Résistance & Droits de l'Homme n°1

Page 1

n°1 novembre 2005

[

Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme

]

RÉSISTANCE

& DROITS DE L’HOMME

édito

L’exposition du 10 au 28 novembre 2005 L’histoire de la Shoah est aujourd’hui connue grâce à la multiplication des témoignages et au travail des historiens. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère tel qu’il est inauguré en 1994 est relativement pauvre en informations sur le sort des Juifs en Isère pendant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, il saura intégrer les progrès de l’historiographie à ses présentations. Ainsi, suite à l’exposition Etre Juif en Isère de 1939 à 1945, inaugurée en 1997, un espace consacré à ce même sujet vient compléter les présentations de longue durée en 2001, tandis que la rénovation de la salle de la Déportation est prévue en 2006. Par ailleurs, l’histoire de la mémoire de la Shoah a également été explorée au gré des conférences et des partenariats : Annette Wieviorka, encore à Grenoble en septembre dernier, Georges Bensoussan, Philippe Mesnard et Philippe Barrière sont quelques-uns des conférenciers qui se sont exprimés sur ce sujet. Or, en cette année du 60e anniversaire de la découverte des camps, jamais la mémoire de la Shoah n’a été aussi présente sur la scène publique, poursuivant en cela un mouvement amorcé depuis les années 1980 …/…

En demandant, en décembre 2001, à l’équipe du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère d’instruire le projet d’une Maison des Droits de l’Homme, nous avions déjà lié très étroitement la future maison au musée. Au fil des rencontres, des échanges, des débats et des publications, la relation est devenue tellement évidente qu’il est maintenant inconcevable de les dissocier l’un de l’autre. Les valeurs de la Résistance ne peuvent être disjointes, en effet, de celles des droits de l’Homme proclamés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale par les Nations-Unies. Intitulé précisément Résistance & Droits de l’Homme, ce nouveau journal vient confirmer cette relation. Grâce à la valorisation culturelle et pédagogique de la mémoire et de l’histoire, les motifs pour lesquels des hommes et des femmes sont entrés en Résistance, sont ainsi mis en connection directe avec la défense des droits fondamentaux de la personne humaine. Les résistants et les déportés, fondateurs du musée, qui tenaient à ce que leur histoire aide les générations suivantes à éviter les périls auxquels ils furent eux-mêmes confrontés, sont ainsi exaucés. Gratuit, comme le sont tous les musées départementaux depuis le 1er janvier 2004, ce journal accompagnera désormais chacun des événements dont le Musée de la Résistance et de la Déportation / Maison des Droits de l’Homme sera le cadre. Ce premier numéro vient ponctuer le soixantième anniversaire de la libération des camps par une réflexion sur la transmission de la mémoire de la Shoah, autour des travaux et de l’exposition de Yad Layeled. Nous sommes reconnaissants au centre culturel juif de Grenoble de l’avoir proposé et nous nous souvenons du message de Primo Levi « L’homme est et doit être sacré pour l’homme, partout et toujours ». Une phrase qui nous rappelle, s’il en était encore besoin, que Résistance & Droits de l’Homme sont inséparables, définitivement. André Vallini Président du Conseil général Député de l’Isère

1


l’expo

En présentant « Et tu le raconteras à tes enfants... », exposition itinérante réalisée par le Musée Yad Layeled en Israël et accueillie avec le partenariat du Centre culturel juif de Grenoble, le Musée s’intéresse, cette fois, à la mémoire de la Shoah, telle qu’elle s’est développée en Israël. L’exposition retrace en effet l’histoire de la fondation de l’un des premiers lieux de mémoire de la Shoah en Israël : la Maison des combattants des ghettos (Beit Lohamei Haghetaot). En avril 1949, à l’occasion du 6e anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie, un groupe de survivants des mouvements de jeunesse de Pologne et de Lituanie fondent en Galilée, un lieu de mémoire et de vie dédié à tous ceux qui ont disparu dans la Shoah : Lohamei Haghetaot, le musée et le kibboutz des Combattants des Ghettos. Pour ces résistants, parmi lesquels figurent des personnalités emblématiques de la

Résistance juive comme Zivya Lubtkin et Yitzak Zukerman, cette création s’inscrit dans un double projet : construire une société nouvelle, pleine de vitalité et élever un monument commémoratif à la mémoire de leurs familles et de leurs communautés d’origine disparues.

Lohamei Haghetaot

La volonté de s’adresser aux plus jeunes se concrétise en 1995 par la création de Yad Layeled, musée mémorial dédié au million et demi d’enfants juifs assassinés pendant la Shoah et destiné spécifiquement aux enfants. Ainsi, l’exposition “Et tu le raconteras à tes enfants...” est-elle une réalisation de l’équipe de Yad Layeled. Elle est conçue pour être exploitée par les enseignants du primaire, en lien avec une mallette pédagogique qui, reprenant la démarche du Musée, permet aux élèves de découvrir des destins individuels d’enfants pendant la Shoah. Outre les deux musées, l’ensemble Beit

La mémoire de la Shoah en Israël Lorsqu’en 1949, des résistants rescapés du ghetto de Varsovie fondent, en Galilée, le kibboutz des combattants des ghettos, un Israélien sur trois est alors un survivant de la Shoah. Pourtant, tout comme en France, ceux-ci doivent affronter l’incompréhension de la société dans laquelle ils tentent de s’insérer. L’attitude de la population à leur égard est faite d’un mélange de mépris - ne se sont-ils pas laissés conduire « comme des moutons à l’abattoir » ? -, de pitié devant leurs malheurs et de culpabilité, le Yishouv (le foyer juif en Palestine avant la création de l’Etat d’Israël, en 1948), n’ayant rien pu faire pour empêcher l’extermination des Juifs d’Europe. Les survivants, eux-mêmes, tout en s’organisant en associations, veulent se fondrent dans la population et devenir de parfaits Israéliens.

Le procès d’Adolf Eichmann. Jérusalem, 1961

Ce n’est donc pas un hasard si l’un des premiers lieux de mémoire consacré à la Shoah en Israël valorise la résistance des Juifs face au nazisme. Là encore, on note une similitude avec la France, où l’expérience concentrationnaire n’est acceptable pour l’opinion que si elle est le prolongement d’une activité de résistance. En 1959, est votée la loi portant création de la Journée du Souvenir et de l’Héroïsme. En accord avec l’idéal sioniste, l’Etat israélien entend avant tout valoriser la mémoire combattante et résistante, plutôt que celle des victimes. Mais, en 1961, se déroule un événement qui va donner à la mémoire de la Shoah une orientation totalement nouvelle. C’est en effet en avril que s’ouvre à Jérusalem le procès du SS Adolf Eichmann, responsable de la mise en œuvre de l’extermination des Juifs d’Europe. Pour Israël, il s’agit de faire de ce procès un “Nuremberg” juif. Cent-dix témoins sont convoqués à la barre. Pour la première fois, la parole des rescapés est entendue de tous. L’impact tant en Israël qu’en Europe et aux Etats-Unis est considérable. A la vision massifiée de la Shoah (les “6 millions” de morts) qui l’emportait jusque-là, se substitue l’idée que les victimes et les rescapés sont des personnes singulières porteuses d’une histoire qui leur est propre. Aux yeux des Israéliens, ces rescapés constituent désormais le seul lien qui demeure avec la culture juive anéantie. Cette conception prévaut toujours en 1995, lorsque Yad Layeled (mémorial des enfants) est inauguré, à proximité de la Maison des combattants des ghettos. Ainsi, sur un même site, se dressent à la fois un musée qui exalte la vaillance et un mémorial dédié aux enfants, victimes “absolues” de la Shoah. Entre les deux, 46 ans se sont écoulés. ◗

2


14, rue Hébert

Une maison dans un musé e chronologie... 1963 Création du Comité du Musée de la Résistance dauphinoise 1966 Inauguration (14, rue J.J. Rousseau) du Musée de la Résistance Dauphinoise 1970 Le musée prend le nom de Musée de la Résistance et de la Déportation 1986 Le Conseil général de l'Isère accepte de prendre le relais et de mettre à l'étude la création d'un musée départemental 1990 Création d'un conseil scientifique, composé pour moitié d'anciens Résistants et Déportés, représentants de l'association du Musée et pour l'autre d'historiens, afin de discuter et d'approuver le programme muséographique du futur musée. 1993 Exposition de préfiguration au Musée dauphinois : Les années noires - La répression à Grenoble pendant l'occupation 1994 (1er juillet) Inauguration (14 rue Hébert) du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère dans le cadre du cinquantenaire de la Libération 1999 L'association du musée devient l'Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère 2001 (décembre) A la demande du Conseil général, le projet d'une Maison des Droits de l'Homme (MDH) est instruit au sein du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère (MRDI), 2002 (27 février) Présentation du projet de la MDH aux associations de l'Isère 2002 (16 novembre) Mise en place du Conseil consultatif de la MDH 2003 (15 février) Rencontres de la MDH au musée de la Révolution française en présence de représentants de la Marche des femmes 2003 - 2005 Poursuite des rencontres de la MDH, édition des cahiers de la MDH, lancement d'un site Internet et d'un bulletin communs au Musée et à la Maison : Résistance & Droits de l'Homme

De l'important travail de négociation, mené de 1990 à 1994 dans le cadre du Conseil scientifique du MRDI, résulte l’engagement de privilégier : 1– l'approche chronologique, en raison de la priorité à donner à la pédagogie, 2– les spécificités iséroises de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, 3– l'actualité des valeurs de la Résistance. Ces choix ont engagé durablement la politique pédagogique et culturelle du musée. Ainsi, à la question souvent posée “Pourquoi le musée ne dénonce-t-il pas aussi le stalinisme et les goulags ?” la réponse est claire : il ne l’exclut pas mais n’y accorde pas de place, dans ses présentations de longue durée, parce que ce n'est pas à ces maux-là que la Résistance iséroise s’est affrontée, mais au nazisme, au fascisme et à la collaboration du gouvernement de Vichy. A l'autre question, elle aussi souvent formulée, de savoir “Pourquoi le musée se mêle-t-il de l'actualité, au lieu de se contenter de l'Histoire ?”, il suffit de se reporter à la volonté des résistants et des déportés qui se sont exprimés lors de la préparation du programme du musée départemental : “Plus jamais ça !”. Gustave Estadès, l’un des fondateurs du musée, avait souhaité lui-même voir figurer ces trois mots en lettres géantes dans l'entrée du futur musée. Force est de le constater : lorsqu’une discussion s'engage

avec des élèves, au musée, elle débouche invariablement sur l’actualité du monde d’aujourd’hui. C’est ainsi, parce que le musée a pour mission de mettre en évidence l’actualité des valeurs de la Résistance, que la décision du Conseil général de l’associer à une Maison des Droits de l’Homme entre en parfaite cohérence avec les objectifs que lui avaient donnés ses fondateurs. On sait ensuite, comment de 2003 à 2005, des rencontres se sont succédées, afin de partager le projet de la MDH et de le doter de réflexions fondatrices. Les Cahiers de la MDH sont là pour en rendre compte. « On peut imaginer qu'à côté de ces dialogues “savants”- disait déjà Maryvonne David-Jougneau, le 27 février 2002 - les conflits interculturels de la région puissent trouver aussi dans cette Maison un lieu d'accueil où des médiateurs, animés du même esprit, aideraient à mettre en œuvre la reconnaissance de l'Autre au sein d'une citoyenneté qui a, elle aussi, ses règles à respecter et à faire respecter. On peut ainsi concevoir la Maison des Droits de l'Homme comme un lieu de formation permanente à la citoyenneté, citoyenneté française et européenne, mais aussi à la “citoyenneté planétaire” dont nous parlent certains penseurs qui vont déjà plus loin dans l'Utopie ». Le dialogue entre Résistance & Droits de l’Homme, dont le musée-maison est désormais le cadre, devrait permettre de réaliser cet objectif. ◗

3


colloque

Quel avenir pour les Musées de la Seconde Guerre mondiale dans les Alpes occidentales ? Inéluctablement, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale s’éloigne. Que vont devenir les musées, centres d’histoire et lieux de mémoire dédiés à la Résistance, la Déportation ou, plus largement, à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ? Pour répondre à cette question, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, l’association des amis du Musée et l’Institut d’histoire de la Résistance et de la Société contemporaine “Giorgio Agosti” de Turin (Istoreto) ont voulu partager leurs expériences, confronter leurs positions et connaître l’opinion de quelques experts. ◗ les 23 et 24 novembre à Turin, au Museo diffuso della Resistenza, della Deportazione, della Guerra, dei Diritti e della Libertà ◗ les

25 et 26 novembre à Grenoble, à la Maison des Sciences de l’Homme - Alpes, sur le campus universitaire.

C’est à Pascal Estadès, président de l’association des Amis, héritière de l’association des membres fondateurs du Musée, que revient l’initiative de ce colloque. Confrontée à la disparition progressive des témoins, l’association s’interroge sur les valeurs que défendront ces musées et sur la nécessaire articulation entre résistance d’hier et résistances d’aujourd’hui. Par ailleurs, le colloque est une nouvelle étape d’un fructueux partenariat transfrontalier entre le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère et l’Institut d’histoire de la Résistance et de la Société contemporaine de Turin (Istoreto). Cette coopération remonte à 2003. Il s’agissait alors, dans le cadre du programme Interreg Mémoires des Alpes / Memoria delle Alpi, 1939-1945" et en lien avec des partenaires issus des départements alpins et de Suisse, de proposer, au moyen d’une exposition, une histoire commune de la Seconde Guerre mondiale à l’échelle des Alpes occidentales. Bilingue, “Alpes en guerre, Alpi in guerra. 1939-1945” a été présentée simultanément des deux côtés des Alpes : à Grenoble, Chambéry, Turin et dans le Val d’Aoste. Pour Ersilia Alessandrone Perona, directrice

de l’Istoreto, le colloque est l’occasion de comparer la situation des musées de la Résistance et de la Déportation des deux côtés des Alpes occidentales. Car les différences sont évidentes. Tandis qu’en France, ces musées existent depuis parfois plusieurs décennies grâce aux efforts des témoins et à l’appui des institutions régionales et locales, en Italie les conflits des mémoires, les clivages et les dissensions entre résistants et déportés ont longtemps limité les fondations de musées et ralenti leur développement. Aujourd’hui, si les conservateurs français s’interrogent sur l’avenir de leurs musées, en Italie on constate l’essor de musées et de lieux de mémoire d’un nouveau type, ancrés au territoire, historiques plus que commémoratifs, exploitant le travail scientifique et les archives des Instituts d’histoire de la Résistance. Les uns et les autres, pourtant, se posent les mêmes questions sur le rapport entre le passé et le présent. Ils se demandent en particulier comment adapter la fonction civique, éducative de ces musées aux expériences et aux langages des nouvelles générations, face aux changements des « cadres sociaux de la mémoire » et de la composition de nos sociétés. ◗

Le programme complet du colloque est disponible à l’accueil du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère (04 76 42 38 53) ou téléchargeable sur le site : http://www.resistance-en-isere.fr

4


Composé de six ateliers successifs, le colloque se déroulera en deux temps : les 23 et 24 novembre à Turin, au Museo diffuso della Resistenza, della Deportazione, della Guerra, dei Diritti e della Libertà les 25 et 26 novembre à Grenoble, à la Maison des Sciences de l’Homme Alpes, sur le campus universitaire : Vendredi 25 novembre 9h : Séance d’inauguration présidée par Christine Crifo, Vice-présidente du Conseil général de l’Isère, chargée des actions départementales de mémoire 9h30 : ATELIER 4. Table ronde

Le programme a grenoble

Les musées de la Seconde Guerre mondiale, acteurs et partenaires Témoins, historiens, muséographes, associations, enseignants, politiques et médiateurs, le rôle tenu par chacun de ces acteurs varie d’un musée à l’autre, en fonction de leur histoire et du message qu’ils véhiculent. Quelle est leur place d’un musée à l’autre ? Comment leur rôle a-t-il évolué dans le temps et comment tirer partie des synergies favorisées par le musée quand ces différentes catégories d’intérêt s’y retrouvent ? Sous la présidence d’Anne-Marie GranetAbisset, historienne, maître de conférence en histoire contemporaine, Université Pierre Mendès-France, Grenoble. Thérèse Cousin, membre du bureau de l’association des professeurs d’histoire et de géographie, Christine Crifo, vice-présidente du Conseil général de l’Isère, chargée des actions départementales de mémoire, Isabelle Doré-Rivé, conservatrice du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, Pascal Estadès, président de l’Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Valter Giuliano, assesseur à la Culture de la Province de Turin, Jean-Marcel Humbert, conservateur général du Patrimoine à l'Inspection générale des Musées (DMF), chargé des Musées d'Histoire. 14h30 : ATELIER 5

L’avenir des musées de la Résistance et de la Déportation De nombreux musées de la Résistance et de la Déportation survivent à leurs fondateurs, acteurs-témoins de la période. Tous traitent d’événements qui ne cessent de devenir plus lointains mais auxquels des valeurs demeurent attachées. Pourront-ils continuer longtemps ? Comment y défendre une muséologie des valeurs et des idées qui ne puisse pas être suspectée de parti pris ?

Comment les responsables de quelquesunes de ces institutions, en Rhône-Alpes et Piémont, imaginent leur devenir ?

hommage

Sous la présidence de Pascal Estadès, président de l’Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère par Jean-Claude Duclos, conservateur en chef. La Maison Mémorial des Enfants juifs exterminés d’Izieu par Geneviève Erramuzpé, directrice. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon par Elizabeth Pastwa, conservatrice. L'Istituto piemontese per la Storia della Resistenza e della società contemporanea par Ersilia Alessandrone Perona, directrice. Samedi 26 novembre 9h30 : ATELIER 6. Table ronde

Les résistances d’aujourd’hui, quelle place dans les musées ? La mémoire unit par définition le passé proche au présent. Avec le temps, inéluctablement, les hommes et les sociétés changent, et cette mémoire ne cesse de s’exprimer différemment, au fil de l’actualité. Comment les musées, pour rester en phase avec la société, peuvent-ils ajuster leur action à ces changements ? En s’ouvrant ainsi aux « résistances d’aujourd’hui » ? Mais, entre comparaisons pertinentes et abus, voire détournements, de mémoire, se pose la question de la légitimité de ces rapprochements entre luttes passées et contemporaines au sein des institutions publiques. Pourtant, l’approche analogique n’est-elle pas devenue indispensable pour que le lien entre hier et aujourd’hui conserve un sens ? Sous la présidence de Maryvonne DavidJougneau, philosophe Philippe Barrière, professeur agrégé d’histoire, chargé du Service éducatif du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Gil Emprin, professeur agrégé d’histoire, chargé du Service éducatif du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Olivier Ihl, professeur agrégé des Universités en Science Politique, directeur de l’IEP de Grenoble, directeur de CeratUMR pacte (CNRS), Henri Leclerc, avocat au Barreau de Paris, président d’honneur de la Ligue française des Droits de l’Homme (sous réserve). Burkhard Schwetje, responsable de la société d'édition multimédia Zadig. Storia, cultura, multimedia, co-auteur du site du Musée virtuel des intolérances (www.museodelleintolleranze.it).

Disparition de Pierre Broué Pierre Broué, éminent historien et militant engagé, s'est éteint, à Grenoble, dans la nuit du lundi au mardi 26 juillet, à l'âge de 79 ans. Il naît à Privas (Ardèche), en 1926, dans une famille de fonctionnaires, et s'éveille à la chose politique avec les événements du 6 février 1934, le front populaire et la guerre d'Espagne. Engagé très tôt dans les maquis d'Ardèche, il poursuit la lutte au sein des Jeunesses communistes puis adhère au trotskysme, qui représente à ses yeux la continuité du marxisme. Toute sa vie sera marquée par ce double engagement d'historien, spécialiste du mouvement ouvrier et de militant. D'abord enseignant en région parisienne, il arrive à Grenoble dans les années 1960 et enseigne l'histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques. Ses travaux, animés par l'objectivité et la recherche de la vérité, renouvellent l'historiographie du communisme, jusqu'alors soumise à l'interprétation stalinienne. Parmi ses nombreux écrits, citons : La Révolution et la guerre d'Espagne (1961, en collaboration avec Emile Témime), La Révolution allemande (1971), Trotsky (1988), Histoire de l'Internationale communiste, 1919-1943 (1997), Meurtres au maquis (1997). En tant qu'enseignant à l'IEP de Grenoble, Pierre Broué dirige de nombreux mémoires d'étudiants, dont celui d'Evelyne Galéra et Jean-Louis Vercruyssen sur “La Manifestation du 11 novembre 1943 à Grenoble”. Ainsi nous en avait-il livré, dans la publication du Musée, “Mémoires de déportés” (1995), une analyse très fine. En novembre 1975, il participe au colloque, “Grenoble et le Vercors”, dirigé par Pierre Bolle, moment décisif pour l'histoire de la Résistance, celui du passage de témoin entre les résistants et les historiens universitaires. Il est également collaborateur du “Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier” (Le Maitron), pour lequel il rédige de nombreuses notices de résistants isérois. ◗

5


Avec le 60e anniversaire de la Libération en 2004 puis celui de la Libération des camps, en 2005, les initiatives conduites autour de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale se sont multipliées. Le Musée de la Résistance et de la Déportation a accompagné, en Isère, ces commémorations en fournissant une aide documentaire et historique. Retour sur quelques-unes de ces réalisations.

Seyssins, seyssinet-Pariset

La Tronche

1939-1945, Mémoires d'ici et d'ailleurs

Vécus des temps de Guerre 1939-1945

Le recueil de témoignages,publié en juin dernier à l'initiative des deux communes, met en lumière les parcours de vie d'une cinquantaine d'enfants, d'adolescents et d'adultes pendant la Seconde Guerre mondiale, sur l'ensemble du territoire français. Une large part de l'ouvrage donne la parole à Jean Grey, Jean Mocetti et Roger Rahon, tous trois déportés rescapés des camps de concentration. Les extraits de témoignages sont accompagnés d'éclairages historiques et de documents d'époque. De la vie quotidienne à la vision de la mort, l'ouvrage aborde de nombreux thèmes restés très vifs dans les mémoires des témoins de l'époque. Une exposition a été réalisée liant le contexte historique aux témoignages recueillis. ◗

Lors des Journées du Patrimoine, en septembre dernier, la mairie a présenté cette exposition qui croise témoignages d'habitants et documents issus des archives municipales. Articulée autour de trois thèmes : la vie quotidienne, la Résistance notamment à travers l'exemple du foyer Brise des neiges où sont cachés de nombreux enfants juifs grâce à Eva Péan Pagès, et la répression, l'exposition propose un itinéraire dans trois lieux différents de la commune. ◗

Pour plus de renseignements : Association Autres Horizons, 133 avenue de Grenoble - 38180 Seyssins 04 76 84 92 72

La Mure

Mémoires croisées, Seconde Guerre mondiale Alpes-Piémont-Haute Silésie C'est le titre d'une exposition à trois voix, réalisée par le lycée de la Mure, avec le lycée d'Alba en Italie et celui de Pszczyna en Pologne, dans le cadre d'un projet européen Comenius. Retraçant les événements de la Seconde Guerre mondiale sur ces trois territoires, l'exposition en croise les mémoires et aborde l'implication citoyenne du devoir de mémoire. Les élèves du lycée de La Mure ont choisi de travailler plus spécifiquement sur la notion de crime contre l'humanité et sur la Résistance, bénéficiant de l'aide logistique du musée Matheysin où l'exposition a d'ailleurs été présentée du 28 mai au 18 septembre 2005. ◗

Pont-en-Royans

Témoignages filmés La communauté de communes de La Bourne à l'Isère qui regroupent douze communes autour de Pont en Royans est à l'origine d'une collecte de témoignages filmés sur la période de la Seconde Guerre mondiale qui s'est effectuée au printemps dernier. Les rencontres avec les témoins, adolescents ou jeunes adultes à l'époque, étaient structurées autour de plusieurs thèmes : l'organisation de la vie quotidienne, les relations avec le maquis, les destructions faites durant l'occupation allemande, la période de la reconstruction... Au fil des témoignages, se font jour des vécus différents de ceux des urbains confrontés aux difficultés du ravitaillement mais marqués par une angoisse permanente face à l'occupant allemand. A l'expérience tragique du maquis du Vercors, s'ajoute la vision des familles dont les habitations, les fermes ont été brûlées par les Allemands en juillet et août 1944. Ces entretiens filmés sont désormais conservés au Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère. ◗


brèves

www.resistance-en-isere.fr : attention, nouveau site ! Dans le prolongement de la réflexion sur les relations entre le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère et de la Maison des Droits de l'Homme, un site Internet commun est en ligne depuis le 8 novembre. Nouveau graphisme, navigation simplifiée, présence de nombreuses ressources sur la Seconde Guerre mondiale en font un outil majeur pour tous ceux qui souhaitent se tenir informés de l'actualité du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère / Maison des droits de l'Homme ou à la recherche d'informations sur les années 1939-1945. ◗

Le DVD Ils ont survécu bientôt disponible Produit par le Musée dans le cadre du 60e anniversaire de la Libération des camps et réalisé par Michel Szempruch, ce documentaire de 34 minutes traite du retour des déportés. Il fera l'objet d'une édition DVD, courant 2006 comparable à celle de, “Comme un vent de liberté. La libération de l'Isère”. Que ceux qui souhaiteraient utiliser ce film, en attendant s’adressent au Musée. Des copies sur DVD pourront leur être prétées. ◗ Retour de déportés, Paris mai 1945, collection MRDI

7


agenda

L'esclavagisme hier et aujourd'hui : dialogue pour la démocratie

Etablir l'histoire de l'immigration algérienne. Bases, méthodes, objectifs

Conférence-débat

Séminaire public

avec Eloi Coly, conservateur de la « Maison des esclaves » de Gorée (Sénégal)

proposé par l'association Algériens en Dauphiné 1955 - 2005 et le Musée dauphinois autour des travaux de Paul Muzard sur la mémoire et l'histoire de l'immigration algérienne en Isère et en vue de leur édition prochaine. Il s'inscrit dans le cadre de l'opération Traces 2005, conduite en Rhône-Alpes par Aralis. Limitée à une soixantaine de participants, cette rencontre est ouvert à tous ceux, chercheurs, militants associatifs et autres que la démarche intéresse. Prenant appui sur la recherche qui vient d'être conduite à Grenoble, la réflexion portera successivement sur les matériaux disponibles (archives, mémoire orale…), leurs stratégies de traitement, les enjeux d'une telle entreprise et ses finalités.

Le Conseil général dans le cadre de sa politique de coopération décentralisée organise, chaque année, avec un collectif d'associations, la semaine de la solidarité. L'édition 2005 se déroule du 12 au 20 novembre et propose, parmi d'autres rendez-vous, cette conférence sur l'esclavage, co organisée par l'association Afro.Cultures. mercredi 16 novembre 2005 à 18h30 Archives départementales de l'Isère 2, rue Auguste Prudhomme 38000 Grenoble Entrée libre. Programme complet : l.huguenet@cg38.fr

Vendredi 2 décembre 2005 de 9h30 à 17h Musée dauphinois 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble

Médias et Humanitaire Colloque Co-organisé par Humacoop, Médecins du Monde et le Comité Tchétchénie de Grenoble, ce colloque réunira journalistes, politiques et spécialistes de l'action humanitaire au cours de trois tables rondes : “Les leçons du Tsunami : l'instrumentalisation humanitaire des crises”, “Les crises oubliées : Tchétchénie, Darfour, Afghanistan” et enfin, “Les médias et l'humanitaire : quel rôle dans l'information ?” Jeudi 17 novembre 2005 à 15h Auditorium de la MC2 : Maison de la Culture de Grenoble Entrée libre. Programme complet et réservation : frantorgue@yahoo.fr / 06 12 64 15 82

Entrée libre dans la limite des places disponibles. Renseignements et inscriptions : 04 76 85 19 26

Femmes et Paix C'est le nom de l'opération conduite par le Conseil général de l'Isère, dans le cadre de sa politique en faveur des droits des femmes à l'occasion du centième anniversaire de la remise du prix Nobel de la Paix, avec la participation de plusieurs associations (Mouvement pour la Paix, Ligue des Droits de l'Homme, Ligue internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, Centre d'Informations Inter-Peuples et Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples). Sont ainsi proposées, une conférence-débat : “Bertha Von Suttner, une vie pour la paix” par Jean-Paul Vienne, vice-président du Mouvement pour la Paix, le mardi 6 décembre à 18h30, dans l'hémicycle départementale et une exposition “Les femmes prix Nobel”, présentée du 7 au 16 décembre, Salle Berlioz de l'Hôtel du département (7, rue Fantin Latour à Grenoble).

prochaine expo

Tchétchénie (Sur)exposée. Une vie dans l'ombre. Photographies de Maryvonne Arnaud (10 décembre 2005 - 20 mars 2006) En 2004, la photographe Maryvonne Arnaud s'est rendue à plusieurs reprises à Grozny et dans les camps de réfugiés tchétchènes d'Ingouchie. Les photographies qu'elle en a ramenées montrent les souffrances, la misère et la désespérance de la population d'une région ruinée par la guerre. Plus largement, elles permettent d'aborder la question du respect des droits fondamentaux de la personne humaine en situation de long conflit. Résistance & Droits de l'Homme Numéro 1 - novembre 2005 Directeur de la publication : Jean-Claude Duclos Coordination : Cécile Vargas Rédaction : Jean-Claude Duclos, Jacques Loiseau, Anne-Sophie Pico, Cécile Vargas Conception, réalisation : Pierre Girardier Crédits photographiques : Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère, Maryvonne Arnaud Imprimeur : Imprimerie des Deux-Ponts Tirage : 3 000 ex. Dépôt légal à parution ISSN en cours Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h). 14, rue Hébert - 38000 Grenoble tél 04 76 42 38 53 - fax 04 76 42 55 89 www.resistance-en-isere.fr L'entrée dans les musées départementaux est gratuite.

8


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.