Résistance & Droits de l'Homme n°6

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n°6 av r il 2007

Le génocide des Arméniens Un Martinérois raconte

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Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme

RÉSISTANC E

& DROITS DE L’HOM M E

édito

interview Dans le cadre de l’Année de l’Arménie en France, la Direction de la C ulture et du Patrimoine du C onseil général de l’Isère et le Service du Patrimoine de la Ville de Saint-M artin-d’Hères ont décidé de faire traduire de l’arménien et de co-éditer les mémoires de Yervant Der Goumcian, rescapé du génocide des Arméniens, réfugié en France, dans la région grenobloise en 1926. Réalisée autour du témoignage de Yervant Der Goumcian, l’exposition Le génocide des Arméniens, un Martinérois raconte, porte un éclairage historique et politique original sur les conditions et les conséquences du génocide des Arméniens. L’arrivée au pouvoir du gouvernement Jeune-Turc, les persécutions envers la population arménienne, les déplacements de populations, les exactions dont elles sont victimes, sont autant d’éléments de la tragique histoire arménienne que rappelle l’exposition. Rencontre avec Raymond Kévorkian, spécialiste de l’histoire arménienne et traducteur des mémoires de Yervant Der Goumcian

Manifestation organisée dans le cadre d'Arménie, mon amie. Année de l'Arménie en France

Qu’un Musée de la Résistance et de la Déportation, qui traite aussi des Droits de l’Homme, présente une exposition sur le génocide des Arméniens ne devrait étonner personne. Certes les faits sont établis, y compris par une loi de la République1, mais il reste toujours utile d’y revenir. Pourquoi ? Parce qu’ils sont imprescriptibles et participent de l’histoire de l’humanité, que partout dans le monde le peuple arménien entretient avec ferveur leur mémoire, et qu’en cette année de l’Arménie, le moment est opportun de les rappeler. L’occasion est bonne, aussi, d’exprimer notre solidarité aux milliers d’Isérois qui, demeurant fidèles à leur origine arménienne, de Vienne à Grenoble, combattent les négationnistes et veulent que l’histoire serve. Pour cela, nous disposions de deux ouvrages. Le premier fera date dans l’historiographie du génocide car jamais encore son processus n’avait été étudié avec autant de rigueur et d’exhaustivité. Il s’agit du livre de Raymond Kévorkian, publié en 2006 aux Editions Odile Jacob : Le génocide des Arméniens. Le second, un volumineux manuscrit en arménien, conservé depuis peu par la Direction du patrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères, contient les mémoires de Yervant Der Goumcian, rescapé du génocide et réfugié en Isère en 1926. Raymond Kévorkian semblait tout désigné pour les traduire. Il accepta et nous lui en sommes très reconnaissants. L’exposition Le génocide arménien – Un Martinérois raconte, s’inspire de ces deux livres à la fois, des tribulations d’un arménien ottoman, dont la parution coïncide avec l’inauguration de l’exposition, autant que de la somme que constitue le « livre-monument » de Raymond Kévorkian. Ainsi la grande histoire et la petite se croisent et se complètent, livrant une représentation nouvelle de l’extermination des Arméniens d’Asie Mineure et de ses conséquences. La décision, nous le savons, est prise par le sultan Abdülhamid II, relayée et mise froidement à exécution par les responsables du mouvement JeunesTurcs. Mais elle n’apparaît pas ex-nihilo, explique Raymond Kévorkian. Elle relève, nous dit-il, d’une idéologie qui mûrit lentement au cours du XIXe siècle et fait valoir que seuls les plus forts seront victorieux, dans la sélection naturelle où sont sensées s’affronter les races humaines. Ces théories racistes, nationalistes et 1- CF la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915

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