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Antalya, Alanya en Turquie du 10 au 17 septembre 2012
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ir Somma
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Sommaire 3– Premier contact 4– Tout pour le tourisme 5– Mosquées et bus
La richesse historique, géographique, culturelle
6– Ultra-tourisme
turque est sans fin. Ce document n’en est donc qu’un
7– Slaves et ablutions sacrées
reflet très parcellaire.
8– Restes francophones 9– … et le charme des quartiers anciens 10– Manavgat 12– Alanya 19– Antalya 24– Cascade sur mer 25– Arrière-pays 27– Pergé 30– Aspendos 37– Sidé 41– Agriculture 42- Petits commerces de grands chemins 43-… et autres flâneries
Annexes 44– Turquie, confluent des mondes 45– Période antique 48– Scission de l’Empire Romain 49- Apogée et fin de l’Empire byzantin 50– Histoire des Turcs 51– Barbares cultivés 53– Les Turcs : origines 54– Les Seldjoukides 55– Mongols et Mamelouks 56– L’Empire ottoman 61– Les Grands Moghols 62– République de Turquie 64– Economie 68– Formation géologique
Ainsi, pas de Capadocce, pas d’Istambul, pas d’Ephèse, pas de... ; plus tard peut-être.
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r Premie
t contac
Après avoir survolé l’Europe centrale et une escale courte à Istambul, puis avoir franchi du nord au sud la péninsule anatolienne et ses monts rouges et secs, nous voici sur l’ultra touristique côte sud de la Turquie, quelque part entre Antalya à 90 km à l’ouest et Alanya à 30 km à l’est. Une seule voie rapide sinue entre la mer plein sud et la chaîne des Monts Taurus, sur une plaine qui se resserre vers l’est. Voie rapide qui traverse les villes et les villages sans les contourner ; c’est aussi l’axe de communication essentiel de la région. Si la vitesse limite est passée récemment de 90 à 110 km/h entre cités, elle est strictement limitée à 50 km/h à leur traversée, avec des feux de croisement munis d’un affichage décomptant les secondes avant le passage au vert et des ralentisseurs sonores progressifs au sol. Mais les conducteurs turcs sont téméraires. Une touche de modernisme que l’on peut jalouser : dans les stations services (où l’on ne se sert pas soi-même), l’employé est muni d’une sorte de clé USB dans laquelle, à partir d’un clavier sur la pompe, il entre le montant de carburant demandé. En appliquant cette clé sur le pistolet de la pompe, il n’y a plus qu’à laisser faire : elle s’arrête précisément une fois le montant atteint. Même en Floride, on n’a pas rencontré ce système.
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tourism our le Tout p
e
Le soleil darde puissamment ses rayons sur une terre ocre, largement exploitée dans la plaine grâce aux rivières et aux torrents descendant des montagnes voisines. Grand merci aux massifs montagneux, quand on sait qu’il ne tombe aucune pluie certains étés à Alanya par exemple. Ainsi cohabitent de grands pans de terres semi-désertiques (là où l’irrigation n’est pas envisageable) et les parcelles irriguées bien verdoyantes aux limites tranchées. Le long de la côte s’échelonnent les complexes hôteliers internationaux, pour lesquels les architectes semblent avoir eu toute latitude : disparité des conceptions qui se manifeste surtout par l’originalité des façades, les degrés dans le luxe, la recherche de ressemblance avec des monuments ottomans célèbres. Les plus prisés se situent entre bord de mer et voie rapide. Les chauffeurs des taxis jaunes patientent en somnolant ou discutent à deux ou trois à l’entrée des hôtels sans héler le client, l’œil aussi noir que leur chevelure, l’attitude entre réserve, nécessité et roublardise, sans enthousiasme ni sourire. Matin et soir, dans de petits bus ou ce qui ressemble à du covoiturage, de petits groupes d’employés des hôtels vont et viennent sans hâte.
De loin en loin sur la voie rapide, des sortes de souks très organisés appelés « bazaar », attendent le client, qui n’est ici que le touriste, ou presque. Mais ils deviennent de luxueux showrooms quand on se rapproche d’Antalya et de l’aéroport international, pour les diamants, la bijouterie, le cuir et les vêtements fabriqués en Turquie pour les grandes marques, et pour les voitures dont la Turquie est un grand producteur mondial « délocalisé ».
Voir p.66
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es Mosqué
et bus
Dans les villages, sur l’axe d’une perspective vers la mer, au détour d’un relief ou à flanc de montagne, parfois même au fond d’un terrain vague parsemé d’une végétation roussie, de blancs minarets effilés surmontent le dôme étincelant d’une mosquée et marquent le paysage. Parfaitement entretenues, fleuries, sonorisées bruyamment pour les 5 prières quotidiennes, elles déploient plus ou moins d’éclat, d’opulence décorative. Le nombre de minarets dépend de l’importance de la population de la cité et peut-être de sa richesse. Ce pays au statut laïque mais musulman à 90% recueille des fonds privés pour ces constructions.
souvent une tour pierre, ici c’est conique pointu qui gines ou à un coqui paye de mine. tecture.
A la différence de celles de l’Afrique du nord, où le minaret est carrée construite de brique ou de une sorte d’étroit cylindre au toit fait penser à une fusée des orilossal crayon fraîchement aiguisé L’influence de Ste-Sophie à Istambul a marqué leur archiSur la côte, dans les villages en retrait, même si les habitants conservent les habits authentiques et sont jaloux de leur image, tout est tourné vers le tourisme. En s’en éloignant un peu vers l’arrière-pays, l’agriculture semble efficace et mécanisée, avec de vastes champs d’agrumes, de maïs, de coton, de grenades… que rendent possible ce climat méditerranéen intense (latitude du nord de l’Afrique) et la présence presque surprenante d’autant d’eau. De petits bus à tarif raisonnable parcourent vaillamment la voie rapide, dont certains arrêts avoisinent un accès en tunnel préservant du réel danger d’une traversée directe du bitume.
Dans le bus, le chauffeur se presse dès qu’il a fait le plein de passagers après avoir maraudé lentement devant les hôtels quand il démarre son trajet, Il est toujours accompagné d’un percepteur qui se déplace tant bien que mal dans le bus pour faire payer leur dû aux passagers, virtuose du calcul rapide selon le point de départ et celui de descente, se souvenant qui a payé ou pas, d’une foudroyante dextérité pour rendre la monnaie. Pauvres touristes qui sont vite débordés par la pression mise à la montée : tout est rapide, même la descente où l’on manque parfois de trébucher tant le bus repart vite.
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e tourism Ultra-
On est donc frappé par cette atintense, qui fait régner une sorte un peu pesante mais néanmoins qu’on n’en est pas dupe, et par l’exfilon touristique.
mosphère marchande de tension permanente assez supportable tant ploitation effrénée du
Un exemple, notre guide francophone, prénommé Ahmed, qu’il prononçait non pas à la manière aspirée et rugueuse de l’arabe mais à la française, avec une authenticité qui laisse à penser que c’est aussi la prononciation turque. Sourire fugitif et un peu forcé, physique et manières de juif sépharade qu’il n’était pas ou peut-être levantin, avec quelques échappées que l’on devinait typiquement turques quand il dansait en ondulant sur le pont d’un bateau d’opérette qui nous amenait faire une courte boucle en mer. Un petit groupe lyonnais de jeunes beurs de la 2ème ou 3ème génération, bien intégrés, pratiquants musulmans assez stricts, exerçait envers lui avec une candeur juvénile dénuée de perfidie ou de méchanceté, quelques blagues faciles et gentiment ironiques reprenant certains de ses propos. Ce qui le gênait manifestement, poussé dans les limites de sa réserve de guide professionnel joyeusement malmené par nos jeunes drilles. Un autre exemple, celui de l’armada (toutes proportions gardées) des répliques de caravelles ou de bateaux de flibuste, décorés comme à Disneyland, qui embarquent les hordes de touristes pour un tout petit tour hors du port, puis qui mouillent 1 à 2 heures le long de la rive, pendant que, sono plein pot, les baigneurs plus ou moins échauffés par les boissons du bord, plongent et prennent un bain juste autour, en croyant à la grande aventure. Si les mâts sont bien là, les voiles ne sont jamais déployées (pas sûr qu’elles le peuvent) et ils circulent au moteur. C’était le cas à Alanya, et sur le fleuve qui débouche en mer à Manavgat.
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tio et ablu Slaves
ées ns sacr
L’origine des touristes est aussi très marquée : les pays de l’est (ici du nord : roumains, bulgares, russes et autres pays de la région) sont très nombreux. De même que les allemands, liés manifestement par les migrations des turcs d’aujourd’hui, avec lesquels dans leur pays, ils entretiennent une relation privilégiée, d’autant plus que les employés turcs des complexes hôteliers ont souvent appris l’allemand là-bas pour revenir ensuite au pays.
La particularité des cuvettes en pays musulman : une petite douchette commandée par un robinet ad hoc, pour un nettoyage efficace et hygiénique des parties intimes après l’action, ce que recommandent les croyants et les ulémas, mais qui n’exclut pas de s’essuyer avec du papier ensuite. Au fond, une sorte de combiné toilettes-bidet réduit à son encombrement minimal, et qui n’aurait pas été laïcisé. Ici, le mécanisme est au top et l’on imagine sans peine qu’il soit revêtu d’or fin, ou bien -au diable l’avarice– fait d’or massif dans les pays du Golfe, avec soufflerie directionnelle hélicoïdale d’air chaud à réglage vocal de température, microcaméra avec reconnaissance de formes et jet brûlant et automatique de vapeur haute pression en cas d’intrusion non identifiée. La parfaite ablution désincarnée allah-compatible à laquelle les quataris pourraient consacrer leurs investissements dans une idéale har-
La population touristique de Russie et des expays soviétiques appartient à la classe moyenne, probablement encore avide de cette liberté nouvelle qu’offre la lente croissance de leur niveau de vie, mais très troublée de corruption. Cela s’accompagne souvent de leur part d’un sans -gêne bien marqué qui dérange après avoir surpris : inconscience, affirmation maladroite d’une identité, simple veulerie hargneuse de la jouissance du moment pour un budget de séjour en limite de capacité ? L’envahissement de l’autre population massivement présente, celle des allemands, pourtant issue de la même classe moyenne, est plus discret ; maturité des cultures de touristes, meilleur confort de moyens?
Est-ce l’effet du tourisme dans cette région? Les toilettes (« tuvalet » en turc) sont toujours propres, et en état de fonctionner même quand on s’éloigne des zones d’affluence touristique. Quant aux toilettes « à la turque », si on en a effectivement rencontré, elles relevaient du même souci de propreté et d’hygiène, à faire mourir de honte certains de nos cabaretiers parisiens.
monie entre salut dans l’au-delà et business, bien mieux que dans le foot au PSG.
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onie ancoph r f e d Restes
Le français, amusé et peut-être un peu flatté, se réjouit au passage de certains mots de notre origine mais dont l’orthographe a été adaptée, que l’on rencontre très fréquemment, comme « kuafor », « friseur », « Ptt » « rezervasyon », « doktor », « mersi », « reklam », et même « tuvalet »,… sans parler des trémas sur « o », sur « u », les cédilles sous «s », l’accent sur consonnes, et cerise sur le gâteau, un « i » sans point dont la prononciation est bien sûr différente du « i » habituel. D’autres en sont une déformation, comme « kilise » pour église. Mais bien sûr à l’inverse, le français s’est aussi enrichi de mots turcs, par exemple « falzar », « spahi », « sofa », « baba », « chacal », « divan », « gilet », « loukoum », « minaret », « musulman », « odalisque », « pacha », « tulipe », « vizir », « yaourt »...
Jusqu’en 1928, le Turc, avec les ottomans islamisés et longtemps après l’écriture des origines, s’écrit en caractères arabes, même si ces caractères n’e sont pas les plus adaptés pour transcrire le turc. Comme dès le 15ème,les Turcs interdisent la reproduction des caractères sacrés de l’islam, ils laissent les juifs chassés d’Espagne qui ont introduit une première imprimerie en 1494, recourir aux caractères latins et hébraïques. Le rapprochement entre Soliman le Magnifique et François 1er au 16ème contribue déjà à développer le français. En cette période, le français est la principale langue écrite et parlée en Europe. L’importante communauté d’origine française, les Levantins, qui prospèrent par le commerce au 18ème (plus de la moitié du commerce ottoman se fait avec la France avant 1789) propage la langue française dans la bourgeoisie et la noblesse de Constantinople qui ne parle que le français. Le fameux lycée français de Galatasaray fondé en 1868 a contribué à consolider la langue. Unificatrice par rapport aux 16 autres langues parlées en ce temps, de fait, le français a supplanté la langue ottomane dans tout l’empire. Au début du 20ème, des dizaines de journaux paraissent en français, on ne peut obtenir de renseignements téléphoniques autrement qu’en français, les noms des rues sont indiquées dans les deux langues et toute l’administration est bilingue. Mais la divergence entre la Turquie des Jeunes Turcs lors de la 1ère guerre mondiale et la France engage le déclin du français en Turquie. Ataturk, confirmant le sursaut nationaliste, officialise le turc et sa transcription en caractères latins (beaucoup mieux adaptés au turc) et interdit l’ancienne pratique francophone ; le français n’est alors plus utilisé qu’au travers de quelques enseignes et d’une population francophone issue des milieux juifs, arméniens et grecs qui entretiennent la langue au sein des familles. Aujourd’hui, les résistances françaises à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, ses positions par rapport au génocide arménien (forte communauté francophone en Turquie) achèvent de confirmer ce déclin.
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La partie ancienne des villes, les nombreux sites grécoromains parfois remarquablement conservés, l’intensité écrasante de la chaleur certains jours, la douceur émolliente d’une eau de mer limpide qui se souvient des mythes antiques, la lumière immémoriale qui fait scintiller intensément les toits et la mer jusqu’à l’éblouissement, les matins clairs où se profilent les gradations ocres et bleutées des montagnes proches laissant présager le ciel pur et tendu de la journée, voilà où résident les vrais attraits. Les ruelles à flanc de colline rappellent parfois celles de La Canée (ou Chania) à l’ouest de la Crète, mais sans ménager ici autant de surprises pittoresques, d’autres diront avec une sobriété et un charme de bon aloi. Peut-être l’empreinte commune de l’époque ottomane? Par contre la partie moderne des villes principales ne se différencie pas des nôtres, avec ses magasins à l’européenne, ou les km d’immeubles d’habitation insipides comme à Antalya et peut-être plus encore dans la ville moderne d’Alanya le long du grand boulevard de la mer qui va vers l’est. Seul le hérissement de la multitude des systèmes de chauffage solaire d’eau courante installés sur les toits plats apporte une curieuse touche d’originalité sans beauté. Parfois cependant, l’architecture de certains immeubles plus petits a fait l’objet de plus de recherche et tente de mieux se marier avec l’histoire locale.
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Manavgat
La grosse bourgade de Manavgat, 80 km à l’est d’Antalya encadre l’estuaire du fleuve qui semble porter le même nom, lui-même alimenté par au moins deux lacs de barrage dans la petite montagne en amont. Il débouche sur la mer par un bras oblique qui longe un court cordon littoral. La mosquée de la ville semble assez réputée, avec ses 4 hauts minarets, de très belles décorations intérieures de dentelle de stuc en tonalité camaïeu, et sa fontaine aux ablutions en tulipe sur son parvis. Bien sûr on n’y entre que déchaussé et les dames doivent se couvrir la tête d’un foulard et les jambes d’un vêtement, l’ensemble prêté sans façon. Là, Marlène semble avoir épousé un misérable émir désargenté.
trop dur l’escalier. mélopée est très gistre incantatoire éraillée que de la nit aussi par distinsordonné et hésirôdé après plusieurs l’Hégire.
Plus question d’apercevoir le muezzin moduler ses prières du haut de la couronne des balcons blancs : trop haut, La sonorisation prévaut. La qualité de la variable d’un muezzin à l’autre. Le rerelève en général plutôt de l’exhortation mélodie extatique. L’oreille exercée figuer l’apprenti muezzin au rythme détant du muezzin plus affirmé, largement années de harangue du calendrier de
Et c’est ainsi qu’ « Allah est le plus grand » (Allahou ‘akbar!!) ponctue les prières. Bien noter le superlatif que la traduction française réduit souvent en « Allah est grand », ce qui bien sûr ne saurait suffire. Curieux superlatif pour une religion monothéiste ; dieu est forcément le plus grand puisqu’il est unique, non???!!! Ou bien les croyants sontils effleurés par un doute?
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le fleuve Manavgat,
Et nous voici ensuite embarqués pour une mini-croisière vers l’embouchure du fleuve, sur l’un de ces bateaux pirates d’opérette, bien équipé, dont nous croisons et côtoyons d’autres exemplaires pleins comme le nôtre de touristes benêts. Le long des rives, un élevage de poissons (pas compris quels poissons) où notre capitaine s’approvisionne pour notre repas, quelques pêcheurs à la ligne sur de petites plateformes à cabane, et des vaches broutant les prés peut -être salés, toujours éberluées. Et nos beurs rigolards et potaches. Après une courte boucle en mer sans intérêt, nous accostons sur la rive intérieure du petit cordon littoral balayé par la brise marine, où la plage est aménagée pour le bain et le farniente sur des chaises longues payantes. Pour les amateurs de sensation plus fortes, un coûteux tour de 20mn en jet ski est possible Ce que nos beurs ne manquent pas de faire, dans ce strict respect des règles coraniques pour la jeune mariée qui ne prend le bain que toute habillée, malgré son look moderne.
Ici et là, une petit chantier de réparation navale, de charmantes barques avec dais protégeant de l’ardeur solaire.
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Alanya Cette ancienne province grecque qui était nommée la Pamphylie, la bien nommée (terre de toutes les races) tellement elle a vu de conquérants de diverses provenances, est précisément celle de notre séjour. La ville d’Alanya, du côté de l’est, mérite le détour pour sa vielle ville, mais surtout sa forteresse qui domine un long éperon rocher du haut de ses 200m, et ses aménagements seldjoukides bordant la péninsule. Lors des deux visites que nous en avons faites en venant dans les bus locaux, déshydratation et chaleur, à la limite du malaise. La topographie de la péninsule favorise la défense ; colonisée dès la période grecque, elle devient un repaire de pirates au 1er siècle avant JC, repaire détruit par le général romain Pompée en -65. Appelée Kolonoros (belle montagne) dans la période byzantine dont l’histoire est moins connue, elle doit à cette époque certains aménagements de la forteresse (tours rondes,…) mais surtout une chapelle byzantine dans l’enceinte, proche du grand réservoir central et un monastère à l’extérieur quand on se dirige vers la sortie ; monastère ou chapelle? Là est en effet une modeste chapelle au style manifestement byzantin nommée la « sainte chapelle arabe », qui aurait été construite sur le site d’une tour grecque du 2ème avant JC, Quand, en 1332, Ibn Battûta (1304-1377), fameux expuis ensuite plorateur berbère musulman du Maroc qui parcourut transformée en près de 130 000 km jusqu’en Chine, en Inde, aux Maldives, dans les steppes du nord, en Afrique noire..., petite mosquée revient de son 3ème pèlerinage à La Mecque, il parle par les seldjoud’Alaya (comme était appelée la ville en son temps) kides. avec le langage des Mille et une Nuits, tout de loukoum et de roses : « Le dixième jour, nous arrivâmes à la ville d’Alâïa, où commence le pays de Roûm. C’est une des plus belles contrées du monde, et Dieu y a réuni les beautés dispersées dans le reste de l’univers. Ses habitants sont les plus beaux des hommes et les plus propres sur leurs vêtements ; ils se nourrissent des aliments les plus exquis, et ce sont les plus bienveillantes créatures de Dieu. C’est pourquoi on dit : « La Bénédiction se trouve en Syrie et la bonté dans le Roûm. » On n’a eu en vue dans cette phrase que les habitants de cette contrée. ... La ville d’Alâïa, mentionnée ci-dessus, est une grande place située sur le rivage de la mer et habitée par des Turcomans. Des marchands de Misr (Le Caire), d’Alexandrie, de la Syrie y descendent ; elle est très abondante en bois, que l’on transporte de cette ville à Alexandrie et à Damiette et de là dans tout le reste de l’Égypte. Alâïa possède un château situé à l’extrémité supérieure de la ville. C’est un édifice admirable et très fort, construit par le sultan illustre `Alâ eddîn Ar-roûmy4.... ». Il témoigne aussi de son étonnement des conditions de la femme chez les Turcs de la Horde d’Or, de son émerveillement devant la civilisation chinoise, en presque contemporain de Marco Polo (1254-1324) de 50 ans son aîné.
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Alanya
La partie ancienne de la ville d’Alanya présente une célèbre tour octogonale en briques (appelée la tour Rouge) qui permettait de guetter et de défendre l’entrée du port et l’arsenal militaire à sa droite, sur la rive est de sa péninsule. Construite en 1226 par un architecte syrien, elle
s’élève à 33m sur 5 étages.
Pour une partie, on gravit des escaliers de hautes marches irrégulières assez impressionnantes.
Du tour de ronde crénelé, la vue est intéressante sur le port et ses flibustiers de parade, vers l’arsenal et les eaux turquoises des plages.
A l’arrière, une sorte de haut passage façon « grande muraille » jette un chemin à l’assaut de la colline de plus de 200m vers la forteresse qui couronne son sommet.
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Alanya s’appelait Alaya quand elle est conquise en 1223 par l’un des sultans seldjoukides de Roum. Elle est aussi appelée Corakesium, ou encore Candeloro dans la littérature occidentale médiévale. Après la défaite de Köse Dad en 1242 contre les Mongols, le sultanat disparaît au profit de plusieurs beylicats (beys). Alaya résiste aux assauts de Henri II roi de Jérusalem et de Chypre en 1291, mais passe aux mains des Karamanides en 1293 (dynastie Karamanoglu). Selon certaines sources, ce sont ces derniers qui construisent une mosquée et probablement la forteresse qui domine la ville. Pour d’autres, la forteresse dans sa configuration actuelle est construite par le sultan seldjoukide Alaaddin Keykubad entre 1226 et 1232 dans la partie sudest de la péninsule. Puis Alaya est achetée pour 5000 pièces d’or par un sultan Mamelouk en 1427 et enfin annexée par les ottomans en 1471. De cette période subsistent les restes de deux mosquées dans l’enceinte.
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sse fortere la , a y Alan
C’est Ataturk qui lui donne son nom actuel d’Alanya. Abattus de chaleur, notre préférence va au bus pour atteindre cette fameuse forteresse, quitte à descendre ensuite à pied par les chemins. Là-haut, on parcourt un circuit à l’intérieur des murs crénelés qui à l’origine couraient le long du relief du plateau sur un périmètre de 6500m (et dit-on 140 tours à l’origine). Le chemin, approximativement balisé pour les visiteurs, zigzague entre les arbres, un énorme réservoir d’eau ancien dont on ne voit émerger du sol qu’un volume en parallélépipède, et les restes typiques de l’ancienne chapelle byzantine du 11ème. Quand à mi-journée, ciel et mer se fondent dans un horizon étincelant, de la mémoire enfouie surgissent les souvenirs des mythes méditerranéens, où l’on s’attend à voir surgir Aphrodite chevauchant deux dauphins fendant les flots (ça c’est la version Aquaparc).
Le point de vue sur cette mer de Chypre est remarquable. Puis nous descendons le long des routes sèches sans nous retourner vers les restes de la citadelle trônant au sommet, masquée par des buissons de bougainvillées et des figuiers de barbarie.
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nal , l’arse Alanya
Nous traversons un hameau où des femmes avec fichu, ridées et amènes, vendent des produits typiques, des broderies, sans qu’on ait la certitude qu’ils aient été fabriqués ici. Le chat dormant, douillettement lové sur des vêtements à la vente, rêve qu’il est persan et en ronronne d’aise. Dans la pente où nous franchissons quelques ruelles agréables, voici à nouveau la solide Tour Rouge, aperçue pardessus de vénérables toits de tuiles mal ajustées, replacées à la hâte peutêtre avec désinvolture tant il pleut peu, après chaque rageuse tempête méditerranéenne. Dans la pente de la colline , c’est maintenant un bâtiment ancien fait de briques, probablement contemporain de l’arsenal (chantier naval) au-dessus duquel il est érigé, ou bien partie de celui-ci ; peut-être une ancienne réserve de poudre ou d’armement. Et
des escaliers pour géants, sans main courante.
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nal , l’arse Alanya
Presqu’arrivés au niveau de la mer, nous entrons dans l’arsenal par la sortie -si bien que nous ne paierons la visite que parvenus à l’entrée– et cheminons dans le bâtiment sous l’œil goguenard mais bienveillant d’un débonnaire gardien. Superbe
édifice de pierre de taille et de brique, d’une façade de 57 m sur 40 m de profondeur, ouvert sur la mer par 5 amples arches, avec d’autres enfilades d’arches transversales à l’intérieur. Construit en 1227, on y a fabriqué notamment un type particulier de bateau rapide de 15 m à deux mâts appelé « skovela ». Dédié à la construction et la réparation de bateaux de petites dimensions, il n’en était pas moins sous la dynastie seldjoukide le 2nd arsenal après celui de Sinop sur la Mer Noire. Et c’est ainsi que le sultan Alaeddin Keykubad prit le titre de « sultan des deux mers ». L’inscription en caractères arabes, gravée sur une plaque de marbre au-dessus de l’entrée lui rend hommage. Cela donne à peu près, aux accents et erreurs de transcription près : « par la grâce d’Allah, le plus auguste sultan, roi des rois, Ala’ud dunya wad-din Abu I’Fath Kaykubad, fils de Kaukhusrev fils de Quilij Arslan, le partenaire du Commandeur des Croyants. » Excusez du peu!
Et pendant ce temps-là, les Mongols avec Gengis Khan auquel se sont ralliés les Turcs, envahissent la Russie et tentent de conquérir la Chine, sous St Louis, Thibaut de Champagne entreprend une croisade (1239) mal préparée diplomatiquement, qui tourne au fiasco et n’est pas reconnue comme croisade à part entière. La Reconquista commence à l’ouest par la reprise des Baléares, de Valence et de Cordoue. Des étés chauds et secs ravagent l’Europe, et le fameux Ottokar 1er roi de Bohême meurt en 1230.
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Alanya
Les remparts crénelés se poursuivent vers la Tour Rouge au-dessus d’une eau limpide, et clôturent une sorte de jardin public assez correctement aménagé, qui dissimule de mystérieux vestiges de voûtes de briques plus ou moins à l’abandon. Le port que nous retrouvons avec ses mâts hérissés de bateaux pour touristes, dévoile aussi une série d’agréables barques de pêche, et un large panorama donnant sur les monts de 1000m de l’autre côté de la baie. De quoi se consoler un peu du mauvais goût mercantile. Dans le centre de la vieille ville, bien sûr là aussi le touriste
est « choyé », et le décor est fait notamment de copies de voitures des années rock’n roll ; on y rencontre un lapin urbain albinos bien léché, et plus improbable, un « siège à la turque » en forme de postérieur féminin nu. Tout cela côtoyant avec allégresse la mosquée voisine et la sévère statue d’Ataturk.
La fameuse plage de Cléopâtre, de l’autre côté de la péninsule donne accès à une tites et ...mites en Il suffit d’y croire.
grotte naturelle modeste, stalacprime, dont le taux d’humidité à 100% aurait des vertus médicales. Et maintenant, en route pour Antalya.
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Antalya A 120 km à l’ouest d’Alanya, la capitale locale, Antalya, ouvre ses voies urbaines et ses boutiques modernes aux visiteurs de toutes origines. Deux lignes de tramway (au moins) équipent ses voies, qu’emprunte aussi la police municipale à l’affût des arrêts intempestifs. Depuis son centre, une ample pente descend vers la mer, là en terrasses douces, ailleurs formant falaise, et dévoile les témoignages architecturaux qui ont jalonné son histoire. Ainsi, non loin d’une haute porte surmontée d’une tour carrée qui évoque un donjon, et d’une mosquée plus récente au minaret aigu, le puissant minaret Yivli au fût cannelé dont le toit conique est décoré de tuiles d’un bleu profond, est un l’un des symboles d’Antalya. Haut de 38 m, il faut gravir 90 marches pour atteindre son sommet. Sa mosquée a été construite en 1230 par le très prolifique sultan seldjoukide Keykubad (voir l’arsenal et la forteresse d’Alanya), puis remplacée en 1373 par une autre mosquée à 6 dômes, l’une des plus anciennes d’Anatolie. Un peu plus bas dans une rue biscornue, on débouche sur le minaret tronqué (Kesik Minare). L’histoire du site illustre celle de l’Anatolie. A l’origine a été édifié là un temple romain (2nd siècle après JC), converti en église byzantine au 7ème. Très endommagée lors des invasions arabes du 8ème, elle est restaurée au 10ème, pour devenir une mosquée sous les seldjoukides de Roum, avec son minaret qui reste encore aujourd’hui. La mosquée redevient église après la prise d’Antalya en 1361 par le roi de Chypre lors d’une croisade, puis finit en mosquée sous le règne ottoman de Sehzade Korkut. D’un incendie qui la ravage en 1846, la partie haute du minaret, faite de bois, disparaît, si bien que ne subsiste plus que sa base de pierre. Avec le minaret cannelé, ce minaret tronqué est devenu un autre symbole de la ville.
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adrien La Porte d’H La porte d’Hadrien est l’autre remarquable monument qui ne se dévoile au débouché d’un carrefour que lorsqu’on en est éloigné de 30 m, donc sans véritable perspective. Elle est cependant annoncée par une statue d‘empereur romain qui est une copie moderne sur une place qui ne l’est pas moins. Cette porte à 3 arches est faite de marbre blanc. Haute de 14m, elle porte encore témoignage du raffinement des sculptures et étaient surmontée des statues de l’empereur et de sa famille, aujourd’hui disparues. Construite en l’honneur d’Hadrien lors de sa visite à Antalya en 130, elle est encadrée par deux tours carrées, l’une datant de l’époque romaine, l’autre construite par le sultan seldjoukide Keykubad au 13ème, encastrée carrément dans les remparts.
Les historiens disent que cette porte sépare le monde moderne de l’ancien Attaleia, fondée par le roi de Pergame
Attale II au 2ème avant JC, et aujourd’hui appelé Kaleiçi.
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mœurs juive et Diaspora es s romain impériale
Hadrien succède en 117 à Trajan et règne 20 ans jusqu’à sa mort. Empereur humaniste, lettré, poète, philosophe à la réputation pacifique, il rompt avec la politique expansionniste de son prédécesseur, s'attachant à pacifier et à organiser l'Empire romain -alors à son apogée territoriale puisqu’il s’étend de l’Ecosse au Sahara, des Carpates à la Cyrénaïque - la Lybie pour simplifier -, de la Mer Noire au Soudan- et à fixer sa limite orientale à l’Euphrate, tout en consolidant les frontières. Il réforme l'administration et le droit romain et se comporte en despote éclairé mais souvent très autoritaire. Ainsi il n'hésite pas à réprimer dans le sang les révoltes de ses sujets. La plus célèbre est la révolte de Bar-Kokhba, qui secoue la Judée entre 132 et 135. Hadrien veut en effet rebâtir sur l'emplacement du Temple de Jérusalem un temple dédié à Jupiter, alors qu'il séjourne dans la région entre 128 et 132. Il commence à bâtir la colonie Ælia Capitolina sur une partie du site de la ville, ce qui provoque la fureur des Juifs. Douze légions participent à la répression. Les pertes romaines sont effroyables et l'empereur renonce au triomphe après la victoire. Puis il détruit la ville fortifiée de Bétar, refuge de Bar-Kokhba et massacre entièrement la population juive. Jérusalem est rasée et interdite aux Juifs qui sont dispersés dans tout l'Empire. Il interdit, dans le même temps, la religion hébraïque. La Judée est rebaptisée Syrie-Palestine. C’est le début de la Grande Diaspora (exil en grec) pour les Juifs. L'édit d'Hadrien sera abrogé par son successeur, Antonin, au cours de la première année de son règne. Cultivé et amoureux des arts, Hadrien construit de nombreux et célèbres monuments, comme le château St-Ange à Rome, et tente de redorer la culture hellénistique à Rome, en Egypte. Comme Trajan déjà, il manifeste un fort penchant pour les jeunes garçons et entretient une relation pédérastique célèbre avec un jeune homme originaire de Bythinie (nord de l’Anatolie près d’Istambul), Antinoüs. En 130, ce dernier se noie dans le Nil dans des conditions mystérieuses. Hadrien le fait représenter de nombreuses fois en statues dont certaines nous sont parvenues. La même année, il fonde aussi en son honneur la cité d'Antinoë en Égypte, l’année m^^eme où est construit la porte à 3 arches pour son passage à Antalya. Autre exemple occidental de tyran lettré et cultivé ; voir aussi pour mémoire Tamerlan en orient. Mais bien d’autres aussi...
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s d’Antalya Vielles ruelle
De belles maisons et des hôtels particuliers bordent agréablement les rues assez étroites, qui descendent en pente vers le port. Assez fermées au RdC, elles comportent aux étages supérieurs des avancées en encorbellement (« cumbas ») qui évoquent parfois les moucharabiehs d’Afrique du Nord et plus certainement les maisons des îles Canaries (Tenerife, la Gomera). La plupart sont maintenant des pensions, des boutiques, ou bien, d’après les guides, ne seraient pas occupées, cachant à l’arrière de superbes et secrets jardins anciens plus ou moins à l’abandon. Regrets de n’avoir
pas pris le temps ou même de ne pas avoir oser pousser certaines portes…
Ces rues charmantes et pittoresques étaient le cadre de photos pour un mariage très « à l’occidentale » le jour de notre passage.
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d’Antalya Sur le port
On dit que le port, que dominent d’inebranlables remparts de l’époque romaine, a été restauré et reconstitué avec soin. Mais là comme à Alanya, impossible d’échapper à la flottille des bateaux –Disney, même si malgré tout le charme opère, avec la chaîne montagneuse bleutée -sommets à 2400m longtemps enneigés ; mais pas pour nous, en cette saison trop tardivequi ferme l’horizon par-delà la baie scintillante. Puis un beau petit bâtiment hexagonal bien restauré surmonté d’une tourelle ajourée se blottit au pied des épais remparts faits de blocs de pierre claire. Ancienne criée? Vieux bâtiment d’octroi? Bien malin, sans autre indice, celui qui l’identifie. Si ça n’est soudain la mélopée éraillée mal sonorisée qui troue l’air et se répand en échos dans l’amphithéâtre naturel du port. Alors la belle fontaine sous les arches prend tout son sens : c’est la vasque aux ablutions de cette coquette et originale mosquée dont la tourelle constitue un mini-minaret à peine islamoconsistant, l’ensemble d’une parfaite élégance.
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Cascade sur mer
Environ 10 km plus à l’ouest sur la côte, une rivière débouche sur la mer du haut d’une
falaise rouge de 40m. C’est la chute d’eau spectaculaire de Karpuzkaldiran. La rivière prend là un ultime envol comme dans un sacrifice de tragédie grecque, en se jetant du haut de la falaise en gerbes immenses. Elle se nomme la Duden, encore parfaitement calme et résignée au bord de la falaise avant le grondement du grand saut. Sinuant paisiblement au travers d’un plateau calcaire en péninsule formant un vaste et agréable jardin probablement récent, elle lèche les pieds d’un très moderne hall de congrès et d’expositions, oubliant déjà sa jeunesse (genèse) impétueuse dans les pentes des monts Taurus vers 3000 m d’altitude d’où elle vient. La traversée de ce plateau rend cette eau pétrifiante, jusqu’à dit-on pétrifier aussi la végétation qui la borde. Sû-
rement un peu exagéré! En amont, elle est partiellement souterraine, mais encore vigoureuse, elle franchit ailleurs déjà une cascade de 15 m.
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Arrière-pays
D’une excursion en jeep dans les montagnes au-dessus d’Alanya, nous conservons surtout le souvenir du nuage de poussière que soulève notre caravane et qui nous enveloppe au long des chemins de traverse secs et abrupts entre petits villages blottis en flanc de colline. Au départ, c’est aussi le panorama de cette partie très urbanisée de la ville d’Alanya enserrée entre monts et mer. Soudain au détour d’un lacet surgit un minaret aigu (visite éclair d’une petite mosquée perchée avec explications par un jeune imam avenant sur le cycle quotidien des prières ; toilettes contigües parfaitement nettes et propres). Mais en guise de guide, nous avons un conducteur de jeep, sympathique au demeurant, qui ne nous éclaire ni sur l’histoire du pays, ni sur son agriculture ; seul objectif, accumuler dans la journée autant de touristes que possible. Conception industrielle du tourisme une fois encore! Ainsi cet arrêt trop convenu au bord d’un torrent de montagne aménagé en cascades et bassins de retenue formant des piscines naturelles -seuls les russes de notre groupe s’y sont baignés. Le site donne une curieuse impression d’abandon ; peutêtre sommes-nous en dehors de la pleine saison où la capacité d’accueil serait alors utilisée à plein?), avec ses canaux creusés de partout, souvent désaffectés, d’autres terrasses aménagées mais désertées, des ruissellements plus ou moins spontanés provenant des flancs de la montagne.
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Arrière-pays Plus loin, nous prenons ,en file indienne tendue un repas à l’orientale au pied d’un grand barrage de montagne sous des tentes vertes façon Disney jouant de leur reflet artificiel sur la table basse, et construites en pilotis ras au-dessus de l’eau courante. Comble de luxe, on peut y laisser tremper la main (ou le pied). Elles sont probablement sensées reproduire mais
ici de manière étriquée le faste d’anciens modes de vie. Mais les turcs apprécient et se trouvent là en nombre... Et puis aussi l’inévitable visite exhibitionniste à la queue leu leu d’une ferme « indigène » avec femmes en foulard cuisant la galette dans un four authentiquement entretenu. Parfois, au détour d’un lacet, une vue plongeante permet d’apercevoir un grand lac de retenue dont la montagne est bardée et qui illustre bien la capacité hydrologique des monts Taurus et l’abondance de l’eau malgré la sécheresse du climat. Les fermes sont plutôt modernes, assez mécanisées, tirant parti du soleil (chauffe-eau solaire sur terrasse où l’on aperçoit des baies inconnues en train de sécher au soleil, dont la nature nous restera étrangère). Aperçu aussi une batterie de superbes théières anciennes, ou reproduction d’anciennes pour le fameux thé noir turc, dégusté à longueur de journée et un métier à tisser presque trop fringant, qui compensent un peu l’authenticité déficiente de notre randonnée.
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Pergé
Le passé hellénistique et romain de la Pamphylie est encore riche de témoignages de bâtiments et de sites somptueux, plus ou moins bien exploités, faiPergé Aspendos sant toujours l’objet de fouilles, mais qui parfois laissent à chacun une surprenante liberté d’accès pour des restes aussi précieux. Nous nous sommes volontairement limités à 3 d’entre Sidé eux, qui se concentrent immédiatement à l’est d’Antalya : ce sont les sites de Pergé, Aspendos et Sidé. Pergé se prononce « Pergué » ; ce nom provenant d’un dialecte anatolien ou du hittite, signifie « place haute », même si ses anciens habitants croyaient que la ville avait été fondée par des héros achéens après le siège de Troie. Mais les fouilles ont permis de trouver la trace de l’existence d’une population dès l’âge de bronze sur la colline appelée Acropole, aux 3ème et 4ème millénaires avant JC. Pergé est sous domination Lydienne 7 siècles avant JC (d’autres avancent les premières implantations à –1000), puis passe aux mains des Perses en –546 (achéménides), se soumet sans combattre à Alexandre le Grand en – 334, passe aux Séleucides en –223, puis appartient au royaume de Pergame en –188 après arbitrage d’un consul d’un consul romain entre Pergame et Séleucides, pour enfin échoir par héritage à l’Empire Romain en –133. Les Lydiens (nom de la région d’Anatolie centrale en ce temps) dont le dernier roi fut le fameux Crésus (battu par Cyrus le Perse) auraient joué un rôle fondamental d’intermédiaire entre les cultures grecques d’Ionie et les cultures du ProcheOrient en cette période. Les Séleucides sont une dynastie hellénistique qui règne sur une partie de la Perse (aujourd'hui le Turkménistan et le Pakistan), la Mésopotamie, la Syrie/ Palestine et une partie de l’Asie Mineure pendant près de 150 ans. Sous le royaume de Pergame, un illustre géomètre et savant natif de Pergé écrit un traité en 8 volumes appelé « Les coniques » sur les coniques, ellipses, hyperboles, paraboles (c’est aussi lui qui les a nommées). Certains de ses textes ont été retrouvés en grec, d’autres en arabe, ou ont été traduits en latin. Il travaille aussi par exemple sur la valeur du nombre pi dont il améliore la précision, sur les nombres irrationnels, sur la représentation géocentrique des planètes reprise ensuite par Ptolémée... ; c’est Apollonius de Pergé (-262 à – 190), élève d’Archimède, même si des doutes subsistent sur son origine, les homonymies étant fréquentes en son temps. Contemporain d’empereurs romains et notamment de Néron, ses œuvres ont été étudiées et reprises en particulier par le grand astronome anglais Halley (la comète) au début du 18ème.
Séleucos 1er.
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Pergé Pergé, sur les bords du fleuve Kestros (certains disent Krestos qui signifie « vivifiant » en grec) alors navigable jusqu’à la mer à 17 km, se trouvait ainsi protégée des attaques pirates. Longtemps libre et indépendante, elle s’entoure d’une enceinte fortifiée qu’Alexandre le Grand rencontre en –334. Ville prospère tout au long des périodes hellénistique et romaine, Pergé frappe monnaie à l’effigie d’Artémis, sa divinité supérieure. Après 3 siècles d’éclatante splendeur sous l’Empire Romain, le déclin commence avec l’Empire Romain d’Orient (empire byzantin) et aussi du fait de l’enlisement du fleuve qui finit par la couper de la mer. Elle est abandonnée vers le 7ème après JC après les incursions arabes. A l’arrivée sur le site, la route longe à droite une succession de voûtes impressionnantes qui ne manquent pas d’intriguer. De fait, on suit un côté du stade des courses de char, le plus important de Pamphylie, dans lequel on peut pénétrer librement et qui mesure 235 m sur 35 m. Les vastes salles voûtées en entonnoir hébergeaient certainement des boutiques. Sa capacité était d’environ 12000 places pour assister aux courses de chars. Les seuls autres visiteurs rencontrés étaient deux français, aussi émerveillés. Mis à part l’entretien pour lutter contre la végétation envahissante, nulle protection ; mais qu’en est-il du vandalisme et du vol?. L’ampleur du stade, dont les gradins subsistent encore frappe l’esprit par la majesté, l’effet de symétrie autour du grand axe. Pour un peu, dans le silence, on croirait entendre s’élever la clameur de la foule au passage des chars.
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Pergé La même impression de majesté marque aussi la mémoire dans le reste du site. Ainsi les vestiges des deux tours ovales de l’époque hellénistique, en cours de restauration, construites entre le 3ème et le 2ème avant JC gardent fière allure. L’agora, cet espace ouvert de rassemblement où se tenait aussi le marché, du 2ème après JC avec ses alignements de colonnes blanches encore dressées avait 75 m de côté. L’eau de la nymphée (sanctuaire grec dédié aux nymphes qui, à l’époque romaine devient une fontaine publique monumentale) s’écoulait dans un canal creusé au centre de l’avenue des colonnes. La ville possédait aussi des thermes et des bains très élaborés comme en témoignent certains soussols mis à jour.
Le site est dominé par une colline sur laquelle était l’acropole (ville haute chez les grecs, sur laquelle une citadelle abriter et tion), dont il L’accès au est fermé ; apercevoir partie.
était construite pour défendre la populane reste presque rien. théâtre en hémicycle nous n’avons pu en qu’une toute petite
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os Aspend
Quelques km plus à l’est, le site d’Aspendos (aujourd’hui Belkiz) est surtout réputé pour son magnifique théâtre en hémicycle, l’un des mieux conservés de Turquie, et pour son aqueduc. Bien sûr, Aspendos passe par les mêmes phases de dépendance, de colonisation, de pillage, de prospérité que ses sœurs Pergé et Sidé dans cette province de Pamphylie. Aspendos se situait aussi au bord d’une rivière appelée Eurymédon depuis longtemps enlisée (aujourd’hui Köpruçay, qui ne semble plus être qu’une étroite langue de mer pénétrant courtement dans les terres), mais navigable depuis la mer en ce temps-là, qui en était distante de 16 km. Occupé dès l’âge de pierre, le site a peut-être été fondé par des colons venant d’Argos dans la période préhellénique. Dès le 5ème avant JC (beaucoup plus tôt que Pergé) et tout comme Sidé, Aspendos bat déjà monnaie, preuve de sa prospérité (elle est alors la ville la plus riche de Pamphylie) et de son indépendance. Au verso de l’une de ces pièces, remarquons le triskèle, qui est aussi le symbole de la Sicile. Après la conquête de l'Asie Mineure par les troupes de Cyrus II au 5ème siècle avant JC (-546) , elle fournit des contingents de soldats aux Perses mais continue à frapper sa propre monnaie. Vers la fin des guerres médiques, Strabon indique que les Perses abritent leur flotte dans l’embouchure de l’Eurymédon. Aspendos est donc base navale perse quand, lors de la bataille sur l’Eurymédon, les Athéniens menés par Cimon (entre –469 et –466) battent les Perses et prennent ainsi de manière décisive le contrôle de l’Asie Mineure. Plutarque (600 ans après les faits) rapporte que les Perses voient fondre sur eux la flotte athénienne et se replient en remontant le fleuve, mais ne peuvent éviter la bataille navale ni la bataille terrestre à pied. Là les hoplites athéniens lourdement armurés prouvent leur supériorité. Ceux d’Aspendos sont particulièrement réputés. 200 navires perses sont ainsi capturés et détruits. Cimon va ensuite intercepter par surprise les 80 navires phéniciens attendus par les perses mais trop tard parvenus sur place, et les anéantir. La représentation ci-contre concerne une bataille contemporaine, celle de Salamine, certainement illustrative de celle d’Eurymédon. A noter que les bateaux, tant du côté athénien que perse étaient des trirèmes.
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Alors, au 4ème siècle avant JC, Aspendos passe à la Ligue de Délos, fameuse confédération athénienne constituée en -477 pour combattre les Perses. Reprise par les Perses en –411, elle se soumet à nouveau aux Athéniens en –389 auxquels elle verse un tribut pour éviter tout dommage. Le chef athénien prend le tribut mais fait détruire toutes les récoltes. Les habitants d’Aspendos, furieux, tuent le chef athénien dans sa tente. Quand en –333, Alexandre le Grand envahit la région, les habitants obtiennent d’abord qu'Aspendos ne soit pas occupée par une garnison macédonienne en échange du versement du tribut (chevaux et 50 talents d'or) précédemment versé aux Perses. Mais Aspendos ne respecte pas l'accord. Alexandre vient en faire le siège et n'épargne la ville qu'en échange de 100 talents d'or et 4.000 chevaux, illustration de la richesse de la cité d'alors. Rattachée ensuite au royaume de Pergame puis à la province romaine d'Asie entre -189 et -133, Aspendos connaît un bel essor. La ville prospère avec le commerce développé autour de l'élevage des chevaux, des cultures céréalières, des vergers et des oliviers. Mais selon Strabon, ce sont surtout la production du sel issu des salines et les vignes d'Aspendos qui en font sa richesse. A son apogée, la ville héberge 20 000 habitants. Après être passée aux mains de l’Empire Romain, Aspendos est littéralement pillée par le légat romain Gaius Licinus Verres vers –70, qui pille aussi massivement des cités grecques et siciliennes. La condamnation de ses exactions donne l'occasion à Cicéron d’écrire certains de ses plus beaux réquisitoires (qu’il publie sous le nom de « Verrines », sans avoir l’occasion de les prononcer). Sur quoi Verres s’enfuie à Marseille après avoir été condamné par contumace à verser 40 millions de sesterces aux Siciliens. Le déclin d’Aspendos suit son pillage et se confirme pendant la période byzantine. La ville est construite sur deux courtes et abruptes collines contigües. A la plus proche de l’accès s’adosse directement le théâtre, pour qui elle semble avoir été creusée pour l’accueillir. De son sommet, la vue sur le théâtre est unique et assez saisissante. Avant d’y parvenir, on longe des ruines de briques qui étaient les bains de ce site. Sur la plateau de l’autre colline, plus vaste et s’élevant à 30 m au-dessus de la vallée du Köpruçay se tient l’acropole. Le long de la pente qui permet d’y monter, on aperçoit les restes du stade (pour la course des chars) dans un état de ruine beaucoup plus avancé que celui de Pergé.
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os Aspend Parvenus sur le plateau, la dimension de ce qui reste de l’agora (à gauche) frappe encore par son ampleur, au pied des vestiges hauts de 15 m de l’ancienne basilique byzantine du 3ème siècle (ci-dessous), dont on aperçoit la silhouette désossée d’assez loin, de ceux du nymphée (35 m de long et 1,5 m d’épaisseur) et du bouleutérion (Chambre du Conseil). L’âge d’or est celui des 2ème et 3ème siècles après JC sous l’Empire Romain. C’est de cette période que datent en particulier
ses plus importants monuments. L’agora est percée de bouches d’aération des vastes citernes souterraines alimentées par le fameux aqueduc franchissant la vallée au nord depuis une chaîne de montagnes. Le spectacle de la falaise sur laquelle débouche le plateau de la
colline vers le nord (voir page suivante) est encore saisissant devant la majesté des restes de cet ouvrage colossal, construit par Tiberius Claudius Italicus au 2ème après JC.
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La variation de hauteur de l’aqueduc interpelle : pourquoi ce relèvement à 130 m de notre plateau? Étaitce la hauteur de cet ouvrage d’un bout à l’autre?
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L’aqueduc amenait l’eau d’une source (30 à 40 l/sec) des montagnes à 20 km au nord et traversait la vallée sur 1500 m, franchissant des ponts et des tunnels. Il est l’un des meilleurs exemples d’aqueducs
romains avec celui du Gier à Lyon. L’eau était acheminée sous pression par ce siphon inversé dans des tuyaux de 28 cm de diamètre creusés dans des blocs de pierre de 85x85x50cm. Elle était stockée dans deux réservoirs relais de 15 m de haut, chacun placée au sommet de deux « tours 5 hydrauliques » hautes de 30 m et distantes de 924 m, dont on 3 aperçoit bien les vestiges monumentaux, pour enfin alimenter les thermes et le nymphée. L’aqueduc hors les tours est large de 5,50 m et fut utilisé aussi probable-
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ment comme voie carrossable. Un aqueduc de 130 m à deux niveaux d’arches fait le lien entre la tour sud et l’acropole. Ces schémas et quelques autres informations proviennent d’une étude turconéerlandaise faite en 1998, intitulée
« The pressure line of The Aspendos Acqueduct » de Paul Kessener et Susanna Piras.
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Pour chaque tour, la partie basse est faite de pierre, la partie haute de brique. Un escalier intérieur encore intact permet d’accé-
der depuis la base à la partie en brique après 17 m de montée de marches hautes de 30 cm!!. C’est dans cette partie supérieure et par le principe des vases communicants que remontait et était stockée l’eau dans des sortes de silos à plafond de voutes de briques. Un séisme frappe la région et détruit une partie de l’aqueduc en +363. Une légende dit : "Le roi d'Aspendos avait une fille à marier d’une rare beauté, appelée Belkis (ou Sémiramis?). Deux architectes étaient en lice. Le roi décide d’accorder sa main à celui qui réalisera le plus bel édifice pour Aspendos... Dans le même temps, l’un construit l’aqueduc et l’autre le théâtre. Le roi, prêt à partager sa fille en deux, est d’abord conquis par la majesté et l’utilité de l’aqueduc et se prépare à donner sa fille à son constructeur. Mais, visitant le théâtre depuis son promenoir, il entend quelqu’un lui murmurer : « la fille du roi doit être mienne ». Personne pourtant autour de lui. Ce n’est autre que Zenon (constructeur du théâtre) qui lui parle mais depuis la scène. Déjà séduit par la beauté du théâtre, mais éberlué par ses qualités acoustiques, il se ravise et accorde à ce dernier la main de sa fille ». Une autre version dit qu’il Un caravansérail (mot d’origine persane), khan (en coupa sa fille en deux... iranien) , han (en turc) ou encore funduq (au En effet, l’autre merveille du site Maghreb), est un lieu bâti où les caravanes de marest ce théâtre en hémicycle, qui chands et des pélerins font halte et sont accueildispose d’une excellente acoustique, aujourd’hui utilisé comme à lies, le long des routes et dans les villes. Vaison la Romaine pour des spectacles musicaux, des opéras, un On pourrait comparer le caravansérail à un relais festival annuel,… et dont l’état de conservation doit probablement de poste en Europe. Un caravansérail est toujours beaucoup à ce qu’il fut utilisé en tant que palais et caravansérail, fortifié, et comporte à la fois des écuries (ou des puis entretenu, embelli et consolidé (briques de la face nord) par enclos) pour les montures et les bêtes de somme, les seldjoukides au 13ème, mais aussi grâce à la qualité de la pierre des magasins pour les marchandises et des chambres pour les gens de passage. Il est fréquent calcaire utilisée. que les magasins se Sur 100 m de large, 70 m de trouvent au rez-deprofondeur et une façade chaussée et les haute de 22 m, avec 41 ranchambres au premier étage. gées de gradins séparées à moitié (20 en haut, 21 en bas) C'est aussi un lieu par une promenade interméd'échange fréquenté diaire, il subjugue immédiatepar de nombreux ment par son ampleur, son étrangers. harmonie, sa parfaite syméIci, un caravansérail trie. à Alger.
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Construit par l’architecte Zenon originaire d’Aspendos au 2ème siècle (en 155), grâce à la générosité de deux frères Curtius Crispinus et Curtius Auspicatus, il fut dédié à la famille de l’empereur Marc Aurèle (121 à 180) le stoïcien, qui visite la Cilicie vers 175. Le théâtre est découvert en 1871 par le comte polonais Lanckoronski, riche aristocrate, fameux collectionneur d’art et archéologue, qui vivait en Autriche jusqu’à l’arrivée de Hitler.
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Avec ses 40 rangs de gradins, le théâtre peut accueillir 15000 personnes. Une galerie promenoir couronne la
« cavea » (l’immense entonnoir des gradins) et avec ses 58 arcades parfaitement régulières dégage une grande élégance. Il est caractéristique de l’époque romaine en ce qu’il constitue un ensemble fermé sur lui-même à l’inverse des théâtres grecs ouverts sur le paysage extérieur. Le mur de scène, dont la façade intérieure était à l’origine recouverte de marbre, s’élève à la même hauteur que le promenoir, ce qui confère une qualité acoustique remarquable. Il s’ouvre sur 5 portes et s’organisait en deux étages supportés par des colonnes. Quelques détails sculptés qui restent encore donnent une idée de la magnificence de l’édifice à l’origine.
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Sidé
Puis à quelques lieues ( une lieue romaine = 2223 m) vers l’est mais cette fois en bord de mer, c’est le site de Sidé, dont certains touristes se plaignent qu’il ait cédé aux sirènes de l’extrême tourisme et des marchands du temple (à 75 km d’Antalya). En langage SMS, MKT SiD? (Mais qu’était Sidé?) La cité antique se situe sur une petite péninsule nord-est sud-ouest de 1 km de long et 400 m de large. Aussi bien Strabon qu’Arrien mentionnent que le port de Sidé a été fondé au 7ème siècle avant JC par des grecs de l’ouest anatolien (Cymé près de Smyrne). Sa configuration permettait une bonne protection des petits navires. De là, Sidé devient l’un des sites commerciaux les plus importants de Pamphylie. Sa langue est l’anatolien, probablement issue du néo-hittite, mais une langue si active et efficiente que les grecs l’adoptent rapidement au point d’oublier leur langue d’origine, ce que confirment des inscriptions des 3ème et 2ème Après Alexandre le Grand, la période macédonienne de Ptolémée 1er est un gisement pour les auteurs de tragédies fransiècles avant JC. çais du 17ème (Racine, Corneille,…). On y croise en effet Antigone (dit le Borgne), général macédonien fondateur de l’Etat hellénistique qui s’oppose à Ptolémée 1er, Eurydice la 2ème femme de Ptolémée épousée en –321, qu’il répudie pour épouser Bérénice sa 3ème femme, l’une des suivantes d’Eurydice.
Roi d’Egypte, Ptolémée 1er prend Alexandrie pour capitale, y rassemble poètes, scientifiques (il soutient le grand mathématicien Euclide) et artistes, construit son fameux phare, puis la bibliothèque d’Alexandrie, tout en restaurant les cultes de l’Egypte ancienne, Cette dynastie de rois d’Egypte s’achève avec la fameuse Cléopâtre, reine d’Egypte de –51 à –30. Son père était Ptolémée XII.
Sidé signifie « grenade » en anatolien. Une légende mythologique de Milet veut que Sidé soit la fille de la Montagne et du dieu taureau Taurus (nom de la chaîne juste au nord). Les périodes lydiennes et perses (-540) qui ont marqué Pergé et Aspendos n’ont pas laissé de traces significatives à Sidé. Alexandre le Grand occupe Sidé comme Aspendos en –333 et introduit la culture hellénistique qui s’épanouit jusqu’au 1er siècle avant JC. Après la mort d’Alexandre, l’un de ses généraux, le fameux Ptolémée 1er Soter (le sauveur), celui-là même qui devient roi d’Egypte en –305 et fonde la dynastie des Ptolémée, gouverne la cité. Puis ce sont les Séleucides qui prennent le relais au 2ème siècle avant JC. Malgré ces vagues de conquêtes, Sidé continue de prospérer et de se développer culturellement.
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Sidé
En –190, une flotte grecque venue de l’île de Rhodes , soutenue par Rome et Pergame, bat la flotte séleucide du roi Antioche III le Grand, alors commandée par le carthaginois Hannibal qui s’était réfugié à la cour de ce dernier roi séleucide. Le traité d’Apamée en –188 laisse à Pergame les territoires au nord des monts Taurus, maintenant de fait une certaine autonomie à l’est de la Pamphylie où Sidé se situe. Sidé, dans sa réussite commerciale et culturelle, bat sa propre monnaie (ici Athéna et une grenade) entre –188 et –36. Elle accueille pendant le 1er siècle avant JC les pirates ciliciens marchands d’esclaves, et s’en enrichit largement, pendant qu’Antalya la concurrence en développant son propre port. En –76, puis avec le général romain Pompée (autre personnage central d’une tragédie de Corneille) en –67, l’Empire Romain défait les brigands et prend Sidé avant de soumettre les pirates d’Alanya en –65. Ainsi s’engage la conquête par les romains de l’empire séleucide. Sidé entre dans une nouvelle période de prospérité, notamment avec le commerce de l’huile d’olive qui dure jusqu’au 3ème siècle après JC, mais qui s’appuie aussi sur le commerce des esclaves et des actes de piraterie de sa puissante flotte. Sidé atteint une population de 60 000 habitants et la flotte romaine en fait l’une de ses bases. De là datent l’essentiel des monuments visibles encore aujourd’hui. Cosmopolite, elle accueille aussi bien les païens que les juifs, les 1ers chrétiens (St Paul, né en Cilicie y passe probablement) et continue de se développer dans la 1ère période byzantine. Le déclin commence au 4ème, sous les coups d’invasions depuis les plateaux du Taurus, puis ensuite des arabes. Sidé, brûlée par ces derniers au 7ème, finit par être abandonnée au 10ème après plusieurs tremblements de terre. Même si elle connaît au 12ème un regain à l’époque byzantine avec une importante implantation juive, elle est finalement abandonnée après avoir été saccagée. Sa population rejoint Antalya. Au 13ème sous les seldjoukides, elle n’est plus connue que comme « l’ancienne Antalya » . Une traversée trop rapide du site antique laisse une impression de débris magnifiques tombés là au hasard sous l’effet d’on ne sait quels cataclysmes, dont probablement des tremblements de terre. Par exemple avec les blocs de
marbre blanc qui semblent abandonnées sur le sol au voisinage de l’agora. Le théâtre antique paraît comme ruines de quelques portiques d’une altière beauté qui rient de hideux blocs d’habitations modernes qui en font l’arrière-plan.
un éventrement de cavea, et les se détachent sur la mer se contra-
Voilà l’impression que donne un tel site, que les autorités locales ne semblent pas avoir fait l’effort de sanctuariser, privilégiant d’abord le caractère balnéaire.
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Sidé
Notre boulimie de visite (3 sites antiques le même jour) contribue à ignorer des trésors que nous aurions pu apercevoir si le temps nous était moins compté. Le magnifique portique du temple d’Apollon en bord de mer en est un parfait exemple. Quoi qu’il en soit, de ce qui semble ne plus être qu’un fatras de blocs de pierre et de marbre se dégage, quand on laisse aller l’imagination et que l’on tente de gommer le présent, une impression de richesse et d’harmonie exceptionnelle. L’agora occupe un rectangle de 89m sur 69m qui était bordée de colonnes corinthiennes. Le bâtiment central était
décoré de sculptures impériales et couvert d’une terrasse à plafond en caissons. Le théâtre ne manque pas là aussi de grandeur, et chauvinisme local aidant, se prétend, mieux qu’à Aspendos le
plus vaste et le mieux conservé d’Asie Mineure. Comparable certes en dimensions, mais surtout, en étirant le cou quelque part au-delà de colonnes blanches, marqué par la proximité de l’irrésistible horizon de la mer. Donc différent mais certainement beaucoup moins intact. Ce théâtre, construit à la place d’un théâtre hellénistique plus petit, date du milieu du 2ème siècle après JC et peut accueillir 15 000 personnes. A défaut de pouvoir adosser son hémicycle à une colline comme par exemple à Aspendos, une façade en rotonde avec deux niveaux de voûtes le délimitent, à la manière des amphithéâtres romains de l’ouest occidental. En même temps à Lutèce est construit le théâtre arène qui pouvait accueillir 10 000 personnes et dont les restes beaucoup moins flamboyants sont exhumés vers 1872 et conservés grâce à l’énergie indomptable de Victor Hugo.
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Sidé
L’accès par la voûte du bas permet d’atteindre et de parcourir ce promenoir intermédiaire en rotonde, duquel on pénètre dans le théâtre. Les restes de la scène de marbre blanc surplombent des aménagements de « coulisses » où les machinistes devaient s’affairer pour préparer les spectacles, où peutêtre passaient les gladiateurs avant l’affrontement des combats. Rien ne dit cependant si l’acoustique était aussi parfaite que celle d’Aspendos. L’imagination ne peut manquer d’être saisie par le spectacle que devait représenter cette foule couvrant les gradins, bigarrée de personnages en toges et d’esclaves affairés agitant l’éventail, emportée par les vagues de clameurs, le flux et le reflux de vociférations, dans la férocité ou la joie au gré de l’intensité de la scène du moment, passant là des heures sous les dais protégeant du soleil de plomb, avec en toile de fond l’horizon figé et acéré de la mer, puis s’éloignant par moments du théâtre pour déambuler dans les avenues pavées dressées d’alignements parfaits de blanches colonnes de marbre, franchissant des arcs monumentaux, se rafraîchissant aux fontaines richement décorées. La cité dans sa splendeur et sa puissance, comme bien d’autres cités en leur temps, croyait en sa pérennité et se donnait l’illusion d’être reine du monde, immortelle. Alors que l’immuable et dure lumière du mythe solaire, celle dont l’ombre tranche l’arc net des gradins, qui crée le frais refuge sous les voûtes quand brûle la pierre exposée, elle seule demeure sous ces latitudes la vraie constante, ce qu’avaient bien compris les grandes civilisations solaires, égyptiennes ou amérindiennes. Pour finalement redevenir ruines, mais quelle gloire dans ces ruines, pour les innombrables fourmis, aux semelles voleuses de parcelles d’éternité que nous sommes en passant.
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Agriculture
Puis au fil du séjour, de village en village, le long des routes, ici et là se dévoilent d’autres aspects de la région. Ce sont les champs de coton, étendus parfois à perte de vue, en larges bandes parallèles semées probablement à intervalles de temps espacés, pour permettre des récoltes successives étalées dans le temps. La photo ci-contre ne montre pas la différenciation de couleur entre ces bandes de maturités différentes, où les tiges virent de plus en plus vers le rouge cramoisi à mesure qu’on se rapproche de la récolte, apportant un fond de plus en plus sombre à l’écume blanche du coton qu’elles portent. C’est aussi ce qui est peut-être un oléagineux (genre sorgho?) dont les tiges aux longs épis rassemblées en gerbes verticales sont organisées en faisceaux le long des routes. Nous n’avons pas pu en savoir le nom. Et souvent sur le plateau fertile, de grands champs d’agrumes. La Turquie a l'une des plus importantes agricultures d'Europe Orientale et du MoyenOrient. Depuis 1950, la production agricole a beaucoup augmenté du fait de la mécanisation et d’une meilleure sélection des variétés. Mais la productivité, certes en progression, reste encore faible, même si les méthodes archaïques sont en voie de disparation. Les paysans représentent environ 29 % de la population active et vivent dans les régions les plus modestes de Turquie. D'importants investissements gouvernementaux se poursuivent pour moderniser l'agriculture. Les principales productions agricoles de la Turquie en 2012 : 21 millions de tonnes de blé, 13,6 millions de tonnes de betterave à sucre et 131 000 de tonnes de thé. Malgré les champs de coton rencontrés ici, la Turquie n’en est plus un grand producteur. Les autres cultures comprennent principalement les pois chiches, les lentilles, le maïs, les tomates, le melon, les agrumes, les bananes, les olives, les raisins. La Turquie est le premier producteur et exportateur mondial de noisettes, ce qui occupe et fait vivre environ 2 millions de personnes. Sur les bords de la mer noire au NordEst du pays, la récolte constitue entre 70 % et 80 % de la production mondiale en 2012.
42 Petits commerces de grands chemins
Les ventes de fruits et de légumes, de thé noir chaud aussi, fleurissent le long des voies rapides. Ici devant une petite bretelle d’accès en face d’un panneau STOP qui devient « DUR » en turc.
Ce sont aussi les boutiques où l’on vend d’odorantes épices colorées, des fruits confits, des bananes en régime qui mûrissent trop vite sous le soleil brûlant, des pastèques…
Certains marchés de village en montagne, bien proprets, ne manquent pas d’intérêt aussi. On y retrouve les femmes du pays, la tête revêtue d’un fichu, seule marque de leur appartenance à la religion musulmane.
43 Et autres flâne-
Ailleurs les chats s’étirent, posent en chat noir, paressent à l’ombre d’une Renault « Symbol » de fabrication locale, modèle original ; des poules turques, libres, gambadent en caquetant dans des ruines de briques sous l’œil vigilant du fier-à-bras, coq gardien du harem mais pas eunuque ; les bus-sandwich se parent de publicités en forme de graffitis ; un pêcheur est emporté par sa canne de lancer ; les taxis en forme de fourgonnettes, jaune Ptt, se prennent pour des taxis new-yorkais et attendent le chaland qui leur préfèrera peut-être des trottinettes électriques ;
une ambulance s’enfuit sirène hurlante, pendant que de petits immeubles hétéroclites somnolent au-dessus de tombes réfugiées à l’ombre.
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Confluent des mondes
Turcs
Hittites Phryg iens Turcs
1
1 2
2
L’Anatolie a été habitée depuis la Haute Antiquité par des civilisations successives, dont probablement la 1ère d’entre elles provenait d’Europe centrale, pour ensuite subir longuement l’influence du monde grécoromain depuis la mer Egée et la Méditerranée mythique.
Dès l’arrivée des Turcs en Anatolie en 711 puis au 10ème avec les Seldjoukides venus d’Asie centrale, le déclin de l’Empire byzantin fait basculer l’influence de l’occident vers l’orient. Les flux cette fois proviennent du nord-est et du grand continent asiatique.
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La période antique : chronologie
1
NB– L’échelle du temps est très dilatée pour la période de –500 à +500
-9000
néolithique -6500 sud-ouest de la Russie -3000 Commerce avec les Assyriens
Hi tes -1400
-700 à –600
Phrygiens
-500 Arrivée des Grecs en Anatolie : Lycie, Lydie, Cilicie, Pamphylie,… et combats contre les Perses Macédoine -333
Alexandre le Grand -323
-130
Romains
Pergame de –322 à –129 : les A+alides, libérés des Séleucides en –262
Séleucides : de –305 à –64 : les Sassinides
Les Ptolémée : Egypte de –305 à –30 (avec Cléopâtre)
Syrie Iran Pax romana
0
Empire Romain 395 Empire Romain d’Occident, aba+u par les Huns en 476 ; sa fin marque le début du Moyen Âge 456
Empire Romain d’Orient (Empire byzan=n et Ste-Sophie en 535), qui disparaît en 1453 sous la poussée des O omans ; sa fin marque la fin du Moyen Âge
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La période antique
1 La péninsule turque porte le nom d ’Anatolie. Après le néolithique (-9000 à –6500) où la présence des anatoliens est attestée près d’Urfa par les restes de la ville qui est passée longtemps pour la plus vieille du monde Catal Hohuk (-6500 à –5500), les premiers centres urbains apparaissent vers la fin du 4ème millénaire le long de l’Euphrate. Les riches ressources minières anatoliennes sont propices au travail des métaux (–5500 et –3000) et à un commerce organisé avec les Assyriens (Irak du nord) dès –1850. Au cours du 3ème millénaire, des hordes indo-européennes déferlent depuis le sud-ouest de la Russie le long de la mer Noire, Ce sont les ancêtres des Hittites. Les Hittites s’établissent là et fondent leur capitale Hattusa (âge du bronze moyen). Leur apogée se situe au 14ème siècle avant JC. A la manière de la pierre de Rosette pour Champollion en Egypte, c’est la découverte en 1905 de tablettes d’argile dont les textes sont rédigés à la fois en écriture hittite et en écriture cunéiforme babylonienne qui a permis de découvrir le sens des textes hittites, complété en 1947 par le rapprochement avec un long texte écrit en phénicien. Entre les 7ème et 6ème siècles avant JC, les Phrygiens (beau bonnet!!) venus des Balkans (Macédoine notamment) dominent l’Anatolie centrale avec d’autres royaumes du sud-est (Mysiens, néo-Hittites, Outartéens,…) aux brillantes civilisations. Leur dernier roi est le légendaire Midas qui transformait les objets en or en les touchant, et dont les oreilles devinrent celles d’un âne lors d’une mauvaise rencontre avec Apollon. C’est probablement dans cette période que se situe l’épisode de la Guerre de Troie, immortalisé par Homère dans l’Iliade, dont la place dans la culture universelle est considérable, sauf pour les historiens qui ne la prennent pas comme un événement majeur. Troie se situait juste au sud du détroit des Dardanelles (les Troyens s’appelaient aussi les Dardanes) sur la mer Egée.
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Le monde antique
1 Les Héllènes commencent à pointer leur nez grec depuis la mer Egée par la côte ouest avec les Lydiens (vers Bodrum), les Cariens, sur la côte sud avec les Lyciens (jusqu’à Antalya par l’ouest), les Pamphyliens (à l’est d’Antalya). On a vu que « Pamphylie » signifie « terre de toutes les races », déjà à cette époque. Le plus fameux Lydien est leur dernier roi Crésus (vers –550) dont la légendaire richesse provenait des mines d’or de son royaume et des sables aurifères de la rivière Pactole. L’essor économique et politique des implantations grecques (Ephèse, Pergame, Milet,…) sur la côte de la mer Egée est interrompu par l’arrivée depuis la Perse à l’est de l’empereur Perse Cyrus au 6ème avant JC. En –334, plus de 300 ans après les Phrygiens, c’est cette fois Alexandre le Grand, fulgurant sur son fameux cheval Bucéphale qui, avec le génie violent, impétueux et généreux de ses 20 ans, depuis la Macédoine balaie en seulement 10 ans tout le Bassin méditerranéen du Danube au Nil, bat les Perses, prend Babylone, brûle Persépolis, atteint les rives de l’Indus et, toujours pressé, meurt en –323 à Babylone. Il a 33 ans. Plusieurs royaumes en sont l’héritage, parmi lesquels la dynastie séleucide (capitale Antioche) qui règne sur un empire syro-iranien allant jusqu’à l’Indus de –305 à –64, seule dynastie hellénistique à avoir une ascendance iranienne. Un autre héritage est le riche royaume de Pergame (-322 à –129) à l’ouest qui se libère des séleucides en –262.
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ain l’Empire Rom Scission de
1
Pergame (dynastie des Attalides) passe sous domination romaine vers –130 et c’est alors pendant 3 siècles la « paix romaine » (pax romana), pas autant paisible qu’il y paraît. La région romanisée prend Ephèse pour capitale. Son essor est considérable, la bibliothèque de Pergame concurrence celle d’Alexandrie et le commerce redouble. Pendant 2 siècles encore, l’Empire romain se développe, si fortement qu’il est conduit à se donner une sorte de gouvernement collégial s’appliquant à des possessions séparées. Il subit à nouveau des assauts perses, et finit par se scinder de fait, à la fin du 3ème siècle en deux parties sous DoOccident 476 clétien, entre l’Empire Orient 1453 Romain d’Occident (capitale Rome) et l’Empire Romain d’Orient (capitale Byzance). La division est parachevée à la mort de Théodose 1er en 395 ; celui-ci est le dernier empereur à avoir régné sur l’Empire Romain unifié. En 324, l’empereur qui est encore romain, Constantin, christianisé, choisit Byzance comme capitale, qui devient, quelle coîncidence!… Constantinople, et ce sont les prémices de l’Empire byzantin (dénomination attribuée en 1557, mais que ne revendiquent jamais les habitants de cet empire qui continueront à se proclamer romains). En réalité, les historiens sont partagés sur la date de l’origine de l’Empire byzantin (324 ou 395, ou bien encore 610!!!). C’est dire si la genèse de cet Empire a été complexe.
L’Empire Romain d’Occident disparaîtra en 476 sous la poussée des Huns. Celui d’Orient seulement en 1453 sous celle des ottomans. Cette année 1453 est pour les historiens considérée comme la date de la fin du Moyen-Âge.
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pire de l’Em in f t e Apogée in byzant
1 Au 6ème, Justinien (527-565) poursuit le développement de l’Empire et de sa capitale aux « mille splendeurs » et notamment la construction de la fameuse basilique Ste-Sophie (532 à 537), qui reste longtemps la plus grande église de la chrétienté, même si son dôme a été reconstruit au moins deux fois du fait des secousses telluriques de la région. Justinien codifie aussi le droit romain, qui sera la référence du Moyen Âge occidental à partir du 12ème. Puis c’est l’arrivée de l’islam qui dans sa soif de conquête et de prosélytisme ne manque pas de convoiter Byzance et son Empire.
Les croisades venues d’occident, qui en sont la réaction, n’évitent pas aussi, malgré la communauté de religion (chrétienté), de porter atteinte à Constantinople. Ainsi la 4ème croisade en 1204, sous des prétextes opportunistes et par le biais du pouvoir de la République de Venise, n’épargnera pas Constantinople et en pillera pendant une année entière les trésors les plus extraordinaires. C’est dans cette période au cœur du Moyen Âge que les Turcs arrivent depuis l’Asie et montent en puissance en Anatolie du nord avec les Seldjoukides. Ainsi l’empereur byzantin Romain IV Diogène est défait par les Seldjoukides à Mentzi Kert en 1071. L’un des petits royaumes Seldjoukides prend un essor fulgurant à partir de 1299, celui des Ottomans.
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: des Turcs Histoire ngue par la la Identité
Jusqu’ici, dans cette période antique de l’Anatolie, les habitants, les royaumes, les empires sont issus de populations autochtones, d’envahisseurs venus de l’occident proche ou de l’Europe continentale voisine. Or l’Anatolie est aujourd’hui, à peu de choses près la Turquie. Les Turcs sont au sens strict les habitants de la République de Turquie. Mais comment se caractérisent ces Turcs d’hier et d’aujourd’hui?
Essai de résumé d’après une conférence de J.P. ROUX Musulmans maintenant, les Turcs ont adopté au fil des siècles et parfois simultanément diverses religions, y compris le judaïsme. Une étude génétique américaine de 2012 semble
même montrer que les juifs ashkénases seraient descendants de turcs Khazar convertis au judaïsme au 8ème dans le Caucase (et non des juifs palestiniens exilés lors des conquêtes arabes en 638). On trouve des preuves jusqu’en Chine de ces turcs protéiformes et versatiles, qui pratiquaient aux origines une sorte de chamanisme. Ils en ont gardé la curiosité des choses religieuses, le sens de la tolérance malgré quelques bouffées fanatiques, et notamment la liberté et le statut accordés à la femme, ce que l’islam naissant leur reprochera rapidement. Mais historiens et linguistes ont été amenés à rechercher un lien, une identification plus fondamentale, qui persiste au travers des âges et aujourd’hui dans le monde. Ce lien identitaire profond qui traverse plus de deux millénaires et se répartit sur le Globe, c’est la langue turque (ou les langues turques). Les zones bleues sont les pays où une langue turque est langue officielle aujourd’hui. Celle-ci, connue depuis le 8ème par des inscriptions retrouvées en Mongolie du nord, présente déjà des phénomènes d'usure qui prouvent son antiquité : son premier mot dans un texte chinois date du 3ème avant notre ère (quand Alexandre le Grand lançait ses troupes depuis l’ouest). C'est une langue agglutinante, fonctionnant par accumulations de suffixes, proche du mongol et du toungouse, parente plus éloignée du hongrois et du finnois. Elle est fondamentalement différente de l'arabe et de l'iranien auxquels pourtant elle fera de nombreux emprunts. Ci-dessous un exemple de texte en langue turque initiale reproduite au 17ème, avant qu’elle n’ait été transcrite en alphabet occidental.
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g : chronolo cultivés Barbares
-1000
ie
2
Les Barbares des steppes partent en conquête, à l’est, au sud, à l’ouest
-200
La Chine, pour les contenir, construit la Grande muraille
0 Vers 260
Fonda=on de la Horde d’Or en Asie Les Huns à l’assaut de l’occident
374
Les T’ou-kiue (turcophones) créent 3 empires turcs
451
A la envahit la Gaule, l’Italie
476
L’Empire Romain d’Occident s’écroule sous le coup des Huns
Vers 630
868
960
1081
Avènement de l’Islam et conquêtes arabes ; les mamelouks turcs au service des califes musulmans
Mamelouks (turcs) au service des Arabes, puis maîtres de l’Egypte
Empire Seldjoukide à l’ouest (950)
Empire turc en Afganistan (960)
Les Seldjoukides conquièrent Anatolie, Iran, Syrie, Jérusalem,…, ba+ent les byzan=ns (1071) Les Turcs d’Asie se rallient à Gengis Khan et son Empire Mongol
13ème siècle Apogée et fin des Seldjoukides
1260
1290 à 1390
1453
Empire turc en Chine (963)
Les mamelouks d’Egypte, rempart de l’islam, ba+ent les Mongols et développent Syrie et Egypte Naissance et croissance des O+omans héri=ers des Seldjoukides en Anatolie du Nord
Les O+omans prennent Constan=nople et aba+ent l’Empire Byzan=n : fin du Moyen-Âge
1402
Tamerlan, turc d’Asie, veut restaurer l’Empire Mongols et bat les o+omans à Ankara en 1402
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cultivés Barbares
2
La langue tiurque ne se dissocie pas de l’histoire des Turcs. Histoire complexe, difficile à démêler, fondatrice en Europe Centrale et en Asie, se diversifiant, voyant les Turcs affronter leurs ennemis extérieurs mais aussi leurs propres frères, partant ailleurs vers d’autres conquêtes, tirant parti de cette position névralgique de jonction et de friction entre Occident et Orient, l’Anatolie. Histoire aux carrefours parfois surprenants pour l’imaginaire et les préjugés occidentaux, avec une question lancinante pour le néophyte : mais qui, parmi les Turcs, étaient donc ces Ottomans, ni arabes, ni byzantins, ni occidentaux qui ont été les maîtres du monde (d’un monde) presque jusqu’à nos jours? Le berceau : pendant que les Phrygiens occupent l’Anatolie centrale, les Turcs se forment au 1er millénaire avant JC dans la taïga sibérienne orientale. Ils sont hommes des steppes, cavaliers, nomades, caravaniers dans les derniers siècles avant JC. Dans les très riches herbages de la Mongolie, leur principale ressource est le cheval (3 chevaux pour un cavalier). Conditions réunies pour se lancer dans des aventures de conquêtes guerrières. Ce sont les « Barbares » (Hou en chinois), dans le sens de l’agressivité, pas pour celui du manque de culture. Grâce en effet à leurs qualités commerciales, leur organisation administrative, grâce aussi à leur idéologie (« un seul souverain sur terre, comme il n’y a qu’un seul dieu au ciel »), les guerriers qu’ils ont longtemps été ont conquis en particulier à l’époque ottomane l’Anatolie actuelle mais aussi l’Ancien Monde du Pacifique à l’Europe centrale, de l’Inde aux confins marocains. L’appel de l’Occident est aussi pour eux resté constant, même si en passant, ils n’ont pas manqué de dévorer des proies en Chine, en Inde, dévastant, mais construisant aussi de manière grandiose, quand ces Turcs s’appelaient par exemple les Grands Moghols et leurs réalisations éclatantes : grottes de Long men au 5ème, œuvres de la dynastie des Wei fondée par des turcophones, ou bien à Kuth Minar
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s : origine s c r u T s Le
2
1- Turcs
Vers le Sud et l’Orient : au 1er millénaire de notre ère, ces Barbares sont présents en Mongolie du Nord d’où ils partent vers le Gobi puis la Chine. Au 3ème siècle, ce sont les Hiong-nou, 1er empire des steppes, massivement turcophones, contre lesquels la Chine érige en vain la Grande Muraille. Puis ce sont les Tabgatchs puis les T’ou-kiue, les premiers à se nommer « Turcs » (Toukiue est la transcription chinoise de Tûrk ou de Tûrûk). Les chroniques chinoises de l’époque témoignent de l’invasion de ces barbares.
Vers l’Occident, les témoignages historiques des invasions sont un peu chinois, surtout iraniens et byzantins. Du 3ème avant notre ère jusqu’au 1er, on commence à en trouver trace ; puis vers l’Europe sous le nom des Huns en 374. Ceux-ci entretiennent des rapports avec l’Empire romain et attaquent la Gaule en 451 avec Attila et l’Italie, puis se dissolvent. Leurs invasions seront fatales à l’Empire Romain d’Occident en 476. Leur langue était certainement le turc puisqu’un siècle plus tard les turcophones sont nombreux en Europe orientale et que le peuple des Bulgares, certainement turc, entre en 580 dans les Balkans pour se christianiser plus tard, au 9ème. Les T’ou-kiue sont sans aucun doute à l’origine des peuples turcs et de la turcophonie. Ils s’installent à l’ouest du Turkestan et sont en relation avec l’Iran et Byzance. Ils menacent dans leur expansion l’Iran (empire sassinide) quand celui-ci s’effondre d’un coup (637 à 642) devant les Arabes tout juste convertis à l’islam. L’affrontement entre Turcs et Arabes n’est pas décisif. Les Arabes, peu nombreux, possesseurs de territoires démesurés et très riches, font appel au service des soldats Turcs, qui entrent en masse dès le 8ème dans les armées des califes abbassides comme mercenaires, les mamelouks (« esclave » au sens strict). Mais d’esclaves, ils deviennent des maîtres tout puissants (généraux, gouverneurs). Ainsi, ils dirigent l’Egypte de 868 à 969, se convertissent à l’islam avec plus ou moins de conviction, mais restent fidèles à la grande famille turque.
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joukides Les Seld
2 2- Les Seldjoukides Au 10ème, 3 empires turcs se forment, l’un en Chine vers 960, un autre en Afghanistan en 963. Le 3ème est celui des Seldjoukides en 950, qui ne s’affirmera qu’au début du 11ème. Malgré des conflits entre eux, leur rôle est globalement considérable puisque le 1er introduit le destin musulman des steppes
Dans ce 2ème empire, Firdusi est ainsi l’un des plus grands poètes de l’islam. Né en 940, en Perse, il est l’auteur du très fameux « Livre des Rois ». Biruni né en 973 est un très grand savant qui travaille notamment sur l’astrolabe, le calcul du rayon de la terre, son caractère héliocentrique ou pas, les projections cartographiques,...
du nord de l’Asie, le 2ème brille d’un éclat exceptionnel, commence la conquête de l’Inde et introduit le culte musulman et la domination turco-afghane au nord sur 3 siècles.
Le 3ème, celui des Seldjoukides se dirige vers l’ouest. Il prend une partie de l’Iran et Ispahan en 1059. Pragmatiques, les Seldjoukides se font sunnites quand la puissance du chiisme déplaît aux populations, se font aussi protecteurs du calife qui du coup leur ouvre Bagdad en 1055. Ils attaquent l’Anatolie et occupent la Syrie, Damas en 1076, Jérusalem en 1077, Antioche en 1086. La réaction tardive de l’empereur byzantin Romain IV Diogène se solde par sa défaite écrasante à Mentzi Kert le 26 août 1071. Mais son successeur, à la manière de Rome, installe ces « barbares » sur ses terres.
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elouks Mongols et Mam
2 Un prince seldjoukide indépendant des seldjoukides d’Iran est à la tête du royaume d’Anatolie (dit de Ru mie « pays des Romains ») en 1081. Les Turcs de cette époque sont donc déjà là dans la Turquie d’aujourd’hui. L’Europe effrayée de ce retour de l’islam qu’elle a déjà repoussé en Espagne, en Provence, en Sicile, réagit par une croisade (la 1ère croisade) en 1096. Même s’il en résulte pour elle l’expulsion des principautés latines du Proche-Orient, l’avance turque est stoppée pour 3 siècles. Puis par l’est s’ouvre au 13ème une nouvelle phase : les Turcs se rallient à l’empire Mongol de Gengis Khan, dont ils constituent l’essentiel des troupes. Il n’existe alors plus de formation turcophone indépendante et même les seldjoukides d’Anatolie s’éteignent en 1303 ; mais d’autres naissent avec les Mamelouks en Egypte (1250) seuls à avoir vaincu le Mongols (en 1260) et sauvé l’islam, ou renaissent avec la « Horde d’or » l’une des quatre provinces mongoles, qui est un pays turc depuis 1000 ans. Les mamelouks, d’abord dirigés par les Turcs, puis s’appuyant sur eux à partir de 1382, font de la Syrie et de la vallée du Nil une puissance politique et culturelle remarquable, où Le Caire avec ses 500 à 600 000 habitants éblouit les contemporains. Mais ils seront battus en quelques mois par Sélim 1er le Cruel, prince ottoman en 1517, année qui marque la fin de leur emprise sur l’Egypte et la Syrie. La Horde d’or de son côté assujettit toute la Russie de 1240 à 1502, puis laisse la place aux moins puissants khanats de Kazan, d’Astrakhan et de Crimée.
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ie chronolog ttoman : Empire o
1453
1512
Apogée de l’Empire o+oman, mais dont la flo+e est ba+ue à Lépante en 1571 par une Ligue européenne : début du déclin
Fonda=on de la dynas=e Sévéfide en 1502 en Iran (les shahs)
2
La Horde d’Or assuje t la Russie,… de 1240 à 1502
Les descendants de Tamerlan (Timurides) créent la dynas=e flamboyante des Grands Moghols
1571 1699
De 1730 à 1740
Défaite o+omane devant la Sainte Ligue
Guerre o+omane contre la Russie notamment, et décadence o+omane Les Grands Moghols sont ba+us par l’Angleterre
1858
1876
1916
1923
Cons=tu=on monarchique turque o+omane et guerre contre la Russie (Crimée) Episode sanglant (génocides) des Jeunes Turcs
Fonda=on de la République de Turquie par Ataturk
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an L’Empire Ottom
2 3- Les Ottomans (1299 à 1923) C’est l’une des plus petites principautés anatoliennes héritières des Seldjoukides, celle des Osmanlis (ou Ottomans) qui ouvre un futur remarquable. Osman 1er conquiert Mocadène, une ville byzantine en 1299, sur la côte nord anatolienne, à l’ouest de la rive sud de la mer Noire. Les ottomans construisent adroitement leur pouvoir, s’appuient sur une armée de métier, les janissaires (« nouveau soldat » en turc), et se donnent pour seconde capitale Andrinople en Thrace. Ils dominent les Balkans dès 1389 dans la 1ère bataille de Kossovo (bataille dit du Champ des Merles). A partir de là, les Ottomans paraissent invincibles. Turcs d’Asie contre Turcs d’Europe. Seul un autre Turc qui veut restaurer l’empire mongol disparu, Timur le Boiteux, Tamerlan, autre grand conquérant de cette période (Delhi, Ispahan, Damas, la route de Moscou, le fond de l’Asie centrale) les écrase au pied d’Ankara en 1402. Mais Tamerlan, qui donne gloire à sa capitale Samarkand, n’est pas un faiseur d’empire, plutôt un impitoyable massacreur des populations conquises (sauf les artisans qu’il expédie à Samarkand), un fanatique musulman, mais aussi un protecteur des arts, qui produit avec ses descendants quelques-uns des plus beaux chefs-d’œuvre de l’islam. La description qui en est faite dans l’encadré illustre ce à quoi ressemblait un conquérant « barbare » en ce temps. Portrait d'archéologues soviétiques suite à l'exhumation de 1941 : "Le squelette était celui d'un homme roux, infirme, qui avait dû mesurer 1,70 mètres. Il portait des traces visibles de blessures et de déformations. Les os de la jambe droite étaient plus minces et plus courts que ceux de la gauche, et un gros cal les soudait au niveau de la rotule, pas suffisant pour paralyser le membre mais assez pour rendre la marche claudicante et pénible. Un autre cal, à l'articulation du coude droit, indiquait que le bras n'avait pu se plier normalement. A la main une troisième blessure avait déformé et figé l'index."" Portrait de la tête reconstituée à partir du crâne et que l'on peut voir au musée de l'Observatoire d'Ulug Beg : "L'expression est dure, farouche, sans aucune humanité. Les yeux très expressifs sont petits, assez fendus mais non bridés, avec des paupières lourdes, des poches, des sourcils puissants et très arqués. Le faciès n'est pas mongoloïde, bien que les pommettes soient saillantes ; le visage est strié de rides profondes. Le nez est droit, court, un peu épaté ; les lèvres lippues, charnelles et méprisantes. La moustache les encadre et tombe assez bas sur le menton. La barbe, taillée en pointe, couvre un menton carrée, volontaire."
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Même si l’Anatolie est donnée à Timur et aux Turkmènes (Turcs nomades), l’empire ottoman reprend ses conquêtes, et 50 ans après la défaite d’Ankara, Constantinople est prise en 1453 (c’est la fin de l’Empire byzantin), puis la Crimée en 1475. Plusieurs croisades sont aussi écrasées à Varna et Nicopolis. Les populations chrétiennes soumises sont appelées « roumis » en référence à l’ancien Empire Romain d’Orient. Ensuite, avec Selim 1er et Soliman le Magnifique, ce sont la Syrie, l’Egypte (1512 à 1520), l’Irak, Rhodes, Belgrade, Bue (Budapest) et la Hongrie en Europe, Cyrénaïque, Tripolitaine, Tunisie, Algérie en Afrique du Nord, et même Aden et le Yémen. L’empire est devenu, avec l’Espagne, la 1ère puissance du monde (du monde connu de l’époque). Sur tous les plans, c’est l’âge d’or ottoman. Les universités ottomanes sont enviées en cette fin du Moyen Âge, et l’Empire s’enrichit des migrations des juifs sépharades fuyant l’Inquisition espagnole et des morisques andalous. En 1517 (rappel), Sélim 1er conquiert l’Egypte et met fin au sultanat mamelouk. Les ottomans prennent la succession de la dynastie arabe des Abbassides.
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A l’ouest, les Ottomans visent le cœur de l’empire espagnol, Vienne. Soliman le Magnifique (magnifique? bof! tout est relatif…) en fait le siège en 1529 et 1532 mais en vain ; ainsi se fixe la limite occidentale de l’Empire ottoman. Il s‘allie avec François 1er contre les Habsbourg. Les Ottomans ne veulent ni turquiser, ni islamiser, mais coopérer au but commun en associant les communautés religieuses juives, arméniennes, grecques.
La fameuse défaite navale de Lépante en 1571, marque un pas dans leur suprématie maritime face à une coalition européenne appuyée par la puissante flotte vénitienne. La mort de Soliman en 1566 marque la fin de l’âge d’or. Malgré de nombreux combats à l’est notamment, les frontières ottomanes ne changent guère entre 1566 et 1683 (dernière tentative contre Vienne), en dépit des poussées des Autrichiens, des principautés roumaines. L’armée ottomane, appelée par les chroniqueurs « l’armée de l’islam », reste d’une puissance impressionnante, mais forte « consommatrice » de soldats. Et le retard économique et technique commence à se faire sentir par rapport à l’Occident. Vers la fin du 16ème, des révoltes multiples troublent le pouvoir qui, pour tenter de mieux le maîtriser, change souvent de vizirs (hé oui! Iznogoud) et d’administrateurs. Lesquels, sachant leur action courte, n’ont de cesse de s’enrichir le plus rapidement possible, aggravant l’instabilité. Le traité de Zsitvatorok conclut la paix avec le Saint Empire Romain Germanique dont le sultan ottoman considère pour la 1ère fois l’empereur comme un égal.
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En même temps, ce sont les grandes découvertes ; le commerce vers les Indes emprunte maintenant d’autres chemins avec les Portugais. Après l’assassinat du sultan Ibrahim 1er en 1648, jusqu’en 1656 c’est une phase curieuse appelée le Sultanat des Femmes, avec en figure de proue Roxelane, esclave ukrainienne extraite du harem, devenue favorite unique de Soliman le Magnifique, et qui ouvre la voie à ce Sultanat. Pendant les 130 ans de ce pouvoir féminin naît le contre-pouvoir des Grands Vizirs. De 1656 à 1703, deux Vizirs successifs reprennent en effet le pouvoir, réorganisent l’armée et relancent les conquêtes. Finalement, la Sainte Ligue finit en 1699 par battre les Ottomans et leur imposer le traité de Karlowitz qui marque le 1er recul ottoman.
Au milieu du XVIe siècle, le palais de Topkapi à Istanbul est le centre de l’empire le plus puissant de la terre. En son coeur se trouve le lieu le mieux gardé du sultanat, le harem, dans lequel, hormis 800 eunuques africains, un seul homme a le droit de pénétrer : le sultan lui-même, Soliman le Magnifique. Des règles strictes lui dictent laquelle des femmes de son harem passera la nuit avec lui. Mais grâce à son intelligence, à sa passion, à son goût de l’art et de la poésie, l’esclave Roxelane amène peu à peu le souverain à briser la loi du harem et à la choisir comme unique maîtresse. Roxelane, devenue l’épouse légitime de Soliman, aide son fils Selim à monter sur le trône. Au siècle suivant, d’autres prisonnières du harem exerceront à leur tour un pouvoir similaire, appelé
Commence alors une le "sultanat des femmes". C’est en 1909 que le harem du sultan, qui période de stagnation, abritait encore quelque 500 femmes, a été définitivement fermé. de poursuite des conflits avec l’Autriche et la Russie, de tentatives d’autonomie des possessions les plus éloignées (Algérie, Egypte,…). Le Sultan Ahmed III tente de réformer l’Empire, de moderniser l’armée et l’économie. C’est l’ère des tulipes, fleur aimée du Sultan et de l’élite de l’époque, qui influence même la manière de se vêtir. Après une insurrection matée en 1730, Russes et Perses réclament la suzeraineté à partir de 1731, et combattent l’armée ottomane. La guerre russo-turque dure 4 ans de 1735 à 1739. La Sublime Porte perd des pays entiers. Le shah de Perse de l’époque entre aussi en conflit contre les Ottomans et finit par négocier des reprises de régions comme l’Arménie et la Géorgie.
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hols Les Grands Mog
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La décadence est en cours ; le Sultan Mustapha III, médiocre politicien est qualifié de « gros ignorant » par Voltaire. Les janissaires, puissants et organisés s’opposent au Sultan, bloquent les réformes et assassinent en 1807 le Sultan SélimIII. Pendant ce temps à l’est : d’autres Turcs, les Turkmènes chiites ont fondé en Iran la dynastie des Séfévides (1502) et l’un d’eux est couronné shah. L’ottoman Sélim 1er à l’ouest réagit en occupant Syrie et Egypte. Cet affrontement irano-turc, mais au fond turco -turc, guerre de religion et ethnique n’aura pas de fin, ruinera l’Anatolie de l’est, et fera le malheur des populations turque, kurde et arménienne. En Asie centrale, les descendants de Timur (les Timourides) sont balayés par d’autres Turcs, les Ouzbeks en 1428 qui sont eux-mêmes défaits par les Kalmouks en 1459. Une part importante des leurs fait sécession et crée dans les steppes le Kazakistan (du mot « kazakh » qui signifie « fugitif »). Ressaisis, les Ouzbeks fondent l’Ouzbekistan, et se posent en digne héritier culturel de Tamerlan, à Samarkand, à Boukhara. Ce khanat se disloque cependant en 1732, subissant déjà les attaques des nomades turkmènes. Parmi les Turcs descendants de Tamerlan, l’un d’eux, Babur Chah échappe aux Ouzbeks, et entreprend depuis Kaboul son refuge, la conquête de l’Inde (1512), y fonde la dynastie des Grands Moghols qui unifiera quasiment le sous-continent vers 1707. Il sera aussi réputé comme poète et mémorialiste de génie. Les Anglais, après avoir battu en 1858 les Grands Moghols, rendent hommage à cette dynastie en plaçant leur couronne impériale sur la tête même de la reine Victoria, conservant organisation et structures.
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Le 18ème est catastrophique pour les Turcs : recul des Ottomans, des Ouzbeks, domination anglaise aux Indes, des Russes sur les Kazakhs, liquidation des Tatars en Crimée en 1783, reprise de la Chine à l’est au Si-Kiang, l’une des plus anciennes terres turques en 1759. L’Empire, nommé au 19ème « l’homme malade de l’Europe » par l’Empereur russe Nicolas 1er en 1853, tente de se moderniser, avec l’influence et le soutien de la France et de l’Angleterre. Cette période de réformes est appelée « Tanzimat », qui signifie « réorganisations » en arabe. Elle débouche sur la 1ère constitution monarchique du 23 décembre 1876. Grèce et Egypte reprennent leur indépendance. Mais les Ottomans entrent en guerre contre la Russie en Crimée, soutenue par ses deux alliés. Ci-dessous une représentation de la bataille de l’Alma où bien sûr s’illustrèrent … les zouaves. Curieux destin des noms dont celui du fameux zouave, qui, en France n’est plus connu que comme jauge des crues de la Seine au pont de l’Alma à Paris. A cette occasion, la France s’empare de l’Algérie et de la Tunisie, et l’Angleterre de l’Egypte, tout juste indépendante.
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Puis le parti des « Jeunes Turcs » s‘allie aux Austro-Hongrois dans la 1ère guerre mondiale ; mauvais choix. Les tensions internes deviennent très forte de la part des populations de la péninsule arabique (1916 à 1918). En 1915, le noyau dur du parti des Jeunes Turcs promeut le principe d’une Turquie unioniste, centralisée et par conséquent nationaliste, à l’opposé de la tendance fédéraliste qui a été rejetée. Il organise alors des purifications par déportation qui se soldent en fait par des massacres massifs, celui des Arméniens ottomans (entre 500 000 et 1,5 million de morts selon les sources), celui des Assyriens (500 à 750 000 morts), celui des grecs pontiques (350 000 morts). A la fin de la 1ère guerre mondiale, l’Empire ottoman achève d’être démembré. Les territoires arabes sont placés par la Société des Nations sous mandat francoanglais (Syrie, Liban, Palestine, Arabie, Irak), Le maréchal Mustafa Kemal Atatürk, dans un sursaut nationaliste abolit l’Empire ottoman et fonde la République de Turquie en 1923. L’URSS crée en son sein des républiques fédérées (Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Türkmenistan, Kazakhstan ; Kirghizistan) et des républiques autonomes (Tatars, Bashkirs, Tchouvaches, Altaï, Tuva, Yakoutes). En 1989, les 1ères sont libérées, les 2ndes ont des problèmes.
D’où vient l’énergie de survie de tous ces Turcs traversant toutes ces épreuves ? la langue, véritable trait d’union, l’attachement aux traditions même quand ils ne croient plus en l’islam la foi en la vie On en dénombre environ 150 millions sur quelque 4 700 000 km² couvrant des positions stratégiques (détroits entre Méditerranée et mer Noire, Proche-Orient, Balkans, et recélant des réserves considérables de pétrole et de gaz en Asie centrale).
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Avec 74,7 millions d’ha pour une surface de 783600 km², la Turquie est 1,4 fois plus grande que la France métropolitaine, avec une densité de 95h/km² un peu inférieure à celle de la France métropolitaine (114h/km²). Elle s’est rapidement urbanisée puisque 70% de la population vit dans les villes dès 2004 contre seulement 25% en 1950, notamment grâce au développement de ses communications. Au 1er janvier 2012, le PIB/hab est au 86ème rang des pays du Monde avec 15300$/hab (France au 36ème rang avec 35600$/hab), au même niveau que le Mexique ou que la NlleCalédonie, et avant la Bulgarie et la Roumanie. Mais en volume de PIB, la Turquie se place au 15ème rang du monde (la France est au 8ème en 2009). Et il aurait progressé de presque 9% en 2010 mais aussi en 2011, à l’époque où la France et bien d’autres pays d’Europe sont à peu près entrés en récession. Le déficit public est inférieur à 1% du PIB en 2012 (nous sommes à environ 4,5% aujourd’hui fin 2012). Cependant, le taux de chômage reste élevé autour de 9%. Peut-être cela s’explique-t-il par le fait que la Turquie a vécu la crise majeure de son existence moderne en 2000, maintenant derrière elle après des réformes vigoureuses.
Données géographiques : Superficie de la Turquie: 783.580 km². Pays frontaliers: la Grèce, la Bulgarie, la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Iran, l'Iraq et la Syrie. Littoral : 8.372 km de côtes. Altitude extrême : le volcan de l'Ararat (5165 m), sommet dont l’altitude est supérieure à celle du Mont Blanc par exemple (4810 m).
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Pour la production électrique, le " GAP " est un projet de développement du SudEst anatolien d’un montant de 32 milliards de dollars. Il prévoit la construction de 22 grands barrages, 19 centrales électriques sur l’Euphrate et le Tigre et leurs affluents. Plus de 1,7 million d’hectares devraient être couverts par un système d’irrigation et la production électrique devrait s’élever à 27 millions de MW (mégawatts). La Turquie projette de se doter de trois centrales nucléaires, pour une capacité cumulée de 5 000 MW. La mise en service était prévue pour 2012. L'appel d'offre a été lancé en mars 2008.
Tourisme : un secteur tertiaire en pleine croissance La Turquie a accueilli plus de 31,5 millions de touristes étrangers en 2011 qui ont rapporté plus de 23 milliards de dollars en 2011. Ces chiffres sont en progression malgré les tremblements de terre (17 août 1999, Tremblement de terre d'Izmit, 20 000 morts) et les attentats qui frappent le pays ces dernières années et en ce moment du fait des violents troubles syriens, le grand voisin du sud. La Turquie est le 7ème pays le plus visité au monde grâce à des sites naturels attractifs et à une histoire singulière dans le monde, comme en témoigne la ville d'Istanbul. Antalya se trouverait à la 4ème et Istanbul à la 7ème place des villes les plus visitées au monde en 2010. Les grandes régions touristiques de Turquie sont principalement Istanbul, les côtes de la mer Égée et de la Méditerranée et la Cappadoce. Les touristes sont essentiellement européens (Allemands, Russes, Bulgares, Français, Britanniques, Grecs), Américains et aussi beaucoup Japonais. On constate une augmentation du nombre de touristes issus du Moyen et du ProcheOrient, grâce notamment à la popularité croissante de la Turquie dans les pays arabes via les séries télévisuelles turques qui connaissent un grand succès dans le monde musulman.
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Le tourisme médical est aussi une nouvelle donne. Bon nombre d'Européens (essentiellement Anglais, Russes, Allemands) viennent passer des vacances tout en se soignant, notamment du fait des nombreuses sources thermales qui attirent le tourisme des côtes vers le centre du pays. Le trekking et le tourisme sportif connaissent également une grande expansion, grâce aux investissements du privé.
Industrie L’industrie turque se situe au 16ème rang de la production mondiale en 2012 et fait vivre 23% de la population active surtout dans les grandes villes (1/4 à Istambul et la région de Marmara). Sa force réside dans sa souplesse d’adaptation aux innovations technologiques alors même qu’elle respecte déjà les normes européennes, même si elle investit encore peu dans la recherche. L'industrie textile est l'une des plus actives (soie, coton, laine), avec la filature et le tissage du coton dans des régions comme la Cilicie ou l'Égée. La sidérurgie s'est beaucoup développée, alimentant l'industrie automobile et l'industrie ferroviaire grandissante. C’est un secteur fortement exportateur. L’automobile est un des piliers de l'économie turque. Le secteur automobile représente la première activité exportatrice du pays, emploie environ 500 000 personnes et regroupe plus de 1 000 entreprises. La capacité de production est de 1 million d'unités par an. Le secteur est concentré dans la région de Marmara : Bursa (Renault et Fiat), Istanbul, Kocaeli (Ford et Hyundai), Gebze (Honda), Adapazari (Toyota). Depuis l'entrée du pays dans l'Union douanière de l'UE en janvier 1996, l'industrie automobile turque a connu une mutation rapide avant de devenir progressivement un centre de production à vocation mondiale.
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Les raffineries de pétrole, la chimie lourde et les fabrications d'engrais et de matières plastiques sont également des secteurs en pleine expansion. Des sociétés comme Beko ou Vestel sont des acteurs majeurs en Europe dans les secteurs de l'électronique grand public ; elles produisent notamment des téléviseurs et de l'électroménager ; fortement exportatrices, elles commencent à s'attaquer au marché des autres continents. La Turquie serait également classée au troisième rang mondial dans le secteur de la construction navale. Ici un navire norvégien pour la construction de plateformes pétrolières, construit en Turquie. La Turquie, couloir énergétique stratégique, tire profit de plusieurs oléoducs pétroliers traversant son territoire pour alimenter les marchés européens, comme l'oléoduc BakouTbilissi-Ceyhan qui achemine le pétrole de la mer Caspienne vers l'Europe. Sa stabilité et sa sûreté dans un environnement géostratégique tendu sont un atout dans cette région du Monde (Caucase, Iran, tensions entre Russie et Ukraine…). La construction est aussi un des grands secteurs d’activité en Turquie ; ses sociétés sont bien implantées en Europe de l'est, Russie, Azerbaïdjan, Asie Centrale, Irak et Moyen Orient. Les entreprises turques gagnent des parts de marché grâce à leur politique de livraison "clé en main", avec gestion des ensembles construits (aéroports en Europe de l'est et dans les pays musulmans à Tunis, Alger, Aden, centres commerciaux en Russie, Hongrie, Roumanie, Asie centrale).
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gique Formation géolo
La Turquie est portée par la plaque anatolienne, cette plaque continentale point de convergence ou de contact entre l’Europe de l’Est au nord (mer de Marmara), l’extrémité ouest du continent asiatique à l’est, le Moyen Orient et l’Arabie au sud-est, la Méditerranée à l’ouest (avec la mer Egée) et l’Afrique au sud. Cette péninsule est constituée d'un ensemble de petits boucliers, anciennes îles de la mer Téthys, compressées lors de la genèse Himalayo-Alpine entre des sédiments marins soulevés et plissés. Elle constitue une microplaque tectonique généralement associée à la plaque eurasienne. Cette histoire géologique a formé un plateau central entouré de chaînes plus élevées, les Taurus le long de la côte sud et les Pontiques au nord-est. Le tout est piqueté de volcans situés le long des principales failles, tels les monts Argée (Mont Erciyes en turc, 3916 m) ou Ararat à l’est (5165 m). La plaque anatolienne est en contact avec les plaques eurasienne, arabique, africaine et de la mer Égée. Ses frontières avec les autres plaques sont notamment formées de la faille nord-anatolienne . Les failles sont toujours actives, ce qui fait de l'Anatolie une terre sismique. Le glissement des plaques anatolienne et eurasienne le long de la faille nord-anatolienne à l'est de la mer de Marmara en 1999 a provoqué le séisme d'Izmit en Turquie.