n°9 mai 2008
Les Résistants de La Viscose 1940 - 1944
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L’usine face à la guerre
Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme
RÉSISTANC E
& DROITS DE L’HOM M E
édito C REUSES
!
Toujours appliqué avec profit, ce vieux principe n’en finit pas d’avérer ses mérites. Laissons à leurs sarcasmes ceux qui y voient la volonté de démontrer que les Isérois auraient tout connu, tout fait et tout acquis avant les autres. Non, ce n’est pas le cas et ce n’est pas pour cette raison que le choix fut fait de concevoir le programme du Musée de la Résistance et de la Déportation à partir des faits, des personnes et des lieux de l’Isère. C’est, plus modestement, pour mieux explorer et comprendre, à partir des réalités de l’espace et du temps qui sont nôtres, en ce département alpin, l’histoire qui nous est commune, du local au global. Ainsi la recherche que nous venons de mener à propos des résistants de la Viscose, nourrie par deux ouvrages récemment parus, celui de Michelle Blondé, Une usine dans la guerre (Presses universitaires de Grenoble) et celui de Yves Nicolas, L’Ecole nationale des Cadres d’Uriage, nous entraîne-t-elle loin.
Résistance à l’usine
Dans le prolongement de l’exposition que présente le M usée de la Viscose depuis le 7 mai 2008, Une usine dans la guerre, celle du M usée de la Résistance et de la Déportation, Les Résistants de la Viscose, tente de répondre à quelques questions simples : qui devient résistant dans cette grande entreprise industrielle de l’agglomération grenobloise, comment et avec quels effets, à l’échelle de la Résistance en Isère ?
LÀ OÙ TU ES
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La précédente exposition, Rompre le silence – Mémoires de chômeurs et précaires en Isère, avait déjà attiré l’attention sur les conséquences de la désindustrialisation : elle accroît redoutablement le chômage et met en péril l’existence du monde ouvrier tel qu’il existe encore avec ses valeurs propres, d’entraide et de fraternité, dans le travail et au-delà. A l’usine de la Viscose, où 1 500 à 2 000 personnes d’origines diverses travaillent, de 1927 à 1989, ces valeurs sont bien réelles. C’est même elles qui décident de l’entrée en résistance. Tel est le constat que devraient faire les visiteurs de l’exposition Les Résistants de la Viscose. Nous le souhaitons en tout cas, car c’est bien la solidarité et l’amitié que suscitent le partage d’une même condition et que cultivent l’action syndicale, qui furent, à la Viscose et très certainement dans d’autres usines, un ferment pour la Résistance. La figure d’un Louis Baille-Barrelle, employé au service d’entretien de la Viscose, secrétaire de la CGT dès 1936, résistant, membre du mouvement Combat, arrêté, déporté et dévoué sa vie durant à la cause ouvrière, en est un bel exemple. Son cas n’est pas isolé. Nous l’évoquons car il est, avec son ami René Thomas, viscosier lui aussi, de ceux
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l’expo
DES RÉSISTANTS
Ré sistance à l’usine
Comme ailleurs, les premiers résistants sont des communistes. Il s’agit par exemple de Georges Prieto, ouvrier à la filature, qui vient de combattre pendant deux ans en Espagne dans les Brigades internationales, mais est arrêté en janvier 1941, interné puis déporté à Buchenwald. Ou encore de Roger Josserand, ouvrier de préparation, arrêté lui aussi en janvier 1941, interné 3 ans et demi et déporté 1 an. D’autres communistes sont plus actifs au sein de l’usine. C’est notamment le cas de René Thomas, salarié à la Viscose depuis 1937, qui dès après la dissolution de la CGT, s’investit avec son ami Louis Baille-Barrelle, dans le syndicat ouvrier de l’usine, celui qu’impose le gouvernement de Vichy dans chacune des entreprises françaises. Mais Thomas quitte la région en août 1943 pour prendre le commandement des Francs-tireurs et partisans de l’Ain, du Jura et de la Saône-et-Loire, aux côtés de Georges Kioulou. Revenu à Grenoble, début 1944, il organise et dirige les Milices ouvrières patriotiques mais est arrêté le 24 juillet 1944 par la Gestapo, torturé et assassiné. En réalité, c’est plutôt autour d’anciens syndiqués de la CGT qu’une activité de résistance commence à se développer en 1942 au sein de l’usine. Bénéficiant de la fraternité ouvrière, cette résistance consiste surtout à imprimer et distribuer des tracts, cacher ceux qui sont recherchés et leur procurer de faux papiers d’identité, et bientôt à organiser des sabotages. Une figure se distingue parmi ces viscosiers résistants, celle de Louis Baille-Barrelle.
Louis Baille-Barrelle
Implantée à Echirolles en 1927 par la Société nationale de la Viscose, cette usine est, dans les années 1940, l’une des cinq de l’agglomération grenobloise qui emploient plus de 1 000 salariés. Même si l’on sait que des résistants agissent aussi à Grenoble, chez Bouchayer & Viallet, Neyret-Beylier & Piccard-Pictet (qui deviendra Neyrpic après la guerre) et Merlin-Gerin, et à Saint-Martind’Hères, à la biscuiterie Brun, c’est dans celle de la Viscose que la situation commence à être mieux connue. On le doit à l’ouvrage de Michelle Blondé, Une usine dans la guerre, et, dans le cadre du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, aux recherches de Jacques Loiseau. D’autres travaux devront suivre pour savoir plus précisément quelle est la part du secteur de l’entreprise à la Résistance et quel rôle spécifique y joue le monde ouvrier. Car force est de le constater, tant au niveau local que national, ces travaux sont encore rares et lacunaires. Les données qui viennent d’être rassemblées pour la Viscose sont donc les premières du genre en Isère, et, même si des zones d’ombre persistent, elles méritent bien une exposition. A noter, pour mieux comprendre l’état d’esprit qui règne alors dans cette grande usine que son personnel est majoritairement composé d’immigrés, d’Italiens, de Hongrois, de Russes, de Polonais et d’Espagnols, auxquels s’ajoutent des Sarrois, des Tchécoslovaques, des Arméniens et des Autrichiens. Ce cosmopolitisme, duquel les syndicats et notamment la CGT s’accommodent fort bien, offre un terrain favorable aux idées antifascistes. Mais ce qui va semble-t-il l’emporter dans la décision de manifester son opposition au régime collaborationniste de Vichy n’est pas tant la dissolution du Parti communiste, en septembre 1939, que celle des organisations syndicales, en novembre 1940, et notamment de la CGT, syndicat majoritaire de l’usine depuis 1936. Cette dissolution n’entame en rien, bien au contraire, l’amitié et la solidarité qui soudent ses membres et qu’entretient le partage d’un même travail et d’une même vie, soit d’une même condition que tous aspirent à améliorer, voire à changer. Comme toutes les usines de la France occupée qui produisent pour l’Allemagne, la Viscose a le statut d’usine prioritaire. Aussi les matières premières dont elle a besoin – le charbon et la cellulose notamment – continuent-elles d’arriver. Classée « S Betrieb » en 1944, la Viscose travaille directement pour l’Allemagne et son personnel, réquisitionné sur place, échappe ainsi au Service du Travail Obligatoire (STO).
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Henri Segal
André Leu
Pierre Navarre
édito (suite) Louis Clavel
Il est chaudronnier et a déjà travaillé plusieurs années chez Neyret-Beylier quand il entre à la Viscose en 1935 au service d’entretien. L’année suivante, il est secrétaire du syndicat CGT de l’usine. Après sa démobilisation, en juillet 1940, il s’implique dans la gestion des œuvres sociales de l’usine et devient membre de la commission permanente du Comité social ainsi que des commissions « jeunes » et « entraide ». Contacté par Georges Bois - Sapin, pour la Résistance, il rejoint le mouvement Combat en 1942 et devient, sous les ordres d’Albert ReynierVauban, membre de l’Armée Secrète sous le pseudonyme de Davin. Responsable des Groupes francs de Combat à la Viscose, il est entouré d’une équipe soudée où se trouvent également des membres des Francs-tireurs et partisans français (FTPF). Mais il sera dénoncé en septembre 1943 par un milicien de l’usine, arrêté avec ses amis Hippolyte Villevieille et Pierre Navarre au cinéma Eden où se tient une conférence du collaborationniste Philippe Henriot, puis remis à la Gestapo, torturé et déporté.
que l’équipe dirigeante de l’Ecole nationale des cadres d’Uriage invite à intervenir pour mieux connaître le monde ouvrier et le syndicalisme.
André Balme
Bien d’autres, tels Maurice Luya, ajusteur, Jean Guegen, moniteur à l’atelier-école ou André Balme, moulinier, vont payer leur engagement dans la Résistance par la déportation. Pas moins d’une quarantaine la connaîtront aussi en décidant de manifester le 11 novembre 1943. D’autres, tel Jean-Marie Chagny, contremaître, arrêtés par les Italiens, auront un peu plus de chance. D’autres encore, tels Marcel Balme, ajusteur, qui agit aux côtés de Louis BailleBarrelle dans le Groupe franc de la Viscose, Georges Bot, contremaître, Albert CéleriRogoz, membres de Combat ou Emile Sollier, ajusteur, qui rejoint les maquis de l’Oisans, réussiront à passer entre les mailles du filet. C’est aussi le cas de Louis ClavelPetit Louis, qui avec ses amis de la Viscose, André Leu (qui sera déporté) et Basile Rawelik, dynamitent l’Hôtel Gambetta, en mai 1943, où loge l’Etat Major de l’armée italienne. Des Juifs sont aussi engagés à la Viscose pendant l’Occupation. C’est le cas d’Edmond Godchot, recruté comme comptable en 1942, mais arrêté, déporté en mars 1944 et exterminé à Auschwitz. D’autres auront plus de chance, tel Henri Segal qui rejoint le mouvement Combat. Juif d’origine polonaise, Segal est recruté à la Viscose en mai 1941 comme chef d’atelier et le demeure même si son activité dans la Résistance lui prend bientôt tout son temps. Ces recrutements, autant que la liberté dont bénéficient Segal et d’autres, ne pouvaient évidemment pas échapper à la direction de l’usine.
Là s’opère une intéressante jonction d’intérêts : ceux de la cause ouvrière et de ses portes-parole syndicaux, ceux des Uriagistes dont la mission est de préparer la France de demain, ceux du directeur éclairé de la Viscose qui comprend que la modernisation de son entreprise passe par la considération et le bien-être des salariés, et, finalement, ceux du rejet de la politique collaborationniste du gouvernement de Vichy, d’où le choix de la Résistance dans laquelle tous ces acteurs vont agir. Au-delà des clivages, idéologiques, sociaux ou politiques, les valeurs de la Résistance, lorsqu’elles sont partagées, sont bel et bien un facteur de progrès ! Telle est, dans l’esprit même du programme du Conseil national de la Résistance, la démonstration que permet d’aborder l’histoire des résistants de la Viscose. L’équipe du musée est fière de contribuer à montrer, à l’exemple des fondateurs, qu’il y a toujours grand profit à revenir sur cette période des années 1940 – 1944 qui, décidément, ne cesse d’alimenter nos réflexions sur l’actualité du monde et des maux dont il souffre. Aussi continuerons-nous de creuser.
PIERRE FRIES, UN DIRECTEUR HUMANISTE ET SECRÈTEMENT RÉSISTANT
Pierre Fries
Protestant d’origine alsacienne, ancien combattant de la Première Guerre mondiale et ingénieur chimiste, Pierre Fries est nommé directeur de l’usine en 1932 par la Société nationale de la Viscose. Tout en respectant les consignes du gouvernement de Vichy puis celles de l’occupant, il apporte protection et soutien à des Juifs, des réfractaires au STO et des résistants, tout en soutenant financièrement les maquis. Seule la Milice, qui l’arrête le 30 juin 1944, puis le relâche le 18 juillet, semble s’apercevoir de ses activités de résistant. La Résistance et notamment Albert Reynier-Vauban, le préfet de la Libération, reconnaîtront officiellement son action en 1946. Au-delà de la volonté de moderniser son entreprise autant que d’améliorer les conditions de travail de son personnel, Pierre Fries entretient, tout au long de la période pendant laquelle il dirige l’usine, des rapports respectueux et constructifs avec les représentants syndicaux de la Viscose. Cet état d’esprit suffit à expliquer pourquoi le courant va passer entre Pierre Fries et le directeur de l’Ecole nationale des cadres d’Uriage, Pierre Dunoyer de Segonzac.
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l’expo Résistance à l’usine Roger Bonamy
L’ECOLE NATIONALE DES CADRES D’URIAGE ET LA VISCOSE
Mise en place par le gouvernement de Vichy pour former les éducateurs de la jeunesse française, L’École nationale des cadres d’Uriage s’intéresse au milieu ouvrier dans lequel elle place des stagiaires dont François Legay. En juin 1942, Dunoyer de Segonzac écrit : « Dans ce nombre [de stagiaires], je serais heureux qu’une place importante soit réservée à l’entreprise que dirige M. Fries à Grenoble, la proximité de cette usine devant nous permettre de prolonger utilement les résultats de cette session pour le rayonnement local de l’école et l’action de l’équipe nationale d’Uriage ». Les relations entre l’Ecole et l’usine sont donc très bonnes, d’autant que Pierre Fries a recruté l’un de ses anciens stagiaires, Roger Bonamy, pour diriger le Centre de formation des jeunes de la Société nationale de la Viscose. Par ailleurs, Louis Baille-Barrelle et René Thomas interviennent dans plusieurs stages de l’Ecole sur la condition ouvrière et le syndicalisme. Aussi tout deux entretiennent-ils des rapports privilégiés avec Joffre Dumazedier dont Pierre Dunoyer de Segonzac utilise les compétences dans le domaine des questions sociales et pédagogiques. Quand, en décembre 1942, le gouvernement de Vichy dissout l’Ecole, devenue trop critique à son égard, Dumazedier entre avec d’autres uriagistes dans la Résistance. Inspecteur principal de l’Éducation populaire, à la Libération, il lancera, avec Beñino Cacérès et Joseph Rovan, l’association Peuple & Culture dont le rôle sera majeur dans le domaine de l’action culturelle, notamment dans la région grenobloise. Revenons cependant à cet ancien stagiaire, recruté en juin 1941 par Pierre Fries pour diriger le nouveau centre d’apprentissage de l’usine : Roger Bonamy. D’origine nantaise et diplômé de l’École supérieure de commerce et d’industrie, il est remarqué à Uriage pour sa probité et son intelligence. Bonamy applique à la Viscose les méthodes d’éducation de l’équipe d’Uriage et y devient président du « groupe Navis de formation des jeunes », au sein du comité social. Il s’engage aussi dans la Résistance au sein du mouvement Combat sous les pseudonymes de « Joseph » ou « Ciment », et participe, avec d’autres résistants de l’usine, à diverses actions. En avril 1944, alors qu’il est chef de trentaine à la Viscose, il prend contact avec Alban Vistel, chef régional des Mouvements unis de la
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Résistance (MUR), dont il veut reconstituer un directoire départemental, après « la Saint Barthélemy grenobloise » qui a privé la Résistance iséroise de plusieurs de ses dirigeants. Bien que ses activités clandestines l’empêcheront bientôt de poursuivre sa tâche à la Viscose, il y demeurera salarié jusqu’en juin 1944. A la Libération, les qualités humaines de Roger Bonamy lui vaudront d’être nommé président du Comité Départemental de Libération Nationale (CDLN). Ainsi, et même si la Résistance n’a véritablement concerné qu’un faible pourcentage des effectifs de la Viscose – quelque 6 %, d’après Michelle Blondé – peut-on constater qu’elle s’est exprimée, du plus bas au plus haut, à tous les niveaux de la hiérarchie et dans une esprit de coopération qui force l’admiration. Reste à voir, maintenant, s’il en fut de même dans les autres usines de l’Isère. ◗ René Thomas
Le retour des viscosiers déportés et prisonniers Neuf mois après la Libération, à partir de mai 1945, les déportés rescapés rentrent chez eux, très affaiblis et malades, dans l’indifférence quasi générale. Toute à la joie de la fin de la guerre, la société n’aspire en effet qu’au retour de la prospérité. Pierre Fries tient pourtant à rendre hommage aux viscosiers, déportés et prisonniers. Aussi, le dimanche 22 juillet 1945, leur offre-t-il un déjeuner. 35 salariés y participent, à l’exception des requis de la Relève et du STO qui n’ont pas été invités. Déportés et prisonniers de guerre sont assis en alternance afin de marquer symboliquement le rassemblement de tous les combattants revenus dans l’entreprise qui les honore. Louis Baille-Barrelle, secrétaire du syndicat CGT est à la place d’honneur, à côté du directeur, Pierre Fries. Avec la même force que celle dont il a témoigné dans la défense du monde ouvrier, Baille-Barrelle, s’engage ensuite dans celle des anciens combattants et déportés. Ainsi présidera-t-il la section de l’Isère de la Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP) jusqu’aux derniers mois de sa vie, en 1982. ◗
L’autre expo
Une usine dans la guerre La Société nationale de la Viscose, 1939-1945 Exposition présentée au M usée de la Viscose du 7 mai au 31 décembre 2008. A la veille de la guerre, la « Viscose » se distingue des autres entreprises de la région grenobloise par une main-d’œuvre cosmopolite et des conditions de travail particulièrement difficiles. Lors de la mobilisation, l’usine se vide d’une grande partie de son personnel partie au front et s’arrête quelques mois. Puis, l’activité reprend peu à peu mais la classe ouvrière souffre des conditions de travail, des pénuries et du marché noir. La direction développe alors des œuvres sociales en s’investissant particulièrement dans l’aide au ravitaillement des familles et la formation des jeunes.
Conçue principalement à partir des collections et des archives du Musée de La Viscose, l’exposition retrace la vie quotidienne de l’usine, de la mobilisation en septembre 1939 à la Libération. Elle montre les conséquences de l’Occupation sur les conditions de vie et de travail des ouvriers, évoque l’entrée progressive du personnel dans la Résistance et éclaire le rôle joué par le directeur pendant ces années noires. ◗
LES PUBLIC ATIONS L’École nationale des cadres d’Uriage
Yves Nicolas Édition Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère Collection « Patrimoine en Isère »
Une usine dans la guerre, La Société nationale de la Viscose à Grenoble, 1939-1945.
Michelle Blondé Edition Presses universitaires de Grenoble C’est en cherchant à retracer le parcours de son grand-père, syndicaliste et résistant, que Michelle Blondé découvre les archives de la Société nationale de la Viscose conservées au musée de la Viscose et encore largement inexploitées. Quatre années d’études passionnées de ces documents lui a permis de raconter l’histoire originale de cette entreprise pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les épisodes qui ont pour toile de fond le château d’Uriage, près de Grenoble, durant la Seconde Guerre mondiale sont source d’innombrables malentendus. On confond l’École des cadres installée par le gouvernement de Vichy (1940-1942) avec celle de la milice (1943-1944), ou encore avec celle de l’après-guerre fondée par les résistants et les militaires (1944-1946). Plus que la manière dont se succèdent ces différentes institutions de formation, ce sont les valeurs sur lesquelles la première École des cadres reposait et les méthodes par lesquelles elle entendait façonner des « chefs » pour la jeunesse qui sont abordées ici. Tout en tentant de repérer le rôle de quelques personnalités appelées à devenir célèbres et, à travers elles, les idéaux qui vont imprégner les politiques culturelles de la Libération.
Après un rappel de l’histoire des relations sociales à la Société nationale de la Viscose dans les années trente, l’ouvrage retrace la vie quotidienne de l’usine, de la mobilisation en septembre 1939 à la Libération. En s’appuyant pour l’essentiel sur les archives de la direction de l’entreprise et celles de la préfecture, Michelle Blondé analyse les conséquences de l’Occupation sur les conditions de vie et de travail des ouvriers, l’entrée progressive du personnel dans la Résistance et éclaire le rôle joué par le directeur pendant ces années noires. Le livre sera présenté au Musée le mardi 10 juin à 18h
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prochaine expo
S 21
Témoin S 21. Face au génocide des Cambodgiens du 18 octobre 2008 au 13 avril 2009
À l’automne 2008 et dans le cadre des célébrations marquant le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le Musée consacrera une exposition à la tragédie que le Cambodge a connu du temps du régime khmer rouge, entre 1975 et 1979, au cours duquel périrent environ 1,7 million de personnes. Cette exposition que le Musée prépare en étroite relation avec l’École de la paix de Grenoble, le soutien de l’Association des Cambodgiens de l’Isère et le partenariat de personnalités qualifiées issues du monde universitaire et associatif, entend en premier lieu relater l’histoire de ce qui fut l’un des plus grands massacres du XXe siècle mais aussi montrer comment les traces de ce génocide perdurent en présentant le travail que l’artiste-photographe Dominique Mérigard a réalisé à Phnom Penh en décembre 1994. Un projet qui s’inscrit dans le contexte d’une actualité forte, celle des procès des plus hauts responsables du régime khmer rouge encore en vie, dont il sera évidemment question dans l’exposition. Plus largement, c’est la justice pénale internationale en ce début de XXIe siècle qui sera abordée. Une exposition qui s’ancre également en Isère par l’évocation du refuge massif dans le département des exilés venus du Cambodge, mais aussi du Laos et du Vietnam, à la fin des années 1970 et durant toute la décennie suivante, et la solidarité qu’ils suscitèrent alors. Afin de pouvoir restituer cette histoire, le Musée a entrepris une campagne de collecte de témoignages audio et vidéo filmés. Ce travail sera prolongé par une publication et par un important programme (avec la projection de films, de conférences-débats) pendant toute la durée de l’exposition, qui vous sera prochainement dévoilé. ◗
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brèves
Résister, militer : un film du Musée à diffuser largement Le film Résister, militer dont le Musée a confié la réalisation à Michel Szempruch de l’Association Repérages est désormais terminé après plus de deux ans de préparation.
gique à destination des élèves, tant des collèges que des lycées. Le Musée tient à la disposition des établissements scolaires, des associations et des collectivités locales plusieurs exemplaires sur DVD et propose d’organiser des temps d’échanges avec les concepteurs et les militants du film après les projections. Des rendez-vous ont déjà été programmés au cours du printemps.
S’appuyant sur les témoignages d’une trentaine de militant(e)s associatifs et syndicaux appartenant à toutes les générations, Résister, militer met en évidence la diversité des causes défendues en Isère pour les Droits de l’Homme comme il fait apparaître les liens qui existent entre les luttes et les engagements d’hier avec celles et ceux d’aujourd’hui autour d’une période charnière qu’est la Résistance.
Une diffusion que le Musée entend encore favoriser par une édition prévue lors des Journées européennes du patrimoine de septembre prochain.
D’une durée finale de soixantesix minutes, le film répond à l’objectif de pouvoir s’adresser à un large public tout en étant conçu comme un outil pédago-
Pour l’organisation de projection-débat : contacter Alice Buffet, alice.buffet@cg38.fr
Parution du livre de Guillaume Ribot Camps en France, histoire d’une déportation Préface de Denis Peschanski, notices historiques de Tal Bruttmann. Ce livre analyse de façon scientifique et rigoureuse le fonctionnement du système d’internement en vigueur en France pendant a Seconde Guerre mondiale. Une partie de ce système répressif souvent méconnu est passée au crible à travers l’histoire d’un homme : Gerhard Kuhn. Ce Juif allemand, expulsé d’Allemagne en 1940, a traversé cinq années d’internement et de déportation, dont deux sur notre territoire, dans différents camps mis en place par le gouvernement de Vichy : Gurs, Rivesaltes, Groupement de travailleurs étrangers de Saint-Privas, Fort Barraux, Drancy puis Auschwitz. L’histoire universelle est ramenée à celle d’un homme au travers de documents nominatifs. En parallèle, le photographe Guillaume Ribot nous questionne sur l’effacement des traces des lieux de mémoire en proposant des images contemporaines de chacun des camps. 30 €, édité par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, disponible en librairie.
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agenda
Samedi 7 et dimanche 8 juin 2008 Rester libres ! La voix est libre ! Donner une fois encore, avant la fin de l'exposition, tout leur sens aux mots rester libres, telle est la proposition du Musée dauphinois, le temps d’un week-end, autour des thèmes de la liberté, de l’engagement militant et de la défense des Droits de l’Homme en Isère. A travers la découverte ou la redécouverte de l’exposition, la création originale du groupe de slam Mots Paumés ou des projections du film Résister, militer, venez partager, échanger et participer au dernier temps fort proposé dans le cadre de l’exposition Rester libres ! Samedi - 11h Rester libres ! Les expressions de la liberté des Allobroges à nos jours. Visite de l’exposition commentée par ses concepteurs : une réflexion sur le lien qui peut être fait entre l’existence, au début des années 2000, de quelque huit cents associations qui défendent les Droits de l’Homme en Isère, et l’histoire longue et riche, dans les Alpes dauphinoises, des luttes pour la liberté. Samedi - 15h La voix est libre ! Concert slam du groupe Mots Paumés, création originale sur le thème de la liberté. Mots Paumés, c'est la rencontre d'un slammeur et deux musiciens. Un monde où les mots dits se mêlent aux mélodies dans tous les sens, dans tous les sons. Éclats d'humour ou humeurs avec clavier et clarinette, accalmies verbales en accord avec la guitare, sketches clamés a capella, chroniques ironiques ou récits oniriques sur nappes électroniques... Les mots sont sas, sans cesse, des mots de passe, des mots de passage. Le début d'un voyage. Samedi 7 juin à 17h et dimanche 8 juin à 15h et 16h30 Projection du film Résister, militer Un film du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère – Maison des Droits de l’Homme, réalisé par Michel Szempruch en 2008 (durée : 66 min.). La projection du samedi sera suivie d’un débat en présence du réalisateur et de témoins du film. Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble
Avec Paul Bouchet, rédacteur de la Charte de Grenoble, ancien président du mouvement ATD Quart-Monde et conseiller d’Etat honoraire. Robi Morder, professeur associé à l’Université de Reims, président du GERME. Jean-Baptiste Prévost, président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Table ronde animée par Jean-Claude Duclos (Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère), Damien Berthilier (LMDE) et Jean-Philippe Legois (Mission CAARME / CME). Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble Mardi 17 juin 2008 - 18h30 Hommage à Germaine Tillion Disparue le 19 avril dernier, Germaine Tillion aura marqué le siècle par son œuvre d’ethnologue autant que par ses combats de résistante et d’opposante farouche à la torture et la peine de mort. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère auquel s’associent l’Association des Amis du Musée de la Résistance, Les Amis de la Résistance (ANACR), Ethnologie & Cinéma… souhaitent rendre hommage à cette femme d’exception. « Si l’ethnologie, qui est affaire de patience, d’écoute, de courtoisie et de temps, peut encore servir à quelque chose, c’est apprendre à vivre ensemble », disait-elle. L’on reprendra donc son extraordinaire parcours en tant qu’ethnologue dans les Aurès, résistante au Musée de l’Homme, déportée à Ravensbrück ou chargée de mission auprès du gouverneur général de l’Algérie, toujours en quête de solutions pour que l’on « ne marche pas sur les mains des enfants » et reverra ou verra son témoignage dans Sœurs en Résistance. Germaine Tillion, une vie à la recherche du juste et du vrai par Jean-Claude Duclos, conservateur en chef du Musée de la Résistance et de la Déportation Sœurs en Résistance Projection du film documentaire de Maïa Wechsler (60 min, 2002, Distribution 10 francs).
Ce film est l'histoire de quatre destins qui se croisent, ceux de Germaine Tillion, de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, de Jacqueline Pery d’Alincourt et d’Anis Postel-Vinay. Quatre femmes exceptionnelles, en tant que résistantes, prisonnières, idéalistes et femmes qui, à la fin de leur adolescence, risquèrent leurs vies pour combattre l'occupant nazi. Archives départementales de l'Isère : 2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble
Mardi 10 juin – 18h Présentation et signature du livre de Michelle Blondé
Une usine dans la guerre, La Société nationale de la Viscose à Grenoble, 1939-1945. Avec la participation de l’auteur Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Mercredi 11 juin 2008 – 18h30 De la charte de Grenoble à la création du régime étudiant de sécurité sociale Conférence-débat Le 24 avril 1946, les représentants des étudiants français se rassemblent en congrès national à Grenoble. Porteurs des valeurs de la Résistance et décidés à participer, dans tous les domaines, à la reconstruction du pays, ils signent un document, la charte de Grenoble, considéré depuis comme l’acte de naissance du syndicalisme étudiant français. Deux ans plus tard, la loi du 23 septembre 1948 décide la création du régime de sécurité sociale étudiant dont la gestion est confiée aux mutuelles étudiantes.
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Samedi 20 et dimanche 21 septembre 2008 Journées européennes du patrimoine. Programmation à venir Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Jeudi 17 octobre 2008 – 18h Inauguration de l’exposition Témoin S-21. Face au génocide des Cambodgiens Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Numéro 9 – mai 2008 Directeur de Publication : Jean-Claude Duclos Coordination : Alice Buffet Rédaction : Alice Buffet, Olivier Cogne, Jean-Claude Duclos Conception, réalisation : Pierre Girardier Crédits photographiques : Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Dominique Mérigard Imprimeur : Les Deux-Ponts Tirage : 4 000 ex. Dépôt légal à parution ISSN en cours
Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère / Maison des Droits de l’Homme Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h). 14, rue Hébert – 38 000 Grenoble tél. 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89 www.resistance-en-isere.fr L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.