Le Pen, dernier combat

Page 1

LE PEN

LE DERNIER COMBAT


Les Miroirs du Prince

Collection dirigée par Nicolas Domenach Nicolas Domenach, SARKOZY AU FOND DES YEUX, 2004 Daniel Bernard, MADAME ROYAL, 2005, rééd. 2007

Cet ouvrage s’inscrit dans la collection Les Miroirs du Prince. Au XIVe siècle, en Italie et en France, les temps de crise ont nécessité des réflexions sur le pouvoir politique. Ce genre littéraire n’a rien perdu de son actualité.

© Éditions Jacob-Duvernet, 2007


Marc Fauchoux Christophe Forcari

LE PEN

LE DERNIER COMBAT

Éditions Jacob-Duvernet



À ma fille Maëlle. L’ouverture d’esprit exclut fatalement toute forme de repli sur soi. Elle garantit la liberté, pilier de nos démocraties. M. F.

À mon fils Arno. Pour qu’en grandissant, il contribue à bâtir la République de la Justice et du Progrès, en homme libre. C. F.

Il faut tirer le meilleur du pire. Alain Peyrefitte

Le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres. Romain Gary


Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 1. À Valmy, le FN découvre la République . . . . . . . . . .17 2. La « divine » surprise de 2002 . . . . . . . . . . . . . . . . . .31 3. Les émeutes de 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53 4. Marine Le Pen, directrice de campagne

. . . . . . . . . .67

5. Le discrédit des politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 6. Le Pen et la Corse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .95 7. Le Pen sur les terres du vicomte . . . . . . . . . . . . . . .107

8. La montée des nationalismes en Europe . . . . . . . . .117

9. Dieudonné s’invite chez Le Pen . . . . . . . . . . . . . . .133 10. Le Zénith de Gollnisch

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .145

11. Une beurette à l’affiche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .159 12. Le retour du félon Mégret . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165 13. La chasse aux parrainages . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .189 Annexe : entretien avec Serge Moati . . . . . . . . . . . . . .193



Introduction

À quelques mois de ses 79 printemps, pour sa cinquième et sans doute dernière campagne présidentielle, le vieux leader de l’extrême droite française rêve d’une sortie en beauté, en se retrouvant à nouveau au second tour, de quitter la scène d’une vie publique qu’il arpente depuis plus d’un demi-siècle nanti de cette consécration. À cette confrontation finale, il se prépare activement et sérieusement. Pour la première fois, le FN se dote d’un programme chiffré, alors que les deux candidats favoris des sondages s’interpellent justement sur le coût de leurs programmes électoraux. Jean-Marie Le Pen potasse ses fiches, se concocte un programme présidentiel et un projet de gouvernement, lit quasiment à la ligne et mot à mot, sans omettre les petits a et petits b, les discours rédigés par ses collaborateurs. Il évite ainsi tout dérapage malencontreux. Le bateleur d’estrade adopte l’attitude très sénatoriale d’un notable de la IVe République, sous laquelle il a d’ailleurs fait ses premières armes. Sans négliger pour autant les grosses ficelles qui lui ont assuré ses succès électoraux. Le Pen surfe sur l’air du temps. « Les événements jouent pour moi », a-t-il coutume de répéter. Les agressions contre les forces de l’ordre dans des cités dites « sensibles », les « sans-papiers » relogés aux frais de la collectivité dans des hôtels parce que leur lieu d’hébergement ne leur convenait pas alors que des milliers de « Français de souche pauvres » ne parviennent pas à trouver 11


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

un toit, chaque fait divers, tout incident dans les écoles entre « bandes ethniques », un vocabulaire d’ailleurs repris par son concurrent à droite Nicolas Sarkozy, toutes les infractions commises par des mineurs, amènent de l’eau à son moulin. Il s’est d’ailleurs prononcé en public pour la responsabilité pénale des mineurs à partir de dix ans. Le Pen s’accorde au moins sur un point avec Ségolène Royal, c’est sur la remise au goût du jour de centres de détention fermés. Un retour aux bonnes vieilles maisons de correction de son enfance. Les maux de la société française qui l’ont porté en finale de l’élection présidentielle ne se sont pas estompés. Ils ont encore moins trouvé de solutions ces cinq dernières années. Les mêmes causes pourraient fort bien provoquer les mêmes effets. Le Pen mise désormais sur son âge pour se poser en rassembleur de la nation, en homme de « centre droit », selon ses propres termes. Ce n’est pas un hasard si, en Vendée, il rend hommage à Georges Clemenceau, le Tigre, appelé à la présidence du Conseil à 76 ans, en novembre 1917. L’exemple que parfois la valeur attend longtemps la reconnaissance du nombre des années. En 2007, il en est convaincu, la nation, dans un élan unanime et devant tous les dangers qu’il ne cesse de prédire, le portera au pouvoir suprême. L’élection présidentielle de 2007 est la première depuis vingt-six ans qui ne se déroule pas au sortir d’une période de cohabitation, facteur de confusion. Depuis 2002, la droite gouverne et dispose de tous les leviers du pouvoir. Alors que la cohabitation brouille la donne dans l’esprit des électeurs et contribue à entretenir l’impression chez les citoyens que les deux camps jouent à « bonnet blanc et blanc bonnet », la bataille de 2007 voit s’affronter classiquement la droite et la gauche, avec un plus un centriste, François Bayrou surgi du bois. Chaque électeur renouant alors avec sa famille politique d’origine. Du 12


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

moins la gauche l’espère-t-elle pour ne pas revivre le traumatisme du 21 avril 2002. Même si Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont occupé à plusieurs reprises des fonctions ministérielles, ils incarnent un renouvellement de la classe politique et sonnent la fin d’une génération de monstres sacrés dont les dernières figures se nommaient Jacques Chirac et Lionel Jospin. Le Pen apparaît alors comme le dernier dinosaure, comme le vieil acteur qui ne se résout pas à faire ses adieux. Chacun à sa manière, la candidate du PS et celui de l’UMP tentent de ramener dans leur escarcelle une partie de l’électorat lepéniste. Le discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy séduit une partie de l’électorat populaire frontiste que rebute par ailleurs son discours trop libéral sur le plan économique. Un avantage que le ministre de l’Intérieur entend bien conserver tout au long de la campagne. Même volonté chez Ségolène Royal de ramener les couches populaires qui avaient cruellement fait défaut à Lionel Jospin dans le giron de la gauche. Ses propos moralisateurs mâtinés d’un appel au retour des valeurs, sa défense de l’ordre juste emprunté à la tradition des penseurs catholiques et cité par le nouveau pape Benoît XVI dans son encyclique Deus caritas est juste quinze jours avant qu’elle ne l’utilise, tous ces éléments peuvent lui attirer les faveurs d’une partie des salariés et des employés autant que d’une frange plus conservatrice de la gauche. La France vire un peu plus à droite, comme l’analyse fort justement le journaliste et essayiste Éric Dupin dans son dernier livre À droite toute. Mais ce mouvement ne bénéficiera pas forcément au leader du Front national, dont le cœur de l’électorat ne se reconnaît pas dans cette famille. Une frange de l’électorat détient les clefs de l’Élysée. Ce sont les électeurs « dissonants », selon le terme du Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF). Électeurs de gauche votant à droite ou à l’extrême droite, ils représentent 15 % du corps élec13


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

toral. En 2002, les deux tiers de ces dissonants, issus des couches populaires, avaient délaissé le bulletin Jospin en faveur de Le Pen. Avec ce qui est probablement sa dernière campagne électorale, le président du Front national fait le pari d’inscrire définitivement et durablement sa formation dans le paysage politique français alors que déjà quelques « petits-neveux », héritiers putatifs et présomptueux, très pressés comme Philippe de Villiers, lorgnent sur le magot électoral de l’ancêtre et se disputent déjà l’héritage. Car, à part assurer sa propre pérennité, but de toute organisation politique, à quoi aura servi le Front national ? À l’heure où son champion arrive en fin de parcours, la question mérite d’être posée. Si la « diabolisation médiatico-politique » dont il se dit victime n’a en rien entravé sa progression dans les urnes, ce cordon sanitaire aura empêché la droite de succomber à la tentation de nouer des alliances avec lui, comme ce fut le cas lors des élections régionales de 1998. Pour conserver leur fauteuil, quatre présidents de région durent passer sous les fourches caudines du FN. Le premier à avoir mis en application cette stratégie fut JeanPierre Stirbois en septembre 1983 lors d’une municipale partielle à Dreux. Le secrétaire général du Front avait alors obtenu 16,7 % des voix. Il décroche dans la foulée un fauteuil de maire adjoint après un accord passé avec la majorité RPR-UDF. Malgré de grandes tentations, hormis ces cas particuliers, la droite française n’a jamais franchi le Rubicon d’un accord de gouvernement, reléguant ainsi le parti lepéniste à sa marge. Officiellement au moins. Allié le temps d’une élection européenne au sein du Rassemblement pour la France (RPF) au vicomte de Villiers, président du conseil général de Vendée, Charles Pasqua révélait sur RTL le 21 février 2007 que Jacques Chirac avait demandé à rencontrer discrètement Le Pen au moment de la présidentielle de 1988 pour lui demander son soutien, lui quémander un report de voix favorable sur sa personne. Jacques Chirac se refusant à faire 14


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

la moindre concession au programme du Front national, aucun accord n’avait alors pu être conclu entre les deux hommes. La France a échappé à la tentation italienne. Silvio Berlusconi, le chef du gouvernement, n’avait alors pas hésité à s’allier avec les néofascistes de Gianfranco Fini avant que ce dernier n’opère un virage et ne se déleste de ses encombrants anciens camarades. Ses détracteurs, voire quelques-uns de ses amis, affirment que le président du Front national n’a jamais voulu le pouvoir, d’où sa stratégie de rupture avec la droite. Le parti d’extrême droite a même été instrumentalisé par ses adversaires. La décision de François Mitterrand d’instaurer la proportionnelle pour les élections législatives de 1986 aura ouvert les portes du Palais-Bourbon à 35 députés FN. Le président socialiste affaiblissait ainsi la majorité de sa première cohabitation. Le retour au scrutin majoritaire les a renvoyés dans leurs pénates. En 1995, le FN conquiert trois villes : Toulon, Orange et Marignane, qu’il ne parviendra pas à conserver, à l’exception de la ville d’Orange dans le Vaucluse, où Jacques Bompard aura confirmé son implantation et rompu avec le FN après d’épiques passes d’armes avec Le Pen pour rejoindre les rangs du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers. Dans les conseils régionaux où il siège, ses élus se contentent de mener bataille principalement contre les subventions destinées à la politique de la ville à coups de procédures. Mais marginalisés et minoritaires, les 156 conseillers régionaux n’influencent que fort peu les grands choix politiques des régions et, au final, ne procurent que peu d’avantages à leur figure de proue. Pour preuve, les difficultés bien réelles du président du FN, avouées le 19 février 2007 à un mois de la remise des formulaires officiels au Conseil constitutionnel, à réunir les 500 signatures nécessaires à sa candidature. « Avec nos conseillers régionaux, il suffirait que chacun ramène au moins deux signatures pour que nous approchions du compte mais ils ne font rien. Ils se 15


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

contentent de toucher leurs indemnités et ne labourent pas le terrain. Nous sommes devenus un parti de rentiers », s’offusque un élu régional de Lorraine. Un parti de notables provinciaux, loin de l’image élitiste d’avant-garde combattante, de « premier régiment de France », le nom des élèves saint-cyriens que Le Pen insuffle à ses troupes et fait valoir à l’extérieur. Un « parti d’artisans », reconnaît volontiers Bruno Gollnisch, le délégué général du FN et dauphin en titre, bien éloigné des cohortes noires prêtes à prendre d’assaut les institutions de la République. Depuis sa création en 1972, le FN n’aura, au final, joué qu’un seul rôle : celui de pirate, de trublion de la vie politique française. En redonnant vie et droit de cité à tout un courant de la vie politique française banni depuis la libération, le FN aura contribué à propulser sur le devant de la scène politique le thème de l’immigration et de ce qui est pour lui son corollaire, celui de l’insécurité. La formation de Jean-Marie Le Pen aura été le réceptacle des colères mais surtout des déceptions et des détresses françaises accumulées au cours des trente dernières années. « Le Front national pose de bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses », avait déclaré le leader socialiste Laurent Fabius. La phrase lui a longtemps été reprochée. Le FN a polarisé le débat aux deux bouts de l’échiquier politique. Il a contraint la gauche à camper sur des positions de principes qui ont entraîné un refus de la réalité d’une partie des problèmes soulevés par le parti populiste. La droite, elle, n’a su se garder de la tentation démagogique de reprendre à son compte une partie du discours de l’extrême droite par calcul électoral mais sans parvenir, au final, à enrayer sa progression. Pendant des années, Le Pen a plombé la vie politique française et a certainement freiné les nécessaires évolutions et réformes qui s’imposaient à une Ve République à bout de souffle.

16


Chapitre 1

À Valmy, le FN découvre la République

Un premier barrage de police, juste après la barrière de péage à la sortie de l’autoroute, contrôle toutes les voitures non immatriculées dans la Marne. À l’entrée du village de Valmy, habitué à plus de quiétude, les forces de l’ordre pointent une nouvelle fois les entrants dans cette petite bourgade. Un vrai check point militaire, digne de l’armée israélienne, bloque l’accès au seul café du village qui n’en a pas vu autant depuis 214 ans. Même à cette époque, Valmy n’était pas en état de siège. Ce 20 septembre 2006, Valmy voit la troupe battre le pavé pour un tout petit remake. Sur la route qui mène au symbole de la bataille fondatrice de la République, le fameux moulin reconstruit à l’identique après la tempête de 1999, quelques policiers débonnaires filtrent une dernière fois l’accès des militants de la flamme tricolore et surtout de la masse des journalistes à ce lieu historique. En contrebas, un peloton de gendarmes mobiles, déjà positionné, surveille les abords de la plaine, à quelques mètres de l’endroit où Jean-Marie Le Pen doit prononcer son discours. Patrick Brouillard, le maire sans étiquette de Valmy, 17


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

regarde ce déploiement d’uniformes bleus avec un brin d’inquiétude, désolé de cette publicité peu valorisante. Valmy est à nouveau envahi. Par le Front national cette fois, qui se rend en pèlerinage à un des hauts lieux symboliques de la nation républicaine. Au plus haut niveau de l’État, des consignes ont été données pour qu’il n’y ait pas le moindre incident pour ce déplacement du président du parti d’extrême droite. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) a annoncé son intention d’organiser une contre-manifestation et de perturber le rassemblement frontiste. Le Pen vient y lancer officiellement sa campagne présidentielle. Ainsi, sa fille, Marine Le Pen, directrice stratégique de la campagne, l’a-t-elle voulu. Ce début de campagne s’apparente à un vaudeville. À chaque sortie du président du Front national depuis le printemps, ses proches assurent qu’il s’agit du vrai lancement de la campagne. Jean-Marie Le Pen s’en amuse et botte en touche avec un large sourire. « Lancement ? Quel lancement ? Moi, je n’ai jamais cessé d’être en campagne », plaisante-t-il. Sauf que cette fois, pour la garde rapprochée du président du FN, ce discours présenté comme fondateur sonne vraiment le coup d’envoi de la campagne et du nouveau positionnement du candidat de la droite « sociale, nationale et populaire » qui va ajouter, à cette occasion, l’adjectif de républicain à ce triptyque. Le vent d’automne souffle sur la plaine. L’état-major frontiste arrive en ordre dispersé. Marine Le Pen, initiatrice de cette excursion, arrive la première. Sourire aux lèvres, elle explique les raisons du choix de ce petit village de la Marne. « Les soldats qui se sont battus à Valmy au cri de “Vive la nation” symbolisent pour nous la réconciliation de la République, de la nation et du patriotisme. » À ses côtés, quelques cadres, et pas des moindres du FN, font grise mine. La référence révolutionnaire ne leur sied point. Pour eux, le lieu ne concorde pas avec la ligne du parti. 18


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

Bruno Gollnisch, le dauphin officiel de Le Pen, n’a pas réitéré son arrivée haute en couleur au banquet patriotique de Saint-Martinde-Crau, dans une manade camarguaise. Il a laissé sa Chevrolet Camaro cabriolet rouge à Lyon et l’a troquée contre une Peugeot 607 grise métallisée plus discrète. Contrairement à la réunion estivale du FN où la presse l’avait un peu boudé, les micros se tendent vers le numéro 2 du parti. « Pourquoi laisser ce symbole d’une victoire française à nos adversaires ? Valmy, c’est aussi le rejet d’une invasion étrangère », lâche-t-il, un sourire convenu aux lèvres. Car le choix de ce lieu emblématique de la révolution française a provoqué quelques discussions au sein du FN entre ceux prompts à considérer que 1789 porte tous les ferments des divisions entre Français alors que la royauté, principe supérieur de gestion de l’État, unifiait toutes les couches de la société française. Sur ce plateau, offert à la bise venue de l’Est, le lieutenant général François-Christophe Kellermann, à la tête d’une armée, qui varie, selon les historiens, de 24 000 à 35 000 hommes, affronte les troupes du duc de Brunswick. Leurs effectifs oscillent entre 35 000 et 100 000 soldats. L’armée prussienne occupe, de la Belgique à la Suisse, toute la partie est de la France. Face à cette machine de guerre professionnelle et réputée pour son efficacité, la victoire française restera à jamais gravée dans les livres d’histoire. Kellermann fut par la suite envoyé dans les Alpes. Avant, la Convention lui a confié la défense des frontières de l’Est où les troupes prussiennes se préparaient à l’attaque. L’Alsacien Bruno Gollnisch se rêve en nouveau Kellermann chargé de lutter contre l’invasion étrangère, maghrébine aujourd’hui. En marge de l’université d’été du FN à Avignon quelques semaines auparavant, Michel Hubault, directeur de cabinet de Bruno Gollnisch et membre de l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif) de Bernard Antony, le chef de file des cathos traditionalistes du FN, confiait sa préférence pour la bataille de la Marne et ses 19


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

fameux taxis, « moment réel de l’unité française. Tout était perdu, puis il y a eu l’Union sacrée qui a permis de sauver la République. Ce qui suit Valmy, c’est le règne de la terreur, et donc le premier totalitarisme de l’histoire de l’humanité », commente ce fidèle de Bernard Antony. Si le ban et l’arrière-ban de la nomenklatura FN ont fait le déplacement, le montage de l’opération, hautement médiatique, a provoqué au sein du mouvement une vive polémique. Pour Michel Hubault et ses épigones, pas si éloignés que cela de toute l’école de la droite française contre-révolutionnaire, le choix de Valmy paraît extrêmement douteux. Pourquoi, selon eux, célébrer l’avènement d’une République si longtemps honnie ? Les derniers émules du maurrassisme, regroupés autour de Bernard Antony et que le FN a de tous temps courtisés, se seraient trouvés à l’époque dans le camp des opposants aux Lumières, dans celui des coalitions étrangères fédérées contre cette volonté surprenante d’un peuple à se régir lui-même. Les purs et durs de la vieille droite française, qui n’ont jamais digéré ce revers de l’histoire, se seraient aisément retrouvés face aux troupes de Dumouriez et de Kellermann composées essentiellement de volontaires, de soldats français improvisés et de sans-culottes dépenaillés. Une armée inexpérimentée mais qui fédère des patriotes soudés par une cause commune : la Révolution. La réalité de cette bataille fondatrice est, semble-t-il, moins glorieuse que celle des glorieux soldats de l’an II en sabots animés par l’amour d’une République encore à venir, image véhiculée par les livres d’histoire. Sur ce champ de bataille, 300 Français auraient perdu la vie, et les pertes prussiennes se seraient limitées à 200 hommes. Des morts moins dus aux tirs de canons qu’aux effets dévastateurs de raisins encore verts, les troupes coalisées ayant été vaincues par une attaque de dysenterie foudroyante. Peu importe. La victoire tombe au bout du fusil. Témoin de cette épopée, Goethe écrira que Valmy marque un tournant. Le mythe du peuple en armes se levant pour défendre son bien le plus précieux, 20


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

la nation, est né. Jean Jaurès le redira plus tard : « La nation est le bien le plus précieux de ceux qui n’ont plus rien à perdre. » Une référence de la gauche, désormais citée à droite par le candidat, ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Les porte-drapeaux du Cercle national des combattants de Roger Holeindre, fidèle de la première heure, prennent place au pied du moulin. Carl Lang, de retour après une absence remarquée à Saint-Martin-de-Crau, se risque au pied de la statue de Kellermann à une explication faussement historique de l’origine du monument : « Si le général Kellermann est tourné vers l’ouest, donc vers Paris, c’est qu’en 1792, les Prussiens occupaient toute la partie est de la France. » L’armée du Nord de Kellermann et celle de Dumouriez, elles, seraient arrivées par le nord-est. Une armée faite de bric et de broc, composée d’hommes d’origine souvent modeste, remotivés après avoir bouté hors de France Prussiens et Autrichiens coalisés. Leur désir le plus fort est de voir la Révolution triompher, de voir s’instaurer un changement radical dans le pays. La victoire de Valmy, le 20 septembre 1792, inaugure le mythe du citoyen au service de la nation. Dès le lendemain, la Convention se réunit et proclame la République. Marine Le Pen sait qu’elle heurte la frange la plus réactionnaire et catholique du FN. Elle s’en moque. De toute façon, elle a l’oreille de son père. Le torchon brûle déjà depuis des années entre elle et les catholiques traditionalistes de Bernard Antony. Elle ne pourra pas rassembler l’ensemble des courants du parti comme son père l’a fait ; elle le sait. Elle poursuit un seul but : dédiaboliser l’image de son candidat de père, et par là même celle du parti, même si cela implique quelques dégâts collatéraux. Le but de la benjamine du clan Le Pen est bien de s’acheter une respectabilité républicaine, seule voie, selon elle, pour moderniser le discours et donc rassembler le plus large électorat possible. L’objectif premier est d’engranger les signatures des 21


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

élus de la République. Il en faut 500 et, à ce moment-là, Le Pen en aurait 150 tout au plus. Le suspens sur les difficultés du président du FN à réunir les parrainages est lancé. Il ne cessera de courir jusqu’à la date limite du dépôt des formulaires officiels au Conseil constitutionnel, le 16 mars. La directrice stratégique de la campagne veut démontrer que l’on peut être à la fois nationaliste et républicain, surtout, dit-elle, « quand les valeurs élémentaires de la République sont foulées aux pieds par ceux qui prétendent la défendre », à savoir les élus du système. Bernard Antony garde en mémoire les manifestations organisées au même endroit à l’appel du Grand Orient de France (GODF) en 1996 contre la venue du pape. Marine Le Pen ignore superbement les arguments de ses détracteurs au sein du Front. Mariée deux fois, divorcée deux fois, elle ne présente pas le visage parfait d’une fidèle de SaintNicolas-du-Chardonnet. Les options stratégiques de la vice-présidente du FN sont on ne peut plus claires : ratisser large et, dans le même temps, couper les branches mortes. En clair, ne pas faire de cadeaux à ceux qui n’ont pas l’intention de lui en faire. Marine Le Pen veut donner une image de nationaliste modérée. Une image qui, pense-t-elle, doit profiter à son père, qui ne désespère pas de refaire le coup du 21 avril 2002. Une image plus « moderne », persiflent ses adversaires, qui devrait lui profiter quand l’heure de la succession aura sonné. Jean-Marie Le Pen arrive avec près d’une demi-heure de retard sur l’horaire prévu. Le temps de saluer ses fidèles, le voici sous les ailes du moulin, entouré d’une forêt de drapeaux tricolores. S’il a accepté la proposition de sa fille de venir à Valmy, c’est moins par une confiance aveugle en sa progéniture que par l’attachement au symbole que représente la bâtisse en bois. Sur le livre d’or mis à la disposition des visiteurs, il écrit : « C’est un grand honneur et une grande joie pour moi d’avoir 22


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

visité le site célèbre du moulin de Valmy, symbole d’une grande charnière historique entre la monarchie et la République au sein d’un continuum français de 2 000 ans. » Les historiens s’accordent à considérer Valmy comme l’une des représentations les plus marquantes de l’unité de la nation pendant la période troublée de la Révolution. D’ailleurs, lors des commémorations du bicentenaire, la France a célébré 1789 et Valmy. Symbole d’une nation en armes, porteuse d’un message universel de liberté et de libération des peuples, qui rompt radicalement avec les schémas de pensée de l’Ancien Régime. Ce qui fait dire aux spécialistes de cette période de l’histoire de France que le symbole appartiendrait à la gauche. Après la Seconde Guerre mondiale, le moulin incarne la résistance à l’envahisseur. Et l’envahisseur, en ce 20 septembre 2006, pour le Mouvement des jeunes socialistes porte un nom : Jean-Marie Le Pen. Le président du FN n’en a cure. Il va alors prononcer le discours fondateur de la campagne électorale. « […] De quel droit ces internationalistes de droite et de gauche nous contestent-ils l’usage de ce symbole, eux qui ont, par leur politique d’intérêt égoïste, ou par une naïveté conduisant à la même soumission, livré la France aux pouvoirs étrangers de l’immigration sauvage et de la mondialisation […] ? », s’indigne Le Pen qui, comme toujours, attaque « l’immigration massive ». Mais, à Valmy, il va surprendre son monde. Toujours dans ce souci de respectabilité républicaine mâtinée de l’esprit d’ouverture initié par sa fille, il va provoquer quelques toussotements nerveux dans les rangs de ses fervents admirateurs. « Et vous aussi, Français d’origine étrangère, je vous invite à nous rejoindre. Vous que nous avions si bien su assimiler par le passé, quand notre beau pays suscitait désir et respect […]. Oui, vous aussi Français d’origine étrangère, je vous appelle à communier sur nos valeurs, dans la mesure où vous respectez nos coutumes et nos lois, dans la mesure où vous n’aspirez qu’à 23


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

vous élever dans ce pays par le travail, nous sommes prêts, comme nous le fîmes toujours par le passé, à vous fondre dans le creuset national et républicain avec les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs. Il y eut un Platini, il y a eu un Zidane… Pourquoi ce grand dessein ne serait-il plus possible demain ? » s’interroge le leader d’extrême droite métamorphosé en assimilationniste forcené. Il va même jusqu’à préciser que la règle « immigration zéro », jusque-là intangible, « accepte désormais des exceptions ». Des propos inimaginables il y a encore quelques mois. Mais Le Pen sait s’adapter. Il le montre déjà lors de la campagne présidentielle de 1974. Le style Kennedy fait son entrée dans les mœurs de la politique française. À l’instar de Valéry Giscard d’Estaing, il va ouvrir les portes de sa vie privée en posant chez lui avec sa femme et ses trois filles. Quelques journalistes se verront accorder le privilège de visiter sa maison natale de La Trinité-sur-Mer dans le Morbihan. C’est l’époque du bandeau sur l’œil gauche pour les apparitions publiques et de son slogan favori dont il fera sa marque déposée : « Les Français d’abord ». Cette première candidature se soldera par un échec. Il ne recueille que 0,74 % des voix. Un échec qui n’empêchera pas le FN de s’implanter résolument dans le paysage politique dix ans plus tard. Juste avant l’été, sous la conduite de sa fille, il va entamer sont travail de dédiabolisation. Des messages d’apaisement, jusque-là inédits, à l’adresse des communautés d’origine étrangère vont être distillés : « Les immigrés n’y sont pour rien, c’est de la faute des politiques » ou encore « La population musulmane de France bien intégrée attend aussi de nous des réponses. » Des propos qui tranchent avec ses thèmes de campagne développés au cours des trois dernières décennies. En 1981, son programme tient sur une page. La formule plutôt que la forme : « 2 000 000 de chômeurs, c’est 2 000 000 d’immigrés de trop. 24


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

La France et les Français d’abord. » C’est sur ce slogan déjà exploité en 1978, alors que la France ne comptait qu’un million de chômeurs, que Jean-Marie Le Pen pense faire une percée électorale. Le 16 février 1981, il déclare qu’« en France, plusieurs millions d’étrangers portent des armes ». Ou encore : « Qu’aurait-on dit par exemple en 1938 s’il y avait eu 2 ou 3 millions de citoyens allemands dans les banlieues de la France ? » En 1976, le nombre de parrainages est passé de 100 à 500. Incapable de rassembler ses signatures, il est obligé de renoncer en 1981. En 1988, sept ans ont passé. Le discours n’a pas changé : « Être Français, ça s’hérite, ou ça se mérite. » En 1995, l’immigration et l’insécurité sont de nouveau au centre de sa campagne. 2002 ne déroge pas à la règle. « La France, aime-la ou quittela. » Mais le président du Front national amorce un virage. À cette époque déjà, il veut donner une autre image de lui-même. Avec l’âge et ses ennuis de santé, Le Pen s’est apaisé. En apparence du moins. Pendant la campagne de 2007, Jean-Marie Le Pen montre une image « assagie ». Il se défendra à plusieurs reprises de toute accusation de racisme, lui qui, il n’y a pas si longtemps, déclarait croire à l’inégalité des races. C’est nouveau. Le 12 février 2007 sur le plateau de TF1, à un jeune homme qui se dit « révulsé par le racisme », il va répondre sur un ton des plus posés : « Je ne suis pas raciste et je l’ai démontré. En 1956, le deuxième candidat de ma liste aux législatives était noir. » Et de poursuivre : « Quelques années plus tard, j’ai présenté la candidature d’un Arabe à la députation. Et pendant l’intervention de la France à Suez, j’ai enterré des morts égyptiens selon la règle musulmane, au grand étonnement du général Massu », qui le félicitera pour ce geste. Des arguments repris pratiquement mot pour mot, depuis le discours de Valmy et pendant toute la campagne. Jusque-là, et lors des précédentes échéances électorales, il n’avait jamais jugé nécessaire de préciser autant les choses afin de capter quelques 25


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

voix ailleurs. Pour son électeur de base, Le Pen reste Le Pen, l’homme qui veut renvoyer les immigrés dans leur pays. Sur le plateau de Valmy, cette main tendue aux « étrangers » prêts à se fondre dans le creuset républicain illustre à elle seule l’influence grandissante de Marine Le Pen, mais aussi de deux hommes de l’ombre. Le premier vient du sérail. Philippe Péninque, ancienne tête pensante du GUD, Groupe union défense, mouvement étudiant d’extrême droite, travaille depuis plus d’un an directement avec la directrice stratégique. L’autre tête pensante, principal auteur de cette inflexion républicaine du discours lepéniste, est plus inattendue. Il s’agit d’Alain Soral, le frère de la comédienne Agnès Soral, ancien militant communiste, soutien de Jean-Pierre Chevènement à la présidentielle de 2002 et auteur d’ouvrages qualifiés de misogynes et d’homophobes. Essayiste aussi torturé que controversé, il s’autoproclame « agitateur depuis 1976 ». Depuis la fin de l’année 2005, il figure dans le petit groupe des proches de Marine Le Pen. Paradoxalement, ce rapprochement s’est opéré par l’intermédiaire de Bruno Gollnisch. Les propos révisionnistes tenus en octobre 2004 par le délégué général et professeur à l’université de Lyon 3 avaient bénéficié du soutien d’Alain Soral, qui appuie par ailleurs la liste Euro-Palestine conduite par Dieudonné aux européennes de juin 2004. « Quand avec un Français juif sioniste, tu commences à lui dire qu’il y a des problèmes qui viennent de chez eux. Qu’ils ont peut-être fait quelques erreurs. Que ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement si personne ne peut les blairer partout où vous mettez les pieds. Parce qu’en gros c’est à peu près cela leur histoire. Cela fait quand même 2 500 ans où chaque fois qu’ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans, ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort, sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à 26


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

hurler, à devenir dingue, tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C’est-à-dire qu’il y a une psychopathologie du judaïsme sioniste qui confine à la maladie mentale », déclarait alors Alain Soral face aux caméras de l’émission Envoyé spécial. En janvier 2006, il apporte son soutien au groupuscule Les Identitaires qui distribuent une soupe au lard aux SDF parisiens de façon à en exclure les immigrés. Puis en juin 2006, il dédicace son dernier ouvrage Chut(e) ! Éloge de la disgrâce à la librairie d’Emmanuel Ratier. Ce dernier, militant de la droite nationale révolutionnaire, n’hésite pas à se revendiquer de l’héritage d’Henry Coston, écrivain qui, sous la Collaboration, s’était fait une spécialité de dénoncer les personnes d’origine juive ayant francisé leurs noms et les francs-maçons. De connection en connection, Alain Soral a fini par trouver sa place au FN où il s’est vite imposé dans le cercle très limité des intellectuels du Front national qui ne sont pas légion. Alain Soral y travaille sur les questions sociales et les problèmes des banlieues. Il met désormais sa plume à la disposition de Jean-Marie Le Pen. Le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, Olivier Martinelli, participe aussi aux séances de rédaction. Michel Hubault, un autre permanent du « Paquebot », le surnom du siège du FN à Saint-Cloud, intervient, quant à lui, sur quelques textes du président, notamment sur la thématique écologique. À l’occasion, l’intellectuel vibrionnant Jean-Claude Martinez, vieux compagnon de route et conseiller spécial de Jean-Marie Le Pen, rédige ou apporte un dernier regard sur le texte : « Il aime bien quand je relis ses discours. Mon pedigree d’universitaire le rassure. » Ces apports multiples, faisait remarquer Christiane Chombeau dans Le Monde, « donnent parfois un effet patchwork », et de relever « des approches différentes d’un discours à l’autre ». Ainsi, dans son discours en Corse, M. Le Pen a fustigé la notion de « citoyen », coupable à ses yeux de « définir les collectivités humaines comme des communautés de destin plutôt 27


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

que de culture », alors qu’à Valmy il a porté aux nues cette même notion, qu’il rattache cette fois « à la patrie ». Tout le monde au pied du moulin salue le brio du texte. Pari gagné pour Marine Le Pen qui souhaite sortir le Front national de son ghetto politique, en faire un parti presque institutionnel et ouvrir ainsi en grand la fenêtre médiatique. Cette fenêtre entrebâillée jusque-là et par laquelle Jean-Marie Le Pen aime tant se regarder. C’est sur les conseils de sa fille qu’il va se défaire de la véhémence avec laquelle il répond parfois à ses interlocuteurs. Sur les plateaux de télé, elle lui a recommandé de ne pas froncer les sourcils lorsqu’il écoute une question. En clair, sa fille lui demande de ne plus se mettre systématiquement dans la peau de l’agressé. Son media-training lui impose désormais de prendre la posture d’un gouvernant. Même si l’élève apprend vite, à bientôt quatre-vingts ans, il a du mal à se défaire de cette position qu’il affectionne. Depuis des années, il n’a pas fait un discours, pas une intervention, sans que sa position de victime du système et de ses complices ne soit plus ou moins habilement distillée à son public. Valmy n’a pas échappé à la règle. « Alors à ceux qui osent nous contester ce lieu, quand l’évidence de leurs turpitudes et de leur incurie devrait les faire rentrer sous terre, je rappellerai que les soldats qui vainquirent ici à Valmy le firent au cri de “vive la Nation !”. Oui, c’est ce même cri que nous poussons – nous et nous seuls –, depuis trente ans, au mieux dans le silence, mais le plus souvent sous les quolibets. […] Parvenir à présider demain aux destinées de notre pays par les voies démocratiques. Accéder à la magistrature suprême par le suffrage universel et ce, malgré les coups bas, les injustices d’un système qui a développé depuis trente ans des trésors d’ingéniosité et de perfidie pour nous pénaliser. N’est-ce pas précisément l’honneur, la dignité et la fierté, de nos militants et de nos électeurs, dignes héritiers des combattants de 1792 ! » 28


LE PEN, LE DERNIER COMBAT

Plus qu’en 2002, Jean-Marie Le Pen se voit président de la République. « Ni le mot, ni l’idée ne lui font peur dorénavant » confie un proche. Aux formules provocantes, il préfère les discours rassembleurs. Il veut coûte que coûte élargir son électorat. Clé de voûte d’un parti qui fédère aussi bien des cathos traditionalistes que des anticléricaux, des décentralisateurs que des jacobins, des vichystes que des résistants, des royalistes que des républicains. Il va marteler désormais qu’il est le candidat du centre droit. À ceux qui lui font remarquer que ses positions en public sont moins radicales qu’avant, il préfère rétorquer : « Ce sont les autres qui ont changé, ce sont les autres qui ont glissé à gauche ! Moi, je n’ai pas changé. »

29


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.