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Dosage de la vitamine D en cabinet dentaire : Qui doser, quand et comment traiter ? Elisa CHOUKROUN, Philippe RUSSE, Georges KHOURY, Shahram GHANAATI Elisa CHOUKROUN, Etudiante en Odontologie 6ème année, Université Sophia Antipolis, Nice Dr Philippe RUSSE, Chirurgien Dentiste, pratique privée, Reims Dr Georges KHOURY, Chirurgien dentiste, pratique privée, Paris Pr Shahram GHANAATI, Service de Chirurgie maxillo-faciale, Goethe University, Francfort, Allemagne
A. LA VITAMINE D :
La vitamine D est connue depuis le début du XXème siècle, suite à la découverte de son rôle dans la survenue du rachitisme. Depuis la
MÉTABOLISME
&
IMPLICATIONS CLINIQUES
publication de P. Liu et R. Modlin dans la revue Science en 2006
1. MÉTABOLISME
(1), l’intérêt pour la vitamine D n’a cessé de croître. Les articles sur la vitamine D se chiffrent désormais en plusieurs milliers par année.
La vitamine D est en réalité une hormone qui existe sous 2 formes
En effet, cette hormone sécrétée par l’organisme intervient dans de
biologiquement équivalentes et inertes : D2 et D3.
très nombreux processus biologiques. Son rôle crucial dans le
• La vitamine D2 ou Ergocalciferol, d’origine alimentaire
métabolisme osseux n’est plus à démontrer, par contre, son implica-
uniquement
tion dans d’autres maladies non squelettiques comme la genèse du
• La vitamine D3 ou Cholecalciferol, obtenue après exposition aux
cancer, certaines maladies auto immunes, le diabète, l’allergie, la
rayons ultra-violet B mais également disponible par voie
dépression, le déclin cognitif, la faiblesse musculaire, en font un des
alimentaire.
éléments clé de la « bonne santé » (2). Des études récentes soulignent également son implication dans certaines affections odonto-
Après absorption par l’intestin, les 2 formes sont métabolisées par
stomatologiques.
le foie puis transformées par le rein en 1,25 (OH)2 D2 ou D3, qui sont les métabolites circulants dosés dans le sang (3)
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3. DOSAGE
La principale source de vitamine D est la peau après son exposition au soleil (par conversion d’un dérivé du cholestérol, le 7-
ET TAUX PHYSIOLOGIQUES
Le consensus établi par de nombreuses sociétés savantes situe le
dehydrocholesterol). Très peu d’aliments contiennent naturellement
taux minimum autour de 30ng/mL. En dessous de 10-15 ng/mL
de la vitamine D, comme les poissons gras (d’avantage chez les
c’est le terme de carence qui est utilisé. Entre ces deux valeurs, le
poissons sauvages comparativement à ceux d’élevage), l’huile de
terme de déficit est le plus courant. Pour certaines pathologies
foie de morue, les céréales, le soja etc. Dans certains pays comme
comme le cancer, il semble que le taux minimal requis et efficace
les USA ou le Canada, des produits manufacturés tels que le lait
soit plus élevé : autour de 50 ng/mL. (9)
ou les yaourts sont supplémentés en vitamine D. Elle peut égale-
Par contre, une intoxication à la vitamine D reste un phénomène
ment se trouver sous forme de compléments alimentaires (4).
exceptionnel de par son seuil extrêmement haut : De 150 à 250 ng/mL selon les auteurs. Ceci est dû à l’action du rein qui en
2. RÔLE
DE LA VITAMINE
D
limite la production si besoin. Elle résulterait d’une ingestion prolongée de doses élevées (supérieures à 10 000 UI par jour) (10).
La vitamine D est l’une des hormones principales de la régulation du métabolisme phosphocalcique. Sans vitamine D, seuls 10% du calcium et 60% du phosphore sont absorbés (3). Elle va aussi agir via des récepteurs spécifiques sur de nom-
4. EPIDÉMIOLOGIE
breuses cellules : Os, peau, intestin, système immunitaire, ovaires, moelle osseuse d’où le nombre important de dysfonctions métabo-
De nombreux auteurs spécialistes de la vitamine D considèrent la
liques liées à son insuffisance (5).
situation actuelle comme pandémique (11, 12). L’enquête SUVIMAX menée en France en 2011 recense 78% de patients déficitaires, avec une prédominance pour le sexe féminin (13).
En cas d’hypovitaminose D, la sécrétion d’hormone parathyroïde
Certaines études (14) vont jusqu’à énoncer que 73% de la popu-
(PTH) est augmentée, ce qui conduit à une activité accrue des
lation aurait un niveau < 20ng/mL pendant l’hiver.
ostéoclastes entrainant ainsi une résorption osseuse.
La cause principale est le manque d’exposition au soleil. Même les personnes résidant dans des régions ensoleillées ne sont pas épargnées. Ceci est inhérent au mode de vie actuel : La synthèse
Elle intervient également dans le métabolisme du glucose : une
de vitamine D corporelle est limitée par les vêtements, les déplace-
alimentation appauvrie en vitamine D peut endommager signifi-
ments en véhicules etc. L’absorption est également diminuée chez
cativement les protéines du cerveau favorisant le déclin cognitif et
les personnes de couleur.
l’apparition de la maladie de Parkinson chez les adultes d’âge moyen et les personnes âgées (6,7).
Malheureusement, les apports diététiques journaliers sont souvent trop faibles pour compenser une exposition limitée. La latitude et les saisons ont aussi un effet sur la production de cette hormone.
Enfin, c’est un facteur clé de l’immunité : la défense contre les
Les personnes âgées sont quasi systématiquement déficientes, de
micro organismes s’organise autour des cellules immunitaires
par leur exposition très réduite mais aussi par une production de
avec production d’antibiotiques humains comme la Défensine ou
vitamine D cutanée diminuée de 75%, comparativement aux
la Cathélicidine, sous réserve d’un taux adéquat de vitamine D
jeunes adultes, à exposition égale (4). C’est la raison pour
(1).
laquelle le consensus mondial préconise une supplémentation systématique de toutes les personnes âgées de plus de 65 ans sans aucun contrôle biologique préalable, même sans facteurs de
Conséquences d’un défaut de vitamine D
risques.
• Aggravation de la maladie asthmatique • Aggravation du diabète et de l’hypercholestérolémie
D’autres causes de déficiences ont également été mises en lumière
• Faiblesse musculaire
telles que la malnutrition, les maladies de malabsorption (maladie
• Ostéomalacie
de Crohn, maladie coeliaque) ainsi que la corticothérapie au long cours.
• Dépression, schizophrénie • Risque augmenté de cancer (8) • Risque augmenté d’infection
5. VITAMINE D
• Risque augmenté de naissance prématurée
Les études sur l’implication de la vitamine D sur la sphère orale
ET ODONTOLOGIE
sont encore trop peu nombreuses et trop récentes, mais certaines
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pistes se dégagent. Une hypovitaminose D serait corrélée à un
2. RÉSULTATS
risque plus élevé de parodontite via notamment une surexpression
Série 1 : Figure 1 : Sur un total de 238 patients, seuls 52, soit 21,8% ont un taux adéquat de vitamine D, supérieur à 30ng/mL. 78,2% ont donc un taux insuffisant avec 4,6% de carencés (Taux en dessous de 10ng/mL).
de RANK L, responsable de l’ostéoclastogenèse (15, 16) entrainant également une diminution de la densité osseuse (17). La déficience augmenterait également le taux de perte des dents, toujours en corrélation avec le métabolisme osseux (18) mais également via une moindre résistance à l’infection. Le lien entre le risque carieux chez l’enfant et le taux sérique de vitamine D a été mis en évidence dans certaines études mais les résultats sont encore contradictoires (19, 20, 21). Par contre son rôle dans les MIH (Molar – Incisor – Hypomineralization) a été statistiquement démontré (22). En ce qui concerne l’implantologie, la vitamine D apparaît progressivement comme un facteur favorisant une bonne ostéo-intégration, administrée par voie systémique (23, 24) ou topique (24), et égale-
Figure 1 : Série 1 : Dosage de la vitamine D chez des patients se présentant à une consultation pré implantaire
ment une meilleure défense contre l’infection, notamment au cours de greffes osseuses.
Série 2 : Figure 2 : Le pourcentage de patients avec un taux inadéquat est semblable à la série 1, avec 79,2% de la population étudiée. Mais les patients cancéreux sont plus sévèrement touchés. En effet, 31,3% des patients sont en état de carence.
B. PRESENTATION DE DIFFERENTES SERIES CLINIQUES Au vu des récentes publications concernant les taux de vitamine D de la population mondiale (3), nous avons souhaité à notre tour analyser la prévalence de la déficience dans certaines populations et notamment chez les personnes présentes à une consultation odontologique ou en chirurgie orale.
1. MATÉRIEL 3
MÉTHODE
ET
différentes
populations
ont
été
testées
en
25
(OH)
vitamine D2+D3 : • La première (Série 1) concerne des patients examinés lors d’une consultation pré implantaire dans 2 cabinets privés en France. 238
Figure 2 : Série 2 : Dosage de la vitamine D chez des patients se présentant à une consultation pré opératoire en cancérologie maxillo-faciale
patients sont représentés, de 29 à 83 ans, avec une moyenne de 63,6 ans.
Série 3 : Figure 3 : Le personnel médical soignant est tout aussi déficitaire que la population générale. Cependant le nombre de carencés est extrêmement élevé : 45,8%. Seuls 3 patients sur 24 soit 12,5% ont un taux de vitamine D supérieur à la valeur seuil de 30 ng/mL.
• La série n°2 comporte 48 patients présents à une consultation pré opératoire en chirurgie maxillo-faciale carcinologique à l’hôpital universitaire de Francfort sur le Main (Allemagne), âgés de 31 à 93 ans, avec une moyenne de 63 ans. • Le troisième groupe est constitué par le personnel médical soignant de cet hôpital (Francfort) représenté par 24 adultes, âgés de 23 à 80 ans, soit 49,8 ans en moyenne
Figure 3 : Série 3 : Dosage de la vitamine D chez médecins et chirurgiens traitants hospitaliers
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C. CONCLUSIONS ET CONDUITE A TENIR
3. DISCUSSION Ces tests confirment que le nombre de personnes déficitaires et très élevé : au delà de 78%, toutes populations confondues, ce qui est en adéquation avec les dernières études publiées.
1. QUI
La population cancéreuse est plus gravement déficitaire que la
DOSER ET QUAND DOSER
?
En préopératoire, il faudrait doser tous les patients présentant des
population classique d’un cabinet dentaire. Cela correspond aux
facteurs de risques ou des conséquences possibles d’une hypovita-
dernières données de la littérature qui ont démontré l’aspect protec-
minose D (telles que des parodontites chroniques, infections chro-
teur de la vitamine D contre plusieurs types de cancer (26, 27, 28).
niques, allergies).
L’exposition solaire moindre en Allemagne va également avoir une
Ce dosage peut aussi s’avérer intéressant en pré opératoire, en pré
incidence sur le taux de carence.
implantaire ou avant toute greffe osseuse pour ce qui nous
Mais les personnes les plus carencées sont retrouvées parmi le per-
concerne.
sonnel médical : plus de 45% des médecins testés sont
Comme l’ont montré plusieurs études, l’âge n’est pas à prendre en
carencés avec taux inférieur à 10ng/mL. On va retrouver certain
compte, les jeunes peuvent également être déficitaires. La popula-
praticiens avec des taux inférieurs à 5ng.. Ce nombre très élevé de
tion âgée est considérée comme déficiente mais un dosage préa-
personnes carencées peut être expliqué par un défaut de prise de
lable permettrait de mieux adapter la supplémentation.
conscience du corps médical : les médecins supplémentent leurs patients mais ne se sentent pas concernés par le problème. On peut
Finalement, la prévention dans le domaine de la santé bucco den-
également évoquer le rythme de travail des médecins hospitaliers
taire devrait s’appuyer sur un dosage plus fréquent : l’exploration pourrait être considérée comme équivalente à la prise de la tension
qui limite fortement leur exposition solaire.
artérielle chez le médecin traitant.
Il sera nécessaire de continuer cette étude dans le temps afin d’obtenir des séries plus homogènes.
2. ELÉMENTS
Ces résultats nous incitent à envisager une supplémentation défini-
SUGGÉRANT UNE DÉFICIENCE
tive pour le patient, car l’objectif n’est pas seulement d’équilibrer le
• Individuels : Age, obésité, femme enceinte
patient pour la chirurgie ou les soins mais de participer à une
• Cliniques : Douleurs musculo squelettiques diffuses non spécifiques
homéostasie plus constante au long cours. Il apparaît évident que le
• Fractures spontanées, maladies rénales chroniques, fatigue géné-
dosage de la vitamine D devient une nécessité dans le bilan pré
ralisée chronique, alcoolo-tabagisme, dépression
opératoire de nos patients en odontologie. L’ostéointégration d’un implant, d’une greffe osseuse mais également, la stabilité de l’os ou
• Radiologiques : Baisse de la densité osseuse
d’un traitement parodontal va évidemment dépendre d’un maintien
• Biologiques : Elévation de l’hormone parathyroide (PTH),
à long terme d’un taux sérique adéquat.
hypocalcémie
Influence de la chirurgie sur le taux de vitamine D
3. CONDUITE
À TENIR
Toute opération quelque qu’elle soit entraine un stress oxydatif,
La consommation journalière de l’organisme en vitamine D est en
aboutissant à une surconsommation de vitamine D. Ceci pourrait
moyenne de 2000 à 4000 UI (4). Les apports journaliers devront
expliquer pourquoi certains patients, dosés immédiatement après
donc compenser cette dernière.
une chirurgie, voient leur taux diminuer en postopératoire.
Concernant la population en bonne santé, la supplémentation clas-
Ainsi, il sera tout naturellement logique d’envisager une supplé-
sique est de l’ordre de 800 à 1200 UI/jour, sans aucun risque de
mentation plus riche afin d’obtenir un taux largement supérieur à
toxicité, ou de 50 000 UI/mois (30).
30ng/mL. Un taux de 50ng/mL en pré opératoire serait-il plus
Les personnes à risque devront logiquement recevoir une dose
approprié ? Des études sont en cours pour répondre à cette ques-
supérieure.
tion. Les premiers résultats montrent une nette amélioration des
La supplémentation peut se faire de plusieurs façons :
suites postopératoires, notamment en chirurgie carcinologique, lorsque
• Gouttes (UVEDOSE) 1million UI pour cent : 6 à 12 gouttes par
les taux se situent aux alentours de 50ng/mL en préopératoire.
jour
Il faut également rappeler que la vitamine D a un effet protecteur
• Ampoules (UVEDOSE) 100 000 UI, 3 à 4 fois par an
contre ce stress : à des concentrations physiologiques, elle protège les cellules contre les dommages oxydatifs (29).
• Comprimés (200, 400, 8000 ou 1000 UI par comprimé selon la déficience, 1 comprimé par jour).
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Pour un traitement d’attaque, la supplémentation se fait en 2 à 4
9: 22.
prises de 100 000 UI, espacées de 15 jours, selon la gravité de
15. Joseph R & al. « Low levels of serum Vitamin D in chronic periodontitis patients with type 2 diabetes mellitus: A hospital-based cross-sectional clinical study ». Indian Soc Periodontol. 2015 Sep-Oct;19(5):501-6
l’atteinte.
16. Martelli FS, Martelli M & al. « Vitamin D: relevance in dental practice » Clin Cases Miner Bone Metab. 2014 Jan;11(1):15-9
4. CONCLUSION la vitamine D.
17. Nakamichi Y, Takahashi N. « Current Topics on Vitamin D. The role of active forms of vitamin D in regulation of bone remodeling ». Clin Calcium. 2015 Mar;25(3):395-402
Mais il apparait évident que c’est un facteur clé de l’homéostasie.
18. Zhan Y, Samietz S & al. « Prospective Study of Serum 25-hydroxy Vitamin D and Tooth Loss ». J Dent Res. 2014 May 14;93(7):639-644
Cette étude n’est qu’une approche partielle de la problématique de
Les patients et les soignants sont autant concernés par le manque
19. Schroth RJ, Rabbani R & al. « Vitamin D and Dental Caries in Children ». Dent Res. 2016 Feb;95(2):173-9
de vitamine D.
20. Schroth RJ, Levi JA & al. « Vitamin D status of children with severe early childhood caries: a case-control study ». BMC Pediatr. 2013 Oct 25;13:174
De nombreuses études seront nécessaires pour mieux cerner les implications et les conséquences de cette déficience. Enfin, il ne fau-
21. Schroth RJ, Lavelle C & al. « Prenatal vitamin D and dental caries in infants ». Pediatrics. 2014 May;133(5):e1277-84
dra pas oublier que le cholestérol et la vit. D sont très liés et qu’il faudra dans de prochaines études évaluer le nombre de patients
22. Kühnisch J, Thiering E & al. « Elevated serum 25(OH)-vitamin D levels are negatively correlated with molar-incisor hypomineralization ». J Dent Res. 2015 Feb;94(2):381-7
déficients qui sont également en excès de cholestérol, autre facteur intervenant dans le bon fonctionnement du métabolisme osseux...
23. Dvorak G, Fügl A & al. « Impact of dietary vitamin D on osseointegration in the ovariectomized rat ». Clin Oral Implants Res. 2012 Nov;23(11):1308-13
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