InTer View
philippe gomes « Un univers fort, riche, avec des histoires et des vies qui se croisent, qui s’entrechoquent… »
O n n e p r é s e nt e p l u s l ’ h o m m e p o l i t i q u e … C e q u i to m b e b i e n p u i s q u e p o u r c e t t e i nt e rv i e w , i l n ’ e st j u st e m e nt p a s q u e st i o n d e p o l i t i q u e m a i s d e C i n é m a ! U n e p a s s i o n q u e l e m a g a z i n e M u st p a rta g e a v e c l e c r é at e u r d u f e st i va l d e l a F o a , M o n s i e u r P h i l i p p e G o m e s .
M u st : P h i l i p p e g o m e s … s i m p l e c i n é p h i l e o u c i n é a st e d a n s l ’ â m e ?
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P h i l i p p e g o m e s : En politique, je suis une er-
reur de casting (rires) ! En fait j’aurai voulu devenir metteur en scène. Jeune, je voulais intégrer l’IDEC, l’Institut des Hautes Etudes Cinématographique, devenu l’actuelle Fémis, à Paris, mais les études coûtaient 500 000 francs CFP à l’année et mes parents n’avaient pas les moyens. Pourtant, j’étais un vrai passionné. J’ai très certainement sublimé le David Lynch qui sommeillait en moi, déjà en réalisant la première salle de cinéma à l’intérieur du territoire, à la Foa, puis en créant son festival annuel. u n e m a n i è r e d e p a rta g e r v o t r e p a s s i o n ?
Oui mais avec ce festival, l’idée était aussi de diffuser des films moins commerciaux que ceux que nous sommes habitués à voir sur le territoire, de découvrir des œuvres primées dans les grands festivals de cinéma à travers le monde, de présenter et de récompenser des productions locales. Evidemment, au départ, on nous a un peu pris pour des fous… Mais aujourd’hui, le festival s’est élargi à l’ensemble du territoire et des milliers de Calédoniens en profitent chaque année. Il existe des concours de clips et de courts-métrages locaux, des filmsd’écoliers etc. e n 1 5 a n n é e s d e f e st i va l s , y a - t - i l u n s o uv e n i r p l u s f o rt q u e l e s a ut r e s ?
Le moment culte de ma vie de festivalier reste l’entrée , dans la salle de cinema de La Foa, de la réalisatrice Jane Campion qui présidait le jury de la Foa en 2004. Une très grande émotion ce jour-là, avec une standing ovation pour saluer
l’artiste. C’est d’ailleurs la seule femme à avoir obtenu la palme d’or à Cannes pour son magnifique film « La leçon de Piano ». E n ta n t q u e c i n é p h i l e , q u e l l e s œ u v r e s f i g u r e nt d a n s v o t r e p a nt h é o n d e f i l m s e t / o u d e r é a l i s at e u r s p r é f é r é s ?
David Lynch avec notamment « Mulholland Drive ». Lynch c’est tout un monde. C’est comme de la musique, il faut se laisser porter comme on se laisserait porter par un cours d’eau. Almodovar, là aussi tout un univers, avec ses personnages, ses couleurs. J’ai une affection particulière pour « Tallons Aiguilles », « Parle avec Elle » et « Etreintes Brisées ». Robert Altman et son « Short Cuts ». Il faut prendre trois heures pour le voir avec ces dizaines d’histoires qui s’entrecroisent ! « In the Mood For Love » de Wong Kar-wai. Il a une incroyable façon de filmer, de suivre le mouvement des corps, toute une esthétique des couleurs… Tous ces réalisateurs sont des monstres d’intelligence et d’émotions. Il y a aussi Tarantino avec « Pulp Fiction », qui aurait pu faire l’objet de 5 films à lui tout seul. Aujourd’hui, les films de Tarantino ont un petit côté superficiel mais celui-ci était brut,probablement la somme de tout ce qu’il avait emmagasiné à l’époque où il travaillait comme employé de vidéo-club. Tous ces films et ces réalisateurs ont en commun un univers fort, riche, avec des histoires où des vies se croisent, s’entrechoquent… E t v o s c o u p s d e c œ u r l e s p l u s r é c e nt s ?
J’ai récemment découvert l’Italien Paolo Sorretino, réalisateur de « Il Divo » et de « La Grande Bellezza ». C’est là aussi un univers très fort, on en sort secoué. Du très très grand !
Un acteu r et u ne actr ice fét iche ?
Javier Bardem, le plus grand acteur du monde selon moi. Et j’ai une passion pour Romy Schneider. Elle est magnifique, notamment dans « La Piscine » ou « César et Rosalie ». D ’ a u t r e s p r o j e t s d e m a n i f e s ta t i o n s c i n é m ato g r a p h i q u e s p o u r l e t e r r i to i r e ?
J’aimerais beaucoup créer un nouveau festival sur Nouméa, quelque chose de modeste avec un concept original : des passionnés viendraient présenter et échanger autour de « scènes cultes ». Le festival des Scènes Cultes ! Ce serait l’occasion de partager ces « gourmandises », des petits bijoux de cinéma, dans un cadre festif ! V o s s c è n e s c u lt e s à v o u s ?
Dans « Mulholland Drive », quand Naomi Watts, à la recherche d’un job d’actrice, passe une audition pour une série en jouant une scène avec un vieil acteur buriné. Elle joue la scène avec une telle véracité, tellement de justesse, de sincérité et d’émotion, que le vieil acteur cabotin et toute l’équipe en sont retournés. Mais j’en ai plein d’autres : la scène de la seringue dans « Pulp Fiction », celle de la station service dans « No Country for Old Man » des frères Cohen, la scène du labo photo dans « Vicky Cristina Barcelona » ou celle de la rencontre autour de la table de ping pong entre Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyers dans « Match Point » de Woody Allen. Je pense aussi à la scène d’ouverture de « l’important c’est d’aimer » de zulawski avec une Romy Schneider bouleversante.