JQR vol.16 Octobre, 2012

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10.11 2012 OCT&NOV vol. 16

Gratuite

SPECIAL INTERVIEW Asia Pacific CEO, GE Capital Real Estate

[ S p é c i a l ]Voyager au rythme du vrai Kyoto

Découvrir les Machiya ● Quatre questions pour mieux connaître les Machiya.

NOUVEAU

Japon《Undercover》

● Vivre dans une Machiya

D’autres yeux, d’autres oreilles

● Pour ceux qui veulent tenter l’expérience, Voici la gamme des Machiya où séjourner :

Voyages dans la vallée

● Guide JQR des restaurants, bars et cafés de Kyoto [Une conversation avec des résidents étrangers]Vivre à Kyoto

Histoire, calme et modernité

fre.jqrmag.com



Numéro double de Octobre-Novembre 2012 (sortie le 25 Octobre 2012).

CO V E R

Photography/Satoru Naito

S O M M A I R E 05

NOUVEAU

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NOUVEAU

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Japon《Undercover》Hiroyuki Abe D’autres yeux, d’autres oreilles HAMAJI Michio

Kyoto

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Découvrir les Machiya

● Quatre questions pour mieux connaître les Machiya. Four key questions and answers that will help you develop a deeper understanding of kyo-machiya townhouses ● Vivre dans une Machiya ● Un séjour en machiya : la vision d’Iori. ● Pour ceux qui veulent tenter l’expérience, Voici la gamme des Machiya où séjourner :

30 Guide JQR des

restaurants, bars et cafés de Kyoto

34 [Une conversation avec des résidents étrangers]Vivre à Kyoto Histoire, calme et modernité 40

SPECIAL INTERVIEW

Asia Pacific CEO, GE Capital Real Estate François Trausch

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Touring the Festivals of Japan

Kenka Tanabata (fête des étoiles bagarreuse) de Kesenmachi NOUVEAU

Voyages dans la vallée Bruce Huebner

51 Le Théâtre Shirano Publisher and Editor-in-Chief Jun Shinozuka Editors

2-1-14 Sarugaku-cho, Chiyoda-ku Tokyo 101-0064 03-3518-2270

Dai Furusawa

Publicité JQR (Integral Corp.)

Michael Konin Kato

2-1-14 Sarugaku-cho, Chiyoda-ku Tokyo 101-0064 03-3518-4488

Lyu nari Designer

Rédaction JQR

Christine Lavoie-Gagnon

Jun Nakaki

Wakako Kawasaki Tomomi nomura

Translation

Manabiya Inc.

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HIROYUKI ABE

Découvrez l’envers du décor.

Japon 《Undercover》

vol. 1

vol.1

L’avenir du « Cool Japan » Cela fait maintenant assez longtemps

les Européens, qui savent apprécier la

locaux » ainsi créés.

que nous entendons parler de

valeur des marchandises produites au

On ne peut pas dire que le soutien ainsi

l’« opération Cool Japan ». Il semblerait

Japon, se satisfont de simples copies

apporté par le gouvernement au

en effet que la puissance douce du

pirates. Au contraire ils veulent des

business du Cool Japan soit inutile,

Japon soit appréciée à l’étranger de

produits fabriqués au Japon. Seulement,

mais il y a de fortes chances que cela

façon plutôt constante.

pour nous, les PME japonaises, même si

reste une initiative isolée. C’est la

Au début du mois de juillet je me suis

nous souhaitons élargir nos activités à

sphère privée qui doit se charger de la

rendu en France, à la Japan Expo. Je

l'international, avec nos capacités

continuité du projet. Le gouvernement

voulais voir comment était reçue la

d'investissement c'est très difficile. Tant

devrait collaborer avec le JETRO (Japan

culture japonaise en Europe. J'ai été

que nous n'aurons pas le soutien du

External Trade Organization) et la JBIC

très impressionné par la présence

gouvernement... »

(Japan Bank for International

massive de cosplayers, fans de mode

Alors, le gouvernement reste-t-il les bras

Cooperation) afin d'aider financièrement

japonaise, de j-pop, de mangas et de

croisés ? La réponse est non. Le

et d'agir comme conseiller en ce qui

japanimation. Et pourtant, de nombreux

ministère de l'Économie, du Commerce

concerne le développement local. Ce

stands venaient de pays autres que le

et de l’Industrie, avec à sa tête le

serait certainement d'un grand secours

Japon. Ce qui signifie que des

ministre M. Edano, se penche

pour les entreprises qui souhaitent

investisseurs coréens, chinois, voire

sérieusement sur le problème. L’une de

développer le business du Cool Japan à

même arabes tentent de surfer sur la

ses réponses, c'est son projet de

l'étranger. Le chef d'entreprise cité plus

vague du « Cool Japan » pour engranger

promotion de l’opération Cool Japan en

haut met l’accent sur ce point : « Pour

un maximum de profits. Soutenus par

soutien du développement, sur les

le développement à l'étranger des

une main d’œuvre attractive, ils sont

marchés étrangers, des créateurs et

sociétés japonaises, il est nécessaire de

particulièrement compétitifs. Les

entreprises japonaises actives dans ce

disposer de personnes sur place

entreprises japonaises n'ont pas de quoi

secteur. Plus concrètement, le but est

connaissant à fond les lois et les

lutter contre ces habiles imitations de

d'encourager les ventes via des projets

réglementations en vigueur dans chacun

leurs produits. Le « Cool Japan » est en

qui généreront de l'activité, comme celui

de ces pays. »

train de devenir le « Cool Asia ». On

qui vise à diffuser les dernières modes

La route est encore longue pour les

aimerait pouvoir dire que cela contribue

de Shibuya à Singapour. Il s'agit

entreprises japonaises n’ayant pu

au développement économique des pays

également de collaborer avec des

s’atteler au développement de leur

d'Asie, mais vu du côté japonais qui

chaînes de télévision indiennes pour

marque à l’étranger. Mais si les choses

n’en tire pas profit, ce sont des paroles

l’adaptation de personnages de dessins-

ne bougent pas maintenant on ne

vides de sens.

animés de sport (en remplaçant le

récoltera jamais les fruits du business

Le patron d'une entreprise exposant des

baseball par le cricket par exemple) et

du Cool Japan.

antiquités japonaises à la Japan Expo

de soutenir des fabricants de produits

Le succès de l’opération Cool Japan

se plaint en ces termes : « En Europe,

sous licence (jouets, fournitures de

dépend maintenant des volontés

les articles estampillés made in japan

bureau, produits pour enfants, vêtements

respectives des acteurs publics et

sont rares. Ce qui ne veut pas dire que

etc.) dans la diffusion des « héros

privés.

Hiroyuki Abe

Diplômé du département d’économie de l’université Keïo, il est titulaire d’une maîtrise en relations internationales à l’Université Internationale du Japon. D’abord journaliste chargé de couvrir le ministère des Finances et le ministère de l’Économie, du Commerce

et de l’Industrie, pour le compte de la chaîne Fuji TV, il devient ensuite responsable des questions économiques. Il passe directeur de la branche new-yorkaise de la chaîne, puis présentateur du journal télévisé News Japan, prend le poste de directeur de la division économie, et tient actuellement le rôle de commentateur.

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ce du

rvi au se n e i el ~ otid u qu ercultur d s t t e in s mo ~ Le dialogu

D’autres yeux, d’autres oreilles

耳 異 異目 Derviche? Qui ça? >>>

Vol.1

Vol.1

Derviche? Qui ça?

Si vous demandez à des Japonais s’ils

leur danse de prière au cours de laquelle,

D’ailleurs, le nom complet du joueur de

connaissent un « derviche », beaucoup

coiffés d’un et vêtus

baseball est Sefat Farid Yu Darvish.

vous répondront : « Derviche ? Vous

d’une jupe large, ils tournoient sur

Les ethnies, les races, les religions se

voulez dire « Darvish », le joueur de

eux-mêmes à l’infini.

mêlant et des personnes d’origines très

baseball ? ». Oui, Yu Darvish, le fameux

Les hommes étant tous égaux devant

diverses cohabitant aux Etats-Unis, tout

lanceur de l’équipe des Hokkaido Nippon

Allah, ils prônent la frugalité et rejettent

cela est très normal pour les Américains.

Ham Fighters recruté par les Texas

le matérialisme. Ils se détachent des

Ce nom, Darvish, se fond avec naturel

Rangers, une équipe de la Ligue Majeure

choses de ce monde et vivent

dans cette diversité. Raison pour laquelle

de baseball des Etats-Unis !

d’aumônes. Parfois qualifiés de

les Américains tombent des nues quand

Par contre, si vous demandez aux mêmes

« mendiants », il serait sans doute plus

on leur explique que le fameux pitcher

Japonais ce qu’est un derviche et le

juste de dire qu’ils exercent un vœu de

Yu Darvish est en fait Japonais ! C’est là

pourquoi de ce nom, rares sont ceux qui

pauvreté.

un exemple tout à fait significatif de

pourront vous donner une réponse du tac

Ils suivent les enseignements de l’imam

fossé culturel.

au tac. Par contre, posez la même

Ali, cousin et gendre du Prophète

Dans le quartier d’affaires de Midtown

question à des Américains, et ils vous

Mahomet et fondateur du chiisme, l’une

Manhattan à New York, au croisement de

répondront immédiatement : « Derviche

des deux branches de l’Islam. Le nom du

la 47ème rue et de la 7ème Avenue se

tourneur ! ». Tourneur, car un derviche

lanceur de baseball Yu Darvish fait

situe le restaurant turc Dervish, dont

tourne sur lui-même… Le mot « derviche » désigne un ordre

également référence à l’imam Ali, car il

l’enseigne arbore le signe

s’écrit avec un idéogramme qui peut se

« Mediterranean Restaurant ». A

mystique de la branche chiite de l’Islam,

prononcer indifféremment Yu et Ari.

l’intérieur, un tableau représente un

le soufisme. Les derviches de l’ordre

Le père de Yu Darvish étant d’origine

derviche tourneur.

Mevlevi fondé à Konya, au centre de la

iranienne, peut-être a-t’ il nommé son fils

Turquie méridionale, sont célèbres pour

en hommage au fondateur du chiisme, Ali ?

HAMAJI Michio

Consultant spécialisé en business international. Chargé de cours à la Faculté des Etudes Internationales de l’université Bunkyo. Diplômé de la Faculté d’Economie de l’université Keio en 1965 et après une formation commerciale universitaire, il est envoyé au Moyen Orient en tant que responsable des affaires pétrolières d’une firme commerciale. Reconverti dans l’informatique à l’âge de 45 ans, il émigre aux Etats-Unis (New York), travaille dans une agence de traduction puis pour une entreprise américano-japonaise du secteur des télécommunications avant de s’établir comme indépendant en 2002. Il est en charge de l’établissement du pavillon de l’Arabie Saoudite lors de l’Exposition Universelle d’Aichi et d’une série de vidéos sur le célèbre chef d’orchestre Leonard Bernstein. Il est consultant en charge du Japon pour l’entreprise américaine de systèmes informatiques Cognizant et le spécialiste anglais de l’enseignement Pearson.

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Ce passage ĂŠtroit est tellement japonais! Y a-t-il vraiment une maison au bout?

(Julia, 28 ans, est mannequin au Japon. Originaire de la vaste Russie, elle adore voyager ♼ )

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Bonjour ! Il y a quelqu'un?

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Quelle endroit magnifique ! Ça rendra mon voyage cent fois plus agrÊable !

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(Cet élégant appartement à la japonaise, "Minoyamachi", n'est qu'un des

nombreux logements disponibles de Kyo Machiya Stay. Pour en savoir plus, lisez notre article spécial.) 2012 Oct&Nov

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JQR SPECIAL

Kyoto

京都 Découvrir les Machiya Voyager au rythme du vrai Kyoto

Kyoto, la capitale aux 1200 ans d'histoire. Sa tradition et sa culture, nées dans l'éternel flux du temps, sont riches et fascinantes. Pour de s’imprégner de l'âme de Kyoto, il faut y séjourner comme si l’on y vivait. Nous vous invitons à un nouveau voyage dans lequel nous prendrons le temps de séjourner dans une Machiya et ainsi profiter des charmes insoupçonnés de Kyoto. Photos : Satoru Naito Reportage et texte : Rédaction JQR

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t

Posées au professeur Yoshifumi Muneta

Quatre questions pour mieux connaître les Machiya. Lors de la rébellion de Hamaguri (en 1864), de nombreuses maisons de Kyoto furent incendiées. Actuellement, il ne reste plus que les Machiya (maisons traditionnelles combinant lieu de vie et lieu de travail) construites après ces événements. Ces bâtisses qui gardent encore la trace du quotidien de ceux qui les ont occupées, sont des constructions en bois, au charme nostalgique puissant, qui évoquent l'ingéniosité et la sagesse

Entrepôt

Jardin

des gens de l'époque. Le professeur Yoshifumi Muneta, qui se consacre à la recherche sur les Machiya et à leur rénovation, répond à quatre questions pour nous faire apprécier tout l'attrait de ces maisons.

Q A

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Pourquoi la façade est-elle si étroite et la maison si profonde ? Comme dans les quartiers d'artisans des vieilles villes d'Asie ou d'Europe, les terrains ont été découpés en bandes afin que tous puissent avoir leur magasin donnant

Q A

À quoi ressemble la vie dans ces maisons ? Une grosse moitié des maisons possèdent des installations modernes, comme des cuisines toute équipées. Mais l'ambiance particulière des constructions

sur la rue. Les « schiera », « linear houses » et autres « shop houses »

de bois portant les stigmates du temps, les parfums et l’éclairage

ont à Kyoto pour surnom les « chambre à coucher des anguilles ».

naturel des jardins intérieurs, changeant au fil des saisons, sont

Elles sont la preuve que le commerce et l'artisanat étaient prospères.

autant d'avantages que seules les Machiya peuvent offrir. Encore

La légende populaire dit que les taxes étaient calculées en fonction

maintenant, il y a beaucoup de maisons où, chaque été et chaque

de la largeur de la façade, mais c'est une pratique postérieure à la

hiver, on doit changer les portes coulissantes. La fête de Gion, ainsi

construction de ces maisons. Maintenant encore, certaines

que les nombreuses fêtes mensuelles demandent beaucoup de

associations de quartier à Kyoto déterminent le prix des cotisations

préparation, mais c'est toujours un plaisir d’accueillir les gens à ces

en fonction de la largeur de la façade. Avec cette forme particulière,

fêtes traditionnelles. On continue aussi de porter des kimonos et

les ateliers ou entrepôts, situés au fond de la maison, désormais

d'utiliser des objets artisanaux pour conserver le style de vie

entourés de jardins, sont devenus des lieux de vie bien agréables.

traditionnel de Kyoto.

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京都

t

JQR SPECIAL

Kyoto

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Yoshifumi Muneta Né en 1956, il est diplômé du département d'architecture de l'université Hosei, à Tokyo. A l'occasion de séjours dans les universités de Rome et Pise en Italie, il se spécialise dans les projets de rénovation urbaine. En 1993, il devient professeur-assistant à l'université préfectorale de Kyoto, à la section études environnementales. En 2012, il devient professeur. Ses recherches portent sur les projets de rénovation de villes avec un fort patrimoine historique. Il est l'auteur de nombreuses publications sur le sujet. Il a écrit, entre autres, « Discours théorique sur la réhabilitation des Machiya », aux éditions Gakugei Shuppan.

Plan typique d'une Machiya

Regain de popularité pour les Machiya De nombreux habitants de Kyoto se sont mis à apprécier le charme de ces vieilles maisons. Plutôt qu’un regain d’intérêt pour

Cuisine

l'histoire et la culture, c'est surtout parce qu'ils se sont lassés de

Jardin intérieur

la vie urbaine moderne, pratique mais aseptisée et uniforme. Presque 70 ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre, et l'architecture moderne n'a malheureusement pas réussi à produire un habitat qui puisse concurrencer, en termes de paysage et d'attrait, les quartiers de Machiya. Ceux qui ont fait l'expérience

Salon

Magasin

de vivre dans une belle ville au patrimoine historique, comme Paris ou Florence, ont compris que les Machiya de Kyoto n'avaient rien à leur envier, et qu’on pouvait y vivre une vie bien plus riche. Ce sont d'abord les artistes qui ont pris conscience de ce fait et qui ont commencé à les réinvestir. Ce sont désormais de jeunes gens de bon goût qui se mettent aussi à les occuper. Même ceux qui habitent depuis toujours ces maison dépourvues de toute richesse superficielle redécouvrent le charme des Machiya .

Q A

Quelles sont les particularités architecturales des Machiya ? On trouve ce genre de maisons dans tout le Japon. Elles possèdent de nombreuses particularités en fonction de leur région. La caractéristique principale des Machiya de

Q A

Est-il vrai que les Machiya sont en train de disparaître ? Pour les gens nés avant la guerre, continuer de vivre dans la maison familiale paraît une évidence. Mais ceux de la génération d'après guerre vivent pour la plupart dans des

Kyoto, c'est que, comparées aux autres, ce sont des constructions

résidences en banlieue ou dans des appartements. Ils se sont

légères et souples, fabriquées avec des matériaux très fins. Les piliers

éloignés des Machiya. Il y a de plus en plus de gens qui, bien qu'ils

sont élevés sur des fondations en pierre. C'est un type de structure

aient hérité ces maisons de leurs parents, ne savent pas quoi en

très ancien qu'on peut souvent voir dans les temples bouddhistes et

faire. Ils ne souhaitent pas se débarrasser d'un terrain situé en plein

shintos. Même si ces maisons ne sont pas conformes aux normes

centre ville, mais l'entretien d'une vieille maison vide est très difficile.

architecturales, des expériences récentes ont montré qu'elles

La ville de Kyoto encourage la préservation des Machiya, mais

résistaient très bien aux tremblements de terre. Quand les piliers se

chaque année plus d'une centaine de bâtisses sont perdues pour

détachent des fondations, ils absorbent les vibrations. De plus, les

toutes ces raisons. Malgré tout cela, le nombre de personnes et de

grandes Machiya de Kyoto sont divisées en de nombreuses

commerces récupérant ces maisons vides est actuellement en

constructions, comme l’Omoteya (façade), l’Omoya (résidence), le

augmentation.

Kura (entrepôt), le Hanare (l’annexe)… Les entrepôts résistent bien aux incendies. Autrefois on y rangeait vêtements et tissus précieux. 2012 Oct&Nov

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La beauté d'une habitation chargée d'histoire

Vivre dans une Machiya

On entend parfois dir immense savoir et d’

après génération. No

Photos : Satoru Naito Re

Construction dans le style Omoteya-Zukuri, représentatif des Machiya de l'ancienne capitale : l’entrepôt et la pièce principale, bâtis en 36 de l'ère Meiji (1903), sont composés de motifs de style Sukiya. On peut observer une certaine fantaisie dans la menuiserie jusque dans les placards du haut ornés de motifs arrondis. En janvier 2012, la ville de Kyoto, soucieuse de la conserver, a classé la résidence Onotei « Bâtiment et jardin ornemental de Kyoto ».

La Machiya coûte un argent fou. Mais on l’aime quand même.

onotei

ono tei

1-235, Yakushi-cho, Yamato-oji Matsubara-sagaru, Higashiyama-ku

« J’aimerais bien vivre dans une Machiya ! C'est

également spirituel. « C'est très reposant, la

tout ce que je me disais lorsque je l'ai achetée,

hauteur du plafond lorsqu'on est assis est parfaite.

mais je ne savais rien à leur sujet » nous

De plus, c'est très calme. Avec le vent venant du

explique Haruhisa Ono. « J'ai alors demandé des

jardin, même en été, l'intérieur est plus frais de

explications sur le faîtage et l'armature à mon

cinq degrés par rapport à l'extérieur. » Toutefois,

chef-menuisier et à un professeur d'université.

l'hiver, il fait terriblement froid, et la première

Grâce à ce savoir, j'ai pu maîtriser le sujet, et

année, M.Ono s’est fait une belle collection

j'en suis devenu mordu. Mais alors, qu’est-ce que

d’engelures aux pieds. « Même à l’intérieur, il faut

ça peut pomper comme argent ! » plaisante-t-il.

s’adapter ! Il suffit d’empiler les vêtements. Et dès

Après avoir acheté cette Machiya restée vacante

la deuxième année, j'ai surmonté le problème avec

pendant 10 ans, il a dû dépenser 5 millions de

un chauffage au fioul ». M. Ono chérit sa maison :

yens rien que pour renforcer les fondations de la

« Les changements des saisons se ressentent et

salle aux tatamis.

l’on doit s’adapter naturellement à leur ronde. »

Selon M. Ono, le charme de la Machiya est

M. Haruhisa Ono

La résidence Ono propose le gîte pour une nuit par couple, alors si l'envie vous prend de passer la nuit chez lui, rendez-lui visite. Renseignements par téléphone. Tél : 075-531-2601

Le savoir-faire et les rapports humains sont indispensables à la restauration d’une Machiya. M. Hirohisa Tomiie Représentant administratif de l’agence d’architecture Tomiie. Architecte expert.

C’est parce qu’il y a de la vie qu’il y a des Machiya. Et comme l’activité disparaît, le fait de vivre en Machiya est en train de perdre tout son sens. Prenez par exemple les Degoshi (palissades

M. Hirohisa Tomiie, architecte, s’occupe de la restauration

à barreaux de bois), que l’on peut retirer. Pendant

de Machiya. Une Machiya est une construction souple,

la fête du Jizobon, la pièce extérieure est ainsi

facilement modulable. Il suffit de remplacer les pièces qui

reliée à la rue, et les enfants peuvent aller et venir

ont souffert. M. Tomiie nous explique comment le savoir-

librement. Avec la disparition de cette tradition,

faire des menuisiers est ici indispensable.

disparaît également l’occasion de retirer les Degoshi, et c’est la forme même de la Machiya qui perd son utilité. Autant la détruire et mettre un

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京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

re qu’elles sont sombres, froides et tristes. Mais les irremplaçables Machiya, fruits d’un ’un travail éreintant, sont des lieux où vivent confortablement des familles, génération

ous avons demandé à deux personnes de nous raconter leur vie en Machiya.

eportage et texte : Rédaction JQR

Le faîtage est novateur pour une Machiya du début de l'ère Showa. En comparaison avec les Machiya de l'époque Meiji, le plafond est haut et nous rappelle une pièce occidentale. Archétype du style Omoteya-zukuri, le lieu de vie et le lieu de travail ne font qu’un. « En habitant ici, on se rend compte à quel point c’est facile. Je pensais que ce serait quand même moins confortable ! » nous confie Mme Furukawa.

furukawa

C’est la maison qui nous offre son style de vie.

Furukawa tei

La pièce à tatamis que nous traversons pendant

temps et dépensait tout son argent dans la maison. ».

que Mme Furukawa nous explique que cette

Ma famille, connaissant le caractère de cet

Machiya fut construite par son arrière-grand-père

homme, n’a presque touché à rien et la maison a

maternel en 1929, débouche sur un jardin et

gardé son aspect du premier jour.

resplendit de lumière. Dans cette Machiya, les

Cela fait 6 ans que Mme Furukawa vit dans cette

516, Kikuya-cho, Yoshiyamachidori Kamichojamachi-sagaru, Kamigyo-ku

pièces sont extraordinairement claires car à

Machiya. « En commençant à habiter ici, je me

l'époque Showa, on ne lésinait pas sur les carreaux

suis rendue compte que les gens qui vivaient sous

qui commençaient à se démocratiser. La bâtisse

son toit l’avaient pensée pour la rendre la plus

est élégante, les lattes du plafond du 1er étage

agréable possible. » « C’est vraiment magnifique.

sont en cyprès de l'île de Yakushima.

On a comme l’impression que la maison nous offre

« Mon arrière-grand-père était artisan tresseur de

son style de vie. » On prend conscience, en

cordons, il n'était donc pas particulièrement riche.

pénétrant ce lieu, que les paroles des précédents

Or, selon sa fille, ma grand-mère, il était

habitants résonnent encore dans les silences.

terriblement austère, ne prenait jamais de bon

Mme Furukawa Rieko

La résidence Furukawa d'Imahara Machiya vous propose de partager un ragoût Nabé en utilisant la salle de banquet à tatamis du fond, donnant sur le jardin. Elle propose également un déjeuner spécial servi uniquement chaque vendredi. Réservations par téléphone. Tél : 075-203-5169

garage à la place. Notre travail est de redonner

la lumière se diffuse et remplaçons les fenêtres

mobilise toutes les forces, s'en tenir aux travaux

leur forme traditionnelle aux Machiya de Kyoto, à

coulissantes en aluminium par des fenêtres à

ne mène à rien. Il est important d'apprendre le

raison de deux chantiers par an environ.

barreau Mushikomado. Lorsque les murs en

savoir-faire des menuisiers. Il ne s’agit pas

Ici, nous réparons les armatures déformées,

torchis sont abîmés par leur placage de bois, nous

seulement de techniques de construction

ajoutons des murs en torchis, changeons les

retirons ce placage, aérons le mur et la terre

traditionnelles. « Je ne trouve pas mon outil, tu

poutres qui ont souffert et renforçons le tout. Nous

reprend vie. Pour ce qui est de la menuiserie

sais où il est ? Il n’est pas dans l’entrepôt ? » A

lui redonnons, dans la mesure du possible, son

mobile, nous employons d'anciennes pièces

ce genre de questions, les rapports humains sont

aspect d'origine. Nous posons un plancher

provenant d'autres Machiya démolies. Nous les

indispensables.

installons une cuisine toute équipée. Lorsque la

achetons, les nettoyons et les réutilisons. Car

pièce est sombre nous retravaillons les fenêtres

aujourd'hui, les carreaux en verre soufflé ne sont

de toit au-dessus du foyer, les modifions pour que

plus fabriqués. Comme un chantier de restauration 2012 Oct&Nov

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Le vrai plaisir du voyage ? Se fondre dans la vie locale.

Un séjour en machiya :

séjour élégant et complètement différent de celui des hôtels ou des auberges traditionnelles. Il nous raconte comment il en a fait une réalité grâce aux machiya, ces maisons de ville en bois désaffectées et restaurées.

Hideki Kajiura Diplômé de la faculté de droit de l’université de Tokyo. Entré en 1980 aux Japanese National Railways, il quitte l’entreprise en 1987 et travaille dans diverses sociétés en tant qu’administrateur ou consultant. Il fonde Iori en 2003 et en assume le poste de PDG, tout en apportant son expertise au ministère de l’Economie, du commerce et de l’industrie et à l’agence pour les Affaires culturelles.

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la vision d

Hideki Kajiura, président d’Iori, avait une vision, celle d’un style de de

Photos : Satoru Naito Reportage et texte : Rédaction JQR

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京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

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d’Iori.

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Le luxe de pouvoir se détendre dans l’élégante atmosphère d’une machiya.

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京都

Des amis du travail m’ont initié au bonheur et à la profondeur des voyages. Une fois diplômé de l’université, je suis entré aux Japanese National Railways. Peu après, j’ai été envoyé en poste à Kanazawa. C’était la première fois que je vivais dans cette ville alors bien sûr, j’en ai profité pour en découvrir tous les recoins. Mes collègues m’ont initié aux richesses de la région. Au printemps, on allait ramasser dans la montagne des plantes sauvages et des pousses de bambou. Dans la foulée, on allait frapper chez des amis, et la maîtresse des lieux cuisinait et servait les produits tout juste récoltés qu’on dégustait en accompagnement de notre saké. C’était incroyable ! L’été, on se rendait chez des amis qui tenaient des chambres d’hôtes dans la péninsule de Noto, et aux aurores, on partait en mer sur un bateau de pêche. On pêchait et au retour, on mangeait le poisson tout frais, en sashimi, au petit déjeuner, avec du riz bien chaud. Kanazawa est aussi riche en sources thermales, et on avait toujours une bonne excuse pour y aller : admirer la floraison des cerisiers, célébrer le départ d’un collègue… les sources thermales, c’était véritablement un prolongement de la vie quotidienne, et j’avais trouvé cela vraiment étonnant. Un collègue du travail m’emmenait à Higashiyama voir le « quartier des plaisirs », et on restait là avec une geiko, à jouer du tambour. Tout cela, je l’ai vécu dans ma jeunesse, et grâce à ces expériences, j’ai compris que chaque région du Japon recélait des trésors qui restaient inconnus à ceux qui se contentent d’un voyage traditionnel et des endroits que les guides touristiques ne permettaient pas de découvrir.

Une fois de retour à Tokyo, c’en était terminé de ces plaisirs. J’ai quitté l’entreprise au moment de son démembrement et de sa privatisation. Puis dans ma quarantaine, j’ai décidé de faire ce que j’aimais le plus et j’ai créé ma propre entreprise dans le tourisme.

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Les deux années où j’ai vécu et voyagé

maisons, les agences immobilières ne

à Kanazawa m’ont donnée une idée :

voulaient rien entendre. On me répondait :

je me suis demandé s’il n’était pas

« Vous aurez beau acheter une de ces

possible de transformer une maison

vieilles bâtisses, elles sont tellement

privée en structure d’hébergement, plutôt

sales que jamais personne ne voudra y

que d’utiliser toujours et encore des

séjourner », ou encore : « Ces maisons

hôtels ou des auberges traditionnelles.

sont glaciales, sombres et tristes, c’est

C’est justement à ce moment-là que je

pour cela qu’elles disparaissent ! ». De

suis venu à Kyoto et que j’ai découvert

plus, je suis de Tokyo, donc on ne me

les machiya, ces maisons de ville en

faisait absolument pas confiance !

bois.

J’ai eu une longue période de frustration

Kyoto est un lieu idéal pour créer un

où je n’arrivais pas à faire ma place au

nouveau concept touristique car c’est le

soleil. Mais un beau jour, j’ai rencontré

plus important site touristique du Japon,

un agent immobilier qui lui, avait bien

avec ses 50 millions de visiteurs par an

l’intention de préserver les machiya.

dont 20 millions y restent pour un

Quelle joie quand enfin, j’ai débusqué

séjour. Le moindre changement à Kyoto

une machiya utilisable à mes fins ! Mais

peut avoir une incidence sur le Japon

une seule maison, ce n’était pas assez

entier.

pour faire tourner mon entreprise. Quand

Le gouvernement japonais a décerné à

j’en ai eu 3, j’ai pu commencer leur

une centaine de quartiers dans le pays

réfection. Parce qu’il fallait bien

la désignation « zone de préservation

commencer par restaurer ces maisons

des bâtiments traditionnels importants »,

qui avaient beaucoup souffert d’avoir été

notamment à des quartiers construits

abandonnées.

autour des châteaux féodaux (jôkamachi)

J’avais une image en tête, celle de

ou aux portes des temples importants

maisons où il fait bon être, et construites

(monzenmachi) et à leurs jolies ruelles,

avec de beaux matériaux.

à des villes commerçantes et portuaires, à des zones rurales… Malheureusement, tous ces endroits connaissent l’exode, le vieillissement de leur population et la fuite des ménages vers les grandes villes. Même des maisons magnifiques

Malheureusement, faire comprendre mon

appartenant au patrimoine culturel se

idée aux maçons était une autre paire

retrouvent abandonnées. Je me suis

de manches. Nous n’arrivions pas à

demandé s’il n’était pas possible de

trouver un terrain d’entente. Alors j’ai

redonner une vie aux régions en utilisant

passé du temps dans une machiya

ces maisons de ville ou de campagne et

restaurée et j’ai ainsi compris qu’il fallait

en y attirant des visiteurs étrangers, et

mieux restaurer ceci ou cela, ou faire

j’ai commencé par transformer des

telle chose de telle manière, ou encore

machiya, ces maisons de ville de Kyoto,

revoir les flux de circulation. Mais

en structures d’hébergement.

restaurer des maisons, cela demande de

Au terme d’une lutte acharnée, enfin, une machiya en ruines.

l’argent. Beaucoup d’argent. On se dit qu’il faut faire ceci, et refaire cela, et en un rien de temps on se retrouve avec des piles de factures sur les bras. Pour favoriser le tourisme, je voulais des

Une fois ma décision prise, j’ai fondé

machiya dans des quartiers qui

mon entreprise en décembre 2003.

disposent de toutes les commodités.

L’été de cette même année, j’avais

Mais le centre-ville de Kyoto est très

commencé à prospecter en vue de

cher ! Et je n’avais pas d’argent pour

trouver des maisons que je pourrais

acheter des machiya. Alors je les ai

utiliser pour organiser des séjours qui

louées.

permettraient aux visiteurs d’y vivre

Par ailleurs, les banques refusaient de

comme de véritables résidents du

me prêter de l’argent qui serait investi

quartier, mais les réactions étaient loin

dans la maison de quelqu’un d’autre.

d’être positives. J’avais beau expliquer à

J’avais beau expliquer mon business

quoi je voulais utiliser ces vieilles

model et mon projet de budget, c’était 2012 Oct&Nov

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Vivre dans une maison japonaise empreinte de tradition.

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2012 Oct&Nov


京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

difficile. Jai vraiment eu du mal à trouver

l’équation, et c’est ensemble que nous

apprécier encore plus le Japon. Je veux que

des fonds.

fixons le loyer à un niveau approprié.

nos visiteurs aiment ce nouveau style de

C’est là qu’on m’a présenté le Kyoto

Les propriétaires qui veulent faire du

voyage qui diffère complètement du tourisme

Venture Mekiki, une commission qui

profit avec des investissements

traditionnel.

apporte son soutien aux activités des

immobiliers, quant à eux, préfèreront

Je continuerai à faire de nos machiya des

jeunes entrepreneurs.

détruire leur machiya pour construire à

endroits pleins de charme et imprégnés de

la place des bâtiments à fort coefficient

l’histoire et des traditions de Kyoto. Et aussi

d’occupation des sols. Je suis toujours

des endroits où il fait bon être pour nos

extrêmement reconnaissant envers nos

visiteurs, et pas seulement des concepts

propriétaires, car rien ne serait possible

architecturaux. Chez Iori, nos architectes

s’ils n’avaient pas réellement envie de

travaillent sur les chantiers avec les

préserver leur patrimoine.

menuisiers et les maçons pour que notre

Le président de la commission était à l’époque Masao Horiba, le fondateur de Horiba Ltd. Les vice-présidents étaient Kazuo Inamori de Kyocera et Yasutaka Murata de Murata Manufacturing. Et les

Vivre la culture japonaise, de l’intérieur.

concept prenne forme, et c’est ensemble qu’ils résolvent les problèmes. C’est cela aussi qui fait tout l’intérêt et le sel de ce travail.

autres membres de la

C’est pour cette raison que

commission étaient tout

nous sommes heureux quand

aussi prestigieux ! Je leur

nous entendons nos visiteurs

ai présenté mon projet et ils

dire qu’alors qu’ils étaient

m’ont donné leur feu vert.

venus pour voir des temples

J’ai obtenu un prêt par

et des sanctuaires, ils sont

l’intermédiaire du

restés toute la journée à se

mécanisme de la

prélasser à la maison – ou au

commission et j’ai enfin pu

contraire, qu’ils étaient venus

lancer le projet en utilisant

précisément pour se prélasser

les fonds obtenus pour la

à la maison. D’autres vont

restauration des maisons.

manger la délicieuse cuisine

Une fois le projet sur les

de Kyoto puis rentrent se

rails, les média s’y sont

reposer. Pour moi, c’est le

intéressés, et par cette entremise, des gens m’ont contacté en me disant

signe qu’ils apprécient ce

Hideki Kajiura, PDG et créateur des « Machiya Stay », s’engage en faveur de la revitalisation régionale.

qu’ils ont à leur disposition. Certains visiteurs ont d’ores

qu’ils étaient propriétaires de machiya

Je veux apporter mon soutien aux

et déjà fait le tour de toutes nos maisons, et

qu’ils n’occupaient pas parce qu’ils

visiteurs qui veulent goûter aux charmes

ce faisant, ils ont trouvé la machiya qu’ils

habitaient dans des résidences

de Kyoto, à la profondeur du style de vie

préféraient. Alors ils viennent souvent, car ils

modernes, et me demandaient de les

de cette ville, à sa tradition de qualité.

savent qu’ils se plaisent dans une machiya

utiliser. Mais nous sommes limités à une

Les gens que je veux attirer, ce ne sont

donnée. D’autres vont séjourner l’été dans

zone géographique bien précise, alors

pas ceux qui se disent simplement que

une machiya et

nous avons été forcés de refuser des

ça a l’air sympa ou que ce n’est pas

l’automne dans une autre.

offres qui ne correspondaient pas à nos

cher. Au contraire, je veux des gens

Depuis la catastrophe du 11 mars, j’ai voulu

critères. Cela a été un déclencheur, et

exigeants, qui respectent la culture

faire connaître mon œuvre auprès des

nous avons mis en place un système

japonaise et qui vivent dans une

Japonais et j’ai organisé des activités

dans lequel c’est le propriétaire qui

certaine élégance à l’étranger.

permettant aux gens de Kyoto et aux

prend en charge les frais de réfection

A Kyoto, tout est à portée de main : le

habitants du quartier des machiya de venir

des machiya.

théâtre nô, le kyôgen, la cérémonie du

les visiter. J’organise des projets artistiques

Comme les terrains et les bâtiments

thé, la calligraphie, la danse

ou encore, plusieurs fois par mois, des

appartiennent aux propriétaires, ils

traditionnelle. Des gens de Kyoto m’ont

visites des machiya pour les gens du

peuvent emprunter auprès des banques

fait l’immense faveur de me présenter

quartier. Plusieurs fois, des gens m’ont dit

pour les travaux de réfection. Une fois

des maîtres de ces arts qui ont bien

que s’ils avaient su que c’était possible de

cette étape franchie, nous nous

voulu prêter l’oreille à mes demandes, et

faire ça, ils n’auraient pas détruit leur

concertons avec les propriétaires sur le

ensemble, nous avons créé un

machiya, qu’ils auraient continué à y habiter.

loyer à demander. Le rendement n’est

programme d’initiation aux arts du Japon

Il n’y a rien qui me fasse plus plaisir que de

peut-être pas spectaculaire pour les

qui permet de vivre l’intérieur la culture

savoir que j’ai pu inspirer des gens, et les

propriétaires, mais le système marche,

japonaise. Mon souhait, c’est que nos

convaincre de ne pas détruire leur machiya

car ils veulent préserver leur machiya.

visiteurs à Kyoto, en particulier ceux qui

pour au contraire s’en occuper et continuer

Ils ont également l’extrême gentillesse

viennent de l’étranger, puissent en

à y habiter.

de nous prendre en compte dans

bénéficier et par cette entremise, 2012 Oct&Nov

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No

Jeux de maison de thé

La pièce plongée dans la pénombre s’est éclairée d’un coup avec l’arrivée de Mesdemoiselles Fukuhiro et Fukunae. Les yeux ne peuvent se détacher de leurs fascinantes silhouettes dansant devant le paravent doré. Elles disent avoir une quarantaine de danses à leur répertoire. Deux heures et demie de rêve à savourer les « jeux de maison de thé ».

kyogen

Pourquoi JQR vous recommande le « séjour en Machiya» ?

Kyoto, ancienne capitale qui donne à voir

Car il vous rapproche un peu plus des charmes de Kyoto

aujourd’hui encore les coutumes et la

Mais libre à vous de décider selon vos envies…

possibilité de toucher du doigt cette

Pouvoir utiliser à sa guise son logement, c’est multiplier les possibilités de son séjour en

voyage à Kyoto n’en serait que plus

termes de créativité. En logeant dans une Machiya que vous louez à votre usage exclusif, vous pouvez, sans vous préoccuper des voisins, organiser des « jeux de maison de thé », des ateliers d’arts de tradition séculaire, ou encore des mini-événements en invitant des artistes. Pour pouvez aussi vous détendre en commandant vos repas chez un traiteur. Ce voyage vous permet de réaliser vos envies. Photos : Satoru Naito Reportage et texte : Rédaction JQR

façon de vivre au quotidien des anciens temps. Si l’on pouvait ajouter aux visites des sanctuaires shintos, temples bouddhistes et autres sites historiques une culture traditionnelle, il est certain que le enrichissant, et laisserait des souvenirs singuliers. Pour réaliser ce style de voyage, rien de mieux qu’un « séjour en Machiya ». Il s’ agit de louer une maison traditionnelle dans la ville à votre usage exclusif, si bien que durant votre séjour, la Machiya

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2012 Oct&Nov


京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Une forme de théâtre étrange, dont la tradition remonte à six cent ans, et dont les personnages principaux sont la plupart du temps des fantômes. C’est le Maître Udaka Tatsushige, de la lignée Kongo dans les rôles de Shite, qui vous encadrera. Il vous apprendra les gestes de base, et effectuera pour vous des démonstrations. Vous pourrez aussi voir des costumes de scène, des éventails et des masques véritablement utilisés sur la scène.

Une forme de théâtre comique qui a vu le jour à la même époque que le Nô. C’est le Professeur Shigeyama Yoshinobu, Maître de Kyôgen de la lignée Okura qui vous encadrera en commençant par vous apprendre à rire : il vous faudra ouvrir grand la bouche, élever la voix pour prononcer un « haa » du fond du ventre, puis, partant du plus aigu, redescendre en faisant « Ha ha ha ». Une leçon au cours de laquelle vous aurez du mal à vous arrêter de rire !

devient votre propre maison. Vous avez

l’occasion d’un « séjour en Machiya » ?

No située au fond de la Machiya de

pour voisins les « voisins de toujours » de

Madame Hongo, de IORI S.A., la société

Sujiya-cho.

la maison. Les ustensiles et le mobilier

qui gère les Machiya, nous assure qu’on

Vous pouvez aussi demander à organiser

courants sont fournis, et si la disposition

peut s’essayer à tous les arts traditionnels

des « jeux de maison de thé » (Ochaya

des pièces de votre Machiya le permet,

japonais, à commencer par l’art du thé ou

asobi), un privilège qui n’est

vous pouvez, en ôtant les Fusuma

l’Ikebana, jusqu’aux arts martiaux

habituellement pas accordé aux inconnus.

(cloisons coulissantes) qui séparent les

traditionnels, en passant par le théâtre No

Ce sera pour vous une expérience

chambres adjacentes, créer à votre guise

ou le Kyogen. Des professeurs qui sont en

agréable que de voir ces belles Geisha et

de plus grandes pièces. Comme les repas

première ligne dans leurs différents

Maiko (apprenties Geisha) au visage fardé

ne sont pas prévus, vous pouvez en

domaines, peuvent venir dans votre

de blanc, aux lèvres rouges, aux cheveux

profiter pour faire le tour des restaurants,

Machiya, et vous prodiguer leur

en chignon de style Shimada, danser pour

ou, si vous le préférez, apporter vos

enseignement. Pour les arts martiaux, ou

vous au son de la « Ballade de Gion », et

boissons favorites et commander un repas

autres arts demandant de l’espace pour

de jouer avec elles au jeu du bateau des

à livrer, par exemple dans un Ryotei

évoluer librement, ou encore dans le cas

pèlerins de Konpira ou au jeu de Toratora.

(restaurant traditionnel).

où les auditeurs sont en nombre, vous

Ces gestes raffinés, ce langage d’autrefois

Quel genre d’expérience peut-on faire à

pourrez avoir recours à la scène de théâtre

propre à Kyoto… des moments qui passent comme dans un rêve. 2012 Oct&Nov

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Kimono Vous faites votre choix parmi sept ou huit Kimono et Obi (ceintures) mis à disposition, et on vous en revêtira. Vous pourrez si vous le désirez vous rendre à un repas ou autre événement ainsi habillé.

Munis de fleurs et de récipients de saison mis à votre disposition, vous apprenez à leur donner vie. Ressentez le plaisir d’orner de vos propres arrangements floraux la Machiya dans laquelle vous séjournez.

Arrangement floral

Le luxe de commander ses repas à la Machiya

Midi et soir

Votre séjour en Machiya n’inclut pas de repas. Si vous souhaitez prendre votre repas en vous détendant, dans votre chambre, il conviendra de le commander à un traiteur. Les repas à livrer des restaurants et des Ryotei (restaurants traditionnels) de Kyoto sont fastueux, riches en contenu.

Matin

Petit déjeuner à domicile du salon de thé Nakatani Formule café à 5.000 yens : sandwichs pour 5 personnes, 5 tasses de café (café chaud ou glacé, au choix). Possibilité d’ajouter des jus de fruit. TEL.075-525-0823

Livraison de repas Hyoki Une cuisine de Kyoto faite d’ingrédients préparés simplement, qui exprime l’esprit de la saison : Sakizuke (amuse-bouche), Hassun (hors d’œuvre), Suimono (soupe), Nimono (plat mijoté), Yakimono (plat grillé), Chuzara (assiette du milieu), Sunomono (plat vinaigré), Gohan (riz), Konomono (légumes fermentés), Mizumono (dessert). Un menu calligraphié sur papier japonais est joint au plateau. TEL.075-211-5551

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2012 Oct&Nov



Pour ceux qui veulent tenter l’expérience, Voici la gamme des Machiya où séjourner : Les résidences Machiya ont toutes une longue histoire, et chacune d’entre elles est unique. Une rénovation dans le respect de la tradition et un équipement raffiné en font des logis de haute qualité invitant au calme. Photos : Satoru Naito Reportage et texte : Rédaction JQR

Gion Shinmonzen Townhouse

Gion Shinmonzen ● De 2 à 6 personnes / 137 m² Ouvrez la porte en treillis (Koshido) et vous serez accueilli par un arrangement floral (Ikebana) de saison devant un paravent éclairé de lanternes en papier. Une pièce à plancher de bois ouverte vers le toit, et une pièce à tatamis donnant sur le jardin. Une baignoire en pin parasol du Japon remplie à ras bord d’eau bien chaude. Pour monter à l’étage, un escalier-placard à l’ancienne.

3 pièces à tatamis, 1 pièce à plancher, 3 toilettes, 1 salle de bains

Minoya-cho Townhouse

Minoya-cho ● De 2 à 6 personnes / 186 m² À travers l’allée étroite, on laisse le jardin sur sa gauche et l’on pénètre dans l’entrée au charme séculaire. Au rez-de-chaussée, la pièce à plancher de bois se poursuit sous la forme d’une terrasse, de laquelle on peut contempler les monts d’Higashiyama avec au premier plan la rivière Kamogawa. Une architecture luxueuse et spacieuse, avec une galerie extérieure, une pièce dédiée au thé, une grande salle à l’étage.

2 pièces à tatamis, 1 grande pièce à tatamis, 1 pièce à plancher, 1 espace sous les combles, 2 toilettes, 1 salle de bains, 1 douche

Sanbo-Nishinotoin Townhouse

Sanbo-Nishinotoin ● De 2 à 6 personnes / 136 m² Au rez-de-chaussée, une pièce pour le thé, une pièce à tatamis d’aspect noble, et une salle de bains d’où l’on peut jouir de la vue du jardin. À l’étage qui était utilisé comme atelier d’artiste, la grande pièce à plancher en bois avec sa grande baie et son sofa vous permet de profiter d’une atmosphère réellement singulière.

2 pièces à tatamis, 1 grande pièce à tatamis, 1 pièce à plancher, 2 toilettes, 1 salle de bains

Nishioshikoji-cho Townhouse

Nishioshikoji-cho ● De 2 à 14 personnes / 210 m² Un pilier central qui reluit dans la pénombre, des poutres imposantes qui traversent le plafond. Aussi bien la pièce dédiée au thé que le puits dans la cuisine, les lanternes dans le jardin, ou encore l’évier en pierre, tout concourt dans cette résidence à conserver l’aspect caractéristique d’une Machiya de Kyoto. Avec un grand nombre de pièces, elle convient particulièrement aux groupes importants.

9 pièces à tatamis, 1 pièce à plancher, 3 toilettes, 2 salles de bains

Nishirokkaku-cho Townhouse

Nishirokkaku-cho ● De 2 à 4 personnes / 93 m² Au rez-de-chaussée, une pièce dédiée au thé donnant sur le jardin, une pièce à tatamis d’aspect calme, et un Furo (baignoire) en bois de cyprès. À l’étage, une grande pièce à plancher en bois avec un sofa. La lumière qui pénètre à travers le mur percé d’ouvertures oblongues verticales (Mushikomado) est complétée par celle qui filtre à travers les fenêtres en papier et les portes en treillis. Une confortable résidence construite il y a un siècle.

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2012 Oct&Nov

3 pièces à tatamis, 1 pièce à plancher, 1 toilette, 1 salle de bains


京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Sujiya-cho Townhouse

Sujiya-cho ● De 2 à 10 personnes / 279 m² Une Machiya construite il y a 130 ans par un commerçant grossiste en pois de soja, aujourd’hui rénovée. Un pièce au sol en terre et aux murs enduits en noir, un corridor intérieur laissant entrevoir le jardin par delà les chambres, un haut espace ouvert vers le toit, une chambre sous les combles à poutres apparentes, un autel domestique : vous pourrez profiter pleinement de la robuste architecture et du charme de cette Machiya.

3 pièces à tatamis, 5 pièces à plancher, 1 pièce sous les combles, 2 toilettes, 1 salle de bains, 1 douche

Ebisuya-cho Townhouse

Ebisuya-cho ● De 2 à 6 personnes / 118 m² Une Machiya dans le style Sukiya (pavillon de thé) qui nous transmet l’esprit de sollicitude des maîtres du thé. Dans l’alcôve, une peinture sur rouleau, et sur le socle en bois devant l’alcôve (Tokogamachi) un arrangement floral qui voudrait n’avoir l’air de rien. De la pièce dédiée au thé, on aperçoit le jardin intérieur par delà les autres chambres. Une Machiya idéale pour ceux qui veulent passer des moments tranquilles.

4 pièces à tatamis, 1 pièces à plancher, 1 toilette, 1 salle de bains

Izumiya-cho Townhouse

Izumiya-cho ● De 2 à 6 personnes / 109 m² Un grand paravent, une alcôve sobre, une table basse. En sortant sur la terrasse qui continue la pièce à tatamis, on pourra se rafraîchir au vent qui court à la surface de la rivière Kamogawa, et contempler le paysage des monts de Higashiyama. Une disposition des pièces en longueur, une architecture simple, facile à vivre. 2 pièces à tatamis, 2 pièces à plancher, 2 toilettes, 1 salle de bains, 1 douche

Ishifudono-cho Townhouse

Ishifudono-cho ● Pour 2 personnes / 66 m² L’une des deux maisons en longueur au fond d’une allée. Une petite maison, mais avec un jardin que l’on peut contempler depuis le Furo (baignoire) en cyprès du Japon, et, dans la cuisine ouverte sur le toit, reste encore le puits aujourd’hui à sec. Une Machiya pour un séjour au calme, parfaite pour deux personnes. 1 pièce à tatamis, 1 pièce à plancher, 1 toilette, 1 salle de bains.

Nishijinisa-cho Townhouse

Nishijinisa-cho ● De 2 à 5 personnes / 134 m² Une résidence unique, qui regroupe une maison d’habitation et un atelier de tissage à la main de brocarts Nishijin. Au rez-de-chaussée, une pièce à tatamis avec un mur percé d’ouvertures oblongues verticales (Mushikomado), et un Furo (baignoire) en cyprès du Japon. De la pièce à plancher en bois à l’étage, on voit l’atelier. Le bruit des machines à tisser fait office de réveil. Il est possible de visiter l’atelier.

2 pièces à tatamis, 2 pièces à plancher, 2 toilettes, 1 salle de bains, 1 douche

En quoi consiste le « séjour en Machiya »de Kyoto ? Il s’agit d’un nouveau style d’hébergement par lequel vous disposez à votre usage exclusif d’une Machiya qui a été rénovée dans le respect de son esprit traditionnel. C’est l’occasion d’un voyage à travers les sensations d’un habitant de Kyoto. Un riche « programme d’arts traditionnels » vous invite à expérimenter la culture japonaise : le No, le Kyogen, l’art du thé, la calligraphie, les arts martiaux, etc. Pour tous renseignements : IORI S.A. Tél. 075-352-0211 http://www.kyoto-machiya.com/

Dernière minute : deux nouvelles Machiya ouvriront leur porte le 26 octobre dans le quartier de’ Tamaya-cho. 2012 Oct&Nov

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12 0 2 e n m o t Au

Guide JQR des restaurants, bars et cafés de Kyoto Kyoto est la capitale des gourmets. De la cuisine traditionnelle Kaiseki à la cuisine française en passant par la gastronomie italienne, vous risquez de ne plus savoir où donner de la tête tant les bons restaurants renommés sont nombreux. Voici donc une présentation d’établissements où vous pourrez jouir d’une atmosphère reposante et d’une excellente cuisine. Si la durée de votre séjour est limitée, réservez le plus tôt possible. Photos : Satoru Naito Reportage et texte : Rédaction JQR

Cuisine japonaise

NIJYO TSUBAKI Le Nijyo Tsubaki est une Machiya située au fond d’une ruelle donnant sur la rue Nijo-dori. Sur le comptoir, unique en son genre, fait de tatami, trônent un antique pot à réchauffer le saké, alors que du vin est gardé au frais dans un seau en bois. La lumière des spots vient nuancer l’atmosphère de l’endroit. Une fois assis au comptoir, on a comme l’impression de se trouver dans un petit théâtre. On commence par des plats de cuisine Kaiseki pour finir par 5 à 7 pièces de Tempura. En menu ou à la carte. L’accueil des voyageurs est excellent puisqu’il ouvre tous les jours de 12 h à 24 h. Réservez jusqu’à la veille et l’on vous servira le petit déjeuner. On y sert principalement des légumes et des poissons de saison soigneusement préparés, ainsi que de délicieux sakés. Un établissement à ne pas rater si on séjourne à Kyoto.

Nijyo Tsubaki Petit-déjeuner : Fukutsuzumi 3 670 ¥ (sur réservation uniquement) Déjeuner (2 menus) : 3 150 ¥, 5 250 ¥ Dîner (3 menus) : 7 350 ¥, 10 500 ¥, 12 600 ¥ Autres : beignets Tempura, amuse-gueules, etc. à la carte Réservations : Tél 075-256-2882 Fermeture : variable Adresse : 92-12, Enoki-cho, Nijo-dori Teramachi Higashi-iru, Nakagyo-ku, Kyoto-shi

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2012 Oct&Nov

À gauche : Takiawase de bœuf japonais et champignon Matsutake. En haut : ragoût de poisson Kinki et de légumes d’automne.

Le propriétaire, Mitsuyasu Komine. Son expérience de serveur de bar en fait un connaisseur en alcools. Il cache dans sa boutique quelques rares bouteilles de Brandy pur malt.


京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

Le chef M. Shogo Tamura aspire à « un restaurant où l’on s’amuse sans faire de manières ». Bon nombre de pièces de vaisselle japonaise sont l’œuvre d’artisans renommés.

Cuisine française

TAMURA M. Tamura, chef et propriétaire, est né d’une famille de restaurateurs établis de longue date à Kyoto. Il est en contact depuis tout petit avec des gens du métier et a fini ses études de cuisinier dans un restaurant français du quartier de Kiyamachi. Il y a 5 ans, il a ouvert le Tamura. Son concept : « pouvoir manger français avec des baguettes ». Un restaurant français, certes, mais où l’on cuit les légumes dans le bouillon Dashi, et où l’on ajoute de la sauce soja aux assaisonnements. Les deux années qui ont suivi l’ouverture furent une lutte sans trêve, mais le bouche oreille aidant, la cote du restaurant a enfin décollé, et la gent féminine comme le public sénior s’y pressent à tel point qu’il est difficile d’y réserver une table. Tamura Déjeuner (3 menus) : 2 900 ¥, 3 800 ¥, 5 500 ¥ Dîner (4 menus) : 6 000 ¥, 7 500 ¥, 10 500 ¥, 13 000 Réservations : Tél 075-525-7023 Fermé le dimanche et le deuxième lundi du mois Adresse : Furumonzen Kiridoshi-kudaru Nikenme, Higashiyama-ku, Kyoto-shi

Cuisine française

Des hors d’œuvre Hassun : caille française rôtie sauce madère, sauté de foie gras et chips de bardane. Pomme de terre taro (Sato-imo), bardane, et radis Daikon accompagnent les prunes mijotées au porto.

Gion Okumura.

TAKUMI OKUMURA/ GION OKUMURA L’intérieur du Gion Okumura est raffiné. Derrière le comptoir lumineux et simple, les cuisiniers s’affairent. Si la base de la cuisine servie ici est bien française, c’est son chef M. Okumura qui choisit, après examen des ingrédients et des goûts saisonniers, sa technique : japonaise ou française. L’austérité de l’entrée de son autre établissement, le Takumi Okumura, ne laisse pas deviner le confort et le raffinement que l’on peut y trouver. Chacun des plats reflète une fête traditionnelle ou encore une saison. Les plats, éclatants, sont aussi agréables à l’œil qu’au palais. Idéal pour une occasion spéciale.

À gauche : cercle de poisson Suzuki sauce au vin.

Gion Okumura Déjeuner (4 menus) : 5 250 ¥, 7 875 ¥, 9 975 ¥, 12 600 ¥ Dîner (4 menus) : 10 500 ¥, 13 650 ¥, 15 750 ¥, 21 000 ¥ Réservations : Tél 075-533-2205 Fermé le mardi Adresse : 255, Kitagawa, Gion-machi, Higashiyamaku, Kyoto-shi Takumi Okumura Déjeuner (4 menus) : 6 825 ¥, 9 975 ¥, 13 650 ¥, 15 750 ¥ Dîner (4 menus) : 15 750 ¥, 21 000 ¥, 26 250 ¥, 31 500 ¥ Réservations : Tél 075-541-2205 Ouvert tous les jours Adresse : 570-6, Minamigawa, Gion-machi, Higashiyama-ku, Kyoto-shi

Takumi Okumura Le chef et propriétaire, M. Okumura, relève « le challenge d’une cuisine moins complexe, plus épurée. »

De splendides hors d’œuvre pour une explosion de saveurs de saison. 2012 Oct&Nov

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Cuisine de Kyoto

KURITA M. Kurita a terminé ses études de cuisine dans le restaurant traditionnel de ses parents, établi depuis trois générations. Il a ensuite pris son indépendance et ouvert son propre restaurant de cuisine de Kyoto, le Kurita, en 1995. Son comptoir de 8 places et son unique table en font un petit nid douillet. La taille idéale selon lui : « Il faut que la température du plat servi soit la même que la température en cuisine, sinon c’est moins bon. Ne reculant pas devant les tâches les plus minutieuses, chacun de ses plats reflète son âme d’artisan. Tous sont servis avec leur menu complet. Et le contenu des assiettes change comme se succèdent les saisons. Tant de perfection vous donnera envie d’y retourner tous les mois.

Hors d’œuvres Hassun de saison.

Derrière son comptoir, M. Akihiro Kurita a toujours du pain sur la planche. De l’approvisionnement en ingrédients à la préparation, il fait tout lui-même.

Kurita Déjeuner (3 menus) : 2 800 ¥, 4 000 ¥, 5 250 ¥ Dîner (4 menus) : 5 250 ¥, 7 350 ¥, 9 450 ¥, 12 600 ¥ Réservations : Tél 075-344-0456 Fermé le mercredi Adresse : Nishikiyamachi-dori Shijo-kudaru, Shimogyo-ku, Kyoto-shi A droite : Navet bouilli au miso de yuzu. A gauche : Composition de poisson.

Cuisine chinoise

DAIDENGEKKEN Après avoir été soigneusement déplumé, le canard bien frais est plongé toute la journée dans une sauce maison à base d’épices et d’herbes médicinales. Il est ensuite rôti dans un four spécialement conçu à cet effet. Au Daidengekken, le « Canard laqué de Pékin » est un plat à succès : pas moins de 30 volatiles sont servis quotidiennement. Vous ne résisterez pas à la saveur exquise de sa chair et à sa peau croustillante et parfumée. Parmi les autres plats que nous vous conseillons, retenez particulièrement l’« Aileron de requin » mais aussi le « Homard à la sauce noire chili pékinoise » ou bien le « Sauté de tofu et de porc ». Devenue un restaurant, cette ancienne bâtisse de style occidental, construite durant l’ère Meiji, évoque un décor de cinéma qui vous rendra nostalgique.

Daidengekken Menus : de 945 ¥ à 2 100 ¥ Menu bento chinois 1 890 ¥, 2 625 ¥, 3 990 ¥ Menu spécialités de Pékin 5 040 ¥ Menu canard laqué de Pékin 6 825 ¥ Menu aileron de requin entier 10 500 ¥ Autres : à la carte Sur réservation Tél : 075-353-9021 Fermeture : variable 173, Minoya-cho, Kiyamachi-dori Matsubara-noboru, Shimogyo-ku, Kyoto-shi

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2012 Oct&Nov

De haut en bas : « Sauté de tofu et de porc », « Canard laqué de Pékin », « Friture de poisson en sauce ».

Kenji Ebina dirige ce lieu animé et convivial. Il a été chef de cuisine dans plusieurs restaurants chinois et hôtels réputés.


京都

Voyager au rythme du vrai Kyoto

B a r & C a f e Bar à vin

WINEGROCERY Juste au fond d’un étroit passage donnant sur la rue Rokkaku-dori, ce caviste - bar à vin s’est tenu dans un entrepôt rénové, ayant appartenu à Imao Keinen, peintre japonais en activité entre les périodes Meiji et Taisho (1868 – 1912). L’intérieur, semblable à une cachette, possède une ambiance profonde qui en fait un endroit propice à la dégustation du vin. Une sélection de vin y est présentée chaque semaine : 2 Champagnes, 3 vins blancs, 6 vins rouges, et un vin dessert. Si l’envie vous prend d’en essayer plusieurs, choisissez le format dégustation de 60ml. On y sert également quelques plats s’accordant parfaitement avec ces vins : escargots, jambon cru, fromages, pâtes, et d’autres encore.

Le chef-sommelier, M. Tomo Okada, nous confie : c’est très calme tôt dans la journée, on peut donc passer y déguster du vin en plus du déjeuner. Vous pouvez commander l’avantageux « Menu spécial », à 3 200 ¥ jusqu’à 21 h (2 plats et un verre de vin).

Wine Bar Wine Grocery Verre de vin : entre 900 ¥ et 2500 ¥ Verre de champagne : 1 800 ¥ Tél : 075-255-0017 Fermé le dimanche et les jours fériés. Adresse : Rokkaku-dori Shinmachi Nishi-iru, Nakagyo-ku, Kyoto-shi

Le steak hamburger du caviste.

Café

Café

CAFE MARBLE

PETIT JAPONAIS

Il s’agit d’une Machiya reconvertie en café, prise d’assaut par les couples et les groupes de copains. Il y fait bon vivre comme chez un ami : c’est le genre d’endroit qu’on a du mal à quitter. Le menu aussi est plutôt fourni : quiche aux deux fromages débordant de légumes de saison, scones, curry aux lentilles, tartes faites maison, etc.

CAFE MARBLE Fermé le mercredi Adresse : 378, Nishimae-cho, Bukkoji Takakura Higashi-iru, Shimogyo-ku, Kyoto-shi TEL.075-634-6033

Menu tarte grillée au kiwi + café : 800 ¥

« Nos tartes et nos quiches sont excellentes car faites maison » nous explique la patronne, Machiko Ura.

Après avoir démissionné, Michie a décidé de devenir pâtissière. Toute son énergie passe désormais dans la fabrication des gâteaux, ou par exemple dans les classes de pâtisserie qu’elle tient devant un public restreint. Dans son café, on sert avant tout des gâteaux de saison, mais également des quiches, des croque-monsieur, etc. Sur place comme à emporter. Commande de gâteaux pour occasions spéciales possible.

« Tarte à la crème passion » et « Tarte pêche rouge et fraise » 450 ¥ chacune

PETIT JAPONAIS Fermé le premier et le troisième mercredis du mois, et le jeudi Adresse : Higashinotoin Bukkoji Higashi-iru, Shimogyo-ku, Kyoto-shi TEL.075-352-5326

Selon Michie, « en évitant le superflu et en les préparant simplement, les ingrédients prennent tout leur goût. »

2012 Oct&Nov

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u Japon d s n o l r a P

を 話

Nous sommes assis paisiblement sur le rebord de face à l’un de se magnifiques jardins intérieurs ma douce bise réchauffée par le soleil d’automne care est tel que quiconque puisse s’imaginer de ce qu’e qu’aucun d’entre nous n’est Japonais… ou du mo que la majorité des étrangers au Japon considère d’attache envisageable, pour certains rares d’entr pour vivre sur la planète que Kyoto. JQR a rencon comprendre pourquoi.

JQR La plupart des étrangers choisissent de vivre à Tokyo, pourquoi pas vous? J’ai décidé de déménager ici pour des raisons culturelles et professionnelles. Je suis comme l’un de ces collectionneurs de cartes de baseball qui connaissent tout des statistiques et tout sur chaque joueur, simplement moi, c’est pour les céramiques. Les céramiques proviennent de l’Ouest du Japon, de Kyushu à Nagoya. Ce que l’on appelle les 6 anciens fours du Japon sont à peu près tous près d’ici. À une heure de Kyoto vous avez Shigaraki, ou Tamba, ou Echizen, puis Bizen est à quelques minutes en train. Donc ça allait tout simplement de soi pour moi de venir m’installer ici. J’aime les grandes villes, alors je visite souvent Osaka ou Tokyo, mais à Kyoto, je me sens presqu’à la campagne. La ville est entourée de montagnes, il y a une rivière qui la traverse en lein milieu, et j’adore la nature. J’aime faire du jogging, observer les oiseaux, et on a tout ça à proximité. À 10 ans j’allais pêcher seul la truite arc-en-ciel et quand je m’assieds dans un jardin traditionnel comme celui-ci, ça me rappelle ces moments là. Ce que j’aime le plus de Kyoto c’est sa dimension humaine. Contrairement à Tokyo, où vous ne trouvez que rarement le temps de gérer vos propres mouvements, à cause des distances et des courants de foules, ici c’est très facile de décider si vous prendrez un bus ou votre vélo, c’est facile de comprendre la ville et de la gérer à votre propre façon. Si vous voulez de l’histoire, vous êtres servi, si vous voulez de la modernité, il y a des cafés partout et

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2012 Oct&Nov

Joel Stuart Peintre, artiste d’estampe et d’installations, il est arrivé à Kyoto il y a 26 ans. Il est originaire de l’état de Washington aux États-Unis et considère Kyoto comme un environnement parfait pour son travail.


Vivre à Kyoto Histoire, calme et modernité

bois du temple Honen-in, agiques et sans âge. Une esse nos visages. Le décor est le cœur de Kyoto. Sauf oins en apparence. Tandis e Tokyo comme l’unique port re eux, il n’y a d’autre endroit ntré trois d’entre eux afin de

Joel Stuart Oussouby Sacko Robert Yellin

c’est très aisé de se faire des réseaux. Kyoto est un musée vivant, au même terme que Florence ou une autre cité historique. Et en plus on peut la traverser à bicyclette en moins de 20 minutes, comme je l’ai fait ce matin. On a des grands magasins, Internet, on peut vivre de façon internationale, nous ne sommes pas isolés du monde! Les Japonais disent souvent que les habitants de Kyoto sont difficile d’approche, assez fermés au delà des politesses, car ils ont beaucoup des codes. Ce que je trouve intéressant, c’est que c’est plus facile en tant qu’étranger, car les gens de Kyoto aiment vous enseigner tous ces codes et la culture japonaise. La plupart des Japonais venant d’ailleurs n’oseraient jamais poser ces questions et se forment ainsi leurs propres barrières. D’autant plus que je crois que les habitants de Kyoto ont tendance à être un peu plus flexibles dans leurs codes avec les étrangers! Mais cette « distance » est très utile pour moi. Je peux choisir de l’utiliser ou non selon mes humeurs. Je crois que je vis ici depuis trop longtemps, car quand je Oussouby Sacko

Robert Yellin

vais aux États-Unis, où les gens sont

Du Mali, il a d’abord étudié l’architecture en Chine Durant 6 ans avant de venir à Kyoto avec l’intention de finir ses études puis d’acquérir un an ou deux d’expérience de travail avant de retourner dans son pays… C’était il y a 21 ans.

Conservateur et spécialiste en céramiques japonaises. Il est arrivé au Japon en 1984 et a publié depuis de nombreux articles et ouvrages. Il est l’auteur de la plus grande banque de données en langue anglaise sur les céramiques japonaises. Après plusieurs années à Shizuoka, il a décidé de s’établir à Kyoto il y a environ 15 mois.

carrément dans votre face à vous donner leur opinion, je me dis : « Mais dois-je vraiment écouter tout ça? » RIRES!! Par exemple, j’ai un ami qui est aussi artiste et qui a choisi de vivre dans la campagne de Shiga. Là-bas, des voisins se pointent au moins 5 fois par jours et s’installent sur son canapé, faisant des commentaires sur ses peintures. Et il aime

trois Voici nos eurs!!! interlocut 2012 Oct&Nov

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Ouais. Quand mon amie de

j’y trouve tellement d’aspects culturels

Manhattan m’a visité, elle s’est écriée :

intéressants à découvrir!

« Je ne pourrais jamais vivre à Kyoto! »

Non, nous n’avons pas

C’est une petite ville tellement tranquille le

tous les grands

soir ! Vraiment ! L’équilibre entre la grande ville et

évènements comme à Tokyo, comme les

sa tranquillité font parfait ménage pour la

concerts rock que

créativité. En effet, on devient

j’aimerais bien aller voir. Nous avons plus de

personnellement bien plus créatif ici qu’à

culture traditionnelle.

Tokyo.

Vous savez, Lady Gaga sera oubliée dans 10 ans,

JQR Vous êtes, c’est bien vrai, tous les

mais les chants « Gaga »

trois dans des domaines de créativité.

cette attention. Moi, je serais incapable de

seront performés dans les « Gagaku » des

Pensez-vous que c’est la raison pour

produire quoi que ce soit si des gens

sanctuaires shinto durant encore des

laquelle vous vous êtes si bien adaptés?

venaient à mon atelier. Ici on me laisse

millénaires !

Est-ce que la vie serait toute aussi

tranquille quand je travaille et les gens

Rires !!

viennent uniquement quand j’en ai envie. Ça fait bien mon affaire. À tout cela vient s’ajouter le fait

Il y a de magnifiques pochettes

u’un qui travaille dans la finance?

de d’endroits très charmants à travers le Japon, comme à Matsue par exemple. Mais

Bien moi, j’ai étudié l’architecture

que comme Kyoto n’a pas été bombardée

cette ville en est remplie ! Et tout est à

sous l’angle de l’ingénierie et ça ne veut

durant a seconde guerre mondiale, elle

proximité. Je n’utilise même plus ma

donc pas dire grand chose. On peut être

dégage un charme que l’on ne peut trouver

voiture !

ici et en même temps garder le contact Kyoto est faite d’édifices anciens

avec Tokyo. Je peux aller là-bas quand je

et modernes, de problèmes et de solutions.

veux et faire le tour de tel ou tel building,

JQR Et quel est donc ce charme en

C’est un endroit où l’on est constamment

ou participer à telle ou telle conférence.

question?

en train d’apprendre. J’enseigne deux

Mais je reviens ici à chaque fois et y

cours d’architecture et l’un deux s’appelle

trouve ma place. Pour être moi-même et

« Kyoto ». Je ne sais pas trop pourquoi

gérer mon propre temps.

ailleurs au Japon.

C’est de marcher et de se perdre dans les ruelles sinueuses et à chaque fois qu’on se perd, une nouvelle découverte nous attend au prochain coin

d’ailleurs…. Rires ! Au cours du programme d’été, j’ai

Les ingénieurs ne choisiraient pas Kyoto d’emblée, à moins d’avoir un intérêt particulier pour les choses japonaises et

de rue. Et tout ceci était là depuis déjà

des étudiants provenant d’Hokkaido à

d’avoir une opportunité d’enseigner, par

looogtemps. Ici quand les gens font

Okinawa et c’est très intéressant dans une

exemple. C’est donc vrai qu’en tant

référence à la guerre, ils parlent en fait de

mixture de points de vue extérieurs à la

qu’artistes ou architectes, nous étions

la guerre d’Onin qui date du début des

cité. Et les gens qui contribuent au

inspirés par l’Asie dès le départ et c’est ce

années 1400 ! Et la ville s’est modernisée,

programme sont très ouverts et très

qui nous a attirés ici. C’est un choix plus

alors si on cherche des gadgets en

coopératifs. Même le Prêtre Honen (de ce

facile et plus naturel pour nous.

particulier, on ne les retrouvera pas tous

temple ci) a participé à mon cours ! Je ne

regroupés dans un Akihabara, mais je suis

suis pas sur que j’aurais autant de faciliter

contact constant avec la nature est très

certain qu’on les trouvera en fouillant un

à avoir des gens à Tokyo. J’ai essayé à

inspirant comme source de créativité ici.

peu.

plusieurs reprises de faire des conférences dans la capitale, mais

JQR Oui, Kyoto est charmante, a une

chaque fois les gens

histoire très riche, etc. Mais on peut très

étaient trop occupés,

bien profiter de tout ça en vacances.

pas disponibles. Non,

Comment est-ce que ça affecte vos vies

mais je ne comprends

quotidiennes?

vraiment pas comment les gens arrivent à se

Pourquoi pas vivre notre vie

rendre si occupés

comme une vacance?

là-bas. À Kyoto, on

Rires !

trouve toujours un

Pourquoi ne pas se réveiller le

moyen de trouver du

matin et ne faire aucune différence entre

temps. Ne serait-ce que

ce que nous sommes et ce que nous

quelques heures.

faisons? Et être entourés de beauté, se

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confortable pour un ingénieur ou quelq

Ici les gens

réveiller dans un rêve plutôt que devant

vivent définitivement à

une horloge? Je ne sens pas que je « vais »

un rythme plus lent,

au travail. Je marche dans les environs et

c’est certain.

2012 Oct&Nov

Comme Joel le disait plus tôt, le

Peu importe là où vos yeux se


baladent, vous remarquerez des motifs

Beaucoup

inspirés de la nature partout ! Sur les tuiles

d’anciens hangars ont

de toitures, les pavés de trottoirs, parfois

été transformés en

une feuille de ginkgo peut être représentée

cafés ou en boutiques.

sous une forme contemporaine à l’extrême,

Ça n’existait pas avant.

mais la nature est omniprésente.

La culture du rassemblement dans

JQR Pourquoi ne pas vivre à la

des cafés existe depuis

campagne alors?

très longtemps à Kyoto. Il y a tellement d’écoles

Vrai. Mais alors vous vous

et d’universités, sans

coupez des gens qui viennent à cette ville.

compter tous les

Il y a plus de 50 millions de visiteurs

philosophes qui se sont

nationaux et internationaux à Kyoto chaque

rencontrés ici.

année. On peut donc y profiter autant du stimulus de l’homme que de la nature.

Et Kyoto a toujours été avantgardiste. Bien des aspects de la culture

aller me promener dans un temple et y

choisi de vivre isolé et de faire avec les

japonaise sont nés ici et ont révolutionné

admirer calmement les feuilles d’automne

voisins sur son sofa est très heureux de

les choses. Peindre à l’émail sur le grès,

vivre de cette façon là. Et pour vous qui

par exemple. L’argile n’étant pas de très

… il y avait des cars complets de touristes qui faisaient la navette comme si on était

êtes de Tokyo, Kyoto doit certainement

bonne qualité à Kyoto, les artistes de

à la gare de Shinjuku !

vous sembler comme une ville de

l’époque ont été forcé de peindre des

Rires !!

campagne. Pour moi, c’est la parfaite

motifs intéressants sur la poterie. Ça a été

Comme je le disais, mon ami qui a

Les gens de Kyoto sont très

combinaison des deux! Vivre ici c’est

considéré comme révolutionnaire à ce

patients. C’est une grande qualité, qui peut

comme conduire une voiture. J’appuie sur

moment là. Kyoto est certes très

cependant parfois être difficile à gérer.

l’accélérateur quand je veux que ça bouge

traditionnelle, mais aussi très avant-

Plus jeune, je faisais des soirées à la

plus et j’appuie sur les freins quand j’ai

gardiste. Plusieurs entreprises d’avant-

maison et mon voisin me disait à chaque

envie de m’effacer un peu.

garde sont nées à Kyoto !

foi : « Oh! Il semble que vous avez eu bien

Ouais !!

Kyocera, Nintendo… La tradition c’est bien, mais ça

du plaisir hier soir! » et moi de lui répondre en l’invitant à la prochaine soirée. Mais

JQR Est-ce Kyoto est la même qu’il y a

ne doit pas stagner. On ne voudrait pas

plus tard, un ami m’a expliqué que c’était

20 ans?

d’une ville fossilisée, alors on doit sans

en fait une façon de se plaindre « à la

cesse créer !

Kyoto » ! Vous connaissez l’expression « KY » ?

Kyoto est une ville très organique. Elle change sans cesse, à l’intérieur

JQR C’est bon, vous m’avez convaincue

d’elle-même. Les choses ne viennent pas

que c’est un endroit où il fait bon vivre,

de l’extérieur. Vous y êtes en contact

mais il doit CERTAINEMENT y avoir des

direct avec l’histoire « vivante ». Vous

mauvais côtés? Une face cachée…

savez, les gens vous racontent que leur famille achète le même tofu dans le même magasin depuis plus de cent ans, ou bien

Rires! Eh bien, la ville peut devenir

qu’ils fréquentent un tel endroit depuis des

très achalandée durant les périodes

générations.

touristiques ! Un soir, je pensais pouvoir

Non, qu’est ce que ça veut dire ? « Kuki Yomenai », on dit ça de quelqu’un qui ne pige pas ce qui se passe autour de lui. C’est une expression courante au Japon, mais qui est encore plus particulièrement attribuable à Kyoto parce qu’il y est vraiment difficile de comprendre le vrai sens des choses ! En effet !

2012 Oct&Nov

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Le second point « négatif »

endroits préférés? Ceux qui ne sont pas

auquel je puisse penser, c’est le fait que

dans les guides touristiques et que vous

partout on rehausse les prix pour garder un

ne révèleriez jamais à un magazine?

standard élevé de l’image du « made in J’aime ma maison !

que les produits sont souvent les mêmes

Rires !

qu’ailleurs !

et l’atmosphère y est toujours très paisible. Pas comme les bruyants cafés de Paris !

Ce que je veux dire, c’est que

Oui, quand on veut rencontrer des

c’est une vielle maison, avec un joli jardin

amis, on va dans un bistro au centre-ville

et elle est remplie d’objets d’art

où il y a des bières artisanales. C’est un

participe. Un restaurant fait sa fierté

magnifiques, alors je n’en sors pas

peu notre repère, pour connecter entre

d’écrire sur son menu qu’il achète le même

beaucoup ! Mais j’aime aussi aller dans de

nous.

tofu au même endroit depuis 100 ans… même si ce tofu est plus cher que partout

petits musées comme Kitamura ou Nomura. Ils sont souvent orientés autour du thé. La

JQR Alors personne d’entre vous a

ailleurs!

culture japonaise ne serait pas grand

l’intention de rentrer à la maison ?

Encore une fois, tout le monde y

Ou que dire de « Fu Ka » ?

chose dans le thé. Même un verseur de

Oui! Je les aime beaucoup, mais

sauce soya ou un repose baguettes sont

je me demande toujours comment on peut

des objets provenant de la cérémonie du

vis, alors Kyoto est ma maison maintenant.

arriver à faire autant d’argent en vendant

thé.

Je ne pense d’ailleurs jamais à « retourner

du « Fu » ! (Pièce de gluten de blé soufflé et séché, ressemblant à une baguette)

Aussi, comme Kyoto est entourée de montagnes basses, pas très connues du

Ma maison c’est l’endroit où je

» quelque part. Je vais toujours de l’avant. En effet, le terme « maison » est

grand public, c’est très agréable d’aller s’y

parfois difficile à définir. Est-ce l’endroit où

Fu, ça vient de Fu Ka ! (Magasin de Fu

promener pour se changer les idées. On y

vous êtes né, ou bien l’endroit où vous

connu à Kyoto)

découvre souvent au sommet un petit

avez vécu le plus longtemps? Ici j’ai une

Rires !!

temple ou des endroits calmes et

maison, une famille, un travail. J’aime ce

Parfois j’ai de fortes envies de

intéressant.

que je fais et y suis très confortable.

Mais ce n’est pas n’importe quel

bouffe que je ne peux trouver que dans ma

Pour moi si je veux du traditionnel,

Est-ce ma maison? Ma maison secondaire?

région natale, comme des pains naturels

je vais aussi dans les petites galeries ou

ou certains fromages. Mais maintenant

temples. Mais il y a environ 15 ans, j’ai

qu’on a un COSTCO, tout va bien ! Et en

changé mon point de vu du tout au tout

pour une conférence et ce n’était pas du

fait, je suis bien heureux de ne PAS

quant aux temples les plus connus. Un ami

tout le même San Diego que j’ai connu

trouver ces choses par ici, car je serais

déménageait à Hokkaido et voulait refaire

dans les années 70 !

gros comme ça aujourd’hui !

un dernier tour des endroits fameux. Nous

J’étais à San Diego récemment

Je sais. Parfois certaines choses

Rires !

sommes allés au Ryoanji, juste avant que

de mon pays me manquent, comme la

Mais j’adore la diète et la cuisine

les foules n’entrent et nous nous sommes

proximité humaine, par exemple. Mais

assis aux extrémités du balcon face au

quand j’y retourne, j’en ai plus qu’assez

jardin zen. Quand la première vague de

après une semaine !

japonaise. Alors je suis très heureux ici. De ce côté là, pour moi le côté négatif c’est de ne pas trouver de bons sushis !

touriste est passée, j’ai tout de suite fait « oh là ! » mais ensuite, je me suis

Rires ! Oui, le terme « maison » est très

tellement plongé en contemplation que ni

relatif. Ma femme aimerait bien aller vivre

vers les Sanma-zushis, dont le poisson est

les bruits ni les gens ne me dérangeaient

ailleurs quelques années et ce serait

mariné!

plus. On peut donc quand même visiter les

surement moi qui y aurait un choc culturel

endroits les plus achalandés et simplement

inversé et qui voudrait revenir ici au plus

JQR Bon, d’accord j’ai compris, cette ville

se concentrer sur ce qu’il y a à y voir et

vite. Après 26 à Kyoto, ce endroit est

est fantastique. Alors quelles sont vos

l’apprécier durant des heures. C’est une

vraiment devenu ma « maison » !

Ta meilleure option serait d’aller

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J’adore passer du temps dans les cafés. Certains sont construits dans d’anciens bâtiments comme les « Machiya »

Kyoto » ou « à la façon de Kyoto », alors

Exact!

expérience à la japonaise !

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Ici on vit comme en vacances !

La nature est omniprĂŠsente.

Kyoto est de taille humaine.

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Tokyo est toujours en développement urbain

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C'est dans une sa chic et moderne accueilli JQR. Le idée du soucis qu chef pour le côté CEO de GE Capit pas un novice en jeune, il a reçu un passer dix mois à sous le charme d de difficulté à con sa famille de reve sa carrière dans l chez GE à Paris e de Directeur Asie déplacements, il avec nous sa visi marché immobilie


S P E C I A L

alle multi-fonctionnelle que François Trausch a décor donne déjà une u'a l'entreprise et son é humain et chaleureux. Le tal Real Estate Asie n'est n terre nippone. Plus ne bourse d'études pour à Tokyo. Il est alors tombé du pays et n'a donc pas eu nvaincre son épouse et enir s'y installer lorsque l'immobilier bat son plein et qu'on lui offre le poste e. Entre deux a bien voulu partager ion du Japon et de son er.

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L'immobilier au Japon : une croissance inattendue ! C'est dans une salle multifonctionnelle chic et moderne que François Trausch a accueilli JQR. Le décor donne déjà une idée du soucis qu'a l'entreprise et son chef pour le côté humain et chaleureux. Le CEO de GE Capital Real Estate Asie n'est pas un novice en terre nippone. Plus jeune, il a reçu une bourse d'études pour passer dix mois à Tokyo. Il est alors tombé sous le charme du pays et n'a donc pas eu de difficulté à convaincre son épouse et sa famille de revenir s'y installer lorsque sa carrière dans l'immobilier bat son plein chez GE à Paris et qu'on lui offre le poste de Directeur Asie. Entre deux déplacements, il a bien voulu partager avec nous sa vision du Japon et de son marché immobilier. « La première particularité du marché immobilier de Tokyo, c'est sa taille. On parle d'une population de 30 millions d'habitants, et on n'arrive pas ici en espérant tout comprendre après six mois. C'est un marché complexe et très difficile, mais ce mystère en fait tout son charme. Il faut beaucoup de temps pour comprendre ses évolutions, ses tendances, ses orientations. Il y a 15 ans, Shinjuku était le quartier où il fallait aller, aujourd'hui il n'y a plus vraiment de croissance, alors les gens préfèrent se diriger vers Shinagawa,

« Tokyo est plus belle qu'il y a 25 ans » « Quand je suis venu au Japon il y a 25 ans, c'était dans un contexte bien différent, avec le yen fort, la bulle économique, une toute autre période. Mais je trouve qu'en terme urbain, Tokyo est encore plus belle qu'à l'époque. Il y a plus d'infrastructure, plus de beaux immeubles, de grands projets urbains on été réalisés... Bref, c'est un grand paradoxe entre le fait qu'on dise que le Japon a traversé 20 ans de non-croissance, et selon moi, le fait que bien des pays aimeraient passer par 20 ans de non-croissance si le résultat est Tokyo telle qu'on la voit aujourd'hui ! Dans le fouillis urbain qu'est Tokyo, certains promoteurs comme Mori avec Ark Hills et Roppongi Hills, ou encore Mid-Town, ont changé la façon de construire les nouveaux bâtiments avec un souci d'esthétisme. On a vu naître les projets qui combinent bureaux, commerces et hôtels, un phénomène qui était relativement neuf ici. Un bon exemple est le quartier Marunouchi, où il n'y avait que des bureaux il y a vingt ans, alors qu'aujourd'hui les rues y attirent les foules même le weekend! Quand on ne connait pas Tokyo, on imagine des gratte-ciels, des autoroutes à trois étages, du trafic, l'énorme

François Trausch

Asia Pacific CEO, GE Capital Real Estate Photos / Susumu Nagao Texte / Rédaction JQR

qui est plus près d'Haneda, car l'aéroport est maintenant international. Il y a encore beaucoup de mouvement dans cette ville qui n'a que 50-60 ans de reconstruction, alors que dans les villes européennes, le paysage est beaucoup plus figé, on sait où il faut être. Pour moi c'est un aspect toujours étonnant.

mégapole, 30 millions d'habitants, que du béton et beaucoup de pollution. Pour moi qui vient de Paris, qui est considérée comme LA ville romantique par excellence, calme, elle est en fait une ville bruyante, remplie de voitures et très polluée. Alors que quand on arrive ici, c'est tout le contraire! C'est pratiquement une suite de villages,

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BEFORE

AFTER

la ville n'est pas polluée du tout et est bien plus tranquille que certaines villes européennes. Il y a effectivement des autoroutes à trois étages, mais à cent mètres de là on peut habiter dans une ambiance de village avec des petites maisons. En plus, tout ce trafic présent ne s'entend pas, ce qui crée un environnement très calme. C'est là le contraste de Tokyo. « Tokyo est à l'échelle humaine » Par mon travail, je vais très souvent en Chine. Ce qui s'y passe là-bas est assez incroyable, mais les villes sont un peu uniformes, faites toutes selon le même plan. Tokyo avec son fouillis, est plus à l'échelle humaine par certains aspects, a plus de diversité, de richesses. Comparativement à la Chine

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qui est en pleine croissance, où il y a forcément énormément de projets, ici quand on lit les journaux le matin, on nous parle de baisse importante de la population dans les 50 prochaines années, d'appartements vides, etc. Et en fait tout cela n'est pas vrai. Le paradoxe du Japon est que malgré son inertie, il y a des « poches » de croissance importantes. Si on arrive à les trouver, on peut faire de bonnes affaires. En plus, comme le Japon est un grand marché très liquide, les coûts de financement sont très bas. On peut se financer à 1% et investir dans un logement qui donne du 5%. Il y a très peu de pays au monde qui offre un rendement de 4%. En réalité, l'urbanisation de Tokyo continue. C'est-à-dire que la décroissance de la population du pays se fait au détriment des régions rurales et en faveur des grandes villes. Le nombre de « ménages » à Tokyo augmente, car il y a beaucoup plus de célibataires, ce qui accroit la demande pour de petits appartements. C'est pourquoi nous sommes positionnés dans le segment des studios sur Tokyo, Osaka, Fukuoka et Nagoya. Nous somme également actifs sur le segment des édifices à bureaux de taille moyenne. Ils font typiquement 5 à 7 étages, sur un plateau de 300 à 500 mètres carrés. Certains ne se conforment plus aux normes séismiques et leur locataires (80% des entreprises à Tokyo sont des PME d'environ 20 employés) ont décidé de déménager après le tremblement de terre de l'année dernière. Ils optent pour des immeubles aux normes récentes et avec de meilleurs systèmes énergétiques. Nous investissons donc

dans des édifices de qualité mais souvent au look un peu vieillot et nous les remettons aux goûts du jours pour attirer cette clientèle. Je pousse beaucoup sur le côté du développement durable et les nouveaux systèmes énergétiques. Le gouvernement est prêt à donner beaucoup de subventions dans ce domaine là. On travaille donc avec le locataire pour changer les équipements et lui permettre de réduire sa facture énergétique. C'est un secteur qui est en train d'évoluer et les Japonais vont le pousser fortement car une fois qu'ils ont pris une décision ils le font vraiment jusqu'au bout. Le fait d'être une entreprise étrangère ne cause pas trop de problème. Après 15 ans de présence sur le marché, nous avons fait nos preuves et sommes maintenant bien acceptés. Cependant, il y a des choses que l'on ne pourra jamais faire. Jamais on ne pourra acheter à Marunouchi, par exemple. Ça restera toujours entre entreprises japonaises. Ce phénomène existe bien sur partout en Asie ou en Europe. La particularité ici, c'est que certains propriétaires immobiliers ne vendront jamais leur immeuble, quoi qu'il arrive, alors qu'un chinois a plus la mentalité de « trader » et vendra certainement s'il voit la possibilité de faire un profit. Le côté d'appartenance, de propriété est plus fort au Japon. C'est donc à nous de nous positionner dans des segments où l'on peut se développer. « La langue est la barrière la plus difficile » Le plus difficile pour moi en tant que


S P E C I A L

I N T E R V I E W

patron étranger, c'est la barrière de la langue. Je laisse donc tout l'aspect relationnel avec le client à mes équipes japonaises. Lorsqu'ils me demandent de me joindre à eux, c'est en général pour que j'aille faire des excuses! C'est un aspect peut-être propre au Japon, mais c'est normal, c'est mon rôle et surtout, ça n'arrive pas souvent! Mon but en fait est de faire sentir à mes équipes qu'ils peuvent être en confiance, que je ne les laisserai pas tomber. Au Japon quand on perd la face, on peut être sorti du marché pour de nombreuses années. Cette relation avec le client me manque un peu, mais comme je n'y ai aucune valeur ajoutée, je ne cherche pas à m'imposer. « Les japonais aiment construire » Le Japon a un côté très industriel, que ce soit dans l'automobile, ou dans la construction. Il faut faire tourner la machine, alors on démolit facilement pour reconstruire. C'est probablement relié au fait que le terrain coûte très cher. Comme il représente 70% du prix à l'investissement et l'immeuble dessus seulement 30%, on peut se permettre plus aisément de reconstruire. Mais le Japon aime construire, même dans des périodes où économiquement, ça n'a pas d'intérêt. Ici, tous les projets ne se justifient pas nécessairement de façon financière et je crois que tous ne passeraient pas dans la moulinette anglo-saxonne du retour sur investissement! C'est une autre mentalité. « Je rigole beaucoup avec mes équipes japonaises » Même avec toute l'expérience que j'ai en gestion d'équipes, je pense que c'est plus facile ici qu'en France. Bien sur, dans une même entreprise, la moitié des codes sont les mêmes. L'autre moitié est très différente. Les japonais ont beaucoup plus d'humour et je rigole beaucoup plus ici qu'à Paris! L'immobilier attire des gens qui n'entrent pas dans le moule, qui ne sortent pas tous de la même université et nous recrutons des jeunes, pour leur capacité à parler l'anglais, ou des femmes de talent qui auraient eu de la difficulté à faire carrière dans d'autres entreprises du fait que c'est un milieu traditionnellement très masculin. « Le marché immobilier japonais manque de transparence »

Je suis toujours étonné de voir que dans un marché aussi élaboré, on ait autant de difficulté à obtenir des informations. On achète un immeuble au Canada, on peut savoir à combien ont été vendus les dix immeubles autour, qui occupe les immeubles, quel est le loyer, etc. Au Japon c'est très difficile. Il faut beaucoup d'effort pour avoir ce genre d'information, qui est demandée par les investisseurs anglosaxon, car ils sont habitués à avoir leur « data ». Ce marché aussi sophistiqué n'est pas aussi transparent qu'on pourrait le croire. D'un autre point de vue, c'est un aspect qui nous protège des nouveaux entrants. On ne peut pas débarquer de Paris ou New York et acheter tout de suite un immeuble.

de 12 ans prendre le métro le samedi soir pour aller aux champs Élysées. Dans certaines autres villes, on doit prendre la voiture et donc les enfants sont dépendants de leurs parents. « On oublie que le design a été inventé ici » Un côté qui n'est pas assez mis en avant au Japon, c'est toute cette nouvelle génération de jeunes entrepreneurs, très créatifs, avec des concepts de business très innovants. Comme le disait Steve Jobs quand il allait s'inspirer à Kyoto, le design est un peu né ici. On oublie trop souvent cet aspect là, qui me rend assez optimiste pour le Japon.

« Mes ados peuvent goûter à une liberté... encadrée » Un autre aspect incroyable de Tokyo, c'est le système de transport. Vivre ici est une expérience formidable pour mes enfants de 14 et 16 ans. Ils peuvent goûter à la liberté d'un ado, dans un encadrement à la japonaise. Ils peuvent se déplacer en transports en commun sans risque de criminalité. À Paris, je n'aurais jamais laissé mon fils

PROFILE François Trausch est à la fois CEO de GE Capital Real Estate Asie Pacifique et Président de GE Capital Real Estate Japon, basé à Tokyo depuis deux ans. Il était auparavant CEO Europe Occidentale pour la même société en France, après avoir été actif dans l'immobilier durant plusieurs années en Allemagne et aux États-Unis.

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6ème épisode Voyage dans l’archipel aux festivals

Combat pour commémorer les victimes du tsunami (le 7 août) Kenka Tanabata (fête des étoiles bagarreuse) de Kesenmachi

Les chars s’entrechoquent en se poussant l’un l’autre avec un gros tronc d’arbre (appelé kajibo) attaché en bas de chaque char.

Nouveau char fabriqué à partir d’un socle doté de roues qu’on a retrouvé après le tsunami dans la cour de l’école primaire Décorations de tanabata en papier du Japon

« Kenka Tanabata(fête de tanabata bagarreuse)» ressuscité dans une ville sinistrée par le tsunami On a tendance à penser que la fête de tanabata a lieu le 7 juillet, mais il y a encore pas mal de villes où elle est célébrée un mois plus tard, le 7 août, selon le calendrier lunaire. C’est le cas de la fameuse fête de tanabata de Sendai. Le « tanabata bagarreur de Kesenmachi » reste également fidèle à l’ancien calendrier. Voici le reportage de cette fête au nom provocateur que je suis allé découvrir à Rikuzentakata

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(Iwate). Rikuzentakata est tristement connu pour avoir été balayé par le tsunami survenu en mars 2011. La voie ferrée a été déchiquetée et on ne sait pas quand on peut la remettre en état. J’ai pris le bus de nuit de 23 heures à Ikebukuro (Tokyo). Le lendemain matin à 6 heures 38, me voilà devant la mairie provisoire de Rikuzentakata construite à la hâte sur une colline. Monté dans un taxi réservé d’avance,

je me dirige vers Kesenmachi en voyant çà et là des montagnes de débris que j’ai vues tant de fois à la télé. Quand le chauffeur me dit « C’est ici qu’il y avait la gare», j’ai beau chercher la moindre trace du bâtiment ferroviaire. Après avoir passé le pont, le taxi entre à Kesenmachi, mais autour de nous c’est toujours le même paysage de désolation. La fête aura vraiment lieu ici ? Je suis un peu dubitatif... Le tanabata bagarreur est une fête où


L’évènement festif qu’on perpétue malgré le séisme catastrophique est une fête de tanabata un peu musclée se déroulant au rythme effréné des tambours.

Département d’Iwate

Illustrations et texte : Itaru MIZOGUCHI

Rikuzentakataa

On intimide les adversaires en agitant de jeunes bambous souples

Unique char qui a survécu au grand séisme Après la collision frontale, c’est la lutte à la corde qui décide de l’issue finale. Est vainqueur l’équipe qui réussit à faire entrer son char dans le camp adversaire.

On tire.

Un gros kajibo (tronc de cyprès du Japon) est attaché en bas du char, des sarments de glycine servant de cordes. Aucun clou n’est utilisé.

On pousse

On tire.

Char

On heurte de front.

On heurte de front.

Char

On tire.

On pousse

On tire.

Plus d’une centaine de personnes s’affrontent à la fois

quatre quartiers de l’arrondissement se livrent à des combats de chars couverts de décoration de tanabata. Or, le tsunami ayant emporté trois chars, à la fête de l’année dernière, les quatre équipes ont dû rivaliser de force de traction en tirant à l’aide de corde le seul char rescapé. Mais cette année on a fabriqué un nouveau char à partir d’un socle de char retrouvé sous un tas de débris. Deux chars peuvent donc se heurter de front et la bagarre reverra le jour ! À 9 heures du matin, sur les vestiges

du temple Kongo dont le bâtiment principal a été emporté par le tsunami, un attroupement commence à se former petit à petit autour des deux chars de la fête. Un vieux monsieur occupé à suspendre aux chars des bandes de papier (tanzaku) sur lesquelles sont inscrits des vœux m’invite à participer à cette tâche. Je ne me fais pas prier. J’accroche chaque tanzaku avec soin. Les prières du genre « Que je puisse reconstruire ma maison le plus tôt possible !» ou « Que (Rikuzen)

Takata redevienne une ville normale !» me font de la peine tandis que les vœux du genre « Je voudrais devenir danseur » sont autant de lueurs d’espoir réconfortantes. À 10 heures, la procession commence. Les chars sont purifiés par du sel et du saké et les festivaliers les tirent pour les promener à travers l’arrondissement. Mais quel arrondissement ! C’est un vaste terrain vague sans bâtiment. Il n’y a pas suffisamment de bras pour tirer les deux chars simultanément. On doit les déplacer l’un après l’autre...

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Le matin de la fête, j’ai embrassé la ville maritime du haut de la colline Kesen-Narita-San. « L’unique pin miraculé » qui a été abattu en septembre pour le traitement de son immortalisation.

Rivière Kesen L’enlèvement des gravats continue.

Du pont, il ne reste que les piles.

Centre de communauté qui a survécu de justesse au tsunami. C’est ici, me dit-on, que les habitants ont confectionné les décorations des chars.

C’est ici que le combat de chars a lieu.

Le pin miraculé Préparation des échoppes Gradins pour les spectateurs

Photo prise avant le tsunami, exposée à la colline Kesen-Narita-San. Complètement défiguré, le paysage n’est plus reconnaissable.

Ce hanten (veste marquée au dos du nom de la fête) porté par le président du « comité pour la conservation du Kenka Tanabata » a été retrouvé sous des gravats.

Des statues de bouddha en pierre endommagées sont regroupées autour d’une figure de Jizo (bouddha vénéré comme protecteur des enfants).

Sur les vestiges du temple Kongo-Ji dont le bâtiment principal a été détruit par le tsunami. Après une pause de midi, le combat de chars commence enfin ! Il s’agit de percuter le char adversaire avec un tronc d’arbre (cyprès du Japon) gros et long, appelé kajibo. Mais il faut viser juste, sinon on risque de provoquer un accident grave. On doit donc vérifier et rectifier avec minutie les positionnements de deux chars placés face à face. Après l’entrée en collision frontale, on tire les chars au moyen de cordes. Est vainqueur l’équipe qui réussit à faire entrer son char dans le camp adversaire.

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Des bus arrivent et déchargent des renforts de festivaliers : groupes de volontaires, collégiens venus d’autres départements et sinistrés habitant des logements provisoires. Il y a maintenant deux fois plus de bras pour tirer les chars ! Enrôlé sur place dans une troupe, je saisis une corde et participe à la bagarre. Au signal de « Soyez prêts, commencez ! », les festivaliers tirent de toutes leurs forces les chars. Les kajibo s’alignent en tête-bêche en évitant l’accrochage de justesse. Quand les chars percutent l’un l’autre

avec un bruit terrible, une onde de choc parcourt. Chaque équipe tire son char de vive force au cri de « YoïyaSaa, Yoïya-Saa ». Sur les chars les tambours grondent au rythme effréné et belliqueux. « Yoïya-Saa, Yoïya-Saa !» Mais l’issue du combat est loin d’être certaine. C’est un miracle que de perpétuer une fête traditionnelle dans une ville presque entièrement détruite. « Yoïya-Saa, Yoïya-Saa !» Tout le monde a une mine réjouie.


Kenka Tanabata (partie nocturne) Le combat de chars a lieu deux fois, en plein jour et en soirée.

À la nuit tombée, on accroche des lanternes allumées. Les tambours grondent furieusement. On est prêt à en découdre ! Les combattants éméchés ont particulièrement un bon moral.

Oryaaa !

Un des tanzaku accrochés au char

Des échoppes installées sur le terrain vague ajoute à l’ambiance festive. Les enfants ainsi que les adultes ont l’air joyeux.

[Fête de tanabata bagarreuse de Kesenmachi] Cette fête célébrée le 7 août (un seul jour) est vieille de 900 ans. On dit qu’elle a été introduite par des samuraïs du clan Heike en fuite après la guerre civile pour la suprématie du Japon qui a fini par la victoire du clan Genji (1185). Chacun des quatre quartiers de Kesenmachi prépare un char richement orné de décorations de tanabata. Le moment culminant de la fête est le combat de chars, kenka (bagarre), où chaque équipe tente de percuter le char adversaire avec un tronc de cyprès vieux de 50 ans attachés en bas du char. N’importe qui peut participer au kenka qui a lieu au port de pêche Osabe dans la journée et dans une rue d’Imaizumi le soir. Cette fête est inscrite sur la liste du patrimoine culturel folklorique immatériel du Département d’Iwate.

Que nous puissions habiter une nouvelle maison bientôt !

Accès ●En train Prendre le Tôhoku Shinkansen et descend à la gare “Ichinoseki”. Il faut ensuite environ 1 heure 40 minutes en bus pour rejoindre “Rikuzentakata”. ●En bus express Prendre le Kesen Liner (bus express) à la gare d’Ikebukuro (Tokyo) pour environ 7 heures de trajet. Descendre à l’arrêt “Rikuzentakata Shiyakusho Karichosha (mairie provisoire de Rikuzentakata)” . ●En voiture Depuis l’échangeur d’Ichinoseki sur l’autoroute “Tôhoku Expressway”, prendre la route nationale 45 pour environ 1 heure et demie de trajet jusqu’à l’école primaire de Kesen.

Rikuzentakataa

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Voyages dans la vallée Un Américain qui joue du shakuhachi?

Bruce Huebner(Shakuhachi) Membre du groupe de jazz-world music Candela et du duo de shakuhachi et guitare ZUI, licencié de shakuhachi de style Kinko-ryu et professeur de musique à la Faculté de Médecine du département de Fukushima. Originaire de Los Angeles aux Etats-Unis. Diplômé en musique de la California State University Northridge en 1983, il se rend au Japon et étudie le Kinko-ryu shakuhachi. Il revient une seconde fois au Japon en 1989 et après un passage par le statut d’étudiant chercheur, devient le premier non-Japonais à intégrer le cursus de maîtrise d’interprétation de musique traditionnelle japonaise à l’Université des Beaux-Arts de Tokyo. Il étudie sous la direction de feu Goro Yamaguchi, un Trésor National Vivant, et obtient son diplôme de l’université en tête de liste en 1994. En 1998, il publie une série de trois vidéos pédagogiques en anglais sur le shakuhachi. En 2000, il se joint au pianiste et compositeur Jonathan Katz pour fonder le groupe de jazz/world music Candela au sein duquel il explore le potentiel du shakuhachi. En 2002 sort l’album « Mogami » accompagné d’une tournée au Japon, en Europe, et en Amérique du Nord. Il fonde en 2006 un duo avec le joueur de koto Curtis Patterson, avec lequel il se livre à d’émouvantes interprétations du répertoire classique ainsi que de leurs compositions originales. (http://brucehuebner.com/)

Cela fait 30 ans que je vis au Japon. Aujourd’hui encore, des inconnus me regardent comme une bête curieuse : « Quoi ? Vous jouez du shakuhachi ? », s’étonnent-ils. Mais une fois le concert terminé, ils viennent me remercier et me disent qu’ils ont retrouvé avec nostalgie des sonorités qu’ils avaient oubliées. Mon shakuhachi m’accompagne partout au Japon, dans mes tribulations dans les campagnes et les villes de province où je me produis. Les concerts que nous donnons sont des concerts « citoyens » dans le sens où en province, ce sont les gens de la région eux-mêmes qui s’occupent de trouver une salle de concert, de vendre les billets, et qui en font la publicité. Ce style d’organisation communautaire est né d’une certaine frustration, car la musique traditionnelle japonaise doit se battre en permanence contre l’image rigide qu’ont la plupart des Japonais au sujet de la musique d’autrefois. C’est la raison pour laquelle quand nous donnons un concert, nous recherchons

nouveaux auditeurs de venir à nous. Nous sommes en septembre et nous avons déjà joué dans plus de cinquante salles cette année. Un concert dans une ancienne résidence de samurais vieille de 400 ans, ou dans un sanctuaire aux plafonds hauts, à l’ombre d’une montagne, c’est une expérience incroyable pour le musicien comme pour l’auditoire. Cela dégage un je ne sais quoi qui dépasse l’univers musical. On vient souvent nous dire : « Ce lieu est sublime. Je n’aurais jamais cru que l’harmonie entre shakuhachi et koto pouvait être aussi belle ». Les sociétés en mutation ont tendance à considérer les choses anciennes comme un anachronisme et un fardeau. Mais de plus en plus de gens redécouvrent dans ces bâtiments anciens et cette musique d’autrefois un sens de la communauté qu’ils avaient oublié, et se mobilisent pour construire un style nouveau. C’est un mouvement auquel nous sommes fiers de contribuer en tant que musiciens. L’univers de la musique traditionnelle

façons d’apprendre. En revanche, vous bénéficiez du soutien inconditionnel des aficionados du maître, qui vous comprennent et vous apprécient. Par contre, le nombre de ces aficionados et de ces fans est en déclin, et ce déclin est constant. J’aimerais faire de cet univers profond mais étroit un univers toujours aussi profond mais plus ouvert. Mon cœur de cible, c’est le grand public, éduqué et amateur de musique. Un joueur de shakuhachi m’a dit un jour : « C’était un concert vraiment intéressant. Vous avez des influences très diverses et vous le montrez, et cela, les Japonais ne peuvent pas le faire. ». Un producteur de concerts m’a quant à lui déclaré : « J’organise beaucoup de concerts de koto et de shakuhachi, et j’aime ça, mais vous, vous êtes différents des autres. Vous faites de la musique. » Un auditeur venu assister à un de nos concerts m’a avoué : « Je m’assoupis parfois lors des concerts, mais aujourd’hui, c’était très stimulant. Les histoires que vous racontez entre les morceaux étaient

toujours un « lieu nouveau, mais avec une histoire » pour nous produire. Temples, sanctuaires, parfois un restaurant soba-ya, bâtiments historiques ou salles des fêtes municipales… ces lieux, utilisés comme salle de concert, confèrent une sonorité inédite au shakuhachi. Cela a permis à de

japonaise est à la fois d’une grande profondeur et d’une considérable étroitesse. Une fois que vous avez choisi un maître ou une école, vous n’avez d’autre choix que de continuer dans cette voie, et il devient difficile d’expérimenter avec d’autres musiques ou

drôles, un peu comme des sketches de manzai ». J’ai vécu dans tous les coins du Japon. J’y voyage, et je suis inspiré par la beauté de la nature dans ce pays. Je peux composer, jouer, intégrer à ma musique du traditionnel et du contemporain, et ce en toute liberté. Malheureusement, les Japonais ne peuvent jouir de cette liberté. J’ai souvent joué pour des audiences qui avaient faim de cette liberté dans la musique. Le critique de films Donald Richie a dit un jour que les étrangers vivant au Japon étaient comme assis sur la crête d’une montagne, avec en bas deux vallées, une de chaque côté de la montagne, dans lesquelles ils peuvent descendre et voyager. Nous, les musiciens étrangers, nous pouvons apprendre de la musique

« Je connaissais cet endroit mais je n’y étais jamais entré. La chaleur qui se dégageait de ce bâtiment en bois et de la musique était sublime. » « C’était un moment de grande détente et de belles rencontres. »

traditionnelle japonaise, mais nous pouvons aussi profiter de l’autre vallée, celle de notre culture d’origine, dans laquelle nous attendent les joies du jazz et du classique. Cette musique en liberté, tous les musiciens du monde y aspirent, et il n’y a aucune raison à ce qu’elle ne devienne pas réalité aussi au Japon. 2012 Oct&Nov

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éâtr Le Th

o

an e Shir

場 劇 乃 志ら de croix n i m e h c vitable Mon iné

Acte 5

o

hiran awa S Tatek le rakugo. Ce qui revient à dire qu’ il m'aura fallu 15 ans

prévus pour sortir cette année. Une pression telle que

pour y parvenir. C'est la première fois que j'écris un livre,

tout mon corps et toute mon âme connaissent désormais

et non un simple fanzine. En plus, je dois en écrire deux

la véritable signification du mot « débordé ». Et pour me

en même temps. Il est évident qu’ il s’ agit là d’ un travail

changer les idées, je me suis lancé dans la rédaction d’ une

long et douloureux, et pourtant je l'ai accepté sans trop me

nouvelle publication qui sera distribuée au prochain Comic

poser de questions, en me disant que j'arriverais bien à me

Market (convention organisée deux fois l'an à Tokyo où

débrouiller. Si je pouvais revenir en arrière, j’ irais voir mon

se vendent et s'échangent des fanzines amateurs appelés

moi de l’ époque et je lui dirais d'y réfléchir à deux fois. Mais

dojinshi) et qui me prend autant temps que ne me prendrait

bon, de toute façon, je ne suis pas du genre à écouter les

la rédaction de deux fanzines.

conseils...

Dans le livre dont la publication est prévue pour septembre,

Si je veux coucher sur le papier cette prise de conscience

je m’ entretiens avec mon aîné, Dansho, ainsi qu’ avec

faite cette année quant à mon désir de devenir conteur de

Shiraku notre maître. Si ces entrevues avec deux dignes

rakugo pour de bon, c’ est maintenant ou jamais. Je vais me

héritiers de l'école Tachikawa étaient une idée de mon cru,

coller à mon clavier d'ordinateur et savourer la chance que

je crois que j’ aurais été bien incapable de me lancer dans un

j'ai de pouvoir publier deux livres juste avant d'être promu

projet si audacieux il y a encore un an.

Shinuchi (rang le plus élevé dans la hiérarchie des conteurs

Oh, certains d’ entre vous me diront que ce n’ est pas non

de rakugo).

plus la mer à boire, puisque tout ce petit monde est issu du

Je ne vais pas non plus vous parler que de mes bouquins. Je

même moule. Eh bien venez me le dire en face ! Parce que

dois aussi poursuivre mes activités concrètes de rakugoka.

c’ est loin d’ être le cas. Imaginez si, à l’ issue de ces

Il faut que je remplisse des salles, que ce soit seul sur scène

第五席

追われて逃げ込む茨の道

Je suis complètent débordé par l'écriture de deux livres

entretiens, ils venaient à penser que je suis loin d’ être à la

ou avec mes collègues. J’ ai aussi découvert de nombreux

hauteur, que je suis encore plus mauvais ne

jeunes conteurs venus d'écoles différentes et qui m'inspirent

l’ imaginaient... L’ horreur.

beaucoup : j’ ai très envie d’ échanger avec eux. Bien sûr,

Le jour des entretiens, j'ai dit tout ce que j’ avais sur le cœur.

d'un autre côté, je ne dois pas oublier de m'approcher de

Si vous voulez en connaître le contenu, vous lirez le livre.

mes aînés. En ce moment, j'essaye également de rencontrer

Mais mon impression après ces interviews, c'est que j'avais

des gens venus d'autres univers que celui du rakugo. Le

fait mon boulot de conteur de rakugo de l'école Tatekawa.

mois dernier, j'ai rencontré les Morning Musume. Je me

Et en tant qu'homme, j'avais la satisfaction du travail bien

suis retrouvé avec 8 d’ entre elles, issues des neuvième et

fait. Franchement, je crois que j’ ai enfin les pieds dans les

dixième castings, pour du rakugo, lors d'une émission de

starting-blocks. Il s’ agit peut-être d’ une course que je ne

télé. Parler avec elles, mais aussi négocier avec leur agent et

gagnerai jamais même en courant de toutes mes forces, mais

la chaîne de télé fut très stimulant pour mon cerveau. Rien

jusqu’ à ce jour, la ligne de départ me faisait tellement peur

que de vous l’ écrire me motive. Je ressens déjà l'excitation

que je tournais les talons. Je pense donc avoir fait un grand

de me trouver sur scène, de parler et de me mouvoir devant

pas.

le public. Peut-être suis-je vraiment fait pour être un conteur

Le second livre, prévu pour novembre, est un récit complet.

de rakugo. Après tout, je n'ai jamais expérimenté d'autres

Et ça, c'est un travail vraiment laborieux. Laborieux au

métiers, et je serais heureux si telle était ma vocation. Bien

point que je saisis enfin ce que peuvent être les doutes d'un

plus heureux que si je devais continuer à écrire... Et si j'allais

écrivain. Pourtant, à bien y réfléchir, ce n’ est que cette

faire un peu de rakugo pour me changer les idées ?!

année que j'ai enfin commencé à comprendre ce qu'était ● Shirano Tatekawa : Il est le disciple du disciple de Danshi Tatekawa. Initié par Shiraku Tatekawa en 1998, il est promu futatsume en juillet 2003. Il accèdera au rang de shin’uchi dès ce printemps ! Ne manquez pas son one-man show « Shirano Daisakusen » en représentation chaque mois. Amoureux de la subculture, il anime une émission régulière à la radio dans laquelle il parle de ce domaine. http://ameblo.jp/st-blog/

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Le numĂŠro suivant sortira le 25 novembre


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