ÉDITION SPÉCIALE - MAI 2016
Exposition enrichie et prolongée Jusqu’au 28 août 2016 Entrée gratuite
Un fonds photographique inédit
Un chemin de campagne Lieu non localisé
Circulation sur le pont de la Citadelle Grenoble On distingue, au second plan, au centre, la tour de l’Île.
L’œuvre photographique de Joseph Apprin aurait pu disparaître, à l’exemple de dizaines de fonds de photographes amateurs, si un galeriste parisien n’avait acheté à un particulier, en Savoie, un ensemble de six cent quarante plaques de verre, revendu ensuite à un collectionneur grenoblois, critique d’art et fin connaisseur de l’histoire de la photographie régionale, Jean-Louis Roux. Ces images étaient silencieuses lorsqu’elles ont retenu l’attention du musée. Une dizaine de tirages papier permettaient d’apprécier leur qualité, et l’observation attentive de quelques négatifs de localiser à Grenoble et en Isère ces vues faites au tournant du 19e siècle.
Paysage des bords du Drac Grenoble, aux abords de l’actuel pont du Vercors Le regard se pose un instant sur la silhouette immobile de la drague à godets avant de s’enfuir vers le Néron et le massif de la Chartreuse.
Joseph Apprin en costume de greffier Lieu non localisé
À
l’issue d’un travail de recherches historiques et documentaires, ce fonds photographique a livré une partie de son mystère et donné sens et vie aux images qui constituent désormais, au-delà de leur qualité artistique, de précieux témoignages sur l’Isère et Grenoble au début du 20e siècle. Son auteur est Joseph Apprin (18591908), greffier de justice à Grenoble, dont l’épouse est issue d’une famille aisée de la bourgeoisie locale. Cette aisance financière a permis de toute évidence à notre greffier de laisser libre cours à sa passion pour la photographie, qui est alors un passe-temps onéreux, réservé à une élite. Quelques scènes ont permis de dater la période des prises de vue entre 1890 (construction du pont de la Porte-de-France) et 1908 (année du décès du photographe).
J
oseph Apprin aime sa ville et sa couronne de montagnes qui forme un arrière-plan calme et serein. Parmi ses thèmes de prédilection figurent les eaux vives, non pas par le biais des flots torrentiels, mais plutôt à travers l’infinie variété des activités qui se développent autour d’elles. Les rives du Drac, saisies entre Grenoble et Fontaine, sont un de ses lieux de prédilection. Ainsi, cette rivière est un site de baignade pour les enfants mais aussi une carrière à ciel ouvert pour l’extraction du gravier. De la drague à godets amarrée à la rive jusqu’aux convois attelés qui charrient le précieux matériau vers les chantiers de construction, il nous livre un témoignage unique de cette activité qui disparaîtra dans les années 1950. Sur la route de la Bérarde Saint-Christophe-en-Oisans Au dernier plan, on devine le sommet enneigé de la Tête des Fétoules.
1890 est aussi l’année où il adhère à la prestigieuse Société dauphinoise d’amateurs photographes (SDAP). Il en est un membre actif, participant à l’administration de celle-ci mais aussi aux nombreuses sorties collectives qui sont, pour ces amoureux de la chambre noire, autant d’occasion de travailler sur le motif. Pourtant, de ces clichés réalisés aux côtés d’Émile Duchemin, d’Henri Ferrand…, il n’en reste pas ou peu de traces dans le fonds de la SDAP conservé à la Bibliothèque municipale de Grenoble. La production de notre artiste ne devait sans doute pas répondre aux critères académiques d’une bonne, voire d’une excellente photo de paysage. Les cent onze images sélectionnées pour l’exposition témoignent de la diversité du travail photographique, de l’originalité et de la modernité du regard de Joseph Apprin. À l’heure où ses confrères de la SDAP rivalisent de talent pour réaliser des vues esthétisantes de paysages isérois,
notre photographe s’intéresse à la vie de ses contemporains. Au centre de ses images, il y a en effet l’humain : l’enfant, l’adulte, l’ouvrier, le paysan, l’homme de la rue…, et ce regard, fort peu en vogue à cette époque dans la photographie, préfigure de quelques dizaines d’années la production célébrée aujourd’hui dans le monde entier de la photographie humaniste.
Ce sont les eaux, encore, qui le conduisent à immortaliser le bac à traille transportant hommes et charrettes entre les deux berges de l’Isère, ou encore le chantier de construction du pont de la Portede-France dont il retient les ouvriers au travail, rares images pour cet ouvrage d’art dont la photographie a célébré jusqu’ici l’architecture inspirée d’Eiffel. Il faut citer encore des images à la destination mystérieuse : celles des chars d’une cavalcade à Grenoble, ou encore une vue stéréoscopique des obsèques solennelles de Mgr Fava, évêque de Grenoble. Pour qui réalisait-il ces clichés ? La question mérite d’être posée.
Jeu d’enfants à la brouette Lieu non localisé
Une baignade dans le Drac Grenoble
Le bac à traille Saint-Martin-d’Hères, la Croix-Rouge Le bac relie les berges de la Croix-Rouge, à Saint-Martin-d’Hères, à celles de La Tronche. Le bateau est composé d’une coque à fond plat sur laquelle est installée une plateforme destinée aux passagers, aux charrettes et au bétail. Labours dans la plaine grenobloise Grenoble, quartier des Eaux Claires ou du Rondeau L’attelage de vaches tire la charrue pour le labour, tandis que le cheval passe peut-être la griffe.
J
oseph Apprin fait tout autant preuve de modernité dans les images de l’album familial. Aux scènes un peu figées du repas dominical où tout le monde pose, y compris Monsieur le curé, s’ajoutent des images enjouées où ses propres enfants sont mis en scène. Ainsi, notre photographe imagine des saynètes tout à fait incongrues où l’on voit le petit Pierre perché au sommet d’un escabeau, ou la petite Marie coiffée d’un chapeau orné d’une plume de paon.
Pierre Apprin sur un escabeau Lieu indéterminé Le petit Pierre, vêtu d’une chemise à carreaux et d’une cravate à pois, escalade fièrement l’escabeau du jardinier. Une image pleine de facéties.
Après le repas du dimanche, le café Lieu non localisé
La petite Marie au chapeau à la plume de paon Lieu non localisé Joseph Apprin, son père, lui a dessiné à la craie, au sol, l’espace dans lequel elle doit se tenir pendant la prise de vue.
On l’a compris, les images de Joseph Apprin ne permettent pas de réécrire l’histoire de Grenoble. Elles n’en constituent pas moins de précieux repères sur des moments, des instantanés, de la vie quotidienne à la fin du 19e siècle, et témoignent de l’évolution du regard qu’un photographe amateur pose sur son temps et sur le monde qui l’entoure.
Ancien quartier des halles Grenoble Un marché au cœur de ce quartier qui se situerait aujourd’hui aux environs de la rue de la République.
Défilé des sapeurs du 4e régiment du génie aux environs de la place de la Bastille Grenoble Les militaires, vêtus de la capote et coiffés du képi, sont armés d’un fusil Lebel, modèle 1886-1893, arme standard des troupes à pied à cette période.
De la trouvaille photographique à l’aventure humaine La découverte du fonds photographique
de Joseph Apprin relève d’un concours de circonstances exceptionnel : une conjonction humaine où chacun fut là où il fallait, au bon moment. Un antiquaire savoyard débusque plusieurs centaines de plaques de verre ; un marchand de photographies parisien achète ce fonds ; un collectionneur isérois reconnaît son département dans ces négatifs et en fait l’acquisition ; une directrice de musée s’enthousiasme pour leur intérêt patrimonial au point d’envisager une exposition ; un jeune historien se jure de découvrir l’identité de l’auteur de ces clichés… et y parvient ; un photographe professionnel consacre plusieurs mois à « nettoyer » ces négatifs et à en tirer des épreuves saisissantes : oui, il fallut toutes ces bonnes fées pour que Joseph Apprin sorte de l’anonymat et que l’exposition Le spectacle des rues et des chemins voie le jour et atteigne au succès.
Concours de boules à l’Esplanade Grenoble
M ais l’aventure ne s’arrête pas là… En donnant à découvrir les images d’Apprin, toute une mémoire régionale a repris vie. Les visiteurs de l’exposition se sont emparés de cette histoire, ajoutant leurs petites pierres à l’édifice. Une passionnée de généalogie a même retrouvé la tombe de Joseph au cimetière Saint-Roch de Grenoble ! L’effervescence autour de l’exposition a permis de mettre au jour une vingtaine de nouveaux négatifs de Joseph Apprin… et de retrouver la trace de Jacques et Marie-Jeanne Apprin, les propres petits-enfants de Joseph, lesquels ont conservé intact le souvenir de ce grandpère photographe qu’ils n’ont pourtant pas connu de son vivant.
Concours de boules à l’Esplanade Grenoble
Une classe de filles Lieu non localisé Sans doute une des premières photographies de classe pour cette école de campagne.
L’
enthousiasme du public pour l’œuvre de Joseph Apprin et les trouvailles qui ont accompagné l’exposition nous ont conduits à la prolonger et à l’enrichir notablement. Dix nouvelles photographies inédites, dont des autoportraits particulièrement facétieux, sont présentées dans le parcours de l’exposition. Sont aussi divulgués les albums photographiques originaux de Joseph Apprin, généreusement prêtés par la famille. Enfin, de nombreux cartels explicatifs ont été actualisés, grâce notamment aux précisions fournies par les visiteurs du musée.
Le nouveau quai de l’Isère à l’Île Verte Grenoble Un point de vue inattendu sur une petite famille qui nous tourne le dos mais incite notre regard à traverser l’Isère pour découvrir en rive droite les pentes du Rachais et, au dernier plan, le Saint-Eynard et la Chartreuse. La Tronche compte déjà de belles demeures.
Nul doute que Joseph Apprin aurait été heureux de cette trouvaille photographique doublée d’une aventure humaine, lui qui n’aimait rien tant que de photographier son prochain !
Foire-exposition à l’Esplanade Grenoble L’Esplanade est un lieu où se déroulent de grandes manifestations : parades militaires, concours de boules, mais aussi les foires qui attirent chaque année un public nombreux.
Memento mori (souviens-toi que tu es mortel) Joseph Apprin se met en scène dans une interprétation facétieuse de saint Jérôme en méditation.
Le jardin du
Autoportraits Un photographe qui ne manque pas d’humour.
Le spectacle des rues et des chemins Joseph Apprin Photographies, 1890-1908 Exposition enrichie et prolongée Jusqu’au 28 août 2016 Entrée gratuite Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 9h à 18h Mercredi de 13h à 18h Samedi, dimanche de 11h à 18h Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Autour de l’exposition
Des visites guidées pour le public individuel et les groupes À suivre sur www.ancien-eveche-isere.fr Ou renseignement au 04 76 03 15 25
Le Petit Journal - Édition spéciale - Mai 2016 Directeur de la publication : Isabelle Lazier Coordination : Cécile Sapin Textes : Isabelle Lazier et Jean-Louis Roux Collection : Jean-Louis Roux Traitement des clichés : Jean-Luc Aufradet (studio Agne) Conception et réalisation graphique : Jean-Noël Duru Impression : Imprimerie Grafi, Fontaine (38)
Deux publications
Le spectacle des rues et des chemins. Joseph Apprin. Photographies 1890-1908, Éditions musée de l’Ancien Évêché, 2015, 120 pages illustrées, réimpression mai 2016. Le Petit Journal de l’exposition, édition spéciale «Exposition enrichie et prolongée», 12 pages, gratuit, disponible à l’accueil du musée.
2, rue Très-Cloîtres à Grenoble Tél. 04 76 03 15 25 www.ancien-eveche-isere.fr