Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours mis en espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau, « comme pour en déduire une leçon esthétique originale ». 30 € ISBN 978-2-84809-205-8
9 7 782848 092058
Éric Fonteneau
Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de « l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno), Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Bibliothèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire don de ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui était consacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde. Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autre vision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette ordonnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démons de l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa compagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma, musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-Michel Meurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens Hopi photographiées par Aby Warburg.
Un monde analogique
Un monde analogique
Paul Louis Rossi
Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit et travaille à Nantes. Passionné de dessin, de scénographie et de géographie il expérimente de nombreuses techniques de visualisation dans les espaces d’art où il expose depuis la fin des années 1980. Éric Fonteneau travaille aussi avec des techniciens et architectes pour la réalisation d’œuvres dans l’espace public, dans l’architecture et dans la nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’invite à réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq. Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et au Musée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts de Nantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, il réside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Francisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerie Achim Moeller de New York et Berlin. Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Musée du Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq Bibliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï. Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula Anglim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique. Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre Georges Pompidou. Paris (2003) ; « Parcours de Jean Sébastien Bach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On a marché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tanlay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York (2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Moderne de Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de la Ville de Nantes ». Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et musées en Europe et aux États-Unis.
Paul Louis Rossi
Un monde analogique Éric Fonteneau
éditions joca seria Bibliothèque municipale de Nantes
Paul Louis Rossi est né un jour de novembre à Nantes. « Ma mère était bretonne et mes grands-parents Le Queffelec parlaient encore le breton de la Cornouaille. Mon père était italien, de la région de Venise. Il sera exécuté par les Allemands en 1943, à Tübingen. J'avais une dizaine d'années. J'ai publié un petit livre intitulé Liturgie pour la Nuit, en 1958, durant la Guerre d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais devenir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dans Jazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de cinéma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à Robert Bresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux Lettres Françaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye. Mes premiers récits ont été publiés par Paul OtchakovskyLaurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chez Julliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythme raisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mes écrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flammarion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, ce qui me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans – où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre, dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial, voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques, au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »
Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours mis en espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau, « comme pour en déduire une leçon esthétique originale ». 30 € ISBN 978-2-84809-205-8
9 7 782848 092058
Éric Fonteneau
Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de « l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno), Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Bibliothèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire don de ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui était consacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde. Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autre vision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette ordonnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démons de l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa compagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma, musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-Michel Meurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens Hopi photographiées par Aby Warburg.
Un monde analogique
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Paul Louis Rossi
Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit et travaille à Nantes. Passionné de dessin, de scénographie et de géographie il expérimente de nombreuses techniques de visualisation dans les espaces d’art où il expose depuis la fin des années 1980. Éric Fonteneau travaille aussi avec des techniciens et architectes pour la réalisation d’œuvres dans l’espace public, dans l’architecture et dans la nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’invite à réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq. Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et au Musée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts de Nantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, il réside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Francisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerie Achim Moeller de New York et Berlin. Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Musée du Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq Bibliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï. Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula Anglim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique. Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre Georges Pompidou. Paris (2003) ; « Parcours de Jean Sébastien Bach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On a marché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tanlay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York (2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Moderne de Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de la Ville de Nantes ». Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et musées en Europe et aux États-Unis.
Paul Louis Rossi
Un monde analogique Éric Fonteneau
éditions joca seria Bibliothèque municipale de Nantes
Paul Louis Rossi est né un jour de novembre à Nantes. « Ma mère était bretonne et mes grands-parents Le Queffelec parlaient encore le breton de la Cornouaille. Mon père était italien, de la région de Venise. Il sera exécuté par les Allemands en 1943, à Tübingen. J'avais une dizaine d'années. J'ai publié un petit livre intitulé Liturgie pour la Nuit, en 1958, durant la Guerre d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais devenir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dans Jazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de cinéma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à Robert Bresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux Lettres Françaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye. Mes premiers récits ont été publiés par Paul OtchakovskyLaurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chez Julliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythme raisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mes écrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flammarion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, ce qui me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans – où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre, dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial, voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques, au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »
Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi, 1997.
Un monde analogique
Pages de garde : Tableau théorique de la succession et de la disposition la plus générale en Europe des terrains et roches qui composent l’écorce de la terre, 1829. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [C.1]
Le présent ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition Un monde analogique, une proposition de Paul Louis Rossi présentée dans un espace de curiosités cristallines et un cabinet de cartes créés par Éric Fonteneau, médiathèque Jacques Demy du 16 novembre 2012 au 31 mars 2013. Les contributions entrant dans la composition de l’ouvrage (textes et images) ont été réunies par la Ville de Nantes. Les éditions Joca Seria ont assuré le secrétariat d’édition (mise en page des textes et des images, relecture et corrections) et le suivi de fabrication de l’ouvrage.
© Bibliothèque municipale de Nantes éditions joca seria, 2012 72 rue de La Bourdonnais 44100 Nantes iSBN 978-2-84809-205-8
Paul Louis Rossi
Un monde analogique Éric Fonteneau
Bibliothèque municipale de Nantes éditions joca seria
Cet ouvrage, coédité par la Bibliothèque municipale de Nantes et les éditions joca seria, a été publié à l’occasion de l’exposition Un monde analogique, une proposition de Paul Louis Rossi présentée dans un espace de curiosités cristallines et un cabinet de cartes créés par Éric Fonteneau à la médiathèque Jacques Demy du 16 novembre 2012 au 31 mars 2013. CommiSSaRiaT agnès marcetteau-Paul, directrice de la Bibliothèque municipale. assistée de Frédérique Baron, conservateur responsable des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale RÉaLiSaTioN TeChNique atelier municipal et équipe technique de la Bibliothèque municipale Service des espaces verts et de l’environnement Galerie arts Pluriels, encadrements SuiVi aDmiNiSTRaTiF annaïck Goarin et l’équipe administrative de la Bibliothèque municipale. TRaVaux PhoToGRaPhiqueS Frank Pellois CommuNiCaTioN Lionel Vincelet aCTioN ÉDuCaTiVe olivier hervy Béatrice Clergeau, enseignante chargée de mission Nous exprimons notre plus vive gratitude à Dominique Rabourdin pour sa contribution et sa participation à l’exposition. ainsi qu’à Renaud allirand et Jean-michel meurice, pour avoir permis la présentation de leurs œuvres. que soient également remerciées les institutions et les personnes suivantes pour leurs prêts : Philippe et Régine Besnier, alain Le Provost, muséum d’histoire naturelle de la ville de Nantes, musée de l’imprimerie de Nantes, ainsi que les personnes qui ont souhaité conserver l’anonymat. enfin, nous avons le plaisir de remercier tous ceux, conservateurs, documentalistes, chercheurs, et techniciens qui nous ont apporté leur aide et leur soutien : Yann allain, Louis amiaud, annika Bear, marie-annick Bivaud, Sophie Boutteau, magalie Boutin, anne Boutruche, Raphaëlle Cartier, Damien Chaigne, Nathalie Clarke, Patrick Denis, Darrell Di Fiore, Bertrand Godefroy, marie-Laure Guérin, Séverine Jaunet, Tiphaine Leroux, Stéphane Lévêque, Christophe Lucas, anaïs massé, Chantal Nicolas, Joël Rapiteau, Serge Régnault, Serge Renaud, muriel Rouaud, Rémi Salvador, hilaire Vachon, Claudia Wedepohl.
SommaiRe
- Préface, Patrick Rimbert, maire de Nantes ................................................ 11 - avant-propos, agnès marcetteau-Paul ....................................................... 15 - Un monde analogique, Paul Louis Rossi ...................................................... 19 - Paul Louis Rossi : un espoir renaissant, Roger-michel allemand ................... 45 - Tout commence à San Francisco, Éric Fonteneau ......................................... 61 - Ma rencontre avec Paul Louis Rossi, Éric Fonteneau..................................... 65 - Œuvres exposées ...................................................................................... 67 - La pente de la rêverie, Dominique Rabourdin ........................................... 169 - Œuvres de Paul Louis Rossi ................................................................... 187
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La relation que Paul Louis Rossi entretient avec la Ville de Nantes est ancienne, profonde et toujours renouvelée. elle est littéraire surtout. C’est là, « assis sur un petit banc, aux côtés de [son] grand-père Corentin » que le goût de la lecture l’a gagné. C’est là qu’« un beau jour, [il prit] un de ces tramways jaunes qui sillonnaient la Ville » pour découvrir « l’univers du Centre », devenu un espace littéraire comme Dublin le fut pour Joyce, Trieste pour Svevo, Prague pour Kafka, et qui forme la matrice de toute son œuvre. C’est là enfin qu’il a souhaité que soient conservés ses archives et papiers personnels. ils sont désormais partie prenante de l’important patrimoine réuni à la Bibliothèque municipale de Nantes pour témoigner de l’extraordinaire constellation d’événements et de rencontres qui a fait qu’aux xixe et xxe siècles Nantes a été, comme l’a écrit andré Breton, « peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine (…) Nantes, d’où peuvent me venir encore des amis ». Grâce au lien privilégié ainsi tissé, une première rencontre avec l’œuvre de Paul Louis Rossi et ses modes de création fut proposée en 2004 sur le thème de l’inscape ou paysage intérieur. Cette fois, Paul Louis Rossi nous donne à découvrir ses démons de l’analogie au fil d’une érudition méditative où dessein philosophique et recherche esthétique sont indissociables, parce que « c’est aussi une façon de raccorder le monde avec lui-même, avec le passé mais aussi avec le futur ». Pour ce faire il a travaillé en complicité avec le plasticien Éric Fonteneau dont l’œuvre procède également, à sa manière, par investigations cartographiques et botaniques. il a ainsi mis en scène l’exposition analogique souhaitée par Paul Louis Rossi. À ces deux artistes nantais, nous disons notre reconnaissance de nous montrer « le tracé de quelques chemins inattendus et probablement nécessaires » pour mieux habiter notre monde.
Patrick Rimbert, maire de Nantes
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Avant-propos
Parce qu’il est « possible d’agir sur le monde par la poésie ! » 1, Paul Louis Rossi a composé en une cinquantaine de livres une œuvre exigeante et patiente dans laquelle le dessein philosophique est indissociable du travail formel et s’exprime dans de multiples rencontres entre écriture, peinture, dessin et musique. en 2004, dans la première exposition que lui consacra la Bibliothèque municipale de Nantes, l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imaginative et participait de l’élucidation du monde. Poursuivant son cheminement et son travail de création, il a souhaité nous proposer de suivre ses démons de l’analogie : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autre vision, une autre perception semblable ou contraire (…) Cette ordonnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » 2 Nous avons souvent parlé de ce projet - alliant histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma, musique dans un dialogue avec les écrivains adelbert von Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-michel meurice, les graveurs Dürer, altdorfer et Renaud allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens hopi photographiées par aby Warburg – ainsi défini par Paul Louis Rossi : « C’est l’idée de l’escalier qui me retient. Je vois cela comme un chemin initiatique qui monte vers une suite imaginaire. Bien entendu, nous sommes aux premières marches. il faut inclure la magie dans les éléments de base. » 3
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J’y songeais alors que je me trouvai à Tokyo en 2009 pour présenter la partition inédite de mozart récemment mise à jour dans les collections de la Bibliothèque municipale. Dans cette grande halle bruissante de musique, je croisai Éric Fonteneau venu lui aussi de Nantes. il exposait ses Villes de Jean-Sébastien Bach, cartes blanches réalisées avec des aiguilles au long des 400 kilomètres parcourus à pied par le jeune Bach pour rencontrer Buxtehude à Lübeck. Devant ce minutieux travail de cartographie, je pensai d’abord à La Chronique d’Anna Magadalena Bach de Jean-marie Straub et Danièle huillet qui dit si bien, dans la simple succession des événements, le mystère et l’émotion de l’œuvre. Puis immédiatement à Paul Louis Rossi lisant dans les Vies d’Albrecht Altdorfer Peintre mystérieux du Danube « tout l’imaginaire, les rêves, les stratégies, les croyances des décennies qui succèdent au Quattrocento italien »4. et à ses Cose naturali (ou « Vies tranquilles ») dont l’« idée est de reconstituer, dans le choix des mots, le dispositif, le rythme, l’espace de la page, le choix des caractères, une sensation ». 5 ainsi, du sentiment de cette complicité entre l’écrivain et le plasticien, est née l’idée de proposer à Éric Fonteneau de mettre en espace l’Exposition analogique souhaitée par Paul Louis Rossi : « je voudrais montrer ces pierres fossiles du crétacé – lytoceras fimbriatum – que j’ai trouvées dans l’estuaire de la Charente. ou bien encore ces traces de fragments de fougères incrustées dans les schistes ardoisiers d’une mine du massif Central. Ces minéraux et ces masques, ils viennent s’assembler – s’unir – aux lettres, aux manuscrits, aux objets littéraires avec la prétention de constituer ce que Raymond queneau appelle une Petite cosmogonie portative. » 6 en un parcours mental et visuel, le visiteur croisera « le cheminement des explorateurs, contraints de prospecter les contrées impénétrables par les seules voies fluviales » 7 pour aller au bout de leurs investigations botaniques ou géographiques, à la rencontre de « l’histoire des peuples, des territoires, de la nourriture, des mœurs, des amours » 8 : Chamisso s’embarquant à bord du Rurik pour une expédition botanique ; La hontan suivant les méandres de la Rivière longue ; aby Warburg photographiant les villages hopis, apaches et Zunis. au fil de cette érudition rêveuse, moraliste sans préjugé, sans nulle prétention encyclopédique, c’est l’étonnement, le doute, la rencontre avec les autres civilisations, l’humour équilibrant l’absolu et le relatif qui sont convoques. elle est indissociable du dialogue avec les œuvres de Renaud allirand, Éric Fonteneau, Jean-michel meurice, avec laquelle elle forme l’utopie qui nous est offerte en partage.
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Cette grande fresque composée d’autant de fragments invite à devenir « promeneur éternel » à l’instar de Paul Louis Rossi, et à trouver dans son propre regard sa propre cartographie du monde pour mieux en appréhender l’universalité. Car « l’histoire d’algernon Weddell est précieuse » 8, en ce qu’elle aide chacun d’entre nous à revisiter et comprendre la sienne.
agnès marcetteau-Paul Directrice de la Bibliothèque municipale de Nantes
septembre 2012
NoTeS 1. Franck Venaille, « Paul Louis Rossi, Là, à gauche sur la photo », Paul Louis Rossi. Paysage intérieur, inscape, Bibliothèque municipale de Nantes et éditions joca seria, 2004. 2. Paul Louis Rossi, « Démons de l’analogie », ibid. 3. Roger-michel allemand, « Paul Louis Rossi : un espoir renaissant », @nalyses [en ligne], Propos d'écrivains, mis à jour le : 28/04/2010, uRL : http://www.revue-analyses.org/index.php?id=1678. 4. ibid. à propos de Vies d’Albrecht Altdorfer Peintre mystérieux du Danube (Bayard, 2009). 5. Paul Louis Rossi, « Formes et composition des Cose naturali », Schedae. Prèpublications de l’université de Caen Basse-Normandie, fascicule n° 3, 2007. 6. Paul Louis Rossi, « Démons de l’analogie », Paul Louis Rossi. Paysage intérieur, inscape, op. cit. 7. Jacques Py, extrait du catalogue On a marché sur la terre, Centre d’art de l’Yonne, 2009 8. Paul Louis Rossi, « un monde analogique ». 9. Ibid.
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Un monde analogique PauL LouiS RoSSi
« J’ajoute que Adelbert von Chamisso est en 1819 conservateur du jardin botanique de Berlin et docteur en philosophie, il publie en 1830 les poèmes de L’amour et la vie d’une femme, que Schumann mettra en musique. Il est l’ami de Goethe, de Tieck et de Schlegel, et membre enfin de la confrérie du Cercle Polaire et de l’Académie des Sciences. Pour nous, c’est un modèle. » Portrait d’Adelbert von Chamisso
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i Les Variations légendaires
Je le vis enlever doucement du gazon, avec une étonnante dextérité, mon ombre de la tête aux pieds, la rouler, la plier, puis la mettre dans sa poche. adelbert de Chamisso
en l’année 1815 un personnage singulier gagne la ville de hambourg, puis le port de Copenhague afin d’embarquer sur le Rurik, sous le commandement de monsieur otto astevitch von Kotzebue. Le personnage est un botaniste, muni d’un passeport russe. mais à la vérité il s’agit de l’écrivain romantique adelbert von Chamisso, auteur du livre célèbre intitulé : L’Homme qui a perdu son ombre. Le Rurik et son équipage, venant de Saint-Pétersbourg, après une escale à Londres, où Chamisso profite d’aller voir des pièces du théâtre de William Shakespeare, se dirige ensuite vers l’atlantique, les Canaries et le Cap horn. Pour ensuite remonter par les côtes du Chili et la Californie vers sa destination des îles aléoutiennes et du détroit de Behring qu’il doit explorer. il faut penser, à l’époque, que l’alaska est encore un territoire russe et que le Kamtchatka est une terre pratiquement inconnue. Pourquoi parler de Chamisso afin d’introduire notre Exposition analogique. C’est qu’il existe une raison supérieure. il est très difficile de faire admettre à nos concitoyens que Chamisso est Français, né en Bourgogne d’une famille aristocratique, et que son prènom adelbert lui vient de sa tante adelaïde. Ce n’est donc pas adalbert ou même aldebert comme on l’écrit souvent pour le germaniser. D’autre part, il est l’ami de madame de Staël et de son frère qu’il accompagne en
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Suisse. et surtout, cela est moins connu, il voulait revenir se fixer en France comme professeur à la Roche-sur-Yon, que l’on appelait encore Napoléon-Ville. Nous voici bien éloigné de notre histoire, en apparence, si l’on excepte le goût des collections et de l’ordre végétal et minéral. J’ajoute qu’il est en 1819 conservateur du jardin botanique de Berlin et docteur en philosophie, il publie en 1830 les poèmes de L’amour et la vie d’une femme, que Schumann mettra en musique. il est l’ami de Goethe, de Tieck et de Schlegel, et membre enfin de la confrérie du Cercle Polaire et de l’académie des Sciences. Pour nous, c’est un modèle. Son imagination est infinie. Son intérêt le dirige vers l’histoire des peuples, des territoires, de la nourriture, des mœurs, des amours. il collectionne des milliers d’espèces botaniques, des mousses, des lichens, des squelettes de morses et des os de baleines. il lutte sur le bateau pour aérer et préserver ses végétaux. et rapportera de la malaisie une série d’ouvrages, de manuscrits, ainsi qu’une collection des langues du Pacifique. il se plonge à la fin de sa vie dans l’étude des langues hawaïennes. il admire la liberté des races polynésiennes. en bref, c’est un personnage tendu vers l’universalité, assez moraliste, mais sans préjugé. Sans nous identifier à la carrière de Chamisso, on doit apercevoir qu’il existe quelques affinités avec notre propos et notre construction. Ce n’est pas une ligne de conduite, mais plutôt une inspiration. et surtout une solidarité avec celui qui avait perdu son ombre. C’est-à-dire sa patrie d’origine, et son langage naturel. C’est ainsi que nous avons imaginé de préparer une copie d’un Monde analogique, en face du désordre et des inquiétudes des peuples et des Sociétés, non point comme une leçon, mais comme la proposition d’un ordre plus harmonieux et d’un ouvrage consacré à l’esthétique que j’ai appelé Les Variations légendaires.
NoTeS adelbert von Chamisso : Voyage autour du Monde – 1815-1818. Éd. Le Sycomore, 1981. L’homme qui a perdu son ombre, Éd. José Corti, 1989. Les Variations légendaires, Éd. Flammarion, mars 2012.
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ii une Ville hanséatique
Cependant à voir passer tant de navires, le besoin de naviguer me dévorait. Je connaissais déjà les termes de marines, et je comprenais assez les manœuvres pour les suivre dans les romans maritimes de Fenimore Cooper… Jules Verne
Nous devrions nous souvenir d’une première exposition, organisée au centre de la ville avec le concours de la Bibliothèque, en 1981. Nous avions une grande peinture sur toile souple de Pincemin, des compositions d’angles de Jean-michel meurice, des œuvres abstraites de Catherine marchadour et de Raquel. J’ai déjà conté cette histoire. Je m’étais persuadé que Raquel avait rendez-vous dans un grand café avec un marin irlandais ou gallois, et je m’aperçus au cours de la conversation qu’il s’agissait du conservateur du musée des Beaux-arts, à l’époque, qui était plutôt d’origine grecque ou italienne. et comme je lui posais la question de l’état de la culture, à Nantes, il me fit cette réponse surprenante : L’Ouest, c’est culturel. Je me suis servi de cette expression pour le titre de mon livre L’Ouest surnaturel. que je retrouve induite chez les lycéens avec l’interjection : Il est à l’Ouest, pour désigner sans doute un personnage rêveur et qui peut douter parfois de son identité, comme Chamisso. en ces journées un autre participant de la région d’aquitaine avait ajouté à l’intérieur du café de La Cigale : « Nantes est comme Bordeaux une ville hanséatique. » La hanse était une création des négociants et marins de Lübeck. Voilà
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« Très intéressé par la récolte du sel au Croisic, comme autrefois les Vikings. Lambert Doomer hante avec Willem Schelling les rives de la Loire et les localités de la rive gauche : Le Pallet, Vertou, Montbert. » Lambert Doomer, Le Croisic, musée départemental Dobrée
qui nous rapproche de Saint-Pétersbourg édifiée par Pierre Le Grand dans les marécages, à l’estuaire de la Neva, avec des pilotis, sur le modèle de Venise, et l’expérience des charpentiers flamands. L’analogie avec Nantes est évidente, et c’est ainsi, sur le même modèle, que nous avons aussi une rue des Flandres et une place de La Petite-hollande. J’ai parlé ces temps derniers à la Bibliothèque d’angers de Lambert Doomer, familier des constructeurs de navires et des négociants hollandais établis dans notre ville. Très intéressé par la récolte du sel au Croisic, comme autrefois les Vikings. Lambert Doomer hante avec Willem Schelling les rives de la Loire et les localités de la rive gauche : Le Pallet, Vertou, montbert. Nous avons à Nantes, angers et Tours un grand nombre de ses œuvres, d’autre part qui sont classées au musée de l’université de Leyde.
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mais dans le Voyage, ce qui m’intrigue, c’est le mouvement de la foule sur les quais. Comme si elle accompagnait l’inversion du courant et du niveau des eaux, deux fois par jour avec la marée. en vérité, pour le Culturel, comme on dit aujourd’hui dans ce langage péjoratif, Nantes tourne le dos au sol de la Province profonde, comme une ville agitée par un rêve qui la conduirait tout entière vers les îles d’or, les antilles, les indes galantes, les rivages de la malaisie et du Siam, la Superbe afrique, l’utopie, Terre-Neuve et les territoires de l’alaska. Je suis venu à Nantes en hiver cette dernière année. Le Jardin des Plantes était désert, et les prairies entièrement blanchies par le gel. il n’y avait personne dans le parc. Je suis allé respirer le camélia odorant du Japon, à l’entrée de la rue d’allonville : autrefois rue du Bourg Fumé. Je pensais surtout à cet algernon Weddell. il est anglais de naissance, mais élève de Cuvier, et docteur en botanique. il s’en va dans l’île d’Yeu pour étudier les lécanores car il est spécialiste des mousses et lichens. il est cité avec l’ermite Jean des Broches et Kiki la Bosse dans la description de l’île, en fin d’un volume du Fauteuil rouge ou la Mémoire absolue. il ira jusqu’au Paraguay étudier le quinquina blanc et le quinquina rouge dont l’écorce est riche en quinine. Je sais qu’il existe un manuscrit de lui à la bibliothèque de Poitiers, mais je pense surtout qu’il a fatalement fréquenté les jardins et les botanistes de la ville de Nantes, à cette époque. et je dois avouer, pour terminer ce passage, l’un de mes travers favori. Je ne m’intéresse qu’à ce qui n’est pas entièrement élucidé. mon idée est qu’il faut partir du doute et même de l’ignorance pour parvenir au savoir et la connaissance. il est inutile de nous occuper de choses que l’on sait déjà. L’histoire d’algernon Weddell est précieuse.
NoTeS « Jules Verne et le Docteur Fautroll », Mobilis in mobile, n° 27, octobre 2008. Patrice Locment : Nantes et la littérature, anthologie Éd. Coiffard libraire, octobre 2006. Le Fauteuil rouge ou la Mémoire absolue, Éd. Julliard, août 1994. L’Ouest Surnaturel : Éd. hatier, 1993.
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« C’est ainsi que le Baron de La Hontan s’embarque pour l’Amérique en 1683, ainsi que son ami Gédéon de Catalorgue… »
Le Baron de La hontan : Mémoires de l’Amérique Septentrionale publiés par Gilbert Chinard, 1931.
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iii Le Salon analogique
Tu vois bien que nous n’avons point des Juges ; pourquoy ? parce que nous n’avons point de querelles ni de procez. Mais pourquoy n’avons nous point de procez ? parce que nous ne voulons point recevoir ni connoître l’argent. Pourquoy est-ce que nous ne voulons pas admettre cet argent ? c’est parce que nous ne voulons pas de loix… La hontan
Je n’ai pas évoqué une autre ville de l’atlantique que j’affectionne, et qui a connu un destin tragique. il s’agit de La Rochelle. C’était le port de départ des navires qui abordaient aux rives de Terre Neuve et de La Nouvelle France. C’est ainsi que le Baron de La hontan s’embarque pour l’amérique en 1683, ainsi que son ami Gédéon de Catalorgue, protestant, et plus tard ingénieur militaire, qui construira la disposition en arêtes de poisson de la commune de la Côte des Neiges au Canada. La Rochelle n’est plus un port de commerce, mais elle garde une magnifique collection d’objets exotiques, de masques africains et polynésiens. Je pense en particulier aux statuettes de l’île de Pâques qui furent exposées à Nantes en 1958 au musée Dobrée. De plus, j’en ai déjà parlé, La Rochelle conserve dans son musée un authentique Cabinet de Curiosités : histoire naturelle et bibliothèque, légués par Clément Lafaille en 1770 à l’académie Royale de la Ville. il contient l’ameublement et tous les éléments nécessaires à cette expérience. C’est ainsi que nous avons eu l’idée, avec agnès marcetteau, d’imaginer un
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lieu qui contiendrait aussi bien les manuscrits et les estampes, les livres rares, les ouvrages indispensables du savoir et de la pensée, et surtout des éléments matériels et des objets, des peintures et des dessins, qui illustreraient l’activité de la Ville et de son rayonnement, en ce domaine. Je dois avouer, dans ce but, que nous sommes allés, un jour, visiter à la Bibliothèque de Rennes une expérience de la sorte. C’était la reconstitution dans l’espace, en l’état, au milieu d’un étage, de la maison d’un écrivain qui avait décidé de ne plus se lever de son lit, et qui avait accumulé autour de lui tout ce qu’on peut imaginer comme livres, brochures, journaux, dans un désordre inimaginable, et qui débordaient sur les cheminées, les chaises et les escabeaux, et jusque dans la baignoire. il s’agissait de henri Pollès natif de Tréguier, fils de Charles Pollès, nommé en 1919 inspecteur de la navigation à Nantes. L’étrange était que le même personnage se livrait auparavant à l’activité, la recherche et même le commerce de relieur de livres rares, et que dans une bibliothèque, avec des vitrines, les ouvrages se trouvaient rangés parfaitement dans une présentation de luxe. Sur le chemin du retour, comme nous parlions de notre visite, avec agnès marcetteau, j’ai pensé qu’il fallait nous orienter fermement vers une expérience toute différente. Je veux dire, imaginer une structure ouverte sur l’air, le futur, et le monde. Nous écarter d’une conservation à l’identique pour nous projeter dans un avenir. Je voyais cela comme une arithmétique en forme d’escalier, avec des marches, des salles et des logis. mais il fallait aussi éviter le vertige de la Bibliothèque de Babylone construite en imagination par Jorge Luis Borges, avec des étages superposés qui ouvraient sur le vide infini: « La Bibliothèque, affirmait-il, est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et la circonférence est inaccessible. » on peut s’inquiéter de la méthode analogique, car elle est infinie, et l’on peut se perdre dans ses méandres. Le système est assez simple, il consiste, par automatisme, à diriger immédiatement la pensée vers une sensation correspondante, ou son contraire. C’est ainsi que j’ai écrit ce livre des Démons de l’Analogie. De fait allusion à Louis aragon. il écrit dans un poème du Regard de Rancé : Démons Analogies écartez-vous de moi. Référence à l’aventure tragique de la liaison de Rancé avec marie de montbazon, militante de La Fronde, qu’il retrouve décapitée un soir, à son retour de la chasse. Cette affaire a passionné l’intelligentsia de nos siècles : Le Cardinal de Retz, Sainte-Beuve, andré Gide et Schopenhauer, Roland Barthes et même Julien Gracq. C’est montrer que la méthode analogique n’est pas sans dangers. Pour
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nous, il s’agit seulement aujourd’hui de tracer une ligne de partage avec le possible. qu’allons nous choisir, qu’allons nous abandonner. il nous faut donner un exemple, dans l’espace de la Salle d’exposition, de nos goûts, de nos choix, de nos passions, comme pour en déduire une leçon esthétique originale.
NoTeS Le Baron de La hontan : Dialogues curieux, et Mémoires de l’Amérique Septentrionale publiés par Gilbert Chinard, 1931. henri Pollès : Une Vie de curiosité : bibliothèque de Rennes, 1986. manuscrit des Démons de l’Analogie.
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« Je veux absolument que L’ombre d’un doute soit le titre d’un roman de Graham Greene, alors qu’il s’appelle en réalité Le ministère de la Peur. » Photogramme du film L'Ombre d'un doute d’alfred hitchcock, 1943.
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iV L’ombre d’un doute
On a beau se moquer de rêveurs, ils ont ce qui manque à beaucoup : la force et la conviction… Graham Greene
Le système analogique peut engendrer quelques méprises. J’ai signalé déjà, dans le récit de La Mémoire absolue, que je niais avoir raconté moi-même l’histoire d’un homme fusillé sur une digue de Noirmoutier dans Le Fauteuil rouge, alors qu’il n’y avait que moi, à cette époque, qui puisse connaître l’exécution du général vendéen Louis Gigost d’elbée dans l’île en 1794, et le tableau qui se trouvait dans l’escalier de la Citadelle. Je me suis beaucoup penché sur le phénomène de la mémoire et de l’oubli. et je pense aujourd’hui à une obsession de cette nature. Je veux absolument que L’Ombre d’un doute soit le titre d’un roman de Graham Greene, alors qu’il s’appelle en réalité Le Ministère de la Peur. L’Ombre d’un doute, de 1943, est bien un film d’alfred hitchcock, et le film tiré du Ministère de la peur est réalisé par Fritz Lang à la même date de 1943. Le Ministère de la peur est l’histoire d’un homme qui s’égare dans un quartier de Londres sous les bombardements. il entre dans une fête foraine. il consulte une Voyante, puis il gagne à une loterie un énorme gâteau qui contient en fait des microfilms destinés aux Nazis. il est recherché et persécuté par les espions et leurs sympathisants allemands et britanniques. enfermé dans une clinique, il oublie jusqu’à son nom. hitchcock pourrait ne rien avoir à faire dans cette histoire, mais il avait tourné en 1935 un film intitulé Les Trente-neuf marches, avec un monsieur mémoire qui dirige une bande d’espions pour les mêmes raisons.
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C’est donc Fritz Lang qui s’est inspiré du scénario d’hitchcock, en apparence. on remarquera comment, avec cette proposition analogique nous suivons une très ancienne ambition, nous appuyer d’abord sur la preuves des défaillances et des oublis de cette fameuse mémoire. il faut d’ailleurs souligner que le phénomène de la mémoire absolue existe réellement. C’est l’oreille absolue des musiciens : capacité de s’adapter spontanément à la tonalité. L’œil absolu des peintres : William Turner par exemple, quand il entreprend son voyage en bateau à roue sur la Loire et qu’il peut reproduire de mémoire la façade du château de Chambord, qu’il a juste aperçue au passage, avec toutes les fenêtres. et je n’oublie pas Cherechevski, le phénomène russe, affligé de ce don, que l’on peut considérer comme une infirmité, décrite par son psychanalyste soviétique alexandre Louria, à partir de 1920. C’est ainsi que je dois souligner encore une fois que la construction du Salon analogique est une utopie, et qu’il faut considérer notre exposition comme une expérience destinée à comprendre l’esprit et le mécanisme d’une réalisation de ce genre, avec les hésitations et les difficultés qu’elle ne peut manquer de soulever. Le film des Trente-neuf marches d’alfred hitchcock était d’ailleurs présent dans les premiers schémas que nous avions confectionnés. Je pensais à dessiner une installation avec des marches descendantes, qui remontaient à la droite du dessin, chaque marche conduisant à une alvéole que je surnommais entité. Nous commencions par La Peinture puis la Botanique, si ma mémoire est bonne, et la construction en remontant se terminait par les minéraux et les masques : Katchina et des îles Kodiak. C’est alors que j’ai rencontré Renaud allirand, par hasard, passant un soir devant son atelier. on apercevait par les vitres une grande imprimante de taille douce. il dessinait aussi et gravait sur le métal et les cuivres des partitions qui ressemblaient à des écritures inintelligibles. Les pages ainsi obtenues me faisaient songer aux logogrammes de Christian Dotremont, que je pouvais contempler à Namur, chez le peintre andré Lambotte. Nous eûmes l’idée, pour une première approche du travail, de nous inspirer des rites et cérémonies shamaniques de ces indiens des îles aléoutiennes, justement que l’on appelle les Kodiak. on trouvera les premiers éléments de notre œuvre dans cette édition en Belgique intitulée Des mirages et des ombres, en l’année 2011. Cette exploration n’est pas achevée, mais on remarquera ici les traces du travail d’anthropologie qui relie entre elles les
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civilisations indiennes d’amérique, les Kodiak étant proches de la civilisation du Potlatch : Économie du Don, des haïda et Kwakiutl, que l’on appelait autrefois Les Capitalistes du Nord.
NoTeS Graham Greene : Le Ministère de la peur : Éd. Robert Laffont, 1951. alexandre Luria : L’homme dont la vie volait en éclat, Préface d’olivier Sacks, Éd. du Seuil, La couleur des idées, 1995. Masques : Éditions Bertrand Bracaval, 2011. Cabeza de Vaca : Relation de Voyage, Éd. Babel acte Sud, 1979 Des Mirages et des ombres : gravures de Renaud allirand, imprimé par Gabriel Belgeonne, Éd. Tandem, octobre 2010.
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« Et je pense surtout aux albums du cartographe retrouvés dans les hangars, et ce cahier précieux des algues imprimées sur papier que nous allons utiliser dans notre expérience. »
Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes. Photographie de Christian Leray, 1985.
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V Le Nominalisme
Le substantif est formé par une accumulation d’adjectifs. On ne dit pas lune, on dit : aérien-clair-sur-rondobscur ou orangé-ténu-du-ciel ou n’importe quelle autre association. Jorge Luis Borges
J’ai longtemps cru que j’étais nominaliste, sans connaître ce que ce terme vraiment signifiait dans la philosophie. Je n’aimais pas les fleurs, par exemple, dont le nom ne me convenait pas. À la vérité les Nominalistes s’opposent aux universaux. C’est-à-dire à ceux qui croient en l’universalité des genres et des espèces. Le principe des Nominalistes se résume ainsi : Je vois bien le cheval, je ne vois pas la chevalité. J’ai dû écrire La Théorie d’Orpins en m’inspirant de cette attitude. Pour entrer dans la science botanique, commencez par regarder un spécimen précis. De préférence une plante constituée, même banale, que vous ne connaissez absolument pas. Les sedums et autres joubarbes par exemple qui poussent jusque sur les toits. il faut ajouter que les Stoïciens, les Épicuriens et les Cyniques sont plutôt du côté des Nominalistes, comme abélard et Béranger de Tours, comme Taine, hume et Spencer. malebranche dira : « Voici ce qui arrive ordinairement aux philosophes : ils voient quelques effets nouveaux : ils imaginent aussitôt une entité nouvelle pour le produire. » Cependant je dois avoir une tendresse pour le terme qui désigne les universaux. D’une certaine façon, je suis hostile au mondialisme tel qu’il est formulé. au slogan de la Culture monde en particulier. Contre l’hégémonie qu’elle dissi-
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mule et qui risque de nous écraser. mais je suis universaliste, pour la connaissance et le partage avec tous les langages et toutes les civilisations. ensuite je dois avouer mon affection pour le terme entités qui signifie réalité abstraite. D’ailleurs, à l’origine de notre projet nous avions choisi le mot pour désigner et classer chaque élément de notre organisation : histoire – Littérature – minéralogie – Cinéma – musique. Cette classification n’apparaîtra guère car il n’est pas dans nos intentions d’enseigner des généralités, mais comme je l’ai avancé, de commencer par quelques détails singuliers afin de favoriser la curiosité des visiteurs par des exemples surprenants, et leur permettre de pénétrer dans une forme de la construction du savoir et de l’intelligence des choses. il faut dire en cette vocation, que j’ai découvert un véritable complice. esprit curieux, dessinateur et collectionneur d’élite. qui me téléphone parfois depuis le Cap de Bonne espérance. il s’agit d’Éric Fonteneau. il est le constructeur d’une bibliothèque fictive qu’il vient d’exposer à New York. et je déchiffre avec minutie l’étendue de ses recherches et investigations. Je puis noter ici le travail avec les dessins de cartes sur les murs des entrepôts de l’île de la madeleine et du quai de La Fosse. Cette cosmogonie de flotteurs sur la mer organisée dans la baie de Guérande, en relation avec une constellation d’étoiles, à proximité des marais Salants. et je pense surtout aux albums du cartographe retrouvés dans les hangars, et ce cahier précieux des algues imprimées sur papier que nous allons utiliser dans notre expérience. il est évident qu’il faut nous garder des encyclopédies et des accumulations. De plus l’exposition est l’affirmation de choix esthétiques. Notre époque souffre, car le credo qui marque une partie de l’art moderne : ce que j’appelle le vieil art moderne, est véhiculé sous le signe, le règne et la domination de la marchandise. avec ceux qui en profitent et ceux qui la combattent, intimement mélangés. C’est le phénomène simple d’un art tombé dans le symptôme, de sa monnaie, sa religion ou de son idéologie, comme autrefois la Peinture académique ou le Réalisme socialiste. il n’y a pas de contre exemple. Si l’on observe la statuaire des Cyclades par exemple, depuis le néolithique, on remarque que les bras des personnages, hommes et femmes, restent collés aux corps dans une première phase, puis ils s’élèvent peu à peu jusque paraître en équerre et même levés vers le ciel. ensuite la pose devient académique et même obligatoire et finit par se noyer dans la
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répétition. L’art suit une ligne ascendante, du primitif jusqu’au classicisme, pour connaître enfin une crise et sa décadence. Nous n’avons pas ici à formuler de critiques esthétiques. mais la volonté sans doute de présenter des choix et des organisations intelligibles qui tendent à corriger cette courbe, ou plutôt, à fournir aux spectateurs et aux artistes le tracé de quelques chemins inattendus et probablement nécessaires.
NoTeS Jorge Luis Borges : Fictions, Éd. Gallimard 1951. Éric Fonteneau : Catalogue – éditions Siloë, mai 2008. Voir ici PabloVolta : Regards Croisés, Éd. Fata morgana, juin 2005.
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« Il existe donc un Pays très lointain qui ne finit pas de nous surprendre, au Nord de l’Océan Pacifique, et qui pourrait apparaître aux antipodes de notre Monde. » Estampe japonaise, xixe siècle
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Vi Le Pont Suspendu
Lorsque Zeami compare la suprême réussite de l’acteur à une fleur, ce n’est pas une vaine métaphore. J’admettrai volontiers, néanmoins, que le nô est un art liturgique, si l’on veut bien reconnaître que l’esthétique est un phénomène religieux. René Sieffert
J’ai retrouvé par hasard le véritable épisode du Théâtre Nô à quoi nous avions assisté en un automne à Kyoto. il s’agit de matsukaze. C’est l’histoire d’un prêtre : noble ou vagabond, qui arrive enfin sur le rivage de la baie de Shiogama. il y trouve deux jeunes femmes, murasame et matsukaze qui brûlent le sel. C’est-àdire, je le suppose, qui font chauffer les algues afin d’en recueillir le sel. mais en réalité ce sont deux fantômes qui restituent l’histoire de ce Prince et poète exilé jadis aux rivages de Shiogama – la chaudière du sel – et nommé Yukihira, qui les a aimées, ayant laissé en mémoire aux pêcheuses d’algues des vêtements de soies et de pailles. au matin, elles dansent une dernière fois devant le visiteur et disparaissent dans la lumière de l’aube. il ne reste au prêtre que le bruit et le murmure du vent dans les pins. il existe donc un Pays très lointain qui ne finit pas de nous surprendre, au Nord de l’océan Pacifique, et qui pourrait apparaître aux antipodes de notre monde. on peut y voir des estampes fabuleuses, des rivières becquetées par les aigrettes et les hérons, des collections de mousses, des jardins avec des camélias odorants, et surtout un théâtre fabuleux du Nô et du Kabuki. Rien ne peut rendre compte de la surprise, de la vision hypnotique d’une telle
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représentation. J’ajoute, avec marie Étienne, que nous avons assisté, à Tokyo, au spectacle du Kabuki en compagnie d’un spécialiste du Théâtre au Japon nommé Patrick de Vos. Nous avions publié autrefois dans la revue Latitudes des traductions de Patrick de Vos avec des calligraphies de matsutani. Pourquoi sommes nous revenus si loin dans l’espace et le temps, en Chine, et au Japon : Le Pays du Soleil Levant. Parce que nous avons imaginé, avec Jean-michel meurice, ces dernières années, de construire un Récit intitulé Le Pont suspendu, nous inspirant de ce Théâtre Nô. Voici donc le nouveau personnage, qui entre en scène dans le Théâtre. il est peintre. mais c’est un Voyageur considérable et je me suis aperçu jadis qu’il était allé pour la télévision filmer en union Soviétique pour la première fois, en 1979, la Grande Pâques Russe – orthodoxe - à Zagorsk. il ira de même dans le Seutch’ouan aux confins des plateaux sur les traces de Victor Segalen, photographier à son tour le tombeau et le cheval du général houo K’iu-ping, tumulus datant de 117 de notre ère. Nous partageons cette passion pour ce médecin de la marine : Segalen, qui n’aime pas la mer, souffrant, ami de Claude Debussy, auteur des Stèles et des Équipées, et qui s’était engagé si profondément à l’intérieur de la Chine. C’est ainsi que nous avons construit avec meurice cet ouvrage intitulé Couleur pure, consacré à son histoire et à son œuvre. Pour cette exposition nous aurons quelques œuvres de Jean-michel meurice, dessins et toiles souples consacrées aux Soldanelles. Le lien avec Le Pont suspendu est très complexe. Les soldanelles sont des convolvulacées qui se divisent en une infinie variété aux noms étranges. Le mot lui même de convolvulacée est une sorte de miracle linguistique car il conduit à l’arabesque, l’enlacement et même la convulsion. Nous avons l’idée, sur ce thème, avec le musicien Jean-Yves Bosseur, de composer quelques séquences d’opéra dont je donne ici un bref fragment : Second Tableau : Le Pont : Gong : Les pas suspendus sur le pont de bois et bien donc tout au long de la nuit et bien donc tout au long de la nuit Tout en contemplant la lune jusqu’à l’aube
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Le Waki : il avance lentement su le pont atsumari : gardien du havre nous voici parvenu. on apporte la montagne sur la scène on apporte un rameau de pin Lenteurs – accroupissements – tabourets déplacés – costumes noirs et blancs – flûte plaintive – tambourins et tambourinaires.
NoTeS Zeami – René Sieffert : La tradition secrète du Nô, traduction et commentaire de René Sieffert, Éd. Gallimard, 1960. Revue Latitudes n° 2 : Patrick de Vos et matsutani, juin 1986. Couleur Pure : Jean-michel meurice, Éd. Le temps qu’il fait, juin 2006. Le Pont suspendu : fragments publiés par la revue Travioles, printemps 2005.
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« À la vérité, c’est une histoire vertigineuse, qui nous met en relation avec un autre individu nommé Aby Warburg, devenu célèbre aujourd’hui, qui est allé dès 1895 photographier à son tour les villages Hopis, Apaches et Zunis perchés sur la Mesa. »
Portrait d’Aby Warburg, Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres
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Vii Pollens
Pour toutes nos perceptions il en va comme de l’œil : il faut que les objets passent à travers des milieux qui font opposition afin qu’ils apparaissent parfaitement sur la pupille. Novalis
Nous voici au bout du Voyage. Je songe à cet ami, à Nantes, auprès de l’oratoire où il habite à l’angle de la rue Georges Clemenceau. Je le nomme aujourd’hui puisqu’il s’agit de Paul Grandjouan. Je l’ai rencontré un jour dans le train de Paris, il lisait une brochure consacrée à Gaston Planet que j’avais laissée sur la table du compartiment. Évidemment, il est parent de ce personnage remarquable que je connaissais : Jules Grandjouan. Par la suite, il est arrivé que nous échangions deux livres identiques consacrés aux indiens d’amérique. J’ai dû conserver l’exemplaire de Paul Grandjouan car il contenait des photographies en couleurs dont j’avais besoin pour une exposition concernant le Baron de La hontan et l’illustration du Potlatch. on y voit en particulier une collection de poteries hopis et la photographie d’un village des Pueblos. Ceci nous conduit à La Porteuse d’eau de Laguna où j’ai reconstitué l’ensemble de cette thématique. À la vérité, c’est une histoire vertigineuse, qui nous met en relation avec un autre individu nommé aby Warburg, devenu célèbre aujourd’hui, qui est allé dès 1895 photographier à son tour les villages hopis, apaches et Zunis perchés sur la mesa. Sa bibliothèque est à présent à Londres, comme celle de Sigmund Freud. J’ai découvert plus tardivement les écrits de Cabeza de Vaca, qui est au
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fond le premier européen accueilli dans la société de ces indiens des Pueblos, située à présent à la frontière du mexique et des États-unis dans les montagnes, près du cours du Rio Grande. À la suite d’une série de naufrages de la flotte espagnole au long des côtes de la Floride, les survivants errent dans les marécages sans nourritures et finissent par se dévorer entre eux, à la grande indignation des Natifs qui ne pratiquent qu’une anthropophagie rituelle. une poignée de ces Europèans, rescapés, dont un maure nommé estabanico, séducteur de femmes et remarquable interprète, sont admis dans les village hopis. Parlant des indiens, Cabeza de Vaca écrit dans la Relation de ses aventures : Leur coutume, quand ils se connaissent et que de temps en temps ils se voient, c’est, avant de se parler, de passer une demi-heure à pleurer, après quoi celui à qui l’on rend visite se lève le premier et donne à l’autre tout ce qu’il possède. il est probable que le Baron de La hontan est informé, par des déserteurs et des transfuges, des infortunes de Cabeza de Vaca et de Cavelier de La Salle, quand il écrit son mémoire d’une découverte mythique de La Rivière Longue, et qu’il prétend s’être approché de la Californie et du Grand Lac Salé. À l’origine, nous avions prévu de créer une Station consacrée à la Philosophie. idée trop complexe sans doute pour notre espace et nos propos. mais en comparaison avec l’exposition de 2004, qui commençait avec une référence aux Affinités électives de Goethe, et se terminait par une citation de Leibniz : Car il faut bien que toute chose ait une raison, j’ai pensé fortement ces temps derniers à celui que j’affectionne, beaucoup plus secret, qui est Novalis : en réalité Friedrich van hardenberg, né en 1772. il s’intéresse à la grammaire et la logique, à la physique, à la théorie des couleurs. il devient assesseur dans l’administration des salines saxonnes, et se perfectionne en chimie et métallurgie. il est tout à la fois ingénieur, mathématicien, spécialiste des mines et des irrigations. il admire surtout Voltaire. Dans les allemagnes, avec Jean-Paul Richter, il est l’exact représentant de l’esprit des Lumières. il écrira avant Freud : « L’humour est une attitude délibérément affectée. C’est ce caractère qui lui donne son sel : l’humour résulte d’un mélange librement composé du relatif et de l’absolu. » C’est aussi l’auteur des Disciples à Saïs, et de ce roman analogique nommé Henri d’Ofterdingen. il meurt à 27 ans. Pour cette présentation je me suis attaché à ce titre des Pollens – Blüthenstaub - suite de
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notes, poussière florale et réflexions touchant toutes les formes du savoir. J’en donne seulement un dernier exemple : Nous cherchons l’Inconditionné partout, et jamais nous ne trouvons que les choses…
Paul Louis Rossi janvier 2012
NoTeS René Thèvenin et Paul Coze : Mœurs et Histoire des Peaux Rouges, Éd. Payot, 1928. Novalis : Œuvres complètes, Éd. Gallimard, 1975. Cabeza de Vaca : Relation de Voyage, Éd. acte Sud – Babel. Les Chemins de Radegonde, Éd. Tarabuste, janvier 2011. La Porteuse d’eau de Laguna, Éd. Le temps qu’il fait, mai 2011.
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Né en 1967, RoGeR-miCheL aLLemaND est l’auteur d’ouvrages principalement consacrés aux genres narratifs, parmi lesquels Duplications et duplicité dans les Romanesques d’Alain Robbe-Grillet (minard, 1991), Le Nouveau Roman (ellipses, 1996), Michel Butor (argol, 2009). Fondateur de la série Le Nouveau Roman en questions (minard, 1991-2004), il a également codirigé les collectifs Alain-Robbe-Grillet : balises pour le XXIe siècle (Presses Sorbonne Nouvelle, 2010) et L’Univers Butor (C/arte, 2012). il est correspondant du Kritikon Litterarum (Berlin), membre du comité de rédaction de la revue @nalyses (ottawa) et du comité scientifique du programme de recherche international en photolittérature. Ses travaux lui ont en outre permis de publier des entretiens avec de nombreux écrivains de tout premier plan.
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Roger-michel allemand entretien
Paul Louis Rossi : un espoir renaissant
RoGeR-miCheL aLLemaND – quelle est la place de l’analogie dans vos compositions ? Je songe en particulier à « La Pensée analogique » dans La Rivière des cassis. PauL LouiS RoSSi – Nous pensons avec agnès marcetteau, directrice de la médiathèque de Nantes et du musée Jules Verne, construire ce que j’appelle un Salon Analogique. C’est encore une utopie. C’est dire que je suis intéressé par le système des analogies. autrefois, je me souviens que nous appelions Jean-Pierre Faye, qui dirigeait la revue Change, Le Grand analogue. mais ma construction analogique est très rigoureuse. elle n’accepte que des éléments déterminés qui ne nuisent pas au système. il faudrait regarder du côté des Affinités électives, mais surtout étudier les monades et les théories du particulier et de l’universel dans la philosophie de Leibniz. C’est l’idée de l’escalier qui me retient. Je vois cela comme un chemin initiatique qui monte vers une suite imaginaire. Bien entendu, nous sommes aux premières marches. il faut inclure la magie dans les éléments de base. R.-m. a. – que vous ayez intitulé le texte pour la Folie Dobrée « La Demeure irlandaise » ne me semble pas fortuit : il y a de l’épiphanie chez vous. Joyce, que vous évoquez notamment dans le Buisson, vous a-t-il influencé de ce point de vue ? P. L. R. – Voilà bien la singularité de cette ville hanséatique, autrefois l’un des premiers ports de l’europe, emplie de fantômes, convoitée par les Vendéens royalistes, éprise des Lumières, emplie de corsaires, de marchands hollandais et flamands, de Portugais et d’italiens, où le Baron de La hontan dispute avec un médecin portugais du Consentement universel avant de s’embarquer vers le Canada. avec cette famille Dobrée, négociants, marins, quelquefois pirates, protestants qui appellent leur construction, vers 1828, Le Manoir des Irlandais. J’aimerais évidemment que Nantes soit pour moi
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Photogramme du film Gens de Dublin de John huston, 1988
comme la ville de Dublin pour James Joyce. mais je partage mon sentiment avec Venise, que je connais depuis mon enfance. Cette notion d’épiphanie, très proche de la notion d’inscape, est très difficile à cerner, car appartenant justement à Joyce, écrivain mythique. il tire la notion d’épiphanie vers la prose, la banalité, le vulgaire, la dépréciation, et même la mauvaiseté. Je dois être capable de violence littéraire et polémique, mais pas de vraie méchanceté. C’est un défaut. Je viens de revoir le dernier film de John huston, composé pour les Gens de Dublin : Dubliners : le spectacle entier est pris et réalisé dans le sens sublime d’une épiphanie de cette nuit irlandaise sous la neige d’hiver. R.-m. a. – Le temps, la durée, doit jouer un rôle très important dans votre œuvre. P. L. R. – Toute œuvre est une sorte de combat mené contre le temps et la durée. Du moins ce qu’on appelle le temps. Je ne suis pas différent des autres écrivains. ma singularité serait de me situer dans un espace-temps qui ne tient pas compte fatalement des intervalles et des classifications : passé, présent, futur. D’une certaine façon, je ne respecte ni la chronologie ni la concordance des temps. mais ce qui est au fond de vos questions, je le vois comme une autre chose dont nous parlerons par la suite, qui est le fonctionnement de la mémoire et de l’oubli. R.-m. a. – Serait-il faux de dire que vos différentes activités d’écrivain – poète et romancier, critique d’art, de cinéma, de jazz – participent d’une même démarche, disons philosophique ? P. L. R. – À la vérité, très jeune, je voulais être journaliste, et j’estimais de mon devoir
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d’écrire quand on me le demandait. C’est ainsi que j’ai commencé la critique cinématographique dans un petit journal provincial. Plus tard, à Paris, j’écrivais dans Jazz Magazine, mais je me suis aperçu au bout d’un temps que je n’avais plus le désir de rédiger mes chroniques, et que je devenais désagréable. J’ai ainsi compris que la tâche littéraire est incompatible avec l’exténuant travail journalistique. mais je continue d’écrire des articles. Je viens de publier dans la revue Europe un long texte pour les deux volumes des Écrits mémorables de Louis massignon. Revenons à la démarche. il est évident que je voulais, à l’origine, construire une esthétique. Cependant, il eût fallu un temps considérable d’élaboration, un soutien matériel et une étendue philosophique universelle. mais j’accumule patiemment des notes et des essais, sur la peinture en particulier, qui finiront sans doute par produire une synthèse philosophique. R.-m. a. – Je sais que ma question est probablement démesurée, mais quel est le fil conducteur dans ce labyrinthe ? P. L. R. – Je serais tenté de dire : il n’y a pas de fil. Je crois que le système interdit les amalgames impossibles. ma critique de l’esthétique ne prétend pas tout embrasser, elle est très sélective. Pour prendre un exemple, il y a des peintres célèbres dont je ne parle pas, et pour mes contemporains, avec qui je ne souhaite pas travailler. ils peuvent être très bons, mais ils ne figurent pas dans ma cosmogonie. il m’arrive cependant de changer d’avis. Si vous voulez, je ne suis pas un ogre ni un fanatique ; d’une certaine façon, j’ai déjà beaucoup à faire avec ce qui me convient. R.-m. a. – Reste la question du labyrinthe : ne s’agirait-il pas d’échapper à la ligne invisible évoquée par Borges ? entre Le Livre de sable (Borges, 1975) et « La Bibliothèque de Babel » (Borges, 1957), où en êtes-vous de vos états provisoires ? P. L. R. – J’ai beaucoup fréquenté Jorge Luis Borges. Je me suis intéressé à son Histoire de l’infamie (2001). mais si vous voulez, je n’ai pas la prétention encyclopédique. et je tiens vraiment à choisir mes objets. L’histoire des Royaumes celtiques, par exemple, et celle des sôteria – stèles opisthographes de la Grèce archaïque en l’honneur de Zeus Sôter et de la victoire sur les Galates – deux ensembles recueillis dans Les États provisoires. Je suis préoccupé sans doute par la notion d’identité, voire de légitimité. Ne pas oublier que mon père était un italien du Veneto, et que ma mère venait de la Cornouaille bretonne. mes grands-parents Le queffelec parlaient devant moi une langue gaélique. mais le Provisoire corrige cette ambition. Sur le plan poétique, j’en resterai certainement à cette suite de développements légendaires.
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R.-m. a. – À simplement énoncer le retour du mot « nuit » dans certains de vos ouvrages, on se dit qu’il doit bien être question de sortir de l’obscurité. P. L. R. – J’avais cet ami, le peintre Gaston Planet, qui disait : « D’abord je veux savoir ce qu’est la nuit. Nuit mon mot préféré ». il est vrai que mon premier livre de poésies s’intitule Liturgie pour la Nuit. Je découvrais la nuit moderne des villes – Nantes et Paris – comme Louis aragon dans sa description de la nuit au parc des ButtesChaumont : « La nuit a des sifflets et des lacs de lueurs. elle pend comme un fruit au littoral terrestre, comme un quartier de bœuf au poing d’or des cités. » mais je suis moi-même surpris du nombre de cette expression de nuit dans le titre de mes livres. Je ne crois pas que je cherche à m’en échapper. il faut prendre cet usage plutôt comme le symptôme d’une inquiétude, d’une partie sombre de moi-même que je cherche à décrire et à exprimer. R.-m. a. – À l’occasion d’une autre exposition, au musée des Beaux-arts de Nantes, vous vous peigniez en Visiteur du clair et de l’obscur… P. L. R. – il m’est arrivé plusieurs fois de visiter seul des musées la nuit. À Leipzig par exemple, il y avait une peinture de Nolde au bout d’une sorte de corridor. C’est un privilège incomparable. J’ai un grand souvenir de cette exposition du musée des Beaux-arts de Nantes, en septembre 2004. J’étais chargé de dépoussiérer – c’est le mot – le musée. Évidemment, je n’ai touché à rien, ou presque. J’ai travaillé avec les réserves, ce continent englouti de tous les musées, et fait restaurer quelques tableaux. et surtout, j’ai placé dans chacune des salles des œuvres de peintres contemporains, en contrepoint : Viallat, Planet, Jean-michel meurice, Shirley Jaffe. et même dans la salle des primitifs italiens, une sculpture de fougère géante des Vanuatu prêtée par mme marie-hélène Santrot. Le curieux de l’histoire, si l’on ne connaît pas le musée, c’est que l’on ne pouvait pas s’apercevoir des transformations. C’est dire que je suis contre une distraction, une esthétisation de l’art. Je pourrais dire ceci : Ne rien ajouter, l’Art consiste à supprimer. R.-m. a. – Dans les Aventures du baron de La Hontan, dont le texte n’est pas encore publié dans son intégralité, vous évoquez les méandres de la Rivière Longue : métaphore de l’articulation entre le réel et l’invention ? P. L. R. – on remarquera que j’écris La hontan, et non Lahontan. C’est La Fontaine en béarnais. Je crois avoir entrepris une réhabilitation du Baron. explorateur du québec et du système de communication des Lacs. inventeur du Sauvage de Bon sens et qui a de l’esprit. Défenseur de la liberté des femmes. ami de Leibniz et de la reine Sophie-Charlotte du Brandebourg. inspirateur de Diderot et de Jean-Jacques
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Rousseau. J’en oublie certainement. il décrira son expédition, jusqu’à l’arrivée de l’hiver, appelée de La Rivière Longue. il est impossible de dérouler ici les méandres de l’expédition. mais je l’ai comparée à celles de Gulliver, aux randonnées d’antonin artaud au Pays des Tarahumaras, ou bien encore à celles d’henri michaux décrites dans Ecuador (1990). R.-m. a. – et La Rivière des cassis ne fournit-elle pas une clé fondamentale : celle de la rêverie lexicale ? P. L. R. – après avoir publié le live de La Rivière des cassis, je suis allé, avec mon ami le peintre andré Lambotte, explorer la sinueuse Semoy : Rivière de Cassis, selon Rimbaud (1999, p. 148-149). Le singulier est qu’il s’agit sans doute d’un anglicisme pour Cathel, et surtout qu’on ne possède aucune étymologie sérieuse du mot cassis luimême. il faut lire l’argumentaire du livre. J’ai d’ailleurs eu la remarque d’une amie, docteur en pharmacie, qui prétendait corriger le titre du premier chapitre, Ribesées, en ribèsièes, nom de famille des groseilles. Ribesée est bien entendu un néologisme qui désigne l’abus de consommation des cassis mélangés à plusieurs alcools, en souvenir des beuveries de Rabelais, qui doit écrire le mot pour libations – libesièes ou libesèes – et autres billevesées de sa langue merveilleuse. R.-m. a. – Le Voyage de sainte Ursule, Le Potlach, les Aventures du baron de La Hontan : de l’exploration et de l’expédition comme contrepoints à une introspection ? P. L. R. – À la vérité, je me vois plutôt comme un émigrant. un spécialiste d’explorations étranges. Bien entendu, cela passe aussi dans le vocabulaire. mais identique au terme de nuit, on peut considérer cela comme un symptôme que je ne comprends pas tout à fait. Je me définis souvent comme un non-voyageur, je dis qu’il n’y a rien à voir dans le monde. J’ajoute il est vrai : il n’y a rien à voir si vous ne regardez rien. C’est ainsi que je peux aller très loin pour vérifier un détail, et que je reprends parfois des itinéraires anciens, comme celui de Saumur et de la Prison Centrale de Fontevrault dans Le Vieil homme et la Nuit. R.-m. a. – Lorsque vous parlez de Nantes comme de La Voyageuse immortelle, c’est donc de vous que vous parlez : un voyageur immobile – ou même une sorte d’île ? P. L. R. – La Voyageuse immortelle est vraiment une figure de proue, entre la Fiancée du pirate et sainte anne. il existe à Nantes une Butte Sainte-anne, dernier soubresaut des schistes rouges roses du massif armoricain, qui domine le port et l’estuaire, avec une statue de la sainte en haut des marches. Les rues portent des noms de corsaires. il y a même une femme, Julienne David, prisonnière des anglais durant la Révolution. Tout
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en haut, on trouve le musée Jules Verne et le Planétarium. Cette ville cosmopolite suscite des vocations de navigateurs, d’explorateurs et d’aventuriers. il est vrai que j’ai une affection pour les îles. L’île d’Yeu en particulier, où j’ai composé les poèmes cosmiques d’Élévation Enclume. avec le Japon, c’est plus compliqué. J’ai écrit pour Jean-michel meurice, qui est un grand voyageur, un nô de poche intitulé Le Pont suspendu, et je dois aussi travailler à présent sur la poésie des haïkus et des tanka pour un colloque à Lyon. il est évident que la situation des îles provoque au niveau artistique un mystère. Je suis encore stupéfait par l’incroyable mise en scène gestuelle et musicale du nô. R.-m. a. – quand je pense à la prégnance de l’étrange ou du fantastique dans votre œuvre, je me demande si, en fait, vous ne dialoguez pas avec les morts. P. L. R. – J’ai souvent expliqué que l’on pouvait considérer certains de mes récits comme des rêves. Le roman de La Villa des chimères, bien entendu, avec un chapitre que personne ne semble avoir lu, et qui met en scène – dans un cloître – les écrivains maudits qui se déchirent. ainsi que Les Nuits de Romainville, avec le fantôme de Gérard de Nerval qui cherche dans la nuit la route de meaux et le chemin de l’allemagne. Sans doute, je vis en partie avec des ombres, beaucoup plus nombreuses que je ne le laisse paraître. mais mon dialogue avec les morts n’est pas apaisé. Je continue de critiquer leurs actions et de leur faire des querelles pour des détails qui me hantent. J’ai écrit dans Les États provisoires un texte intitulé « Stèle des mots et des morts », qu’un jeune musicien, Grégoire Lorieux, vient de mettre en scène et musique. L’exercice de la littérature représente, pour certains sujets, un objet sérieux et probablement une consolation. R.-m. a. – Nous parlons d’images, d’imaginaire, d’imagination : quels rapports avec vos exercices oulipiens des Inimaginaires ? P. L. R. – Je crois que j’aimerais ne pas avoir d’imagination. C’est pourquoi j’étais très heureux de ces exercices des Inimaginaires, initiés par Jacques Roubaud, qui nous ont donné une sorte de détente, au sens du tempo comme dans le jazz, une rapidité, un traitement acrobatique du langage, et qui nous ont engagés dans l’élaboration et la composition en commun. en particulier l’utilisation de la technique des renga sur le mode japonais. Cependant, je n’ai jamais participé aux exercices de l’oulipo, et j’ai écrit dans le Vocabulaire de la modernité littéraire une chronique qui exprime quelques réserves. ma crainte, avec le temps, est de voir la scène occupée par des répétitions et surtout, outre l’usure du temps, par une suprématie de moyens mécaniques de composition qui introduisent une technicité douteuse dans l’écriture. une croyance dans l’efficacité de la machine. mais d’une certaine façon, ce n’est pas mon objet.
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R.-m. a. – Vous étiez l’ami de Perec, vous avez collaboré aux Lettres françaises et à la revue Change, entre autres, et avez affirmé « qu’il était temps, concernant la Poésie (et la Littérature), d’interrompre cette sorte de fuite en avant qui caractérise l’art de notre temps, et qui ne vise qu’à précipiter la destruction des formes – de l’intellect, et de la création. il est temps [...] d’interroger à nouveau l’esthétique (et donc, la politique) et de tenter une définition neuve de la modernité. » quelles sont aujourd’hui vos conclusions à ce propos ? P. L. R. – J’étais très ami avec Georges Perec. il me poussait à publier des livres. Je manquais de temps pour négocier, mais j’avais écrit dans Libération un texte intitulé « Les Langues minoritaires », et je n’avais pas compris que nous avions, Georges et moi, la même expérience, enfants, de vivre durant une guerre dans une campagne éloignée des villes. C’est pourquoi le texte commençait par cette phrase : « J’ai vécu dans les temps paléolithiques ». Je ne crois pas que l’on puisse stopper le mouvement de la modernité. mais j’ai une affection particulière pour l’essai de Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation. il faut conserver ce titre qui montre très bien que la superstition du progrès inéluctable ne peut créer que du déceptif. aujourd’hui, en ce qui me concerne, je suis consterné par l’inflation d’un art décadent dans la peinture et par le système répétitif des installations : c’est-à-dire un art tombé dans son idéologie. Le vieil art moderne en vérité de la marchandise, du commerce et de la propagande. R.-m. a. – N’est-ce pas que votre œuvre, au fond, place la recherche de la Beauté audessus de tout ? qu’elle témoigne d’une foi inébranlable en ses vertus ? P. L. R. – oui, je serais d’accord avec vous : la beauté par-dessus tout. on m’avait demandé une fois mon appréciation sur une exposition de peintures d’amateurs, dans une entreprise. J’avais répondu : Ça serait beau si ça n’était pas laid. Grand succès parmi les employés, qui se servaient de l’expression. Vous ne pouvez pas parler de la musique si vous n’entendez pas la musique. idem avec la peinture : un nombre incroyable de gens – la gente – prennent le tableau pour un spectacle qui raconte une histoire. Le problème de l’esthétique est que le philosophe peut ne rien comprendre à la littérature ; hegel par exemple, qui prononce des inepties à propos du théâtre de Schiller. il faudrait relire Kant, La Critique de la raison pure. Le passage sur la Schwärmerei, la folie enthousiaste. Le mot est relevé par Baudelaire quand il parle de la beauté. on a dit que j’étais millénariste. C’est-à-dire que je croyais à une rédemption du temps à la suite des mille ans accomplis. C’est l’objet de mon introduction du Colloque de nuit. Supériorité de l’oiseau des îles qui construit en guise de séduction un léger monticule avec des graines noires et les élytres brillants du scarabée.
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R.-m. a. – altdorfer, Dürer… : la dimension alchimique est perceptible dans leurs œuvres. Vous me direz que c’est un lieu commun ésotérique de la Renaissance, au point que la salamandre était le chiffre de François 1er. mais à vous lire, je vous placerais volontiers sous cet emblème aussi. aurais-je tort ? P. L. R. – Je suis agnostique, c’est-à-dire non préoccupé par les fins dernières. Par contre, j’ai une sympathie pour Duns Scot et pour l’animisme, plus proches de la nature. L’art est sans doute une alchimie compliquée. Si vous voulez, la magie me sert de support et de défense, avec une part d’humour. Je suis heureux que vous parliez de François 1er et de la salamandre. C’était la petite chaufferette verte de mon grand-père menuisier, où il faisait fondre la gomme arabique. C’est un animal aussi, proche des lieux humides et des ruisseaux, qui a la réputation de survivre dans le feu : esprit du feu – esprit du nitre – sublimation – nutrisco et estingo : soit J’entretiens et j’éteins. Vous remarquez à quelle rapidité je suis entraîné par le courant analogique. R.-m. a. – Terminons, si vous le voulez bien, par une sorte de retour au point de départ de notre périple : La Traversée du Rhin, et du Danube – le dialogue avec l’allemagne –, que vous dit-il de ce pays et de notre civilisation européenne ? P. L. R. – Ce livre de La Traversée du Rhin est douloureux et chaotique. il est à sa parution donné comme un exemple de la modernité littéraire. il n’était pas simple pour moi de franchir le Rhin. J’ai depuis ce temps beaucoup fréquenté les villes allemandes : Francfort, hambourg, Leipzig, Berlin, munich. D’une certaine façon, je suis un européen de nature. mais je suis politiquement un européen convaincu. Je veux dire un citoyen de la culture et civilisation européenne. La civilisation européenne a toujours existé, depuis son origine. Depuis la Grèce antique, la domination des Celtes et des Romains. il est sans doute temps de la réhabiliter. C’est-à-dire de comprendre que l’europe ne peut pas exister seulement au niveau économique, industriel et commercial. il faut absolument s’occuper des langues européennes, universelles et minoritaires. et de tout ce qui unit les européens. Je pense encore aux gravures de Dürer, d’albrecht altdorfer et d’urs Graf, je pense au Prodigieux Lucas de Leyde. il faudrait que nous puissions espérer, et retrouver l’esprit de la Renaissance et de la philosophie des Lumières.
Page de droite : albrecht altdorfer. Départ pour le Sabbat. Paris, musée du Louvre. Département des arts graphiques. Vers 1506. iNV 18867.
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urs Graf Geisselung Christi, 1520. Collection : Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett.
Paul Louis Rossi : Albrecht Altdorfer ou la guerre des paysans. Carnet autographe.
ÉRiC FoNTeNeau
La baie de San Francisco. Photo D.R.
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Éric Fonteneau
Tout commence à San Francisco
1 Tout commence au musée d’art de San Francisco. une jeune femme assise regarde fixement un tableau. Soudain un homme pénètre dans la salle. C’est James Stewart. Silencieusement, il observe la jeune femme et pressent dans la forme spiralée de son chignon une soudaine étrangeté, un vertige, une prémonition. Le film d’alfred hitchcock où l’on peut voir cette scène s’appelle Vertigo (Sueurs froides en français). Dans la séquence suivante, la jeune femme se jettera dans l’eau tourbillonnante de la baie et James Stewart, in extremis, la sauvera. Cette forme en spirale des cheveux de la femme, tel un signe du destin, accompagnera le récit jusqu’à son terme tragique, jusqu’à son « dénouement ». 2 Ce matin, je regarde la baie de San Francisco. C’est le soleil levant. Le bleu dégradé du Pacifique et les turbulences des vagues me font penser au Japon et plus précisément aux estampes d’hokusai. Je pense aussi à hiroshige, qui peint admirablement les tourbillons des fleuves. Les Japonais sont fascinés par les flux maritimes et les courants aquatiques de toutes sortes. même les jardins zen, pourtant très minéraux, restituent (via la forme du ratissage) toute cette beauté de l’eau. 3 il est étrange, et même inquiétant, ce miroir d’eau de San Francisco ! Comme s’il y avait une malédiction, les nageurs qui s’y aventurent disparaissent à jamais. Tels des naufrages, ils luttent pour leur survie mais, de Charybde en Scylla, vains
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sont leurs efforts. en tentant l’évasion à la nage, des prisonniers d’alcatraz ont payé, eux aussi, un lourd tribut à la baie. 4 Je regarde fixement cette île d’alcatraz et les images de l’automne 69 me reviennent. Les prisonniers ont été déplacés et voilà que des indiens s’installent à leur place. occupant l’île pendant quelques semaines, ils tinrent les forces fédérales à distance. ainsi dirent-ils au monde entier que leur culture était bafouée et que leur terre était réduite à l’état peau de chagrin. ils étaient des apaches, des mohawks, des Navajos, des hopis… Des Sioux aussi… 5 Je quitte la baie et remonte maintenant vers les maisons « communautaires » d’ashbury. C’est le quartier hippie. Ce sont pour la plupart « des maisons bleues » et il parait que « ceux qui vivent là ont jeté la clé ». mais alors que je fredonne, j’apprends, aujourd’hui même, 18 août 2012, la mort du chanteur Scott mackenzie. Son « hymne » beatnik résonne sensuellement pour l’éternité : « Be sure to wear flowers in your hairs ». Curieux hasard que celui qui me fait me trouver là en cet instant-là… hasard que d’aucuns disent « objectif ». 6 il est temps pour moi de rejoindre Colombus avenue, le quartier latin. J’entre dans la librairie « City Light Books ». Des photographies de célébrités colonisent l’entrée : Kerouac, Greenberg, Diego Rivera, Burroughs, aby Warburg, andré Breton, Frida Kahlo, Bill Berkson… entre les rayonnages, j’aperçois une porte qui ouvre sur une bibliothèque reconstituée. il faut deviner laquelle. est-ce celle de Jack London ou celle d’aby Warburg ? on peut y entrer. un ordre particulier y règne. Épinglées sur les étagères, des images d’art et d’anthropologie. Je pars et achète un recueil de photos d’ansel adams. Ce sont pour l’essentiel des vues du Nevada, de grands espaces à perte de vue. 7 J’irai un jour dans ces grands états du Sud américain, mais pour l’heure je prends la route des vins. Je traverse la baie et file vers le Nord. une biche s’engouffre dans la forêt de séquoias. Ces arbres sont sans fin. ils mesurent 130 mètres de haut et leur tronc coupé fait 10 mètres de diamètre. James Stewart est d’ailleurs venu là avec la jeune femme. Son visage, à elle, est bouleversant quand,
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posant son doigt sur la tranche immense du séquoia, elle dit : « Je suis née là et mourrai là ». 8 Voici Nappa Valley. Je traverse les vignobles de Francis Coppola et m’arrête pour goûter un peu. on me tend un taste-vin d’argent en forme de nautile ou de coquillage spiralé. Je regarde la forme du taste-vin avec ses jolies concavités d’argent. Celles-ci font miroiter la lumière du fond vers la surface du « verre ». S’en suivent des myriades d’éclats rouges. Sans doute ce qu’on appelle la « robe » du vin. 9 avant de repartir vers le sud, je veux voir la maison en bois de Jack London. C’est un nid de verdure isolé. un petit bonhomme vient m’ouvrir et se rendort très vite. Je profite de l’aubaine pour rentrer dans la cave « interdite aux visiteurs ». Céphalopodes, ammonites, herbes et algues rares sont soigneusement alignés. Tout au bout du caveau, j’aperçois une pièce faiblement éclairée. C’est une « Chambre des cartes ». Toutes les images sont annotées au crayon de bois. il y a même des cartes marines de la méditerranée. Je vois la Sicile et les îles Éoliennes et plus loin le « rivage des Syrtes ». Je m’assieds dans l’unique fauteuil quand soudain une chauve-souris fait irruption par le soupirail. elle vole vite autour de moi comme un papillon de nuit. elle effleure toutes les parois sans jamais les toucher. un oiseau dans un tel lieu exigu se fracasserait la tête. mais elle, dotée d’un radar, s’enfuit à tire d’aile. admiratif, je quitte la maison de l’écrivain et esquisse quelques notes sur mon carnet.
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Éric Fonteneau
Ma rencontre avec Paul Louis Rossi
agnès marcetteau, directrice de la Bibliothèque municipale, me proposa de rencontrer Paul Louis Rossi et de parler avec lui… Ce que Paul et moi fîmes souvent. Paul me présenta donc son projet en sept « stations » correspondant à sept de ses livres et à sept disciplines différentes : ethnographie, minéralogie, botanique, littérature, histoire, photographie et gravure. il m’expliqua son idée ou principe « analogique » et je lui dis que moi je procédais par associations d’idées. Bref nous eûmes des conversations intéressantes et la question devint vite celle spécifique de l’exposition, c'est-à-dire celle du dialogue sensible entre les sept sujets, entre les objets eux mêmes et surtout entre les œuvres et le public de Nantes. Je vais souvent voir les expositions du « musée des lettres et manuscrits » de Paris mais je ressors toujours un peu déçu car les vitrines montrent seulement des juxtapositions de courriers, de carnets de notes, de photographies et je ne retrouve jamais l’univers de l’écrivain et son espace littéraire. Je proposai alors à agnès marcetteau de créer à Nantes pour Paul une exposition véritable avec des lieux tamisés de clair obscur, théâtralisés en somme, dans lesquels le public pourrait entrer : une bibliothèque bien sûr, mais aussi un espace de curiosités cristallines et un cabinet de cartes. il s’agissait pour moi de créer un noyau central qui, telle une coupe d’un nautile, articulerait le tout. ainsi trouvera-t-on agrégés les sept thèmes de Paul sous une forme croissante « en escalier ». Ce dispositif évitera aussi les juxtapositions linéaires si opposées au principe littéraire « analogique » de Paul que j’imagine arborescent.
Page de gauche : Éric Fonteneau. Création originale pour l’affiche de l’exposition.
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ŒuVReS exPoSÉeS
PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
CiViLiSaTioNS La Porteuse d’eau de Laguna Édition Le temps qu’il fait, 2011. 1/ Couverture 2/ Photographie Voir collection Dominique Rabourdin. 3/ Des mirages et des ombres : éditions tandem, 2011. Gravures de Renaud allirand. 4/ aby Warburg Le Rituel du Serpent, éditions macula, 2003. 5/ Les masques de la collection alphonse Pinart à Boulogne-sur-mer. musée de la Porte Dorée. Kodiak, alaska, édition musée Branly, octobre 2002. 6/ Citation Dostoïevski à Boulogne sur mer : Douce. 7/ Citation des mirages et des ombres : D’où que je vienne regardez la mer regardez le côté extérieur de la mer ne regardez pas l’endroit de la mer vous êtes ignorant de cet endroit
eThNoGRaPhie. • Paul Louis Rossi. La porteuse d’eau de Laguna. Éditions Le Temps qu’il fait, 2011, 91 p. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [C1312/10] C’est l’histoire d’un objet perdu et reconstitué sur le modèle d’une poupée Katchina. À partir de La Rochelle, port d’embarquement pour la Nouvelle France en 1683. L’histoire de l’objet conduit à l’analyse des sociétés Hopis, Zunis, Apaches : peuples Indiens qui habitent sur les plateaux Mesa à la frontière actuelle des ÉtatsUnis et du Mexique. J’ajoute qu’il faut lire à présent, après La Hontan, le petit volume des mémoires de Cabeza de Vaca, premier Espagnol ayant vécu parmi ces Indiens dont les mythologies ont impressionné les jeunes gens qui lisaient comme moi Soleil hopi du célèbre Don C. Talayesva, cher à Claude Lévi Strauss. Il est possible de considérer le texte comme un éloge à la méthode de Francis Ponge, à qui j’avais dédié La Méthode d’orpins : description d’un objet en place de l’étalage de sentiments. • Éric Fonteneau. La Bibliothèque. Pierre noire sur papier, bois, montage électrique. Dimensions variables, en fonction de l’espace d’exposition. 1992-2012. installation de dessins obtenus par frottage. Les « empreintes » des ouvrages ont été effectuées dans différentes bibliothèques (à Barcelone, Nantes, Cherbourg, Paris, San Fransisco). elle a été exposée dans ces différentes villes, ainsi qu’à New York en janvier 2012. • Éric Fonteneau. Country earth and sky. Fusain et pierre noire sur papier. 200 x 260 cm 1987 Collection Philippe et Régine Besnier, Paris. Dessin réalisé à partir d’une photographie de angel adams, parue dans l’ouvrage Landscape as photograph. Le dessin représente une vue d’un paysage de pierres et rochers du Nevada. Des inscriptions sur la surface inscrit le dessin dans un esprit technique de relevé (topographie, cartographie, frottage du réel) et non dans un seul souci de représentation. • Éric Fonteneau. Colorado. Tirage rehaussé. encre et graphite sur papier arches. 56 cm x 76 cm 2012. • Éric Fonteneau. Arizona. Tirage rehaussé. encre et graphite sur papier arches. 56 cm x 76 cm 2012. Ce sont des planches tirées et retouchées sur papier arches à partir de motifs paysagés du sud-ouest américain préalablement dessinés. elles font partie d’un ensemble regroupé sous le nom d’album américain.
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• Peintures navajos : 7 peintures : 16,4 cm x 13,8 cm ; 13,7 cm x 18,9 cm ; 15 cm x 15 cm. Collection Dominique Rabourdin, Paris • Poupées kachinas. 26,8 cm x 14, 5 cm ; 20,5 cm x 7, 6 cm ; 25,5 cm x 5,8 cm ; 28,7 cm x 8,5 cm. Collection Dominique Rabourdin, Paris • Hemis Kachina. ancienne collection Jacques Lacan. 40 cm x 13 cm. Collection alain Le Provost, Nantes. • Angak’china(« Kachina aux longs cheveux » Kachina. 25 cm x 10 cm. Collection alain Le Provost, Nantes. • Petite Kachina « berceau ». 6 cm x 4 cm. Collection alain Le Provost, Nantes. • Map of the territory of New Mexico, 1846-1847. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ci13]. • aby Warburg. Le rituel du serpent. introduction par Joseph L. Koener. Éditions macula. SaintJean-de-Braye, 2003. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [169274] • Danseurs katcinas ; Porteuse d’eau de Laguna. Photographies d’aby Warburg réalisées lors de son séjour chez les indiens hopis. 1895-1896. Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres (Reproductions). • Aby Warburg avec un indien. Portrait réalisé lors de son séjour chez les indiens hopis. 1895-1896. Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres (Reproduction). issu d’une riche famille de banquiers, aby Warburg (1866-1929) étudie l’histoire de l’art à laquelle il consacrera sa vie. ouvert à de nombreuses approches (philosophie, anthropologie, histoire de l’art, psychologie), il est tenu pour fondateur de l’iconologie une nouvelle méthode d’analyse qui consiste, selon l’auteur, à « opérer une décomposition [de l’Œuvre] qui en fera apparaître clairement l’hétérogénéité matérielle ou essentielle ». en 1895-1896, au cours d’un voyage aux États-unis, aby Warburg se rend dans le Sud-ouest dans les villages pueblos, où résident les indiens hopis. il observe, dessine et photographie les rituels indiens. La conférence prononcée en 1923, connue sous le titre le rituel du serpent, était à l’origine une conférence intitulée Images du territoire des pueblos en Amérique du Nord, grâce à laquelle son auteur entendait prouver son intégrité mentale. Ressurgissent tous les détails du voyage américain : danses, sanctuaires, parures, gestes, habitats, dessins, rencontres ; mais aussi la chaîne d’associations qui, sur le thème ambivalent du serpent, n’a cessé d’entraîner Warburg d’une Antiquité millénaire jusqu’aux pratiques cérémonielles des « primitifs ». (Joseph Koerner)
Page de droite : Porteuse d’eau de Laguna. Photographie d’aby Warburg, 1895-1896. Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres
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Page précédente : Éric Fonteneau. La Bibliothèque. Pierre noire sur papier, bois, montage électrique. Présentation à la galerie Paula anglim. 2000. À droite: détail.
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Map of the territory of New Mexico, 1846-1847. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ci13].
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Page précédente : Éric Fonteneau. Country earth and sky. Fusain et pierre noire sur papier. 200 x 260 cm 1987. Collection Philippe et Régine Besnier, Paris. À droite : Hemis Kachina. ancienne collection Jacques Lacan. 40 cm x 13 cm. Collection alain Le Provost, Nantes.
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Peinture navajo : 13,8 cm x 18,9 cm Collection Dominique Rabourdin, Paris
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Peinture navajo, 15 cm x 15 cm. Collection Dominique Rabourdin, Paris
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
miNÉRaux
Les Chemins de Radegonde Éditions Tarabuste, 2011.
1/ Couverture 2/ Photographie : Saint Benoît du Sault. 3/ Pierre de lytoceras. 4/ La Pierre Levée Poitiers : L’abbaye de Thèlème - Rabelais : fait ce que voudra. 5/ Critiques odile hunoult : La mare au Diable Paul Louis Rossi ne manifeste aucune nostalgie des temps anciens (au demeurant pas en reste de férocités), car il les incorpore tous à ses propres légendes. il met en connivence des similitudes et des fragments, de clocher en clocher, d’aliénor d’aquitaine à Violante d’aragon, de Radegonde (et de son ami Venance Fortuna, libertin, moine et poète) à Georges Sand… La quinzaine littéraire n° 1041, juillet 2011. 6/ Citation Les Royaumes Celtiques Venez à moi des collines de bruyères Venez des îles de la mer, o aigles à la vue perçante, Voici votre repas !
miNÉRaux • Paul Louis Rossi. Les chemins de Radegonde. Éditions Tarabuste. 2011.134 p. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [611844] «Paul Louis Rossi ne manifeste aucune nostalgie des temps anciens, car il les incorpore tous à ses propres légendes. il met en connivence des similitudes et des fragments, de clocher en clocher, d’aliénor d’aquitaine à Violante d’aragon de Radegonde à George Sand, entre les traces, la légende, le rêve – qui est légende de soi à soi – et les attestations de l’histoire. et plutôt que l’histoire, ses marges, non le déroulé d’événements qui donneraient un sens, mais des petits faits adossés aux mouvements intérieurs des êtres, c’est-à-dire ce qui naturellement est le plus vite emporté, comme la couleur des fleurs dans un herbier. il intrigue la curiosité de son lecteur, la détrompe et la dévie à plaisir (…). on voyage avec Rossi avec de continuelles ruptures de fils conducteurs, avec des dénivelés, des résurgences. Comme en archéologie, le livre est sous le signe du fragment. À l’image des bribes récoltés. À l’image des quatre fragments de tuile que Rossi réunit dans la cour du Prieuré de Saint-Benoit du Sault. À l’image des quatorze petites vignettes qui ouvrent chacun des chapitres. Ce sont des détails minuscules qui ainsi isolés, avec leurs manques, figurent des paysages abstraits et embrumés. Paysages intérieurs ». odile hunoult. « La mare au diable..» (Le magazine littéraire. Juillet 2011) • Éric Fonteneau. La Forêt. Fusain et pierre noire sur toile libre. 250 cm x 900 cm, 2012 • Éric Fonteneau. Fossile 1. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012. • Éric Fonteneau. Fossile 2. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012 « Le principe consiste à jouer avec de l’eau qui conduit le pigment vers son dépôt final à la lisière de la tâche. Ce travail est réalisé avec de gros pinceaux. Par la répétition de traits larges, j’essaie d’évoquer les stries, les veines que l’on voit souvent sur les fossiles ou dans leur bogue de calcaire ». • Éric Fonteneau. Atlas 7. encre sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1996. Tirage d’après une juxtaposition de 12 carnets contenant une carte de l’irlande, pays qu’évoque Paul Louis Rossi dans son ouvrage Les Chemins de Radegonde. L’image montre les carnets ouverts, mais si on tourne virtuellement les pages des carnets, on découvre des fragments de cartes différentes. • Éric Fonteneau. Algues. 56 cm x 76 cm. encre et retouches. Tirage sur papier arches. 56 x 76 cm, 2012.
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Planches représentant de véritables algues tirées d’un alguier. « Les réseaux naturels des algues ont été remplacés par des réseaux cartographiques et des plans de ports, de villes. S’opposent ainsi deux mondes. D’une part le monde souple et presque aléatoire des algues, d’autre part celui du tracé méthodique des hommes. Nature et culture ont en commun ici la prolifération inquiétante de leurs réseaux ». • Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île d’Yeu. Piquage à l’aiguille sur papier arches 56 cm x 76 cm 2006. • Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île de la Mangue. Piquage à l’aiguille sur papier arches 56 x 76 cm 2009. « Ces cartes sont tirées d’un Atlas blanc que je réalise depuis plus de 10 ans. Aimant beaucoup voyager mais ne pouvant toujours le faire, je parcours le monde depuis mon atelier. J’utilise de fines aiguilles et tel un acupuncteur je pénètre la peau du papier. Cette action répétée est comme une longue marche le long des fleuves, des failles de montagnes ou des veines de terrain. Le piquage transforme l’aspect du papier qui se gaufre et imite la topographie, la géographie physique de la région parcourue » • Éric Fonteneau. La forêt. Fusain et pierre noire sur toile « libre ». 250 cm x 900 cm, 2012. installation obtenue à partir de frottages de végétaux (branches, feuilles, pommes de pin etc.). Sur ces frottages viennent se poser des branches de différentes natures ainsi que des brindilles. L’ensemble constitue une « installation » murale qui évoque la lisière d’une forêt. • elisa Breton. Os de seiche sculpté. ancienne collection Nicole et José Pierre. Collection Dominique Rabourdin, Paris • Liasse de l’herbier Pesneau. 46 cm x 30 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes mhNm.B.1131.2 • Boîtes d’herbiers Pesneau. Bois. 52 cm x 35 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes. Jean-Baptiste Pesneau (1775-1846), est un riche propriétaire nantais qui se passionne pour l’entomologie et la botanique. en 1837 il publie le catalogue des plantes de Loire Inférieure. en 1846, le muséum de Nantes reçoit par legs ses collections d’insectes, son grainetier et son herbier. L’herbier est constitué de 78 caisses dont 12 renferment les plantes prélevées dans le département qui ont servi à publier le catalogue. • Vingt liasses de l’herbier Toussaints. 46 cm x 34 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes mhNm.B. 10635. L’herbier constitué par Gustave Toussaints (1801-1863) est consacré à la flore générale principalement de France et d’europe. il contient plus de 12000 échantillons répartis parmi les phanérogames, cryptogames, algues, lichens et champignons. Cet herbier fait partie du fonds Édouard Dufour (directeur du muséum de 1869 à 1882) acquis par la Ville de Nantes le 30 mars 1883.
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• Planche d’herbier Immortelle des dunes helighysum stoechas. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes. mhNN.B.1131.2.108. • Ensemble de minéraux : pyrites, pyrites avec quartz, quartz hématoïde, quartz hyalin, quartz hyalin et rosé, quartz rose. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes. • Ensemble de lytocéras fimbriatum. Collection particulière. • Essai sur la topographie géognostique du département du Calvados, par De Caumont. Caen, 1828. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [13391]. • Dr Viaud-Grand-marais. Guide du voyageur à l’île d’Yeu. Nantes, 1897. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [74363]. • Tableau théorique de la succession et de la disposition la plus générale en Europe des terrains et roches qui composent l’écorce de la Terre. 1829. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Co1]. • La province du Berry. La généralité de Bourges. Les départements de l’Indre et du Cher. 1781. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ca 10]. • hugh algernon Weddell. Excursion lichénologique dans l’île d’Yeu, sur la côte de Vendée. in mémoires de la société des sciences naturelles de Cherbourg. Tome xix. 1875. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.
Pages suivantes : Éric Fonteneau. La Forêt. Fusain, pierre noire, encre sur textile, branches et pommes de pin, 1996
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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes. Photographie de Christian Leray, 1985. Page de gauche : Carte de France divisée en XXXI départements militaires et en ses provinces. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [39745]
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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes. Photographie de Christian Leray, 1985. Page de droite : La province du Berry, la généralité de Bourges, les départements de l’Indre et du cher, 1781. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [Ca 10]
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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes. Photographie de Christian Leray, 1985. Page de gauche : Carte de France divisée en XXXI départements militaires et en ses provinces. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [39745]
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Ci-dessus : Dr Viaud-Grand-marais. Guide du voyageur à l’île d’Yeu. Nantes, 1897. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [74363]. Page de gauche : Paul Louis Rossi, Année 1967. Carnet autographe.
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Pages précédentes : Éric Fonteneau. Algues. encre et retouches. Tirage sur papier arches, 56 cm x 76 cm, 2012. Tirage à partir de l’œuvre conservée dans les collections du Fonds régional d’art contemporain de Basse Normandie. Page de droite : Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île d’Yeu. Piquage à l’aiguille sur papier arches, 56 cm x 76 cm, 2006.
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Page de droite : Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île de la Mangue. Piquage à l’aiguille sur papier arches, 56 cm x 76 cm, 2009. Double page suivante : Éric Fonteneau. Atlas 7. encre sur papier arches, 56 cm x 76 cm, 1996.
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Liasses d’herbier Pesneau, 46 cm x 34 cm et boîte d’herbier Pesneau, 52 cm x 35 cm Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.
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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Fossile 1. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012. Pages précédentes : Carte marine Kyo Ga Misaki au détroit de Shimonoseki. D’après les cartes japonaises de 1879 à 1898. Collection Éric Fonteneau
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Éric Fonteneau. Fossile 2. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012
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Ensemble de lytocÊras fimbriatum. Collection particulière.
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Ensemble de minéraux : pyrites, pyrites sur plaque de schiste, avec quartz, quartz hématoïde, quartz hyalin, quartz hyalin et rosé, quartz rose. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes Page de droite : Pyrite avec quartz, Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
BoTaNique Le Pont Suspendu Éditions Virgile 2012. 1/ Couverture 2/ Photographie Japon. 3/ Jean-michel meurice : Le Catalogue de l’exposition Ipomées, Arethusas et Cyclamens, maison des arts de Bages, 2010. 4/ Penser Couleur pure : éditions Le temps qu’il fait, juin 2006. 5/ Les algues. 6/ Le Théâtre Nô : fragment manuscrit. Troisième tableau : Le Chœur : Les Larmes avaient taché les bambous la Dame de Wou-chan Crète des monts n’était qu’une nuèe du matin… 7/ Penser algernon Weddell : Les lécanores - citation du Guide du Voyageur à l’île d’Yeu, 1967. Voir Le Fauteuil rouge, page 88.
BoTaNique
• Paul Louis Rossi. Les variations légendaires : chroniques. Éditions Flammarion. 2012. 243 p. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [P RoS litt] L’histoire des Variations légendaires est plus simple. Depuis des années, Yves di Manno me demandait de publier mes articles critiques, à partir des origines. Je résistais beaucoup car il me semblait que les polémiques d’antan concernant l’esthétique et l’histoire des idées, la critique du Réalisme social, n’avaient plus de sens aujourd’hui. Du moins on le croit. J’ai donc décidé de constituer un ensemble commençant par des articles contemporains. Puis d’évoquer ceux de la période tourmentée, autour de 1968. Pour terminer enfin par ceux qui évoquent l’art de la peinture, des mythologies et de la philosophie, afin d’éclairer la nature de la sensation esthétique. On y trouve un Supplément au Voyage de Sainte Ursule, Novalis et Kant, ainsi qu’une relation de Jules Verne et du Docteur Faustroll d’Alfred Jarry. À la vérité, j’avais sans doute l’ambition de construire une Esthétique. Mais chacun sait qu’une vie entière ne peut suffire à cette entreprise. Il faut lire ces pages comme une tentative de mise en ordre et en relation des sensations et des concepts, avec des exemples qui nourrissent les émotions et les choix dans ce domaine si singulier de l’Art. Je pense qu’une partie de l’art contemporain est dans l’illusion ou la souffrance. J’espère que l’on trouvera dans mon ouvrage non des consolations, mais quelques idées et propositions susceptibles de calmer les esprits. C’est pourquoi l’ouvrage se termine par une étude dédiée au peintre Jean-Michel Meurice, avec une allusion au théâtre Nô japonais, intitulée : « Le Pont suspendu ». • Paul Louis Rossi. Idéogramme en prose pour Jean-Michel Meurice. Cahier manuscrit. (Reproductions). • Jean-michel meurice. Belles de nuit 6. acrylique sur nylon. 190 cm x 180 cm, 2011. • Jean-michel meurice. Lierre et feuilles. acrylique et pastel sur papier. 46 cm x 40 cm, 2008 • Jean-michel meurice. Ipomée 1. acrylique et crayon sur papier. 40 cm x 46 cm, 2006 • Jean-michel meurice. Ipomée 4. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004 • Jean-michel meurice. Ipomée 5. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2006 • Jean-michel meurice. Ipomée 7. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004 • Jean-michel meurice. Solanée 1. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008. • Jean-michel meurice. Solanée 2. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008 • Jean-michel meurice. Solanée 3. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008 • Jean-michel meurice. Dispacacée 2. acrylique, pastel et crayon sur papier. 40 cm x 50 cm, 2010.
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• Estampe japonaise. encre sur papier. 34 cm x 24 cm. Collection particulière. • Carte marine Kyo Ga au détroit de Shimonoseki. D’après les cartes japonaises levées de 1879 à 1898. Collection Éric Fonteneau. • mathia Lobello. Icones Stirpium seu plantarutam exoticarum quam indigerum,… cum septem linguarum indicibus.1591. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [13713].
Page de droite : Estampe japonaise. encre sur papier. 34 cm x 24 cm. Collection particulière.
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Paul Louis Rossi, AnnĂŠe 1957. Carnet autographe.
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Paul Louis Rossi, AnnĂŠe 1957. Carnet autographe.
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Ci-dessus : Buchoz. Dons merveilleux de la nature. Paris 1779-1783 Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [13718] Page de droite : e. Decourtilz. Flore pittoresque et médicale des Antilles, 1824-1829. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [13846]
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Jean-michel meurice. IpomĂŠe 4. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004
Paul Louis Rossi
Soldanelles
Nous étions un soir à Paris avec Jean-michel meurice, rue Notre-Dame des Champs, et nous parlions de son utilisation des végétaux. Je remarquai que Jeanmichel conservait entre les pages des livres des feuilles séchées, quelques plantes, et des pétales de fleurs. Nous devions composer ensemble une dizaine de pages pour une collection de manuscrits illustrés. C’est alors qu’il me proposa d’écrire un texte à partir du mot Ipomée. Je suis nominaliste et j’aimais bien le mot, mais à ma consternation, je m’aperçus que je n’avais aucune idée du végétal qu’il représentait. Toutefois, à peine revenu chez moi, j’en trouvai facilement le sens et dans les jours suivants j’en fis une litanie que j’apportai au peintre. J’en recopie le début : Ipomea – fruit capsulaire – Jalap officinal – patate douce – ipomea batatas – volubilis variabilis – convolvulacée – turbith turpethum – Jalapa localitè du Mexique – Xulapa – Ciudad de las flores – le Jalap entre dans la composition de l’eau de vie allemande – Belles de nuit – liseron petit lys comparé à la grande fleur blanche du convolvulus sepium – feuilles sagittées ou cordiformes – Ipomea purpurea – liseron pourpre – feuilles à oreillettes obtuses – pédoncules glabres sans bractées dans le milieu – liseron des haies – suepes – convolvulus arvensis – petite vrillée ou clochette des blés – feuilles réniformes – convolvulus maritimes – convovulus tricolor – fleur d’un bleu superbe blanche au milieu jaune à la gorge – remplie d’un sucre laiteux et amer – convolvulus soldanellea – Soldanelle – liseron du Portugal – Belles de jour. Le mot lui-même, générique de convolvulacées est une sorte de miracle linguistique car il conduit à l’arabesque, l’enlacement et même à la convulsion. il eût fallu ajouter la liste d’une collection d’ipomées japonaises trouvée au Jardin botanique, dont j’égarai heureusement la copie. La surprise, au bout de l’histoire, venait de ces premiers jours d’automne, à
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Bages, dans la Narbonnaise, alors que je découvrais soudain les dernières créations du peintre. C’était imprévu et presque miraculeux, car il avait repris, développé et dirais-je sublimé cette préoccupation du végétal et des ipomées. Je me trouvais dans l’atelier, au-dessus des étangs, en face de compositions réalisées sur toile souple de différentes couleurs, grises et bleues, roses ou vertes, jaunes, avec quelquefois des verticales justement qui indiquaient la direction du regard et du travail. et cette forme du liseron ou de la petite vrillée, blanche, qui semblait se déployer et s’élever peu à peu vers les nuages et le ciel. Nous avions un buisson de Belles de nuit – rouge vif – au seuil de la maison, sur la rue. elles se refermaient dès le premier matin pour ne s’ouvrir qu’à la brune. on les appelait aussi mirabilis jalapa, merveilleuses Belles de nuit. mais dans le jour de l’atelier, cette forme dessinée blanche qui s’élevait vers les cimes comme une étoffe légère, un linge blanc, enroulée sur elle-même et se déployant à la mesure comme un esprit qui s’évade de la terre et de la matière, avec parfois des écritures et des variations colorées, ces compositions du peintre me reconduisaient au temps des découvertes. alors que je ne soupçonnais pas encore où nous mènerait cette identification à l’esprit du végétal et de la terre. De cet atelier du peintre, on pouvait comprendre que les étendues d’îles, d’eaux et de marécages, épousaient les rivages d’un ancien golfe marin, autrefois peuple de cités lacustres, avec des petits ports où accostaient les radeaux, les vaisseaux grecs et les galères romaines. Puis la mer s’en est allée, et les navires avec elle, mais l’on croisait encore des pontons et des digues écroulées, des salines abandonnées, et dans les campagnes, parmi les vignes, on pouvait encore trouver des morceaux de poteries et des fragments de céramiques qui attestaient du commerce des anciennes civilisations. Cependant mon propos n’est pas de décrire un paysage, mais plutôt de découvrir dans l’air ce que j’appelle l’esprit du Lieu, c’est à dire une quintessence, sorte d’emblème ou de signe qui contiendrait à lui seul l’ensemble des données visuelles, morales, et physiques d’un espace donné. mon propos n’était pas de réaliser un inventaire, mais de montrer que notre séjour nous conduisait justement vers d’autres horizons, vers de l’ailleurs, pour tout dire. À Bages, en cette année, j’ai commencé de situer dans le temps, le paysage et l’histoire les maîtres excentriques de la peinture chinoise. Peintres de l’empire du milieu, individualistes, aristocrates ou rebelles, depuis toujours qui vivaient à l’écart du monde auprès des lacs et des montagnes, au bord de l’océan et des mers orientales, et qui traçaient à l’encre noire, avec parfois des couleurs, de
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Jean-michel meurice. Dessin, 2006
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grands pins tordus dans les rochers, avec des nappes d’aiguilles qui pendaient comme des lambeaux aux branches. qui peignaient comme Sin Wei des feuilles de vignes sous la lune. Comme Yun Shouping des fleurs fanées de lotus en automne. alors que Jin Nong peignait des fleurs grises de magnoliers dans la brume d’été. et Li Shan des branches de néfliers avec leurs fruits jaunes piquetés de grains noirs. ils s’attachaient au détail de chaque ride de l’eau sur la mer, et méditaient seuls dans des barques amarrées près de la rive. ils dessinaient au crayon vert les bambous et leurs longues feuilles pointues. il n’était pas étonnant que je reconnusse leurs vertus dans une matinée embrumée des étangs, au bord des montagnes du Sud. il n’était pas étonnant que je reconnaisse leur vertu et que j’y trouve une analogie avec l’art et la pensée du peintre Jean-michel meurice, et ce rivage embrumé par une matinée au bord du rivage et si proche des montagnes.
Septembre 2009 extrait de l’ouvrage Jean-michel meuric, Ipomées, Arethuses et Cyclamens. maison des arts, Bages, 2010
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Jean-michel meurice. Belle de nuits 6, acrylique sur nylon. 190 cm x 180 cm, 2011
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
LiTTÉRaTuRe Visage des Nuits Éditions Flammarion, 2005. 1/ Couverture : dessin de Catherine marchadour. 2/ Photographie : Les îles Éoliennes. 3/ Les mézambrianthèmes : image de la plante. 4/ Critiques Éric Pessan : Vient de Paraître n° 35, janvier 2006. À l’inverse, donc, Paul Louis Rossi compile douze textes, altérant vers et proses, passant de Chateaubriand à la correspondance de Sade avec sa femme Renée Pélagie de monteuil, laissant la part belle à la musique, comme en témoignent ses Rimes et comptines ou ses très beaux vers nommés milongas et autres égratignures. 5/ Penser numéro de la revue Jules Verne, n° 27, 2008 : Jules Verne et le Docteur Faustroll. 6/ Citation Visages des Nuits : La terre tangue La terre tangue une barque étroite sous le signe de l’ourse odeur de l’aurone citronnelle herbe chaste aimée d’artèmis Goût de l’absinthe très amère sur ma bouche privée de douceur.
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LiTTÉRaTuRe • Paul Louis Rossi. Visage des nuits. Éditions Flammarion. 2005. « Les douze séquences lumineuses de Visage des nuits nous délivrent des ornières du temps, grâce à Rossi, le brouilleur de cartes. Nous passons des cornouillers de notre jardin, de ses seringuas à Burberry, aux boutons de la redingote de Bach, nous passons de notre envie d’écrire au bord du vide, à ces brindilles, fétus, petits morceux de bois ou de paille, nous passons au magicien des petites choses, des herbes à andré Lambotte (…). Son cahier rouge nous livre des notes de voyages, de navigation, de l’angoisse et une possible espérance. Non loin nous retrouvons dans un merveilleux tourbillon, Borges, Sade, et le Stromboli et quelques nouveaux poèmes-énigmatiques à moimême. Le voilier quand il s’efface/ Il ne veut pas revenir/*/Croix de fer croix de bois/ Trois cent chats à l’étroit. Comptines, jeux de mots, rimes et un navire qui s’en va/avec ma dernière plainte, écrit Paul Louis Rossi entre les mains des artisans. (Gaspard hons. Le mensuel littéraire et poétique, n° 336) • Paul Louis Rossi. Année 1995. Carnet autographe. • Éric Fonteneau. Souffleur. maquette papier, bois, peinture. 8 cm x 8 cm x 38 cm, 1985. maquette tridimensionnelle. Le visage profilé est tiré d’une figure allégorique du vent, très souvent utilisée dans la cartographie maritime ancienne. Le visage semble souffler dans le module géométrique relié à lui par la bouche. Le module paraît gonflé par le souffle du souffleur • Éric Fonteneau. Anges souffleurs. encre sur papier. 56 cm x 76 cm, 1985. il s’agit de deux figures d’ange, qui se font face. Ce sont des allégories du vent, utilisées dans les planches cartographiques des portulans • Éric Fonteneau. Lave. Dessin. Pigment eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012. Représentation d’un bloc de lave. Travaillé en contraste fort de noir et blanc ce dessin évoque le noir d’un bloc de lave et le blanc celui de la cendre froide. • Éric Fonteneau. Traversée. encre et retouches sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1996. Réalisé à partir d’un dessin montrant le parcours d’un voyageur en 9 stations, entre les côtes d’une île et d’une autre île. Le titre « Traversée » suggère l’action d’un voyageur sans pour cela l’illustrer. • Élisée Reclus. Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes. Europe méridionale. Paris, librairie hachette, 1876. 1 000 pages. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [70103]. • Carte des îles éoliennes : Lipari, Panarea, Salina, Stromoboli, Vulcano. Carte topographique Freytag & Berndt. echelle 1 : 20 000. 125 cm x 97 cm, 2004. • Jean Randier. L’instrument de marine. CeLiV, 1990.
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Éric Fonteneau. Souffleur. maquette papier, bois, peinture. 8 cm x 8 cm x 38 cm 1985.
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Carte marine extraite de l’ouvrage Cartes marines des côtes de la Méditerranée par michelot et (henri) Brémond, 1715-1718. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [19813]. Détail. Carte intégrale pages 136-137.
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Paul Louis Rossi. AnnĂŠe 1995. Carnet autographe.
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
PhoToGRaPhieS Regards Croisés Édition Fata morgana, 2005. 1/ Couverture 2/ Photographies Pablo Volta : mandiargues et Bona – Blaise Cendrars et Raymone - Pierre Klossovski et Denise : choisir. 3/ image du Carnaval mamoiada en Sardaigne. 4/ L’Édit de Nantes. Voir gravures. 5/ extrait Regards Croisés : Denise Roberte morin Sinclaire était née à Nantes, dans l’ancienne rue isaac Newton. il est étrange de n’y avoir pas songé auparavant : La Révocation de l’edit de Nantes pourrait révéler une liaison – même inconsciente – avec cette mystérieuse rue Newton, proche de la rue Descartes qui conduit à la place de L’Édit du roi henri iV... 6/ Blaise Cendrars : Kodak maison Japonaise Tiges de bambou Légères planches Papier tendu sur des châssis il n’existe aucun moyen de chauffage sérieux
PhoToGRaPhieS • Regards croisés. Textes de Paul Louis Rossi. Photographies Pablo Volta. Éditions Fata morgana, 2005. 30 exemplaires sur arches. Trois photographies de Pablo Volta signées. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [404628R] L’ouvrage réunit trois portraits des couples Cendrars, Klossowski et Pieyre de mandiargues. PaulLouis Rossi commente chacune des trois photographies. Né en 1926 à Buenos-aires, d’un père toscan, grand reporter et collectionneur renommé, Pablo Volta prend le maquis en 1944 et participe à la Résistance italienne jusquà la fin de la seconde guerre mondiale. en 1949, à Berlin, il suit un cours de photographie de l’armée d’occupation américaine. en 1952, il est parmi les cinq membres fondateurs de la première coopérative photographique italienne, i Fotografi associati, et collabore avec des photos et des articles à plusieurs organes de presse. en 1957 il retourne en Sardaigne pour un reportage sur le Carnaval de mamoïada. Cette même année il s'établit à Paris. il prend part à la vie culturelle de l’époque et photographie des écrivains et des artistes parmi lesquels : Louis aragon, emmanuel Berl, andré Breton, Blaise Cendrars, René Char, marguerite Duras, Laurence Durrell, ilia ehrenbourg, eugène ionesco, Pierre Klossowski, Ghérasim Luca, Pierre mac orlan, andré Pieyre de mandiargues, François mauriac, Pierre Reverdy, Françoise Sagan, andré Salmon, Tristan Tzara, Giuseppe ungaretti, Boris vian. Karel appel, Jean-hans arp, Victor Brauner, Camille Bryen, alexander Calder, marc Chagall, Salvador Dali, Jean Dubuffet, marcel Duchamp, Léonard Foujita, Jacques hérold, marie Laurencin, Le Corbusier, alberto magnelli, man Ray, Joan mirô, Pierre molinier, Paul Rebeyrolle, Clovis Trouille. Par ailleurs, dès le début des années cinquante, Pablo Volta découvre la Sardaigne, alors encore vierge de tout contact avec la société de consommation. Le premier, il photographie rituels et traditions, aujourdhui disparus. en 1987, il s’installe dans le village sarde de San Sperate pour y vivre jusqu’à sa mort en 2011. • Éric Fonteneau. Sardaigne. Carte blanche. Piquage à l’aiguille sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012. • Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessins au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes. Photographies de Christian Leray, tirées sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1985. « La chambre des cartes » est un travail in situ réalisé à Nantes. Il s’agit de faire jouer l’aspect irrégulier, aléatoire, d’un support avec le dessin de cartes de géographie marine ou d’état major ou topographiques ». Les interventions in situ ont eu lieu entre les rue Cassini, Copernic, Descartes et le quai de la Fosse à Nantes, en fonction des sites disponibles
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Pablo Volta, Raymone et Blaise Cendrars
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Pablo Volta, Denise et Pierre Klossovski
Pablo Volta, Bona et AndrĂŠ Pieyre de Mandiargues
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
hiSToiRe Le Buisson de Datura Éditions joca seria, 2006. 1/ Couverture 2/ Photographie – inscription de La maison des pendus, voir jardin des plantes : Intellige priusquam discutias - tu dois comprendre avant de juger. 3/ Couverture Régine Voir : Un chien en hiver : J’espère que je ne ricanai pas avec mes camarades. L’étrange est que loin de partager le rire de mes compagnons et la désapprobation de l’instituteur, je trouvais extraordinaire la description et pathétique l’image finale de ce chien en hiver qui courait seul dans la ville pétrifiée par le gel. et même le style un peu maladroit dans la copie de l’élève disgracié m’avait intrigué. elle me paraissait inventive, dans l’expression et le traitement du langage, et susceptible de rompre avec la niaiserie de souhaits et des représentations de la fin d’année. 4/ Critiques : Gaspard hons L’auteur de ces récits est un poète botaniste, le poète des inventaires, proche des dieux et des déesses, des histoires imaginaires et des fictions réelles, des jeunes femmes rêvées, des villa abandonnées, des parfums délicats et piquants… Le mensuel littéraire et poétique, n° 343, Bruxelles. 5/ Les serres du Grand Blottereau : penser photographies Denis Dailleux catalogue 1997, Romainville.
hiSToiRe • Paul Louis Rossi. Le Buisson de Datura. Éditions Joca Seria. 2006. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [611843] «il se dégage des proses oniriques de Paul Louis Rossi un charme indéfinissable et extrêmement prenant. Rien n’y est verrouillé comme dans les récits bien construits de la plupart des recueils de nouvelles. Des personnages apparaissent, qu’on ne nous a pas présentés et qui nous quitteront après quelques lignes, en nous laissant le regret de ne pouvoir les suivre. Des chemins qui semblent mener quelque part sont soudain délaissés pour une toute autre destination. Des plantes et des gravures conversent en d’étranges dialogues dont la pelote, souvent, reste dévidée, semblant, si l’on ose dire, avoir perdu son fil. Des énigmes, seulement à moitié résolues, hantent le récit et les préoccupations de ceux qui le mènent, et laissent en nous un étrange souci. mais tout cela, au lieu d’être frustrant, a quelque chose de ces peintures chinoises où c’est dans le vide qu’il faut chercher la vérité du paysage. on est là comme devant un sac de voyage éventré qui révèlerait des photos, des cartes, des boussoles, dont on ne peut espérer qu’elles nous content leur histoire, et qui ne sont, en fait, que des invitations à prendre à notre tour la route, le bateau ; pousser cette porte. » (Gérard Lambert-ulmann. 2009. Librairie Voix au chapitre. Saint-Nazaire) • Paul Louis Rossi. Le Buisson de Datura. manuscrits de travail. • Paul Louis Rossi. 1956-1957. Carnet autographe. • Éric Fonteneau. Abbaye de Fontevraud : gisants. Photographie, 2012. • Événements d’Algérie, Événements de Budapest, octobre-novembre 1956. Paris-Match. N° 395. Samedi 3 novembre 1956. (Reproduction)
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Éric Fonteneau, Abbaye de Fontevraud, gisants.
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Paul Louis Rossi, AnnĂŠe 1957. Carnet autographe.
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Paul Louis Rossi, AnnĂŠe 1956. Carnet autographe.
Page de droite : ÉvÊnements de Budapest. Veuve Rajk et son fils. Paris-March, Samedi 3 novembre 1956.
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Page de droite Événements d’Algérie. Paris-March, Samedi 3 novembre 1956.
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
GRaVuReS Vies d’Albrecht Altdorfer Éditions Bayard, 2009. 1/ Couverture 2/ Critiques odile hunoult : L’art et l’histoire Les personnages, ce sont les peintres, altdorfer bien sûr, Dürer, Cranach, Grünewald, Lucas de Leyde, le graveur urs Graf, d’autres encore. Puis des princes, leurs protecteurs, dont ils font les portraits, essentiellement l’empereur maximilien, mort en 1519 et Frédéric le Sage, mort en 1525. Puis les prophètes et prédicateurs – la chrétienté bouillonne sur le feu de la Réforme, des illuminés prêchent l’égalité évangélique ici et maintenant… La Quinzaine littéraire n° 1004, décembre 2009. 3/Gravures Jacques Clauzel : Les quatre Éléments, neuf exemplaires manuscrits, édition Rencontres, choisir une gravure du peintre. michel Roncerel et Jacques Clair : Feuilles détachées, octobre 2009. Bertrand Bracaval : Masques, Éditions Le Pré Nian, 2011. 4/Feuilles détachées des prisons voir photographies Fontevrault et manuscrit. 5/Citation il nous semblait entendre le pas feutré des gardiens dans les couloirs alors qu’ils avançaient en tapinois – comme s’ils eussent porté à la place de leurs gros souliers des patins de laines ou des chaussons à semelles épaisses et qu’à cet instant de leur vigilance nocturne ils glissaient sur un parquet ciré dans les corridors, les dépendances et les greniers.
GRaVuReS • Paul Louis Rossi. Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube. Éditions Bayard. 2009, 186 p. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [611624] en fait, le sujet du livre n’est pas altdorfer, mais son Œuvre, baroque, violente, mystérieuse. et non pas éclaircir mais entrer dans son mystère, « l’histoire tragique du passage d’un siècle à l’autre », et passer au-delà de l’écran des apparences pour découvrir cette histoire, non telle qu’elle se récite dans les manuels et les oraisons, mais comme une chronique secrète enfouie à l’ombre des faits prestigieux, des batailles célèbres et des couronnements, comme le tissu silencieux des jours caché par l’illusion de la représentation ». Chaque chapitre appelle un personnage, avec son destin, ses entours, chaque personnage appelle les autres. Paul Louis Rossi brosse l’un, le laisse, le reprend pour pousser plus loin, mettre les détails, ajouter les ombres, les échos. Peu à peu, le tableau se remplit, toutes ses parties se répondent. au final la toile est pleine, grouillante, obscure… à l’image de la bataille d’issos vue par altdorfer. Les personnages, ce sont les peintres, altdorfer bien sûr, et ses contemporains, Dürer, qui s’échappe vers l’italie et sa clarté, Cranach, Grünewald, Lucas de Leyde, le graveur urs Graf, d’autres encore. odile hunoult. « L’art et l’histoire ». (Le magazine littéraire, décembre 2009, n° 1004) • Paul Louis Rossi. Carnets manuscrits. • Paul Louis Rossi, Bracaval. Masques. 4 eaux-fortes de Bracaval, 29 cm x 26 cm, sur arches 300 gr. composé à la main en Vendôme Corps 16, couverture en papier du moulin de Larroque, 2011, 35 ex., plus 10 hors commerce numérotés et signés. exemplaire n° 10 numéroté et signé. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [404657R]. • Paul Louis Rossi, Renaud allirand. Des images et des ombres. Livre d’artiste. Textes de Paul Louis Rossi, gravures de Renaud allirand. 19,5 cm x 28,5 cm. Éditions Tandem. 2010. Tirage à 30 exemplaires signés et numérotés par les auteurs. exemplaire n° 28. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [404661R] L’ouvrage Des mirages et des ombres est né d’une rencontre et d’un dialogue entre Paul Louis Rossi et Renaud allirand, artiste plasticien vivant et travaillant à Paris. Comme autant de sentences, de haïkus, les mots poétiques de Paul Louis Rossi répondent aux deux estampes-eau-forte pour la première et eau-forte et pointe sèche pour la seconde- de Renaud allirand, placées en ouverture et conclusion du texte (Gilles Kraemer. Arts et métiers du livre n° 286) • Renaud allirand. Pointe sèche sur cuivre acéré. 49,4 cm x 39,9 cm, 2003. • Renaud allirand. eau forte et pointe sèche sur zinc. 34,7 cm x 25 cm, 2010.
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• Renaud allirand. XX. eau forte et pointe sèche sur cuivre. 50 x 39,6 cm, 2011. • Renaud allirand. Obliques II. eau forte et pointe sèche sur zinc. 49,5 cm x 59,8 cm, 2007. • Renaud allirand. Écriture. Pointe sèche sur cuivre. 49,9 cm x 39,8 cm, 2011. • Renaud allirand. Page III. Pointe sèche sur cuivre. 50 cm x 39,9 cm, 2011. • Renaud allirand. Pont de Normandie. 49,5 cm x 39,8 cm, 2007. • Renaud allirand. Intérieur II. eau forte et pointe sèche sur cuivre en noir et bleu. 50 cm x 39,6 cm, 2011. « La gravure m’a toujours fasciné, j’ai attendu longtemps pour acheter une plaque de cuivre, 10 ans exactement. 10 ans de peinture, d’encres de Chine, 10 ans de travail sans une parole * et un jour, j’ai eu envie, besoin urgent de m’exprimer autrement, je voulais écrire, mais comment ? Avec des mots, bien sûr, mais je ne souhaitais pas que ces mots soient lus, par quiconque, ni même par moi un jour. Je voulais des mots intimes mais éphémères. La gravure m’est alors apparue comme l’unique moyen, écrire à l’endroit puis à l’envers, avec la précision des mots les plus vrais et de la pointe sèche, écrire et réécrire sur ces propres paroles, délier mes peurs, chercher certaines vérités. Et ces « écritures » sont devenues des pages illisibles le plus souvent, presque abstraites, une sorte de nouvelle écriture ou de la première écriture peut-être, sans frontières où chacun peut imaginer une page de ses propres mots, de sa propre existence, terrestre ou d’ailleurs. Grâce à ces « écritures », le chemin de la gravure m’était ouvert, et ma peinture est entrée dans la gravure, avec des lignes horizontales et verticales, pas de couleurs, une architecture à la recherche de la lumière. Des paysages toujours imaginaires, la lumière du nord, une fenêtre, un passage, des lignes qui se croisent tels « les haubans » des dernières gravures, recherche des tensions qui maintiennent debout, constructions et reconstructions. Écrire un mot ou tracer une ligne, l’idée reste la même : se libérer. Pleins et déliés ou rectitudes, une partie de soi est gravée ». Renaud Allirand. 2006 « * extrait de mon livre- objet « Vivre » « enfant, j’étais persuadé que je ne possédais qu’une certaine quantité de mots à dire, pour la vie. Je les économisais au point de ne plus parler ou presque. » • albrecht Dürer. Melencolia 1. Burin, 1514. musée Dobrée. iNV. 896.1.107 (fac-similé) • albrecht Dürer Saint-Jérôme dans sa cellule. Burin, 1514. musée Dobrée. iNV. 896.1.117 (fac-similé) • albrecht Dürer. Les armoiries à la tête de mort. Burin, 1503. musée Dobrée. iNV. 896.1.3654 (fac-similé) • albrecht Dürer. La grande fortune, ou Nemesis. Burin, vers 1501-1502. musée Dobrée. iNV. 896.1.108 (fac-similé) • albrecht Dürer. La merveille de la mer. Burin, vers 1501. musée Dobrée. iNV. 896.1.145 (fac-similé) • albrecht Dürer. La vierge au macaque. Burin, vers 1498. musée Dobrée. iNV. 896.1.121 (fac-similé)
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• albrecht Dürer. Le songe du docteur. Burin, vers 1500. musée Dobrée. iNV. 896.1.3936 (fac-similé) • albrecht Dürer. La promenade. Burin, vers 1496-1497. musée Dobrée. iNV. 896.1.116 (fac-similé) • albrecht altdorfer. Départ pour le Sabbat. Paris, musée du Louvre. D.a.G. Vers 1506. h. 17,9 cm. L : 12,4 cm. Plume, encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier préparé rouge brique. en bas à gauche, de la main de l’artiste, à la plume et encre noire, monogramme et la date : 1506. iNV 18867. (Reproduction). • urs Graf Geisselung Christi, 1520. 18,8 cm x 20, 8 cm. Collection : Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett, iNV. u.x.98. (Reproduction). • Matériel de gravure : pointes sèches, burin, roulette, vernis, flambeaux à enfumer, poupées, plaques de cuivre et de zinc. Collections du musée de l’imprimerie de Nantes. • De la manière de graver à l’eau forte et au burin et de la gravure en manière noire. Avec la façon de construire les presses modernes et d’imprimer en taille-douce. Par abraham Bossé, graveur du roi. Paris, Charles-antoine Jombert, 1758. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [21692]. • Manuel du graveur ou traité complet de l’art de la gravure en tous genres. Par a.m. Perrot. Paris, librairie encyclopédique de Roret, 1830. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [21690].
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Matériel de gravure : pointes sèches, burin, roulette, vernis, flambeaux à enfumer, poupées, plaques de cuivre et de zinc. Collections du musée de l’imprimerie de Nantes.
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albrecht Dürer. Melencolia 1. Burin, 1514. musée Dobrée. iNV. 896.1.107
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albrecht Dürer Saint-Jérôme dans sa cellule. Burin 1514. musée Dobrée.inv 896.1.117
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Renaud allirand, Bois. eau forte sur cuivre, 2009
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Renaud allirand, eau forte sur zinc, 2011
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Renaud allirand, 7 juin. eau forte sur zinc, 2011
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Renaud allirand, Intérieur II. eau forte et pointe sèche sur cuivre en noir et bleu, 2011.
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Renaud allirand, Nuit d’octobre. eau forte sur zinc, 2010.
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Renaud allirand, Eau. eau et pointe sèche sur zinc, 2010
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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN
eSThÉTique
Les Démons de l’Analogie Éditions joca seria 2012 1/ Se référer au titre générique des Démons de l’Analogie Penser n° 8 d’Art absolument printemps 2004 : article pour artemisia Genteleschi et Nantes. 2/ Les Variations Légendaire, Éditions Flammarion, 2012. entretien avec Gérard Noiret, La Quinzaine littéraire. 3/ La Route du Sel Éditions Belin - Claire Combeau Penser adelbert von Chamisso : Voyage autour du Monde 1815-1818, Éd. le Sycomore, 1981. Photographie couverture. 4/ Le Fleuve atelier de Villemorge penser dessins de Jacky essirard
Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi, 1997
DomiNique RaBouRDiN
PoupĂŠe Kachina. 28,7 cm x 8,5 cm. Collection Dominique Rabourdin
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Dominique Rabourdin La pente de la rêverie
Digressions sur quelques objets bouleversants, la fréquentation des Katchina, le respect dû aux esprits et l’analogie universelle à elisa Breton « Je savais que les objets perdus vivent leur propre existence ». (Paul Louis Rossi, La Porteuse d’eau de Laguna).
avertissement mes références essentielles sont ici le surréalisme, et andré Breton, dont la pensée ne cesse de m’accompagner et dont les mots cognent continuellement à ma fenêtre. Puisque cette exposition est intitulée Un Monde analogique, et que l’analogie est au cœur du surréalisme, je voudrais que l’on me permette de mettre mes pas dans les traces des siens.
Les objets bouleversants J’ai pris l’habitude, le samedi matin, d’aller dans les brocantes et surtout au marché aux puces. Plus qu’une habitude, plus même qu’un simple goût, c’est un rite. Cela a commencé sans doute avec la lecture de Nadja, des Vases communi-
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cants et de l’Amour fou, les descriptions et les photographies d’objets extraordinaires « qui, entre la lassitude des uns et le désir des autres, vont rêver à la foire de la brocante ». ainsi au début de Nadja : « Comme un dimanche, avec un ami, je m’étais rendu au Marché aux puces de Saint-Ouen, (j’y suis souvent, en quête de ces objets qu’on ne trouve nulle part ailleurs, démodés, fragmentés, inutilisables, presque incompréhensibles, pervers enfin au sens où je l’entends et où je l’aime, comme par exemple cette sorte de demi-cylindre blanc irrégulier, verni, présentant des reliefs et des dépressions sans signification pour moi) ». impossible de l’oublier jamais, non plus que le Gant de bronze – Gant de femme aussi… – appartenant à Lise Deharme, qui plus tard a accepté de me le montrer. ainsi dans L’Amour fou, le masque de fer trouvé en compagnie de Giacometti, avec cette légende : le descendant très évolué du heaume - que Joë Bousquet devait reconnaître formellement comme « un de ceux qu’il eut à distribuer à sa compagnie en Argonne, un soir de boue de la guerre, à la veille de l’attaque où grand nombre de ses hommes devaient trouver la mort et lui-même être atteint à la colonne vertébrale de la balle qui l’immobiliserait ». La manière dont ce masque va devenir le « visage » du personnage féminin imaginé par alberto Giacometti pour sa sculpture, l’Objet invisible, que Breton tient d’emblée pour l’émanation du désir d’aimer et d’être aimé, relève de la poésie la plus haute, comme la rencontre de la cuillère au talon en forme de chaussure qui deviendra pour lui le soulier de Cendrillon. Dans cette « soif d’errer à la rencontre de tout, la trouvaille d’objets remplit ici rigoureusement le même office que le rêve, en ce sens qu’elle libère l’individu de scrupules affectifs paralysants, le réconforte et lui fait comprendre que l’obstacle qu’il pouvait croire insurmontable est franchi. » qu’on se souvienne de la définition du surréalisme dans le Manifeste, qu’il n’est pas inutile de rappeler, tant est galvaudé aujourd’hui le mot surréalisme : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit par écrit, soit de toute autre façon, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». C’est en n’attendant rien que de sa seule disponibilité et en gardant les yeux bien ouverts qu’il est possible de voir vraiment certains objets comme des signes poétiques dispersés sur notre parcours, de se maintenir « en communication mystérieuse avec les autres êtres disponibles, comme si nous étions appelés à nous réunir soudain.… » À une époque, que je me force à ne pas trouver si lointaine, où certains livres, les livres surréalistes en particulier, étaient à peu près introuvables, avant que ces purs marginaux que furent aragon, artaud, Breton, Char, eluard, Péret, Picabia, Prévert, queneau, Tzara, sans oublier allais, apollinaire, Bataille, Cros, Jarry, michaux, Nouveau, queneau, Reverdy et Roussel pendant que nous y sommes,
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aient leur Pléiade ou leurs Œuvres complètes, leur découverte était un prodige aussi inattendu que celle d’un de ces « objets bouleversants » qu’annonçait le numéro hors-série de Variétés, Le Surréalisme en 1929, et relevait à la fois du hasard, du désir et du rêve – en un mot, la « Magie quotidienne ». aujourd’hui, rien ne nous empêche de rêver encore de la possible découverte, au fond d’un carton, de quelques numéros de Maintenant, la revue mythique d’arthur Cravan, d’une photographie de Jacques Vaché dédicacée à un ami d’autrefois, ou, pourquoi pas, des lettres – lettres-collages ? – que Breton lui envoyait.
La Pente de la rêverie Breton rêvait d’ « un paradis des livres – si peu d’élus – mais que les rayons pour les tenir soient vraiment des rayons de soleil. » il rêvait également d’« un lieu sans âge, n’importe où hors du monde de la raison où ceux des objets fabriqués par l’homme qui ont perdu leur sens utilitaire, ne l’ont pas trouvé ou s’en sont écartés sensiblement – qui de ce fait sont de quelque manière A SECRET – émergeraient d’une manière sélective et sans interruption de la rivière de sable de plus en plus serré qui constitue la vision de l’homme adulte et tendraient à lui rendre la transparence de celle des enfants. Ces objets alterneraient avec des objets naturels de toute singularité, essentiellement ceux dont la structure répond à une nécessité des plus obscures, dont le seul aspect est d’ordre à faire rebondir le problème de cette nécessité [… ]Une première nomenclature de tels objets a été tentée : Objets naturels, Objets naturels interprétés, Objets naturels incorporés, Objets perturbés, Objets trouvés, Objets trouvés interprétés, Objets américains, Objets océaniens, Objets mathématiques, Ready-made et ready-made aidé, Objets surréalistes ».
Parenthèse sur l’analogie objets porteurs de magie, objets qui font rêver. objets trouvés qu’il reste encore à interpréter : il s’agit toujours de se rendre disponible pour se mettre en état de retrouver le fonctionnement réel de la pensée en expérimentant son processus analogique, essentiel aux yeux des surréalistes. Dans sa préface à Je vois j’imagine, l’album où Jean-michel Goutier a rassemblé l’œuvre plastique de Breton, octavio Paz écrit que « Breton a cherché [...] les vestiges encore vivants de la science suprême : l’analogie universelle. »
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en 1947, son texte phare, Signe ascendant, commence par cette affirmation primordiale : « Je n’ai jamais éprouvé le plaisir intellectuel que sur le plan analogique. Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extra lucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre, que le sens commun retiendrait de confronter ». Dans Partie liée, sa contribution à l’exposition La Danse des Kachina, au Pavillon des Arts à Paris en 1998, Vincent Gille écrit à juste titre que l’« analogie est ce qui, aussi spontanément qu’intuitivement, permet de relier deux éléments de prime abord étrangers l’un à l’autre, voire antinomiques. Elle est le lien entre le monde intérieur et le monde extérieur, elle est le moteur de l’image poétique, la mécanique de la rencontre amoureuse, le principe essentiel du surréalisme. La pensée primitive est de même toute entière organisée sur des rapports analogiques. Chaque élément du monde est soigneusement observé, puis relié à tel ou tel autre élément par un rapport précis qui nous est le plus souvent indéchiffrable parce que ne répondant pas à la même logique que la nôtre. En combinant l’ensemble de ces relations on peut dresser un inventaire général associant les éléments entre eux dans une sorte de classification aussi complexe que riche de sens. » au cœur du surréalisme dès ses origines, l’analogie aura été continuellement au cœur des Jeux surréalistes. C’est l’intérêt et la raison d’être de quelques-uns de ces jeux - particulièrement ceux qui sont basés sur la recherche de l’analogieque d’avoir donné la possibilité à l’imagination de fonctionner en toute liberté : Le Jeu des analogies : si c’était un animal ?, Cartes d’analogie et surtout L’un dans l’autre, inventé à Saint-Cirq-La Popie l’été 1953. Breton et Péret partent de l’idée que n’importe quel objet est contenu dans n’importe quel autre, pour arriver à l’évidence que toute action, et aussi tout personnage, même placés dans une situation déterminée, peuvent également être décrits à partir de tout objet, et inversement. Ce qui signifie que cette analogie, pratiquement illimitée, « milite en faveur d’un monde ramifié à perte de vue et tout entier parcouru de la même sève. » il ne s’agit de rien de moins que de « rendre à la poésie le sens de l’immensité de ses pouvoirs perdus. »
42 rue Fontaine - L’atelier d’andré Breton Le lieu sans âge, n’importe où hors du monde de la raison dont rêvait andré Breton a été, trop brièvement, la galerie qu’il ouvrit en 1937 à Paris, à l’enseigne de l’héroïne de la merveilleuse nouvelle de Jensen analysée par Freud : Gradiva. mais
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ce lieu, il l’a surtout créé, inventé et habité en suivant la pente de sa rêverie : c’est son atelier du 42 rue Fontaine : « Il y avait ici un refuge contre tout le machinal du monde », a écrit Julien Gracq dix ans après la mort de Breton dans En lisant en écrivant : Rien n’a changé depuis sa mort. Dix ans déjà ! ». Son texte a été repris pour présenter un bel album de photographies originales en couleurs de Gilles ehrmann réalisées à la demande d’elisa Breton, intitulé 42 rue Fontaine – L’atelier d’André Breton. L’une d’elles montre le mur où l’on est attiré d’emblée par ses très beaux Filiger et la collection de ces poupées hopi appelées Kachina. on peut écrire indifféremment Kachina ou Katchina, comme on peut mettre ou ne pas mettre d’ « S » au pluriel. Sur une autre photographie, on distingue un objet sculpté dans le liège par Breton, le Cœur dans la flèche, que Jean-michel Goutier a reproduit dans Je vois j’imagine. C’est le souvenir inconscient de cet objet qui m’a sans doute décidé à acheter l’année dernière, lors de la vente de la collection de son ami José Pierre un « os de seiche sculpté » sans savoir précisément de quoi il s’agissait. Le texte écrit par Gracq pour fixer l’image de l’atelier de la rue Fontaine tel qu’il était du vivant de Breton devait en 2003 servir de préface aux huit volumes du catalogue de la vente destinée à en disperser le contenu, ce qui est très exactement le contraire. ironie du destin qui faisait légèrement sourire son auteur. Ce n’est pas la reconstitution à Beaubourg d’un des murs de l’atelier ni les films et les images qui en subsistent, si belles soient-elles, qui nous empêcheront de regretter un lieu authentiquement magique. Je ne pourrai jamais oublier les regards furieux d’une grande figure Marawot et de l’imposant et inquiétant Uli, chassés de leur refuge, outragés de se retrouver livrés à la foule dans la salle de Drouot-Richelieu où ils allaient être mis en vente. mais Breton n’a-t-il pas écrit dans sa préface pour la vente - au même endroit - de la collection de son amie Lise Deharme, « la femme au gant » de Nadja : « Ce qui va se disperser ici, soit dit que pour quelques-uns c’est un peu du trésor du temps[ …] Et l’on retrouve sa mélancolie à voir, au vent, filer comme graines ces choses que tant de discernement passionnel avaient réunies comme si, autour de celle qui s’en entourait, elles étaient venues obéissant à une loi d’attraction pure [ …] Mais tout ce dont elle se sépare grâce à elle demeurera si chargé d’esprit que rien ne pourra l’éteindre dans sa gravité vers d’autres destinées. » Rien n’avait encore changé rue Fontaine quand elisa Breton a bien voulu me recevoir, quand j’ai pu enfin me retrouver en face de ses célèbres Kachina.
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C’est dans ce château que je vais essayer de pénétrer en 1942 Benjamin Péret, réfugié au mexique, travaille à une Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique dont Breton publiera immédiatement la préface à New York sous le titre La Parole est à Péret : « Je pense aux poupées des Indiens Hopi du Nouveau-Mexique, dont la tête parfois figure schématiquement un château médiéval. C’est dans ce château que je vais essayer de pénétrer. Il n’a pas de portes et ses murailles ont l’épaisseur de mille siècles ». Ce château, c’est le monde des esprits et des légendes. Les Kachina, nous apprend marie-elizabeth Laniel-Le François, l’auteur, avec José Pierre et Jorge Camacho, du livre essentiel sur le sujet, Kachina des indiens Hopi, sont des esprits, messagers des dieux et compagnons surnaturels des premiers ancêtres. aujourd’hui, le mot Kachina évoque surtout les poupées, alors que le sens du mot Kachina comprend les humains masqués représentant les esprits, les êtres surnaturels eT les poupées sculptées à l’image des danseurs, offertes aux enfants et aux femmes lors des cérémonies, investies de la puissance de l’esprit et des aspects usuels, symboliques et légendaires du danseur. intermédiaires constants et familiers entre les hommes et les esprits ou les dieux, leurs couleurs, formes, signes et mythes sont secrètement et finement orchestrées. Le secret est important, dès lors qu’il s’agit d’accéder aux secrets de l’univers : seules les poupées non cérémonielles peuvent être vendues et reproduites. La poupée protège son possesseur. Le culte Kachina met en scène 350 à 400 esprits différents qui dressent « le poétique et savoureux inventaire du monde ». Dans Les Esprits de la vie, sa contribution à Kachina des indiens Hopi, Jorge Camacho cite le Livre du Hopi, de Frank Waters : « les Kachinas n’étant pas exactement des divinités n’en sont pas moins des esprits respectés, ainsi que leur nom même l’exprime (ka : respect ; china : esprit). Ils sont esprits des morts, esprits des minéraux, esprits des plantes, esprits des oiseaux, esprits des nuages, esprits des autres planètes, et même esprits des étoiles qui ne sont pas encore connues ou visibles dans notre ciel. En fait ils sont les esprits de toutes les forces invisibles de la vie. » en europe, les Kachina sont entrées très tôt dans les ateliers d’artistes. Picasso en avait vu dès 1907. emil Nolde en représente une dans un tableau de 1911. elles feront bientôt partie de l’imaginaire surréaliste. max ernst s’y intéresse tout particulièrement, et s’en inspire. Dans Le surréalisme et la peinture, Breton évoqué, dans un de ses tableaux de 1926, « la tête humaine qui s’ouvre, vole et se ferme sur ses pensées comme un éventail, la tête tombant sur ses cheveux comme un oreiller de dentelle,
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la tête fragile et sans poids qui se tient en équilibre entre le vrai et le faux, crénelée de bleu comme dans les poupées du Nouveau-Mexique »…il existe une photographie extraordinaire, prise à New York en 1942, où, déguisé en magicien, il est entouré d’une trentaine de poupées hopi et Zuni. Selon José Pierre et Jorge Camacho, elles ont fasciné Breton dès 1920. il commencera à les collectionner – avec Paul eluard – en 1926. L’année suivante, eluard écrit à Gala son admiration pour les deux très belles poupées pueblo (Nouveau-Mexique). C’est ce qu’il y a de plus beau au monde. Des « objets d’amérique », avec la mention Colombie britannique, Nouveau Mexique, Mexique, Colombie, Pérou », sont montrés à la Galerie Surréaliste en juin 1927 avec la première exposition personnelle d’Yves Tanguy. malgré l’absence de reproductions dans le catalogue, on peut présumer qu’il s’agit de Kachina. Le statut d’« objet surréaliste » leur est accordé en octobre de la même année, avec la reproduction dans le numéro 9 de La Révolution surréaliste d’une première Kachina – mais on ne parle toujours que de « poupée du Nouveau mexique » – au format des Cadavres exquis également révélés pour la première fois dans ce numéro. Le premier ressemble étrangement à la « poupée du Nouveau mexique », ce ne peut pas être un hasard, qui accompagne, sans l’illustrer, un conte de Benjamin Péret. en 1936, c’est une Kachina qui illustrera l’annonce dans Cahiers d’art de l’Exposition surréaliste d’objets chez Charles Ratton où figurent, parmi les objets américains, des poupées hopi, « ces objets que nous tenons pour dépositaires, en art, de la grâce même que nous voudrions reconquérir », écrit Breton dans sa préface. Vingt ans après, deux Kachina seront reproduites dans l’Art magique.
Pensée surréaliste et pensée indienne Très attiré par la mythologie et l’art des indiens Pueblo, andré Breton, accompagné d’elisa, la femme qu’il vient d’épouser, a assisté aux cérémonies Kachina en août 1945 en arizona. elisa prend des photographies. andré consigne dans un carnet des notes qui ne seront publiées qu’après sa mort. il travaille à son grand poème sur Fourier. Pour José Pierre, Breton est d’autant plus sensible « au génie créateur des Hopi que la société Hopi – avec son minutieux système d’horlogerie qui s’établit entre le mythe et les rites, comme entre les rites et la vie quotidienne – peut être tenue pour une utopie réalisée, et même pour un phalanstère réussi, en un temps où il écrit son ode à Charles Fourier. D’autant plus que le ressort essentiel de la pensée, chez les Hopi comme chez Fourier, réside dans l’analogie entre les passions humaines et les trois ordres de la nature :
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Je te salue du bas de l’échelle qui plonge en grand mystère dans la kiva hopi la chambre souterraine et sacrée ce 22 août 1945 à Mishongnovi à l’heure où les serpents d’un nœud ultime marquent qu’ils sont prêts à opérer leur jonction avec la bouche humaine Du fond du pacte millénaire qui dans l’angoisse a pour objet de maintenir l’intégrité du verbe Des plus lointaines ondes de l’écho qu’éveille le pied frappant impérieusement le sol pour sceller l’alliance avec les puissances qui font lever la graine ». De retour en France, Breton s’entretient, le 5 octobre 1946 avec le journaliste Jean Duché et lui présente les objets qu’il vient de rapporter d’amérique : « Il y a là des masques esquimaux, indiens, des mers du Sud. J’ai ramené des poupées de chez les indiens Hopi de l’Arizona. Voyez quelle justification ces objets apportent à la vision surréaliste, quel nouvel essor même ils peuvent lui prêter. Ce masque esquimau figure le cygne qui conduit vers le chasseur, au printemps, la baleine blanche (le cygne, ici réduit à la tête et au col, sort de la bouche de la baleine. Cette poupée hopi évoque la déesse du Maïs : dans l’encadrement crénelé de la tête vous découvrez les nuages sur la montagne ; dans ce petit damier, au centre du front, l’épi ; autour de la bouche, l’arc-en-ciel ; dans les stries verticales de la robe, la pluie descendant dans la vallée telle que vous continuez à l’entendre. Est-ce là, oui ou non, la poésie ? L’artiste européen, au XXe siècle, n’a chance de parer au dessèchement des sources d’inspiration entraîné par le rationalisme et l’utilitarisme qu’en renouant avec la vision dite primitive, synthèse de perception sensorielle et de représentation mentale. La sculpture noire a déjà été mise à contribution avec éclat. C’est la plastique de race rouge, tout particulièrement, qui nous permet d’accéder aujourd’hui à un nouveau système de connaissance et de relations. Monnerot, dans La Poésie moderne et le sacré, a d’ailleurs excellemment mis en évidence les affinités de la pensée surréaliste et de la pensée indienne, dont j’ai pu vérifier qu’elle demeure aussi vivante et créatrice que jamais. » en face de l’abîme qui ne cesse de se creuser entre l’homme et le sacré, « seul le surréalisme, conscient de la précarité grandissante de notre condition dans un monde ainsi déchiré, insista sur l’importance du libre développement de l’esprit créateur », écrit Jorge Camacho dans Les Esprits de vie. « En donnant aux rêves leur véritable sens de révélateur, en se penchant sur les Mythes des civilisations anciennes et les arts magiques, comme en se rebellant contre l’ensemble des forces qui s’opposent au libre fonctionnement de l’imagination, le surréalisme peut être considéré comme la seule tentative de la civilisation occidentale pour relier le rêve et la réalité et reconquérir par-là nos pouvoirs perdus. Ils ont trouvé dans les sculptures de la Nouvelle-Guinée, dans les
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idoles des îles Marquise, dans les masques eskimo et dans les Kachina des indiens Pueblo, ce débordement du rationnel qui est le signe même de la plus haute création poétique, le regard soudain libre de subvertir une réalité réduite à elle-même. « L’œil existe à l’état sauvage », ainsi débute l’ouvrage d’André Breton Le Surréalisme et la Peinture, appel urgent au renouvellement total de la sensibilité. Voie difficile et même périlleuse mais qui ramène tout naturellement aux arts primitifs »
La Porteuse d’eau de Laguna et ma première Kachina Curieusement, il me semble n’avoir jamais croisé de Kachina dans les marchés aux puces et les brocantes. Pour autant je n’ai jamais spécialement cherché à me renseigner dans les galeries spécialisées – elles ne sont pas si nombreuses – où j’aurais été certain d’en trouver, mais j’avoue ne rien connaître au « marché » des Kachina. À la vente Breton, elles étaient estimées de 3 000 à 15 000 euros. Sans doute me fallait-il attendre que le hasard s’en mêle et qu’elles restent un simple Objet trouvé. Leur rareté, leur mystère font partie de leur charme. au spectacle des haricots sauteurs rapportés du mexique, Breton s’opposait à la proposition de Roger Caillois de les ouvrir immédiatement pour découvrir le ver qui est à l’intérieur, pour prendre le temps de s’émerveiller. on peut sur des photographies voir les peintures que les hopi et les Navajo exécutent sur le sable pour leurs cérémonies. Des peintures qui obéissent à des lois très précises, effacées à la fin de leurs danses. ils réalisent aussi, pour les vendre aux touristes, de très petites peintures de sable, d’une grande délicatesse, soigneusement encadrées, reproduisant avec précision les motifs de leurs tapisseries, de leurs poteries et parfois les poupées elles-mêmes. Les livres sur les indiens les négligent. J’en ai trouvées plusieurs, il y a longtemps, à des prix ridicules. malgré leur poésie, elles semblaient n’intéresser personne. L’année dernière, Paul Louis Rossi m’envoya son livre La Porteuse d’eau de Laguna, qui raconte sa fascination pour un objet Katchina, aperçu à la vitrine d’un antiquaire, dont on apprendra qu’il s’agit de la partie supérieure d’un masque heaume qui se porte sur la tête du danseur. un de ces masques a été cette année exposé au Musée du quai Branly dans l’exposition Les Maîtres du désordre. Paul ne cherche pas vraiment à l’acquérir, mais prend soin d’en noter la forme et les couleurs. il en reproduira soigneusement les contours sur un bois flotté récolté sur une plage. Son livre est l’histoire de la reconstitution de cet objet et comment il passe « de la curiosité, de la magie, de l’émotion esthétique à l’intelligence et à la connaissance
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de la civilisation des Pueblos ». Sa couverture s’orne d’une très belle Kachina Konin Hovasupai, dont le seul défaut est de n’être que lointainement apparentée avec l’objet reconstitué par l’auteur, plus proche en fait de celle représentée par Nolde. J’aime prétendre qu’il n’y a pas de hasard. Le lendemain de ma lecture, à la fin de ma promenade du samedi matin Porte de Vanves, j’ai été attiré par deux Kachina faisant l’objet d’une grande conversation entre un américain, visiblement très informé, et un marchand sur son stand. Dix minutes après, j’avais acquis pour un prix très raisonnable la plus séduisante, mais la moins précieuse car la plus récente des deux poupées, comme je devais l’apprendre par la suite. en rentrant, je téléphonais à Paul pour lui parler de cette coïncidence, que je mis sur le compte du hasard objectif cher aux surréalistes. « André Breton, s’il aimait s’entourer de masques eskimo et de poupées Hopi, avouait bien volontiers que c’était parce qu’il les estimait bénéfiques, tournés vers le côté favorable des choses, somme toute du côté du bonheur », écrit José Pierre. me plaisaient d’abord spontanément les couleurs et la gaîté que ces petits personnages charmants – rarement inquiétants – mettaient chez moi. Ce qui ne m’empêchait pas d’admirer les « vraies », que mon ami Georges Goldfayn, collectionneur passionné et érudit, avait, comme il se doit, accrochées à un mur, et la très ancienne ayant appartenu à Pierre Loeb, qui accueillit dans sa galerie la première Exposition surréaliste en 1925 et fut l’ami et le commanditaire de Jacques Viot, dont il finança les expéditions en afrique et en océanie, et d’antonin artaud. Grâce à cette prestigieuse provenance, sa Püch Tihua atteint un prix record à la vente cette année de sa fille Florence, dont artaud à sa sortie de Rodez avait fait l’extraordinaire portrait. J’étais décidé à en savoir plus, et à trouver enfin Kachina des indiens Hopi épuisé depuis longtemps. un libraire de Vanves réussit à me le procurer plus vite que je ne pensais. et Vincent Gille me prêta le rare catalogue de l’exposition la Danse des Kachina. C’est ainsi que j’appris qu’elles avaient aussi été collectionnées par andré malraux (qui en reproduisit plusieurs dans Les Voix du silence), marcel Duchamp, Claude Lévi-Strauss – qui céda certaines pièces à Jacques Lacan – et matta. Celles que j’avais pu voir, des collections andré Breton et Jorge et margarita Camacho étaient parmi les plus belles, mais celle que je venais d’acquérir n’y figurait pas, ni celle de la couverture du livre de Paul.
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un dessin de « Serge » en fait, le livre de Paul avait joué le rôle de catalyseur, et le hasard continua à me servir. Je connaissais depuis les années soixante-dix le dessinateur Serge, « l’historien du cirque », qui jouait volontiers au prestidigitateur et me conduisait dans une rue près de la Tour Saint Jacques pour me montrer la maison de l’alchimiste Nicolas Flamel. Serge s’intéressait à la magie et à l’ésotérisme et avait écrit des livres sur les Bohémiens et sur les indiens. Bon connaisseur du surréalisme, il avait suivi jadis la fameuse affaire de Cabrerets et le procès intenté à Breton pour avoir touché du doigt un dessin préhistorique dans une grotte du Lot, près de Saint-Cirq-La Popie. Toujours à Vanves, dans un lot d’estampes et de papiers provenant de sa succession, j’eus la chance de trouver un dessin en couleur très précis d’une Kachina, signé de sa fameuse étoile. Les semaines suivantes, j’achetai, au même vendeur, sans me soucier de leur peu d’ancienneté, d’autres poupées dont je savais qu’elles n’avaient pas été fabriquées pour le culte et les cérémonies, mais pour les touristes, qu’elles n’étaient pas « sorties », qu’elles n’avaient pas « dansé », comme le disent les spécialistes à propos de masques.
un os de seiche dans une vente aux enchères L’atelier de Jorge et margarita Camacho est rempli de tableaux et d’objets d’art primitif de toute beauté. avec de somptueuses Kachina et une imposante statuette hemis. Paul m’avait déjà demandé de lui prêter pour son exposition, avec mes modestes Kachina, l’os de seiche sculpté acheté à la vente José Pierre quand j’ai revu margarita. J’ai remarqué alors un autre os de seiche sculpté, très proche de celui que j’avais acquis: j’ai appris qu’elisa en avait réalisé plusieurs après la mort d’andré et en avait offert quelques-uns à ses amis, en particulier à Jean-michel Goutier qui en avait lui-même offert un à Nicole après la mort de José et deux autres aux Camacho « en souvenir d’elisa ». Celui que j’avais acheté, égaré dans le très médiocre catalogue à la rubrique Arts premiers sous la dénomination « os de sèche (sic) », entre une figure Sepik et une cuillère en bois, sans autre indication, était donc l’œuvre d’elisa. Dans leur livre sur les Kachina, José Pierre et Camacho avaient reproduit ses belles photographies des hopi. ils avaient naturellement pris soin de l’offrir à elisa. quand j’ai expliqué à mon amie Guylaine Bourbon, peintre et amie d’elisa et des Camacho, quelles pistes j’avais suivies pour identifier mon objet, elle m’a montré celui que margarita lui avait offert. La boucle est bouclée.
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D’autres ont été reproduits, par arturo Schwartz et Pierre alechinsky, avec leur attribution à elisa. Celui d’arturo Schwartz s’intitule Le Cri de la vague. Celui d’alechinsky À la lisière du regard. Celui de Nicole et José Pierre n’a pas de titre. il m’est encore plus cher depuis que je connais son histoire et son auteur. C’est encore pour moi un « objet bénéfique », comme mes modestes Kachina qui, pour n’être que des répliques, plus ou moins récentes, n’en demeurent pas moins, porteuses de sens, chargées de mythologie, de poésie hopi.
en guise de conclusion Robert Benayoun a raconté dans le Rire des surréalistes qu’andré Breton, quand il voyageait, « insistait pour qu’on s’arrête dans toutes les brocantes, chez tous les antiquaires que nous croisions, où il faisait sans coup férir des trouvailles passionnantes, qu’il passait ensuite sa journée à commenter et à élucider. » et Georges Goldfayn se souvient d’avoir vu Breton, un jour qu’il revenait avec lui des Puces de Saint ouen sans avoir rien trouvé, s’arrêter dans une boulangerie pour chercher le merveilleux jusque dans une pochette-surprise ! en septembre 2003, quelques mois après la dispersion du contenu de l’atelier de la rue Fontaine, aube elléouet, accompagnée de sa fille oona s’est rendue en Colombie Britannique pour restituer aux indiens Kwakwaka’wakw une coiffe cérémonielle acquise par son père. Pour ce geste, pour ce respect dû aux esprits, « celle qui a rendu » a été honorée du nom d’Uma : Femme noble. Dans La Porteuse d’eau de Laguna Paul Louis Rossi a écrit, peut-être en se souvenant de ce geste : « Il est important ainsi de laisser les objets à leur place. Voir même de les rapporter à l’endroit où nous les avons trouvés ».
BiBLioGRaPhie RoBeRT BeNaYouN Le Rire des surréalistes, La Bougie du sapeur, 1988 aNDRÉ BReToN L’Amour fou, Gallimard 1937 André Breton 42, rue Fontaine. Texte de Julien Gracq, préface de Jean-michel Goutier. huit Élisa Breton, Os de seiche sculpté. ancienne collection Nicole et José Pierre. Collection Dominique Rabourdin
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volumes, catalogues des ventes d’avril 2003 à Drouot-Richelieu, étude Calmels Cohen, 2003 L’Art magique, avec le concours de Gérard Legrand. Paris, Club français du livre, 1957 Carnet de voyage chez les indiens Hopi, Œuvres complètes iii, Gallimard, 1999 Préface au catalogue de la vente Lise Deharme, 6 mars 1953, Œuvres complètes iii, Gallimard, 1999 Entretien avec Jean Duché, Le Littéraire 1946. Repris dans Entretiens, 1952 Préface à l’Exposition surréaliste d’objets. Chez Charles Ratton, 1936, repris dans Œuvres complètes, ii, 1992 Gradiva, 1936, repris dans La Clé des Champs, le Sagittaire, 1953 Je vois j’imagine, Poèmes-objets, préface d’octavio Paz, catalogue établi par Jean-michel Goutier, Gallimard, 1991 Manifeste du surréalisme, Poisson soluble, Éditions du sagittaire, chez Simon Kra, 1924. Nadja, NRF, 1928 Ode à Charles Fourier, Fontaine, collection L’Age d’or, 1947 Œuvres complètes, i, ii, iii, iV, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988, 1992, 1999, 2008 Signe ascendant, Néon n° 1, 1948. Repris dans La Clé des champs, le Sagittaire, 1953 Le Surréalisme et la peinture, édition revue et corrigée, Gallimard, 1965 L’Un dans l’autre, Medium n° 2, fèvrier 1954. Repris dans Perspective cavalière, textes réunis et préfacés par marguerite Bonnet, Gallimard, 1970 Les Vases communicants, Éditions des Cahiers libres 1932, Œuvres complètes ii, Gallimard, 1992 42 rue Fontaine L’atelier d’André Breton. Texte de Julien Gracq, Photographies de Gilles ehrmann. au fil de l’encre 199-1997 ; adam Biro, 2003 JoRGe CamaCho Les esprits de vie, dessins et textes, dans Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992 ViNCeNT GiLLe Partie liée : Le surréalisme et les Hopi, catalogue de l’exposition La Danse des Kachina, Pavillon des arts, PaRiS musées, 1998 JuLieN GRaCq En lisant en écrivant, José Corti, 1980 maRie-eLiZaBeTh LaNieL-Le FRaNçoiS Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992 JuLeS moNNeRoT La Poésie moderne et le sacré, Gallimard, 1945
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oCTaVio PaZ Préface à Je vois j’imagine, Gallimard, 1991 BeNJamiN PÉReT La parole est à Péret, éditions surréalistes, New York, 1943. Repris en introduction à Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique, albin michel, 1960 JoSÉ PieRRe Le Hopi, la poupée et le poète, dans Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992 PauL LouiS RoSSi La porteuse d’eau de Laguna, Le temps qu’il fait, 2011 FRaNK WaTeRS Le livre du Hopi, Éditions du Rocher, collection Nuage rouge, 1992
Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi. 1997
Œuvres de Paul Louis Rossi RomaNS Régine, Julliard, 1990 La Montagne de Kaolin, Julliard, 1992 La Palanchina, Julliard, 1993 Le Fauteuil rouge, Julliard 1994 Le Vieil homme et la nuit, Julliard, 1997 Le Buisson de Datura, joca seria, 2006 La Villa des Chimères, Flammarion, 2002 RÉCiTS Le Potlatch, P.o.L /hachette, 1980 La Traversée du Rhin, P.o.L. /hachette, 1981 Inscapes, dessins de François Dilasser, Le temps qu’il fait, 1994 Les Nuits de Romainville, Le temps qu’il fait, 1998 La Vie secrète de Fra Angelico, Bayard, 1997 Paysage intérieur, joca seria/Bibliothèque municipale de Nantes, 2004 Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube, Bayard, 2009 Les Chemins de Radegonde, Tarabuste, 2011 La Porteuse d’eau de Laguna, Le temps qu’il fait 2011 PoÉSieS Le Voyage de Sainte Ursule, Gallimard, 1973 Les États Provisoires, P.o.L, 1984 Cose Naturali, unes, 1991 Faïences, Prix mallarmé, Flammarion, 1995 Quand Anna Murmurait, anthologie des poésies, Flammarion, 1999 Les Gémissements du siècle, Flammarion, 2001 Visage des Nuits, Flammarion, 2005 eSSaiS L’Ouest surnaturel, hatier, 1993 Vocabulaire de la Modernité Littéraire, minerve, 1996 La Rivière des Cassis, avec marie-Claude Bugeaud, joca seria, 2003 Hans Arp, éd. Virgile, 2006
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CRÉDiTS PhoToGRaPhiqueS La photo d’Éric Fonteneau sur le rabat de couverture : © olivier Lanrivain © musée Dobrée. Conseil général de Loire-atlantique, Nantes : pp. 22, 158, 159 © Kunstmuseum Basel/martin P. Bühle : pp. 54-55 © institut Warburg, Londres : pp. 40, 71 © RmN (musée du Louvre)/Jean-Gilles Berizzi : p.53 © Jean-Pierre Colin : pp. 2-3, 167, 186 © Éric Fonteneau : pp. 72-73, 75, 104-105, 110, 111, 132, 144 © François Lasa : pp. 78-79, 88-89, 98-99 © Christian Leray : pp. 32, 91, 92, 95. © Jean-michel meurice : pp. 124, 127, 129 © Pablo Volta : pp. 140-141 Droits réservés : pp. 149, 151, 183 Toutes les autres œuvres ont été photographiées par la Bibliothèque municipale de Nantes
aCheVÉ D’imPRimeR 26 oCToBRe 2012 SuR LeS PReSSeS De L’imPRimeRie oFFSeT 5 À La moThe-aChaRD Le
Dépôt légal 4e trimestre 2012
Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours mis en espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau, « comme pour en déduire une leçon esthétique originale ». 30 € ISBN 978-2-84809-205-8
9 7 782848 092058
Éric Fonteneau
Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de « l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno), Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Bibliothèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire don de ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui était consacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde. Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autre vision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette ordonnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démons de l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa compagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma, musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-Michel Meurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens Hopi photographiées par Aby Warburg.
Un monde analogique
Un monde analogique
Paul Louis Rossi
Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit et travaille à Nantes. Passionné de dessin, de scénographie et de géographie il expérimente de nombreuses techniques de visualisation dans les espaces d’art où il expose depuis la fin des années 1980. Éric Fonteneau travaille aussi avec des techniciens et architectes pour la réalisation d’œuvres dans l’espace public, dans l’architecture et dans la nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’invite à réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq. Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et au Musée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts de Nantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, il réside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Francisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerie Achim Moeller de New York et Berlin. Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Musée du Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq Bibliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï. Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula Anglim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique. Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre Georges Pompidou. Paris (2003) ; « Parcours de Jean Sébastien Bach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On a marché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tanlay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York (2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Moderne de Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de la Ville de Nantes ». Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et musées en Europe et aux États-Unis.
Paul Louis Rossi
Un monde analogique Éric Fonteneau
éditions joca seria Bibliothèque municipale de Nantes
Paul Louis Rossi est né un jour de novembre à Nantes. « Ma mère était bretonne et mes grands-parents Le Queffelec parlaient encore le breton de la Cornouaille. Mon père était italien, de la région de Venise. Il sera exécuté par les Allemands en 1943, à Tübingen. J'avais une dizaine d'années. J'ai publié un petit livre intitulé Liturgie pour la Nuit, en 1958, durant la Guerre d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais devenir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dans Jazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de cinéma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à Robert Bresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux Lettres Françaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye. Mes premiers récits ont été publiés par Paul OtchakovskyLaurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chez Julliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythme raisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mes écrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flammarion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, ce qui me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans – où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre, dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial, voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques, au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »
Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours mis en espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau, « comme pour en déduire une leçon esthétique originale ». 30 € ISBN 978-2-84809-205-8
9 7 782848 092058
Éric Fonteneau
Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de « l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno), Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Bibliothèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire don de ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui était consacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde. Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autre vision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette ordonnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démons de l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa compagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma, musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-Michel Meurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens Hopi photographiées par Aby Warburg.
Un monde analogique
Un monde analogique
Paul Louis Rossi
Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit et travaille à Nantes. Passionné de dessin, de scénographie et de géographie il expérimente de nombreuses techniques de visualisation dans les espaces d’art où il expose depuis la fin des années 1980. Éric Fonteneau travaille aussi avec des techniciens et architectes pour la réalisation d’œuvres dans l’espace public, dans l’architecture et dans la nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’invite à réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq. Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et au Musée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts de Nantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, il réside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Francisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerie Achim Moeller de New York et Berlin. Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Musée du Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq Bibliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï. Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula Anglim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique. Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre Georges Pompidou. Paris (2003) ; « Parcours de Jean Sébastien Bach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On a marché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tanlay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York (2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Moderne de Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de la Ville de Nantes ». Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et musées en Europe et aux États-Unis.
Paul Louis Rossi
Un monde analogique Éric Fonteneau
éditions joca seria Bibliothèque municipale de Nantes
Paul Louis Rossi est né un jour de novembre à Nantes. « Ma mère était bretonne et mes grands-parents Le Queffelec parlaient encore le breton de la Cornouaille. Mon père était italien, de la région de Venise. Il sera exécuté par les Allemands en 1943, à Tübingen. J'avais une dizaine d'années. J'ai publié un petit livre intitulé Liturgie pour la Nuit, en 1958, durant la Guerre d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais devenir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dans Jazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de cinéma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à Robert Bresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux Lettres Françaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye. Mes premiers récits ont été publiés par Paul OtchakovskyLaurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chez Julliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythme raisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mes écrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flammarion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, ce qui me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans – où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre, dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial, voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques, au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »