N°
50
MAI JUIN 2020
DÉCRYPTAGE
EAU DOUCE
SI PRÉCIEUSE !
SOLUTIONS
COUV
CLIMAT, UN JEU
POUR COMPRENDRE
AUTONOMIE
LIMACES & CO. AU POTAGER BIO
CRÉONS
UNE VISION
DU MONDE EDGAR MORIN DOSSIER
LA RÉNOVATION DE L’HABITAT EN FRANCE
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BEL / LUX : 7,20 € - CH : 11 FS - DOM : 7,40 € - TOM : 850 XPF
Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 98 913 € Siège social 74A, rue de Paris - 35000 Rennes info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com
EDITO
Magazine bimestriel numéro 50 Mai-juin 2020 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Baldassari Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin Journaliste multimédia Maëlys Vésir Stagiaires pour ce numéro Marius Matty Laure du Mesnildot Directrice administrative et financière Céline Pageot Abonnements et commandes 74A, rue de Paris - 35000 Rennes abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 02 23 24 26 40 Gestionnaire service abonnements Cyrielle Bulgheroni Direction artistique, maquette et mise en pages • www.hobo.paris hobo.paris - hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture © Ingrid Bailleul Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente au numéro pour les diffuseurs Destination Média • Tél. 01 56 82 12 00 contact@destinationmedia.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peuvent être reproduits sans l’autorisation du magazine. Merci.
Pascal G reboval R édacteu r en ch ef
NOUS ADAPTER
ÉDITO ET CONTINUER C
omment écrire des mots intelligents face à tant d’incertitudes ? La vérité d’hier n’est plus celle de demain. Entre le moment où j’écris ces lignes et celui où vous les lirez, quatre longues semaines se seront écoulées (nos imprimeur et transporteur travaillant en effectif réduit). Entre-temps, que se sera-t-il passé ? Le déconfinement progressif, annoncé à partir du 11 mai, sera-t-il d’actualité ? Pour l’heure, si l’on regarde quatre semaines en arrière, que de changements ! Ce que les écologistes les plus radicaux n’osaient même pas réclamer est advenu… Presque plus de voitures, d’avions ; l’industrie quasi à l’arrêt. La moitié de l’humanité a appuyé sur « pause ». Mais comment rester « 100 % positif » – notre ligne éditoriale – dans ce moment de « pause sanitaire » ? Selon Sébastien Bohler, mon confrère de Cerveau & Psycho, rester optimiste est justement l’une des clés pour sortir de la crise sans trop de dommages. Des études réalisées après la Seconde Guerre mondiale l’ont déjà prouvé. Il ne s’agit pas pour autant d’être des « Bisounours ». Chez Kaizen, cette crise, nous la prenons au sérieux. D’autant qu’une collègue a été mise K.-O. par le virus. (Rassurez-vous, elle commence à aller mieux.) Cependant, comme le suggère Edgar Morin [lire page 8], ce moment est l'occasion de proposer une autre vision. Cette crise est un nouveau symptôme majeur de l’emprise de l’homme sur le vivant. Alors pour tenter d’endiguer les crises suivantes, qui pourraient s’avérer plus rudes, nous continuons à « faire notre part ». Raison pour laquelle nous publions ce numéro en nous adaptant. Pour redire que nous devons changer de paradigme, et lutter, sans relâche, à la fois pour préserver un système social qui, on le constate, permet d’éviter le pire (malgré le travail de sape subi de longue date par l’hôpital public, le travail des soignants, majoritairement des femmes, est héroïque), et pour préserver l’habitabilité de la terre. Vaste programme ! Typiquement, au moment où j’écris ces lignes, nous battons des records de chaleur, avec 25 degrés relevés à Brest le 10 avril, soit 12 degrés au-dessus de la normale. Je l’ai dit par ailleurs : « La bataille des idées commence maintenant ! » Le passage à l’acte aussi…
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KAIZEN - N° 50 - MAI-JUIN 2020
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SOMMAiRE
K A I ZEN N° 5 0 - M A I- JUIN 2 0 2 0
ACTUALITÉ 6 Covid-19 : pause ou encore ? RENCONTRE Edgar Morin CHRONIQUE Quitterie de Villepin Réparer la France
D.I.Y. L’eau de Cologne fait son come-back
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CHRONIQUE Gilles Farcet Habiter, un acte de conscience
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JE VAIS BIEN, LE MONDE VA MIEUX 76 Miraculeux moringa
EN QUÊTE DE SENS Nathalie Gizard, de la fonction publique aux crêpes bio
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SOMMAIRE
EN CHIFFRES Eau douce : si précieuse ressource !
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ENQUÊTE 16 Micromobilité, passage obligé ou voie sans issue ? LA NATURE MISE À NU Le blaireau Ceci n’est pas un ours !
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RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE, UN PILIER DE LA TRANSITION 22
DOSSIER
ET SI ON LE FAISAIT ENSEMBLE ? 50 La Recyclerie Sportive, vive le sport… zéro déchet !
GOÛT DE L’ENFANCE 58 La Connec’son, éveil musical pour jeunes autistes
EN CHIFFRES 83 Tomate, un or rouge trop convoité VIVRE EN OASIS 84 Le Domaine des Possibles « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » BD Mathilde Stento Au potager ! Limaces & escargots
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CUISINE En mode zéro déchet ! La salade Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? Le fromage blanc
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CRÉATEURS DE CULTURE La Fresque du Climat, jouer pour comprendre
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VENT D’AILLEURS Cambodge Coconut School, sur les bancs de l’école recyclée
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MOTS CROISÉS Chats et biodiversité : quel impact ?
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KRUCIVERBONS
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BD Aude Picault Pédibus
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CHRONIQUE Dominique Bourg Coronavirus et climat
PORTFOLIO Cyril Ruoso & Emmanuelle Grundmann 40 SOYONS SINGES !
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Origine du papier : pages intérieures : Belgique ; encart : Allemagne ; couverture : Pays-Bas. Taux de fibres recyclées : 0 %. Ce magazine est imprimé sur un papier issu de forêts gérées durablement. Eutrophisation : Ptot = 0,018 kg/t. Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement.
ACT U A LIT e
COVID-19 :
P a sc a l G re b ova l
PAUSE OU ENCORE ? «
Q
ARTI
La crise sanitaire du Covid-19 est sans précédent : la moitié de la population mondiale est confinée, des millions de travailleurs français sont « à l’arrêt », et devant nous : une montagne de questions…
uand la crise sera finie, on quitte Paris. Depuis trois ans, je tente de convaincre mon copain, mais avec le confinement, je pense qu’il comprendra plus facilement la nécessité d’avoir un jardin et de cultiver nos légumes », nous confie Anne-Laure au téléphone. Quadra dynamique, avec son conjoint et son fils de 5 ans, ils restent au maximum dans leur appartement de 55 mètres carrés. « Voilà trois semaines qu’Eliot n’est pas sorti ! » À l’autre bout du fil et de la France, dans le Tarn-et-Garonne, Sophie nous avoue que son jardin lui permet de rester confinée des mois : « Entre les conserves que j’ai faites l’an dernier et les récoltes, je suis quasi autonome. » Ainsi « faire son jardin » ne serait plus un « acte révolutionnaire », comme le clame Pierre Rabhi depuis des années, mais deviendrait, à l’aune de cette crise sanitaire, un acte de survie. « Survie », le mot est lâché ! Avec douze mille morts en France en quelques semaines, au moment de la rédaction de ce texte, et une probabilité que le virus touche plus de la moitié de la population, le doute s’installe. Comment sortironsnous de cette crise ? Une majorité d’urbains, comme Anne-Laure et sa famille, quittera-t-elle la ville pour rejoindre la campagne ? Comment construire le monde de demain ? Personne ne le sait aujourd’hui. Est-ce le premier domino de l’effondrement annoncé par certains ou une manière de faire une pause et de penser demain ? Ce que Bruno Latour espérait au micro de France Inter : « Si l’on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise… »
ACCEPTER, ET CHANGER ? Dans un premier temps, nous devons « cultiver l’art de l’acceptation », comme le rappelle Christophe André : « Face à une maladie ou une crise, face aux adversités inhérentes à toute vie 6
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humaine, on accepte, mais on ne renonce pas à faire face, agir, prendre soin de soi. » Ce que Marc Aurèle avait déjà exprimé en son temps : « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre ! » « Changer », ce mot est sur toutes les lèvres. Selon un sondage du journal Libération 1, les Français aspirent à une nouvelle société « post Covid-19 », avec relocalisation de la production en Europe et protection des services publics. 69 % veulent « ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité », 88 % réclament un « accès à l’eau et à un air de qualité » et 76 % à la « biodiversité ». Pour résumer, la majorité des Français partage la vision exprimée par le président de la République le 12 mars 2020 : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. […] Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d’autres est une folie. […] Les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. »
ACTUA
UN NOUVEL ÉLAN Le changement de paradigme, c’est notre ADN, notre raison d’être, chez Kaizen, alors, évidemment, nous espérons que cet élan sera suivi d’effets ! On observe, sur le plan individuel, les initiatives solidaires se multiplier : ces anonymes qui préparent des repas pour le personnel soignant ou lui prêtent leurs logements vides, ces voisins
DÉCRYPTAGE
R e n c on t re
1921 Naissance à Paris 1942 Entre dans la Résistance 1946 Publie son premier essai, L’An zéro de Allemagne
1956 Crée la revue Arguments 1961 Part enseigner à Santiago du Chili 1969 Invité à l’Institut Salk de San Diego, élabore sa « pensée complexe » 1970 Devient directeur de recherche au CNRS 1977 Publie le tome 1 de La Méthode 2011 La Voie, Fayard 2012 Participe au Collectif Roosevelt 2012, à la Conférence « Rio+20 », soutient le chef Raoni 2019 Les souvenirs viennent à ma rencontre, Fayard
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In gr id B ail l eu l
EDGAR RENC MORIN
BIO EXPRESS
1950 Entre au CNRS, au Centre d’études sociologiques
Pascal G reboval
Du haut de son quasi-siècle d’expérience, Edgar Morin porte un regard lucide sur notre époque. Rencontré peu de temps avant la crise sanitaire et le confinement, il nous a partagé sa vision du monde à venir et de la crise écologique. Des propos d'autant plus d’actualité aujourd'hui.
À 20 ans, vous étiez chef dans la Résistance ; à 98 ans, quels sont vos combats ? Combat est un gros mot. Je préfère la notion de résistance. Je considère qu’il y a deux barbaries qui sont très fortes. La première, nous la connaissons depuis les débuts de l’histoire humaine : c’est le mépris, la domination, la torture, etc. Cette barbarie, elle revient un peu partout. Non seulement chez les terroristes et autres exaltés, mais aussi chez nous, dans la fermeture d’esprit par rapport aux personnes d’origine étrangère, aux migrants, aux musulmans, aux juifs. Cette barbarie devient psychique alors qu’ailleurs elle est violente, mais elle peut aussi devenir violente chez nous. L’autre barbarie, elle vient du cœur de notre civilisation : c’est le déchaînement du profit plus ou moins régulé, qui se manifeste par la toute-puissance du calcul pour comprendre les problèmes humains. Que connaissent nos gouvernements de nous ? Le PIB, le taux de croissance, l’espérance de vie, les sondages d’opinion… C’est le règne du quantitatif ! Et celui-ci correspond très bien au règne du profit et de l’intérêt personnel. Au nom de la compétitivité, on fait
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peser sur ceux qui travaillent dans les bureaux, les entreprises, une surcharge qui conduit à des burn-out, des suicides. Voilà la deuxième barbarie ! On subit une mécanisation, une industrialisation de la vie quotidienne contre lesquelles, bien sûr, on résiste dans la vie familiale, dans la vie amoureuse, en allant au cinéma, etc., mais force est de constater qu’on subit aussi cette barbarie de façon intime. Cette « autre barbarie » est-elle la cause de la crise écologique ? Il est évident que cette barbarie est inséparable de la crise écologique. Parce que celle-ci est née du déchaînement des trois moteurs : science, technique, économie. Ces trois moteurs sont couplés et aucun n’est contrôlé. La science peut servir à des manipulations, à la fabrication d’armes nucléaires, etc. Comment est née votre prise de conscience écologique ? Dans les années 1970, j’étais en Californie à l’Institut Salk de recherches biologiques, et des
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CONTRE
“AYONS UNE VISION DE L’HOMME, ET DE L’HISTOIRE, ET DU MONDE, ET DE LA CONNAISSANCE…" 9
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Quitterie de Villepin DÉCRYPTAGE
C h r o n ique
EXPLOR AT R IC E EN DÉMOC R AT IE
Ba st ie n D u b o i s
RÉPARER
D
es plafonds de salles de classe qui s’effondrent à Lorient, à Paris, à Cannes, à Béziers… Deux immeubles qui s’écroulent rue d’Aubagne à Marseille, faisant huit morts. Des prisons insalubres, où les conditions de détention sont « indignes », selon la justice française, qui pointe du doigt trente-cinq établissements, de Fresnes aux Baumettes. Des cités universitaires, de Nice à Strasbourg, dont les lits sont remplis de punaises, ainsi que des amphis, des salles de cinéma, des théâtres. Des HLM à Clichy-sous-Bois, Vaux-en-Velin, Villiersle-Bel, dont les ascenseurs sont constamment en panne, dont des portes sont cassées. Près d’un million de passoires thermiques sur le territoire.
« Comment rester dignes si nous vivons dans des conditions indignes ? » Des commissariats insalubres de Coulommiers à Fécamp, des invasions de blattes dans celui de Montpellier. Des Ehpad délabrés au matériel obsolète où nombre de nos aînés traversent les dernières années de leur vie. Des hôpitaux en voie d’insalubrité, comme au Havre ou à La Timone, où il y a là aussi des punaises de lit, où il n’y a plus de couvertures. Des réseaux ferrés Corail et TER vétustes provoquant, par exemple, l’accident de Brétigny. Des postes d’aiguillage obsolètes. Des hangars loin de tout réseau de transport public où s’entassent des migrants dans des conditions inhumaines. Des bidonvilles aux portes de nos villes. Même nos sols sont « cassés », appauvris, par l’artificialisation, les monocultures. Et ne pourront plus nous nourrir. 12
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Comment rester dignes si nous vivons dans des conditions indignes ? Comment prendre soin des autres quand nous sommes nous-mêmes atteints dans notre intégrité physique ? Comment être respectueux des autres alors que les lieux mêmes – de travail, de soin, d’accueil ou d’apprentissage – semblent nous signifier que nous ne sommes pas dignes du respect minimal ? Comment ne pas lier ces conditions indignes et la violence qui traverse tous les pans de notre société, tous les corps de métier ? Un lieu de vie et un lieu de travail décents, où les conditions sanitaires, de sécurité et d’hygiène sont réunies, voilà les conditions strictement nécessaires pour vivre et pouvoir se déployer au service du collectif. Il faudra bien sûr s’occuper de réparer notre vieille démocratie qui menace, elle aussi, de se fracasser en mille morceaux, mais commençons par réparer le visible, retrouver une prise sur ce réel, physiquement, concrètement, en nous mettant à l’œuvre. Voilà une idée simple. Un objectif simple. Réparer la France. Réparer les hôpitaux, les écoles, les prisons, les commissariats, les maisons, les parcs HLM, les routes, les rails, les terres. Donnons-nous cinq ans, dix ans. Et ne relâchons plus nos efforts pour entretenir, au fur et à mesure. Prendre soin de nos communs. Nous pourrions toutes et tous nous y mettre. Œuvrant sur des chantiers où nous aurions toutes et tous un rôle, néophytes ou maîtres d’œuvre. Voilà une idée pour créer de l’emploi, une idée pour la transition énergétique. Voilà une idée pour prendre soin les uns des autres. Réparer nos lieux de vie communs, c’est nous réparer collectivement. n
Photos : Morgane Geronimus - Design : w w w. s t u d i o v a n d a l s . c o m
LA FRANCE CHRONIQUE Quitterie de V
e n c hiffres Fan ny Co s t es J ust in e L e J o n c o u r
DÉCRYPTAGE
Eau douce : si précieuse ressource !
INFOG
« L’eau, source de vie » ? Plus rare qu’il n’y paraît, ce bien commun est traité avec trop peu d’égards. En cause : l’homme et ses activités.
LA TERRE EST RECOUVERTE AUX 3/4 D’EAU… … soit 1 400 millions de milliards de m3, mais de quelle nature ? - l’eau salée des océans représente 97,2 % de ce total ; - l’eau douce ne représente que 2,8 %.
eau douce : 2,8 %
INACCESSIBLE OR BLEU L’eau douce est stockée à
69 % 30 % 1%
sous forme solide dans les glaciers ou dans le pergélisol, dans les aquifères, souvent très profonds et peu exploitables, seulement dans les cours d’eau, les rivières, les fleuves, les lacs…
9 PAYS DISPOSENT DE PRÈS DE 60 % DES RESSOURCES
80 autres pays, principalement en Afrique et au ProcheOrient (soit 40 % de population mondiale), souffrent de graves pénuries. Réserve/an/habitant : - Palestine : 59 m³ - France : 3 262 m³ - Islande : 630 000 m³ Cette disparité s’aggrave et multiplie les risques de conflits.
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Fan ny Costes
E n q u e^ t e
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L e Cil Ver t
MICROMOBILITÉENQ PASSAGE OBLIGÉ OU VOIE SANS ISSUE ? Trottinettes et autres hoverboards 1 sont de plus en plus utilisés pour les trajets urbains courts. Derrière l’engouement, des questions se posent : ces engins peuvent-ils améliorer le bilan environnemental des villes ? Quid de leurs batteries ? des abus des opérateurs ? des accidents ? des conflits d’utilisation de l’espace public ? Les enjeux de la micromobilité vont bien au-delà d’un phénomène de mode.
V
ous en avez sans doute croisé sur les voies ou les trottoirs des villes. Vous les avez même peut-être essayés ou adoptés. Presque invisibles dans le paysage urbain en 2015, les trottinettes, hoverboards et autres gyroroues se sont ajoutés aux traditionnels vélos et skates au point de créer le buzz médiatique, commercial et politique. Les chercheurs eux-mêmes se sont emparés de ce sujet, et ont fait émerger le concept de micromobilité. Car au-delà d’un phénomène de mode, le déploiement de ces engins cristallise bien des enjeux urbains. Il mérite donc d’être décortiqué. D’abord, « tout le monde ne s’accorde pas autour d’une seule définition de la micromobilité. Aux États-Unis, par exemple, il est courant d’y intégrer tous les véhicules de moins de 500 kilos et donc les scooters et voiturettes. En France, nous avons une vision plus restrictive. Globalement, on fait référence aux engins de déplacement personnel motorisés ou non (EDPM ou EDP), et dont le poids 16
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est d’une quarantaine de kilos », souligne Mathieu Rabaud, chargé d’études du groupe Mobilités et Territoire au Cerema 2. « On l’entend pour des trajets courts, inférieurs à 6 kilomètres, et des moyens qui permettent d’aller plus vite que la marche. On n’y intègre donc pas le vélo qui permet de parcourir plus de chemin et engage des problématiques un peu différentes », ajoute Mathieu Chassignet, ingénieur Mobilité à l’Ademe 3.
PRATICITÉ, RAPIDITÉ, AGILITÉ… Dans les faits, la micromobilité est associée à la trottinette. En 2018, il s’est ainsi vendu 1 million de trottinettes mécaniques en France, 232 749 trottinettes électriques, 301 500 hoverboards, 26 200 skateboards électriques, 4 200 gyroroues et 2 200 gyropodes. Des chiffres auxquels s’ajoute le déploiement de trottinettes en free-floating – en libre-service et sans bornes – dans des métropoles comme Paris, Bordeaux ou Marseille, gérées par des opérateurs inconnus en 2017, tels Lime, Bird, Voi, Circ ou Dott.
Le blaireau
LA na t, ur e mise A nu
DÉCRYPTAGE
CEC I N ’ EST PA S U N O U RS !
Fran ço i s L a ss e r re C a rol in e G a m o n
LA NA MISE
Sa stature et sa démarche pourraient nous faire douter, pourtant
le blaireau, comme l’ours [lire Kaizen n° 48] qu’il n’est pas, reste persécuté pour de fausses bonnes raisons. Est-il détestable au point de l’ignorer, au mieux, ou de le déterrer pour le tuer ?
PEU AIMÉ ? Oui. En France, à l’instar des autres mustélidés (fouines, putois, belettes, etc.), le blaireau reste parfois considéré comme un « puant nuisible » alors qu’ailleurs en Europe, il peut être protégé. Comme en Angleterre, où il est nourri dans les jardins et orne des cartes postales. Chez nous, au moindre faux pas, voilà le noctambule piégé ou bien déterré et tué par des humains et des chiens hurlants. Étonnant de violence envers un animal si peu ennuyeux…
OURS ? Non. Cependant le blaireau partage avec l’ours (et nous, et d’autres…) le fait d’être plantigrade, c’est-àdire de marcher sur la plante des pieds. Grâce à cela, son empreinte est unique et facile à reconnaître !
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DOSSIER
N olwenn Wei ler
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RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
PILIER DE LA
TRANSITION Pour enrayer la catastrophe climatique qui menace la vie sur terre, il existe une solution trop souvent oubliée : la réfection de nos logements, qui avalent chaque année des quantités indécentes d’énergie – plus encore que nos déplacements. En plus de freiner l’asphyxie de la planète, un plan massif d’isolation de l’habitat pourrait donner du travail à des centaines de milliers d’artisans, et mettre fin au scandale de la précarité énergétique. En attendant que nos gouvernements se décident – enfin – à actionner ce plan, des citoyen.ne.s ont d’ores et déjà décidé de se lancer. En ville ou à la campagne, dans des maisons de terre ou de parpaings, en solo, en famille ou en collectif… l’art de la rénovation est aussi varié que riche !
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© Pascal Greboval
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LES CHOUX LENTS ENSEMBLE, ON VOIT PLUS LOIN
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Situé à une quinzaine de kilomètres de Lyon, l’habitat participatif des Choux lents devrait être terminé à la fin de l’été. Sept années de travaux et d’autoconstruction ont été nécessaires pour aménager sept appartements et une vaste salle commune dans une vieille bâtisse du xixe siècle. Un projet ambitieux, mais joyeux, dopé au 100 % collectif !
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ncore quelques semaines de chantiers collectifs et la rénovation sera terminée. « Nous sommes sur la réfection de notre dernière salle commune, décrit Ludo, l’un des cohabitants des Choux lents, à une quinzaine de kilomètres de Lyon. Elle fait 60 mètres carrés et nous prévoyons d’y accueillir des événements culturels et festifs ouverts aux membres de l’association qui réunit les habitants et membres sympathisants. » Avant de se pencher sur cette salle commune, Les Choux lents ont aménagé sept appartements qui accueillent aujourd’hui dix adultes et cinq enfants. Deux dans la maison de pierre vieille de cent cinquante ans qu’ils ont achetée en 2012, et cinq dans la grange
en pisé qui lui fait face. Taille des logements : de 55 à 65 mètres carrés.
© Jérémy Pain
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RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
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SEPT ANS DE TRAVAUX ! Les travaux de réhabilitation se sont étirés sur sept années, avec une forte implication des habitants, qui ont réalisé une foultitude de choses, du percement des murs en pisé, pour ménager des fenêtres, à l’isolation par l’extérieur, en passant par les enduits, les peintures et les réseaux électriques. Seuls l’installation de la chaudière bois, l’isolation et la réfection de la toiture, le cloisonnement interappartements et les planchers intermédiaires des duplex ont été confiés à des professionnels 1 . Et pourtant, dans l’équipe, « personne n’est du métier », comme dit Ludo. Pas un architecte, pas un conducteur de travaux, pas un plombier, ni un charpentier. « Mais nous avions tous et toutes très envie de nous y mettre », se remémore Ludo. « Cela faisait vraiment partie du projet, souligne Audrey. Nous ne voulions pas d’appartements tout faits. Nous voulions vraiment prendre en charge nos propres logements. Il y avait bien sûr aussi une motivation économique. Mais nous n’avions pas les moyens de tout faire nous-mêmes. » Pas facile, évidemment, de trouver un architecte qui accepte de travailler sur une rénovation aussi vaste, avec sept foyers, pas mal d’exigences en matière d’efficacité énergétique, et l’envie
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QUAND LE PARPAING DEVIENT LE PARADIS
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© Laurent Guizard
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Voilà six ans que Laëtitia et Frédéric savourent le bonheur d’habiter leur petite maison en parpaing qu’ils ont entièrement rénovée et isolée en laine de bois. Un cocon douillet en ville, idéal pour limiter le recours à la voiture.
ituée à l’ouest de Quimper, et à quelques arrêts de bus du centreville, la maison en parpaing de Laëtitia et Frédéric est enveloppée d’un épais manteau de laine de bois, du sol au toit. À l’intérieur, il fait tellement bon que l’on peut aller pieds nus, hiver comme été, sans avoir jamais froid. Chauffée par un petit poêle à pellets, et par les rayons du soleil – quand il daigne se montrer – leur maison de moins de 100 mètres carrés montre qu’en matière de rénovation, tout est possible… « Dans cette petite maison en parpaing des années 1970, nous avons recréé l’ambiance d’une maison bois »,
explique Laëtitia. La métamorphose de ce qui était sans doute une « épave thermique » a duré moins d’un an. Elle leur a coûté 70 000 euros, dont 30 000 pour l’isolation 1.
ORGANISATION ET SENS PRATIQUE « Les choses se sont très bien enchaînées, rapporte Frédéric. On a repéré la maison en mars et emménagé à peine un an après. Les travaux, lancés en juillet, ont duré un peu plus de six mois. » Les heureux propriétaires ont eu la chance de pouvoir louer la maison jumelle et mitoyenne de la leur pendant toute la durée du chantier. « C’était vraiment très pratique pour suivre ce
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SA MAISON
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Sophie Popot, architecte, a choisi de rénover une ferme normande du xviiie siècle, située à quelques kilomètres de Caen. Une aventure très riche, au cours de laquelle elle a appris à prêter davantage attention à l’environnement immédiat des maisons, et à l’expertise des artisans.
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ans les marais de la Dives, en Normandie, les maisons à colombages sont reines. Sophie Popot, architecte, a décidé d’en rénover une, au début des années 2010. « J’ai grandi ici, explique Sophie, qui vit et travaille aujourd’hui à Paris. Mes grandsparents agriculteurs ont atterri dans le marais après avoir été expropriés de l’Est parisien, pour céder leur place à l’aéroport de Roissy. » Sur l’une de leurs parcelles s’élevait une très vieille maison, où logeaient des journaliers. Elle gênait et les nouveaux propriétaires auraient aimé la raser. Mais les ouvriers ont refusé. « Aujourd’hui, je leur dis merci », sourit Sophie, en balayant du regard sa somptueuse longère toute de bois et de terre vêtue. Elle se dit très attachée à cet endroit où elle aimait venir jouer quand elle était enfant.
regardée avec de grands yeux affligés, avant de lui dire que son projet était irréalisable. « Ils étaient incapables de faire un devis, se souvientelle, parce qu’ils ne voyaient pas par où prendre les choses. Ils disaient que c’était impossible de savoir combien de temps dureraient les travaux. » Et puis un jour, un charpentier affûté en rénovation a débarqué, et lui a expliqué que la maison était tout à fait récupérable. « Il a détaillé le rôle de chacun des morceaux de bois qui constituent la maison, il était vraiment dans la transmission. C’était tellement intéressant ! » Compétent et très investi dans le chantier, le charpentier n’en a pas moins été étonné par certaines demandes de Sophie, comme ce souhait de ménager une entrée dans le toit pour le couple de chouettes effraies qui nichaient dans la ruine, et que Sophie ne voulait pas chasser. « Je ne sais pas où elles sont allées durant l’été où la charpente a été découverte, mais elles sont revenues juste après, et bien installées. Il y a trois nichées par an. » Autre idée déconcertante : celle de recouvrir le colombage extérieur d’un bardage de peuplier, identique à celui qui brinquebalait en façade au moment où Sophie a récupéré la maison. « Quand je me suis rendu compte que la pluie passait à travers les murs rénovés, j’ai réalisé que le bardage – dont on se demandait ce qu’il faisait là – avait une réelle utilité, explique Sophie. Dans les marais, aucun arbre ne vient adoucir les bourrasques de pluie et de vent qui s’abattent sur les maisons. »
DES DEMANDES INSOLITES Les premiers artisans qu’elle a consultés pour rénover cette vieille bâtisse du xviiie siècle l’ont
© Laurent Guizard
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RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
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UN MANTEAU DE TERRE CRUE « Autant que possible, j’ai refait les choses à l’identique, avec le souci d’améliorer l’efficacité thermique », précise Sophie. Les doubles colombages qui forment l’ossature extérieure de la
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AIDES PUBLIQUES DOSSIER-PORTFOLIO
UN VRAI CASSE-TÊTE !
Rénover son logement n’est pas qu’un projet personnel. C’est aussi un défi collectif visant à réduire notre empreinte écologique globale. Plusieurs aides publiques sont donc proposées à ceux et celles qui décident de se lancer. Problème : comprendre ce à quoi on a le droit est un vrai casse-tête !
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ar où commencer quand on veut rénover, et qu’on a besoin d’un coup de pouce financier ? « Il faut être très prudent avec Internet, avertit d’emblée Nadia Kaminski, conseillère info énergie en Île-de-France. Le lien qui mène à la page officielle des aides publiques, celle du gouvernement, n’apparaît jamais en haut de page quand on fait une recherche générale type “aide publique à la rénovation”, ou “ma prime rénov’” » Une fois arrivé sur le bon site (qui commence par https://www. economie.gouv.fr/), le casse-tête n’est, hélas ! pas terminé : onze aides différentes sont listées. La première, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), est en fin de vie, « prolongé
de manière transitoire jusqu’au 31 décembre 2020 » pour les ménages les plus aisés. « Ceux qui veulent engager des travaux doivent faire vite », conseille donc Nadia Kaminski.
DES AIDES À GÉOMÉTRIE VARIABLE Nouvelle née parmi les aides publiques, « Ma prime rénov’ » est effective depuis avril 2020. Remplaçante du CITE, « elle s’adresse aux ménages les plus modestes et dépend du nombre de personnes au foyer », détaille Nadia Kaminski. Notez qu’il y a plusieurs catégories de ménages : « les modestes », « les très modestes », « les revenus intermédiaires ». Il y a aussi des différences selon que vous habitez en Île-de-France ou pas. « Exemple : si je suis modeste ou très modeste, et vivant seul.e, j’aurai droit à 20 000 euros pour isoler mon logement par l’extérieur si je suis en Île-de-France et 14 000 si j’habite en Province », cite Nadia Kaminski. Vous suivez toujours ? Versée au moment de la facturation des travaux, « Ma prime rénov’ » est réservée aux propriétaires occupants. « Elle s’ouvrira peut-être à l’avenir aux propriétaires bailleurs, voire aux syndicats copropriétaires. Mais on n’en sait pas plus pour le moment », poursuit Nadia Kaminski. Forfaitaire, et donc fixe, « Ma prime rénov’ » tient compte des autres aides attribuées. Son montant est calculé en fonction de ce que vous pouvez toucher en certificat d’économie d’énergie (CEE) par exemple. « L’affichage est simple, mais les calculs sont compliqués », concède Gireg Le Bris, coordonnateur régional breton des espaces infos énergie. © Pascal Greboval
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DES DISPOSITIFS MULTIPLES Le plus sûr, quand on a un projet de rénovation, c’est donc d’appeler le réseau Faire (plateforme
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P a sc a l G re b ova l
cyril ruoso
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photographe
Emmanuelle Grundmann primatologue
SOYONS SINGES ! Emmanuelle Grundmann, voilà à peu près vingt ans que vous étudiez les primates, qu’est-ce qui vous fascine chez les singes ? Ce qui m’a fascinée, dès que j’ai commencé à observer les singes, c’est ce côté miroir. Ils nous ressemblent énormément. On a vraiment l’impression d’être dans une petite communauté où il se passe plein de choses. Avec les grands singes a fortiori. Mais même avec les macaques ou avec les singes qui vivent en grands groupes sociaux, on peut se croire dans une série avec plein de personnages. Il se passe toujours quelque chose, il y a des rebondissements. Ils ont chacun leur personnalité, leurs traits de caractère, leurs traits physiques aussi. Ce qui me fascine également, c’est d’essayer d’être dans leur intimité, sans les perturber évidemment. Il y a comme une résonance entre eux et nous. Qu’avez-vous appris auprès des singes ? Même si les singes sont nos plus proches cousins, font partie de notre famille, on ne les connaît pas si bien que cela. Ils ne sont pas étudiés depuis très longtemps, du moins pas étudiés dans leur milieu naturel. Grâce aux Japonais, et à Jane 40
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Chimpanzé (Pan troglodytes verus), Guinée
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Au rél ie D u n ou au
Et si on le faisait ensemble ?
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LA RECYCLERIE SPORTIVE
VIVE LE SPORT… ET SI ON ZÉRO DÉCHET !
LE ENSEMB
Collecter, trier, réparer et revendre… En donnant une seconde vie au matériel de sport, La Recyclerie Sportive, réseau associatif de ressourceries spécialisées, tend non seulement vers un sport responsable et zéro déchet, mais favorise aussi l’accès au sport pour tous. Reportage à Massy, site pionnier d'une filière en plein essor.
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u sol, une centaine de vélos, des haltères, des tatamis, des clubs de golf, des poteaux de volley, des paniers de basket, des planches de surf, une table de ping-pong dépecée… L’entrepôt de stockage de La Recyclerie Sportive de Massy, en région parisienne, regorge de matériel de sport usagé. Dans ce parking souterrain situé dans le quartier prioritaire de la ville, Clément débarque au volant de son camion. « Allez, c’est parti ! » Le responsable de la logistique de la recyclerie motive les deux jeunes bénévoles qui l’aident à décharger. « Nous avons encore collecté pas mal d’articles de sport auprès du magasin Decathlon. Ce sont essentiellement des invendus et du matériel défectueux. » Des centaines de kilos qui seraient autrement partis à la poubelle. « Ces tournées de ramassage, que ce soit
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en camion ou à vélo, c’est le quotidien de l’association », livre son fondateur, Marc Bultez. « Ce sont 60 tonnes de déchets collectés cette année par nos deux recycleries de Massy et Paris ; 20 tonnes en 2016, lors des débuts. » Des chiffres en croissance constante.
SURCONSOMMATION ET IMPACT ENVIRONNEMENTAL « Au vu des flux concernés, ce n’est pas un hasard si les premières ressourceries spécialisées concernent le secteur du sport », souligne Julie Sauvêtre, chargée de projet Zéro déchet pour l’ONG Zero Waste France. Selon l’Ademe, le sport représente aujourd'hui le troisième marché de biens de consommation en France, avec une dépense moyenne de 253 euros par an et par personne. Des secteurs comme le vélo, le running, la
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GoU^t de l'enfance
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LA CONNEC’SON
GOÛT DE ÉVEIL MUSICAL POUR JEUNES AUTISTES Depuis 2018, l’association La Connec’son anime un atelier d’exploration sonore et d’éveil musical au sein de l’institut médico-éducatif (IME) Au fil de l’Autre à Nanterre. L’activité, destinée à de jeunes autistes, est axée autour de l’écoute, du jeu et du geste par le biais d’instruments pédagogiques. Reportage.
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omme tous les mercredis matin, à l’institut médico-éducatif (IME) Au fil de l’Autre, à Nanterre, les membres de l’association La Connec’son installent les instruments de musique dans la salle. Ce jour-là, les animateurs bénévoles, Leïla Mandelbrot et Arthur Rozenkopf, tous deux musiciens, s’apprêtent à accueillir une dizaine d’enfants autistes. Hatim et Kenzo sont les premiers à entrer dans la salle. Après un moment d’hésitation, le choix d’Hatim se porte sur la structure sonore « La Grille », composée d’un clavier de vingt-cinq tiges métalliques. Avec son binôme Arthur – chaque animateur jouant avec un enfant durant quinze à vingt minutes –, Hatim frappe avec enthousiasme sur l’instrument à l’aide de baguettes. Bien que ses gestes soient imprécis, son visage s’éclaire à chaque note émise. Quelques mètres plus loin, Kenzo et Leïla frottent quant à eux une petite brosse sur un autre jeu sonore métallique : « Les Cordes ». Au fil des notes qui résonnent dans la salle, les visages des jeunes explorateurs sonores se détendent. Peu à peu, des sourires appa-
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raissent. « Ce sont des instruments fascinants qui permettent aux enfants de découvrir de nouveaux sons et une autre manière d’appréhender les objets. Notre relation avec eux a évolué. Ils se sentent plus en confiance et se lâchent », observe Arthur Rozenkopf. Depuis février 2018, cette activité d’éveil musical aide des jeunes âgés de 12 à 22 ans, atteints d’autisme ou de troubles apparentés, à éveiller leurs sens. Grâce à l’Instrumentarium 1 Pédagogique Baschet, les jeunes autistes de l’IME vivent une expérience créative par le jeu et l’exploration sonore, sans apprentissage préalable. Composé de quatorze structures sonores 2 à base de percussions, de cordes et de plaques, qui peuvent être grattées, pincées ou frappées, ces instruments pédagogiques aident chacun à aborder la musique sans a priori. « Cette activité matinale permet aux enfants de commencer la journée sur une note positive. Qu’ils se défoulent ou qu’ils se détendent avec les instruments, une majorité repart avec le sourire aux lèvres », constate Romain Keller, président de La Connec’son et coinitiateur, avec Enzo Petit, du projet Musique pour
, CRE ATEURS DE CULTURE
Au de R au x
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Jérom in e D er igny, col l ectif Argos
LA FRESQUE KRÉ DU CLIMAT JOUER POUR COMPRENDRE La Fresque du Climat est un outil ludique créé en 2015 par Cédric Ringenbach, consultant indépendant en changement climatique. But de ce jeu de cartes et des ateliers participatifs et créatifs associés : relier causes et conséquences du dérèglement climatique en faisant appel à l’intelligence collective.
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vant de commencer à jouer à La Fresque du Climat, est-ce que chacun pourrait préciser quel est son niveau de connaissance en matière de dérèglement climatique ? », demande Charles Sirot, animateur. « Nous, on ne sait rien du tout », répond Fatimah, entourée de ses deux filles de 8 et 9 ans. « Moi, je suis au courant des grands principes. Si je me suis inscrit, c’est parce que je suis très anxieux face aux prévisions des climatologues », confie Pierre. « De mon côté, je connais bien le sujet, car je suis chercheur spécialiste des océans. Ce que j’attends de cet atelier, c’est d’apprendre à faire de la vulgarisation scientifique pour pouvoir m’adresser au grand public », raconte Mustapha. Après ce tour de table hétéroclite, l’animateur expose la règle du jeu : « La Fresque du Climat se compose de quarante-deux cartes qui permettent d’appréhen-
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MOTS, CROISE S
CHATS
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Emmanuelle Painvin, François Lasserre
ET BIODIVERSITÉ :
MOTS C
© DR
En 2013, un article de la revue américaine Nature Communications estimant que les chats tueraient plusieurs milliards d’oiseaux et de petits mammifères par an 1 a fait couler beaucoup d’encre. Les données restent à préciser, mais la question mérite d’être reposée : nos compagnons ont-ils l’impact sur la biodiversité qu’on leur attribue et, si oui, que faire ?
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L’avis de Charlotte Escuriola
e chat a été domestiqué par l’homme il y a environ neuf mille ans pour lutter contre les ravageurs. Il a ensuite 1991 proliféré très rapidement. En France, Naissance on dénombrait en 2016 près de 2011 13,5 millions de chats « de famille » S’engage dans et 11 millions de chats « errants » (non identifiés). la protection animale Chats domestiques, harets, errants : ces dénominations renvoient à différents modes de vie, et 2014 Maîtrise degrés de dépendance à l’humain. Le chat haret, Comportement né en intérieur, a fui son foyer ou a été abandonné. animal et humain Au fil des générations, il a adopté des comporte2016 ments plus naturels et perdu Crée Ani’mots’logie, entreprise sa familiarisation à l’humain. spécialisée en Des arrêtés de 1987 et 1988 comportement du chat domestique stipulent qu’il est non chas(conseil, formation, sable et non nuisible. conférences, ateliers) Le chat adapte sa chasse en fonction notamment des res2019 Cofonde sources alimentaires. Il le collectif CATUS traque, guette, capture pour (Consultants francophones de la finalement peu consommer ses proies. Cela l’occupe relation Homme/ en moyenne 6 heures/jour, avec 14 épisodes d’envichat domestique) ron 2 minutes 40 2. Le taux de réussite serait de 1 à 3 proies pour 10 séquences de chasse. Une méta-analyse de 2011, menée sur P OUR A L L ER PLUS L OIN… 120 îles, a montré que le chat haret, importé • www.animotslogie.fr sur 75 % de celles-ci en tant que prédateur naturel, y est responsable (en partie ou • www.collectifcatus.com non) de la disparition de 13,9 % d’espèces d’oiseaux, mammifères et reptiles, tous confondus, dont 8,2 % d’espèces en danger critique 3. Cette prédation est surtout dommageable BIO EXPRESS
pour les espèces avicoles endémiques et/ou nichant au sol, mais ces chiffres sont à relativiser par rapport à l’impact des activités humaines. Le chat est très prolifique : un couple et sa “descendance” peuvent engendrer jusqu’à 20 736 individus en quatre ans 4 ! Pour diminuer sa prolifération et son impact, il convient donc de sensibiliser collectivités et associations de protection animale à la stérilisation des chats errants. Côtés particuliers, on peut, outre la stérilisation, munir les chats de colliers à clochette pour alerter les oiseaux5 ou attacher aux arbres un dispositif empêchant les chats de grimper dans les feuillages. Installer des filets de protection et ses nichoirs ou boules de graisse le plus loin possible des maisons sont d’autres idées facilement réalisables. En intérieur, il importe de proposer au chat – avec l’aide éventuelle d’un.e consultant.e dans la relation Homme/chat – des stimulations mentales et physiques, et ce même si le chat sort librement. Enfin, si l’on peut être choqué du comportement de chasse des chats sur les oiseaux, notons que la disparition progressive des rongeurs n’émeut, elle, souvent personne… n
« Un couple de chats et sa “descendance” peuvent engendrer jusqu’à 20 736 individus en quatre ans ! »
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1. Scott R. Loss, Tom Will, Peter P. Marra, « The Impact of Free-ranging Domestic Cats on Wildlife of the United States », Nature Communications, 4, 29 janvier 2013. Disponible en ligne. 2. Source : Eckstein & Haut, 2000. 3. Source : IUCN, Union internationale pour la conservation de la nature. 4. Estimation faite sur la base de trois portées de quatre chatons par an. 5. À noter : ces colliers peuvent être gênants par le bruit et présenter un risque d’étranglement pour les chats.
TRANSITION
BD REPO
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AUTONOMIE
L’EAU DE
D.I.Y. Sy l vie Ha m p i ki a n O l ivie r D e g o rc e & A m a n d i n e Ge e r s
COLOGNE D.I FAIT SON COME-BACK Un peu surannée, souvent copiée, la véritable eau de Cologne mérite d’être redécouverte. Elle bénéficie en effet des vertus de ses huiles essentielles sur le bien-être et le tonus. Sa version DIY est non seulement économique, mais permet aussi d’assurer une composition 100 % naturelle. IL ÉTAIT UNE FOIS… L’histoire de l’eau de Cologne commence en Hongrie, au XIVe siècle, où la reine aurait reçu d’un ange mystérieux la formule d’une eau de romarin censée conserver la jeunesse. Un siècle plus tard, des religieuses créent à Florence l’Acqua di Regina, à base d’essences d’agrumes. Les années passent et, au XVIIIe siècle, un parfumeur italien, Giovanni Paolo Feminis, a l’idée d’associer le romarin hongrois et les agrumes florentins dans son Aqua Mirabilis. Son successeur, Jean Marie Farina, la commercialise dans sa ville d’adoption sous le nom d’eau de Cologne. Par chance, l’empereur français Napoléon Ier en raffole et la formule entre ainsi dans l’histoire et
DÉCRYPTER LA COMPOSITION DES EAUX DE COLOGNE L’eau de Cologne véritable contient de l’alcool, rendu amer pour éviter l’ingestion (alcohol denat.), des huiles essentielles (fragrance), de l’eau (aqua/water). Aucun autre ingrédient ne devrait figurer dans sa composition. Par contre la loi oblige à indiquer certains allergènes, qui peuvent être présents dans les huiles essentielles. Il s’agit notamment des citral, limonène, linalol, géraniol, citronellol. Leur présence sur l’étiquette est plutôt bon signe. Attention en revanche, les versions synthétiques contiennent souvent du lilial (propionate de butylphénylméthyle), un parfum chimique très allergisant, à éviter.
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dans les mœurs. Au XIXe siècle, un descendant français et homonyme de Jean Marie Farina cède sa parfumerie parisienne à son assistant, Jacques Collas, qui vendra la formule de l’eau de Cologne extravieille à ses cousins, Roger & Gallet.
L’EAU DE COLOGNE SOUS LA LOUPE La véritable eau de Cologne est tout simplement composée d’une solution hydroalcoolique (éthanol et eau), d’huile essentielle de romarin, d’essences d’agrumes et parfois d’huiles essentielles plus précieuses (fleur d’oranger, mélisse, etc.). En vertu de cette composition aromatique naturelle, elle est tonifiante, assainissante, déodorante. Qu’on l’emploie vaporisée ou en friction, elle n’a pas son pareil pour donner du pep le matin. Elle apporte une véritable sensation de fraîcheur et de propreté et permet même de peaufiner la toilette, au niveau du cou, des aisselles, de l’arrière des oreilles, par exemple. On peut l’utiliser lorsqu’on en ressent le besoin, mais sans excès toutefois. En effet, elle est riche en alcool (environ 50-60 %) et appliquée trop souvent sur la peau, elle peut avoir un effet desséchant. Par ailleurs, en raison de la présence d’huiles essentielles de citron et autres agrumes, potentiellement phototoxiques, elle ne fait pas bon ménage avec le soleil et peut provoquer des taches pigmentaires, voire des brûlures. Mieux vaut donc l’éviter si l’on va bronzer à la plage ! n
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« Bats la moringa, mon amour, Que ce bruit me fait du bien ! » Manuel Bandera, poète brésilien (1886-1968)
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cui sin e , E N M, O D E ZE R O D E CHET ! Linda Louis
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LACUISINE SALADE À TOUTES LES SAUCES !
Pour mettre en appétit, pour « faire passer » un plat roboratif ou pour faciliter la digestion, la salade apporte une vague de fraîcheur bienvenue dans nos assiettes. Voici quelques astuces gourmandes qui vous permettront de bien la conserver, la recycler et l’apprécier… à toutes les sauces ! 1. AVEC LE TROGNON Presque tout le monde le jette alors qu’il est parfaitement comestible ! Riche en eau, en fibres, en glucides et en sels minéraux, cette grosse racine ne mérite pas de finir à la poubelle. Grattez les parties marron avec la pointe d’un couteau, rincez le trognon, émincez-le finement et ajoutezle dans la salade. Vous pouvez également l’utiliser pour refaire pousser les feuilles ! Choisissez une jolie salade fraîche et coupez les feuilles à ras pour ne laisser qu’un tronc avec 2 ou 3 centimètres de feuilles. Posez-le dans une soucoupe d’eau et installez-le proche de la lumière. Changez l’eau tous les deux jours. Au bout d’une semaine, de nouvelles feuilles ont poussé. Coupez-les au fur et à mesure.
• ajoutez-le dans une quiche ou une omelette ; • préparez une soupe : faites bouillir deux pommes de terre farineuses coupées en dés et un oignon haché 15 minutes. Ajoutez le reste de salade en fin de cuisson. Mixez, versez un peu de crème et assaisonnez ; • mixez-le avec quelques amandes ou quelques noisettes et transformez-le en pesto [lire ci-contre] à déguster avec des pâtes, du riz, sur des tartines de pain… n
B IE N C ON SE RVE R E T L AVE R UNE SA L A DE VE RT E Aussitôt ramassée ou achetée, aussitôt placée au frais ! La salade flétrit très vite à température ambiante, à moins de faire tremper sa racine dans un verre d’eau. Enveloppez-la dans un torchon bien noué et passé rapidement sous l’eau fraîche et placez-la en bas du réfrigérateur. Elle se garde ainsi deux jours. Lavez-la dans deux à trois bains d’eau froide. Utilisez un saladier pour que la terre puisse retomber au fond, plutôt que de faire couler l’eau dans une passoire. Ajoutez du vinaigre blanc si elle est vraiment terreuse. Essorez-la dans une essoreuse ou à l’ancienne, dans un torchon, à l’extérieur.
2. AVEC UNE SALADE UN PEU FLÉTRIE Souvent, un simple bain suffit à raviver une salade flétrie. Disposez-la dans un saladier d’eau et placez-le quelques heures au réfrigérateur. Sinon, triez-la, lavez-la et faites-la revenir à la poêle avec un peu d’huile d’olive, comme vous le feriez avec des endives. Ajoutez-la à une poêlée de petits pois, carottes, navets et arrosez d’un filet d’huile d’olive. 3. AVEC UN RESTE DE SALADE À LA VINAIGRETTE Certains adorent la salade verte confite, d’autres détestent sa texture ramollie. Si vous faites partie du deuxième clan, voici quelques astuces pour recycler votre reste de salade : 88
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, CET INGRE DIENT BIO, J'EN FAIS QUOI ? Li n d a L o u i s
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SI DOUX, SI FRAIS !
Il fait beau, il commence à faire chaud, alors laissons-nous tenter par des recettes rafraîchissantes à base de fromage blanc ! Derrière ce nom se cachent plusieurs produits aux fabrications et textures variées.
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