Le Journal : Mauthausen, les images

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LE JOURNAL EXPOSITION

1945-2005 SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA LIBÉRATION DES CAMPS ÉDITO Plus de dix années d’expériences, de contributions et de relations de tous ordres avec les associations du monde de la Résistance et de la Déportation, les historiens, les enseignants ou les médias, viennent de s’écouler pendant lesquelles la fréquentation du Musée n’a cessé de croître. En 2004, elle approche des 30 000 visiteurs ! Même si ces résultats sont encourageants, l’envie reste forte d’améliorer toujours plus la qualité de la relation du Musée avec ceux qui le fréquentent. C’est la raison pour laquelle paraît aujourd’hui un premier numéro du Journal du MRDI : un nouveau trait d’union destiné à enrichir encore, à partir de l’actualité la plus vive de la vie du Musée, les relations qui l’unissent à ceux qui y viennent. Naturellement, l’exposition temporaire du moment y occupe une place majeure. L’expérience d’une bonne quinzaine d’autres en dix ans et presque autant de publications, de cycles de conférences et d’échanges, ont montré en effet que ce sont ces expositions qui ont fait progressé le Musée, élargi son audience et accru sa fréquentation. Après la pause qui vient d’être marquée, avec Jochen Gerz et sa recherche sur le concept de monument commémoratif, le temps des anniversaires reprend. Ceux de la libération des camps de déportation et de la capitulation de l’Allemagne nazie mobilisent, en ce printemps 2005, N°1 AVRIL 2005 - LE JOURNAL DU MRDI


tout le potentiel du Musée. Deux expositions sont programmées consécutivement dans ce cadre. La première, Mauthausen, les images, présente, pour la première fois en France, une partie des archives photographiques emportées par les rescapés espagnols à la libération du camp. Composées surtout des photos prises par les SS eux-mêmes, mais aussi de celles de Francesc Boix, l’un des déportés catalans qui décident de s’emparer de ces photos, ces documents donnent une vision nouvelle de l’univers concentrationnaire, celle que les Nazis voulaient en donner et conserver. On ne s’étonnera pas de savoir que ces photos constituèrent des preuves lorsque Francesc Boix les produisit et les commenta au procès de Nuremberg (du 20.11.45 au 01.08.46). On pourra se demander, par contre, pourquoi, si longtemps inédites, elles n’avaient pas encore été montrées en France. Nous sommes vivement reconnaissants à l’équipe du Musée d’histoire de la Catalogne et notamment à Margarida Sala, qui les conserve et les a déjà montrées en Espagne, grâce à l’Amicale espagnole des rescapés de Mauthausen, de nous permettre de les présenter enfin à Grenoble. Encore fallait-il, pour compléter ce regard sur l’arme terrible de répression et d’extermination que fut la déportation, donner à voir d’autres réalités et celle, bien sûr, du génocide des Juifs. Grâce au Centre culturel juif de Grenoble, une autre exposition, Et tu le raconteras à tes enfants traitera des méthodes d’enseignement de la Shoah en Israël. Réalisée par le Centre éducatif Yad Layeled, cette exposition sera présentée en novembre. Au-delà de ces deux présentations, un ouvrage, Déportés de l’Isère et un film dont le tournage a déjà permis de constituer une cinquantaine d’heures de témoignages filmés et autant d’archives éminemment précieuses, permettront bientôt de reconsidérer la présentation de la Déportation, au sein du Musée. Ainsi va ce Musée qui s’enrichit et se transforme au gré de ses recherches et de ses expositions temporaires, au nom des valeurs de la Résistance et pour la société qu’il sert.

L’équipe du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère

MAUTHAUSEN, LES IMAGES L’EXPOSITION 15 avril - 31 octobre 2005 ntre les 2 et 3 mai 1945, lorsque l’encadrement SS de Mauthausen fuit le camp, à l’approche de l’armée américaine, quelques déportés espagnols affectés au service d’identification s’emparent des archives photographiques du camp. Un millier de négatifs réalisés pour la plupart sur de la pellicule de 35 mm, sont ainsi subtilisés, emmenés en Espagne et conservés par l’Amicale de Mauthausen jusqu’à ce qu’elle les dépose au Musée d’Histoire de la Catalogne, en 1996.

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Prises entre 1941 et 1944, sans autre précision de date, ces photos de la construction des nombreux bâtiments du camp, de l’exploitation des carrières, des visites officielles (celle d’Himmler, notamment, en avril 1941) et de la hiérarchie du camp, composent une vision d’ensemble de l’univers concentrationnaire de Mauthausen et de son principal Kommando, Gusen. Une vision aseptisée, quasi clinique, réalisée sans doute par les Nazis à des fins de propagande, tant pour faire peser la menace de l’internement auprès de la population du Reich, que pour témoigner du bien fondé de l’existence des camps. Rapprochées cependant des faits attestés par les archives écrites et des témoignages avérés, ces photos disent l’horreur glacée de l’effroyable machine conçue par les Nazis pour asservir jusqu’à l’épuisement et la mort une partie de l’humanité. Francesc Boix, l’un des déportés qui eurent l’initiative de s’en emparer et les montra au procès de Nuremberg, prit aussi lui-même de nombreuses photographies à la libération du camp. C’est dans ces deux ensembles qu’ont été sélectionnées les photos de l’exposition Mauthausen, les images. ■

LES RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS À MAUTHAUSEN Pendant la Guerre d’Espagne, l’effondrement du front de Catalogne oblige le gouvernement français, en janvier 1939, à ouvrir la frontière aux civils et aux combattants républicains qui fuient leur pays. Dans l’urgence Le Barcarès, Pyrénées-Orientales, février 1939. et la plus grande improvisation, Construction du camp. L’Illustration, 4 mars 1939, n° 5009. Photo. J. Clair-Guyot de vastes camps sont établis sur les plages d’Argelès-sur-Mer et de Saint-Cyprien pour les accueillir. En avril 1940, 70 000 Espagnols sont incorporés dans les Compagnies de travailleurs étrangers et 15 000, dans la Légion étrangère et les bataillons de marche. Ces derniers, dirigés dans l’est et le nord de la France, sont employés à des travaux du génie. Mais lors de la campagne de France de mai-juin 1940, les Allemands capturent 10 000 d’entre eux. Ces prisonniers, répartis dans différents camps, en France et en Allemagne sont rapidement séparés des autres car bien qu’ils portent l’uniforme bleu azur, ils n’auront pas le même sort que leurs camarades français. Les Nazis, en effet, les déportent. Isolés sur le plan international, ces républicains espagnols deviennent des apatrides sans protection. Les SS créent pour eux la catégorie des Rote Spanier (rouges espagnols), marqués du triangle bleu frappé du S de Spanier. Le 6 août 1940, un premier convoi de 392 Espagnols arrive au camp de Mauthausen et d’autres encore totalisant 2 300 arrivés pour cette même année puis, en 1941, 4 700.


MAUTHAUSEN BRÈVES… authausen serait-il à la déportation politique ce que Auschwitz est à l’extermination des Juifs d’Europe ? L’idée, quoiqu’il en soit est fréquemment émise. Construit, en 1938, en Haute Autriche, près de Linz, après le rattachement de l’Autriche au Reich (Anschluss), le camp a fonctionné jusqu’aux derniers jours de la guerre, début mai 1945. Durant ces sept années, au moins 230 000 déportés y ont été détenus et 118 000 y ont perdu la vie.

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Les contributions du musée

Un camp de catégorie III, réservé aux « irréductibles » Premier camp de la nébuleuse concentrationnaire nazie construit hors d’Allemagne, Mauthausen est aussi l’un de ceux où les conditions de détention sont les plus effroyables. Classé en catégorie III, les Nazis le considèrent comme un camp de concentration modèle dans le « traitement » des individus considérés comme « irréductibles ». Le travail harassant dans les carrières dont l’exploitation est source de revenus pour les SS, les mauvais traitements, la sous-alimentation, ajoutés à l’entreprise constante de déshumanisation,

Entrée principale du camps. Fonds Amicale de Mauthausen. Coll. Musée d’histoire de la Catalogne.

« Nous étions tous camarades au camp et j'y ai eu de très bons amis. Les différences d'origine ne jouaient aucun rôle, nous étions tous de pauvres bougres, des matricules, et nous serrions les coudes. Que ce soient Dobias, le Tchèque, Pedro, Salvador, Manuel, Recas ou Ruiz, les Espagnols, Iwaschiewitcz, Tchitaieff,

En cette période de commémorations, les collectivités territoriales travaillant sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale sont de plus en plus nombreuses. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, centre de ressources sur la période, leur apporte une aide documentaire, en mettant à disposition son fonds photographique. Il aide également à la contextualisation historique de ces travaux basés sur la mémoire. En 2004-2005, les communes de Seyssins et Seyssinet ont organisé une collecte de témoignages auprès de leurs habitants contemporains de la période. Il s’agissait d’appréhender différentes expériences de vie, à travers la vie quotidienne mais aussi l’engagement dans la Résistance et la déportation de certains. Ce travail trouvera son prolongement en juin prochain dans la parution d’un ouvrage et la présentation d’une exposition. Les enregistrements sonores seront ensuite conservés dans la phonothèque du Musée.

Livinec, Channel, Fischer...Nous étions tous des amis. Nous formions un seul groupe, partageant les bons et les mauvais jours, une cigarette, un morceau de pain…Et nous avons tenu le coup. Nous avons résisté pour pouvoir être libres un jour, pour pouvoir dire aux autres ce qu'est un camp de concentration, pour révéler ce que les Nazis furent capables de faire.

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Docteur Robert Zarb (1921-2003).Membre du mouvement Combat à Grenoble, il est arrêté par la Gestapo, en février 1943 et déporté en avril à Mauthausen.

entraînent la mort des déportés par épuisement ou maladie en quelque mois seulement. À Gusen, l’un des camps qui dépendent de Mauthausen, le taux de mortalité dépasse 80 % et approche 100 % au château d’Hartheim, centre d’euthanasie et d’expérimentations médicales. Plusieurs chambres à gaz et des crématoires complètent le dispositif du camp central et de certains camps annexes, pour éliminer les déportés malades ou trop affaiblis. Les prisonniers de guerre soviétiques et les Juifs transférés d’Auschwitz sont particulièrement maltraités. PAGES 2 ET 3 - LE JOURNAL DU MRDI

Une autre initiative, celle de la commune de La Tronche devrait aboutir, à l’occasion des journées du patrimoine 2005, à un parcours dans des lieux ayant marqué les habitants pendant la guerre.

L’exposition itinérante « L’Isère libérée »

Composée de onze panneaux et du film « Comme un vent de liberté », cette exposition sur la Libération de l’Isère continue de circuler avec succès dans le département. Elle peut être demandée en l’échange d’une garantie quant à son assurance, au Musée (tél. 04 76 42 38 53).


Arrivée de prisonniers soviétiques en octobre 1941. Fonds Amicale de Mauthausen. Coll. Musée d’histoire de la Catalogne.

L’escalier aux 186 marches qui conduisait à la carrière du Wiener Graben, mai 1945. Fonds Amicale de Mauthausen. Coll. Musée d’histoire de la Catalogne

À partir de 1943, les premiers revers essuyés par l’armée d’Hitler, tant en URSS qu’en Afrique, et les besoins croissants de main d’œuvre pour l’industrie de guerre allemande influent notablement sur le fonctionnement du camp. De 1943 à 1945, Mauthausen constitue le point central d’un réseau d’une cinquantaine de camps annexes dont les plus importants sont Gusen, Ebensee ou Loibl-Pass. Ses kommandos (groupes de déportés qui travaillent à l’extérieur du camp principal) fournissent de la main d’œuvre aux industrie de Vienne, de Linz et de la moitié orientale de l’Autriche.

Des déportés issus de l’Europe entière Dès sa création, en août 1938, le camp de Mauthausen détient des antinazis autrichiens puis des Allemands, amenés de Dachau dont plus de la moitié sont des prisonniers de droit commun. Le déclenchement de la guerre en 1939 puis l’occupation successive de plusieurs états européens, provoquent l’internationalisation des déportés. En 1940, arrivent les premiers convois de Tchèques, de Polonais et de républicains espagnols. Les soldats soviétiques, capturés pendant l’invasion de l’URSS, connaissent le même sort et subissent un « traitement spécial » qui confine à l’assassinat. À partir de la fin 1942, le développement des mouvements de résistance en Europe et l’intensification de la répression entraînent une augmentation des effectifs. Les convois se succèdent : Français, Belges, Yougoslaves, Italiens, Grecs, Albanais, Hongrois…

Mai 1945, rescapés conduits en camion à Linz pour y prendre l’avion qui les ramènera dans leur pays d’origine. Fonds Amicale de Mauthausen. Coll. Musée d’histoire de la Catalogne.

Devant les tours de l’entrée après la libération du camps, mai 1945. Fonds Amicale de Mauthausen. Coll. Musée d’histoire de la Catalogne.

À partir de 1944, une organisation de résistance est mise progressivement en place par des déportés qui occupent des postes clés dans l’organisation du camp central. Le rôle des communistes y est prépondérant. En février 1945, plusieurs centaines de détenus soviétiques condamnés à une mort certaine se révoltent. Quatre cent cinquante d’entre eux tentent de s’évader mais seront repris et exécutés. Dix-sept parviennent à s’échapper. Les semaines qui précèdent l’effondrement du système concentrationnaire et du Reich sont les plus difficiles. Mauthausen reçoit une partie de l’encadrement et des déportés des camps menacés par l’avancée des Alliés, Auschwitz, Sachsenhausen, Ravensbrück… Les déportés s’entassent alors dans des conditions dramatiques : 20 000 d’entre eux meurent dans le seul mois d’avril 1945. Aussi est-ce un spectacle de désolation que découvrent les premiers soldats américains qui pénètrent dans le camp, le 5 mai 1945. Au total, vingt-deux nationalités se sont côtoyées durant les sept années de fonctionnement du camp. Cette diversité fait de Mauthausen, à l’instar d’Auschwitz, un lieu de mémoire européen comme en témoignent les nombreux mémoriaux nationaux présents sur le site actuel. ■


LA DÉPORTATION, SON IMPACT EN ISÈRE est en août 1942 que la déportation commence à devenir une réalité dans ce département. Du 16 au 22, plus d’une centaine de Juifs, travailleurs forcés, incorporés dans les Groupements de travailleurs étrangers (GTE), sont acheminés avec leurs familles vers l’Isère depuis le Rhône, l’Ardèche ou le Jura et internés au Centre de séjour surveillé de Fort Barraux. Le Gouvernement de Vichy vient en effet de prendre librement l’initiative d’arrêter les Juifs étrangers de la Zone non occupée pour les remettre aux autorités allemandes. C’est ce qu’il fait le 26 août 1942 en mobilisant toutes les forces de police et de gendarmerie. En Isère, plus de quatre cents Juifs étrangers sont arrêtés et regroupés soit à la caserne Bizanet, à Grenoble, soit, si elles ont été arrêtées dans les arrondissements de Vienne et de La-Tour-du-Pin, au centre de Vénissieux (Rhône). Après un premier « criblage », une centaine des Juifs détenus à la caserne Bizanet est transférée à Vénissieux, de même que la majorité de ceux qui sont détenus à Fort Barraux. De là, les Juifs raflés dans la région sont dirigés vers Drancy puis déportés à Auschwitz. Le 2 septembre 1942, les raflés du 26 août sont presque tous convoyés de Drancy à Auschwitz et d’août 1942 à février 1943, la police française poursuit les rafles et les arrestations de Juifs pour les diriger vers les camps d’internement du sud de la France (Gurs, Rivesaltes…) avant de les livrer aux Allemands qui les déporteront.

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Quand l’armée allemande occupe Grenoble, à partir du 8 septembre 1943, tous les Juifs, y compris ceux qui sont français, sont pourchassés. Et de février à mars 1944, tandis que le SS Aloïs Brunner, responsable en France du règlement de la question juive, fait capturer, depuis Grenoble, plus de 400 Juifs, l’intensité de la répression antisémite atteint son comble. Poursuivies par les miliciens, ces persécutions dureront jusqu’à la veille de la Libération.

Caserne Hoche, Grenoble. Arrestations du 11 novembre 1943. Fonds Amicale des Déportés du 11 novembre, coll. MRDI.

Les Allemands usent également de rafles en représailles aux attaques de la Résistance. Ainsi à Grenoble, place Vaucanson, le 23 décembre 1943, à la suite de l’exécution d’un lieutenant allemand mais aussi parce que policiers et miliciens espèrent trouver là des réfugiés juifs fortunés, les Allemands raflent près de 200 personnes et en déportent une centaine, dont 40 Juifs. Le 4 janvier 1944, douze hommes sont arrêtés au Mûrier, accusés d’avoir tiré sur une sentinelle allemande. Cinq d’entre eux périssent en déportation. Le 31 janvier, à la suite d’un attentat contre une colonne allemande, quai Claude-Bernard à Grenoble, la Wehrmacht arrête une trentaine de personnes et les déporte. Pierre Benielli, l’un des résistants, responsables départementaux du NAP (Noyautage des administrations publiques) en fait partie. Le 18 février, suite à un attentat contre le chef de la Gestapo à Vizille, quinze personnes soupçonnées d’appartenir à la Résistance sont déportées. Le 7 mai, quatre cents Allemands cernent les villages de Bevenais, Longechenal et La Frette. Une dizaine de personnes est dirigée sur les camps, dont l’un des responsables de la Résistance en Chartreuse, Roger du Marais. Le 8 juillet, suite à une opération de la Résistance à la gare de St-André-le-Gaz, treize personnes sont fusillées, dix sont déportées dont sept ne reviendront pas. D’autres arrestations, qui conduiront encore nombre d’Isérois à la déportation, apparaissent encore dans les archives jusqu’à l’été 1944. Elles atteignent encore un paroxysme en juillet, durant les opérations de « nettoyage » du Vercors. ■

La déportation devient ainsi l’arme la plus redoutable de la répression allemande. Toute personne suspectée de Résistance est le plus souvent expédiée au camp d’internement de Compiègne, puis envoyée de là dans l’un des nombreux camp de concentration, Buchenwald, Dachau, Mauthausen ou Dora. Selon l’expression même d’Adolf Hitler, les déportés, hommes et femmes, sont destinés à disparaître in Nacht und Nebel, « dans la Nuit et le Brouillard ». Les travaux forcés, la faim, les privations, les maladies, les expérimentations pseudo-médicales, viendront à bout d’un grand nombre d’entre eux. Les Grenoblois en font la cruelle expérience le 11 novembre 1943, lorsque plus d’un millier de jeunes manifesLe bilan des déportations en Isère est tants, commémorant l’Armisestimé à 2 600 : 1 000 Juifs, environ, dont moins de 7 % revinrent et quelque tice pour exprimer leur rejet de 1 600 autres, résistants, raflés l’occupant, sont arrêtés. Près et « droit commun » dont moins de quatre cents d’entre eux de la moitié survécurent. sont alors déportés.

Note du commissariat central au préfet de l’Isère, l’informant de la rafle de la place Vaucanson. Fonds Arch. dép. Isère, coll. MRDI.

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DÉPORTÉS DE L’ISÈRE… L’OUVRAGE herchant à expliquer pourquoi les estimations des déportés arrêtés en Isère variaient de 1 146 (Dr Batailh) à 3 057 (Jean Paquet), l’équipe du MRDI a dû se rendre à l’évidence : un nouveau recensement s’imposait. La fusion des sources disponibles, celle des listes dressées par Simone Benielli pour Combat, conservées au MRDI, celle du Dr Batailh, conservées aux Archives départementales de l’Isère et le fichier de la Fédération nationale des déportés, internés et résistants patriotes de l’Isère, conservé au MRDI et dûment analysé par des membres de l’Association des amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, ont constitué la base de ce nouveau dénombrement. Encore fallait-il en recouper les données avec celles des arrestations ayant été suivies de déportations. Tel fut le travail accompli par Olivier Vallade et Christèle Joly pour les déportés en camps de concentration et par Tal Bruttmann pour les déportés juifs. En effet, l’intention fut de prendre en compte l’ensemble des déportations, celle des résistants, des raflés et des « droit commun », d’une part, celle des Juifs d’autre part. Dans l’un et l’autre cas,

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DÉPORTÉS DE L’ISÈRE, 1942, 1943, 1944… Publié aux Presses universitaires de Grenoble, collection « Résistances ». Ouvrage collectif coordonné par Jean-Claude Duclos et Jacques Loiseau, réunissant les contributions de Philippe Barrière, Tal Bruttmann, Gil Emprin, Chrystèle Joly et Olivier Vallade. Préfaces d’André Vallini et de Michel Destot. Avant-propos de Denis Peschanski 350 pages, 500 photographies et une carte de Nora Esperguin. Contributions : Section de l’Isère des amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, Commission communale d’enquêtes sur les spoliations de biens juifs (Ville de Grenoble), Archives départementales de l’Isère, Office national des anciens combattants de l’Isère et Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère. Prix de vente : 30 €

les données relatives à des situations différentes ne pouvaient apparaître suivant les mêmes critères. C’est la raison pour laquelle elles font l’objet de deux chapitres distincts, même si l’on trouve, à la fin de l’ouvrage, un index alphabétique de tous les noms de déportés, quelle que soit la circonstance de leur déportation. Par ailleurs, les listes de déportés ont été établies selon la chronologie des arrestations. Cette disposition permet notamment de ne pas mélanger les noms des « droit commun » à ceux des résistants et des raflés. Cependant, et pour qu’aucune confusion ne subsiste, le nom des déportés de droit commun apparaît sur un fond grisé. Si la publication des listes des déportés était l’objectif premier, il apparut aussi nécessaire de les accompagner, outre des indications méthodologiques qui présidèrent à leur réalisation, d’un certain nombre de développements. Aussi fut-il décidé, au-delà des répertoires des noms de victimes, de rappeler les principaux événements ayant entraîné des déportations, d’évoquer le trajet de quelques uns de ces déportés et de traiter enfin de leur retour. ■

LE FILM u 25 janvier au 3 avril 2005, vingt-trois anciens déportés, arrêtés en Isère pour la plupart, ont témoigné devant la caméra, à la demande du Musée. Plus de cinquante heures d’enregistrements ont été ainsi rassemblées et intégrées, désormais, dans ses collections. Ces hommes et ces femmes, rescapés d’Auschwitz-Birkenau, Buchenwald, Dora, Mauthausen, Dachau ou Flossenbürg, répondent, soixante ans après, à des questions essentielles : Comment ont-ils vécu leur retour à la liberté ? Quel accueil ont-ils reçu ? Quand et comment ont-ils commencé à parler de ce qu’ils avaient vécu ? Quels enseignements en tirent-ils et quel rôle attendent-ils de leur témoignage vis à vis des jeunes générations ? Au-delà de récits déjà recueillis sur les circonstances de leurs déportations et leurs expériences concentrationnaires, ces témoins se retrouvent autour d’objectifs communs : la lutte contre l’oubli et le négationnisme, le combat des totalitarismes, quels qu’ils soient, et la défense de la dignité humaine.

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C’est dans l’objectif de rendre de tels témoignages accessibles au plus large public que l’équipe du Musée de la Résistance et de la Déportation a conçu ce film. Après Comme un vent de liberté, réalisé en 2004 en prolongement de l’exposition L’Isère libérée, ce deuxième film de 26 minutes constitue l’autre volet d’un diptyque sur les vécus en Isère de la fin de la Seconde

Grenoble, juin 1945, rue Félix-Poulat. Manifestation de déportés. Au premier plan, en fauteuil roulant, René Burggraff. Fonds Georges Burggraf, coll. MRDI.

Guerre mondiale. Fondé sur le témoignage et l’usage de documents d’archives, les deux réalisations ont été volontairement confiées à Michel Szempruch, de l’Association Repérages, afin de garantir l’unité de traitement de l’ensemble. Comme à l’habitude au Musée, une équipe scientifique d’historiens spécialisés, enseignants pour une part, en a conseillé la réalisation. Sa diffusion touchera en priorité les collèges et autres établissements scolaires du département. ■


« ET TU LE RACONTERAS À TES ENFANTS » LA PROCHAINE EXPOSITION DU MUSÉE est de la mémoire de la Shoah dont il sera question dans la prochaine exposition présentée au Musée, en novembre 2005, et plus particulièrement de sa transmission aux plus jeunes. Réalisée par le Beit Lohamei Haghetaot (Maison des combattants du ghetto), elle en retrace l’histoire, depuis sa création, en 1949, dans le kibboutz du même nom, par des combattants juifs rescapés du ghetto de Varsovie. La Maison des combattants du ghetto fut ainsi le premier Musée, en Israël et dans le monde, consacré à la vie et à la résistance des Juifs pendant la Shoah. Il accueille en son sein depuis 1995, un Mémorial-Centre éducatif, Yad Layeled, conçu pour le public scolaire et dédié au million et demi d’enfants juifs, victimes de la Shoah.

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« Et tu le raconteras à tes enfants » met l’accent sur le devoir de mémoire, le témoignage comme maillon dans la chaîne des générations, l’art en tant qu’expression de résistance morale et spirituelle et la solidarité à travers la figure emblématique du Docteur Janusz Korczak, humaniste et pédagogue. Pour davantage d’informations : site de la Maison des combattants du ghetto www.gfh.org.il

A PARAÎTRE… L’Isère en Résistance Paraît aux Éditions du Dauphiné Libéré, le 29 avril. Comparable dans sa forme à Grenoble en Résistance, publié en 2004, cet ouvrage collectif de 200 pages, 400 illustrations et 27 cartes, coordonné par Jean-Claude Duclos, propose une nouvelle synthèse de l’histoire de la Résistance sur l’ensemble du territoire départemental : Vercors, Oisans et Matheysine, Grésivaudan, Trièves, Bas-Dauphiné, Vienne, Grenoble. Prix de vente : 17 €

Le Cahier n° 1 de la Maison des Droits de l’Homme Destiné à restituer les réflexions menées lors des Rencontres de la Maison des Droits de l’Homme depuis le lancement DES DROITS du projet en 2001 jusqu’au forum des associations en octoDE L’HOMME bre 2003 autour de la question « Quelle Maison des Droits de l’Homme voulons-nous ? », la collection des Cahiers de la Maison des droits de l’Homme rassemble les actes de ces conférences. Ce premier numéro présente les interventions de la première saison : des origines des Droits de l’Homme dans les Alpes dauphinoises (Bruno-Marie Duffé, JeanClément Martin et Martial Mathieu), le rôle du témoignage dans la construction de la mémoire collective (Janine Altounian et Anne-Marie Granet), la commémoration comme repère temporel et spatial pour nos sociétés (Philippe Dujardin). Prix de vente : 12 €

les cahiers de la MAISON

N°1 janvier 2005

Avant-propos de Robert Badinter

PAGES 6 ET 7 - LE JOURNAL DU MRDI

BRÈVES… Germaine Tillion Itinéraire et engagements d’une ethnologue

L’exposition dans laquelle est notamment évoquée la résistance et la déportation à Ravensbrück de cette femme d’exception est présentée au Musée dauphinois jusqu’au 8 mai 2005. www.musee-dauphinois.fr

Le Congrès national de l’association des Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation

Il se tiendra à Grenoble les 20, 21 et 22 mai prochain. Prolongeant dans chaque département l’action de la Fondation, présidée par Marie-José Chombart de Lauwe, des sections d’amis contribuent au travail de mémoire sur la Déportation et l’internement, à sa transmission et à sa défense. La section de l’Isère des Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation (AFMD) est l’une des plus actives de France. En marge des séances de travail qui réuniront les 150 délégués territoriaux, deux manifestations sont ouvertes au public. Le samedi 21 mai De 16 h 30 à 18 h 30 : Les Entretiens de l’AFMD Auditorium du Musée de Grenoble Place Lavalette Projection du documentaire « Déportés de l’Isère » suivie d’une conférence sur la transmission de la mémoire de la déportation par JeanClaude Duclos, conservateur en chef du Musée et Olivier Vallade, historien. L’entrée est gratuite. À 20 h 30 : Là-bas, représentation théâtrale par la compagnie « Histoires d’Argile » CRDP 11, av. Général-Champon à Grenoble À partir de témoignages de rescapés des camps, et dans la tradition de la transmission orale, Claudie Rajon conte ce qu’a été la déportation. Entrée : plein tarif, 10 € ; tarif réduit, 5 €. Réservations : Yves Eveno, Tél./Fax : 04 76 17 14 26 ; Agnès Vacilotto, Fax : 04 76 43 09 89


AGENDA… LA JOURNÉE NATIONALE DE LA DÉPORTATION DIMANCHE 24 AVRIL 2005 MRDI 14, rue Hébert à Grenoble ■ à 10 h 30 et 17 h : Projections du film « Déportés de l’Isère », 26 minutes ■ à 14 h 30 : Visite de l’exposition « Mauthausen, les images » en compagnie de Jean-Claude Duclos, conservateur du musée ■ Les rencontres autour de l’exposition Mauthausen, les images Elles se déroulent aux Archives départementales de l’Isère 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble.

LA DÉPORTATION FRAGMENTÉE. LA CONSTITUTION DE LA MÉMOIRE DE LA DÉPORTATION EN FRANCE 18 MAI 2005 ■ 18 H 30 Comment se structurent dès le retour des camps, les associations des rescapés ? Quelles sont leurs valeurs ? Comment interviennent-elles dans le débat public ? Par Olivier Lalieu, historien, responsable de l’aménagement des lieux de mémoire et des projets externes au Centre de Documentation juive contemporaine (CDJC), Mémorial de la Shoah.

ENTRE MÉMOIRE ET OUBLI : L’INTERNEMENT DES TSIGANES EN FRANCE : 1915-1919 / 1938-1946 28 MAI 2005 ■ 20 H Conférence proposée en partenariat avec l’association des Amis du MRDI Emmanuel Filhol, enseignant-chercheur à l’Université de Bordeaux 1, membre du Centre de recherches tsiganes de l’Université Paris V, évoquera les stades de la longue persécution dont les Tsiganes ont été victimes en France, accordant une place à deux d’entre eux qui sont internés à Fort Barraux en 1944, avant de mourir en déportation.

Coordination : Cécile Vargas Rédaction : Jean-Claude Duclos, Jacques Loiseau, Cécile Vargas, Olivier Cogne, Anne-Sophie Pico Conception, réalisation : Nathalie Gremeaux-Tragni

6 OCTOBRE 2005 ■ 18 H 30 Agnès Humbert, résistante de la première heure, au sein du réseau Musée de l’Homme, est arrêtée, en 1941 puis déportée dans les prisons nazies. Dès son retour, elle raconte son engagement résistant et sa déportation dans un livre « Notre guerre. Souvenirs de résitance », réédité en 2004. Par Julien Blanc, agrégé d’histoire qui prépare actuellement une thèse sur le réseau du Musée de l’Homme.

ÊTRE ENFANT DE RESCAPÉ AUSCHWITZ, 60 ANS APRÈS 22 SEPTEMBRE 2005 ■ 18 H 30 Rencontre avec Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherches au CNRS, auteur de nombreux articles et ouvrages sur la Shoah et sa mémoire, autour de son dernier ouvrage « Auschwitz, 60 ans après » (Éditions Robert Laffont, 2005).

20 OCTOBRE 2005 ■ 18 H 30 Georges Snyders, résistant et juif a connu l’enfer d’Auschwitz et sera le premier prisonnier de ce camp de la mort à être libéré par l’armée soviétique. De son expérience concentrationnaire, il ne parlera jamais à son fils. Comment grandir avec l’image d’un père martyr revenu d’Auschwitz ? Comment mettre des mots sur le non-dit ? Par Jean-Claude Snyders, ancien élève de l’École normale supérieure, enseignant et écrivain.

LE JOURNAL DU MRDI - NUMÉRO 1 - AVRIL 2005

Directeur de la publication : Jean-Claude Duclos

AGNÈS HUMBERT, LE PARCOURS D’UNE RÉSISTANTE DÉPORTÉE

Crédit photographique : Musée d’Histoire de la Catalogne, Amicale espagnole de Mauthausen, Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère Imprimeur : Imprimerie des Deux-Ponts Tirage : 5 000 exemplaires Dépôt légal à parution ISSN en cours

Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1 er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13 h 30 à 18 h et samedi, dimanche de 10 h à 18 h) et 10 h à 19 h, du 1 er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13 h 30 à 19 h). 14, rue Hébert - 38000 Grenoble Tél. 04 76 42 38 53 - Fax 04 76 42 55 89 www.resistance-en-isere.fr L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.


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