Résistance & Droits de l'Homme n°7

Page 1

n°7 octobre 2007

ROMPRE LE SILENCE MEMOIRES DE CHÔMEURS ET PRECAIRES EN ISERE 1975-2007 l’exposition L’exposition Rompre le silence. Mémoires de chômeurs et précaires en Isère, 1975 – 2007, présentée au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère - Maison des Droits de l’Homme du 26 octobre 2007 au 7 avril 2008, est avant tout le fruit

[

Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme

RÉSISTANC E

& DROITS DE L’HOM M E

édito À en croire plusieurs des fondateurs du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, dont Blaise Giraudi, la Résistance n’aurait plus de sens s’il fallait en réduire la portée aux actions des années 1940 – 1944. Convaincu de l’intemporalité et de l’universalité de ses valeurs, lui et d’autres nous auront permis d’aborder d’autres résistances, celle des Argentins confrontés à la dictature et à ses conséquences, par exemple. L’évocation de cette résistance, il est vrai, ne souffrit d’aucune contestation mais en sera-t-il de même de celle des chômeurs dont le musée présente aujourd’hui l’expérience? De ceux qui se sont révoltés en 1998, en occupant des lieux publics, séquestrant des patrons ou saisissant de la nourriture dans les grandes surfaces ? Car telles ont été les actions qui donnent à cette rébellion le sens d’une résistance. Pour permettre à chacun d’en juger, nous avons fait le choix, dans l’exposition, comme dans l’ouvrage qui le prolonge, de laisser les chômeurs s’exprimer eux-mêmes. C’est eux qui ont décidé du titre : Rompre le silence.

de rencontres. Celle de l’association de chômeurs Gallo (Groupement d’activités locales libres et ouvertes) et d’institutions, telles les Arts du Récits ou les services du Conseil général de l’Isère qui ont su répondre en faisant de ce besoin d’être entendu, un projet culturel. Différents partenariats, enfin, avec un écrivain, un photographe, des cinéastes, un scénographe, un graphiste et l’équipe d’un musée ont donné corps à ce projet : une exposition, un livre de témoignages et de portraits photographiques et un film.

De la sentence de « mort sociale » auquel équivaut le licenciement pour celle ou celui qui le vit, jusqu’aux justifications, souvent humiliantes, qu’il faudra dès lors ne plus cesser de fournir, pour conserver de quoi subsister, toutes les étapes de ce parcours éreintant sont là restituées jusqu’à la solitude, le rejet, l’expulsion, la maladie… Une deuxième partie fait état de la chronologie du « traitement social » du chômage depuis 1975 – la fin des Trente glorieuses – en même temps qu’est évoquée la profusion de papiers (courriers de l’ANPE, cartes de pointages, justifications, circulaires, lettres de demande d’emploi…) qui jalonne ce cheminement. La troisième partie présente, au travers de témoignages et d’une cinquantaine de portraits saisissants dont chacun dit à sa manière : « J’existe ! », autant d’histoires de vie cabossées ou brisées où persistent pourtant une lueur d’espoir, celui que la résistance, précisément, nourrit. La quatrième partie sollicite l’opinion du visiteur : « Comment construire une société sans chômage ? ». Le grave problème ici dénoncé par les chômeurs eux-mêmes est bien sûr celui de notre société toute entière. Puisse leur résistance contribuer à la changer.

1

]


interviews

Rencontres avec Michel Gasarian, Hervé Bienfait, Catherine Page et Alain Massonneau qui racontent leur arrivée et leur travail autour du projet « Gallo »

Michel Gasarian, photographe De quelle manière êtes-vous arrivé dans le projet ? Je suis arrivé dans le projet par le biais de l’ethnographie et des relations que j’ai pu nouer avec le Musée dauphinois au travers de précédents projets. Je crois que c’est ma sensibilité à photographier les gens, mon approche humaine des choses qui a conduit Jean Guibal à penser à moi alors que le projet « Gallo » était déjà bien avancé. Il était question d’une exposition, d’un film et d’un livre et s’il y avait un livre il fallait qu’il y ait des images photographiques. J’ai souvent mis en relation mon travail photographique avec une écriture ethnographique ou sociologique, ça m’intéresse de confronter les deux parce que je trouve que l’une n’empiète jamais sur l’autre, c’est très intéressant de faire cheminer comme ça des images et du texte et il était question de ça sur ce projet, alors j’ai dit oui.

1Fondateur et permanent de l’association Gallo 2Ozanam est un centre d’hébergement et de réinsertion sociale

Quels ont été alors les objectifs de votre travail ? Il était question de rencontrer et de photographier des personnes au chômage et dans la précarité. J’ai laissé venir les informations et j’ai compris qu’il y avait une force centrifuge autour de Gallo et de ses membres. Comme je prends souvent le contre-pied des choses, j’ai décidé de faire en sorte de ne

pas me concentrer sur Gallo, parce qu’il y avait déjà beaucoup de choses autour et que si l’on se cantonne à cette association, on ne travaille plus sur le chômage et la précarité dans son ensemble. En accord avec Christian Devaux1, j’ai donc pris le parti d’ouvrir ce travail de façon très large et d’aller vers la plus grande diversité possible. C’était quelque chose qui me passionnait d’aller découvrir ces personnes, car l’un des avantages de la photographie c’est d’aller à la rencontre des gens et pas seulement de faire des images. C’est même plus la rencontre que les images qui compte dans le résultat final. Comment avez-vous procédé ? J’ai un ami qui m’a permis d’être introduit auprès de la direction d’Ozanam2 et des responsables du Secours catholique. Je suis arrivé en expliquant qu’une exposition allait être présentée au Musée de la Résistance. La recommandation de cet ami couplée au projet m’ont donné un certain aval auprès de ces associations. C’est très intéressant parce que ça rassure les gens qui habituellement nous voient venir, nous les photographes, avec une certaine appréhension ; en général nous ne sommes pas bien aimés parce que certains photographes font du misérabilisme dans le champ social. Je suis donc allé passer des journées entières à Ozanam, parfois pour ne pas faire grand chose, un ou

deux portraits mais ça avançait quand même, je rencontrais de plus en plus de personnes et ceux qui m’avaient dit non au départ finissaient parfois par dire oui. On ne peut pas faire confiance à quelqu’un sans le connaître un minimum surtout quand il y a la photo derrière, on n’a pas non plus toujours envie d’être photographié dans ces conditions-là. L’expérience, les rencontres et le lieu ont été si forts que j’ai l’impression d’y avoir tissé de véritables liens. J’ai fait la même chose au Secours catholique, c’était vraiment une expérience très riche parce que j’ai appris en discutant avec les responsables qu’ils organisaient chaque année une marche sur les chemins de SaintJacques-de-Compostelle avec ce public défavorisé. Et je suis parti marcher trois jours complets avec eux ; c’est pendant cette marche que j’ai réalisé les portraits. C’était un lieu de rencontre formidable. Pour finir, j’ai envoyé des mails à toutes mes connaissances grenobloises en leur demandant s’ils pouvaient m’indiquer des personnes à contacter. Ca m’a fait un petit réseau de gens disséminés qui sont encore venus d’ailleurs. Finalement, les gens de Gallo, parce que j’en ai photographié certains, ceux d’Ozanam, ceux du Secours catholique qui sont souvent des publics très différents et les gens dispersés, m’ont permis de réaliser une cinquantaine de portraits. ◗

Catherine Page, Alain Massonneau, cinéastes Comment l’idée d’un film vous est-elle venue? Catherine Page : Christian Devaux, fondateur de l’association Gallo, je l’ai rencontré en 1993 à l’époque où il était au Comité des chômeurs de la région grenobloise et où je me trouvais aussi. Il y avait également à cette époque Lucien et Claire, d’autres membres de Gallo, nous étions tous au chômage. J’ai fait un bout de chemin avec eux et puis je suis partie. Par hasard, on s’est retrouvés au printemps 2005 à un arrêt de tram, on a commencé à discuter et ce qu’ils m’ont raconté m’a intéressée, vraiment intéressée. Christian venait de monter Gallo et il sortait avec Lucien des ateliers d’écriture qu’ils animaient à Teisseire. Il m’a invitée à venir voir ce qu’ils faisaient. J’en ai tout de suite parlé à Alain, je savais que c’était le type de sujet qui pouvait l’intéresser et je savais que Christian était le type de personne qui allait lui plaire. J’ai mis pas mal de temps à répondre à son invitation et presque neuf mois après nous sommes venus, nous avons découvert Gallo et l’histoire de Christian.

2


ROMPRE LE SILENCE MEMOIRES DE CHÔMEURS ET PRECAIRES EN ISERE 1975-2007 Hervé Bienfait, écrivain Comment avez-vous été associé au projet ? Je pense que c’est venu du fait que pour mes précédents livres, il y a eu des rencontres avec le Musée dauphinois et particulièrement avec Jean Guibal. Il a suggéré que je sois chargé de ce nouveau livre et donc j’ai rejoint le projet en cours de route il y a un an, en septembre 2006. Quelle était votre mission ? La mission, c’était la maîtrise d’œuvre d’un ouvrage qui accompagnerait l’exposition. Il s’agissait de faire le passage à l’écrit de tout un travail de collecte de témoignages oraux qui serait réalisé en grande partie par l’association Gallo. Ce qui m’a été demandé aussi c’était d’aller au-delà de Gallo, rencontrer d’autres personnes encore. Je me suis tourné par exemple vers le milieu des jeunes artistes qui vivent la précarité mais pas de la même façon qu’un chômeur de longue durée. Ils ne la vivent pas comme un échec mais comme une condition sociale qui n’est pas forcément perçue comme négative. Certains disent même que c’est une source de création. Pour d’autres personnes, la précarité est un passage qui intervient au démarrage de la vie professionnelle. J’ai veillé aussi à ce que différentes générations soient représentées et puissent s’exprimer.

Avec Alain, nous nous sommes dit, il y a de la matière. J’ai été impressionnée par cet atelier d’écriture et ce que ça représentait pour eux, quelque chose de tellement fort qu’ils viennent une fois par semaine, de 18 heures à 20 heures, écrire ensemble, lire leurs textes et parler. Comment cette idée s’est-elle concrétisée ? Catherine Page : Christian nous a tout de suite invités à venir aux réunions qu’il avait avec Jean Guibal et nous sommes arrivés comme ça dans ces échanges qui existaient déjà depuis un an, un an et demi. Quelque chose était en train de se construire et le fait qu’on s’y insère a dû accélérer un peu les choses pour Christian. La rencontre à l’arrêt de tram lui a permis de formuler un désir qu’il caressait depuis longtemps, celui d’un film. Ce n’était pas forcément évident parce que les gens à Gallo sont pas mal cabossés, assez méfiants, ils avaient peur de la manipulation à travers les images, peur de ce que l’on va penser, beaucoup de réserve à être filmé. Ça n’a pas été facile. Alain Massonneau: Nous leur avons présenté

notre travail. Ils sont venus à la cinémathèque lorsque nous avons projeté 10,5°C à l’ombre, un documentaire que j’ai réalisé sur l’hospice du Perron et au Centre national d’Art contemporain lorsque nous avons présenté Et nous sortîmes par là pour revoir les étoiles, un film sur la danse de JeanClaude Gallota et ils ont accroché. Un jour de janvier 2006, nous sommes arrivés à Gallo avec un magnétoscope, notre télévision, nos cassettes, une galette des rois, une bouteille de cidre et nous avons montré des extraits choisis de nos réalisations. La semaine suivante nous commencions à tourner. Pourquoi avoir construit ce film simplement sur l’association Gallo ? Catherine Page: La volonté des membres de Gallo lorsqu’ils ont rencontré Jean Guibal était d’être écoutés, regardés, considérés comme des humains. De retrouver une dignité que le mot chômage a tendance à enlever. Il y avait vraiment cette demande là. Nous avons passé du temps à observer et pour nous il est très vite apparu comme évident, notamment quand Michel Gasarian

Comment s’est déroulé votre travail ? J’ai rencontré toutes les personnes qui ont été interviewées, à quelques exceptions près. Mon travail a consisté à prendre la matière première, les témoignages oraux, pour les réécouter et les transcrire. J’ai retranscrit l’ensemble des interviews et ça m’a permis de percevoir des récurrences, des insistances, des idées ou des expériences communes. De là, j’ai identifié onze thèmes qui sont vite apparus comme étant les chapitres du livre. Cette partie de mon travail, c’està-dire la mise en forme du livre, le choix des chapitres, etc., je l’ai conduite en discutant avec Gallo. Ça me semblait important qu’il y ait un aller-retour dans la construction de ce livre. Une fois les extraits choisis, il était essentiel que les témoins relisent le petit corpus des textes que j’avais faits à partir de leurs témoignages. Chacun a relu, corrigé, rectifié, il était important qu’ils puissent dire qu’ils se reconnaissaient dans les propos que j’avais mis en forme. ◗

et Hervé Bienfait ont rejoint le projet, que le film allait être autour de Gallo, sur Gallo uniquement. Nous n’allions pas chercher d’autres chômeurs ailleurs, il y avait tout ce qu’il fallait à Gallo et notamment autour de cet atelier d’écriture. Ce n’est pas quelque chose d’animé par une institution ou par des écrivains, c’est un atelier qu’ils animent entre eux. J’ai vraiment été épatée par certains textes, par certaines voix qui parlaient, pour moi ça faisait exploser les préjugés sur les chômeurs, les gens en précarité, les exclus. Nous ne voulions pas faire un film pour les militants mais un film qui puisse toucher largement les gens qui ne se sentent a priori pas concernés. C’était vraiment ça l’idée et il est apparu très vite que ça serait autour de Christian, parce que Gallo c’est lui, c’est lui qui l’a fondé, parce que c’est l’âme de Gallo, c’est son histoire, que là-bas les gens sont sous le charme de Christian, ils attendent après la parole de Christian. Quand on construit un film, il faut que quelqu’un le porte, un personnage qui ait un certain charisme, parce que ce film, il raconte une histoire. ◗

3


événements L’exposition Rester libres ! – Les expressions de la liberté, des Allobroges à nos jours est à nouveau ouverte au Musée dauphinois depuis le 1er octobre 2007 et jusqu’au 30 juin 2008. Dans ce cadre, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère – Maison des Droits de l’Homme organise, jusqu’à la fin 2007, une série d’événements. Chacun d’eux, jusqu’au temps fort du 8 décembre, est une contribution de plus à la fondation du grand projet, initié en 2001 par le Conseil général, de créer une Maison des Droits de l’Homme en Isère. Portant sur l’accueil des étrangers, les conditions de vie faites aux travailleurs immigrés ou l’aide aux femmes SDF, les rendez-vous proposés sont autant d’illustrations de l’action militante conduite au nom des Droits de l’Homme dans ce département. Le temps fort de cette programmation sera la présentation conjointe du film et du livre Résister, militer qui aura lieu le samedi 8 décembre 2007 à 15h au Musée dauphinois.

Les enregistrements vidéo filmés réalisés dans le cadre de l’exposition Rester libres !, auprès des plus grandes « figures » du militantisme local ont fournit l’argument et la matière d’un ouvrage et d’un film. Complétés de plusieurs développements sur l’histoire récente des organisations associatives engagées dans la défense des Droits de l’Homme, la diversité de leurs combats et la connaissance des femmes et des hommes qui les mènent, ce livre et ce film offrent pour la première fois, un regard global sur l’action de défense des Droits de l’Homme dans le département de l’Isère. Portant le même titre : Résister, militer, ils tentent d’apprécier le lien qui peut être fait, de la Libération à aujourd’hui, entre Résistance et militance. Résister, militer le film Film documentaire réalisé par Michel Szempruch (Association Repérages), 2007, 52 minutes. Autour des témoignages d’une vingtaine de militants, hommes, femmes, jeunes ou dotés d’une grande expérience, dans quelquesunes des nombreuses causes défendues en Isère par les associations locales, le film Résister, militer interroge les citoyens que nous sommes, tant sur ce qui conduit tel ou tel à réagir, dès qu’une situation lui paraît inacceptable, que sur les formes de ces réactions et le rôle qu’elles jouent dans l’évolution de la société.

R E T S I RÉS ILITER M

4

Résister, militer le livre Ouvrage illustré, édité par le MRDI/MDH Plus de trois cents associations, en ce début du XXIe siècle, défendent les Droits de l’Homme en l’Isère. Outre la présentation des faits marquants de leurs combats, à partir de ce qu’en retient la mémoire militante, et de l’étude d’archives, ce livre tente de mettre en évidence les particularités locales de cette action associative, et les caractéristiques des comportements de ceux qui la mènent. Il propose ainsi une réflexion plus générale sur le profil psychologique et le sens profond de l’engagement de ces militants que Bernard Doray, anthropologue et psychiatre, appelle « les porteurs de dignité ». Outre de nombreux témoignages, cet ouvrage rassemble les analyses de chercheurs – politologue, économiste et anthropologue – sur le monde militant de l’Isère. ◗


Dans le courant des années soixante-dix, plusieurs dictatures militaires furent instaurées dans de nombreux pays latino-américains pour maîtriser et éliminer l’action menée par les intenses mouvements politiques et sociaux de l’époque. Un véritable processus de dévastation et de persécution politique s’enclencha alors dans toute la région, entraînant l’enlèvement, la torture et l’assassinat de milliers de personnes, pour culminer dans l’implantation d’un modèle économique néolibéral. Pour survivre, un million et demi de latino-américains furent contraints de s’exiler. La conséquence directe de cette situation fut l’arrivée en France de milliers d’exilés, principalement chiliens, argentins et uruguayens. Dans ce cadre, la Ville de Grenoble joua un rôle particulièrement important, accueillant ces expatriés grâce à l’organisation d’un réseau solidaire qui proposait à chaque famille un logement, des cours de français, un soutien financier et légal pendant les premiers mois de leur établissement en France. Le processus d’intégration des exilés à la société française présenta à la fois des traits communs et des caractéristiques singulières : supporter l’exil, la mort des proches, accepter l’échec d’un projet social et politique qu’ils avaient commencé à construire, s’inventer de nouveaux défis, de nouveaux rêves. Beaucoup d’entre eux se marièrent, eurent des enfants, des petits-enfants français, et établirent ainsi des liens sociaux qui se consolidèrent avec le temps. Au début des années quatre-vingt, le retour à la démocratie que connurent certains pays d’Amérique latine, incita certains exilés à retourner vivre dans leur pays. D’autres y tentèrent simplement leur chance puis, pour différentes raisons, décidèrent finalement de revenir en France. D’autres encore choisirent définitivement cette terre d’accueil pour s’y établir sans jamais chercher à rentrer dans leur pays d’origine. Le documentaire Terre de refuge va à la rencontre d’un groupe d’exilés pour tenter de raconter leur passé, leur douleur, et de témoigner du processus singulier qu’est l’intégration à une autre société. En France, à une époque où les lois sur l’immigration font l’objet de changements permanents et où beaucoup d’immigrés peinent à trouver leur place dans une société de plus en plus refermée sur ellemême, nous croyons qu’il est important de récupérer la parole des acteurs sociaux qui ont pris part, de diverses façons, à la construction de cette intégration. Que représente l’exil dans la vie d’une personne ? Comment cohabiter avec l’impossibilité du retour ? Comment recommencer ? Comment s’intégrer dans une société dont vous ne faites pas partie naturellement ? Quel chemin choisir quand le retour est possible ? Telles sont les questions que nous nous sommes posées lorsque nous avons commencé notre recherche. La méthode de réalisation que nous avons choisie a été de suivre le voyage de Cristina. Réfugiée politique ayant vécu ses premières années d’exil à Grenoble, elle décide de prendre la route pour retrouver cette ville d’accueil et y assister à un asado – un barbecue rituel organisé depuis 1976 par les exilés latino-américains pour remercier le peuple français de son hospitalité envers eux. Cette route la mène peu à peu à la rencontre des premiers lieux où elle a habité à son arrivée, des personnes avec lesquelles elle a partagé ses premiers temps d’exil, l’amenant ainsi à se remémorer, tout au long de son périple, aussi bien les histoires liées à son « ancienne vie », de l’autre côté de l’Atlantique, que celles de sa nouvelle vie en France. À Grenoble, Cristina est attendue par Alicia, Jaime, Juan Carlos, Jorge, qui pour la plupart, ont partagé avec elle les premières années d’exil. Tous se retrouvent religieusement autour de cet asado pour évoquer, une fois de plus, l’arôme de leurs racines. Ces hommes et ces femmes ressentent alors le besoin de sculpter le passé, de raconter à leurs enfants leurs années passées « là-bas », les raisons qui les forcèrent à partir, les années de militantisme, les rêves et le monde qu’ils pensaient leur construire. Beaucoup de ces enfants, la nouvelle génération, apportent leurs témoignages et leurs points de vue dans le film. La caméra est là, omniprésente, nous permettant de garder précieusement la mémoire sensorielle et physique d’une génération. Témoigner de l’exil, de la construction de nouveaux fondements, de la nostalgie, des rancœurs, de l’héritage. Un récit d’inquiétudes, d’angoisses, de plaies et de solitudes, mais aussi d’espoir. Hernan Belon/Favio Fischer

prochaine expo

Les résistants de la Viscose À l’occasion de la parution du livre de Michelle Blondé Une usine dans la guerre, La Société nationale de la Viscose à Grenoble, 1939-1945, (Presses universitaires de Grenoble, collection Résistances), le Musée de la Viscose présentera une exposition éponyme autour de l’histoire de la « Viscose » sous l’Occupation, du 25 avril au 25 octobre 2008. En parallèle, le Musée de la Résistance et de la Déportation proposera, à partir du 24 mai 2008, un éclairage plus spécifique sur le développement de la Résistance au sein de l’usine et sur leurs instigateurs.

Vue aérienne de l’usine de la Viscose. Années 1930. Coll. Musée de la Viscose

Dans le cadre de cette programmation, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère — Maison des Droits de l’Homme a choisi de présenter, en avant-première et en partenariat avec le Collectif Argentine 1976 – 2006 : temps de mémoire, vérité et justice, le film documentaire Terre de refuge, réalisé par Hernan Belon et Favio Fischer. Il est le premier film documentaire qui témoigne des parcours vécus par les exilés latino-américains en France depuis leur arrivée jusqu’à leur intégration à la société française.

Créée en 1927, l’usine de la Viscose à Échirolles fabrique du fil de rayonne fin destiné à la bonneterie féminine et aux doublures de vêtements. Lorsque la guerre éclate, l’usine de Grenoble fonctionne depuis douze ans. Dès 1942, un réseau de résistance se met progressivement en place, à partir d’un noyau d’amis, rassemblés au sein du syndicat CGT clandestin. La présence, au sein de l’usine, de nombreux étrangers qui ont déjà combattu le fascisme ou en ont été victimes, offre un terrain favorable à la Résistance. Dès lors, imprimer et distribuer des tracts, cacher ceux que l’on recherche et leur procurer de fausses identités, deviennent le lot quotidien de ces premiers résistants. Parmi eux, certaines personnalités témoignent de cet engagement précoce dont Louis Baille-Barrelle, secrétaire du syndicat CGT en 1936, qui rejoint en 1942 le mouvement Combat, devient membre de l’Armée secrète sous le pseudonyme de « Davin » puis dirige les groupes francs de Combat de la Viscose. Louis Clavel est l’auteur d’actions souvent spectaculaires dont la plus connue est l’attentat, en mai 1943, contre le siège de l’état-major italien, à l’hôtel Gambetta. Ses activités syndicales l’amènent, avec René Thomas, à rencontrer l’équipe de l’école des cadres d’Uriage et en particulier Joffre-Dumazedier qu’il aide à former des cercles d’études dans le milieu ouvrier. Autre figure célèbre, Roger Bonamy, qui occupe à l’usine la fonction de directeur du centre de formation des jeunes, est membre de Combat sous les pseudonymes de « Joseph » ou « Ciment », et devient président du CDLN (Comité départemental de la Libération nationale). Louis Baille-Barelle est arrêté en septembre 1943. Il en est de même de quarante « viscosiers » arrêtés et déportés lors de la manifestation du 11 novembre 1943. L’usine est également marquée par la personnalité de son directeur Pierre Fries, alsacien de confession protestante, qui en tant que conseiller presbytéral, est proche des pasteurs Charles Westphal et J. Cook, bien connus pour leur engagement dans la protection des juifs. Même s’il fallut longtemps pour le savoir, Pierre Fries connaît les activités clandestines de son personnel et les approuve. ◗

5


disparitions

Jacques Bourdis

Alain Le Ray

Né le 10 novembre 1920 à Grenoble, il est inscrit à la faculté des lettres et vient de se présenter au concours d’entrée à l’École militaire de Saint-Cyr lorsque survient la débâcle de juin 1940. Refusant l’armistice, il décide de poursuivre la lutte soit en Afrique du Nord, soit aux côtés des Britanniques. Le 22 juin, il entend à Montpellier le Général De Gaulle à la radio de Londres et réussit à embarquer, le 23, à Sète, sur un cargo anglais qui l’emmène à Liverpool. Il s’engage dans les Forces françaises libres et est affecté au Bataillon de chasseurs où il suit le peloton d’élèves aspirants à Camberley.

Né à Paris le 3 octobre 1910, éclaireur-skieur de formation, officier des chasseurs alpins, il fait aussi des études de lettres et épouse Luce Mauriac, fille de François Mauriac. En mai 1940, alors qu’il se bat sur l’Ourcq avec le 159e régiment d’infanterie alpine, il est fait prisonnier et s’évade une première fois de Poméranie. Repris, il est enfermé dans la célèbre citadelle de Colditz en Saxe, d’où, exploit rarissime, il parvient à fuir en escaladant le mur d’enceinte, le 11 avril 1941. Revenu à Grenoble, il participe à un stage à l’école des cadres d’Uriage, où les formateurs sont en train de basculer dans la Résistance. Lui-même, un temps confiant dans l’idée que Pétain cherche à réunir les conditions d’une reprise de la guerre, est, selon son expression, « vite déniaisé » et passe à la dissidence, tout en maintenant son niveau d’escalade en Oisans. Fondateur avec Pierre Dalloz et Yves Farge du premier comité du Vercors, début 1943, il est chargé de l’étude militaire technique du « plan Montagnards ». Dans l’hypothèse d’un débarquement en Provence et de parachutages d’hommes et d’armements qui doivent atteindre environ 7 000 hommes, le plateau pourra être défendu pendant quatre à cinq jours s’il est attaqué.

Affecté à la 13e demi-brigade de la Légion étrangère (13e DBLE) le 1er septembre 1941, il participe à toutes les campagnes de cette unité depuis Solum sur la frontière égypto-libyenne en janvier 1942, jusqu’à la frontière franco-italienne le 8 mai 1945. Il combat notamment à Bir-Hakeim, en mai-juin 1942, puis participe aux campagnes de Tunisie, d’Italie en 1944 comme chef de section, puis en France comme commandant de la 7e Cie du 2e Bataillon de la Légion étrangère. Il termine la guerre en Alsace, en janvier 1945, où il est blessé au bras. Promu capitaine en août 1945, il devient aide de camp du général Koenig, commandant en chef français en Allemagne, puis officier de liaison en zone britannique d’occupation jusqu’en 1950. Il exerce différents commandements en Allemagne, en Indochine, en Algérie. Promu général de brigade en 1970, il achève sa carrière comme gouverneur de la 2e région militaire de Lille. Membre du conseil scientifique du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, il participe activement à sa départementalisation en 1994. Il était le dernier survivant des douze Isérois, Compagnons de la Libération.

6

Son rôle de chef militaire s’accroît encore après les arrestations d’Aimé Pupin et Victor Huillier. C’est avec Eugène Chavant qu’il constitue le deuxième comité du Vercors, et commence à mettre en application le plan Montagnards, tandis que Charles Delestraint et Jean Moulin sont arrêtés. Il parvient à faire baisser la méfiance entre les militaires montés au maquis et les compagnies civiles, mais un incident survient lors de la répartition du parachutage de

Darbounouze, le 13 novembre 1943. Mis en cause, Le Ray démissionne, et quitte le Vercors fin janvier 1944. Mais sa personnalité demeure très appréciée en Isère où le Comité départemental de Libération nationale de l’Isère le nomme chef des Forces françaises de l’intérieur en mai 1944. Il coordonne les combats de la libération de l’été 1944, malgré les difficultés de transmission et poursuit la guerre à la tête de ses maquisards devenus membres de la 7e demibrigade de chasseurs alpins pendant l’hiver 1944-45. Il mène alors d’ultimes combats contre l’armée allemande au Mont-Cenis, en Haute-Maurienne. Il poursuit sa carrière militaire, en Indochine, en Algérie où il commande la 27e division d’infanterie alpine en Kabylie, puis comme inspecteur général de la Défense opérationnelle du territoire. Respectueux lui-même des points de vue de chacun, il a toujours bénéficié de l’estime de toutes les composantes de la résistance iséroise.

dissement, il est pris dans une souricière par la Milice, sous la fausse identité de Bernard Guérin. Après avoir été torturé, il est remis à la Gestapo et déporté le 15 août 1944 à Buchenwald et Dora (matricule 77 536). Mais il parvient à s’évader au printemps 1945, lors du transfert des détenus à pied, et est recueilli par un paysan allemand. Blaise Giraudi s’est toujours préoccupé depuis, de la transmission de la mémoire de la Résistance et de la Déportation. Longtemps membre de la Commission pour l’enseignement de la F.N.D.I.R.P., il participe aussi très activement à la départementalisation du Musée de la Résistance et de la Déportation en qualité de vice-président de l’association du Musée.

Blaise Giraudi

Willy Holt

Né le 10 mars 1919 à Turin, il arrive à Modane en 1922 puis s’installe à Voiron. Mobilisé en 1940 dans l’aviation, il reste dans l’armée d’armistice jusqu’en avril 1942. Il rentre alors à Voiron et est embauché à la Thomson. Opposant au régime de Vichy, il s’engage dans des actions de résistance au sein du mouvement Libération (distribution du journal clandestin Libération Sud, création d’une dizaine d’actions immédiates). En novembre 1943, il devient chef du secteur de Voiron en remplacement de Georges Frier et se fait recruter par les skis Rossignol, en guise de « couverture ». L’action de la Résistance voironnaise est alors essentiellement dirigée contre les miliciens. En septembre 1943, il participe à l’organisation de l’attentat contre le siège local de la Milice de Voiron. Mais il est repéré et doit quitter la région pour Paris en avril 1944. Le 8 juin 1944, tandis qu’il dépose des documents dans le XVe arron-

Chef décorateur de cinéma, collaborateur de Arthur Penn, Otto Preminger, Fred Zinnemann, John Frankenheimer, Stanley Donen, Woody Allen, Bertrand Blier ou Roman Polanski, Willy Holt s’est éteint le vendredi 22 juin à Paris, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. Né américain en 1921, William Holt s’engage tôt dans la Résistance à Paris. Il convoie de l’argent pour les maquis du Vercors tandis qu’il est arrêté le 24 décembre 1943 à la gare de Grenoble. Les agents de la Gestapo découvrent qu’il est circoncis. C’est là, sur la porte d’une des cellules de la Gestapo, désormais conservée au Musée, que Willy Holt dessine sa caricature. Considéré comme juif, il est transféré à Drancy avant d’être déporté à Auschwitz dans le convoi n°67 du 3 février 1944. Mais il survit et retrouve la liberté en 1945. C’est alors qu’il devient décorateur de cinéma et fonde une famille. En 1988, il reçoit le César du meilleur décor pour Au revoir les enfants de Louis Malle. En 1995, à la demande


de son fils et de sa fille qui souhaitent connaître son passé de déporté, il publie son histoire : Femmes en deuil sur un camion (Nil éditions). À la lecture de cet ouvrage, Raphaël Lewandoski réalise un documentaire en 1999 : Une ombre dans les yeux (Les films de la Porte Rouge). En dialogue avec ses proches, Jorge Semprun et Roman Polanski, Willy Holt retrouve peu à peu les mots pour raconter sa survie. L’équipe du Musée conserve un souvenir ému de cet homme pudique, imaginatif et sensible.

Charles Brun Né à Pont-de-Claix le 16 octobre 1922, son enfance, l’école laïque et ses valeurs républicaines, mais plus encore, ses années de jeunesse marquées par le rugby et le scoutisme, vont guider ses choix ultérieurs. En effet son capitaine d’équipe est Philippe Valois, fils du Docteur Valois, président du club de rugby. En 1941, élève à Champollion, il est fortement marqué par les arrestations de Pierre Fugain, Guy Genon-Catalot et Albert Gaillard. Au printemps 1943, appelé au STO, il rejoint grâce à un ami scout le maquis de Vaujany, initié par Joseph Perrin (Paradis), puis en juin, il est affecté au maquis école de Theys. Au mois de juillet, il rejoint le service Périclès des MUR (Mouvements unis de la résistance) des Hautes-Alpes, puis à l’automne 1943, le Haut-Jura, région de Saint-Claude, un groupe franc spécialisé dans les coups de main contre les Chantiers de la jeunesse, pourvoyeurs en vêtements et chaussures des maquis.

Le 16 octobre, lors d’une attaque contre un chantier, il est arrêté à Pont-de-Poitte, au sud de Lonsle-Saunier, par les gendarmes de la brigade de Clairvaux-les-Lacs. Jugé à Lyon, il est emprisonné à la prison Saint-Paul, puis transféré à

la centrale d’Eysses dans le Lot-etGaronne, d’où il est déporté en Allemagne au camp de Dachau. Il en revient très éprouvé et se marie en 1948. Dès les années cinquante, il participe à la défense et la reconnaissance des droits des déportés, en 1966 il devient président de l’ADIF (Association des déportés, internés et de leur famille).

talle aux Girieux (sous la Pinéa), le 2e aux Marcellières (au dessus de Proveysieux) et la 3e à MontSaint-Martin. Fin juillet, appelé à l’état-major du secteur 2 FTP, Jean-Henri Buisson Debon le remplace à la tête du détachement. Gravement blessé en septembre 1944, il est ensuite affecté au 4e génie de Grenoble et démobilisé fin 1945.

Raymond Nagel André Jarrand Originaire de Grenoble, il est né le 10 octobre 1922 dans le quartier Saint-Laurent où ses parents tiennent un commerce. Il travaille au début de la guerre dans le cabinet de Jean Benoît, architecte municipal de Grenoble.

Tandis qu’il est appelé au STO (service du travail obligatoire), début 1943, il monte le 10 mars, avec trois autres de ses camarades réfractaires, au pied du Néron, près de la grotte dite du « colonel Brun ». Mais le manque d’eau les oblige à s’installer dans la grange de M. Neyroud, sous les batteries du Rachais. Le groupe, fort d’un effectif de dix hommes, prend le nom de 2e détachement Bayard ; le 1er détachement étant sous les ordres de Georges Roche. Le 20 juillet 1943, le groupe abandonne le camp, à la suite du ratissage du Rachais par les GMR (groupes mobiles de réserve) et se disperse. De septembre 1943 à juin 1944, date de son intégration dans le 3e bataillon FTP, le groupe Bayard opère des coups de main pour récupérer des tickets d’alimentation et multiplier des actions de sabotages contre des usines. De chef de groupe, André Jarrand passe chef du bataillon. Pour des raisons de sécurité, le commandement FTP décide la création de maquis. La 1ère compagnie s’ins-

Né à Nancy le 14 août 1921, Raymond Nagel est élève ingénieur à l’Institut d’électrotechnique et de mécanique appliquée de Nancy lors de la défaite de juin 1940. Pendant les vacances d’été 1940, il est stagiaire à la Compagnie générale électrique. C’est là qu’il commence à rédiger des tracts répétant des messages de la radio anglaise, ceux-ci étant ensuite reproduits sur la machine à tirer les plans de l’entreprise. L’été suivant, il distribue le journal clandestin d’Henri Frenay Les Petites ailes. Très vite repéré par les Allemands, il quitte Nancy au mois de septembre 1941 pour Grenoble où il compte terminer ses études d’ingénieur à l’Institut d’électrotechnique. Il s’installe à l’Ile Verte et entre très vite en contact avec la Résistance ; en juillet 1942 il rencontre Marie Reynoard qui le charge de la fabrication de faux papiers et de la distribution du journal Combat. C’est à cette époque qu’il adopte le pseudonyme de Pierre Carré, inspiré de celui de Poincaré, nom du lycée de Nancy où il fit ses études. À la fin de 1942, il devient chef de groupe franc. Recherché par la police de Vichy, en juillet 1943, il rejoint l’Angleterre via l’Espagne. Après plusieurs mois d’entraînement, il est parachuté le 23 mai 1944 dans la région de Troyes, puis rejoint Dijon où il organise, en tant

qu’officier d’opérations aériennes, les réceptions d’armes et de munitions en provenance d’Angleterre. Marié à une anglaise en janvier 1946, il s’établit à Londres.

René Mouchet Il naît à Virieu-sur-Bourbre, le 27 juillet 1925 dans une famille républicaine et antifasciste. Son père, qui travaille à Force et Lumière, est muté à Grenoble au début de la guerre. La famille Mouchet s’installe à Seyssinet et René est embauché chez Merlin-Gerin, d’abord à la fonderie de Fontaine, puis à l’usine de Grenoble. Proche du Parti communiste, René Mouchet fait équipe avec deux de ses camarades de travail, Bouvier et Bergeret. Le petit groupe commet de multiples sabotages et notamment celui des transformateurs fabriqués par Merlin-Gerin pour la marine allemande. En août 1943, alors qu’il dynamite la porte d’un milicien habitant cours JeanJaurès, le groupe est repéré par la police française. Gaston Bouvier est arrêté et sera déporté. René Mouchet et son autre camarade réussissent à s’échapper. En juillet 1944, il rejoint le maquis du Vercors, vit l’attaque allemande du 21 juillet et réussit à quitter le plateau sain et sauf. Il livrera plus tard un saisissant témoignage de la fin dramatique du maquis. De 1953 à 1977, René Mouchet est conseiller municipal de Fontaine, secrétaire départemental de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance) depuis 1977 et membre du Conseil national de l’ANACR depuis 1958. Jusqu’à une date récente, il entretenait avec l’équipe du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère des relations confiantes et chaleureuses.

7


agenda Manifestations organisées autour de l’exposition Rompre le silence. Mémoires de chômeurs et précaires en Isère, 1975 – 2007 Pas seulement des chômeurs : des hommes et des femmes Exposition des travaux réalisés au cours de l’atelier d’expression artistique de l’association Gallo Inauguration le mercredi 7 novembre 2007 à 18h. Antigone En lien avec l’exposition du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, les participants de l’atelier d’expression artistique présentent leur travail sur le thème de l’identité du chômeur ou du précaire. L’objectif est de permettre aux créateurs d’exprimer leur vécu de personne reléguée ou stigmatisée par le manque d’emploi. Dans un premier temps, chacun a fait un modelage en plâtre de son visage et l’a collé sur un panneau. Ensuite, cette expression directe de son identité a été mise en image au moyen du dessin, de la couleur et de l’écriture. Chaque panneau représente la manière dont chacun vit son regard et celui des autres dans sa situation de précarité, de recherche d’emploi, entre espoir et angoisse. Certains expriment la colère ou le désenchantement, d’autres, à l’inverse, témoignent du recours à l’humour ou de l’espoir en un avenir meilleur. À cette occasion sera projeté le film La rue est dans la nuit comme une déchirure. L’exposition sera présentée : Du 7 novembre 2007 au 6 janvier 2008 à Antigone, 22 rue des Violettes à Grenoble. Du 7 janvier au 6 juin 2008 à Solexine, 12, rue Ampère à Grenoble. Du 7 mars au 25 avril 2008 à Ozanam, route d’Uriage à Vaulnaveys-le-bas. La rue est dans la nuit comme une déchirure Lundi 19 novembre 2007 de 13h30 à 17h30 Une après-midi organisée par la commission locale d’insertion de Grenoble (Conseil général de l’Isère), autour de visites commentées de l’exposition par Christian Devaux, fondateur et permanent de l’association Gallo, et de la projection du film d’Alain Massonneau et Catherine Page, à l’intention des partenaires de l’action sociale en Isère mais ouverte à tous, selon les places disponibles. Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble L’altra campagna du sous-commandant Marcos Projection du documentaire de Bernard Doray. Vendredi 18 janvier à 20h Avec Bernard Doray, réalisateur du film, psychiatre, psychanalyste et anthropologue avec lequel une discussion suivra, sur le thème de la reconstruction de la dignité en tant que thérapeutique et la re-symbolisation. Antigone : 22, rue des Violettes Grenoble, 04 76 99 93 23 Visites de l’exposition commentées par les membres de l’association Gallo De novembre 2007 à mars 2008, sur réservation au 04 76 42 38 53. Numéro 7 – octobre 2007. Directeur de Publication : Jean-Claude Duclos. Rédaction : Alice Buffet, Jean-Claude Duclos, Favio Fischer et Hernan Belon, Jacques Loiseau Conception, réalisation : Pierre Girardier. Crédits photographiques : Michel Gasarian/Signatures, Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Musée de la Viscose Imprimeur : Les Deux-Ponts Tirage : 5 000 ex. Dépôt légal à parution. ISSN en cours Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère/Maison des Droits de l’Homme. Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h). 14, rue Hébert – 38000 Grenoble. tél 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89. www.resistance-en-isere.fr L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.

8

autres rencontres Jeudi 18 octobre 2007/18h30

Mes luttes, nos luttes/// Présentation du livre de Jo Briant Une rencontre est proposée ce jour avec l’une des plus grandes figures du militantisme local Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Jeudi 15 novembre 2007/18h30

Terre de Refuge/// Film documentaire réalisé par Hernan Belon et Favio Fischer, 2007, 61’ Un débat suivra la projection, avec la participation des réalisateurs En partenariat avec le collectif Argentine 1976 – 2006 : temps de mémoire, vérité et justice et avec le soutien de l’IEP de Grenoble Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Mardi 20 novembre/18h30 Dans le cadre de la Journée internationale des Droits de l’enfant Table ronde autour de la question des enfants de « sans-papier ». Avec Jacques Barou, anthropologue à l’université Grenoble II et chargé de recherche au CNRS, Abdellatif Chaouite, rédacteur en chef de la revue Écarts d’identité, Thibaut Michoux, Réseau éducation sans frontières, Jean-Marie Delmas, Ligue des Droits de l’Homme. Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Jeudi 29 novembre 2007/18h30 Notre santé n’est pas à vendre/// Film documentaire réalisé par l’ADCFA (Association dauphinoise de coopération franco-algérienne), 1975-1976, 52’ Un débat suivra avec la participation d’une partie des réalisateurs et de témoins En partenariat avec l’association Algériens en Dauphiné et dans le cadre de TRACES Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Samedi 8 décembre 2007/15h Résister, militer Défendre les Droits de l’Homme en Isère, de la Libération à aujourd’hui Présentation du film et du livre. Un débat suivra la projection et la présentation du film avec la participation des auteurs et de témoins Musée dauphinois : 30 rue Maurice-Gignoux à Grenoble Jeudi 13 décembre 2007/18h30 Malaimance, histoires de femmes en errance/// Film documentaire réalisé par l’association Femmes SDF de Grenoble, 2005, 52’ Un débat suivra avec la participation de témoins du film, de femmes actuellement aidées par l’association et de responsables de Femmes SDF Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Du lundi 31 mars au mardi 8 avril 2008 7e édition du festival du film de Résistance proposé par les Amis de la Résistance-ANACR Dans ce cadre, le Musée propose : Jeudi 3 avril 2008/18h30 Projection-conférence Des Allemands dans la Résistance/// réalisé par Jean-Pierre Vedel, 52’ En présence du réalisateur (sous réserve) Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Vendredi 25 avril 2008/18h Inauguration des nouvelles présentations de la salle dédiée à la Déportation Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Du vendredi 25 avril au vendredi 2 mai 2008 Présentation, dans l’espace d’exposition temporaire de l’installation vidéo réalisée par le Museo diffuso de Turin sur la représentation théâtrale de Si c’est un homme de Primo Levi par le Teatro stabile de Turin. Grâce à une extraordinaire collection de photographies, de notes de mise en scène, d’indications techniques et d’enregistrements sonores, le spectacle vit de nouveau quarante ans après sa première représentation, le 18 novembre 1966. Les images sont devenues des photogrammes d’un film jamais tourné, un souvenir fait d’atmosphères, de lumières, de mouvements et de changements de scènes, une sorte de cinémascope qui restitue Si c’est un homme tel qu’il fut présenté sur scène. Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Vendredi 2 mai 2008/20h Paroles d’étoile/// Lecture À l’âge des rires, ils ont dû porter l’étoile jaune, quitter leurs parents, apprendre à dissimuler, vivre avec la peur et les cauchemars. Leurs souvenirs sont souvent cruels. Ils ont connu la trahison d’un ami ou d’un voisin, la lâcheté d’un policier servile, l’indifférence glaciale de ceux qui ne voulaient rien voir et rien savoir. Mais ils ont acquis aussi la lucidité des rescapés. Ils ont gardé ce regard d’enfant, sans concession, qui remarque le détail juste et le geste qui sauve… Certains ont trouvé un véritable amour auprès de ces « justes » qui les ont protégés en bravant tous les dangers. Par centaines, plongeant dans leurs souvenirs, ils ont répondu à l’appel de Radio France. Ils composent pour nous l’album de souvenir de la grande famille des enfants du silence. par Paroles en Dauphiné et Anagramme Musée dauphinois : 30, rue Maurice-Gignoux à Grenoble

R L M D E E


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.