Petit journal de l'exposition

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LE PETIT JOURNAL

NUMÉRO 7 - AVRIL 2011


Mercantour. Vallée de Fontanalba

Les nuages accrochent le sommet du mont Bego. Au premier plan, les dalles forment les tables de pierre, supports des gravures.

Valcamonica. Capo di Ponte

Deux bovins attelés à un char à quatre roues

5 000 ans d’art rupestre dans les Alpes Photographies Emmanuel Breteau Parler d’art préhistorique revient souvent à évoquer les décors des grottes paléolithiques, comme la grotte Chauvet en Ardèche (30 000 ans). Mais ce mode d’expression ne saurait faire oublier celui plus méconnu présent dans des sites de plein air. Dans les Alpes, l’art rupestre (du latin rupestris : rocher) se caractérise par des gravures réalisées en extérieur sur des grandes dalles ou sur des blocs isolés, situés en fonds de vallées ou dans des sites d’altitude. Ces motifs piquetés dans la pierre ont été réalisés entre le Néolithique final (3 200 av. J.-C.) et la fin de l’âge du fer (1er siècle av. J.-C.). Le sujet serait resté l’apanage des spécialistes si un photographe isérois, Emmanuel


Breteau, n’avait imaginé comprendre et révéler au plus grand nombre ces pétroglyphes. Dix ans lui ont été nécessaires pour parcourir les Alpes et figer sur la pellicule des milliers de gravures. Ce travail exceptionnel propose pour la première fois une vision globalisante des pierres gravées, éclairées dans leur compréhension par les recherches des archéologues et des ethnologues. À travers une sélection de soixantequatre images, cette exposition invite à un voyage entre France, Suisse et Italie à la découverte des témoignages de vie et de croyances des premiers Alpins.

Savoie. Aussois

Cette scène évoque un mouton attaqué par un loup, lui-même traqué par un berger.

(Savoie) avec mille roches travaillées et au Valcamonica (Lombardie) où 300 000 pictogrammes ont été mis au jour. Ces centaines de milliers de figures incisées dans la roche témoignent de l’évolution des cultures alpines avant la romanisation et la christianisation. Les thèmes figuratifs évoquent les préoccupations et le quotidien des hommes sur près de quatre millénaires. Ils sont chasseurs puis éleveurs comme en témoignent les dessins animaliers (cerfs, chevaux, bovins), agriculteurs (scènes de labours), puissants guerriers disposant d’armes en métal (poignards, hallebardes) mais aussi danseurs… Plus délicate reste la lecture de certaines figurations comme les hommes en prière (les orants), les motifs géométriques (les réticulés : surfaces rectangulaires divisées en cases) ou encore les pierres à cupules très répandues dans l’art rupestre mondial. De grands spécialistes se penchent sur le sens profond de ces gravures. Qui en étaient les auteurs ? À qui s’adressaientils…? Tous témoignent que ce mode d’expression des gens de la montagne relève, au-delà de la simple trace, de pratiques magico-religieuses attachées aux représentations du monde et de ses divinités. Il illustre aussi la parfaite maîtrise de l’art de la gravure développé par les peuples alpins.

Un patrimoine artistique à l’échelle des Alpes Dans l’arc alpin, les sites d’art rupestre sont nombreux. Au pied du mont Bego (Mercantour), le vallon de Fontanalba et la vallée des Merveilles abritent un ensemble de près de 40 000 gravures datées de l’âge du bronze. Mais des ensembles ont aussi été découverts en Piémont et en vallée d’Aoste, en Valais ou, plus proche de nous, en Ubaye. Deux lieux sont à signaler par l’importance de leur corpus gravé : en Haute-Maurienne

Valcamonica. Capo di Ponte

Hommes en position d’imploration, souvent appelés orants


Les gravures révélées par la photographie Les figures rupestres sont difficilement visibles en lumière du jour. Seul un éclairage rasant peut trahir, par l’ombre portée, le trait dans la roche. L’érosion naturelle a fait perdre à ces dessins piquetés de quelques millimètres de profondeur, une part de leur relief. L’objectif de l’artiste n’était rien moins que de restituer, avec la plus grande lisibilité, les figures en partie effacées et suggérer, par le jeu de l’ombre et de la lumière, la précision et la puissance évocatrice du motif. Pour «saisir» ces images, il a créé des conditions de studio, opérant de nuit dans les «sanctuaires» d’altitude, muni d’éclairage artificiel pour capturer les signes dans leurs moindres détails et contraindre les images à se révéler. Travail difficile, lié aux aléas du temps et des saisons… Cette œuvre fait date dans la série des travaux développés, depuis le 19e siècle, sur ces ensembles gravés. On retient la perception novatrice du sujet saisi dans une dimension territoriale élargie qui suggère comparaisons et rapprochements, et aussi la grande qualité esthétique des images qui favorise la compréhension de cet art préhistorique. Mais par-dessus tout, il faut souligner l’extrême richesse intellectuelle de ce travail imaginé par Emmanuel Breteau, situé à la frontière entre démarche artistique et savoirs scientifiques constitués.

Savoie. Aussois

Un guerrier brandissant une épée

Valcamonica. Capo di Ponte

Danseurs ou hommes au combat ?

Valcamonica. Capo di Ponte

Ce rocher, intitulé «I Massi di Cemmo», est à l’origine de la découverte de l’art rupestre dans la vallée en 1909. Représentation d’animaux



Creux ou relief ?

Valcamonica. Capo di Ponte

Orant représenté de façon symbolique

Lumière en bas à droite

Il arrive que le motif gravé en creux soit perçu en relief. Cela dépend de la provenance de la source lumineuse au moment de la prise de vue. Notre cerveau, qui interprète le relief en fonction d’une lumière venue d’en haut, distinguera en creux une gravure ainsi éclairée. À l’inverse, cette même gravure sera perçue en bosse avec une lumière venue d’en bas. À l’appui de cette explication, voici une démonstration avec deux copies d’une même image dont l’une à la tête en bas. Emmanuel Breteau a composé avec les contraintes des reliefs rocheux et a cherché le meilleur emplacement pour poser son éclairage par rapport à son sujet : soit en haut à gauche ou à droite, soit en bas à gauche ou à droite. D’une photographie à l’autre, notre œil perd ses repères et nous restitue ce qu’il croit voir et non la réalité du relief du schéma gravé.

Lumière en haut à gauche

Emmanuel Breteau

Emmanuel Breteau

lors de prises de vues dans le Valcamonica Cliché Claude Breteau

Originaire de la région parisienne, Emmanuel Breteau s’installe à Grenoble en 1986. La photographie lui permet de découvrir la montagne d’une façon originale. Il devient photographe professionnel avec un intérêt marqué pour les paysages et les gens qui les habitent, mais aussi pour les thématiques liées aux territoires. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont un, en collaboration avec Nathalie Magnardi, Roches confidentes, dessins et témoignages gravés de la vallée des Merveilles du Moyen Âge à nos jours, Éditions Images en manœuvre, 2005, qui souligne l’intérêt très vif qu’il porte à tous les genres de graffitis.


Mercantour. Vallée des Merveilles

Le «sorcier», au visage barbu et aux bras levés brandissant deux lames de poignards, pourrait être la représentation du dieu-taureau, maître de l’orage.

D’un musée à l’autre… À découvrir au Musée dauphinois du 22 avril 2011 au 2 juillet 2012 En 218, à la tête d’une armée de mercenaires montés sur des éléphants, Hannibal Barca (247-183 av. J.-C.) débute un long voyage de l’actuelle Tunisie jusqu’en Italie avec pour but ultime la destruction de Rome. Son périple - et notamment le passage des Alpes - donne lieu aujourd’hui encore à de nombreuses polémiques. À la lumière de sources multiples, l’exposition esquisse le portrait de ce personnage controversé et illustre cette épopée par la présentation d’une riche collection d’armements, complétée par des reconstitutions animées des stratégies militaires. Musée dauphinois, 30 rue Maurice Gignoux à Grenoble, tél 04 57 58 89 01 Pour en savoir plus : www.musee-dauphinois.fr


Roches de mémoire 5000 ans d’art rupestre dans les Alpes Photographies Emmanuel Breteau Du 22 avril 2011 au 9 janvier 2012 Entrée gratuite Attention ! Les horaires du musée changent… Jusqu’au 30 avril 2011 Du lundi au samedi de 9h à 18h Le mardi de 13h30 à 18h Le dimanche de 10h à 19h À partir du 2 mai 2011 Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 9h à 18h Mercredi de 13h à 18h Samedi, dimanche de 11h à 18h Fermeture exceptionnelle les 25 décembre, 1er janvier et 1er mai

Les Grisons. Carschenna

Association de cupules, cercles concentriques et sillons

Autour de l’exposition Renseignements et réservations au 04 76 03 15 25 Pour en savoir plus : www.ancien-eveche-isere.fr Des conférences Des ateliers des vacances pour les enfants de 8 à 12 ans Des visites guidées pour le public individuel et le public groupe Une publication Roches de mémoire. 5000 ans d’art rupestre dans les Alpes. Photographies et coordination Emmanuel Breteau. Éditions Errance, Musée de l’Ancien Évêché, 2010, 241 pages, 39 euros.

Le Petit Journal n°7 Avril 2011 Directeur de la publication : Isabelle Lazier Textes : Isabelle Lazier, Cécile Sapin Photographies : Emmanuel Breteau (sauf mention spéciale) Conception graphique : Jean-Noël Duru Imprimerie : Les Deux-Ponts, Bresson (38) Musée de l’Ancien Évêché 2 rue Très-Cloîtres à Grenoble Tél. 04 76 03 15 25 www.ancien-eveche-isere.fr


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