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SAVOIR POUR MIEUX GÉRER La gestion durable d’un immeuble
Yvon Rudolphe, É.A., CMC, F.AdM.A.
Expert invité
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Yvon Rudolphe est coordonnateur de projet à l’Observatoire et centre de valorisation des innovations en immobilier (OCVI2) et consultant senior. Évaluateur agréé, Fellow administrateur agréé et consultant en management certifié, il enseigne l’évaluation au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).
LA GESTION DURABLE D’UN IMMEUBLE
La gestion d’un immeuble nécessite aujourd’hui des connaissances élaborées et multifactorielles. Le nombre d’occupants dans certains immeubles équivaut à la population d’une municipalité; c’est le concept de la ville dans une ville. Par conséquent, la responsabilité du gestionnaire dépasse la simple gestion d’un actif.
En effet, la responsabilité du gestionnaire d’un immeuble porte sur deux aspects, soit la performance de l’immeuble et les risques de toutes sortes. Concernant ce dernier aspect, imaginons une matrice sur laquelle les risques seraient partagés de part et d’autre de deux axes: d’un côté, les risques endogènes à l’immeuble; de l’autre, les risques exogènes à l’immeuble. Énumérons ensuite les cinq catégories de risques dominants, c’est-àdire les risques managériaux et patrimoniaux, de marchés, financiers, technologiques et environnementaux. Considérons maintenant le risque le plus important, soit le risque managérial et patrimonial lié aux activités d’exploitation et de gouvernance, à savoir l’ensemble des actions et des décisions prises ou à prendre en conséquence des opérations actuelles et à venir, des risques, des contingences et des temps de crise.

FAIRE APPEL À L’INTELLIGENCE STRATÉGIQUE
L’émergence de nouveaux marchés et la diversification, la mondialisation du commerce et la financiarisation – de même que la formidable poussée technologique – bouleversent l’exercice de la gestion et la configuration du pouvoir au sein des entreprises immobilières. Cela accroît, par le fait même, les risques. Cette nouvelle réalité agit sur le rôle des gestionnaires et des administrateurs. Ces derniers occupent une position stratégique et jouent un rôle délicat de contrôle. Ils doivent, de plus, répondre de leurs actes à ceux qui leur confient leurs ressources matérielles et financières dans des buts précis, axés sur le rendement, la performance et la compétitivité. Quant aux gestionnaires, ils doivent contrôler tout ce qui concerne les coûts, rationaliser des services, gérer des ressources
financières et prendre les décisions qui reposent sur des données essentielles et qui entraînent des obligations, des engagements et autres devoirs d’une complexité grandissante. Si l’entreprise exige toujours de ses cadres qu’ils sachent planifier, organiser, coordonner, diriger et contrôler, elle insiste davantage de nos jours sur des attitudes de leadership, d’adaptabilité au changement, de motivation, de création et d’ouverture sur le monde. Le gestionnaire doit être sensible aux valeurs changeantes sur le plan social et en tenir compte dans son style de gestion.
Aux nombreux défis auxquels font face les entreprises immobilières du 21e siècle s’ajoute celui d’une gestion créative et stimulatrice des performances individuelles. Le gestionnaire doit être en mesure d’évaluer les exigences d’une situation donnée, choisir un comportement approprié en tenant compte du contexte et des comportements des autres, c’est-à-dire ses supérieurs, ses pairs, ses subalternes et les parties prenantes. Il lui faut aussi accorder une importance particulière à l’accessibilité à l’information et à son traitement: l’intelligence stratégique. Celle-ci peut être définie par ce que l’entreprise doit savoir sur ses propres contextes (économique, concurrentiel, technologique, social, politique, juridique, culturel), sur l’environnement, ainsi que sur sa situation particulière, dans le but d’anticiper les changements et de mettre au point les stratégies appropriées, créatrices de valeur pour l’entreprise, notamment pour les locataires.
La valeur de l’intelligence stratégique provient du fait qu’elle met à l’épreuve la capacité des effectifs de l’entreprise d’apprendre des changements et des différents environnements qui nécessitent de repenser les pratiques de l’entreprise immobilière. Ils devront partager leurs perceptions,
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leurs nouvelles informations et acheminer celles-ci à chaque intervenant pour qui elle est nécessaire. Le défi en intelligence stratégique est de faire en sorte qu’elle augmente le «quotient d’intelligence» de tous les effectifs de l’entreprise, plutôt que de s’en tenir spécifiquement à la haute direction, afin de créer une forme de cerveau collectif.
GÉRER LE CHANGEMENT
Effectivement, gérer le changement consiste à reconnaître les tendances, à mesurer les évolutions et à anticiper les actions afin que l’organisation et les membres qui la composent s’y adaptent, à favoriser la créativité et à rechercher l’innovation en tenant compte de la capacité de l’entreprise d’intégrer les modifications qui verront le jour. Par ailleurs, gérer le changement signifie non seulement s’adapter aux nouvelles situations, mais les proposer, les provoquer, voire les devancer au profit de l’entreprise par une vision prospective. Grâce à l’accès à l’information, les structures ont tendance à s’aplanir. Les unités organisationnelles interagissent entre elles sur la base d’équipes et cherchent à être encore plus intégrées que par le passé afin d’atteindre plus efficacement les buts et les objectifs de l’entreprise.
En plus des strates décisionnelles que sont la haute direction, le gestionnaire d’actif, le gestionnaire des opérations, de l’ingénierie, etc., les différentes cellules dans l’organisation utilisent bien souvent des langages de communication ou des paradigmes différents, ce qui complique les opérations et accroît les risques.

L’harmonisation du système d’exploitation peut être, dans bien des cas, créatrice de valeurs, car il existe divers degrés d’efficacité de services jusqu’à l’efficience, et elle peut avoir une fonction intangible plus conceptuelle de cerveau collectif créateur de valeurs.
Par ailleurs, il existe des certifications d’hygiène de l’espace telles que Well, Fitwell ou Reset associées à des protocoles d’intervention quant à l’hygiène sanitaire des lieux. Ces entreprises effectuent des expertises permettant de mitiger le stress des occupants, notamment à l’égard des risques biologiques. Évidemment, ce ne sont pas les seules expertises, il en existe bien d’autres. La COVID-19 a causé un choc brutal sur notre mode de vie, sur l’économie et sur le mode de gestion de l’immobilier. Éventuellement, les évaluations professionnelles de l’immobilier devront internaliser ce type de risque dans la valeur, et l’intangible deviendra tangible sur le plan financier.
Allons un pas plus loin… Les immeubles, qu’ils soient de type commercial de détail, de bureaux, industriels ou résidentiels, constituent un habitat pour l’être humain. Imaginons un scénario et inspirons-nous de l’hôtellerie: les locataires de l’immeuble deviennent les invités, et la mission première du gestionnaire est d’accroître le bienêtre de la famille, en l’occurrence les employés des entreprises locataires, afin que ceux-ci puissent jouir de leur séjour de travail au quotidien, et ce, pour la durée du bail. Il serait impensable de concevoir qu’une famille entière puisse tomber malade en ayant contracté une infection due aux bactéries pathogènes (nocives) par manque de

salubrité et en sachant que le système de ventilation pourrait augmenter les risques de propagation des virus par l’air (aérosol) ou encore que les invités et la communauté environnante pourraient être affectés par un cas de légionellose! Le stress en milieu de travail, la peur d’être contaminé par la COVID-19, etc. pour les occupants ont des impacts directs sur les coûts qui se traduisent par l’absentéisme, le roulement de personnel et le présentéisme.
ÉVALUER LES COÛTS DU RISQUE
Ces phénomènes peuvent engendrer des coûts très importants pour les entreprises. En effet, la littérature scientifique nous indique des pourcentages allant de 20 à 30% de la masse salariale. Ces coûts ne sont pas uniquement liés à un environnement risqué, mais ils le sont tout de même dans une proportion d’environ 1 à 5%1 , selon le cas. Prenons pour exemple une entreprise de 100 employés dont la masse moyenne salariale annuelle est de 80 000$ par employé. Pour simplifier le calcul, la dépense salariale annuelle serait d’environ 8 M$. Prenons maintenant une moyenne de 3% des coûts impactés par l’environnement; cela se traduit par une perte économique relative de 240 000 $ en productivité. Cette somme est directement imputée sur la productivité et la compétitivité de l’entreprise. Mettons ce montant en relation avec le loyer. Pour un immeuble de bureaux, prenons un espace moyen de 150 pi2 par employé; pour 100 employés, cela représente donc 15 000 pi2. Calculons un taux moyen de 25$ le pied carré. Selon la firmeCBRE2 , cela nous donne un résultat de 450 000$ de loyer annuel (non indexé).
En conclusion, même si l’entreprise locataire payait une prime supplémentaire de 5$ le pied carré, elle gagnerait au change. Sera-t-il possible dans un proche futur de se procurer une rente foncière sur la productivité de nos «invités»? Peut-être. Toutefois, si nous amorcions une prise de conscience à l’égard de ces risques, surtout dans cette période incertaine et de surcroît avec une pénurie de main-d’œuvre, les temps pourraient changer!

