Bulletin Conseil général de l’Isère. Directeur de la publication : Olivier Cogne Conception réalisation : Pierre Girardier Ont collaboré à ce numéro : Robert Trocmé Imprimeur : imprimerie des Deux Ponts Droits de l’homme, bulletin trimestriel de la Maison des Droits de l’Homme : 14, rue Hébert, 38000 Grenoble, tél. 04 76 42 38 53, fax 04 76 42 55 89 www.isere-droitsdelhomme.com Tirage : 8 000 exemplaires Dépôt légal : octobre 2004 ISSN en cours
trimestriel de la Maison des Droits
Ce deuxième numéro du bulletin de la Maison des Droits de l’Homme vous propose de mieux connaître les évènements de la rentrée. Il dispose désormais d’une nouvelle ligne éditoriale pour favoriser l’information et permettre le développement des idées. Affinant son identité, le sommaire du numéro présente de nouvelles rubriques, pour plus de renseignements sur les activités de la Maison et ses partenariats. Rencontres et partenariats sont organisés jusqu’au mois de décembre autour du thème de l’éducation et des Droits de l’Homme. Comment l’éducation est-elle ainsi envisagée pour assurer le respect de l’autre et le développement de la démocratie ? Ce numéro propose donc des pistes de réflexion que nous explorerons avec Francine Best et Robert Trocmé, nos invités de l’automne. Retour aussi sur une fin de saison riche en événements et notamment sur cette Rencontre du 18 mai dernier, consacrée aux crimes contre l’humanité, au cours de laquelle le président Truche et le professeur Jean-Claude Lescure, s’exprimèrent tour à tour sur l’utilité sociale du magistrat et de l’historien dans la reconnaissance de ces crimes. Des échanges qui pourront être bientôt portés à la connaissance des lecteurs dans les Cahiers de la Maison à paraître. Toujours en lien avec l’Histoire, rendez-vous est également pris dans le bulletin pour vous faire découvrir ou mieux connaître les acteurs de l’odyssée des Droits de l’Homme de notre région. Outil d’expression et relais d’information, ce numéro propose enfin l’intégralité du programme des activités d’octobre à décembre 2004 comme celui du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère qui conduit, depuis bientôt trois ans, le développement de la Maison des Droits de l’Homme.
DROITS « L’éducation doit DE L’HOMME viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » Déclaration universelle des Droits de l’Homme, 10 décembre 1948
La rédaction
p1_ L’Édito p2_ La rencontre « Juger les crimes contre l’humanité » p3_ Le portrait « Francine Best, une pédagogue des Droits de l’Homme » p4_ La parole à « Robert Trocmé : Vers un droit à l’éducation aux droits de l’homme » p6_ Le zoom « Le premier Cahier de la Maison des Droits de l’Homme » p7_ Les lectures _ Histoire de… p8_ Les évènements _ Les brèves
sommaire
l’edito
de l’Homme
n°2 octobre-décembre 2004
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agenda Les Rencontres de la maison des droits de l’homme
la rencontre
Juger les crimes contre l’humanité Le 18 mai dernier, la Maison des Droits de l’Homme clôturait sa saison par l’organisation d’une conférence consacrée aux crimes contre
TREIZIÈMES RENCONTRES DE LA MAISON DES DROITS DE L’HOMME Citoyenneté, démocratie et Droits de l’Homme : vers une culture du débat Avec la participation de Francine Best, philosophe, inspectrice générale honoraire de l’Éducation nationale, directrice honoraire de l’Institut national de recherche pédagogique.
l’humanité avec les Archives départementales de l’Isère. Tandis que Jean-Claude Lescure, professeur des universités à Grenoble et à l’Institut d’Études politiques de Paris, évoquait le rôle social de l’historien, le premier président Truche présentait une réflexion sur l’action de la justice confrontée à ces crimes.
En partenariat avec le CRDP de Grenoble Mardi 12 octobre 2004 à 18h30 CRDP de Grenoble 11, av. Général-Champon 38000 Grenoble
QUATORZIÈMES RENCONTRES DE LA MAISON DES DROITS DE L’HOMME Pour une éducation aux Droits de l’Homme Avec la participation de Robert Trocmé, directeur de l’Université d’été des Droits de l’Homme à Genève Mardi 7 décembre 2004 à 18h30 Archives départementales de l’Isère 2, rue Auguste-Prudhomme 38000 Grenoble
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Croiser le regard de l’historien contemporanéiste et du magistrat pénaliste face aux crimes contre l’humanité, présenter les rapports entre l’histoire et la justice, telles étaient les perspectives de cette dernière rencontre du cycle Histoire et enjeux de la justice proposé par les Archives départementales de l’Isère. Jean-Claude Lescure entama les débats sur le rôle social de l’historien. Comment transmettre une histoire de ces crimes contre l’humanité ? Comment les historiens les abordent-ils ? Point de départ de son intervention, l’historien rappella la naissance du terme de crimes contre l’humanité aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Aux procès de
le portrait
Francine Best,
Nuremberg, en 1946, des caméras de l’armée américaine font intrusion dans les salles d’audience, créant, avec ces archives, une dimension toute autre que celle de l’écrit. En France, en 1985, Robert Badinter, alors garde des Sceaux, autorise la présence des caméras dans l’enceinte des tribunaux. Ainsi près de 700 heures d’audiences sont enregistrées à l’occasion des procès de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon, jugés pour crimes ou complicité de crimes contre l’humanité. Mais à quelles fins ? La décision est d’importance car elle permet notamment de réagir à la montée du négationnisme en France. L’exploitation de ces images a ainsi été faite par les historiens qui ont travaillé à leur diffusion sur la Chaîne Histoire pour les faire découvrir au public ; comme la question se pose aujourd’hui pour les dépositions filmées à Arusha (Rwanda) ou à La Haye (Pays-Bas) au sein du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Jean-Claude Lescure parla enfin d’une “utilité sociale” de l’historien de la période contemporaine : « nous avons aussi cette responsabilité sociale
de fabriquer du lien social entre les individus qui ont été confrontés à des expériences extrêmes ». Le rôle de l’historien et de la justice ne s’arrête pas au lendemain de la tragédie. Le premier président Pierre Truche, ancien procureur général du procès Barbie, pris ensuite la parole pour rappeler l’histoire de la notion de crimes contre l’humanité et son application en droit, depuis sa création juridique le 8 août 1945(1) jusqu’à son imprescriptibilité prononcée en 1964. En France, il faut attendre le début des années 1970 et l’affaire Touvier pour que la justice en tente une application ; Pierre Truche rappelant ainsi au passage que dans les cas de Barbie, Touvier et Papon, il ne s’agit que de procès de subalternes, contrairement à Nuremberg, où ce sont les hauts responsables qui ont été condamnés. Avec Paul Touvier, donc, la justice confrontée à la prescription du crime en tant que crime de guerre pour une nouvelle inculpation, invoque le crime contre l’humanité et son imprescriptibilité, se référant ainsi aux crimes commis
contre des personnes civiles en temps de paix comme en temps de guerre. Les mêmes notions sont au cœur du débat du procès Barbie avant que ne soit prononcée sa réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre l’humanité en 1987. Finalement, il faut attendre 1994 pour que le crime contre l’humanité soit introduit dans le code pénal. S’interrogeant ensuite sur les motivations de la justice dans cette action depuis la Seconde Guerre mondiale, Pierre Truche évoqua ainsi trois raisons : la gravité du crime, sa reconnaissance et le besoin d’expression des victimes. Au-delà de l’action de justice, c’est aussi le problème de la réconciliation et de la nécessité de vivre ensemble après la tragédie qui est posé. Il n’y a pas de réconciliation possible sans pardon. En Afrique du Sud, une Commission “Vérité et Réconciliation”, présidée par Monseigneur Desmond Tutu, a été mise en place. Selon la même tradition africaine, au Rwanda, les sages des juridictions Gacaca entendent les
personnes et veillent à la réconciliation après le génocide. « Il faut dans l’intérêt général l’oublier et se réconcilier », souligne Pierre Truche, « mais est-ce possible ? » En conclusion de son intervention, le premier président rappela les difficultés d’un dispositif juridique international efficace. Quel avenir ainsi pour la Cour pénale internationale qui n’a pas encore été reconnue par les États-Unis, la Chine, la Russie ou Israël. Tant que les Droits de l’Homme ne seront pas unanimement acceptés, les crimes les plus graves pourront encore échapper à la justice. ◗
1– Signature des accords de Londres établissant les statuts d'un tribunal militaire international chargé de juger les grands criminels de guerre et définissant les chefs d'inculpation.
une pédagogue des Droits de l’Homme Inspectrice générale honoraire de l’Éducation nationale, Francine Best intervient mardi 12 octobre 2004 à l’occasion des treizièmes Rencontres de la Maison. A cette occasion, droits de l’homme a souhaité vous présenter celle qui fut l’une des
Audigier va piloter et diriger. Le rapport de recherche qui s’appuie sur un travail de coopération intense avec des enseignants de collège et d’école élémentaire, terminé en 1984, démontre la possibilité, la faisabilité d’une éducation aux Droits de l’Homme qui s’appuie sur trois principes :
pionnières de l’éducation aux Droits de l’Homme dans le système d’enseignement français, il y a maintenant plus de vingt ans. C’est en 1982 alors qu’elle vient d’être nommée “Directeur” de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) qu’Alain Savary, Ministre de l’Éducation nationale de 1981 à 1984, lui confie la mission d’instaurer dans le système d’enseignement en France l’éducation aux Droits de l’Homme. Les grandes associations de défense des Droits de l’Homme, telles la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Amnesty
international, ainsi que la Ligue de l’enseignement ayant convaincu de la nécessité d’instaurer (l’Éducation civique ayant, de fait, quasiment disparu), sous une forme ou une autre, une éducation aux Droits de l’Homme qui remplace l’instruction civique d’antan. POUR UN PROGRAMME D’ÉDUCATION AUX DROITS DE L’HOMME
Immédiatement, Francine Best lance une recherche à l’INRP, que François
1. Transmettre et faire comprendre les textes fondamentaux (1789, 1948) et ainsi ne pas hésiter à construire avec les élèves en partant ou non de l’actualité, des connaissances autant juridiques qu’historiques concernant les Droits de l’Homme. 2. Promouvoir des pratiques démocratiques dans les établissements (conseils d’élèves ; délégués élus etc). 3. Promouvoir, les valeurs liées aux Droits de l’Homme, en faisant converger connaissances et pratiques: dignité de chacun ; respect de l’autre; refus de tout racisme ; égalité des droits ; universalité des Droits de l’Homme.
Parallèlement au déroulement de cette recherche, Francine Best réunie pendant deux années consécutives des représentants des associations (citées plus haut), de la Commission française pour l’UNESCO dont elle était membre à titre institutionnel, des Inspecteurs généraux comme Gabriel Beis, Joseph Leif, Pierre François, André Zweyacker qui devient président de la fédération française des clubs UNESCO, afin de définir les principales finalités et orientations de l’éducation aux Droits de l’Homme en France. DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
A la suite de cette Commission, le Conseil national des Programmes met sur pied un groupe de travail officiel qui commença à concevoir de nouveaux programmes d’Éducation civique, incluant les Droits de l’Homme, les mettant au cœur et au fondement d’une Éducation civique pour notre temps.
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agenda
Francine Best, une pédagogue des Droits de l’Homme suite de la page 3
En partenariat
CONFÉRENCE Intégration, droit, éducation, l’institution judiciaire et l’Éducation nationale face aux minorités Organisée par le Rectorat de Grenoble, l’Association des professeurs d’histoire et géographie (APHG), le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP), la Cour d’appel de Grenoble, dans le cadre de la journée thématique «Enseignement et Justice». Avec la participation d’un psychosociologue, d’un juriste et d’un représentant de l’Éducation nationale. Mercredi 10 novembre 2004 de 13h45 à 17h CRDP de Grenoble 11, av. Général-Champon 38000 Grenoble
CONFÉRENCE De la solidarité à la coresponsabilité internationale Organisée dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale, par l’École de la Paix et le Conseil général de l’Isère. Avec la participation du Conseil général de l’Isère, du Conseil régional Rhône-Alpes, de la ville de Grenoble, du monde universitaire et associatif Mardi 16 novembre 2004 à 20h30 Archives départementales de l’Isère 2, rue Auguste-Prudhomme 38000 Grenoble
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En 1990, devenue Inspectrice générale de l’Éducation nationale, Francine Best continue à participer activement, dans les groupes de travail mis en place par le Ministère de l’Éducation nationale - notamment au titre de la Vie scolaire puisqu’elle est inspectrice générale de ce groupe - à la confection des programmes d’Éducation civique pour le collège. Entre temps, le Premier Ministre Michel Rocard la nomme “personnalité qualifiée”à la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme dont elle a été vice-présidente, puis membre pendant de nombreuses années, jusqu’en 2001. Elle y préside la sous-commission “A” Éducation aux Droits de l’Homme. En parallèle, elle fait partie, en tant que directrice de l’INRP puis en tant qu’élue par les associations d’Éducation populaire, de la Commission française pour l’UNESCO, tant et si bien qu’elle participe à de nombreuses réunions d’experts internationaux, aux conférences générales organisées par l’UNESCO. C’est aussi pour cet organisme qu’elle rédige le “Manuel pour l’éducation aux droits de l’Homme” intitulé “Tous les êtres humains”. AU SERVICE DE L’ÉDUCATION AUX DROITS DE L’HOMME
Bien que retraitée de l’Éducation nationale depuis 1996, elle poursuit avec encore plus d’implication - sa participation active à l’UNESCO, à la Commission française pour l’UNESCO, etc. Elle garde longtemps, parallèlement, les fonctions de Présidente de grandes associations d’éducation populaire comme la Jeunesse au Plein Air, les Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active (CEMEA), ce qui lui permet de faire prendre en considération dans ces mouvements pédagogiques, les Droits de l’Homme, en particulier les Droits de l’enfant, et l’éducation y afférant.
Actuellement, elle préside le Comité français institué pour la Décennie des Nations Unies (1994-2004) concernant l’éducation aux Droits de l’Homme, elle est vice-présidente du Comité Droits de l’Homme de la Commission française pour l’UNESCO, et préside la fédération départementale (La Manche) de la Ligue des Droits de l’Homme ; ces fonctions lui permettent de poursuivre le travail (entamé en 1982 !) de conception des programmes en Éducation civique, de façon nationale et internationale, de travailler sur la liaison essentielle entre citoyenneté, Droits de l’Homme et éducation. ◗
la parole à
Robert Robert Trocmé est directeur de l’Université d’Été des Droits de l’Homme à Genève. Il nous propose un bilan de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation aux Droits de l’Homme et nous
Bibliographie :
présente les perspectives
Pour une philosophie de l’éducation, Traité des sciences de l’éducation, tome 1 (1969) ; ◗ Pour une pédagogie de l’éveil (1973); ◗ Pour l’expression, Essai de pédagogie de la langue maternelle (1975) ; ◗ Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire, Vers la liberté de parole (1978) ; ◗ L’adolescent dans la vie scolaire (1979) ; ◗ l’Histoire mondiale de l’Éducation, tome IV (en coll., 1981) ; ◗ Naissance d’une autre école (en coll., 1983) ; ◗ L’échec scolaire (1997) ; ◗ Tous les êtres humains, Manuel pour l’éducation aux droits de l’Homme, UNESCO Paris (1998).
de l’année 2005.
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En 1994, dans le sillage de la Conférence mondiale de Vienne, l’Assemblée générale des Nations Unies proclamait à l’unanimité le lancement de la Décennie pour l’éducation aux Droits de l’Homme. Dix années plus tard, les réalisations demeurent modestes par rapport aux objectifs annoncés. Alors que le plan d’action prévoyait la création de commissions nationales chargées de promouvoir l’éducation aux Droits de l’Homme dans tous les domaines, seuls quelques pays se sont livrés à l’exercice, leurs efforts se limitant le plus souvent à formuler quelques recommandations à l’intention du seul secteur éducatif. Le plan prévoyait également la création d’un fonds volontaire pour soutenir les initiatives de la société civile dans les pays les moins favorisés, mais aucun budget d’intervention n’a été alloué au Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme qui devait, en principe, en assurer la gestion. Le manque de ressources exprime toujours une absence de volonté politique et, dans le cas qui nous occupe, il traduit un manque total
Trocmé Vers un droit à l’éducation aux droits de l’homme de vision. Tout se passe comme si la communauté internationale, fascinée par l’urgence, ne voyait dans les Droits de l’Homme qu’un ensemble d’instruments semi-contraignants que l’on brandit face aux États comme un épouvantail alors même que les violations se multiplient. On oublie que la dénonciation, pour indispensable qu’elle soit, intervient toujours trop tard et qu’elle doit être suivie de sanctions pour être dissuasive. On oublie surtout que les Droits de l’Homme, par delà le respect des obligations qu’ils sont censés motiver, sont au fondement d’une culture politique qui valorise la participation et que, pour être effective, la justiciabilité d’un droit doit s’enraciner profondément dans la pratique sociale. A l’approche réactive qui prévaut aujourd’hui, il est grand temps de substituer une approche proactive qui conçoit les droits de l’homme comme revenant, de droit, aux hommes et aux femmes qui composent la société. ÉDUQUER AUX DROITS DE L’HOMME,
c’est vouloir mettre un terme à une confiscation politique et juridique qui a démontré son inefficacité. C’est affirmer que le droit à l’éducation aux Droits de l’Homme doit être au cœur de tout projet éducatif. L’éducation aux Droits de l’Homme ne doit pas être conçu comme un domaine à part dans la mise en œuvre du droit à l’éducation, mais bien comme l’élément central qui garantit la nature universelle de ce droit et sa capacité à transmettre un contenu universel. L’éducation, conçue comme droit de l’homme, ne concerne pas le seul accès au savoir ; elle touche des contenus dont la vocation n’est pas seulement technique ou économique, mais concerne la personne humaine dans sa globalité. Se rapportant à la question centrale de la lutte contre la pauvreté, par exemple, il ne suffit
autres groupes souffrant de discrimination, les pauvres en tant qu’acteurs potentiels du développement humain. UN NOUVEAU PROGRAMME
www.aidh.org
pas de garantir l’accès à l’enseignement primaire pour tous, seul moyen, il est vrai, pour lutter contre l’analphabétisme, pas plus qu’il ne suffit de reconduire des programmes conçus pour combler les déficits qui endiguent les processus de développement. Ces conceptions-là, il y a longtemps que la communauté internationale s’efforce de les promouvoir, avec des moyens insuffisants, certes, et qu’il faudrait voir croître de façon significative. Mais, au-delà des moyens, c’est la méthode qu’il faut revoir. Il ne saurait y avoir de développement sans transferts de compétences, mais le droit ici ne garantit pas seulement la transmission de savoir-faire préexistants, il est aussi la condition de “l’empowerment”, lui-même condition de l’accès à la maturité politique. Lors de sa dernière session, la Commission des Droits de l’Homme a opté pour le lancement d’un Pro-
gramme mondial pour l’éducation aux Droits de l’Homme dont la première phase (2005-2007) sera axée sur les enseignements primaire et secondaire. De nombreuses ONG, qui s’était impliquées pour obtenir le lancement d’une deuxième décennie, ont estimé que ce choix limitait la portée de l’initiative. Au terme de la Décennie, il semblait acquis que l’éducation aux Droits de l’Homme ne concernait pas seulement le secteur de l’éducation formelle pas plus qu’elle ne concernait les seuls groupes professionnels chargés du maintien de l’ordre ou impliqués dans la défense et la promotion des droits humains. L’éducation aux Droits de l’Homme est un élément constitutif de l’éducation tout au long de la vie. Elle est destinée à tous les groupes qui composent la société et plus particulièrement aux groupes vulnérables, telles les populations engagées dans la reconstruction post-conflictuelle, les femmes et
Une lecture attentive de la résolution adoptée par la Commission révèle pourtant que le Programme mondial ne se limite pas à une priorité exclusive. La résolution invite les gouvernements à « poursuivre et étendre la mise en œuvre des programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme dans tous les secteurs » et pose le cadre d’une coopération renouvelée avec la société civile couvrant tous les champs d’activité ouverts par la Décennie. Mais à la différence du plan d’action de la Décennie, auquel on a reproché son côté “fourre-tout”, le Programme mondial procèdera par étapes. En définissant les objectifs minimaux qui devront être atteints par tous dans un délai précis, les étapes successives devraient permettre de mieux circonscrire l’action des gouvernements dans les secteurs jugés prioritaires. Ils devraient en outre être l’occasion de développer des stratégies innovantes en focalisant les énergies. Il reste pourtant que la résolution ne comporte que peu d’indications sur les étapes futures du Programme mondial. D’un certain point de vue, on peut se féliciter que l’agenda demeure ouvert, mais, si l’on prend en compte la propension des États à renier leurs engagements, on peut craindre aussi que le champ d’intervention ne soit au bout du compte réduit. ◗
Robert Trocmé, directeur de l’université d’été des Droits de l’Homme
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agenda
les lectures
Le programme du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère
Civilité Civisme Citoyenneté par R. Gisbert, R. Bergeras et G. Cellier Le livre de ces enseignants grenoblois sera au cœur de la réflexion proposée au public le 12 octobre prochain qui aura pour thème Citoyenneté, démocratie et Droits de l’Homme : vers une culture du débat (Cf. notre Portrait p. 3).
EXPOSITIONS DU MRDI « L’Isère libérée. 20 août 2 septembre 1944 » jusqu’au 8 novembre 2004
« L’Anti-Monument. L’œuvre publique de Jochen Gerz » 25 novembre 2004 28 mars 2005
CONFÉRENCES DU MRDI Aux Archives départementales de l’Isère 2, rue Auguste-Prudhomme 38000 Grenoble
La presse quotidienne grenobloise. septembre 1939 - août 1944. L’information en temps de guerre avec Bernard Montergnole, docteur en Histoire et ancien maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble et Paul Blanc, rédacteur en chef honoraire du Dauphiné Libéré. mercredi 20 octobre 2004 18h30
Histoire et mémoires de la Deuxième Guerre mondiale. Grenoble en ses après-guerre. 1944 - 1964. par Philippe Barrière, professeur agrégé d’histoire, docteur en Histoire contemporaine et membre du service éducatif du MRDI. jeudi 18 novembre 2004 18h30
L’image et son interprétation par Martine Joly, spécialiste de sémiologie de l’image, professeur à l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3. mercredi 1er décembre 2004 18h30
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Éditions du CRDP de Grenoble, 2002, 293 p. 22 € (prix éditeur).
le zoom
Le premier Cahier de la Maison des Droits de l’Homme Les actes des premières Rencontres de la Maison des Droits de l’Homme seront bientôt publiés dans le cadre des Cahiers de la MDH. Disposer des connaissances les plus rigoureuses, les partager et susciter des réflexions communes sur les conditions, ici et ailleurs, du futur de l’humanité, tel est l’objectif des Rencontres de la Maison des Droits de l’Homme. Dans la continuité de cette démarche, il est apparu important de mettre à disposition du public les actes de ces conférences. Ainsi, le premier Cahier de la Maison des Droits de l’Homme paraîtra cet automne. Rassemblant l’ensemble des interventions de la première saison de la Maison des Droits de l’Homme, cette publication abordera les origines des Droits de l’Homme dans les Alpes dauphinoises (Bruno-Marie Duffé, Jean-Clément Martin et Martial Mathieu), le rôle du témoignage dans la construction de la mémoire collective et la place de celui-ci comme contribution à l’interprétation et à la lisibilité du passé (Janine Altounian et Anne-Marie Granet), la commémoration comme repères temporels et spatiaux pour nos sociétés (Philippe Dujardin et Olivier Ihl) et enfin les rôles, les outils et les fonctions historiques de la recherche et de l’enseignement en histoire dans l’édification du citoyen et la lutte contre le négationnisme (Sophie Ernst).
Rolland Gisbert, Roger Bergeras et Gérard Cellier sont enseignants dans des établissements de l’Académie de Grenoble et animateurs de groupes de travail sur le thème de la citoyenneté. Ce guide pour les collèges et les lycées pose la question de l’exercice des principes démocratiques dans la cité scolaire. Les auteurs nourrissent leurs analyses de leurs expériences et proposent des actions à mener. « Une éducation à la citoyenneté moderne se fonde sur la simplicité du principe suivant : admettre la différence de chacun dans le respect d’un contrat établi par tous, et clair pour tous ». Etre citoyen, ce n’est pas un état mais une conquête permanente. Comment appliquer la citoyenneté dans la cité scolaire ? Quels outils sont à la disposition des personnels de l’Éducation Nationale ? Cet ouvrage permet de trouver des éléments pratiques au sein d’une réflexion plus générale sur la possibilité de réaliser dans chaque établissement un projet d’intérêt général qui permette à l’école de remplir toutes ses missions.
Sarajevo, mon amour par J. Divjak, entretiens (avec Florence La Bruyère) Retour sur le livre de Jovan Divjak présenté aux Archives départementales de l’Isère, par l’auteur, le 29 avril dernier, dans le cadre d’une manifestation coordonnée par Le Forum pour la Démocratie dans les Balkans, en partenariat avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, l’Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère et la Maison des Droits de l’Homme. Jovan Divjak incarne l’idéal européen en ex-Yougoslavie et cette volonté de maintenir la “multiethnicité” en Bosnie-Herzégovine, terre qu’il l’a adoptée trente-sept ans plus tôt. Tombé amoureux de Sarajevo, l’homme est pourtant bien serbe d’origine. Il revient ainsi sur l’émergence des nationalismes jusqu’à l’éclatement de la Yougoslavie. Alors que les premières offensives serbes s’amorcent au début de 1992 contre
la Bosnie, Divjak, alors en poste à Sarajevo, n’hésite pas à assurer la défense de la ville. Témoin des atrocités, le chef militaire parle d’une guerre où les civils n’ont jamais été épargnés. Il évoque le “nettoyage ethnique” et ce qu’il qualifie de génocide du peuple musulman de Bosnie. Éditions Buchet-Chastel, 2004, 298 p. 20 € (prix éditeur).
Selon lui, les accords de Dayton « ont entériné le nettoyage ethnique » en permettant la création de nouvelles entités territoriales fondées sur les communautarismes. Très critique à l’égard du plan de paix, Divjak ne cache pas non plus ses craintes d’un nouveau conflit. L’homme n’en est pourtant pas moins actif. En créant au lendemain de la guerre l’association “l’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine”, il souhaite offrir un soutien moral et financier aux orphelins de guerre afin qu’ils puissent poursuivre leurs études malgré la précarité du pays.
histoire de…
Michel Servan, magistrat des Lumières Faisant lien avec les Rencontres consacrées à la justice et à l’évolution du droit pénal international, cette première rubrique dédiée aux événements marquants de l’histoire des Droits de l’Homme et à ces grandes figures, marque un premier temps d’arrêt sur l’existence du dauphinois Michel Servan, qui essaya, en son temps, de proposer une réforme du droit criminel.
Rien ne prédestine Michel Servan à faire une grande carrière de magistrat. D’origine plutôt modeste, ce dauphinois de souche est reçu avocat général au parlement de Grenoble en 1759, à l’âge de 22 ans. Très vite, il s’annonce avec éclat comme un grand disciple des philosophes des Lumières. Il prononce ainsi, lors de la rentrée au parlement en 1763, un discours dans lequel il prône l’utilité de la philosophie qui développe chez les juges l’amour de l’humanité. Mais c’est surtout son Discours sur l’administration de la justice criminelle en 1766 qui lui vaut une grande notoriété. Servan reprend l’idée d’une réforme
du droit pénal que Beccaria venait d’exposer dans son Traité des délits et des peines, réclamant pour l’accusé une plus grande diligence dans l’instruction des crimes, la présence d’un avocat pour l’aider dans sa défense et s’élevant aussi contre l’usage de la torture. Incitant le parlement à la tolérance et à l’équité, ses plaidoyers dans l’affaire Roux contre Robequin vont permettre la reconnaissance d’un mariage protestant devant la justice alors que le culte est interdit en France depuis 1685. Il compte parmi les grands réformateurs qui ont tenté d’introduire plus d’humanité dans l’appareil judiciaire avant la Révolution française.
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agenda
les événements
les brèves
l’exposition “Colombie, voyages pour la paix”
Sur la route...
SEMAINE DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
Du 1er au 16 octobre 2004 A la mairie d’Izeron Contacts : tél. 04.76.38.28.02
“Colombie, voyages pour la paix” Après avoir été présenté au sein de l’espace pédagogique du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère,
Du 18 octobre au 3 novembre 2004 A la mairie de l’Albenc Contacts : tél. 04.76.64.74.16
du 18 au 24 mars dernier, la première exposition de la Maison des Droits de l’Homme entame une itinérance cet automne.
Du 15 novembre au 3 décembre 2004 A Bourg-Saint-Maurice
Du 5 au 16 décembre 2004 Office du tourisme d’Autrans Contacts : tél. : 04.76.95.30.70
Du 17 décembre au 3 janvier 2005 A la mairie de Vif Contacts : tél. 04.76.73.50.50
Cette exposition “Colombie, voyages pour la paix” marque la volonté de porter à la connaissance du public les actions internationales dans un pays qui connaît depuis plusieurs décennies une crise grave. Elle s’organise autour des photographies prises par Fernand Meunier, membre d’Amnesty International, lors de la mission du Comité de solidarité en 2003. Elle a été conçue en partenariat avec Amnesty International, l’École de la Paix, le Secours-Catholique et le Comité Ingrid Betancourt Isère.
L’engagement de plusieurs associations iséroises se traduit par l’accompagnement de populations grâce à un Comité de solidarité avec les Communautés de Paix d’Urabá. Le Comité isérois de soutien à Ingrid Betancourt, figure emblématique parmi les captifs, rappelle cette situation tragique et lutte pour obtenir la libération des otages, autres victimes du conflit armé colombien. Répondant au souhait de rendre accessible cette exposition à l’ensemble des isérois, de nombreuses communes ont souhaité l’accueillir tout au long de l’année. ◗ Pour plus de renseignements : mdh@cg38.fr
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13 novembre - 21 novembre 2004 La 7e édition de la Semaine de la Solidarité Internationale est lancée autour du thème Migration et développement. Associations de solidarité internationale, ONG, collectivités territoriales, établissements scolaires et d’éducation populaire présentent leurs projets, leurs actions en ce domaine. Dans tout le département de l'Isère, des manifestations sont proposées au public : représentations théâtrales, projections de film, expositions, animations jeunesse, spectacles culinaires, concerts et contes, conférences, etc. A cette occasion, une table ronde sur le thème De la solidarité à la coresponsabilité internationale est organisée le 16 novembre aux Archives départementales de l'Isère à 20h30, par l'École de la Paix et le Conseil général de l'Isère, afin de présenter les pratiques actuelles et les perspectives d'avenir en matière de politique de développement. EXPOSITION L’ANTI-MONUMENT. L’ŒUVRE PUBLIQUE DE JOCHEN GERZ
25 novembre 2004 - 28 mars 2005 S’exprimant sur l’actualité des valeurs de la Résistance, lors de sa visite au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère en septembre 1994, Geneviève Anthonioz de Gaulle s’exclama : « La principale résistance qui vaille d’être opposée, aujourd’hui, c’est la résistance à la misère ». Un artiste plasticien de renommée internationale, Jochen Gerz, choisissant de se confronter à la question des “sans domicile fixe”, intervient durant quelques mois sur le parvis de Notre Dame de Paris. Son intervention, à laquelle est associée un groupe de SDF, a lieu plusieurs mois durant, au printemps 2000, sur le parvis de Notre Dame de Paris. Elle a fait l’objet d’une exposition, présentée notamment en Arles en 2001, à l’occasion des Rencontres internationales de la photographie. Jochen Gerz a donné son accord pour qu’elle le soit à nouveau à Grenoble, au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, à l’automne 2004.