui ne se sentent pas en adéquation avec le genre qui leur a été assigné à la naissance n’en souffrent pas nécessairement, précise Dana Pamfile. C’est seulement lorsque la souffrance devient cliniquement significative et que des troubles psychiques du type anxieux ou dépressifs apparaissent en lien avec cette incongruence que l’on peut parler de dysphorie de genre. Il est important de noter que les personnes concernées ne souhaitent pas toutes des traitements de réassignation hormono-chirurgicale. » Lorsqu’un tel diagnostic est posé chez le jeune enfant, un suivi psychologique et familial peut être proposé pour suivre l’évolution de la dysphorie et accompagner les transformations liées à la puberté. L’enfant peut aussi effectuer un changement de genre familial et social, c’est-à-dire se faire appeler par un prénom et pronom en accord avec le genre ressenti. « Le danger serait de suivre un parcours fléché, explique Mathilde Morisod Harari, cheffe de la filière pédopsychiatrie de liaison du CHUV. Chaque situation est différente. En tant que professionnel·le·s de la santé, nous nous devons de bien comprendre ce qui se joue dans ces types de demandes. Parfois, la situation est très claire, parfois le jeune patient réclame un accompagnement plus long pour comprendre son histoire. La première urgence est que la demande du jeune soit entendue et reconnue. »

UNE PÉRIODE PARTICULIÈREMENT CRITIQUE La préadolescence constitue un moment de grand basculement pour les personnes transgenres. L’apparition des caractères sexuels secondaires – la pilosité, les seins, la mue – peut à ce moment-là s’avérer invivable lorsque ces signes ne coïncident pas avec l’identité de genre ressentie. Comme d’autres pays, la Suisse a connu ces dernières années une augmentation des demandes de prise en charge de la part des personnes âgées de 18 à 25 ans. En effet, en 2017, le CHUV accueillait 7 patient·e·s de cette tranche d’âge, dont 1 femme trans et 6 hommes trans, alors qu’en 2021, 20 femmes trans et 29 hommes trans ont été comptés. Des personnes s’identifiant comme non-binaires consultent également, mais de manière très sporadique. Les services de soins cherchent les meilleures solutions pour soulager 19

LEXIQUE CISGENRE

terme désignant une personne dont l’identité de genre (masculin ou féminin) correspond à son sexe biologique.

DYSPHORIE

une personne souffre de dysphorie lorsque des symptômes pathologiques émergent de l’inadéquation entre le genre auquel elle a été assignée et le genre ressenti.

FEMME TRANS

personne assignée homme à la naissance, mais dont l’identité de genre est féminine.

GENDER FLUID

expression utilisée par les personnes dont le genre oscille entre la masculinité et la féminité.

HOMME TRANS

personne assignée femme à la naissance, mais dont l’identité de genre est masculine.

INCONGRUENCE DE GENRE

quand le genre assigné à la naissance défini en lien avec l’apparence du sexe de la personne ne correspond pas au genre auquel la personne concernée se sent appartenir.

PASSING

phénomène qui implique qu’un individu peut facilement être considéré comme appartenant au groupe social, ici le genre, auquel il souhaite se rattacher.

TRANSGENRE

terme désignant une personne qui adopte l’apparence et l’attitude d’un genre différent de celui qui lui a été assigné à la naissance, qu’elle ait fait ou non sa transition.

TRANSITION

processus par lequel un individu change de genre, sur le plan légal, social (changement de nom) et/ou médical. → Une personne transgenre doit être appelée selon son genre de destination.


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Chelsea Manning a réalisé son coming out trans le jour de sa condamnation à trente-cinq ans de prison en août 2013 pour avoir livré, trois ans auparavant, des centaines de milliers de documents hautement confidentiels à WikiLeaks. Elle était alors engagée en tant qu’analyste de l’armée américaine au moment de la guerre en Irak. Elle devra attendre 2015 pour avoir accès à une thérapie hormonale. Libérée depuis, elle a été engagée l’an dernier par la start-up Nym Technologies, basée à Neuchâtel, pour soutenir le développement d’un réseau qui protégerait la vie privée sur Internet.

Pour freiner le développement de ces caractères sexuels secondaires, il est possible d’administrer aux jeunes trans des bloqueurs de puberté. Cette solution est encore discutée au sein du personnel médical. « Ce qui nous manque beaucoup, ce sont des études sur le sujet, soulève Nelly Pitteloud. Il en existe pour les adultes, mais pas pour les jeunes. Nous avons très peu d’expérience sur les effets de tels traitements sur les corps en croissance, au début de la puberté. » La prise de bloqueurs d’hormones intervient au stade 2 ou 3 de l’échelle de Tanner, une catégorisation de l’évolution pubertaire chez l’enfant. Autrement dit, au moment où la puberté est à peine entamée : les testicules et le pénis ont légèrement grossi ou le bourgeon mammaire vient d’apparaître et l’aréole commence à 20

augmenter. « La prise de bloqueurs d’hormones s’accompagne aussi d’une surveillance médicale, ajoute Kanetee Busiah, endocrinologue pédiatre au CHUV. La testostérone et l’œstrogène jouent un rôle important dans le développement général, dont la maturation osseuse. » Le jeune doit donc faire tous les trois à six mois une évaluation médicale lorsqu’il prend des bloqueurs d’hormones. L’hôpital avance ainsi, tentant d'accompagner des personnes qui réclament la dépathologisation de leur transition, mais qui peuvent difficilement se passer de la médecine. « Si l'on répond immédiatement à la demande de certains jeunes sans prendre le temps d'une bonne évaluation de leur situation, cela peut être dangereux, car dès qu'il y a une prise d'hormones ou une opération, tout retour en arrière est difficile, voire impossible », explique Mathilde Morisod Harari. La dysphorie de genre, encore classifiée jusqu’à l’an dernier comme une maladie mentale, est désormais comprise dans la catégorie des problèmes liés à la santé sexuelle. En Suisse, pour garantir le remboursement des soins par l’assurance de base, il faut obtenir un certificat de dysphorie de genre délivré par un·e psychiatre. Le diagnostic de dysphorie de genre repose sur le vécu subjectif de la personne ; lui donner du sens suppose de revisiter son histoire pour comprendre la façon dont s’est forgé son rapport au genre et au sexe », précise la psychiatre Dana Pamfile. Il est également capital de s’assurer que la transidentité n’est pas le symptôme d’une maladie. « L’adolescence est aussi le moment où les troubles psychopathologiques peuvent se cristalliser. Dans de rares cas, la dysphorie de genre

LAURENT GILLIERON/KEYSTONE

la souffrance de ces jeunes. « Ce n’est pas simple, il y a, d’une part, la demande, souvent pressente, de la personne concernée et, d’autre part, nos protocoles internes qui impliquent nécessairement un accompagnement pluridisciplinaire et obligent donc à prendre le temps, explique Nelly Pitteloud, professeure et cheffe de service d’endocrinologie du CHUV. Je refuse notamment de voir un jeune qui n’est pas accompagné par un·e psychiatre. » Pour Lucas, 15 ans, jeune homme trans, les seins représentent l’obstacle principal à son bien-être. S’il ne souhaite pas prendre de testostérone pour l’instant, il attend avec impatience ses 16 ans pour pouvoir se faire enlever les seins. « Je prends ma douche dans le noir, ou alors avec mon téléphone pour regarder des vidéos et ne pas y penser. Mes seins m’ont toujours dérangé. La journée, je les masque avec un binder – une forme de corset – et je porte des vêtements noirs et amples. »


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« NOTRE FILS VEUT SIMPLEMENT VIVRE SON IDENTITÉ DE GENRE AVEC LÉGITIMITÉ » Les parents sont aussi concernés par la transition de genre de leurs enfants. Ils peuvent désormais partager leurs vécus dans le cadre d’associations, comme le témoigne cette maman. PROPOS RECUEILLIS PAR

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

À Genève, l'association TransParents vient d'être constituée pour les parents et proches de jeunes trans et non binaires qui souhaitent échanger entre eux. Une mère, membre de l'association, témoigne pour son enfant né avec un sexe féminin. «Avec mon époux, nous accompagnons depuis un an la transition de notre enfant de 14 ans. Avec beaucoup de courage, il nous a communiqué qu'il y avait une incongruence entre son sexe assigné à la naissance et son ressenti. Être parent, c'est déjà une sacrée aventure en soi. Là, c'est quelque chose que nous avons accueilli avec beaucoup de respect et d'amour malgré un grand bouleversement. Notre enfant n'a jamais eu d'intérêt pour le monde féminin. Tout petit,

c'est en costume de Spiderman qu'il soufflait ses bougies d'anniversaire avec le vœu de devenir un garçon. Il y a un an, tout a donc pris du sens. Nous nous sommes posé mille et une questions. Pour intégrer cette nouvelle donne, mon mari et moi avons cherché des relais professionnels parce que tout cela était nouveau pour nous. Nous avons découvert Le Refuge, un espace d'accueil pour les jeunes LGBTIQA+ et leurs proches, situé à Genève, qui a été essentiel dans notre cheminement. Petit à petit, le ‹pourquoi› s'est transformé en ‹ comment › ; comment l'aider à vivre son identité de genre de façon authentique et comment en parler autour de nous. Avec le cercle rapproché, ça s'est très bien passé. Avec la famille, c'était un peu plus compliqué, notamment à cause du clivage générationnel.

relève d’une entrée en psychose ou d’une dysmorphophobie, par exemple. » Dans ces cas-là, il faut d’abord traiter ou stabiliser le trouble sous-jacent et observer si l’incongruence de genre persiste avant d’accéder à des traitements de modification corporelle. Parmi les recommandations liées aux standards de soins publiés par la WPATH figure, dans la question de l’évaluation de la dysphorie de genre, la considération du soutien social et familial. « Ce facteur a une importance majeure dans la qualité de vie des personnes trans, surtout lors de leur transition », dit Dana Pamfile. Mais cette mission peut s’avérer dif21

La thématique de la transidentité est complexe, et malheureusement trop souvent présentée dans les médias sous l'angle d'un phénomène de mode. Chaque personne a son propre parcours et sa propre histoire. La démarche de notre fils n'est pas militante. Il veut simplement vivre son identité de genre avec légitimité. Sa transition sociale s'est faite en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il s'est fait couper les cheveux très courts. On s'est adressé à lui au masculin en utilisant le diminutif de son prénom de naissance, qui est neutre. Depuis, nous avons choisi en famille un prénom masculin qui lui convient. »

ficile pour l’entourage, qui ne sait pas forcément à quel type de structure s’adresser, quel vocabulaire adopter, ni comment entourer la personne en transition. « Le sujet ne m’était pas totalement inconnu, mais spontanément, je ne savais pas auprès de quelles organisations trouver de l’aide, détaille Sarah, la maman de Lucas. Finalement, j’ai fait des recherches sur internet et j’ai partagé mes résultats avec mon fils. Ensuite, je l’ai laissé choisir où il était le plus à l’aise de se rendre. » À l’école, la transition de Lucas est particulièrement mal acceptée. Le corps enseignant de l’institution privée dans laquelle il est inscrit refuse de l’appeler par les prénom et pronom


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« J’AI COMPRIS QUE J’ÉTAIS UN HOMME À 20 ANS »

Léon Salin a désormais un torse grâce à la mastectomie qu’il a subie l’an dernier, et prend de la testostérone pour que son corps corresponde au genre dont il se sent le plus proche. PROPOS RECUEILLIS PAR

CAROLE EXTERMANN

immédiatement accordée. C’était compliqué pour moi, je me suis senti infantilisé. » Les injections de testostérone s’effectuent dans un premier temps toutes les dix semaines. Léon prendra ce traitement à vie, même si au fur et à mesure les injections s’espaceront. Cependant, les premiers temps du traitement sont difficiles pour Léon, car les changements n’arrivent pas aussi rapidement qu’escompté. « Accepter cette latence a été un vrai défi. Pour m’encourager et mesurer les modifications, je me suis photographié et j’ai enregistré ma voix chaque semaine. » Au fil des jours, il voit son corps changer au niveau de

HEÏDI DIAZ

« Je ne suis pas né dans le mauvais corps, mais dans la mauvaise société », explique Léon, 23 ans, pour qui la transition n’est pas ressentie comme une rupture, mais comme une continuité. « Parfois, j’ai le sentiment qu’on attend de moi que je dise que je ne me suis jamais senti bien dans mon corps, que j’ai toujours eu un problème avec le genre qui m’a été assigné à la naissance. Or, c’est faux. C’est seulement à l’âge de 20 ans que j’ai pris conscience que j’étais un homme. Je ne renie pas ce que j’ai été durant mon enfance et mon adolescence. »

À partir de ce moment-là, la cohabitation avec son genre assigné à la naissance devient profondément problématique. « Durant deux ans, j’ai éprouvé énormément de difficultés à sortir de chez moi, je ressentais une grande dysphorie au niveau de mes seins. » C’est auprès d’associations comme Le Refuge, à Genève, que Léon trouve du soutien avant d’entamer un accompagnement auprès d’une psychologue, qu’il consulte aujourd’hui encore. Six mois plus tard, il obtient un premier rendez-vous avec une endocrinologue. « Je voulais prendre la plus grande dose de testostérone possible. On ne me l’a pas

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la répartition des masses, sa pilosité se densifier et il entend sa voix qui baisse. Il observe aussi rapidement l’arrêt de ses menstruations. Pour pouvoir préserver son potentiel de fertilité, malgré la prise hormonale, Léon a opté pour une cryogénisation de 14 ovocytes. « À 19 ans, il m’était compliqué de prendre une décision sur le fait de devenir père un jour. Alors j’ai choisi de me faire opérer pour conserver des gamètes. » En parallèle de la prise d’hormones, Léon a souhaité être opéré afin de se faire retirer les seins. « La mastectomie a été l’étape clé de ma transition, mais aussi la plus compliquée. » La première difficulté lui a été posée par les assurances, qui ont d’abord refusé de prendre en charge sa torsoplastie. Ensuite, l’opération elle-même s’est accompagnée de complications et d’une longue convalescence, impliquant notamment le port d’un gilet pendant un mois. « Aujourd’hui, je suis ravi du résultat. La cicatrice suit le contour des tétons et est donc totalement invisible. Cette opération a changé ma vie. » Sa transition, Léon l’a documentée sur les réseaux sociaux. Son compte Instagram l’a popularisé en tant que transgenre, un paradoxe pour celui qui demandait seulement qu’on le reconnaisse comme un homme. Heureusement, Léon bénéficie d’un bon passing, c’est-à-dire qu’il a la capacité de faire passer sa transition inaperçue. C’est sans doute la raison pour laquelle il affiche volontiers des images d’archives de son parcours ou qu’il se présente parfois portant une robe. « Je renie la question du deuil. Je suis toujours la même personne, dans le même corps, simplement sous une forme plus proche de mon ressenti. » 23

TRANSGENRE

qu’il souhaite. « Une fois, Lucas est rentré de l'école le visage en sang. L'angoisse qu'il y vivait était tellement intense qu'il s'était fait du mal à lui-même. Je le soutiens, bien entendu, mais ce n’est pas évident tous les jours. » Au cours de la préadolescence, la mission du jeune transgenre est de préparer en collaboration avec sa famille et le personnel médical le passage à l'adolescence puis à l'âge adulte, moments à partir desquels les options de transition hormonales et chirurgicales deviennent accessibles. Pour pouvoir laisser le jeune totalement libre de ses choix, les médecins doivent s’assurer qu’il est pleinement capable de discernement. L’ART DE L’AUTODÉCISION Le consentement éclairé, c’est lorsque l’adolescent·e possède la capacité de s’autodéterminer. C’est-à-dire que c’est la perception intime de la personne concernée qui fait foi. Pourtant, même si le corps médical ne doit pas intervenir dans la détermination de genre, il joue un rôle crucial dans l’information qui est fournie sur la transition et ses enjeux. La fertilité en fait partie et constitue un point capital. Avant d’entamer un traitement, qu’il soit hormonal ou chirurgical, il faut choisir s’il est nécessaire de conserver des gamètes, ou non. « Se projeter parent à 15 ans, ce n’est pas simple, rappelle Mathilde Morisod Harari, cheffe de la filière pédopsychiatre de liaison du CHUV. Le problème est qu’à 15 ans, il est rare que ces jeunes veuillent des enfants. Dans le cas de ceux que nous rencontrons, cette question de la parentalité est souvent entravée par l'urgence qu'ils vivent à entamer un traitement hormonal. Actuellement, peu sont demandeurs d'une préservation de leurs gamètes. » Or, le prélèvement et la conservation de sperme ou d’ovules n’est pas un geste nouveau : les équipes ont l’habitude de le faire pour des enfants qui doivent recevoir un traitement lourd, comme dans le cas d’un cancer. Pour les jeunes hommes trans, la gestion des menstruations peut constituer une autre difficulté. Pour limiter au maximum les règles, ils peuvent prendre une pilule contraceptive continue. Une fois la question de la fertilité abordée et les enjeux de la prise d’hormones clarifiés, la personne peut commencer son traitement, qui devra être pris à


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DES CORPS QUI CHANGENT

Entraînements, dispositifs, traitements et opérations chirurgicales permettant de modifier les caractéristiques physiques. MASCULIN VERS FÉMININ

FÉMININ VERS MASCULIN

VOIX Les orthophonistes peuvent aider à adopter une voix plus féminine.

VOIX La prise de testostérone peut rendre la voix plus grave. Cela peut également être exercé avec des orthophonistes.

POMME D'ADAM Une opération de chondrolaryngoplastie permet de diminuer, voire de supprimer, la bosse de la pomme d’Adam. Elle dure moins de 45 minutes et le temps de récupération est de deux semaines environ.

POILS La prise d’hormones contribue à développer la pilosité, par exemple sur le visage, le torse, les bras, les jambes.

POITRINE Il est possible de développer sa poitrine avec des faux seins (par exemple en silicone, associés à une sorte de brassière, ou autoadhérents), ou par une chirurgie mammaire.

POITRINE Une brassière (chest binder) ou des bandes adhérentes (trans tapes) permettent de camoufler la poitrine. La brassière n’est pas recommandée la nuit ou lors d’efforts physiques. La mammectomie est une opération chirurgicale qui consiste à retirer la glande mammaire.

HANCHES La prise d'hormones contribue à développer les graisses à des endroits typiquement féminins. SEXE La prise d'hormones arrête les érections. L'orchi­ dectomie consiste à retirer les testicules, ce qui fait cesser la production de testostérone et de sperme. Une opération nommée vaginoplastie consiste à créer un vagin à partir du pénis. 24

SEXE La prise d'hormones fait cesser les menstruations. Des dispositifs peuvent être utilisés, comme le stand-topee (ou « pisse-debout ») ou le packing (prothèse de pénis ou rembourrage pour imiter son apparence). Une opération chirurgicale permet de constituer un pénis.


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des fréquences régulières, et à vie. « Au CHUV, nous passons par un blocage du système endogène avant d’administrer les hormones du genre vers lequel la personne souhaite transiter », détaille Nelly Pitteloud. Après la première prise d’hormones, et en fonction du dosage, il faut attendre trois à six mois avant de voir des effets visibles sur le corps et environ deux ans pour un changement total. Les hormones peuvent être administrées par injection ou grâce à un gel appliqué sur le corps dans le cas de la testostérone et sous forme de patch ou de comprimé pour les œstrogènes. « Dans 70 à 80% des cas, ça se passe extrêmement bien, mais pour quelques personnes, le traitement est mal vécu. C’est souvent le cas quand leurs attentes étaient trop élevées. » Lors de la prise de testostérone, pour une transition de femme à homme, on observe une augmentation de la taille du clitoris, la voix qui devient plus grave, une intensification de la pilosité faciale et corporelle, l’arrêt des menstruations et une baisse du pourcentage de graisse corporelle par rapport à la masse musculaire. Dans le cas de la prise d’œstrogènes, pour un passage d’homme à femme, la poitrine gagne du volume. On peut aussi observer une baisse de la fonction érectile ainsi qu’une augmentation du pourcentage de graisse corporelle par rapport à la masse musculaire. « Pour les transitions de femme à homme, on arrive à induire des caractéristiques secondaires très proches, mais l’inverse est plus complexe. Il est par exemple plus difficile de rendre aiguë une voix grave. » Aussi, les caractéristiques acquises par la prise d’hormones ne sont pas toutes réversibles, même si le traitement est interrompu. La taille du clitoris ou encore la hauteur de la voix sont notamment des éléments irréversibles. Dans le cadre d’une transition de femme à homme, une étape particulièrement importante est la mastectomie. Une opération qui consiste simultanément à retirer les seins de la personne, et à lui créer un torse. En Suisse, elle peut être réalisée à partir de l’âge de 14 ans. La mère de Tom* témoigne pour son fils de 17 ans qui vient de bénéficier d’une telle intervention. « Le problème de rejet de la poitrine dont souffrait Tom nous a d’abord été rapporté par l’infirmière scolaire. Après un suivi par des psychiatres pendant plusieurs mois, Tom et nous-mêmes sommes arrivés à la conclusion qu’une transition s’avérait nécessaire. Mon fils a commencé la prise de testostérone, faiblement dosée, à partir de 15 ans, puis nous avons entamé des démarches pour l’opération du torse. » Initialement prévue pour novembre 2021, l’opération a dû être repoussée en raison de la pandémie. « Ce report de *

nom connu de la rédaction 25

l'intervention a causé une grande détresse chez Tom. Il a dû être hospitalisé durant dix jours pour éviter qu'il ne nuise à sa propre vie. Désormais, il revit. J’ai compris en côtoyant mon enfant que la dysphorie de genre est une souffrance de chaque seconde. Le fait de changer de sexe n'a rien de fun. » Les opérations génitales constituent souvent la dernière étape de la transition et ne sont pas systématiquement réalisées. « De plus en plus, l’hormonothérapie suffit, surtout chez les hommes trans, qui constituent actuellement la majorité des personnes qui transitent au CHUV », ajoute Nelly Pitteloud. Pourtant, la question semble cruciale auprès des jeunes. « T’es un garçon, alors t’as un pénis ? », répète-t-on systématiquement à Lucas. Un constat que partage la mère de Tom. « Tout ce qui intéresse les autres, c’est ce qu’il se passe en dessous de la ceinture et son orientation sexuelle. » Les domaines du sexe, du genre et de l’orientation sexuelle sont cependant bien distincts. Ainsi, une personne transgenre, tout comme une personne cisgenre peut être homosexuelle, hétérosexuelle, ou bisexuelle. Ces domaines sont au cœur des formations dispensées par la Fondation Agnodice, impliquée pour garantir l’intégralité des droits et des responsabilités des personnes transgenres. « Ce qui manque actuellement, c’est de la formation sur le sujet, pointe Adèle Zufferey, codirectrice de la Fondation. Savoir comment on accueille des personnes trans en consultation concerne tous les métiers du domaine de la santé. Aujourd’hui, les professionnel·le·s sont souvent démuni·e·s. » Une situation que Lucas rencontre, par exemple, lorsqu’il se rend à la pharmacie pour retirer sa pilule contraceptive. « Je me réjouis que ce type d’actions deviennent ordinaire. » /


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PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE EXTERMANN

TRANSGENRE

« UN CHANGEMENT DE SEXE EST LOIN D’ÊTRE INSTANTANÉ »

Le chirurgien Olivier Bauquis s’est spécialisé dans les opérations liées à un changement de genre. Le spécialiste aborde les enjeux liés à ces interventions éminemment complexes.

in vivo Quelles sont les zones du corps concernées par une chirurgie de réassignation sexuelle ? olivier bauquis Chaque corps est différent. Lors d’une transition, chaque personne ressentira plus ou moins le besoin d’ajuster ou de supprimer des caractéristiques physiques du genre qu’elle quitte. Les interventions les plus fréquentes se concentrent sur les seins, avec la mastectomie pour les hommes trans et l’augmentation mammaire pour les femmes trans. La prise d’hormones apporte des modifications à la pomme d’Adam, mais si cela ne suffit pas, il est également possible de réaliser une opération pour en réduire la taille. Chirurgicalement, une intervention peut aussi cibler les cordes vocales pour aider la modulation de la voix. Les opérations les plus complexes concernent les parties génitales : la vaginoplastie, pour la création d’un vagin chez la femme trans et la phalloplastie, qui revient à constituer un pénis chez l’homme trans.

Biographie Depuis 2008, Olivier Bauquis est responsable de la prise en charge chirurgicale des patients transgenres au sein du CHUV. Il s’est formé auprès de Paul-Jean Daverio au sein du groupe Hirslanden Clinique à Bois-Cerf. Puis, il a poursuivi sa formation de chirurgie d’affirmation de genre auprès de Pierre Brassard à Montréal et dans le service du docteur Stan Monstrey à Gand en Belgique, avec qui il préside en 2013 la session « Chirurgie de réassignation sexuelle » lors du Congrès annuel de la société suisse de chirurgie plastique. 26

Comment se déroulent ces opérations ? Ce type d’intervention demande une grande maîtrise de la microchirurgie, surtout dans le cas de la phalloplastie. Le challenge est de pouvoir concilier la dimension esthétique du nouveau membre, sa sensibilité tactile et érogène et la bonne fonction de l’urètre. Le pénis est alors constitué d’un lambeau de chair du patient, prélevé au niveau de l’avant-bras ou de la cuisse. Pour assurer la fonction érectile, une pompe hydraulique est intégrée au nouvel organe génital. Malheureusement, ce dispositif est pensé pour des personnes cisgenres, il n’est donc pas exactement adapté et cela peut poser des difficultés. À l’issue de l’opération, le membre fait la taille d’un pénis ordinaire, entre 12 et 14 cm, et peut pénétrer. Pour obtenir un vagin, à l’inverse, on réalise une inversion de la peau pénienne. Parfois, il peut également être nécessaire d’y associer une greffe de peau pour finaliser le sexe. iv

ob

iv Certaines personnes concernées par ces interventions, ou issues des milieux associatifs engagés pour la cause des transgenres, critiquent la qualité des opérations en Suisse et préfèrent se faire opérer à l’étranger. Qu’en pensez-vous ? ob La première question qui se pose dans ces situations est la question du remboursement de l’intervention. À ma connaissance, les assurances ne prennent pas en charge les coûts d’une intervention chirurgicale à l’étranger, tandis qu’en Suisse, l’opération est remboursée par l’assurance de base. Ensuite, j’ai souvent entendu dire qu’à l’étranger, les interventions génitales chez les jeunes mineurs sont courantes. Or, je participe aux congrès internationaux, je sais que cette pratique existe, mais qu’elle reste marginale. Les seules opérations qui se pratiquent fréquemment sur une personne mineure, en Suisse comme ailleurs, sont les mastectomies, car elles sont moins irréversibles que les opérations génitales.


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TRANSGENRE

Vous pensez qu’il y a beaucoup d’idées reçues autour de ces opérations ? ob Je crois qu’il y a une véritable idéalisation de ce type d’interventions. Et c’est un problème qui dépasse largement la question transgenre. Il y a une profonde méconnaissance de l’apparence réelle d’une vulve, par exemple. L’insatisfaction du résultat est parfois liée à cette fausse image de l’organe génital féminin qui est véhiculée sur internet ou dans les films pornographiques, notamment. Pour les hommes trans, l’acceptation du nouveau pénis est généralement plus fluide, puisqu’il est clarifié d’emblée que le résultat n’est pas exactement équivalent à celui d’un homme cisgenre. Pourtant, il arrive aussi qu’on me réclame un membre beaucoup plus grand que la moyenne, pensant que c’est la norme. Aussi, les opérations demandent un véritable suivi, particulièrement la vaginoplastie. Le néo-vagin réclame un accompagnement postopératoire important. Un changement de sexe est loin d’être instantané. iv

GILLES WEBER

iv Est-il plus facile de pratiquer ces opérations sur un corps jeune ? ob Une personne jeune est généralement en bonne santé, et la peau présente souvent une plus grande élasticité que celle d’un corps plus âgé, ce qui facilite l’opération. Par contre, j’ai remarqué que sur le plan psychique, l’apprivoisement d’un nouveau sexe est plus aisé entre 40 et 60 ans. Même lorsqu’on le souhaite ardemment, un changement de sexe reste un choc. La chirurgie n’est pas toujours la meilleure option, d’autant plus qu’aujourd’hui, il est possible de changer de sexe au niveau administratif sans subir d’opération. Cependant, il est capital d’entretenir cette pratique pour les personnes qui en ressentent la nécessité.

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iv Comment améliorer encore davantage la prise en charge chirurgicale des personnes transgenres en Suisse ? ob Il est indispensable pour les médecins concernés d’effectuer ces opérations complexes régulièrement. De plus, la préparation à l’opération et le suivi après l’intervention doivent être pris en charge de façon globale et multidisciplinaire. Pour ma part, il est fondamental de me sentir soutenu par l’institution dans laquelle je travaille. C’est une responsabilité immense d’assurer ce type d’interventions. Dans le cas des opérations génitales, le retour en arrière est impossible. /


FOCUS

EN LECTURES

Dans chaque numéro d’In Vivo, le Focus se clôt sur une sélection d’ouvrages en « libres échos ». Ces suggestions de lectures sont préparées en collaboration avec Payot Libraire et sont signées Joëlle Brack, libraire et responsable éditoriale de www.payot.ch.

POLLY POLLY FABRICE MELQUIOT, ISABELLE PRALONG LA JOIE DE LIRE, 2021, 96 PAGES, CHF 29.90

PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE BRACK

Le roman graphique « Polly », du dramaturge français Fabrice Melquiot et de l’illustratrice genevoise Isabelle Pralong, raconte le parcours d’un enfant qui ne naît ni fille ni garçon. L’intersexualité est un thème peu abordé en littérature jeunesse et encore particulièrement tabou dans une société qui accorde beaucoup d’importance aux différences de genre. À la naissance de Polly, il est décidé que l’enfant sera un garçon, et qu’il doit subir des opérations et un traitement pour correspondre à ce qui est attendu de ce genre. Pourtant, une fois arrivé à l’âge adulte, Polly constate qu’il ne se sent ni homme ni femme.

Polly a obtenu le prix Töpffer Genève 2021, le prix Pépites 2021 dans la catégorie fiction ados et le Bologna Ragazzi Award 2022 dans la section Comics young adult. IN VIVO Comment avez-vous décidé d’aborder ce thème ? fabrice melquiot C’est la musicalité du terme intersexe qui m’a d’abord inspiré. Je suis arrivé à ce mot par le terme « interstice », que j’emploie souvent quand il s’agit de parler d’écriture. Pour moi, cette

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pratique se situe dans les interstices, le clair-obscur, l’ambivalence. L’écriture dépasse intrinsèquement la question des genres. Toutefois, il était important que Polly ne devienne pas un ouvrage explicatif. IV Comment vous êtes-vous documenté sur le thème ? fm J’ai lu de nombreux articles et interviews de personnes intersexes. J’ai procédé en commençant par lire et en espérant que la lecture provoque la trouvaille qui puisse me permettre de construire une bonne connaissance du sujet. Mais je n’ai pas directement rencontré de personnes intersexes pour écrire Polly. IV Comment avez-vous choisi d’illustrer cette thématique particulièrement délicate? isabelle pralong L’intérêt des encres est qu’elles ont leur vie propre, elles échappent au contrôle : on les dépose sur le papier humide, et on regarde où elles décident d’aller. Cela me semblait une matérialisation du chaos de l’intériorité de Polly, mais aussi de sa force et de sa beauté. Le choix des couleurs a été très intuitif. Le vert émeraude m’a convaincue par sa profondeur et l’aspect changeant de sa teinte, suivant que l’encre est diffuse ou dense. Le jaune a été choisi pour son côté lumineux, comme irréductible et indomptable. IV

À qui le livre est-il destiné ?

fm J’espère que Polly concerne tout le

monde, qu’on ait 12 ou 85 ans. On a tous des identités à construire et à déconstruire, qu’elles soient intimes, sociales ou empruntées. On a tous à batailler pour se faire une place, et saisir quel est cet espace qui n’est qu’à soi. /


FOCUS

EN LECTURES

CHRONIQUE

Mon ado change de genre ÉLISA BLIGNY, LA BOÎTE À PANDORE, 2020 146 PAGES, CHF 30.90

Pour décrire son enfant, l’auteure dit «mon petit nomade». Un signe de la sérénité, de l’amour et de l’empathie qu’elle a choisis comme attitude face au bouleversement traversé par leur famille: les parents et le frère d’Emma ont dû en effet «adopter» un être nouveau, Amé (son prénom inversé), et repenser leur affection en fonction de ce profond changement. Alors que le père se tient en retrait, la mère, qui travaille dans l’édition, compte sur les mots pour éclaircir ses tâtonnements en même temps qu’elle balise le sujet pour autrui. Soucieuse des termes justes, elle témoigne de leur épopée familiale avec chaleur, son talent enjoué de narratrice donnant l’épaisseur du vécu aux nombreuses notions didactiques, qui sous-tendent son récit. Si l’on devine que tout n’a pas été aussi simple et évident qu’elle le dit, on peut souhaiter à tout jeune transgenre, en chemin vers une identité conforme à sa personnalité intime et sociale, d’être entouré d’autant de compréhension et d’ouverture d’esprit.

EN BREF

Le voyage de nos vies CHRIS COLFER, MICHEL LAFON, 2019 299 PAGES, CHF 27.70

acher qui ils sont vraiment pour se protéger est le lot de ces quatre copains qui s’offrent C un road trip avant l’université : l’un est transgenre, l’autre homosexuel, mais comment confier cela aux autres… qui ont, eux aussi, leurs secrets ? Et que dire de leur insolite compagnon de voyage, qui jouera les révélateurs pour eux tout en masquant ses propres fardeaux – dont la célébrité… Chaotique, le voyage fera cependant progresser ces ados vers leur véritable personnalité, et vers le cran de l’assumer. (Dès 14 ans) George ALEX GINO, L'ÉCOLE DES LOISIRS, 2017 174 PAGES, CHF 21.10

eorge, un petit Américain d’une dizaine d’années, a une maman attentive, un frère sympa, G une super copine. Et un gros secret. Tout le monde voit en lui un gamin banal, mais lui le sait: il est une fille. Alors, renversant le jeu social des rôles, l’enfant confronte les adultes à leurs normes sur l’apparence, et imagine de profiter de la pièce de théâtre de l’école pour leur faire comprendre qui est la vraie George… Mais peut-on prévoir les réactions de ceux qu’on aime? Une fable bien vue, acidulée et tendre, pour dédramatiser. (Dès 10 ans) Felix Ever After KACEN CALLENDER, SLALOM, 2021 360 PAGES, CHF 29.30

ux troubles de l’adolescence, Felix, Noir et trans, ajoute ceux du genre et du racisme. A Ses copains et sa vie de lycéen créent une effervescence qui contraste avec les graves questions qu’il se pose : le processus de la transition de genre, lent pour l’apparence physique, est plus complexe encore sur le plan psychologique… Face au rejet et aux préjugés, parfois violents à Philadelphie, seuls l’amitié et l’amour lui permettront de résister, de persévérer et, finalement d’être Felix (heureux) pour toujours. (Dès 14 ans)

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MENS SANA

« L’addiction a un lien avec la capacité d’entrer en relation avec les autres. » Jean-Bernard Daeppen 30


MENS SANA

Interview

JEAN-BERNARD DAEPPEN De nombreuses personnes consomment

des substances addictives, mais certaines n’en souffrent pas. Comprendre les mécanismes de l’addiction permet de mieux la combattre.

INTERVIEW : CAROLE EXTERMANN PHOTO : GILLES WEBER

« L’être humain naît dépendant » Le livre La Maladie du désir, paru en mars dernier, le profes- chez quelques patient·e·s, dont certain·e·s seur CHUV-UNIL Jean-Bernard Daeppen l’a rédigé à partir ne suivent pas les consignes, qui ont davandes rencontres avec ses patient·e·s souffrant d’addiction. In tage de complications et sont soupçonnés Vivo lui consacre un grand entretien sur le sujet. L’occasion parfois de ne pas vouloir se soigner. de mieux comprendre la façon dont l’addiction se manifeste, pourquoi certaines personnes y sont plus sensibles, et le iv Comment expliquer que certaines rôle des proches. personnes développent une addiction à

Vous avez choisi d’intituler votre livre « La Maladie du désir ». L’addiction est-elle aujourd’hui considérée comme une maladie ?

in vivo

l’alcool, tandis que d’autres parviennent à maintenir une consommation occasionnelle et non dépendante ?

jbd L’addiction première chez l’humain est l’addiction à l’autre. Nous sommes en cela tous concernés. L’addiction est une maladie neuroloUne autre grande caractéristique de l’humanité est gique, consécutive à une surstimulation du système son appétence extraordinaire pour les drogues, dont de la récompense. L’une de ses particularités est l’alcool est l’exemple le plus flagrant. L’addiction ded’inclure une part de responsabilité de la personne vient vraiment problématique lorsqu’elle implique des qui en souffre. Les addictions suscitent des réacsubstances dangereuses prises dans des quantités trop tions fortes, souvent caricaturales : d’une part, les importantes. La majorité des personnes qui développent individus qui les craignent, pour eux et pour leurs une addiction, au tabac, à l’alcool, à la cocaïne ou au canproches et, d’autre part, ceux qui en souffrent et nabis, vivent ainsi plusieurs années, avant de trouqui éprouvent souvent de la honte et de la ver – lorsque les inconvénients dépassent les bénéfices – les culpabilité. Pour le personnel médical qui y est solutions pour les maîtriser sans avoir besoin de consulter. confronté quotidiennement, les addictions Tandis que pour un petit groupe, les addictions sont plus constituent un véritable défi : une agitation jean - bernard daeppen

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INTERVIEW

problématiques : les efforts pour les résoudre sont vains. Des elles partagent que des caractéristiques qui facteurs génétiques ou des traits de personnalité peuvent seraient liées à l’âge, au genre ou à la classe rendre plus vulnérable face aux addictions. Les personnes les sociale. Nos patient·e·s sont souvent des perplus sévèrement touchées sont presque systématiquement sonnes particulièrement sensibles, en diffimarquées par des troubles de l’attachement liés à une insé- culté avec la gestion de leurs émotions. Les curité relationnelle. L’addiction a un lien avec la capacité stupéfiants sont souvent utilisés pour les régud’entrer en relation avec les autres. C’est pour cela que l’ado- ler. Nous prenons en charge tous les types lescence est une période propice à la consommation et à d’addictions, avec et sans substances, telles que l’éclosion des addictions puisqu’elle est un moment le jeu pathologique ou les jeux vidéo. Mais la d’émancipation et de construction de la vie amoureuse. majorité de nos patient·e·s font face à des addicLes psychotropes permettent de faciliter le sentiment tions impliquant l’alcool et les opioïdes qui font d’être en confiance. Le risque de développer une addic- passablement de dégâts sur le plan de la santé tion est alors majoritairement lié à la capacité d’entrer en physique et psychique. relation. Lorsqu’une personne évolue dans un contexte stimulant, qu’elle mène une vie intéressante, le risque d’addiction est fortement diminué.

POUR SORTIR D’UNE ADDICTION, LA PERSONNE J’ai construit mon ouvrage à partir de notes issues DOIT ABSOLUMENT de mes consultations, de moments qui m’ont particulièrement touchés et de réflexions menées à partir de PARVENIR À l’expérience de mes patient·e·s. Je commente ces récits à l’aide d’explications reposant sur les connaissances SE PERSUADER médicales actuelles en matière d’addictions, mais ELLE-MÊME aussi en apportant des perspectives liées à mon intérêt particulier pour la psychologie et la philosophie. DE RENONCER À «Le désir est l’essence de l’humain», nous disait le philosophe Baruch Spinoza en évoquant le conatus, LA CONSOMMATION. Le titre de votre ouvrage fait également le lien avec la question du désir. En quoi est-il concerné par l’addiction ? iv

jbd

cette énergie extraordinaire qui nous maintient en vie à tout prix. Les addictions perturbent la chimie du désir en modifiant le fonctionnement du système de la récompense dans des zones profondes du cerveau. Les addictions posent BIOGRAPHIE des questions existentielles, celle du sens de Jean-Bernard Daeppen est né à nos vies, ou peut-être celle du sens que nous Lausanne en 1962 cherchons à tout prix à leur donner. où il a fait sa sco-

Quelle tranche de population voyez-vous en consultation ? iv

jbd Nous recevons une variété extraordinaire de patient·e·s : des jeunes, des seniors, des hommes, des femmes, des personnes issues de tous les milieux sociaux. Ce sont davantage certains traits de personnalité qu’ils ou

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larité et ses études de médecine. Après un séjour aux États-Unis, il contribue au développement de ce qui deviendra, en 2019, le Service de médecine des addictions au CHUV. Son livre «La Maladie du désir: dans le cabinet d’un médecin spécialiste des addictions», est paru en mars 2022 aux éditions JC Lattès.

iv Qu’est-ce qui fait que les personnes viennent consulter ?

La plupart de nos patient·e·s viennent consulter lorsque s’en sortir par soi-même devient impossible, que l’addiction prend trop de place dans leur vie et occasionne des problèmes dans leur vie familiale, professionnelle, sur le plan social et en lien avec la santé.

jbd


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INTERVIEW

iv Sur quoi la thérapie pour aider les personnes concernées par une addiction repose-t-elle ?

les proches interviennent dans cette négociation, l’individu souffrant d’addiction risque de se sentir dépossédé ou privé de sa liberté de choix. En somme, l’erreur est de vouloir agir à la place de l’autre. Il s’agit pour les proches d’éviter de jbd Les traitements que nous proposons sont juger, de faire pression, d’infantiliser ou de parler constamnombreux, en individuel et en groupes, assoment des consommations. Les proches peuvent très bien ciant des approches médicamenteuses et psyexprimer leur ressenti, dans des moments apaisés où le chothérapeutiques, cognitives, comportemendialogue est possible, mais doivent éviter de dire à la pertales et motivationnelles. Il s’agit d’encourager sonne ce qu’elle doit faire. Il faut avant tout faire preuve les patient·e·s à changer leurs comportements de patience, garder confiance et rester empathique, auen les aidant à agir de façon autonome. J’aborde tant que possible. aussi ce point dans mon livre dans une partie consacrée à la façon dont les personnes peuvent se venir en aide. J’insiste notamment sur le fait iv Comment agir pour prévenir les addictions ? que l’addiction n’est pas une fatalité, qu’il est pos- jbd Bien qu’il s’agisse d’un problème majeur de santé sible d’en sortir. L’entourage joue aussi un rôle publique, la population est, de façon générale, peu inimportant dans la thérapie. formée sur les substances pouvant générer une addiction. L’école, par exemple, aborde rarement ce sujet. Cela implique que les individus sont finalement assez iv Pour les proches, quelle est la bonne attitude naïfs et manquent de nuances sur les consommations à adopter ? d’alcool et de drogues. Il faudrait davantage explijbd Les proches doivent comprendre ce qui se trame dans le cerveau de leur ami·e ou de leur parent·e aux quer ce que sont ces produits, aussi attractifs que prises avec une addiction. L’ambivalence est un symp- dangereux lorsqu’ils sont trop consommés, susceptôme clé de l’addiction : la personne vit un conflit tibles de mener à un véritable esclavage. C’est pour entre, d’un côté, des arguments en faveur du maintien cette raison que je trouvais important d’écrire un de la consommation et, de l’autre, le constat qu’elle doit livre qui s’adresse au plus grand nombre. Il est cafaire quelque chose au risque de tout perdre. L’attitude pital de mieux appréhender les addictions, pour la plus problématique des proches consiste à vouloir soi et pour nos proches, afin de mieux s’en protéconvaincre et donner des conseils. Pour sortir d’une ger ou de mieux les gérer. / addiction, la personne doit absolument parvenir à se persuader elle-même de renoncer à la consommation. Si

LES ADDICTIONS PERTURBENT LA CHIMIE DU DÉSIR EN MODIFIANT LE FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME DE LA RÉCOMPENSE DANS DES ZONES PROFONDES DU CERVEAU.

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DÉCRYPTAGE

La valeur inestimable des proches qui aident Famille, ami, voisine… Les personnes qui les entourent jouent souvent un rôle central dans l’accompagnement des malades. Mais elles manquent de reconnaissance, ce qui peut les atteindre à leur tour dans leur santé. Le problème est encore accentué par l’évolution démographique. Et les lois tardent à s’adapter. TEXTE : ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

E

n Suisse, 20% de la population des 15 ans et plus s’occupe de l’organisation du quotidien d’une personne proche, participant à sa prise en soin ou gérant son administration et ses finances. Ce travail a une importance cruciale dans la société : il correspond à 80% des aides dont ont besoin les personnes atteintes dans leur santé ou leur autonomie, estime Mercedes Puteo, directrice de l’association lausannoise Espace Proches, qui propose à ces intervenant·e·s des prestations d’information, d’orientation et de soutien au travail via une hotline gratuite. « Il ne s’agit pas simplement de personnes qui se dévouent gentiment pour les autres, mais bien d’une ressource indispensable ; un pilier de notre système sanitaire. » Fabien*, 55 ans, en a fait l’expérience. Il est devenu le curateur administratif de sa tante qui souffrait d'un début d'Alzheimer. Personne dans la famille ne voulait s'en occuper et elle était encore suffisamment autonome pour éviter d’aller dans un EMS. Fabien a dû faire un choix. « Au

*

nom connu de la rédaction 34

même moment, je me séparais de mon épouse, et de l'espace se libérait dans ma vie. Je me suis tourné vers Pro Senectute, une fondation qui défend les droits et la dignité des personnes âgées, qui m'a donné beaucoup d'informations utiles. J'ai décidé que ce serait moi qui prendrais désormais soin de ma tante. » À l'époque, Fabien ne savait pas pour combien de temps il s'engageait. Sa tante est décédée il y a deux ans, à 97 ans, cinq ans après qu'il a entrepris de s'en occuper. « Je me suis bien organisé de façon à pouvoir déléguer des tâches parce que j'ai rapidement compris que ce travail risquait de m'épuiser. » Ces aides spontanées de la part de proches font souvent l’objet d’idées préconçues. « Au début de la prise de conscience politique de l'importance de ces proches aidant·e·s, il y a une dizaine d'années, nous nous imaginions que les

TROIS OUTILS LÉGAUX EN FAVEUR DES PROCHES AIDANT·E·S CONGÉ PAYÉ La nouvelle loi fédérale permet un congé payé pour prendre en charge un membre de la famille atteint dans sa santé. Ce congé est limité à trois jours par cas et plafonné à dix jours par an au total, sauf pour ses propres enfants.


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DÉCRYPTAGE

GILLES WEBER

personnes aidées étaient essentiellement âgées, rappelle Mercedes Puteo. Or, ce sont tous les individus concernés par un problème de santé : conjoint·e souffrant d'un cancer, enfant ayant un handicap ou encore parent qui a une dépendance. » Mercedes Puteo souligne que le spectre de l'épuisement ou du surinvestissement est bien réel chez les personnes qui aident. « De nombreux facteurs peuvent y mener : la volonté de tout contrôler, l'incapacité à lâcher prise, l'absence de confiance dans les structures de la santé, mais aussi, l'ignorance des ressources à Selon Jean Bigoni, coordinateur cantonal des Consultations psychologiques disposition », détaille-t-elle, ajoutant que pour proches aidant·e·s (CPA), les problèmes commencent lorsque se rompt certaines personnes gèrent ce rôle très l’équilibre entre la charge de stress et les ressources pour le supporter. bien, trouvent les aides adaptées et parviennent à maintenir un équilibre. « Les études montrent que le giques (dépression, anxiété, CONGÉ PARENTAL risque de problèmes de irritabilité). santé et de burn-out est Il indique que souvent, La loi introduit le droit d'un parent – au bénéfice d'une alloen augmentation chez les proches aidant·e·s cation de prise en charge si son les proches aidant·e·s. s'adressent à la CPA lorsque enfant est gravement atteint dans leur propre comportement On mesure ainsi une sa santé, d'obtenir de l'employeur réduction de l’espérance les alarme. Ils ou elles un congé de prise en charge de de vie auprès de cette ont des réactions irritées, 14 semaines au plus. population, ce n’est pas voire agressives envers les anodin. » personnes aidées. « Notre travail est de comprendre ce qu’il se passe, pourquoi ces personnes perdent leur PROTÉGER LES PROCHES équilibre, afin de comprendre les causes de Les problèmes commencent lorsque se rompt l’équilibre entre la charge de stress et leur détresse », explique-t-il. Les psychologues les aident alors à identifier les enjeux les ressources pour le supporter, confirme dans lesquels elles sont empêtrées, par Jean Bigoni, coordinateur cantonal des exemple, ne pas réussir à dire « non » ou Consultations psychologiques pour proches être en perpétuelle quête de reconnaisaidant·e·s (CPA). «Les gens viennent vers sance, pour pouvoir faire des choix plus nous lorsqu'ils sont en souffrance. Ils font libres. tout ce qu'ils peuvent, puis s'effondrent. Il n'est pas rare qu'ils nous contactent alors qu'ils sont déjà atteints dans leur santé.» UNE COOPÉRATION PRÉCIEUSE Le psychologue au CHUV précise que les Outre le risque de perdre l'équilibre, symptômes de cette perte d'équilibre sont Mercedes Puteo considère aussi le manque tant physiques (ulcères, maux de dos, perte de reconnaissance des proches aidant·e·s de sommeil ou d'appétit) que psycholocomme une problématique majeure. Il

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DÉCRYPTAGE

ne s'agit pas seulement de les remercier, mais bien de les reconnaître comme des personnes clés dans le cadre du soin. « À l'hôpital, on ne les considère souvent pas encore à leur juste valeur. Or collaborer avec les proches aidant·e·s est fondamental et dans l'intérêt de tous. Un homme savait exactement comment mobiliser son épouse pour que tout se passe bien lors d'une consultation, se souvient notamment la spécialiste. Mais les médecins ne l'ont pas écouté et à plusieurs reprises, la patiente est tombée, alors que cela aurait pu être évité. Les professionnel·le·s de la santé sont experts dans leur domaine et les proches aidant·e·s le sont en ce qui concerne la personne aidée. Coopérer est essentiel. » UN CADRE LÉGAL PEU SOLIDE

À Berne, la faîtière suisse Communauté d'intérêts Proches aidant·e·s (CIPA) revendique un statut juridique pour ces personnes. « Il est important d'avoir une disposition juridique légale qui fixe leurs droits et devoirs, dont la majorité mène une activité professionnelle en parallèle. Sur cette base, les cantons pourront ensuite élaborer leur propre législation », avance Valérie Borioli Sandoz, directrice de la CIPA, précisant que pour les EMS

ou les hôpitaux, avec un statut juridique, les proches aidant·e·s deviendraient des partenaires incontournables et leur vie quotidienne serait facilitée. Elle fait remarquer que ce statut existe d’ailleurs déjà dans d’autres pays, tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, ou la France. Quant à la loi fédérale ALLOCATION sur l'amélioration de la Des modifications ont été conciliation entre activité apportées à la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain professionnelle et prise en (LAPG), prévoyant une allocation charge de proches, entrée pour les parents qui prennent en vigueur le 1er janvier en charge un enfant gravement 2021, Valérie Borioli Sandoz malade ou accidenté·e. estime qu'il s'agit d'un premier pas, mais cette loi ne va pas assez loin. « Elle ne concerne que les proches aidant·e·s qui travaillent et considère uniquement les situations d'urgence, ignorant celles qui durent dans le temps. De plus, elle ne prend pas suffisamment en compte l’aide prolongée. » La spécialiste appelle à agir urgemment. « Nous faisons face à une bombe à retardement. » En effet, le vieillissement de la population appelle à trouver des solutions pour prendre soin des aîné·e·s et les personnes aidantes en font partie. /

VAUD À L'AVANT-GARDE Le canton de Vaud, outre tous ses services d'écoute, d'information et d'orientation, a notamment créé une carte qui permet d’identifier la personne aidante. Ainsi, en cas d’accident, l’information est partagée et le personnel soignant sait qu’il faut mettre en place un remplacement temporaire pour soutenir la personne aidée. « Par exemple, dans le cas courant où un homme âgé prend soin de son épouse atteinte d’Alzheimer, explique Valérie Borioli Sandoz, directrice de la CIPA, s’il lui arrive un malheur, la carte permet de signaler que sa conjointe, à la maison, a besoin d’une prise en charge. » Ce fonctionnement a aussi été adopté à Genève et Neuchâtel.

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Valérie Borioli Sandoz observe que la situation des proches aidant·e·s est très variable d'un canton à l'autre, et même, d'une commune à l'autre. À Fribourg, une allocation quotidienne est dispensée, de l'ordre de 15 à 25 francs. « C'est peu, mais au moins il y a une certaine reconnaissance symbolique. » En Valais, il existe une indemnisation forfaitaire mensuelle. Selon le rapport du Conseil fédéral de 2014, il s’agit d’un montant entre 500 et 1500 francs, déterminé selon un barème progressif qui prend en compte le degré d’impotence de la personne aidée. Dans le canton de Vaud, diverses prestations sont prévues, selon les situations, dont une allocation mensuelle qui peut s’élever jusqu’à 2500 francs pour les cas d’impotence grave.


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Prospection

TEXTE : STÉPHANIE DE ROGUIN

COMMENT ENTRAÎNER SON CERVEAU Les capacités cérébrales varient beaucoup d’une personne à l’autre. Mais quelques pratiques de bon sens permettent de les optimiser. Les substances ingérées peuvent aussi jouer un rôle. Explications.

Q

ui n’a jamais rêvé de devenir plus intelligent·e, plus perspicace, plus efficace? Capable de se concentrer longtemps et d’assimiler ainsi une importante quantité d’informations ? Le cerveau, cet organe si primordial dans chacun des gestes du quotidien, peut-il vraiment être entraîné pour gagner en performance ? Et, si oui, comment ? « Près de la moitié du cerveau est occupée par le lobe frontal, qui traite notamment des fonctions exécutives », expose Gilles Allali, directeur du centre Leenaards de la mémoire du CHUV-UNIL. Soit le fait de donner un signal à

une partie du corps afin d’entreprendre une action, comme marcher, porter une fourchette à sa bouche, ou encore donner de la voix. Le reste des fonctions du cerveau se répartit entre la mémoire, l’attention, la concentration, mais aussi le langage, le calcul ou encore la vision. Et nous sommes loin d’être tous égaux en la matière. « Les capacités cognitives sont influencées, à peu près pour moitié, par des facteurs génétiques », expose Enrico Amico, chercheur à l’Institut de bio-ingénierie de l’EPFL. Avec son équipe, il a d’ailleurs annoncé fin 2021 une découverte primordiale : nous avons tous une empreinte cérébrale propre, au même titre que le sont nos empreintes digitales. L’autre

moitié des capacités cognitives s’explique par l'environnement dans lequel évolue un individu : son niveau d’éducation ainsi que celui de ses parents, mais aussi le niveau socio-économique dans lequel il a grandi. Tous ces facteurs participent à ce que l’on appelle la réserve cognitive d’un individu, précise Gilles Allali. ALIMENTATION, MUSIQUE ET ÉMOTIONS Alors, quelles méthodes pour assurer la bonne santé du cerveau ? Il n’existe certainement pas d’aliment miracle pour

Pour tout apprentissage, la répétition est la clé.

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booster ses capacités cérébrales au quotidien, mais il semble aujourd’hui assez sûr que dans le cas de la maladie neurodégénérative d’Alzheimer par exemple, un régime de type méditerranéen va plutôt ralentir le déclin des patient·e·s, en comparaison à une alimentation grasse et à base de viande rouge. « Les études qui conduisent à ces résultats ont été menées sur des cohortes de milliers de patient·e·s, ce qui leur confère une certaine crédibilité, mais aussi une variabilité au niveau individuel », dit Gilles Allali. L’apprentissage d’un instrument de musique constitue également un bon stimulant pour le cerveau. Cette activité revient à apprendre un nouveau langage, c’est donc ce mécanisme – celui du langage – qui est ainsi développé. Les instrumentistes auront alors une réserve cognitive plus importante que les nonmusicien·ne·s, qui n’exercent pas régulièrement ces compétences précises. D’autant que la musique est liée aux émotions, et les capacités de mémorisation sont plus efficaces dans un contexte émotionnel particulier. Un exemple : tout le monde ou presque se souvient exactement de son activité du 11 septembre

«Le fonctionnement multitâche est la plupart du temps contreproductif»

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Prospection

2001. Or, qui se rappelle son activité du 12 septembre de la même année ? RÉPÉTER, ENCORE ET ENCORE Lors de l’enfance et de l’adolescence, périodes où l’on emmagasine une foule de connaissances et d’informations, les recettes pour entretenir le cerveau tiennent surtout du bon sens. Il s’agit par exemple de se concentrer sur une chose à la fois. « Les jeunes qui font leurs devoirs en regardant la télévision et en répondant à des messages ne pourront pas assimiler correctement ce qu’ils apprennent. Le fonctionnement multitâche est la plupart du temps contre-productif », prévient le directeur du centre Leenaards de la mémoire. Un autre élément primordial est le sommeil, par sa quantité et sa qualité. Par ailleurs, la capacité d’attention n’est pas la même chez l’enfant de 5, 10 ou 15 ans. Les programmes scolaires sont notamment établis en fonction des connaissances que la science délivre sur le fonctionnement du cerveau. Et puis, pour tout apprentissage, la répétition est la clé. « L’apprentissage est facilité quand l’individu montre une bonne capacité à faire des liens entre différents éléments », explique Gilles Allali. Une personne qui bénéficie d’un vocabulaire riche, par exemple, apprendra rapidement, car elle peut ainsi faire plus de liens entre les mots qu’elle connaît déjà.

Naturellement, la plasticité cérébrale, soit la capacité à faire de nouvelles connexions neuronales via les synapses, évolue au cours de la vie. Une victime d’un AVC jeune récupérera par exemple beaucoup plus facilement qu’une personne âgée. Pour stimuler son cerveau, il n’existe donc pas de recette miracle. Et les moyens qui paraissent avantageux au premier abord ne le sont pas sur le long terme. C’est le cas des drogues notamment, sous toutes leurs formes. Les substances qui permettent de rester éveillé longtemps par exemple auront des effets secondaires souvent bien plus problématiques pour la santé du cerveau que les apparents bénéfices qu’elles lui octroient à court terme. « Les personnes alcooliques constituent une part non négligeable de nos consultations, reconnaît Gilles Allali. Certaines ne peuvent pas se retrouver en public sans avoir bu un ou deux verres. Mais le gain apporté par la désinhibition se perd très vite : l’alcool affecte directement la mémoire et les fonctions exécutives. »/


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Prospection

LE NEUROFEEDBACK, S’OBSERVER POUR MIEUX SE RÉGULER Il existe une méthode qui permet de réguler son activité cérébrale : le neurofeedback. « Le neurofeedback consiste à observer les oscillations de l’activité cérébrale d’un individu sur une bande de fréquences, et à lui présenter une mesure de cette activité en temps réel, de manière à lui faire prendre conscience du fonctionnement de son cerveau, explique le docteur en neurosciences Maël Donoso. Et ainsi de pouvoir modifier ses comportements, en fonction d’un objectif défini. » Pour les patient·e·s qui ont besoin de se relaxer par exemple, l’amplitude de la fréquence alpha (8-12 oscillations par seconde) constitue un bon indicateur. Cette amplitude peut être présentée à ces personnes sous forme de jauge, ou d’autres indicateurs visuels ou auditifs, et leur objectif sera alors d’augmenter cette mesure. Une pratique courante est de montrer un film, qui s’arrête quand l’activité cérébrale se situe dans une bande de fréquences trop élevée ou trop basse. Avec

l’envie de continuer le film, l’individu adaptera ainsi son comportement en conséquence. Actuellement, le neurofeedback est surtout utilisé pour amener des patient·e·s à se relaxer, dans des cas de douleurs chroniques, migraines, troubles du sommeil ou de l’appétit ou états d’anxiété, en complément d’un suivi médicamenteux et/ou psychologique. La méthode s’avère également bénéfique pour les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, chez les adolescent·e·s notamment. « Ces deux applications connaissent aujourd’hui un bon niveau de validation scientifique, avance Maël Donoso. Il faut néanmoins veiller à consulter des praticien·ne·s qualifié·e·s, qui utiliseront des protocoles appuyés sur les données de la recherche. »

BSIP SA/ALAMY BANQUE

Équipée d’un casque doté de nombreux capteurs, cette patiente passe un électroencéphalogramme, soit un examen qui permet d’enregistrer l’activité électrique du cerveau.

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TEXTE : ARNAUD DEMAISON

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DROIT AUX ORIGINES À L’ÉPREUVE DE LA CULTURE DU SECRET

Il n’est plus possible en Suisse de donner son sperme de manière anonyme. La loi sur la PMA permet en effet à tout individu issu d’un don de connaître l’identité du donneur à sa majorité. Mais rares sont ceux qui en font la demande.

C

L’ÈRE DE L'ALTRUISME

haque année en Suisse, ce sont en moyenne 250 enfants qui naissent par don de gamètes, selon les chiffres de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). En 2019 et 2020, les deux premières générations en droit de demander le nom du donneur à l’origine de leur conception ont atteint la majorité. Mais une seule demande d’identité a été comptabilisée par l’OFSP pendant cette période. Un chiffre faible, mais cohérent en comparaison internationale : une étude lancée par la Suède en 2021 et menée sur dix-sept ans recense que seuls 7% des ayants droit font cette démarche. « C’est étonnant au regard des revendications très fortes et largement médiatisées pour garantir ce droit aux origines », remarque Nicolas Vulliemoz, responsable de la médecine de la fertilité au CHUV. Il observe que, dans certains cas, le fait qu’une personne sache qu’elle a accès à cette information est suffisant, et qu’elle n’éprouve donc pas le besoin de mener l’enquête jusqu’au bout.

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Historiquement, l’anonymat des donneurs offrait avant tout une protection juridique. Il permettait d’échapper à d’éventuelles poursuites qui auraient entraîné la reconnaissance légale et donc l’entretien financier d’un ou plusieurs enfants. La loi sur la PMA de 2001 protège le donneur contre toute poursuite pour reconnaître l’enfant issu de son don. Cette modification a eu des conséquences sur le profil et les intentions des donneurs. Nicolas Vulliemoz note que «le cliché de l’étudiant qui donne son sperme pour toucher le défraiement (entre 100 et 150 francs)» n’a plus lieu d’être. Il constate une évolution dans les motivations des donneurs. Il remarque «un virage altruiste, avec une volonté désintéressée d’aider à créer des familles».

Pour lui, c’est un autre facteur qui justifie ces chiffres. « Il n’est jamais facile de devoir faire appel à un donneur lorsqu’on essaie d’avoir un enfant. Il y a encore énormément de gêne à parler d’infertilité avec son entourage. » Cet important tabou pourrait expliquer pourquoi un certain nombre de ces enfants ne savent simplement pas qu’ils sont issus d’un don, et par conséquent ne cherchent pas à obtenir l’identité du donneur.

« Il n'est jamais facile de devoir faire appel à un donneur lorsqu'on essaie d'avoir un enfant »


ANA YAEL

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LA PUDEUR HELVÉTIQUE L’Australie est le premier pays à avoir légiféré sur la procréation médicalement assistée (PMA), en 1984. Une étude menée dans ce pays trente ans plus tard révèle que plus de la moitié des parents concernés déclarent ne pas vouloir aborder le don de gamètes avec leur enfant, malgré une importante campagne médiatique de sensibilisation du gouvernement. En Suisse, les études sociologiques et ethnologiques sur le sujet sont encore rares, la loi sur la PMA datant seulement de 2001.

LE GRAND TABOU DU DON D’OVOCYTE

En Suisse, le don de spermatozoïdes est accessible aux couples mariés et encadré par la loi sur la procréation médicalement assistée. Par contre, le don d’ovocytes reste interdit. Les arguments avancés par ses opposant·e·s se basent essentiellement sur le Catherine Fussinger, responsable du cycle vieil adage Mater semper certa est, de conférences intitulé « Le ‹ droit aux pater numquam*. origines ›, du domaine de l'adoption à Cette inégalité de celui de la PMA»* donné à l’Unil, regrette traitement entre stérilité mascuune trop grande passivité des autorités suisses dans l’accompagnement des couples line et féminine pourrait dispaconcernés. Pas de campagne de sensibilisa- raître ces protion ou d’offres de soutien proactives, seul chaines années. Le Conseil natio«un conseil psychosocial prévu par la loi, qui se résume dans les faits à un entretien nal a adopté, en mars 2022, une d’une heure avec les deux parents avant la motion demanconception ». On y prône la transparence, dant la législation du don d’ovocytes mais le dispositif n’est certainement pas pour les couples suffisant pour l’accompagnement sur le mariés. Le long terme, souligne la chercheuse de l’Ins- texte prévoit de titut des humanités de médecine du CHUV. garantir à l’enfant né de ce don le droit de connaître UNE DANGEREUSE LOI DU SILENCE son ascendance. Dans les pays pionniers de la PMA, les Ce qui n’est pas équipes de recherche n’observent aucune le cas dans la plupart des pays différence dans le développement des européens où les enfants conçus avec ou sans don de garésidentes suisses mètes, ni entre les enfants qui connaissent sont actuellement leur mode de conception et les autres. obligées de se rendre si elles veulent bénéficier d’un tel don. *  L a mère est toujours certaine, le père incertain.

* Disponible en ligne 42

« Les mêmes relations de confiance sont construites avec leurs parents, tant qu’ils ne sont pas confrontés à un récit disruptif sur leurs origines. Il est en revanche plus simple pour les enfants de savoir comment ils sont conçus dès leur plus jeune âge », souligne la chercheuse Catherine Fussinger, qui se réfère aux études menées en Europe sur le sujet. Apprendre ses origines de manière détournée, que ce soit par un tiers qui en a connaissance, lors d’un conflit ou au détour d’un examen médical, peut causer des dégâts importants dans le développement de l’enfant et une détérioration du lien de confiance avec ses parents. Les données récoltées dans le cadre de l’adoption, sur lequel la Suisse a un plus grand recul, tirent des conclusions similaires. « Ces situations, bien que différentes, se rejoignent sur l’importance de parler de ses origines avec l’enfant. » Plus d’espaces de parole et de ressources sont ainsi nécessaires pour accompagner les parents et les proches dans l’élaboration de ces histoires de famille. Mais c’est aussi en déconstruisant certains clichés comme la notion de « père biologique », un terme qui entre en compétition avec le « père parental », que ces familles se sentiront certainement plus libres de sortir de la culture du secret. /


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Coulisses

AUGMENTATION DE LA VIOLENCE ENVERS LE PERSONNEL SOIGNANT Les comportements agressifs à l’hôpital se sont intensifiés l’an dernier. La crise sanitaire n’en est pas la seule origine. Explications et témoignages.

TEXTE : AUDREY MAGAT

«

La violence? Elle fait partie du quotidien à l’hôpital. Le mois dernier encore, j’ai dû ceinturer un patient qui tentait de frapper les équipes», raconte Pierre-Nicolas Carron, chef de service des urgences au CHUV-UNIL. Insultes, intimidation, hausse de la voix, voir plus rarement, menaces de mort ou agressions physiques: la violence envers le personnel soignant est fréquente et peut prendre diverses formes. Il n’existe pas de relevés globaux en Suisse, mais des études éparses semblent indiquer que les comportements agressifs ont fortement augmenté l’an dernier. Alors que les hôpitaux fribourgeois ont constaté une croissance de 25% des agressions verbales et physiques en 2021, le CHUV annonce que 1880 interventions de la sécurité ont été nécessaires sur la cité hospitalière en 2021, soit 23% de plus qu’en 2020. En outre, près d’une infirmière ou d’un infirmier sur trois a déjà été victime de violences durant son activité dans une structure de psychiatrie, selon

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une étude de l’Université de Bâle menée en 2021 en Suisse alémanique. L’étude recense que 73% ont été victimes de violence verbale, 63% de violence contre les biens, 40% de violence sexuelle verbale, 28% de violence physique et 14% de violence sexuelle et physique. Dans les EMS vaudois, la dernière étude fait état de près de 60% d’employé·e·s qui déclarent avoir été victimes d’au moins un acte violent de la part de personnes soignées ou des proches des malades au cours des douze derniers mois. La violence semble exacerbée par la pandémie. «Le covid a aggravé l’insatisfaction générale, par le fait de ne pas pouvoir sortir, de devoir porter un masque, ou de devoir limiter les regroupements avec les proches, indique Éliane Foucault, infirmière cheffe de service aux urgences du CHUV. Cette colère se ressent directement à l’hôpital, où de nombreuses personnes nous prennent pour cible de leurs contrariétés.» Un constat partagé par Pepita, infirmière aux urgences pédiatriques: «L’année 2021 a été particulièrement difficile. Le covid et les différentes mesures, comme le fait qu’un seul des deux parents puisse accompagner l’enfant, ainsi que le climat tendu avec l’obligation du port du masque et les débats autour de la vaccination ont amplifié l’agressivité des parents.»


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Coulisses

Le nombre d’interventions des agents de sécurité en 2021 sur tous les sites du CHUV (cité hospitalière et psychiatrie), soit plus de 14 fois par jour.

Déversoir de la frustration sociale Les services d’urgences, pour adultes, pédiatriques ou psychiatriques sont particulièrement concernés par la violence parce qu’ils accueillent des personnes en situation de stress exceptionnel. Pour Pierre-Nicolas Carron, une piste d’explication de ces comportements agressifs réside dans l’inquiétude et la frustration: «Personne n’a jamais prévu d’aller aux urgences dans sa journée. Les gens sont donc contrariés, inquiets, ils peuvent aussi avoir des douleurs, donc leur stress est déjà augmenté au moment où ils se présentent à l’hôpital. S’ajoute la frustration de devoir patienter, et souvent la peur et l’incompréhension de la situation.» La consommation d’alcool et de drogues constitue également un facteur aggravant. «Nous constatons ainsi une hausse des violences en fin de semaine et la nuit.» Mais pourquoi mordre la main qui soigne? Cela paraît contre-productif. «Lorsque les personnes hospitalisées sont débordées par leurs émotions, l’agressivité peut devenir un moyen d’expression de leur souffrance, explique Sebastien Brovelli, médecin associé aux urgences psychiatriques du CHUV. L’important consiste alors à chercher à désamorcer les tensions par la discussion, de montrer à la personne que l’on reconnaît sa souffrance, sans quoi, comme pour tout humain, la douleur de ne pas être

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entendu peut conduire à un comportement inadéquat. Dans la majorité des cas, les patient·e·s s’excusent et expriment par la suite avoir été dépassé·e·s par la situation.» La violence vise ainsi généralement l’institution plutôt que l’équipe soignante en elle-même, néanmoins, c’est elle qui se retrouve en première ligne dans le cas d’une agression. «Les hommes sont autant à l’origine de la violence que les femmes, mais les hommes utilisent plus facilement l’intimidation, par la menace physique ou verbale, notamment envers les infirmières», dénonce Éliane Foucault. Selon elle, dans la société actuelle, les gens ne savent plus attendre. «Les consultations, les examens souvent ultraspécialisés et l’établissement de diagnostics prennent du temps. Notre réponse est même rapide au vu des prestations fournies. L’immédiateté s’instaure dans tous les secteurs de la société, mais l’hôpital ne peut pas répondre à cette exigence d’instantanéité.»

Dépôts de plainte En 2021, le CHUV a recensé 95 dossiers de plainte des soignant·e·s pour agression, soit une hausse de 61% par rapport à 2020. «À ce chiffre s’ajoutent tous les cas qui ne sont pas signalés, précise Éliane Foucault. Il y a une forme d’autocensure, parfois au risque de banaliser cette violence.» Les plaintes déposées par les soignant·e·s sont gérées par le Service de sécurité de l’hôpital en collaboration avec l’unité des affaires juridiques. «En cas de violence verbale avec des menaces, par exemple, une médiation peut être engagée avec la police cantonale, détaille Laurent Meier, chef de la sécurité du CHUV. Celle-ci peut déboucher sur des excuses. Lorsque la situation implique des voies de fait ou des blessures, il est alors possible de dénoncer l’agression aux autorités judiciaires, en allant jusqu’au dépôt d’une plainte pénale. La procédure est néanmoins plus lourde aujourd’hui puisque la plainte est déposée au nom de la personne et non


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Coulisses

plus au nom du CHUV comme auparavant.» Pour certaines situations, un courrier de recadrage et d’avertissement est adressé à la personne qui a eu un comportement inadéquat.

Un protocole de protection Ainsi, en cas de problème, plusieurs moyens sont à la disposition du personnel soignant. Les premières mesures visent à prévenir et à limiter les actes de violence en utilisant des techniques de désescalade verbale. Ils peuvent également mobiliser un agent de sécurité sur place ou des collègues en renfort. Le CHUV compte en permanence une vingtaine d’agents depuis le début du covid (les effectifs ont été doublés pour la pandémie), et certains services bénéficient d’un agent quasi permanent, à l’instar des urgences, de la pédiatrie et de la psychiatrie. «En cas d’intervention, l’employé·e de l’établissement doit discuter avec l’agent de sécurité de la marche à suivre, soit s’en tenir à parler à la personne soit l’immobiliser, explique Laurent Meier, chef de la sécurité. Parfois, seule la présence des agents de sécurité suffit à créer un effet apaisant. L’arrivée

« CODE BLANC » Pour les cas particulièrement agressifs, les soignant·e·s des urgences ont mis en place ce code permettant une prise en charge immédiate et interdisciplinaire de la personne violente, avec des mesures allant de la désescalade verbale à la pose de contention physique ou, en dernier recours, chimique.

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d’une personne neutre, non médicale, calme généralement les tensions.» Dans des cas extrêmes, les agents peuvent être amenés à intervenir physiquement pour maîtriser la personne. Les soignant·e·s peuvent aussi utiliser des boutons dits «d’agression» afin de prévenir la sécurité ou les forces de l’ordre. En 2021, le taux de sollicitation de la police par l’hôpital a grimpé de 16% comparé à l’année précédente. Le Service de sécurité prévoit également de mettre en place un système de vidéosurveillance sur tous les sites du CHUV dans le courant de l’année 2022.

La violence des proches «Avec le covid nous avons dû renforcer les mesures de sécurité aux urgences pédiatriques, où la violence a explosé», souligne Pierre Merminod, adjoint au chef de la sécurité du CHUV. On pourrait croire que la pédiatrie serait un service plus calme mais les agressions y sont également coutumières. La violence n’émane cependant généralement pas des enfants ou des adolescent·e·s, mais de leurs parents et accompagnant·e·s. Pepita travaille comme infirmière aux urgences pédiatriques du CHUV depuis plus de cinq ans. «Le ton monte de plus en plus fréquemment, constateelle. La violence arrive souvent en salle d’attente. Malheureusement, de nombreux parents préfèrent venir aux urgences plutôt que de se rendre chez leur pédiatre, donc les temps d’attente se trouvent forcément augmentés.» Au printemps dernier, Pepita a vécu une telle situation d’agression. «Un père est venu avec son fils, qui n’avait rien d’urgent. Le père s’est énervé et a été rejoint par son frère. Cet homme était là pour régler des comptes. Mécontent, il s’en est pris à nous, en nous insultant et en nous lançant les objets qu’il trouvait autour de lui.» Face à cette récurrence de violence, l’infirmière de 29 ans a désormais décidé de déclarer tous ces incidents à la sécurité. «Sans ces témoignages, il n’y aura jamais de changements.» /


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chronique

ANTOINE SPATH PSYCHOLOGUE CLINICIEN À PARIS

Différencier l’hypocondrie de l’anxiété

« Dans l’hypocondrie, la focalisation sera plutôt portée sur l’organe que sur la fonction de l’organe. En somme, un hypocondriaque sera beaucoup plus intrigué par la mécon­ nais­sance de l’organe et l’inquiétude que cela suscite chez lui. L’organe (le cœur, le foie ou encore le pancréas) fera l’objet d’un questionnement sur sa nature, les douleurs éventuelles qu’il peut générer, sa localisation dans le corps, mais également ses dysfonctionnements. ‹ Quel est cet objet inconnu, se dit l’hypocondriaque, qui joue à me faire peur et qui ne veut pas révéler sa vraie nature ? Qui joue à cachecache avec ma connaissance ? › Pour un hypocondriaque, un organe mène sa propre vie, presque indépendamment de luimême. Pour un anxieux, l’enjeu est beaucoup plus capital et radical. La question qu’il se pose est : ‹ Et si tout cela s’arrête ? › puisque c’est bien la fonction qui l’intéresse. Et si ma respiration ne se fait plus, ou si mon cœur bat trop vite et se stoppe, et si ma tension artérielle est trop forte et qu’un vaisseau explose, et si je ne peux plus voir ni entendre ? La question se pose beaucoup plus sur la fiabilité de la fonction d’organe que sur

l’organe en tant que substrat. Le médecin pourra le rassurer sur l’organe, mais sa vraie inquiétude porte sur la fonction de celui-ci. Le médecin aura beau dire : ‹ Votre cœur est en très bon état ›, la question posée par l’anxieux sera plutôt tournée vers l’avenir. ‹ Mais va-t-il continuer de battre ? › (…) Faisons équipe avec notre hypocondrie et décidons, ensemble, de régler le problème. Peut-être ne disparaîtra-t-elle jamais complètement, peut-être que les angoisses reviendront, mais nous pouvons avancer, poser des mots, consulter, essayer, trouver des pistes, les explorer. Nous pouvons, aussi, questionner notre hypocondrie et l’envelopper, en se disant qu’elle n’est pas là par hasard, qu’elle a sans doute des choses à nous apprendre sur nous, nos blessures psychiques, notre stress quotidien, notre enfance. Elle a peut-être des choses à nous révéler, aussi, sur notre rapport à la vie. » /

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SÉBASTIEN ROBERT

PROFIL

Antoine Spath est psychologue clinicien à Paris. Spécialiste des comportements humains, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la santé et le bien-être, et notamment «Tu crois que c’est grave? Petit traité à l’usage des hypocondriaques qui veulent s’en sortir», écrit avec Caroline Michel et paru aux éditions Larousse en 2021, dont est extrait le texte ci-dessus.


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LABO DES HUMANITÉS

RECHERCHE

Dans ce « Labo des humanités », In Vivo vous fait découvrir un projet de recherche de l’Institut des humanités en médecine (IHM) du CHUV et de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.

« L'identité de genre dépasse la dichotomie homme-femme » TEXTE : ELENA MARTINEZ, IHM

ISTOCK

VINCENT BARRAS Historien et directeur de l’Institut des humanités en médecine CHUV-UNIL, il livre dans une interview quelques réflexions sur la question de l’identité de genre.

L’histoire des conceptions sur le genre et le sexe montre une intrication complexe entre les valeurs sociales et les données émanant de la biologie et de la physiologie. Vincent Barras, historien de la médecine et directeur de l’Institut des humanités en médecine CHUV-UNIL, explique : « Ce qui, à une époque donnée, a pu passer pour évident – la ‹ supériorité › d'un sexe sur l'autre par exemple – , ne l'est pas à d'autres moments du fait de conceptions scientifiques changeantes, mais surtout, du fait de valeurs culturelles ou sociales qui pèsent de tout leur poids sur les esprits et les comportements. » L'avènement, au cours du XIXe siècle, d'un ordre politique et social où le rôle de la médecine est central a eu tendance à « pathologiser », à ranger du côté de l'anormal, du « devant être soigné », toute une série de personnes et de situations dont le classement dans un genre bien défini (identifié alors au sexe biologique, masculin ou féminin) était ambigu. Des comportements comme l'homosexualité, ou encore la « transsexualité » (terme utilisé alors), autant que des conformations corporelles comme l'« hermaphrodisme », ont été considérés comme pathologiques et, dès lors, classés comme « maladies » qu'il revenait à la 47

médecine et à la psychiatrie de traiter. « Ce n’est que très récemment que le système médical est revenu sur ces conceptions et ces pratiques, envers lesquelles on commence à prendre – et pas encore de façon complète à mes yeux – , un peu de recul critique. » Vincent Barras s’est personnellement intéressé à ces questions, au contact de personnes concernées ou en souffrance de genre. « Ces êtres humains m'ont fait comprendre par leur parcours de vie et les difficultés rencontrées, notamment face à l'institution médicale, combien la question de l'identité de genre pouvait être largement plus complexe et plus riche que la réduction à une simple dichotomie homme-femme. Je participe au conseil de fondation d'Agnodice, qui mène dans le canton de Vaud et en Suisse romande une action véritablement pionnière pour que cette question soit mise à l'agenda social, politique et médical. » S'interroger sur l'identité de genre soulève des questions anthropologiques et philosophiques fondamentales, explique Vincent Barras, « sur ce que nous sommes et faisons ensemble en tant qu'humains. Des questions qui relèvent autant de la compétence des humanités en médecine, des professionnel·le·s de la santé que de tout·x·e un·x·e chacun·x·e ! » /

/ Lire aussi en pp. 17-29 notre dossier sur la transidentité


TEXTE : BLANDINE GUIGNIER

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FACE AU PORNO, L’ÉDUCATION SEXUELLE POSITIVE Avec l’usage accru des réseaux sociaux, les jeunes reçoivent énormément d’informations sur le sexe, parfois plaisantes et formatrices, parfois fausses ou inadaptées. Pour répondre à leurs interrogations, les spécialistes en santé sexuelle adoptent une approche positive.

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ès sa sortie, la saison 3 de Sex Education a pris la tête des vidéos les plus regardées sur Netflix. Cette série anglaise suit le jeune Otis, qui crée un cabinet clandestin de sexologie dans son gymnase. Avec humour et empathie, elle aborde de nombreuses facettes de la vie sexuelle et amoureuse des adolescent·e·s. « Cette série est un pur exemple de sexualité positive », selon la formatrice en santé sexuelle Véronique Martinet, de la fondation vaudoise Profa. Le succès du compte Instagram « Orgasme et moi » (suivi par près de 600’000 abonnés) s’inscrit dans le même état d’esprit. Son autrice, la Française Charline Vermont, vient de publier l’un des premiers guides francophones d’éducation à la sexualité positive intitulé Corps, amour, sexualité : les 100 questions que vos enfants vont vous poser. L’ouvrage, publié en septembre dernier chez Albin Michel, validé par un comité d’expert·e·s, s’est déjà vendu à 50’000 exemplaires. Au sein de la Division interdisciplinaire de santé des adolescent·e·s (DISA) du CHUV, CORPORE SANO

cette approche positive est appliquée au quotidien dans les consultations en santé sexuelle. « En premier lieu, la participation à un entretien est volontaire, gratuite et confidentielle », explique Anne Roulet, qui reçoit des jeunes de 12 à 21 ans. Les participant·e·s viennent en solo ou avec leur partenaire. « Ensuite, il est important de ne pas porter de jugement et de considérer le jeune avec empathie. L’inclusivité compte aussi beaucoup. Par la parole, l’attitude ou les affiches que nous mettons sur les murs par exemple, nous montrons que nous pouvons parler de la norme, comme du hors-norme, notamment en matière d’orientation et d’identité de genre. » APPROCHE HYGIÉNISTE VS APPROCHE MODERNE

La notoriété de la « sexualité positive », que ce soit dans les médias, les séries, en politique, ou dans la littérature, s’explique par divers facteurs, selon Caroline JacotDescombes, cheffe de projet Education sexuelle chez Santé sexuelle Suisse. « Les mouvements sociaux, comme la grève féministe de 2019 en Suisse ou le phénomène #MeToo, jouent un rôle important. La tendance du développement personnel, qui invite à se découvrir en tant qu’individu, participe aussi à cela. »


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Sur un plan plus institutionnel, il faut remonter aux années 2000 pour observer un alignement entre le travail des associations et les demandes étatiques. « La déclaration des droits sexuels adoptée en 2008 par la Fédération internationale pour la planification familiale a constitué un vrai tournant, rappelle Caroline Jacot-Descombes. Auparavant, schématiquement, la Confédération et les cantons donnaient des financements pour la promotion, respectivement pour la réalisation de l’éducation sexuelle, dans le cadre de mandats de prévention contre les risques ; pour éviter les IST, les grossesses non voulues et les violences. Aujourd’hui, ils reconnaissent l’importance (et l’efficacité) des messages de découverte de son corps et de sa sexualité dans toute sa diversité. » Il en va de même pour les consultations au CHUV. « Nous sommes sortis d’une démarche hygiéniste centrée sur les risques pour une approche holistique de la santé, estime Anne Roulet. Le but est que les jeunes sachent ce dont ils ont envie, connaissent leur corps et leur sexe, puissent le nommer, réalisent comme il est beau, afin de pouvoir se faire plaisir à eux-mêmes et à l’autre. Ils peuvent ainsi apprendre à donner (ou non) leur consentement, car ils connaissent mieux leurs limites et leur potentiel. » GÉNÉRATION PLUS INFORMÉE

La multiplication des contenus « sexe positif » a-t-elle transformé les jeunes d’aujourd’hui ? Séverine Chapuis et Véronique Martinet, éducatrices-formatrices en santé sexuelle et reproductive, travaillent depuis une vingtaine d’années pour Profa. La fondation est mandatée par le canton de Vaud pour donner cinq cours d’éducation sexuelle d’une heure et demie, répartis durant la scolarité obligatoire des enfants (de 6 à 15 ans). Les deux spécialistes constatent une libération de la parole. « Les jeunes ont intégré les distinctions entre sexe biologique, identité de genre, expression de genre et orientation sexuelle et émotionnelle. Ils connaissent aussi des notions pointues comme le polyamour. » CORPORE SANO

Anne Roulet observe également une hausse du niveau d’information des jeunes qui viennent en consultation à la DISA. « Ils ont plus de connaissances liées à l’orientation, à l’identité de genre, aux pratiques, mais aussi au féminisme. Le mot de consentement est par exemple beaucoup plus présent qu’il y a dix ans, chez les filles comme chez les garçons. Je trouve cela extrêmement enrichissant. » Toutefois, les préoccupations des adolescent·e·s restent très similaires. « D’ailleurs, l’âge du premier rapport sexuel se maintient depuis près de trente ans à 17 ans et demi », rappelle Séverine Chapuis. Anne Roulet constate aussi une certaine continuité dans les sujets abordés. « Les jeunes souhaitent savoir s’ils sont normaux, comment embrasser, ce qu’ils sont censés ressentir quand ils sont amoureux, comment se déroule un rapport sexuel, pourquoi ils ont mal dans telle ou telle position, etc. »

LES GRANDES DÉFINITIONS Santé sexuelle suisse reconnaît la sexualité comme « un aspect central et positif de l’être humain, qui comprend le sexe biologique, l’identité, les rôles (le genre) et l’orientation sexuels, l’érotisme, le désir, l’intimité et la reproduction ». L’Organisation mondiale de la santé a intégré la dimension positive de la sexualité dans ses définitions en 2006. « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social eu égard à la sexualité, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. » La santé sexuelle s’entend, pour l’OMS, comme une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que comme la possibilité de vivre des expériences agréables et sûres, exemptes de coercition, de discrimination et de violence.

« Si le mode de communication entre les jeunes a changé et passe davantage par les smartphones, les fondements des relations demeurent souvent les mêmes, remarquent Yves Cencin et Carol Navarro, qui interviennent comme équipe formatrice consultante en promotion et éducation à la santé dans les écoles du canton de Genève (pour le compte du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse). Les propos de ces jeunes sont parfois fleur bleue, parfois déroutants, parfois crus. » EXPOSITION À LA PORNOGRAPHIE

Internet n’a pas seulement donné accès à des contenus épanouissants pour les jeunes, il a aussi facilité le visionnage de films pornographiques. « Avec la généralisation d’internet et des téléphones

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connectés, les jeunes sont arrosés d’informations et d’images liées à la sexualité qui excitent beaucoup leurs cerveaux et qu’ils n’ont pas forcément souhaité voir, estime Véronique Martinet. Il leur est difficile de passer entre les gouttes de ce type de contenu. » Le sujet est abordé dans les cours et consultations sur la santé sexuelle. « La pornographie se retrouve dans leurs questions de manière implicite, par exemple à travers des interrogations sur un acte sexuel, caractéristique de scénarios de films pornographiques », constate Yves Cencin. « Les jeunes utilisent aussi parfois du langage ordurier, ou demandent carrément, dans une attitude provocatrice, ‹c’est quoi leur meilleur site porno ? › », relève Séverine Chapuis. Les questionnements autour de la performance sont marqués par la pornographie. « Il arrive qu’on nous demande : ‹ si je couche, est-ce que je dois faire une fellation, une sodomie ? ›, souligne Séverine Chapuis. Notre réponse est alors très claire : ‹ En amour ou en sexualité, personne ne te force à quoi que ce soit. › » Les formatrices rappellent aussi que la consommation de pornographie est interdite en Suisse en dessous de 16 ans. « On ne diabolise pas totalement non plus, on explique que la pornographie sert à exciter, qu’elle pourrait faire partie de leur vie d’adulte dans le futur. »

ESPRIT CRITIQUE

Dans les consultations d’Anne Roulet, tout ce qui est source de pressions et de stéréotypes est déconstruit, notamment la pornographie. « Les films pornographiques sont porteurs de stéréotypes. Dans la cinématographie classique aussi d’ailleurs, la sexualité hétéro se résume souvent à un baiser, l’homme qui déshabille la femme, la pénétration et l’orgasme. » La conseillère en santé sexuelle de la DISA au CHUV parle régulièrement avec les jeunes de la fabrication de la pornographie. « Ces films montrent souvent un type de vulve, un type de pénis. Il s’agit de révéler les trucages, en expliquant comment les sexes sont lustrés, les testicules tirés, pourquoi les érections y sont si longues. » Les enseignements collectifs comprennent généralement une partie questionsréponses. « Les jeunes reçoivent beaucoup d’informations, parfois vraies, parfois fausses, souligne Carol Navarro. Celles-ci proviennent d’internet, mais aussi – comme auparavant – des amis, de membres de la famille, etc. Nous leur apportons un savoir scientifique, des outils et déconstruisons ensemble un certain nombre d’idées reçues sur la sexualité et les relations amoureuses. » /

À LA MAISON Les parents et l’entourage participent à l’éducation sexuelle de leurs enfants, en complément des cours donnés à l’école. Voici quelques repères à ce sujet: Entre 0 et 6 ans, les parents peuvent nommer les parties intimes, accueillir positivement la découverte du corps de l’enfant, ses jeux d’exploration et introduire la notion du consentement. Une posture ouverte sur la diversité de la sexualité et des genres est aussi conseillée. Livre: Éléphantine, Renardo et Charlie Entre 6 et 12 ans, les adultes sont invités à expliquer les premiers signes de la puberté, les manières de vivre de chacun·e, à respecter le besoin d’intimité de l’enfant. Livre: Guide du zizi sexuel Entre 12 et 15 ans, il est conseillé d’ouvrir la discussion sur le rapport au corps et à l’image de soi, les relations respectueuses aux autres, notamment sur les médias sociaux.

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Il s’agit aussi d’informer sur le cycle menstruel, la contraception et les préventions contre les infections sexuellement transmissibles. Brochures: Hey you, Mon sexe&moi

LES RESSOURCES EN LIGNE Pour les jeunes entre 11 et 20 ans. Sur la plateforme d’information et de conseil ciao.ch, les jeunes posent leurs questions sur la sexualité et des spécialistes y répondent dans les deux jours. Ils peuvent également consulter les demandes – toutes anonymes – posées par d’autres et les réponses correspondantes. Pour les parents d’enfants de 0 à 18 ans. Le site educationsexuelle-parents.ch comprend des informations sur la façon de parler de sexualité au sein de la famille, ainsi que les coordonnées de centres où parents et enfants peuvent obtenir un conseil.


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Vers la révolution du sang artificiel En Suisse, les dons de sang parviennent à couvrir les besoins. Au niveau mondial, par contre cette ressource manque. Le développement de produits de substitution au sang humain laisse entrevoir de nouvelles perspectives.

Ces vers marins, appelés arénicoles, sont capables de transporter de l'oxygène par leur hémoglobine. Cette découverte pourrait permettre l’amélioration de la conservation des organes humains dans l’intervalle, parfois long, entre le prélèvement sur le donneur ou la donneuse et la transplantation. CORPORE SANO

INNOVATION

MYN/NIALL BENVIE/NATURE PICTURE LIBRARY/SCIENCE PHOTO LIBRARY

TEXTE : JEAN-CHRISTOPHE PIOT


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La grande histoire de la transfusion sanguine 1667

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n Suisse, un stock de 700 poches de sang est actuellement nécessaire pour répondre aux besoins. « Il existe des tensions récurrentes, surtout en début d’année et pendant l’été. Mais les stocks permettent de faire face, avant tout grâce à la remarquable solidarité des donneurs », explique Michel Prudent, responsable au sein de Transfusion Suisse, l’organisation qui chapeaute les 11 centres régionaux du pays. Environ 2,5% des habitant·e·s du pays poussent régulièrement les portes d’un centre de transfusion, soit 160’164 personnes en 2020. Leurs 270’000 dons annuels intègrent ensuite un système bien rodé. Le système de récolte s’est optimisé au cours de la dernière décennie, permettant une planification efficace, même en cas de pandémie. « Nous avons heureusement la chance de pouvoir compter sur la fidélité des personnes qui donnent leur sang. Elles sont particulièrement réactives lorsque nous lançons une campagne d’appel urgente », détaille Bernhard Wegmüller, à la tête de Transfusion CRS depuis bientôt quatre ans. Précisément, ce sont 266’161 dons du sang qui ont été recensés en 2020 (contre 271’624 en 2019), alors même qu’apparaissait une pandémie sans précédent. La faiblesse de ce recul « s’explique par le fait qu’en dehors du respect des consignes sanitaires, le don est resté possible durant toute la CORPORE SANO

pandémie. Puisque le virus ne se transmet pas par le sang, il n’y a aucun risque de contamination par ce biais. » LE VIEUX RÊVE DU SANG DE SYNTHÈSE

Si la Suisse parvient à entretenir une bonne gestion de ses stocks, la situation est autrement plus préoccupante au niveau mondial. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne cesse d’ailleurs d’alerter sur une pénurie chronique qui se double d’une forme d’injustice sanitaire. Alors que 118 millions d’unités de sang sont collectées chaque année, 40% le sont dans des pays à revenu élevé où vit seulement 16% de la population mondiale. Conséquence : beaucoup de personnes n’ont pas accès en temps voulu à des poches de sang correctement conservées, et donc suffisamment sécurisées. L’OMS appelle régulièrement à une meilleure structuration des organismes chargés d’organiser la chaîne transfusionnelle. La réponse pourrait venir des laboratoires, depuis longtemps en quête d’un produit de substitution capable de remplacer totalement ou en partie le sang humain. En théorie, l’idée n’a que des avantages. Des substituts sanguins produits à partir du groupe dit universel, O négatif, pourraient soigner toute personne sans craindre des réactions immunologiques. En les stérilisant pour détruire les bactéries et les virus, de tels produits permettraient d’éliminer tout risque INNOVATION

Première transfusion de sang d’animal à l’homme par le Français Jean-Baptiste Denis. Son cinquième cobaye meurt en 1668, probablement victime du premier accident hémolytique transfusionnel de l’histoire, signant pour longtemps la fin des tentatives. 1818 L’obstétricien anglais James Blundell réalise la première transfusion « bras à bras » entre humains. 1900 L’Autrichien Karl Landsteiner découvre l’existence des groupes sanguins humains. Il en identifie trois qu’il baptise A, B et C (par la suite renommé O). En 1901, il publie l’article établissant le système ABO, encore utilisé aujourd’hui. En 1902, ses collègues découvrent le groupe AB grâce à un échantillon plus important. Landsteiner obtient le prix Nobel de médecine en 1930 et l’OMS a fait de sa date d’anniversaire, le 14 juin, la Journée mondiale du don de sang. 1914 Première transfusion de sang indirecte, quatre jours après le don, par le Belge Albert Hustin. 1939 Création d’un registre suisse des personnes qui donnent leur sang par la Croix-Rouge. 1940 Karl Landsteiner et Alexander Wiener découvrent les rhésus positifs et négatifs, nommés en référence au macaque rhésus utilisé pour leurs recherches. Les transfusions deviennent plus sûres. 1985-1990 L’apparition du sida et ensuite le scandale du sang contaminé en France imposent de nouvelles normes de sécurité strictes, ouvrant l’ère de l’analyse pointilleuse des dons que l’on connaît aujourd’hui.


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A, B, AB ou O : qui peut donner à qui? A,B, AB ou O : qui peut donner à qui ? Les quatre grands groupes sanguins A,B,AB et O (système ABO) garantissent à eux seuls 90% de compatibilité lors des transfusions. Ils sont définis par la présence, l’absence ou la combinaison des antigènes héréditaires A et B sur les globules rouges. Une personne possédant les antigènes A appartient ainsi au groupe A. Dès la naissance, elle produira des anticorps capables d’attaquer l’antigène B tandis qu’une personne du groupe B fera des anti-A. Celle du groupe O qui ne possède donc ni antigène A, ni antigène B, développera à la fois des anti-A et des anti-B. Tandis que chez les personnes appartenant au groupe AB, on ne trouve aucun antigène. Cette distinction est capitale, car si on administre à un·e patient·e le sang d’un groupe incompatible avec le sien, les anticorps s’agglutinent ou détruisent les globules rouges injectés, ce qui a des conséquences graves, voire fatales, pour la personne receveuse.

La présence ou l’absence d’un autre antigène affine encore ce système ABO. L’antigène D détermine le rhésus positif ou négatif de la personne. Les individus qui possèdent un facteur rhésus positif sont munis de l’antigène D, contrairement aux personnes dotées d’un facteur rhésus négatif. Il est recommandé, lors d’une transfusion, de ne pas donner de sang de donneur rhésus positif à une personne de rhésus négatif pour éviter le développement d’anticorps anti-D.

en donner uniquement à celles de leur groupe. Les personnes AB+ sont donc considérées comme receveuses universelles.

LES CHIFFRES Répartition des différents groupes sanguins en Suisse (en pourcentage de population) : → A : 45 % → O : 41 % → B: 9 % → AB : 5 %

Les individus appartenant au groupe O et possédant un facteur rhésus négatif sont donc considérés comme donneurs universels, puisque leur sang peut être accepté par tous les types de sang du système ABO.

Répartition des rhésus : → 85% de la population suisse possède un rhésus positif → 15% un rhésus négatif

Par contre lorsqu’ils doivent être transfusés, ils sont les plus mal lotis, car ils peuvent recevoir uniquement du O-. À l’inverse, les personnes du groupe AB+ peuvent recevoir du sang de tous les autres types, mais peuvent

Source : Transfusion CRS Suisse

Compatibilité dons de sang A+

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tout système ABO rhésus +

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tout système ABO rhésus +

→ sens du don possible

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de transmission de maladies infectieuses. Enfin, la durée de conservation pourrait aller audelà des délais propres au sang humain, soit une semaine pour les plaquettes et 49 jours pour les globules rouges. Reste que passer de la théorie à la pratique n’est pas évident, souligne Michel Prudent. Le sang est un produit complexe. Car ce fluide vital présente une grande diversité. Malgré la découverte, au début du XXe siècle, des groupes sanguins puis des rhésus, il reste encore 250 types de sang dits rares, qui n’entrent pas dans cette catégorisation. Des dizaines d’antigènes différents distinguent les cellules sanguines d’un individu. Les personnes aux caractéristiques sanguines rares sont ainsi particulièrement recherchées pour le don. Le sang est également complexe par la variété des fonctions des éléments qui le constituent. « Les hématies sont utilisées en chirurgie et en traumatologie pour oxygéner les organes, mais elles permettent aussi de lutter contre des maladies héréditaires comme la drépanocytose, une maladie génétique qui déforme les globules rouges. Des protéines comme l’albumine et les immunoglobulines présentes dans le plasma jouent de leur côté un rôle sur la pression sanguine ou sur le renforcement de la protection immunitaire. Enfin, les plaquettes permettent une meilleure coagulation. » La mise au point de substituts dotés des mêmes propriétés est donc un défi extrêmement complexe. PERCÉES RÉCENTES

Jusqu’ici, les équipes américaines, canadiennes ou CORPORE SANO

japonaises qui avaient tenté de mettre au point un sang de substitution travaillaient à partir d’hémoglobine porcine ou bovine. Les réactions observées chez l’humain, notamment une contraction des vaisseaux sanguins, ont conduit à leur abandon mais les choses pourraient changer grâce à l’entreprise française Hemarina. Basée en Bretagne, cette PME s’est intéressée à un animal très différent : l’arénicole, un ver marin des côtes de l’Atlantique. L’entreprise a mis au point un sang artificiel qui copie l’hémoglobine de cet animal capable de transporter l’oxygène dans des conditions comparables à celles des globules rouges humains sans effets indésirables. Tout d’abord conçu pour conserver les greffons avant une transplantation rénale ou hépatique, le produit pourrait permettre de traiter des plaies chroniques chez les diabétiques en particulier, ou soulager des patients atteints de drépanocytose, cette anomalie au niveau des globules rouges. « Hemarina a réalisé de belles choses en termes d’oxygénation des organes, mais c’est plutôt un complément thérapeutique qu’un véritable substitut au don de sang humain », tempère Michel Prudent. UNE AVANCÉE JAPONAISE

Au Japon, une étape décisive a été franchie. Des scientifiques du Collège médical de Tokorozawa ont mis au point un sang artificiel et universel. Leurs recherches, publiées en 2019 dans la revue médicale Transfusion, ont permis de développer une solution pour stocker des plaquettes et des globules rouges dans des « sacs » microscopiques : les liposomes. Produit sans INNOVATION

anticorps ni antigènes, le sang peut être conservé plus d’un an et a déjà été testé sur une dizaine de lapins sans qu’aucun effet secondaire ne soit détecté. « C’est encore un produit de laboratoire, mais le développement d’une substance capable de remplacer un don humain est proche, constate Michel Prudent. Mais il reste un nombre d’étapes considérables à franchir. Tests in vivo, études cliniques, homologations et autorisations de mise sur le marché, puis production à l’échelle industrielle. » D’après lui, il faudra encore attendre une dizaine d’années avant de pouvoir effectivement utiliser ce type de produit. Une échéance qui paraît même trop optimiste pour le professeur Bernhard Wegmüller. « L’histoire a montré qu’un produit prometteur en laboratoire ne passe pas toujours le cap des essais cliniques. Il est possible que nous disposions de davantage d’options thérapeutiques à moyen terme pour des usages ciblés mais nous aurons toujours besoin de donneurs dans les vingt ans à venir, surtout pour certains types de sangs très spécifiques, comme les sangs rares. » D’autant que la mise au point d’un substitut artificiel pose des questions éthiques et économiques non négligeables. Si le don de sang est aujourd’hui désintéressé et gratuit*, la commercialisation d’un substitut de synthèse relèverait en revanche d’une activité commerciale classique avec tous les enjeux qui l’accompagnent. /

* Du moins en Suisse et en Europe. Certains pays, dont les États-Unis, rémunèrent les donneurs.


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JEUNE FEMME ACTIVE, 40 ANS, MÉNOPAUSÉE TEXTE: PATRICIA MICHAUD

L’insuffisance ovarienne prématurée touche 1% des femmes de moins de 40 ans. Si elle n’est pas traitée, cette pathologie accroît fortement le risque de développer de l’ostéoporose ou certaines maladies cardiovasculaires. Sans oublier ses conséquences néfastes sur la fertilité.

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epuis deux ans environ, Anne* est atteinte de bouffées de chaleur soudaines. La nuit, il n’est pas rare qu’elle se réveille en sueur. Quant à ses règles, elle n’en a parfois pas durant plusieurs mois. Si cette ingénieure en sciences du vivant avait 51 ans, soit l’âge moyen de la ménopause en Suisse, ses symptômes n’étonneraient personne. Or, Anne vient tout juste de sortir de la trentaine.

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On estime que 1% des femmes âgées de moins de 40 ans sont touchées par la ménopause précoce. « Les spécialistes l’appellent plutôt insuffisance ovarienne prématurée, ou IOP », précise Nicolas Vulliemoz, responsable de la Médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique au CHUV. Avant 30 ans, l’IOP concerne environ une femme sur 1000 et avant 20 ans, une sur 10'000. Ce phénomène est défini cliniquement principalement par un arrêt des menstruations de plus de quatre mois. « Le cas classique que nous observons en consultation, c’est la patiente qui, après avoir arrêté la pilule contraceptive, par exemple parce qu’elle souhaite tomber enceinte, souffre de bouffées de chaleur et n’a que très sporadiquement, voire plus du tout, ses règles », poursuit le médecin. Anne n'a, pour sa part, jamais pris la pilule. « J’ai eu toute ma vie des cycles menstruels très irréguliers ; je ne me suis donc inquiétée que lorsque j’ai été prise de coups de chaud et que mes règles ont totalement disparu durant plusieurs mois. » GROSSESSES NATURELLES RARES Pour les jeunes femmes qui y sont confrontées, l’insuffisance ovarienne prématurée a deux conséquences principales. « La première concerne logiquement leur fertilité », souligne Nicolas Vulliemoz. On estime que seules 3 à 5% des patientes atteintes d’IOP tombent enceintes naturellement. Le deuxième problème engendré par la ménopause précoce, c’est celle du déficit

TABOU


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d’œstrogènes. « Ce manque augmente le risque de développer de l’ostéoporose ou certaines maladies cardiovasculaires. » La prise en charge a essentiellement pour but d’éviter ces complications. Elle passe par un traitement hormonal substitutif ou une pilule contraceptive qui comble le manque de progestérone et d’œstrogène. « L’un de nos défis consiste à convaincre les patientes asymptomatiques – car il y en a aussi – de prendre ce traitement », observe le spécialiste. Anne fait partie de celles qui se seraient bien passées de prendre des hormones. « Mais en tant que professionnelle de la santé, je connais les risques liés à la fatigue ovarienne, comme l’appelle mon gynécologue. » CAUSES INCONNUES L’IOP peut notamment être due à certaines anomalies génétiques, telles que le syndrome de Turner, ou encore à des causes auto-immunes. Elle est d’ailleurs souvent associée à d’autres pathologies comme la maladie de Basedow ou le diabète de type 1. Un traitement par radiothérapie ou chimiothérapie peut également entraîner une insuffisance ovarienne. « Dans ce cas, il vaut la peine de discuter auparavant de solutions de préservation de la fertilité, principalement la stimulation ovarienne avec cryoconservation des ovocytes mûrs », note le spécialiste du CHUV. Grâce à la découverte récente d’une technique de congélation rapide, la vitrification, la survie des ovocytes fécondés a nettement augmenté. Reste que dans plus de huit cas sur dix, les causes de la ménopause précoce demeurent inconnues. « Il n’est donc pas possible de s’y préparer, regrette Nicolas Vulliemoz. Lorsque le diagnostic tombe, il est terrible, CORPORE SANO

TABOU

car il touche les femmes au plus profond d’elles-mêmes ; ajoutez à cela le fait qu’il s’agit de patientes dont les hormones sont chamboulées, et vous obtenez des situations potentiellement très douloureuses au niveau émotionnel, d’où l’importance d’un accompagnement psychologique. » Solène* confirme : « Lorsque j’ai appris que j’étais atteinte d’une IOP, j’avais 25 ans ; depuis l’adolescence, je rêvais de fonder une famille, d’avoir plusieurs enfants. » Cette fleuriste de 30 ans se souvient du moment de l’annonce. « J’ai eu l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. » BESOIN DE SENSIBILISATION Anne, elle, n’a jamais eu de désir d’enfants, ce qui a allégé sa réception du diagnostic. Par contre la jeune femme a ressenti des craintes d’ordre médical et estime qu’une prise en charge optimale des personnes concernées par l’IOP passe principalement par l’information. « Actuellement, cette thématique est taboue et un certain flou règne, notamment au niveau de la terminologie. Ménopause précoce ? Insuffisance ovarienne prématurée ? Périménopause ? Transition ménopausique ? Fatigue ovarienne ? » Selon elle, si les femmes étaient davantage sensibilisées à cette question, elles auraient plus rapidement accès à un traitement. / nom connu de la rédaction

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Une recrudescence de la tuberculose a été signalée en 2021. Les retards dans les vaccinations ordinaires alarment l’OMS. Car même quand elles semblent être sous contrôle, les maladies séculaires ne disparaissent jamais entièrement. Sans compter le réchauffement climatique qui pourrait provoquer le retour de virus préhistoriques. TEXTE : YANN BERNARDINELLI

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DÉCRYPTAGE

BENJAMIN JONES/USGS

CES MALADIES QU’ON CROYAIT DISPARUES

La fonte du permafrost représente un véritable danger non seulement par les émissions de mercure, d’azote et de méthane dans l’environnement, mais aussi à cause du risque de réactivation de virus du passé, piégés dans la glace.


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ntendre une personne dire qu’elle est atteinte de tuberculose, de coqueluche, de lèpre, de typhus ou encore de syphilis paraît aujourd’hui, en Suisse, difficile à concevoir. Dans l’imaginaire collectif, ces maladies appartiennent à l’histoire, donc au passé. À tort, car non seulement elles sont encore actives, mais elle tuent encore et peuvent même déclencher une épidémie à tout moment. Depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19, un relâchement a été constaté au niveau de la lutte contre ces vieilles maladies, s’inquiète l’OMS, qui alerte sur des recrudescences possibles. ACCALMIES TROMPEUSES

L’OMS a manifesté en décembre dernier son inquiétude sur des lacunes importantes en matière de dépistage ou de suivi de vaccination concernant notamment la rougeole et la tuberculose. Une problématique à laquelle la Suisse n’échappe pas alors qu’on mesure paradoxalement une baisse historique du nombre de cas en 2020. Pierre-Alex Crisinel, médecin responsable de l’Unité d’infectiologie pédiatrique et vaccinologie du CHUV, indique qu’en 2020, les programmes de santé publique ont clairement été suspendus à cause de la crise sanitaire du Covid-19 et qu’ils n’ont à ce jour pas été rattrapés. « La diminution de 2020 s’explique par la baisse du dépistage, mais aussi par les gestes barrières contre le virus qui ont La perturbation du cycle de l’eau également agi contre par ses voies d’écoulement, son d’autres maladies. » équilibre chimique ou encore Le médecin craint son mauvais assainissement une hausse des cas peuvent causer la prolifération de larves propices au dévelorsque les gestes loppement de pathogènes. La barrières seront moins recrudescence de la dengue, du systématiquement paludisme et de la bilharziose appliqués. sont des exemples concrets.

EAUX TROUBLES

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DÉCRYPTAGE

Concernant la rougeole, la couverture vaccinale était excellente avant la pandémie : près de 95% des enfants suisses étaient vaccinés. « Il faut absolument maintenir ce taux pour limiter la propagation, car la rougeole est extrêmement contagieuse, encore plus que le variant Omicron du Covid-19. » Le spécialiste précise que les campagnes de vaccination, effectuées chez les bébés entre 9 et 12 mois,sont très bien acceptées par les parents, avec une augmentation de la couverture vaccinale depuis les campagnes de sensibilisation faites entre 2013 et 2015. « Le problème est plutôt pour les générations d’avant. Il y a eu des vagues de non-vaccination et d’inconscience face à ce danger chez les parents. Certains jeunes adultes ne sont donc pas vaccinés aujourd’hui. Ils constituent une population à risque en cas d’épidémie de rougeole. » La maladie pourrait pourtant être éradiquée grâce à la vaccination. « L’opération demanderait un effort soutenu, vu sa haute contagiosité. Sans compter que chez certaines personnes, la rougeole n’est pas suffisamment crainte, ce qui peut être un frein. » La tuberculose, quant à elle, tue encore près de 2 millions de personnes par an (1,5 million en 2020). Ces statistiques la placent en deuxième position des causes de mortalité dues à une maladie infectieuse, derrière le Covid-19. La tuberculose est causée par une bactérie qui se multiplie toutes les vingt heures, soit à un rythme beaucoup plus faible que le covid et se transmet principalement au sein du cercle familial. « Le problème est que plusieurs pays à forte endémie ont interrompu la continuité de services essentiels à la lutte contre la tuberculose, pas seulement l’accès aux soins de malades tuberculeux, mais aussi le


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dépistage des membres de la famille qui ont vécu avec eux pendant les confinements », s’inquiète Jesica L’accroissement de la tempéMazza-Stalder, rature du globe permet à médecin au Service de certains agents pathogènes de proliférer abondamment pneumologie du CHUV. là où les conditions, trop Le vaccin, le BCG, froides, ne le permettaient protège uniquement pas ou restreignaient leur le nouveau-né contre développement. La possibilité que des agents infectieux les formes graves de la congelés pendant des maladie. On ne peut millénaires pourraient ressurgir donc pas compter existe, bien que des études sur lui pour éradiquer soient encore nécessaires pour la tuberculose. « Le évaluer les risques. dépistage et les traitements sont donc capitaux, tout comme l’accès aux soins. La clé pour s’en débarrasser définitivement passe par une volonté politique et la mise en place de programmes de santé publique. »

INCUBATEURS NATURELS

PATHOGÈNES EN EMBUSCADE

Tant que le pathogène (virus, bactérie, parasite ou champignon) existe, cela rend possible la réémergence d’une maladie infectieuse, même si plus aucun humain n’est porteur. C’est le cas de la peste, par exemple. La bactérie Yersinia pestis, qui est responsable de la maladie, se trouve toujours sur quelques rats ou puces qui peuvent ensuite la transmettre aux humains. Entre 1990 et 2020, 50’000 cas ont été répertoriés par l’OMS, principalement en Afrique subsaharienne et en Amérique du L’humain, en tant qu’hôte Sud, parfois plusieurs d’agents pathogènes, est lui aussi perturbé par les décennies après sa problématiques climatiques : disparition dans les la pollution affaiblit son système pays concernés. « La immunitaire. Le terrain est peste n’est néanmoins ainsi préparé pour de futures infections. pas un problème

HÔTE CONDITIONNÉ

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majeur, tant qu’une veille existe, puisque des traitements antibiotiques et des mesures de santé publique permettent de la repousser assez facilement. Contrôler ou éradiquer toutes les maladies transmises de l’animal à l’humain — les zoonoses, dont il existe plus de 200 sortes — tient de la gageure, voire de la mission impossible. On le voit avec la dengue ou la malaria transmises par les moustiques », indique Thierry Calandra, médecin chef du Service des maladies infectieuses du CHUV-UNIL. En plus des virus, le spécialiste en maladies infectieuses s’inquiète aussi de l’évolution de certaines bactéries. « Elles s’adaptent et développent des résistances aux antibiotiques. C’est un défi majeur aujourd’hui. » Ainsi, les staphylocoques et les streptocoques n’ont jamais franchement disparu, mais sont classés aujourd’hui dans la catégorie des maladies « résurgentes ». Sont aussi concernées : la tuberculose, la fièvre typhoïde ou la syphilis. Mais aussi les infections nosocomiales, contractées durant un séjour à l’hôpital, causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques, notamment Escherichia coli, Klebsiella, Pseudomonas, Acinetobacter. MALADIES ET DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

La proximité des hommes et des pathogènes est également un facteur influençant la résurgence ou la nondisparition de certains virus. Le plus bel exemple est influenzae, le virus de la grippe. En plus des épidémies saisonnières, le virus peut évoluer brusquement et être responsable de pandémies comme en 1918, 1957, 1968 et 2009. Il y a aussi la grippe aviaire. « Les oiseaux migratoires peuvent transmettre le virus influenza à des volailles domestiques, des porcs ou des


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mammifères marins, qui peuvent à leur tour les transmettre aux humains, si les espèces cohabitent dans une Le dérèglement climatique, trop grande proximité », l’urbanisation et la pollution illustre Thierry créent des conditions propices à l’essor de nouveaux Calandra. Le choléra, pathogènes, la réémergence causé par la bactérie et l’extension d’anciens. Vibrio cholerae, a été responsable de sept pandémies depuis 1817. Endémique et épidémique, le choléra peut se propager rapidement en cas de conditions sanitaires précaires comme lors de conflits ou de catastrophes naturelles générant, par exemple, une grande population de personnes réfugiées entassées dans des camps insalubres. C’est ce qui est aussi observé pour la dengue qui se propage dangereusement dans les mégapoles d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est en raison de mauvaises conditions sanitaires, mais aussi de la surpopulation dont souffrent ces villes. Pour lutter contre ce fléau, un vaccin est disponible et d’autres sont en cours de développement.

UNE ÉTROITE CORRÉLATION

LE DANGER DES VIRUS SURGELÉS

De plus en plus de spécialistes cherchent à anticiper les conséquences du dérèglement climatique sur l’équilibre des écosystèmes qui pourraient potentiellement faire réémerger certaines maladies. La fonte du permafrost et des glaciers est la crainte la plus tangible, puisque des virus du passé, encore fonctionnels, pourraient réapparaître après décongélation. Plusieurs travaux de recherche en ont fait la démonstration, entre autres avec le virus de la variole présent dans des dépouilles de Vikings. Le vaccin reste l’un des meilleurs outils dont dispose l’être humain pour se débarrasser des maladies infectieuses. « Malheureusement, il n’en CORPORE SANO

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existe pas contre tous les pathogènes, mais le potentiel des technologies vaccinales révélé pendant la crise sanitaire du Covid-19 laisse entrevoir des espoirs », conclut Jesica Mazza-Stalder. /

DANGEREUX RAPPROCHEMENT Les émergences de la fièvre jaune, d’encéphalites virales, de la peste bubonique ou encore du typhus ont toutes un point commun : la diminution de la biodiversité qui détruit les habitats naturels des animaux et participe à leur rapprochement avec l’humain, propice au transfert de pathogènes.


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LA MALADIE PSYCHIATRIQUE AU CINÉMA BIPOLARITÉ, SCHIZOPHRÉNIE, DÉPRESSION : LE CINÉMA PEUT PERMETTRE D’APPRÉHENDER LA RÉALITÉ D’UNE MALADIE PSYCHIATRIQUE. SÉLECTION. TEXTE : AUDREY MAGAT

« Le cinéma a toujours eu une fascination pour les troubles psychiques, explique Mireille Berton, de l’Université de Lausanne. La représentation des troubles psychiatriques offre la possibilité de développer un discours sur ce qui sépare la norme de la pathologie, et de questionner les normes sociales. Elle permet aussi de prendre des distances vis-à-vis d’un phénomène déconcertant, en rassurant le spectateur sur le fait qu’il est sain d’esprit. » Les maladies psychiatriques sont mystérieuses et incomprises. Elles fascinent. Pour Mireille Berton : « Le cinéma peut non seulement contribuer à sensibiliser et informer le grand public sur des maladies psychiatriques, mais aussi aider à les déstigmatiser. » Gerard Calzada, médecin adjoint au Service d’addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève, dispense un cours sur la psychiatrie au cinéma. Il commente ici une sélection de films qui permettent d’appréhender différents troubles psychiatriques.

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1/

TROUBLE BIPOLAIRE

« SILVER LININGS PLAYBOOK » De David O. Russell (2012), avec Jennifer Lawrence et Bradley Cooper THE WEINSTEIN COMPANY/MOVIESTILLSDB

« La comédie romantique suit deux personnages dont Pat, qui a reçu le diagnostic du trouble bipolaire. Il alterne avec véracité entre des phases dites maniaques, qui se manifestent souvent par une augmentation significative de l’énergie, et des phases de dépression. » CORPORE SANO

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2/

Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré

TROUBLE ANXIEUX

« LES ÉMOTIFS ANONYMES » De Jean-Pierre Améris (2010), avec Isabelle Carré et Benoît Poelwoorde

« Cette comédie française constitue une illustration poétique des troubles anxieux tout en les dédramatisant. Les deux personnages principaux ont peur de l’inconnu, craignent le contact social et sont constamment débordés par leurs émotions. Ils tentent avec humour de dépasser leurs angoisses, au travers d’un groupe de parole notamment. »

TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ BORDERLINE

PAN-EUROPÉENNE/MOVIESTILLSDB, SONY PICTURES/COLUMBIA PICTURES/MOVIESTILLSDB

3/

« GIRL INTERRUPTED » De James Mangold (2000), avec Angelina Jolie et Whoopi Goldberg

« Les critères diagnostiques des troubles borderline sont bien présents dans ce film. Dans un décor des années 1960, il dépeint une vision de la psychiatrie en opposition totale avec les prises en charge actuelles : aujourd’hui, ces troubles sont traités par un suivi des patient·e·s et non par un enfermement. » CORPORE SANO

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4/

SCHIZOPHRÉNIE

« CLEAN, SHAVEN » De Lodge Kerrigan (1993), avec Peter Greene

DSM III/MOVIESTILLSDB

« Ce film déconstruit le stéréotype du schizophrène violent. Il décrit avec justesse le rapport aux hallucinations auditives, avec par exemple des grésillements et des cris. L’ambiance de malaise provoque une sensation dérangeante pour le public, permettant ainsi d’appréhender avec précision le vécu de ce trouble. »

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TROUBLE AUTISTIQUE

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CROMOSOMA TV PRODUCCIONS ELEPHANT IN THE BLACK BOX PERRO VERDE FILMS/MOVIESTILLSDB

« Ce film d’animation en pâte à modeler est un coup de cœur ! C’est l’histoire de Max, un personnage atteint d’un trouble autistique de haut niveau (ou syndrome d’Asperger), qui entretient une relation épistolaire avec Mary, une femme souffrant d’une profonde solitude. »

MALADIE D’ALZHEIMER

« ARRUGAS » Par Ignacio Ferreras (2012)

« En format dessin animé, ce film espagnol traite avec douceur de la démence sénile. On suit le quotidien souvent méconnu d’une maison de retraite au travers du personnage atteint par cette maladie – qui touche 10% de la population après 85 ans – et de ses attachants compagnons. »

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GAUMONT/MOVIESTILLSDB

« MARY AND MAX » Par Adam Elliot (2009)

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ADDICTION AUX OPIACÉS

« TRAINSPOTTING » De Danny Boyle (1996), avec Jonny Lee Miller, Ewan McGregor, Kevin McKidd et Ewen Bremner

CHANNEL FOUR/FIGMENT/THE NOEL GAY MOTION PICTURE/POLYGRAM FILMED ENTERTAINMENT/MOVIESTILLSDB, SUMMIT ENTERTAINMENT/MOVIESTILLSDB

« L’addiction est ici illustrée par la quête constante de drogue, le risque d’overdose et la difficulté de se sevrer de ces substances. Le film suit cependant un personnage totalement livré à lui-même, donnant à tort l’impression qu’il n’existe pas de soins ni de suivi hospitalier pour ce type d’addiction. »

8/

DÉPRESSION

« THE BEAVER » Par Jodie Foster (2011), avec Jodie Foster et Mel Gibson

« Le père de famille souffre d’une dépression sévère. Il finit par s’exprimer au travers d’une marionnette de castor. Le film montre la difficulté, voire la résistance de certaines personnes à demander de l’aide psychologique. Il montre aussi l’impact d’une dépression sur l’entourage. »

CORPORE SANO

En images


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Ces fourmis légionnaires possèdent la caractéristique de se former en colonne et d’attaquer les nids de termites dont elles se CORPORE SANO

NOM MEGAPONERA ANALIS TAILLE ENTRE 8 ET 20 MILLIMÈTRES CARACTÉRISTIQUE L’UNE DES PLUS GRANDES FOURMIS AU MONDE

Fourmis antibiotiques Grâce à une substance contenue dans une glande et qui agit comme un antibiotique, les fourmis légionnaires soignent ellesmêmes leurs plaies. TEXTE : VALÉRIE GENEUX

Faune & flore

nourrissent. « Lors des raids, les termites se défendent et peuvent parfois couper les pattes des fourmis. Nous avons observé que si les plaies n’étaient pas soignées, des bactéries les infectaient. La fourmi meurt dans les deux jours », explique Laurent Keller. Quel est donc le produit miracle que ces fourmis utilisent pour guérir les blessures de leurs congénères ? De toute évidence, il s’agirait d’une forme d’antibiotique naturel. Les scientifiques ne connaissent pas encore sa composition exacte. Les bactéries présentes chez ces fourmis peuvent aussi nous contaminer. Le biologiste espère avoir découvert une nouvelle catégorie d’antibiotique qui pourra être utilisée d’ici quelques années chez l’humain. /

DANIEL KRONAUER

« C’est la première fois que nous constatons ce phénomène », affirme Laurent Keller, spécialiste de l’évolution des sociétés animales dans le Département d’écologie et d’évolution. La Megaponera analis, une fourmi originaire d’Afrique subsaharienne, peut traiter elle-même ses blessures et ainsi augmenter par dix ses chances de survie par rapport aux autres espèces de fourmis. L’équipe de recherche de l’UNIL a observé que lorsqu’elle se blesse, la Megaponera analis récupère une substance dans sa glande métapleurale, située sur le thorax, pour l’appliquer directement sur la blessure, tel un antiseptique.


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MARIELLE ZWISSIG

Infirmière clinicienne spécialisée au sein de la Consultation interdisciplinaire pour les variations du développement sexuel, Département femme-mère-enfant, CHUV

Intersexe : fini les tabous !

CHRISTOPHE SENEHI

Certains humains sont plus grands ou plus poilus que d’autres. De la couleur des yeux à la courbure de la colonne vertébrale, tout est sujet à variation. L’humanité est donc bigarrée, hétérogène. Le développement sexuel n’échappe pas à la règle et connaît, lui aussi, des variations. Au point que des enfants naissent parfois sans que l’on puisse affirmer avec certitude que leurs organes génitaux sont ceux d’une fille ou d’un garçon. On appelle cela l’intersexuation, et le sujet est tabou.

Cette méconnaissance est problématique parce qu’elle complique significativement la vie de l’enfant, puis de l’adulte, et celle de ses parents. Supporter le poids du tabou, faire face à l’effet de surprise, porter la responsabilité de l’explication et le risque de la stigmatisation sont autant de difficultés qui s’ajoutent au tout premier des défis : trouver sa place. À cela s’ajoute un grand malentendu, celui de la confusion entre personnes intersexes et transgenres. Chez ces dernières, c'est l'identité du genre qui est remise en question. Nous avons donc, d’une part, le sexe qui a été assigné à la naissance et, d’autre part, une construction psychosociale. Variations du développement sexuel et transidentité sont donc deux phénomènes bien distincts, avec des réalités vécues très différentes. Ignorer que l’un ou l’autre existe est source de non-reconnaissance chez les personnes concernées et leurs proches.

L’intersexuation peut prendre des formes variées. Les personnes intersexes se différencient par des caractéristiques anatomiques, hormonales ou chromosoLes personnes intersexes et leurs parents miques qui ne relèvent pas strictement du doivent pouvoir compter sur un accompagnegenre féminin ou masculin. Le phénomène ment personnalisé, par des professionnel·e·s peut être découvert durant la grossesse, à qui en ont les compétences, au sein de centres la naissance, pendant l’enfance ou à l’adodédiés à leur spécificité. Mais leur particularité lescence, par exemple lors d’une puberté doit davantage être connue et reconnue par les atypique ou absente. Cette particularité est professionnel·le·s de la santé, de l’éducation, à la fois troublante et déstabilisante pour dans les crèches, dans les établissements scolaires l’enfant arrivant à l’âge de s’en rendre compte, ou les centres de loisir. pour sa famille, et même pour les professionnel·le·s de la santé qui, pour la plupart, ignorent encore l’existence de telles variations.

CORPORE SANO

chronique


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C 22H 27C I O 3

CYPROTÉRONE C 22H 27CIO 3

UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE : VALÉRIE GENEUX

La cyprotérone bloque les effets de la testostérone dans le corps. Elle est notamment prescrite aux hommes qui désirent changer de genre. Lors d’une transition, elle est administrée conjointement avec des œstrogènes, des hormones féminines responsables par exemple de la croissance des seins. « La cyprotérone diminue les caractères masculins chez l’homme, mais également chez la femme, en bloquant les actions de la testostérone », explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Mais avant d’être utilisée dans les conversions de genre, la cyprotérone a été préconisée pour d’autres usages. Dans les années 1960, des chimistes allemands ten-

La cyprotérone, une molécule qui aide les hommes à devenir femmes taient de trouver un remède aux risques de fausses couches, alors attribuées à un manque de progestérone chez la femme enceinte. Malheureusement, cette hormone induit un effet masculinisant indésirable sur les embryons féminins. Les recherches aboutissent alors à la cyprotérone, une molécule de la famille des stéroïdes, dotée d’une action progestative, mais sans effet virilisant. « Le premier antiandrogène venait d’être créé », révèle le pharmacologue. La cyprotérone a d’abord été prescrite aux patients atteints d’un cancer de la prostate avancé. « Ce

type de cancer hormonodépendant voit sa croissance stimulée par la testostérone. La cyprotérone freine efficacement son développement. » Elle est également donnée aux femmes désirant traiter une forte pilosité ou une acné. « Son effet antiandrogène peut réguler les hormones masculines chez la femme, signale Thierry Buclin. L’action progestative de la cyprotérone permet de l’intégrer à des pilules contraceptives, qui ont cette indication dermatologique en prime. » La cyprotérone a aussi été employée à visée de « castration chimique » chez des hommes pour traiter des déviances sexuelles

telles que la pédophilie ou l’exhibitionnisme. Ce traitement engendre une impuissance et une perte de libido chez l’homme. « Notons qu’une baisse du désir peut aussi concerner les femmes », ajoute le pharmacologue. Un autre effet secondaire est découvert en 2010. « Des scientifiques ont constaté qu’une prise en continu sur le long terme augmente d’environ 20 fois le risque de développer une tumeur spécifique du cerveau, appelée méningiome », prévient Thierry Buclin. Ces tumeurs, la plupart du temps bénignes, nécessitent toutefois d’être retirées chirurgicalement. L’explication du lien entre ce stéroïde et les tumeurs au cerveau reste, à ce jour, inconnue. /

/ Lire aussi en pp. 17-29 notre dossier sur la transidentité CORPORE SANO

zoom


CURSUS

Texte : Erik Freudenreich

éclairage

Faire face à la crise, encore et toujours

ÉCLAIRAGE

CURSUS

À l’instar du célèbre village de la bande dessinée « Astérix », le CHUV résiste depuis deux ans à la pandémie de Covid-19. Une prouesse rendue possible grâce au savoir-faire et à la résilience des équipes, qui ont mis en place des stratégies ingénieuses pour s’adapter dans le temps et surmonter les difficultés. Comment ces services se sont-ils organisés face aux vagues successives du virus ? Témoignages.

« Mieux anticiper les alertes grâce à une bonne communication» LAURENCE DELESSERT Infirmière au Centre de réadaptation gériatrique du Service de gériatrie, Sylvana

HEÏDI DIAZ

« Jeune diplômée, j’ai commencé mon engagement au CHUV fin 2019. Trois mois plus tard, je me suis retrouvée dans une situation totalement imprévue, mais qui a cependant eu un impact positif sur ma

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capacité d’apprentissage et d’adaptation au métier. Il faut dire aussi que nous avions un bon équilibre entre collègues expérimentés et novices. Se retrouver projetés vers l’inconnu a renforcé le soutien mutuel. Deux ans plus tard, l’expérience aidant, nous avons gagné en sérénité. Grâce à la bonne communication qui règne au sein de l’équipe soignante, nous arrivons à mieux anticiper les alertes cliniques, les stratégies adéquates ou les soins à réaliser. Nous échangeons beaucoup plus entre nous, mais aussi avec les médecins, ergothérapeutes ou physiothérapeutes. »


CURSUS

éclairage

« Des soins sur les terrasses » « Des réunions debout, pour être plus efficace » DR ANTOINE GARNIER Médecin cadre au Service de médecine interne, responsable de la cellule de crise du service

«Ce qui m’a marquée durant cette période, c’est notre capacité d’adaptation, tant pour les soins que pour la communication avec les patients et leurs familles. Des moments de débriefing ou de point de situation avec les équipes se sont multipliés autour des cas complexes, même si cela ne s'est pas produit aussi souvent que je l'aurais souhaité. L’investissement intense de toutes et tous a créé une forte cohésion dans les équipes. À tout moment, les collaborateurs se rendaient disponibles pour des remplacements ou des renforts. Nous avons appris à être encore plus créatifs, innovants et nous nous sommes davantage investis sur les moments clés de la prise en charge des patients. Les séances de thérapie étaient par exemple données en groupe sur les terrasses lorsque le temps nous le permettait en y associant des moments récréatifs pour pallier le manque de socialisation des patients. Nous avons renforcé les rencontres au sein de l’équipe d’encadrement. Du fait du nombre important d’informations et de recommandations qui circulaient, nous avons créé ‹Cover›, un feuillet d’information local, qui est devenu un canal de communication très apprécié par tout le personnel du CUTR.»

HEÏDI DIAZ, DR

« Pour faire face à la situation initiale, nous avons organisé notre gestion de crise en nous basant sur trois piliers : la création d’une cellule de crise, la définition d’un rythme de conduite et la mise en place d’une communication interne de crise. Ce dernier point a été crucial. Au lieu de multiplier les informations tous azimuts, nous avons pris le contrepied, en instituant un ‹ huddle ›, une réunion debout de dix minutes, tous les jours à midi, à laquelle tout le monde pouvait participer. À l’heure actuelle, il a encore lieu trois fois par semaine. Ce point de rendez-vous régulier a joué un rôle important dans la confiance des collaborateurs et collaboratrices : les nouvelles informations étaient livrées immédiatement de manière transparente. C’était aussi la possibilité d’entendre les préoccupations et les idées du terrain. La crise nous a permis de mieux comprendre notre manière de travailler et de fonctionner ensemble. »

MILENA GOUX-ABREHA Infirmière-cheffe d’unité de soin au CUTR (Centre universitaire de traitement et de réadaptation gériatrique) du Service de gériatrie

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CURSUS

éclairage

« L’importance d’entendre dire merci » « S’organiser au jour le jour » DONATO PAGANO Responsable du restaurant du personnel au BH08

HEÏDI DIAZ

« Je me rappelle que le printemps 2020 a été une période très tendue, tout le monde avait la boule au ventre, voulait rentrer à la maison en plein service. Cela a nécessité un important travail relationnel au quotidien, demander ‹ Comment ça va ? › à chacun. Nous avons ensuite accueilli des personnes touchées par la fermeture des restaurants hors du bâtiment hospitalier principal. Cette situation inédite a permis de doubler le nombre de collaborateurs et de collaboratrices par station du restaurant. Avec l’avantage de diminuer le stress ou la fatigue des équipes et de pallier les absences. Il faut dire que nous avons parfois eu plus d’un tiers de malades au sein de l’équipe. Nous avons toujours pu proposer notre offre complète, même s’il a souvent fallu s’organiser au jour le jour. Le dynamisme et la flexibilité dont tout le monde a fait preuve ont eu un effet bénéfique, nos liens se sont renforcés dans la difficulté. »

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LAURINE DUBOUCHET Infirmière en consultation préchirurgicale et à l’Unité d’accueil pré-chirurgical « Au printemps 2020, j’ai été appelée en renfort de l’équipe covid en chirurgie, en raison de la forte baisse de l’activité de mon service. Lors de la deuxième vague, je me suis proposée pour rejoindre les soins intensifs, forte d’une expérience passée dans le domaine. Depuis, je réponds encore aux besoins dans divers services, selon les absences. Dans la vie, j’essaie de voir davantage le positif que le négatif. Je retiens donc de cette période le développement de nouvelles relations aussi enrichissantes qu’utiles à mon travail habituel, mais aussi et surtout une polyvalence, une adaptabilité nécessaire à chaque instant. La reconnaissance de la hiérarchie a également été très importante pour tenir le coup : entendre dire ‹ merci ›, se sentir valorisée et entendue permet de renforcer sa motivation et sa disponibilité. »


CURSUS

LE PORTRAIT DE

parcours

Mirjam Kleiner Elle a été désignée récemment comme référente en soins mammaires pour toute la Suisse. Une belle reconnaissance pour cette infirmière spécialisée du Centre du sein du CHUV. TEXTE : ERIK FREUDENREICH PHOTO : ÉRIC DÉROZE

« L’apprentissage n’est jamais terminé, c’est ce qui donne du piment à la vie ! »

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CURSUS

parcours

1971-1988

NAISSANCE D’UNE VOCATION Mirjam Kleiner est née le 17 mars 1971 à Berne. Enfant à l’esprit joyeux et curieux, elle grandit dans une famille aimante, appréciant tôt les échanges avec autrui. Son souhait de devenir infirmière s’exprime à 8 ans déjà. En 1988, après une année d’école professionnelle préparatoire, un stage d’aideinfirmière effectué à Cully confirme son intérêt à suivre cette voie.

1989-1996

DE FLORENCE À LAUSANNE À 18 ans, Mirjam part à Florence pour apprendre l’italien. Elle finance ses cours en travaillant comme jeune fille au pair. Après avoir terminé avec succès l’école infirmière, elle rejoint l’Hôpital de Lavaux en 1993 pour ses débuts dans le métier. C’est l’occasion d’améliorer son français et de développer sa pratique des soins dans les services de médecine, de chirurgie ainsi qu’en salle de réveil.

1997-2008

ONCOLOGIE ET BÉNÉVOLAT Elle travaille ensuite à la Clinique de la Source à Lausanne au sein du Service d’oncologie. En 2001, la jeune professionnelle commence une formation d'infirmière clinicienne avec option en oncologie. En parallèle, elle organise avec un collègue, de manière bénévole, le groupe pédagogique et d’échanges « Apprendre à vivre avec le cancer », destiné aux patients et patientes et à leurs proches.

2008-2018

RETOUR AUPRÈS DES PATIENT·E·S Mirjam intègre le CHUV en 2008 au sein du Service ambulatoire d’oncologie, après deux années passées dans la Clinique Cecil à Lausanne et une année comme responsable pédagogique pour la formation en oncologie au sein d'une école lausannoise. Un choix motivé par l’envie de se retrouver en contact avec des patient·e·s. En 2016, elle rejoint le Centre du sein. Cette unité interdisciplinaire accompagne les patientes et leurs proches, dans tout parcours de soins, depuis le diagnostic jusqu’au suivi post-traitements. À la dénomination de soins mammaires, elle préfère cependant la notion de consultation « bio-psycho-sociale ».

2019-2021

ACCORDER LES SOINS TECHNIQUES ET RELATIONNELS L’envie d’harmoniser les soins techniques et l’échange relationnel la pousse ensuite à effectuer une formation (un CAS) en psycho-oncologie à l’Université de Lausanne, qu’elle obtient en 2021. C’est l’occasion de compléter encore ses compétences en matière d’accompagnement. Il y a quelques mois, Mirjam Kleiner a par ailleurs été nommée référente en soins mammaires pour toute la Suisse par le comité de la Ligue suisse contre le cancer. Une belle reconnaissance qui l’encourage à poursuivre son engagement avec humilité et empathie.

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BACKSTAGE

COLLABORATION Après une longue période de travail à distance, l’équipe de Large Network a pu se réunir à nouveau pour la conception de ce numéro d’In Vivo. La journaliste Carole Extermann et la graphiste Meret Watzlawick (ici en photo) réfléchissent à la mise en page de la rubrique En images, consacrée aux maladies psychiatriques dans les films (p. 62).

NIELS ACKERMANN/LUNDI13, ANA YAEL

CROQUIS L'artiste Ana Yael a imaginé plusieurs pistes pour illustrer l'article sur l'impact du changement de la loi sur la PMA sur le don de sperme (p. 40).

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CONTRIBUTEURS

LÉO MICHOUD Léo Michoud, 23 ans, a réalisé un stage chez Large Network dans le cadre de ses études à l’Académie du journalisme et des médias. En tant que pigiste, il a écrit de nombreux articles pour l’agence. Dans ce numéro d’In Vivo, il a rédigé des textes pour la rubrique Health Valley en s’intéressant notamment aux troubles psychiques induits par le dérèglement climatique, ou encore l’obésité infantile.

ANTONIO ROSATI Chez Large Network depuis 2016, Antonio Rosati travaille en tant que responsable de projets à l’agence. Il rédige également des articles pour divers médias romands. Dans ce numéro, il a contribué à la rubrique Health Valley, en présentant l’invention de l’ingénieur en robotique Reza Safai-Naeeni qui permet de laver rapidement les roues des fauteuils roulants.

ELENA MARTINEZ

MARIO CAFISO, NIELS ACKERMANN/LUNDI13, CHUV

Psychologue de formation, Elena Martinez exerce d'abord dans la recherche en psychologie sociale, puis dans le champ des psychothérapies. Dès 2005, elle rejoint la Commission des sciences humaines de la FBM, et depuis 2020, l'Institut des humanités en médecine CHUV-UNIL. Pour cette édition d'In Vivo, elle a recueilli les propos de l'historien Vincent Barras au sujet de la transidentité.

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IN VIVO

Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse Large Network www.invivomagazine.com

ÉDITION

CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch Large Network, www.largenetwork.com redaction@invivomagazine.com T. + 41 22 919 19 19 ÉDITEURS RESPONSABLES

Béatrice Schaad et Philippe Eckert DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE

Arnaud Demaison REMERCIEMENTS

Service de communication et création audiovisuelle du CHUV PARTENAIRE DE DISTRIBUTION

BioAlps

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION

Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET

Carole Extermann DESIGN

Large Network (Aurélien Barrelet, Sabrine Elias, Lena Erard, Meret Watzlawick) RÉDACTION

Large Network (Yann Bernardinelli, Andrée-Marie Dussault, Carole Extermann, Erik Freudenreich, Valérie Geneux, Blandine Guignier, Audrey Magat, Patricia Michaud, Léo Michoud, Jean-Christophe Piot, Stéphanie de Roguin, Antonio Rosati), Arnaud Demaison

RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE

Sabrine Elias, David Stettler COUVERTURE

Large Network, Aurélien Barrelet IMAGES

CHUV (Eric Déroze, Heïdi Diaz, Gilles Weber), Niels Ackermann/Lundi13, Ana Yael IMPRESSION

PCL Presses Centrales SA TIRAGE

15 000 exemplaires en français Les propos tenus par les intervenants dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.

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IN EXTENSO

Le sommeil


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