KAIZEN 63 : Se reconnecter à la nature

Page 1

63

JUILLET AOÛT 2022

SLOW TOURISME PARC NATUREL DE LA BRENNE

FAIRE DES ENFANTS OU SAUVER LA PLANÈTE ?

ÉTIENNE DAVODEAU MARCHER, C’EST S’ENGAGER NUM

ÉRO

F 6,50 € - BELUX 7,20 € - CH 11 CHF - ESP 7,40 € - DOM 7,40 € - TOM 850 XPF - MAR 80 MAD - TUN 11,90 TND

C I A LN É P S SIO É VA

SE RECONNECTER À LA

NATURE MICRO-AVENTURES ET NOUVELLES ITINÉRANCES


Éditeur SCOP SARL à capital variable La Maison écologique Avenue des Trente – 35190 Tinténiac

EDITO

www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 63 Juillet-août 2022 Imprimé sur papier certifié PEFC Directrice de la publication Nadia Guillaume Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin Directrice artistique Marion Elbaum Journaliste multimédia Alicia Blancher Community manager Charlotte Peyrethon Attachée commerciale Aurore Gallon Chargée de relation client Kristell Dessier Stagiaires pour ce numéro Galane Maréchal Aziliz Delahaie Abonnements et commandes 9, rue de la Bégassière 35760 Montgermont abonnement@kaizen-magazine.fr 02 99 02 82 93 Photo de couverture © Roshan Adhihetty/Sturm & Drang Conception maquette Hobo - www.hobo.paris Impression Imprimerie SIEP ZA des Marchais – Rue des Peupliers 77590 Bois-le-Roi SIRET : 438 943 235 000 46 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0324 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. : 05 63 94 15 50 Distribution MLP Vente au numéro pour les diffuseurs Destination Média • Tél. : 01 56 82 12 00 contact@destinationmedia.fr

© Credit

Aucun texte ni aucune illustration ne peuvent être reproduits sans l’autorisation du magazine. Merci.

Origine du papier : Allemagne Taux de fibres recyclées : 0 % Ptot : 0,017 kg/t Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement

Pascal Greboval

UN GOUVERNEMENT DE

PÉRIPATÉTICIEN·NES ?

É

té 2006. Avec ma compagne, nous décidons de rejoindre Amsterdam à vélo depuis Paris, où nous résidons à l’époque. Outre la destination, nous nous fixons comme objectif de réaliser ce parcours en suivant les canaux, les chemins en forêt. Il n’existe pas de guide, pas d’itinéraire balisé. Tous les soirs, nous regardons la carte pour trouver des voies sans voitures. Une fois les frontières belge puis néerlandaise passées, c’est plus simple. La Hollande est intégralement maillée de pistes cyclables. Au bout d’une douzaine de jours, nous arrivons à bon port. Ce n’est pas l’effort physique ou la satisfaction d’avoir atteint notre objectif que je retiens. C’est autre chose. Pour la première fois, j’ai eu le sentiment de voyager. Pourtant des voyages, j’en ai effectué auparavant. Un sentiment complexe à traduire qui conjugue exploration, autonomie, joie des rencontres, adaptation quotidienne. Dans mes voyages précédents, j’ai toujours eu la vague impression de suivre des rails. Cette fois, j’ai eu le sentiment que nous reprenions en main notre chemin, notre destin (estival). Si je vous parle de ce périple, c’est parce que le sociologue Jean Corneloup pose des mots justes sur ce ressenti [lire notre dossier, page 20] : « Ce que l’on observe, c’est la diversité des formes d’itinérance, avec deux façons principales de se mettre en chemin : l’itinéraire et l’errance. L’itinéraire correspond à une logique du circuit, quelque chose de balisé, linéaire. L’errance laisse la place à la surprise, au vagabondage ; c’est l’imaginaire du voyageur qui prime. À partir de ces deux mouvements opposés, on ouvre la porte à une autre relation à la nature et aux règles du jeu de la société contemporaine. Plus on tend vers l’errance et plus on est alternatif, voire dissident. » Je ne sais pas si c’est ce périple ou d’autres, mais mes errances ancrent mon désaccord avec ce monde contemporain. Aujourd’hui plus qu’hier. Depuis dix ans, Kaizen montre, avec d’autres, des solutions pour construire un autre monde. Il y a deux ans, j’ai cru que nous avions une opportunité de vrais changements avec cette crise. Même le président promettait de construire un « monde d’après » différent du monde d’avant ! Certains diront que « ça avance »… C’est vrai. Mais la réalité est que les problèmes avancent plus vite et que nos dirigeant·es préfèrent palabrer. Alors, quitte à palabrer, qu’ils et elles le fassent en marchant et deviennent des péripatéticien·nes1 ! Emmanuel Macron, disruptez, formez le premier gouvernement itinérant2 ! Vous comprendrez, comme le dit Étienne Davodeau, auteur de la bande dessinée Le Droit du sol [lire page 6], qu’en étant « itinérant, lent, à pied ou à vélo [...], on se réapproprie un territoire qui est le nôtre. La surface de la planète, la terre, son sol, sa nature, sa végétation, ses chemins [nous] appartiennent en tant que sapiens autant que [nous lui appartenons]. » n

1. Le terme péripatéticien est issu du grec ancien peripatetikós, littéralement « qui se promène en discutant ». C’est Aristote qui en développe l’usage. Son école, fondée en 335 av. J.-C. au lycée d’Athènes, est aussi appelée école péripatéticienne parce qu’Aristote enseigne la philosophie à ses disciples en marchant avec eux. 2. Ce texte est rédigé avant le premier tour des élections législatives.

N° 6 3 - K A I Z E N

3


SOMMAIRE

K AIZEN N° 63 JUILLET-AOÛT 2022

RENCONTRE 6 Étienne Davodeau « Agir, c’est une bonne façon de remplir une existence humaine » EN CHIFFRES Les Français, carnivores raisonnés ?

12

ENQUÊTE 14 No Kids Ne plus faire d’enfants pour protéger la planète ?

LES NOUVELLES VOIES 18 DE L’ITINÉRANCE

CHRONIQUE 38 Christophe André On se bouge !

ET SI ON LE FAISAIT 40 ENSEMBLE ? Raismes 2032 Le choix de la démocratie participative VOYAGE À LA RENCONTRE DU VIVANT Parc naturel régional de la Brenne Une nature humaine

44

PORTFOLIO Roshan Adhihetty Randonue

48

JOURNAL D’UN NÉOTONOME Épisode 3 Jonathan Attias Amorcer sa transition et s’ancrer

56

LOW-TECH LAB Four solaire Une cuisson aux petits oignons

58

JE VAIS BIEN, 60 LE MONDE VA MIEUX La course d’orientation La tête et les jambes ! D.I.Y. Un peu, bocaux, passionnément !

64

AU POTAGER ! 68 Mathilde Ruau « Ravageurs » et auxiliaires CUISINE 70 Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? Les graines de chia En mode zéro déchet ! Le melon SÉLECTION KULTURELLE

76

CHRONIQUE 82 Dominique Bourg Invasion de l’Ukraine : le mal radical 4

K A I Z E N - N° 6 3


ÉTIENNE DAVODEAU

« AGIR, C’EST UNE BONNE FAÇON DE REMPLIR UNE EXISTENCE HUMAINE » Dans ses bandes dessinées, Étienne Davodeau croque le réel et met en lumière des alternatives portées par des « héros locaux », comme Richard, le vigneron en biodynamie des Ignorants. « Artiste embarqué » et engagé, il a récemment publié Le Droit du sol. Journal d’un vertige, qui incarne un genre en plein essor : l’enquête dessinée.

BIO EXPRESS 1965 Naissance dans les Mauges 1992 Premier album, Les Amis de Saltiel. L’homme qui n’aimait pas les arbres (Dargaud) 2006 ET 2007 Prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage pour Les Mauvaises Gens. Une histoire de militants (Delcourt) et pour Un homme est mort, écrit avec Kris (Futuropolis) 2008 Lulu femme nue (Futuropolis) qui sera adapté au cinéma par Sólveig Anspach (César 2015 de la meilleure adaptation)

2021 Le Droit du sol. Journal d’un vertige (Futuropolis)

6

K A I Z E N - N° 6 3

© Credit

2011 Les Ignorants. Récit d’une initiation croisée (Futuropolis)


rencontre Pascal Greboval

Le Droit du sol. Journal d’un vertige raconte votre périple à pied entre la grotte du Pech Merle (Lot) et le site de projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse). Pourquoi la marche et pourquoi ces deux sites ? J’aime beaucoup marcher longtemps. La marche, c’est un des points com-

délègue les emmerdements aux générations futures, en leur laissant des tonnes de déchets hautement toxiques sur des durées invraisemblables. Cette question concerne nos vies quotidiennes. Elle nous implique tous, qu’on le veuille ou non. Il s’agit donc bien d’une question politique. Votre livre met aussi en perspective l’histoire de sapiens, qui chemine de l’art pariétal à l’argent, de la beauté aux poubelles nucléaires… Les dessins de la grotte du Pech Merle nous imposent un vertige positif, vraiment saisissant. On a la trace, la beauté du geste d’un semblable, un sapiens comme nous. Une distance et une proximité s’y affrontent, c’est très troublant. À Pech Merle se pose la question de la beauté, de sa pérennité, de sa fragilité. Elle s’oppose évidemment au dépotoir infernal et permanent qui se prépare à Bure. Par ailleurs, la beauté et sa fragilité

© Étienne Davodeau, Le Droit du sol. Journal d’un vertige, Futuropolis, 2021

En reliant à pied Pech Merle et Bure, « je voulais marquer notre connexion, au sol, à la nature, à notre état biologique de sapiens ». muns qui relient le sapiens qui a réalisé, il y a 22 000 ans, les très beaux dessins de Pech Merle et celui qui héritera des déchets nucléaires que l’on s’apprête à enterrer à Bure1. En reliant à pied ces deux lieux emblématiques, distants de 800 kilomètres, je voulais marquer notre connexion à la planète, au sol, à la nature, à notre état biologique de sapiens et de mammifère. Est-ce une forme d’engagement ? Sans doute un engagement au sens le plus concret du terme, celui qui prend du temps et coûte un peu d’effort et de sueur. Marcher, c’est très agréable, mais il y a aussi des moments difficiles. C’est ce qui fait le sel de ces moments-là. Il ne s’agit pas de le cacher. C’est également un engagement au sens plus politique du terme, qui interroge sur ce qui impacte nos vies, comme les conséquences des types d’énergie qu’on choisit. Rappelons que la France est le pays le plus nucléarisé du monde. Mon livre questionne cette source d’énergie qui

sont aussi palpables quand on arpente pendant des semaines les paysages du Massif central ou du Morvan, des endroits magnifiques. Se pose alors la question de la transmission. Si on sait maintenant assez bien comment les dessins de Pech Merle, de Lascaux ou de Chauvet ont été réalisés, on ne sait pas encore pourquoi. Le sens du signe, c’est ce que questionne la sémiologue Valérie Brunetière : comment signaler aux gens qui vivront à Bure dans 100 000 ans la présence de ces déchets ? Les mots, la langue ne sont pas assez pérennes pour cela et il faudra sans doute revenir aux signes et donc au dessin. Pourquoi mettre l’accent sur le nucléaire et pas sur le pétrole ou le gaz ? Le Droit du sol est sous-titré Journal d’un vertige. Ce vertige associé à la question des déchets nucléaires est indépassable. Les inconvénients du pétrole, on les connaît, ils sont identifiés, on les subit déjà. Le nucléaire, « religion » française,

a cette dimension vertigineuse liée aux délais invraisemblables qu’il nous impose et qu’il impose à nos descendants. C’est le double maléfique du vertige des dessins du Pech Merle. Le projet Cigéo est un « projet par défaut ». Les déchets sont là et il n’y a pas de solution satisfaisante. On les enterre profondément pour tenter de les oublier. Il y a làdedans une dimension un peu psychanalytique qui est assez troublante. Tout ça pour fabriquer de l’électricité ! Dans votre périple, vous avez aussi dû voir des éoliennes. Quel regard portez-vous sur ces alternatives au nucléaire qui prennent de la place dans le paysage ? Les éoliennes, en soi, cela ne veut pas dire grand-chose. Il faut se poser la question de qui les fabrique, les installe et les exploite. Des multinationales, comme souvent ? Près de chez moi, un parc éolien a été créé, entièrement financé par des citoyens et des associations locales. Il n’est absolument pas contesté parce que les éoliennes appartiennent aux gens qui vivent près d’elles. Elles sont issues d’une volonté locale, populaire. Donc ce n’est pas l’objet éolienne qui est en question, c’est son origine. Par ailleurs, sur le plan formel, je trouve qu’une éolienne est un bel objet, qui a du sens. Mais cette appréciation subjective n’a pas plus de valeur que l’avis de ceux qui les trouvent laides ! Dans vos précédentes bandes dessinées, notamment Les Ignorants et Rural !, vous avez mis en valeur des personnes qui défendent leur territoire. Avec Le Droit du sol, vous valorisez l’itinérance. Comment articulezvous itinérance et ancrage territorial ? Fondamentalement, c’est la même chose. Quand on est itinérant, lent, à pied ou à vélo – je ne parle pas de voyages en avion ou en TGV –, on se réapproprie un territoire qui est le nôtre. La surface de la planète, la terre, son sol, sa nature, sa végétation, ses chemins m’appartiennent en tant que sapiens autant que je leur appartiens. C’est la question de l’appartenance, de la dépendance à double sens dont nous parle Marc Dufumier dans Le Droit du sol. N° 6 3 - K A I Z E N

7


LES NOUVELLES VOIES DE

Bivouaquer en montagne entre deux journées de marche : un plaisir simple du randonneur, dont les accompagnateurs transmettent les techniques et astuces.

18

K A I Z E N - N° 6 3

© Credit

L’ITI-


NÉ-

© Credit

CE

RANMarion Paquet Simon Pouyet

Prendre son sac à dos et partir. Deux jours, une semaine, un mois, ou bien plus encore. À pied, à vélo, à cheval, en canoë, en parapente, à deux pas de chez soi ou à l’autre bout du globe. Si le principe de la randonnée itinérante reste le même, aujourd’hui son approche évolue et se diversifie. Pour certains, il ne s’agit plus d’un simple loisir, du voyage lent et au long cours, mais d’une démarche engagée, voire d’une philosophie de vie, vers un autre rapport au monde, à la nature et à soi. N° 6 3 - K A I Z E N

19


ROMPRE AVEC LE QUOTIDIEN Il est temps de préparer les sacs pour trois jours et demi de marche itinérante en totale auto­ nomie : tentes, sacs de couchage, vêtements chauds pour le soir, gourdes… Oubliez rasoir, maquillage et faites de la place pour les 2,3 kilos de muesli, fruits secs et autres aliments déshydratés. Mais d’abord, les randonneurs passeront leur première nuit au refuge, « une zone tampon avant de rentrer dans le vif du sujet », estime Matthieu Chambaud. « C’est un défi de partir cinq jours loin de ma famille, confie Marie Mongin, en constatant que le réseau téléphonique n’arrive pas jusqu’ici. » Une déconnexion forcée mais propice à la rupture avec le quotidien, désirée par tous. Le lendemain, la randonnée commence par un instant d’échauffement : quelques mouvements corporels mais surtout un instant de calme qui se termine par une invitation à fermer les yeux, à se concentrer sur ses sensations, puis à 24

K A I Z E N - N° 6 3

observer le paysage avec un regard d’enfant. « Cet éveil musculaire est un prétexte pour s’imprégner de l’environnement qui nous entoure », confie Matthieu Chambaud. Prenant la direction du sud, le groupe ne sait pas encore jusqu’où il marchera aujourd’hui ni où il passera la nuit. « Il y a plusieurs options à partir de ce col, montre l’accompagnateur en dépliant les cartes. Les journées se raccourcissant, l’idéal est d’arriver au spot de bivouac à 17 heures au plus tard. Nous nous adapterons en fonction de vos envies, du rythme auquel nous avançons, et surtout de la

« L’itinérance en montagne peut nous transformer en profondeur. »

La rando-bivouac requiert de s’habituer au poids du sac, d’une douzaine de kilos, qu’il faut savoir alléger et équilibrer.


météo. » De la pluie est prévue en fin de journée, mais le ciel est encore clair, à peine visible derrière de légers nuages blancs, dévoilant des bribes de paysage : des pâturages verdoyants entourant le lac de barrage, surplombés par des crêtes minérales ; des prés, dessinés de sentiers et de pistes en terre, menant à quelques fermes éparpillées dans le tableau, et dont la végétation se teinte par endroits de rouge. « Des myrtilles ! » reconnaissent les gourmands. « Ne prenez pas celles qui risqueraient d’être souillées par les renards », prévient Matthieu Chambaud, qui laisse ensuite à chacun le temps qu’il souhaite consacrer à cette cueillette matinale.

« RIEN NE ME MANQUE » « J’ai traversé les Pyrénées il y a dix ans et ça a été une expérience très forte dans mon chemin de vie, raconte-t-il. J’avais quitté mon travail d’architecte pour un voyage de deux ans, dont l’objectif était de me reconnecter à moi-même,

et les deux mois de randonnée m’ont fait plus évoluer que ceux de backpacking à travers le monde. J’ai souhaité transmettre ça : comment l’itinérance en montagne peut nous transformer en profondeur. » Rassasié de myrtilles, Matthieu Chambaud propose d’admirer le paysage, assis sur un promontoire herbeux. « Dans la plupart des randonnées organisées, les accompagnateurs mènent le groupe d’un point A à un point B, témoigne Évelyne Monchal. Ce qui m’intéressait dans le concept de Matthieu, c’était l’idée de ne pas marcher pour marcher, mais de vivre une expérience différente. » Prendre le temps d’observer, de ressentir les éléments autour de soi : l’humidité dans l’air, le rayon de soleil qui esquive un nuage et réchauffe délicieusement la peau, le roulement des cailloux sous les sabots des chamois… « Être pleinement présent au monde », complète l’accompagnateur. Les prévisions météorologiques rattraperont les marcheurs en fin d’après-midi, juste avant de

Salle de bains avec vue ! La température des lacs d’altitude dépasse rarement les 15 degrés. Baignade réservée aux moins frileux !

N° 6 3 - K A I Z E N

25


RANDONUE ROSHAN ADHIHETTY

Ascension ardue du sommet lors de la randonue NEWT (Naked European Walking Tour), Autriche, 2015.


Le photographe suisse Roshan Adhihetty a accompagné plusieurs « randonneurs nus » (Nacktwanderer) dans leurs aventures pendant deux étés, en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Sensible aux sujets picturaux rappelant les peintures de la période romantique, il nous montre des « gens normaux » qui aspirent simplement à ne faire qu’un·e avec la nature, à s'y immerger. Interrogeant le lien entre nature et nudité, ses images, très composées, dévoilent notre vulnérabilité, comme la tension entre l’idéal romantique et le monde moderne.


D.I.Y. Aurélie Aimé Jérômine Derigny, collectif Argos

UN PEU,

BOCAUX,

PASSIONNÉMENT !

I

Entre les pots de yaourt, de confiture, de condiments, nous accumulons souvent bien plus de récipients en verre que nous ne pouvons en réutiliser. Outre le recyclage, il existe de nombreuses façons de leur donner une seconde vie, tout en nourrissant sa créativité.

l se décline sous toutes les formes : bocaux, bouteilles, flacons… et encombre souvent nos placards « au cas où » nous en aurions besoin. Le récipient de verre est recyclé plus de trois fois sur quatre en France1, ce qui correspond à peu de chose près à la moyenne de nos voisins européens. Ce matériau présente de nombreux avantages : il est recyclable à l’infini et sans perte de qualité. La bouteille à usage unique est ainsi réduite à l’état de calcin avant d’être refondue pour devenir un autre objet. Toutefois, ce processus n’est pas une panacée ! Bien que le recyclage du verre présente des opportunités économiques de développement pour les collectivités locales, il a un coût environnemental certain. Lourd, le verre consomme beaucoup de carburant pour être transporté du point de collecte au site de transformation. Idéalement, il faudrait revoir nos systèmes de distribution pour adopter le recyclage à une échelle régionale, lorsque ce n’est pas le cas. Autre souci : le verre doit également être amené à une température très élevée pour pouvoir être recyclé : 1 550 degrés Celsius environ. Ce matériau requiert ainsi beaucoup d’énergie pour être transformé : 1 tonne de verre engloutit l’équivalent de 105 kilos de fioul et produit environ 300 grammes de CO22.

LE RETOUR DE LA CONSIGNE ? Quels gestes adopter pour « éco­ consommer » nos récipients en verre ? Il s’agirait de favoriser le réemploi des bouteilles grâce au système de consigne. Ce modèle s’inscrit dans une logique circulaire à l’impact moindre : le récipient vit plusieurs cycles ; il subit un passage en station de lavage avant retour chez le producteur. Le constat est sans ambiguïté : la fabrication du verre consomme quinze fois plus d’énergie que le seul lavage d’une bouteille ! Une étude menée en 2018 par l’Ademe pour une brasserie atteste que la consigne permet une 64

K A I Z E N - N° 6 3

réduction des émissions de gaz à effet de serre de 79 % par rapport à une bouteille recyclée. Quasiment abandonnée depuis une trentaine d’années, la consigne des bouteilles en verre regagne du terrain en France, à la faveur d’initiatives soutenues aussi bien par des start-up que par de grands groupes. Selon une étude de l’Ademe, 88 % des Français pensent qu’il est utile de revenir à cette pratique. En outre, l’actuel essor de la consommation en circuit court (AMAP, Le panier paysan, La Ruche qui dit Oui !…) représente un soutien non négligeable pour le développement des produits consi-

La fabrication du verre consomme quinze fois plus d’énergie que le seul lavage d’une bouteille. gnés. Mais le chemin est encore long: plébiscitée par la convention citoyenne pour le climat, la généralisation de la consigne de verre n’a pas été retenue, à peine sera-t-elle préconisée, et ce à partir de 2025… En attendant que cette option soit plus accessible, on peut trouver de nombreuses fonctions aux récipients de verre. Dans la cuisine, la salle de bains ou le bureau, on peut y stocker les aliments en vrac, mais aussi ranger nos produits d’hygiène ou de beauté, trier les petits objets dans l’établi… On peut aussi en faire des distributeurs à savon ou à liquide vaisselle, en fixant simplement dans le couvercle une pompe à savon. Autre idée : en faire des terrariums décoratifs ou des bougeoirs. Enfin, un peu de peinture mélangée à de la levure chimique vous permettra de colorer vos récipients et donner ainsi l’illusion de pots en terre cuite ! n 1. Chiffres Ademe 2019. 2. Source : Ademe.


N° 6 3 - K A I Z E N

65


cuisine,

, EN MODE ZE RO DE CHET ! Linda Louis

LE MELON

ACTIVEZ VOS CINQ SENS ! Ne jetez plus sa peau et ses graines et réalisez avec des boissons fermentées… ou un délicieux vinaigre fruité. Et si sa chair n’est pas exceptionnelle, réalisez un confit sucré absolument irrésistible !

BIEN CHOISIR SON MELON

74

K A I Z E N - N° 6 3

Lorsque le melon arrive à maturité, son pécou (sa queue) craquelle et se décolle. Soupesez-le. Plus il est lourd, plus il est chargé en eau et sucre, et meilleur il sera. Son écorce doit être souple, ni trop molle ni trop dure. La difficulté consiste à tâter sans écraser, et tout dépend de l’épaisseur de l’écorce. L’épaisse peau du melon brodé américain rend l’opération plus compliquée, tandis que le charentais à la peau lisse s’y prête sans problème. S’il sent une odeur de melon caractéristique, c’est bon signe ! Dernier conseil donné parfois par des maraîchers : les quartiers doivent être au nombre de dix, avec une ligne bien formée.

AVEC LA PEAU ET LES GRAINES Une boisson pétillante : la melonade Cette recette ultra-simple permet de recycler les peaux et graines de melon qui finissent inéluctablement dans le compost ! Riches en levures sauvages, ces déchets font office de ferment (comme des grains de kéfir) et d’agent aromatique, grâce à la chair présente autour des graines. Lavez la peau du melon à l’eau courante en le brossant légèrement (pour préserver les levures sauvages). Coupez-la en petits morceaux et disposez-la dans un bocal avec les graines. Versez 1,3 l d’eau filtrée non chlorée et ajoutez 3 rondelles de citron sans peau puis 100 g de sucre. Refermez le bocal. Laissez reposer de 2 à 4 jours jusqu’à ce que les morceaux de melon remontent et pétillent à la surface. Filtrez, mettez en bouteille, vissez et laissez reposer encore 1 jour à température ambiante. Placez au frais au moins 4 heures avant de déguster. Cette boisson se garde plusieurs jours au réfrigérateur.


AVEC LA CHAIR D’UN MELON BIEN MÛR Vinaigre de melon maison Temps de préparation : 20 min Macération : 3 mois Conservation : 6 mois Ingrédients pour 1 l de vinaigre 2 kg de chair de melon bien mûr 500 ml d’eau 50 ml de vinaigre de cidre bio

1. Lavez un grand bocal de 3 l à l’eau

bien chaude et savonneuse. 2. Coupez les melons en 4 et prélevez leur chair avec les graines. Réduisezles en purée entre vos mains dans un saladier. Disposez la purée obtenue dans un grand bocal. Ajoutez l’eau et le vinaigre, et mélangez bien. 3. Couvrez avec un tissu maintenu avec un élastique et laissez fermenter

2 semaines dans une pièce chaude en mélangeant tous les jours avec un ustensile en métal la première semaine. La purée de fruits va fermenter, pétiller, remonter et former un liquide en dessous. Le mélange est prêt à être filtré quand un dépôt blanchâtre se forme à la surface (la mère, parfaitement blanche). 4. Filtrez à travers un torchon, puis nouez-le en pressant pour extraire un maximum de jus. Reversez le liquide dans un bocal, couvrez avec un tissu et laissez reposer encore 5 à 6 semaines. Une mère va se reformer sur le dessus, c’est normal et souhaité. Filtrez le vinaigre obtenu et mettez-le en bouteille.

Confit de melon façon calisson Temps de préparation : 25 min Cuisson : 25 min Conservation : 1 an Ingrédients pour 4 pots de confiture 900 g de chair de melon 1 orange pelée Le jus de 2 citrons 100 g de poudre d’amande très fine 700 g de sucre blond de canne

1. Coupez le melon en cubes. Détaillez

l’orange en rondelles. 2. Mettez-les dans une bassine à confiture ou une sauteuse avec le jus de citron et le sucre. Faites chauffer doucement 5 minutes. Quand le sucre forme un sirop, mixez le tout pour former une compote bien fine. Rebasculez-la dans la bassine. 3. Faites bouillir pendant une douzaine de minutes à feu modéré. Mélangez souvent, avec une cuillère en bois à manche long. 4. Ajoutez ensuite la poudre d’amande et poursuivez la cuisson pendant environ 5 minutes, jusqu’à 106 °C (ou quand la confiture est bien brillante et forme des petites bulles à la surface). Versez dans des pots à confiture préalablement lavés à l’eau chaude et refermez. Conservez dans un lieu frais et à l’abri de la lumière. N° 6 3 - K A I Z E N

75


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.