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l ’ humeur d ’ antoine : une part de ciel
from MUST #34 - EPICURIEN
by MUST Online
Une partde ciel
par antoine bertram
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Orgasme planant et bringue d’enfer, le cerveau splitté en 1000, hier soir c’était pas mal et dès ce matin on recommence, mes pensées se bousculent alors que j’observe les corps enchâssés sur mon lit. Check-up : bain, eau froide, vin, fruits, on y retourne. Pas de zone de confort quand on ne possède aucune limite. Partie fine avec une blonde et une rousse, coup de rein intersidéral, sexe cosmique, à tout prendre on a parfois la surprise d’être pris, un doigt là, chut. On ne peut pas tergiverser avec les fous. Massage au miel, parfum de jasmin, boisson chaude à base de plantes, bain au romarin, fellation, viande rôtie, harpe, fruits d’orient, vulve printanière. L’audace ! Change de mec, change de femme, dépêche-toi d’avouer l’inavouable de tes nuits solitaires où dans tes pensées viennent 1000 amants, où tes désirs seraient des ordres humides sur des draps de satin éclaboussés de volupté, où tu laisserais libre cours à ta folie… Rejoins-nous dans ces palais grecs raisonnant de soupirs comblés, ces lieux sans matin ni soir, ni semaine ni frontière, ni manque ni crainte. Le soleil se lève aussi, les yeux en kaléidoscope, coucher avec toutes les femmes du monde si nous étions moins possessifs, le plaisir ne vaut que partagé. Vibre vibre vibre, à l’intérieur oui là, à l’extérieur, vibre comme
‘‘ les feuilles sur l’arbre, comme le torrent, hurle à la vie. Fleur de chaman, mots enfumés, calice torrentiel, poudre à miracles, vivre comme un rire d’enfants : splendeur non feinte et sans contraintes. Musique aux harmonies luxuriantes, sensations illimitées, la légitimité immuable de la recherche du bonheur, de la satisfaction totalement pure, incapable de gradation ou de devenir, base ton jugement sur la véracité de tes sensations. Vois le poids de la lumière, ton âme est arc-en-ciel, une main sur le front et un soupir extatique, ta part d’azur. Pense à moi quand tu couches avec lui, cultive ton infarctus, nous n’avons pas tous la même vitesse de sédimentation, vite vivons nos rêves… Réveil, étirement de chat, caresse douce au contact du lit, main dans les cheveux, bisou dans le cou. Première note en mi, debout devant ce paysage au lever du jour, lumière blanche sur une silhouette de montagne, le soleil irradiant fait des reflets dans la rosée, regard total et harmonie. Gestes simples en silence, passion rassérénée, mouvements japonais dans le service du thé, c’est la philosophie de l’équilibre, la voie du Milieu, notre absolu contemplatif. Je possède la raison et elle dépend de ce que je ressens, je quête l’ataraxie, je ne crains ni les dieux, ni le destin, ni la mort.
Rien ne naît de rien, rien ne peut retourner au néant, compter jusqu’à l’infini c’est long, surtout vers la fin. Je ne passerais pas ma vie à prouver une morale, je la passerais dans le bien et le bon, dans l’étude de la propagation de la blanquette de veau, à boire à la mémoire de mon canapé, dans l’insouciance adulte et flamboyante, avec les petits déjeuners en slip ou les douches à deux, le panache d’une purée maison et le regard étincelant. La philosophie c’est le bonheur sinon ce n’est rien, la recherche de la vérité on s’en fout, on a pas le temps : on fait dans l’exportation de lagons en se faisant caresser la caisse à igname par des filles en robes d’utopie, on regarde droit dans le firmament en touchant des primes à l’orgasme. Nos chambres ont la forme d’une planète, on est douanier du smile sur un fleuve de rhum, l’excès se réconforte par la dialyse, la vieillesse n’a jamais été une question d’âge.
Sonne la cloche époustouflante, débute la symphonie céleste, l’opulence gratuite, les synapses en ébullition, le désir insatiable de saveurs inoubliables : acides, sucrées, salées, aigres, piquantes, suaves, enfouir sur ta nuque mon visage et vivre à travers toi, t’enserrer dans mes bras en chuchotant des formules magiques, jouer, courir, sauter, nager, voler, s’arracher de la gravité et du temps, avoir l’audace du cognac, de l’ultra-trail par dessus tes limites, de la tête des copains rectifiées au réveil, prendre la vie saison printemps-été. S’allonger sous un flamboyant, nager dans l’eau turquoise et goûter le sel sur ta peau, faire le tour du monde en vol, à voile, à pied et à bicyclette, refaire encore le tour du monde en prenant 50 ans.
Crépite petit feu qui réchauffe et qui éclaire, cette fascination de la flamme, de tout là devant, crête de volcan et vallées à perte de vue, parfum de fleurs et d’air pur, torrent providentiel, promesse du jour et de la nuit, le week-end perpétuel d’un éden sans cesse renouvelé. Ne craindre que l’ennui et profiter de chaque seconde dans l’action, à la santé du temps qui passe et des gens qu’on aime. Voilà la magie des arabesques de l’horloge et la conscience des éléments : le son du vent des plaines, celui des orages d’été aux chants des grillons, l’odeur de la pluie sur le schiste chaud, sentir les branches sèches craquantes des forêts d’octobre, toucher les herbes hautes au milieu des étendues désertiques de l’ouest, voir la terre rouge rocailleuse des montagnes du sud, traverser les contrées lointaines aux échos grandioses. Il y a sûrement des pays qui valent le coup, et des «pourquoi pas» qui durent jusqu’à demain.
Se consacrer au bonheur, au plaisir et aux sourires, danser, s’évader, s’enivrer, se dépasser. Profiter des offrandes millénaires, du sucre collant des fruits mûrs qu’on attrape sur les arbres, du foyer réconfortant pendant le froid glacial de l’hiver, les pieds calfeutrés sous la couette. Toujours infiniment de sensations à ta portée, le grand chant rayonnant du cosmos sous tes yeux tous les soirs, les volutes immuables de tout mouvement, le sourire d’un enfant, de sa mère, d’un père, de cette harmonie totale, détachée du savoir et des conséquences, gravir des instants éternels, des souffles chauds pour raviver ton cœur, et s’y mouvoir exclusivement même dans sa propre nostalgie.
Jouissance électrique et décharge spectrale, les nerfs à vif et la bave au lèvres, on a branché l’extase en mode no limit, l’âme ébouriffée on cajole nos humeurs, encore un réveil splendide avec vue sur mer, enroulés dans un drap le café aux lèvres, une touche d’humour et le mouvement de chambre, bonjour les copains vous savez ce qu’on fait aujourd’hui : on cueille le jour, on cueille la nuit, on démonte le buffet et on monte le son. Si toute cette farce d’existence a une raison, si la vie est une fête de sa propre disparition, alors nous vivrons en festival avec des pass backstage. ‘‘