Petit journal Couleur sépia

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LE PETIT

JOURNAL NUMÉRO 5 - OCTOBRE 2009

Couleur sépia

L’ISÈRE ET SES PREMIER S PHOTO GRAPHES (1840-1880) du 23 octobre 2009 au 22 mars 2010


Gustave Margain, Victor Muzet L’Isère et le quartier Saint-Laurent à Grenoble 1858 – 1859. Grand format Situé en rive gauche de l’Isère, sur les berges de l’Ile-Verte, le photographe oriente son objectif vers le nord de la ville. Le quartier Saint-Laurent, qui connaît alors une intense activité liée à la ganterie, apparaît ici comme un îlot de calme. Cette impression est renforcée par la majesté du Saint-Eynard et la surface à peine ridée des eaux de l’Isère. Le quai Xavier-Jouvin sera aménagé vers 1865.

L’âge d’or de la photographie

L’invention de Niépce et de Daguerre, en 1839, marque les prémices de la photographie, technique qui permet de fixer durablement une image du réel sur un support. Très vite, ce procédé se diffuse auprès d’amateurs et de professionnels curieux des nouvelles techniques, et rencontre auprès du public un succès considérable qui dépasse le cénacle parisien pour gagner la province. Le Second Empire (1852-1870) voit la floraison de nombreux ateliers photographiques à Grenoble mais aussi à Vienne et à Voiron où la société aisée vient se faire tirer le portrait. Gustave Margain (1826-1907) s’impose comme le portraitiste préféré des Grenoblois. Particulièrement significatif de la période étudiée, ce genre photographique offre une série de clichés qui nous renvoie au


cœur de la société bourgeoise de l’époque. À cette mode du portrait s’ajoute un intérêt croissant pour les sites pittoresques que découvrent les premiers touristes fortunés. Les photographes professionnels s’attachent alors aux prises de vue en plein air à Grenoble, au Bourg-d’Oisans, à Uriage ou à Allevard, à la Grande Chartreuse ou à La Salette... La production photographique de ces pionniers révèle un travail original de création artistique tout autant qu’une parfaite maîtrise d’une technique encore complexe mise au service d’une formidable inventivité du regard. Plus de 270 tirages originaux, issus de collections privées, ont été réunis pour en témoigner. C’est donc une découverte étonnante de l’Isère, au milieu du XIXe siècle, que proposent ces premiers photographes, acteurs de cet âge d’or de la photographie.

Alfred Michaud Les bords de la Rive à Bourg-d’Oisans

entre 1860 et 1870. Moyen format Au dernier plan, les sommets du massif de Belledonne semblent s’ériger comme une imposante barrière, faisant presque oublier les deux personnages du premier plan qui pourtant précisent l’échelle. Le matériel dispersé le long de la berge (roues, tombereau, charrette) paraît indiquer la présence d’un atelier de charron à proximité.

Margain, Muzet et Michaud, l’art du regard C’est aux alentours de 1850 que s’impose la photographie de paysage. Dans cette spécialité, trois professionnels s’illustrent brillamment pour observer et fixer ce qui les entoure avec sensibilité. Pour autant, chaque cliché révèle une originalité propre. Gustave Margain (1826-1907), dessinateur lithographe puis photographe, puise ses références dans les compositions picturales des peintres paysagistes. De son travail émane une certaine quiétude renforcée par l’absence de personnages, le raffinement du point de vue retenu et les délicats dégradés de gris, tandis que Victor Muzet (1828 – après 1885) parie sur les contrastes de tons. Ce dernier, horloger de métier, pose un regard technique sur l’image. Il cadre et pense en photographe, joue avec le noir et le blanc, les lignes franches et les oppositions tranchées. Il est aussi un précurseur de la photographie à visée ethnographique. Alfred Michaud (1828-1890), pharmacien au Bourg d’Oisans, a pour ambition de dresser un inventaire photographique des sites pittoresques. Ses clichés de l’Oisans et du Dauphiné sont remarquables et présentent un caractère documentaire exceptionnel.

Gustave Margain, Victor Muzet Entrée du désert de la Grande Chartreuse, le pont de Fourvoirie

1858 – 1859. Grand format C’est une vision sublime de la gorge sombre et étroite du GuiersMort qu’offrent Margain et Muzet. Autour du grand pont, une lumière presque sans ombre éclaire chaque motif jusqu’au détail : la porte et le pont de Fourvoirie, la conduite d’eau qui alimente les bâtiments de forge, la matière minérale et végétale de la montagne jusqu’aux eaux du torrent qui reflètent les rayons lumineux.


Paysages urbains et vues pittoresques en Isère

Anonyme Alpinistes sur le glacier de la Meije

1881. Moyen format Au centre de la photo, entre les deux guides, se trouve Henry Duhamel.

Anonyme Corps, rue des Fossés

avant 1880. Format album Depuis 1846, Corps est un bourg animé par les pèlerins se rendant à La Salette ; c’est aussi un point de passage pour marchands et voyageurs se rendant vers Gap et le Sud. Les personnages visibles sur cette image paraissent avoir été sollicités pour poser et donner vie au cliché.

Aux côtés de Margain, Muzet et Michaud, d’autres photographes paysagistes prennent leur place dans ce tour de l’Isère en images : Godard et Jager (à Grenoble), Gauthier (à Vienne), Fesser (à la Côte-Saint-André) et plus tard, les amateurs-photographes comme Duhamel qui découvre la haute montagne. Leurs clichés, qui intéressent les sites pittoresques, les stations thermales mais aussi des lieux plus anodins, sont de formats divers : grands et moyens pour les bourses fortunées ; cartes-album ou cartes de visite pour le plus grand nombre. Parmi les images très prisées, il faut citer les cartes stéréoscopiques, d’un coût modéré pour l’acheteur et qui permettent, à l’aide d’un appareil optique, de visionner les paysages en trois dimensions. Les points de vue retenus mettent en scène une nature « habitée », soit par le biais d’un édifice ou d’un ouvrage d’art, soit par la présence discrète d’une silhouette qui donne alors l’échelle… Des exceptions existent, les clichés exaltent alors une nature sauvage, éclatante de beauté, à l’exemple des premières images des sommets alpins. Et si la photographie n’en est pas encore à témoigner, quelques clichés n’en sont pas moins de somptueux documents historiques sur les rues de Grenoble, l’inauguration de l’hôtel de ville de Vienne...

Petit aperçu des premières techniques photographiques Avant la mise au point dans les années 1880 de l’image argentique, de nombreux procédés techniques ont été explorés : l’image unique autour du daguerréotype, du ferrotype, de l’ambrotype, cliché apparaissant positif sur son support, et l’image reproductible autour du procédé négatif-positif. Ce dernier l’a emporté car il permet le tirage d’épreuves en nombre illimité.


Alexis Gauthier Inauguration de l’hôtel de ville de Vienne

1870. Carte de visite La façade principale de l’ancien hôtel de Rachais qui abrite la mairie, est embellie sous le Second Empire d’une galerie à arcades au premier étage et d’un beffroi central. Le cliché a été pris lors des festivités marquant la fin des travaux.

Anonyme Angle de la rue Saint-Louis et de la rue de France à Grenoble

1860. Vue stéréoscopique Un témoignage inédit sur cet îlot qui sera détruit au profit de l’aménagement, à la fin des années 1890, de la rue Félix-Poulat. A droite, au dernier plan, une partie de la façade de l’église Saint-Louis. Une vue ou carte stéréoscopique est constituée de deux photographies presque identiques collées sur un support carton. Regardés à l’aide d’un appareil optique, les deux clichés se confondent en une image en relief.


L’art du portrait

Dès son invention, la photographie trouve dans le portrait son domaine de prédilection. Ceci pour des raisons économiques et sociales : le portrait, jusqu’alors réservé aux personnes pouvant s’offrir les services d’un peintre devient accessible à une clientèle plus vaste parmi la société bourgeoise. En 1856, à Grenoble, s’ouvrent les premiers ateliers photographiques. Margain, qui délaisse les procédés à tirage unique (le daguerréotype) pour s’en tenir au procédé permettant la reproductibilité, a toutes les faveurs. Jouve à Voiron, Pineau à Vizille, Léon à Uriage ont aussi leur renommée. Personnalités connues ou anonymes, hommes, femmes ou enfants en tenues endimanchées, tous prennent la pose dans des décors pompeux et nous plongent dans une frange de la société iséroise encore méconnue. Et si parfois les portraits semblent figés, il faut trouver l’explication dans l’exigence d’un temps de pose particulièrement long.

Charles d’ Hérou Petit garçon accoudé entre 1868 et 1880. Carte de visite La carte de visite est une photographie collée sur un carton à la dimension d’une carte de visite. Son coût modeste permet à tout un chacun de se faire tirer le portrait.

Anonyme Jeune femme aux anglaises entre 1840 et 1860 Daguerréotype colorisé sous verre dans son écrin Premier procédé photographique commercialisé, le daguerréotype est une photographie sur métal, plaque de cuivre recouverte d’argent. Chaque image est unique et, par conséquent, rare. Cet aspect précieux fut parfois souligné par une intervention manuelle du photographe qui coloriait le daguerréotype à l’aquarelle ou à la gouache.


De l’usage d’une photographie pour la presse Avant la généralisation des procédés de reproduction photomécanique, on recourt à différentes astuces pour utiliser les images comme illustrations d’articles de presse ou d’ouvrages. On peut ainsi coller des photographies dans les livres même si le procédé est coûteux ; on sait aussi reproduire avec plus ou moins de fidélité les clichés. En témoigne l’article du journal L’Illustration, consacré à la grande inondation de Grenoble, en novembre 1859. L’article est illustré de deux gravures sur bois, plutôt conformes aux modèles photographiques des vues stéréoscopiques de Victor Muzet ; sauf que le graveur s’est autorisé l’adjonction de personnages en situations plus ou moins périlleuses. L’impression est, avouons-le, toute autre.

Victor Muzet Inondation de Grenoble, du 2 au 5 novembre 1859 : le quai Perrière novembre 1859. Vue stéréoscopique À cette vue est associée une seconde image du quai Stéphane Jay inondé (non reproduite ici) qui a servi à l’illustration de la seconde gravure.

Débordement de l’Isère à Grenoble, d’après des photographies de M. Irvoy L’Illustration, journal universel, n°873, 19 novembre 1859, p. 357 Gravures sur bois : le quai Perrière et le quai Napoléon (actuel quai Stéphane Jay)


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L’Isère et ses premiers photographes (1840-1880) Du 23 octobre 2009 au 22 mars 2010 Entrée gratuite Du lundi au samedi de 9h à 18h (sauf le mardi) Le mardi de 13h30 à 18h Le dimanche de 10h à 19h Fermetures exceptionnelles les 25 décembre, 1er janvier et 1er mai

Parcours pédestre dans Grenoble Samedi 6 mars 2010 à 14h30 Sur les pas des photographes… À la rencontre des lieux et points de vue des premiers photographes. Accompagné par Régis Baron et Isabelle Lazier Durée : 1h30. Gratuit. Sur inscription. Groupe limité à 15 personnes

Ateliers des vacances

Autour de l’exposition Renseignements et réservation au 04 76 03 15 25

Conférences Samedi 28 novembre 2009 à 14h30 Photographier l’Isère, les premiers photographes de paysage en Isère (1840-1880) Jean-Louis Roux Conférence organisée par l’Académie Delphinale et ouverte à tous Jeudi 14 janvier 2010 à 18h30 Identifier et connaître les photographies du XIXe siècle François-Régis Crolard Jeudi 11 février 2010 à 18h30 Se faire tirer le portrait, les premiers ateliers photographiques en Isère (1840-1880) Jean-Louis Roux Les conférences ont lieu dans la salle de conférences des Archives départementales de l’Isère 2 rue Auguste Prud’homme - Grenoble Entrée gratuite, dans la limite des places disponibles

Visites Pour le public individuel - Visite libre tous les jours - Visite commentée le 1er dimanche du mois à 15h30 Durée : 1h30. Gratuit. Sans réservation, dans la limite des places disponibles Pour le public groupe - Visite libre tous les jours. Gratuit Réservation obligatoire - Visite commentée. Tarif selon durée de visite Réservation obligatoire

L’expérience de la lumière pour les enfants de 8 à 12 ans Mercredi 4 novembre 2009 de 14h à 16h Mercredi 30 décembre 2009 de 14h à 16h Mercredi 17 février 2010 de 14h à 16h Inscription préalable obligatoire. Tarif : 3,80 € la séance

Publications Couleur sépia. L’Isère et ses premiers photographes (1840-1880) Ouvrage collectif sous la direction d’Isabelle Lazier et de Jean-Louis Roux, Éditions Libel et Musée de l’Ancien Évêché, 2009, 176 pages, 35 €

D’un musée à l’autre… A découvrir autour du thème de la photographie Exposition L’aristocrate et la chambre noire, Raymond de Bérenger, marquis de Sassenage Musée Hébert à La Tronche Du 23 octobre 2009 au 31 janvier 2010

Le Petit Journal n°5 Octobre 2009 Directeur de la publication : Isabelle Lazier Textes : Cécile Sapin Graphisme de communication : Éric Leprince Conception et réalisation graphique : Jean-Noël Duru Impression : Imprimerie Les Deux-Ponts Musée de l’Ancien Évêché 2 rue Très-Cloîtres à Grenoble Tél. 04 76 03 15 25 www.ancien-eveche-isere.fr www.iserepremiersphotographes.com


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