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Interview
Vanessa Schmitz-Grucker
Le slam et la poésie sociale de Lisette Lombé
Gilles Fischer
Invitée par l'agence de la diplomatie belge, Wallonie-Bruxelles-International, Lisette Lombé représentait son pays au printemps des poètes, en France mais aussi au Luxembourg.
Poétesse, c'est un titre qui peut faire rêver, peut-être aussi intriguer. Comment devient-on poète aujourd'hui?
J'ai eu le goût de l'écriture très tôt. Je me souviens de ma première machine à écrire, des livres que m'offraient mes parents. J'étais toujours dans la lecture, jusqu'à poursuivre des études de lettres modernes et devenir prof de français. L'amour des lettres et des mots, c'est un fil rouge de mon enfance à l'âge adulte. Pourtant, je me suis toujours confrontée à des questions de légitimité et j'ai un temps laissé l'écriture de côté, comme si ce n'était pas pour moi. C'est en intégrant le tissu associatif et en accompagnant des adultes, notamment dans des ateliers d'écriture, que
Gilles Fischer ressac, l'idée que ce n'était pas pour moi. C'est une belle proposition que j'accepte, pour mieux me retirer ensuite. Le burn out a baissé cette garde là, mais ça n'a pas été facile que d'être à l'ombre des classiques, de mettre sa plume dans la grande ronde des plumes. Et puis, je suis à Liège, c'est la province, à la marge, j'avais un profil atypique, j'étais une maman de 3 enfants qui montait sur scène pour la première fois à 36 ans.
j'y suis doucement revenue. Et puis, en 2015, j'ai fait un burn-out, j'étais brûlée de l'intérieur, tiraillée par mille questions de sens. C'est là qu'une amie m'a invitée à monter sur scène pour partager un texte. Coupée de mes affects par le burn-out, je n'avais plus peur. C'était un texte sur une violente agression raciste que j'avais subie dans le train. Ce jour-là, la chance était avec moi: une metteuse en scène était dans la salle et m'a introduite dans le milieu du slam. Et enfin, un alignement de belles rencontres.
Quelles étaient ces lectures de votre enfance et quelles sont vos lectures aujourd'hui?
Mon père nous a offert beaucoup de classiques de la littérature française, La Comtesse de Ségur, Madame Bovary. Et de la BD. Aujourd'hui, je lis beaucoup de poésie contemporaine et des essais. Je reviens au texte de Luther King pour comprendre ce qui a été aussi fédérateur. Je lis aussi beaucoup de revues de poésie, dont des revues québécoises, haïtiennes.
C'est dans ces textes que vous trouvez l'inspiration?
C'est une nourriture apaisante. L'inspiration, elle, vient des rencontres, des ateliers d'écriture. Je pratique le slam, c'est un art oratoire de la parole, mais c'est aussi 3 minutes de temps de parole et 2h57 d'écoute et c'est ça qui me nourrit, écouter les autres.
Lors de cette première scène, que saviez-vous du slam?
Rien du tout. J'avais déjà édité quelques poèmes dans une revue universitaire, exposé des collages, partie graphique de ma poésie. Mais à chaque fois, il y avait un retrait, un
Et comment avez-vous surmonté cela?
Grâce à une association, un collectif que nous avons créé en 2015, L-SLAM, avec des amis pour développer des pratiques bienveillantes, du co-coaching. C'est comme des sœurs, des pairs artistes poétesses dans des métiers qui parfois se vivent dans la compétition et la solitude de l'écriture.
Qu'est-ce qu'être une artiste engagée en 2021?
Je préfère parler de poésie sociale; engagée, c'est galvaudé. Ma poésie est une éponge du social, un catalyseur qui donne le pouls du monde via l'angle des discriminations et des injustices.
Et le slam, n'est-ce pas un milieu très masculin?
Il y a quelques années, oui, c'était fort masculin. Mais nous avons inversé la donne en Belgique, notamment en créant des ateliers. Les hommes ont davantage confiance: un micro ouvert et ils y vont. Les femmes doivent être coachées. Aussi, nous avons fait venir plus de femmes dans le public, ça aide à oser!