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Des menus de fête qui protègent la planète ÉCOFÉMINISME QUAND LES FEMMES MARCHENT… BONNES ADRESSES LYON PRESQU’ÎLE BIEN-ÊTRE (RÉ)APPRENDRE À RESPIRER NOVEMBRE DÉCEMBRE 2022 N° 65 NUMÉRO SPÉCIAL CUISINE F 6,50 €BELUX 7,20 €CH 11 CHFESP 7,40 €DOM 7,40 €TOM 850 XPFMAR 80 MADTUN 11,90 TND

Éditeur

SCOP SARL à capital variable

La Maison écologique

9, rue de la Bégassière 35760 Montgermont

Magazine bimestriel numéro 65 Novembre-décembre 2022 www.kaizen-magazine.com

Directrice de la publication

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Rédacteur en chef

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SIRET : 438 943 235 000 61 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0324 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676

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© Credit N° 65 - KAIZEN 3
Pascal
E ,

CHIFFRES

VOYAGE

VIVANT

RENCONTRE

JOURNAL D’UN NÉOTONOME

VAIS BIEN,

BONNES

4 KAIZEN - N° 6 5 KAIZEN N° 65 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2022SOMMAIRE RENCONTRE 6 Valérie Chanssigaud « Plus une société est inégalitaire, plus elle détruit la nature » EN
13 Orange : pas si verte… ENQUÊTE 14 Très chère poubelle !
60 Épisode 5 - Jonathan Attias Apprendre à s’installer LOW-TECH LAB 62 Capteur à air chaud Pour un hiver solaire et chaleureux JE
66 LE MONDE VA MIEUX (Ré)apprendre à respirer DIY 70 Une seconde vie pour vos chutes de tissu NOS
ADRESSES 76 Presqu’île de Lyon Touristique et écologique CHRONIQUE 82 Dominique Bourg Faire ou ne rien faire ? 18 CHRONIQUE 39 Christophe André Orthoréveillon ? Osez un Noël végétal ! ET SI ON LE FAISAIT 40 ENSEMBLE ? Breizh Insertion Sport Redonner le pouvoir d’agir PORTFOLIO 44 Patrice Terraz Réserves naturelles de France PLURIELLES 52 Quand les femmes marchent
À LA
56 DU
Parc naturel régional de Lorraine Terre d’artisans DOSSIER © Marie-Pierre Morel© Patrice Terraz© Véronique Bury

VALÉRIE CHANSIGAUD « PLUS UNE SOCIÉTÉ EST INÉGALITAIRE, PLUS ELLE DÉTRUIT LA NATURE »

Historienne des sciences et de l’environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHere (sciences, philosophie, histoire) du CNRS et de l’université de Paris Cité, Valérie Chansigaud travaille sur les relations et perceptions de la nature par l’être humain dans les sociétés occidentales. Elle rappelle combien les enjeux environnementaux sont indissociables des questions sociales et démocratiques.

BIO EXPRESS

1961 Naissance à Lyon 2001

Doctorat en environnement (université d’Orléans et Institut de recherche pour le développement)

2014

Prix Léon de Rosen de l’Académie française pour L’Homme et la Nature : une histoire mouvementée (Delachaux et Niestlé, 2013)

Les Français et la nature : pourquoi si peu d’amour ? (Actes Sud)

Combats pour la nature : de la protection de la nature au progrès social (Buchet-Chastel)

Histoire de la domestication animale (Delachaux et Niestlé)

Vous dites que « l’amour de la nature ne change pas le destin de la nature ». En effet, aujourd’hui, alors que l’on n’a jamais fait autant d’efforts pour protéger la nature, jamais eu autant de connaissances, de publications, d’associations de protection de la nature, etc., la biodiversité n’a jamais été aussi menacée. C’est un vrai paradoxe… Oui, c’est un paradoxe démoralisant, mais cela ne veut pas dire que les efforts que l’on fait en matière de protection ne portent pas leurs fruits. Mais manifestement, vu l’érosion de la biodiversité, ils n’en portent pas assez. Donc sans doute – c’est l’hypothèse que je propose – se trompe-t-on dans la façon d’envisager la protection de la nature. Sans doute n’examine-t-on pas avec assez de soin les mécanismes aboutissant à la destruction de cette nature. Je ne pense pas que ce soit la perte du lien avec la nature – qui reste l’explication parfaite pour justifier

tous les maux d’aujourd’hui. Ce fai sant, il faut bien voir à quel point cette explication est utile, parce qu’elle évite d’aborder tous les sujets qui fâchent : ceux qui relèvent de l’organisation sociale et politique des sociétés. Aujourd’hui, des études paraissent qui montrent que le facteur social le plus décisif pour expliquer l’érosion de la biodiversité n’est pas la croissance démographique, contrairement à ce que l’on croit parfois. Celle-ci est même un facteur relativement anodin. Ce n’est pas non plus le mode de gou vernance. En fait, c’est le degré d’iné galités sociales au sein des sociétés. Plus une société est inégalitaire, plus elle détruit la nature sur son territoire. C’est assez logique. On peut l’expliquer de plein de façons. Une société inégali taire, par définition, gère de façon très égoïste les biens communs : une petite minorité – les élites – s’approprie la totalité ou le maximum de ces biens. Comment peut-on imaginer, dans ce

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Sabah Rahmani rencontre
2017
2018 Les
2020
© DR

TRÈS CHÈRE POUBELLE !

En France, chaque habitant produit en moyenne 568 kilos de déchets ménagers et assimilés par an. Pour être collectée et traitée, cette masse d’ordures coûte aux collectivités locales plus de 8 milliards d’euros !

Une dépense qu’il est important de décortiquer pour la comprendre et, surtout, la réduire. Car le prix à payer n’est pas seulement financier, il est aussi environnemental. Enquête.

Chaque année, les Français produisent quelque 38 mil lions de tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA). Une quantité colos sale qu’il faut bien collecter et traiter pour ne pas vivre entourés d’ordures. En légère baisse depuis dix ans (-0,3 %), après avoir doublé les quarante années précé dentes, cette montagne de

détritus a donc un coût financier non négli geable. Le coût complet toutes taxes comprises de la gestion des déchets est estimé à environ 8,3 milliards d’euros en 2016, rappelle l’Ademe1 Une facture dont nous nous acquittons via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Résultat : la gestion des déchets ménagers coûte en moyenne 117 euros par habitant et par an. Il faut d’abord collecter les déchets, lesquels se répartissent en quatre flux principaux : la pou belle noire, celle dite des ordures ménagères rési duelles (OMR) ; la poubelle jaune, qui accueille nos emballages (carton, aluminium, plastique) ; le verre ; les déchets mis en déchetterie (tontes de pelouse, bois, vêtements, électroménager…).De

Les modes de collecte, de traitement et de prévention sont le reflet de choix techniques et politiques.

ce point de vue, les OMR représentent le premier flux en termes de quantité (44 % des tonnages) et de coût (57 %). Viennent ensuite les déchetteries, puis la poubelle jaune et enfin le verre. Une fois collectés, ces déchets sont traités. Les OMR sont envoyées à l’incinération ou en décharge. Les emballages vers des centres de tri où ils seront de nouveau triés par matière pour « logiquement » être envoyés vers les filières de recyclage dédiées. Le verre est acheminé vers une usine de tri pour retirer étiquettes et impuretés, puis il est broyé et la matière obtenue part finalement en usine de recyclage. Quant aux déchets mis en dépôt, ils seront soit dirigés vers des filières de recyclage existantes (ampoules, piles, vêtements, petit électroménager, bois, gravats…), soit valorisés sous forme de compost ou d’énergie (déchets verts), soit envoyés vers des incinérateurs.

UNE GESTION TRÈS INÉGALE

Aujourd’hui, on pourrait donc aisément penser que la gestion des déchets en France permet de capter la matière que nous jetons pour la valoriser au mieux. Or, c’est ici que le sujet se complique. D’abord parce que la gestion des déchets et son coût diffèrent selon les inter communalités. Certes, la réglementation et les lois nationales donnent un cadre, mais de Besançon à Montpellier, en passant par Paris ou Rodez, les modes de collecte, de traitement et de prévention changent. Ils sont en fait le reflet de choix techniques et politiques. « Nombre de collectivités dans l’Est ont, par exemple, décidé de mettre en place des tarifications incitatives ou un tri des biodéchets il y a une trentaine d’années

14 KAIZEN - N° 6 5 Enque^te
Le Cil Vert

afin de réduire la quantité d’OMR et, ce faisant, les coûts de gestion », explique Thibault Turchet, conseiller spécialisé en gestion des déchets. Ainsi, aujourd’hui, une métropole comme le Grand Besançon enregistre une masse d’OMR collectées par habitant par an très réduite par rapport à la moyenne nationale : 150 kilos, contre 254 kilos. Car, triés et compostés, les biodéchets n’envahissent plus la poubelle noire ; et la tarifi cation incite les citoyens à réduire le volume de leurs OMR pour payer moins. Cette diminution des volumes collectés permet ensuite d’avoir des usines d’incinération de moindre capacité, nécessitant donc moins d’investissements. À l’inverse, quand des collectivités ont fait le choix, il y a dix ou quinze ans, d’investir dans des usines surdimensionnées, il faut les rentabiliser ! D e fait, elles misent alors moins sur la prévention.

TRIER N’EST PAS RECYCLER

Par ailleurs, outre les ordures mélangées qui sont brûlées ou mises en décharge, tous les déchets triés ne sont pas, comme on pourrait le

croire, recyclés. Certes, depuis 2022, les inter communalités ont étendu les consignes de tri pour permettre aux habitants de mettre tous les emballages en plastique, en aluminium ou en carton dans le bac jaune. C’était une obli gation de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015. Mais la grande majorité des emballages plastiques, une fois qu’ils sont passés en centre de tri, repart à l’incinération ! Si 59 % des bouteilles et flacons en plastique sont recyclés, seuls 11 % des autres emballages plastiques le sont, selon les chiffres communiqués par Citeo.

« Aujourd’hui, nous sommes capables de trier les différentes typologies de plastiques comme le PET [polyéthylène téréphtalate], le PE [poly éthylène], le PP [polypropylène], les différentes typologies de fibres, comme le papier et le car ton. Ainsi, les habitants font un premier geste de tri, ensuite complété par nos machines qui opèrent des ségrégations intelligentes par typo logie de matière, explique Jean Henin, président de Pellenc ST, fabricant d’équipements de tri qui

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Butternut, chèvre, pignons de pin, par Adrien Zedda.

Osez un Noël végétal !

Et si nous quittions nos chaumières pour réveillonner au restaurant ? Passer un moment unique dans un cadre différent, se régaler de mets éthiques et néanmoins magiques… Si les fêtes se déroulent à la maison, à nous la toque de chef·fe, avec des recettes créatives, qui captent l’air du temps ! Pour mettre des paillettes dans vos assiettes végétales sans vous prendre une bûche, suivez-nous dans ce dossier gourmand. Une invitation à sortir des sentiers battus et célébrer Noël autrement…

Chaque année, l’épineuse question du repas de Noël fait débat. Entre le neveu qui n’aime pas le poisson, ni les fruits de mer, ni les légumes, le tonton qui est à fond sur le bio et la belle-sœur qui n’en voit pas l’intérêt, la cousine végétarienne et Papy qui réclame son rôti de chevreuil sauce chasseur, la plupart des familles françaises s’interrogent : comment ménager la chèvre et le chou ? Comment réunir tout le monde autour d’une table qui contente tous les appétits, toutes les envies et toutes les valeurs, avec un seul mot d’ordre : se faire plaisir ensemble, dans la joie et la bonne humeur ?

Afin de résoudre ce dilemme, l’idée nous est venue de réfléchir à une zone neutre, un lieu où chacun se régalerait comme il l’entend, choisirait son menu en fonction de ses affinités et de ses convic tions alimentaires. Ce lieu, c’est le restaurant bien entendu ! Il peut s’agir d’un petit établissement de quartier, qui propose des plats variés, composés d’ingrédients sourcés, ou, si le budget le permet, d’un restaurant plus haut de gamme, comme Culina Hortus, à Lyon, consacré meilleur restaurant végétarien du monde, sous l’égide d’Adrien Zedda [lire page 20]. Là-bas, le céleri est cuit sept heures comme le… gigot, le jus de panais mélangé à de l’ail

noir et de la sauce teriyaki puis réduit comme un… fond de bœuf ! Une bonne idée de cadeau à s’offrir, en famille ou entre amis, pour les fêtes.

ÉTHIQUE ET… TOQUE !

Pour goûter l’esprit de Noël autrement, avoir la conscience et l’estomac légers, nous vous invi tons donc à réveillonner à la sauce végétale. Selon l’Ademe, l’alimentation des ménages représente près du quart de l’empreinte carbone totale des Français. Et la viande compte pour beaucoup dans l’addition [lire Kaizen n° 63, page 12]. En effet, si l’entrecôte ne prend pas trop de place dans l’assiette, elle nécessite un espace et des ressources démesurés avant d’arriver saignante au bout de la fourchette ! On pourrait dres ser le même tableau au sujet du canard gras, du saumon, etc. dont l’élevage est loin d’être une fête pour les animaux et l’environnement. Alors, au restaurant ou à la maison, osez des menus de fête végétariens ! Vous ferez un cadeau à la planète et à votre santé. Pour vous accompagner dans cette démarche, nous vous proposons dans ce dossier spécial cuisine des idées de menus, de recettes, d’ingré dients et les joyeux conseils d’instagrammeurs avisés. Pour les fêtes de fin d’année, soyez créatif, soyez éthique, enfilez une toque verte ! n

N° 65 - KAIZEN 19 © Marie-Pierre Morel
DOSSIER

À l’occasion des 40 ans du réseau des réserves naturelles de France, Patrice Terraz est parti à la rencontre de 40 de ces laboratoires à ciel ouvert et des femmes et des hommes qui en prennent soin. Ces âmes discrètes de la protection de la nature œuvrent au quotidien, avec passion, pour connaître, partager et protéger ces espaces connectés aux territoires, loin de l’image d’îlots de nature inviolés. Des profils variés qui concourent à la même envie de redonner une place à cette nature que l’on méconnaît et surexploite depuis trop longtemps.

RÉSERVES NATURELLES DE FRANCE

DES FEMMES ET DES HOMMES…

POUR ALLER PLUS LOIN

• Réserves naturelles de France. Des femmes et des hommes, les âmes discrètes de la protection de la nature, photographies de Patrice Terraz, Réserves Naturelles de FrancePlume de carotte, 2022 • reserves-naturelles.org • terraz-photo.com

Réserve naturelle Iroise Hélène Mahéo, conservatrice

Historiquement classée en 1992 pour une superficie de 39 hectares, la réserve naturelle d’Iroise a fait l’objet en 2021 d’une extension de périmètre portant la surface classée à 1 129 hectares composés de 120,58 hectares de partie terrestre et 1 008,41 hectares de domaine public maritime. Le site englobe la quasi-totalité des îles et îlots de l’archipel de Molène ainsi que leurs estrans.

QUAND LES FEMMES MARCHENT…

S’échapper des contraintes du quotidien, dépasser ses limites, s’affranchir des clichés sexistes… Pour une nouvelle génération de féministes, la marche est une véritable voie d’émancipation et d’affirmation de soi.

R

andonner, cheminer, déambuler. Autant de mots pour désigner cette action si naturelle qu’elle en serait presque innée : la marche. Car si le dictionnaire la résume au fait de « se déplacer en met tant un pied devant l’autre », la marche revêt une dimension plus spirituelle qu’elle n’en a l’air. De Platon et Aristote à Jean-Jacques Rousseau ou Emmanuel Kant, nombreux sont les philosophes qui la pratiquaient pour mieux tisser le fil de leur pensée… ou de leurs aspirations. C’est le cas, aussi, d’une flopée de femmes de lettres, intellectuelles et artistes, dont la démarche reste trop souvent tapie dans l’ombre d’un monopole masculin. Parmi ces figures, Simone de Beauvoir, découvrant avec extase les panoramas marseillais, ou encore Georgia O’Keeffe, peintre de talent, explorant les

Moi, je crois que les femmes ont besoin d’un trajet à elles », confiait-elle à Libération en novembre 2021. Car la marche est, comme l’écrit la poète Louise Cotnoir, « une halte forcée dans le courant des jours, une sorte de suspension de nos occupa tions sociales ». De quoi parvenir à s’échapper du quotidien et des contraintes, qui reposent souvent sur les femmes, au gré des kilomètres parcourus. Horaires, tâches à accomplir, charge mentale… « Ça n’a plus de sens sur les chemins », assure Suzanne, randonneuse à l’origine de la chaîne YouTube « L’Instant vagabond ». « On se concentre sur des besoins tellement basiques : qu’est-ce que je vais manger aujourd’hui ? Où vaisje trouver de l’eau ? Dormir ? », poursuit la jeune femme, qui a découvert la marche il y a quatre ans, lors d’un voyage vers Compostelle. « D es préoccupations qui ne concernent que [soi] », abonde Marie Albert, aventurière et jour naliste féministe, qui ne va ni « checker [ses] mails » ni travailler lorsqu’elle parcourt les sen tiers de randonnée. La marche permet dès lors de jouir d’une « liberté totale », offrant la « possibilité d’aller à l’autre bout du monde si l’on veut, juste à la force de nos pas », renchérit Suzanne.

paysages du Texas. Jusqu’à faire de cette pratique un outil d’émancipation ? C’est le parti pris par Annabel Abbs dans son ouvrage Méfiez-vous des femmes qui marchent. Avec l’objectif de rendre à César ce qui est à César – ou faudrait-il plutôt dire « à Pompeia Sulla », la deuxième épouse de l’empereur ? –, l’autrice anglaise y dresse le por trait de personnalités féminines célèbres, dont l’indépendance s’est révélée en battant le pavé : « Virginia Woolf pensait que les femmes avaient besoin d’une chambre à elles. May Sarton croyait qu’elles avaient besoin de temps à elles. Et moi ?

PIÉTINER LES STÉRÉOTYPES SEXISTES

Et pourtant, à en croire les stéréotypes sexistes répétés ad nauseam, marcher sans être accom pagnée n’a rien d’anodin. « Il est imprudent pour une femme de se promener seule en forêt », voilà un adage bien tenace. Les marcheuses le com prennent d’emblée lorsqu’elles évoquent leur projet auprès de leur entourage. Peur du grand méchant loup, du violeur qui rôde… « Les gens projettent leurs peurs sur moi, c’est épuisant », se désole Marie Albert, qui ne se laisse pas impres sionner par le fait d’être seule en nature. Un vécu

52 KAIZEN - N° 6 5 PLURIELLES
« Je crois que les femmes ont besoin d’un trajet à elles. »

LORRAINE TERRE D’ARTISANS

Des méandres de coteaux bordés de vignes et d’arbres fruitiers à l’ouest, des canaux bucoliques à longer à pied ou à vélo à l’est. Niché dans le Grand Est, le Parc naturel régional de la Lorraine (PnrL) ondule entre bleu et vert avec harmonie. Cette nature généreuse attire et inspire de nombreux artisans, qui y perpétuent des savoir-faire séculaires. Petit voyage dans le temps.

56 KAIZEN - N° 6 5
Alicia Blancher Voyage ` a la rencontre du vivant
PARC
NATUREL RÉGIONAL DE

Depuis les grandes plaines parsemées d’étangs et de prai ries, on distingue aisément à l’ouest du Parc les côtes de Meuse et de Moselle.

À leurs sommets, des massifs forestiers surplombent les coteaux, zébrés par les rangs de vigne ou de mirabelliers. À leurs pieds, des petits villages préservent les traces de l’histoire : abreuvoirs, usoirs1 ou encore maisons traditionnelles lorraines. Quant aux granges, accolées aux habi tations et employées auparavant pour le bétail, elles servent aujourd’hui d’ateliers pour de nombreux artisans installés dans le Parc, qui y perpétuent des savoir-faire précieux.

S’AMUSER AVEC LE VERRE

Des bagues multicolores, des verres à pied stylisés… Lorsque l’on pénètre dans l’antre de Frédéric Demoisson,

à Waville (Meurthe-et-Moselle), notre regard peine à se fixer sur une de ses créations en particulier. À l’arrière de sa boutique, l’artisan, nommé Meilleur ouvrier de France (MOF) en 2019, nous fait une petite démonstration de sa spécialité : le soufflage de verre artistique au chalumeau – seuls une dizaine de verriers travaillent encore de cette manière dans l’Hexagone. « Beaucoup de personnes me deman daient si elles pouvaient venir m’ob server en pleine production. C’est pour cela que j’ai créé un coin boutique avec une partie de mon atelier », relate le maître verrier, tout en s’installant der rière son chalumeau. Délicatement, il commence à chauffer un long tube de verre et souffle en même temps, via une tournette, pour l’arrondir et for mer le ballon d’un verre. En quelques minutes, l’objet éclôt. Nous restons bouche bée. « C’est ce que j’aime aussi lors des démonstrations : voir le regard des gens, souvent en émoi. Parce qu’en général, ils ne réalisent pas la

En résumé

• Créé en 1974

• 220 000 ha scindés en 2 parties (est et ouest)

• 3 départements (Meuse, Meurthe-et-Moselle et Moselle)

• 500 km de chemins balisés

• 1 000 km de véloroutes

• 340 étangs et 2 zones humides classées Ramsar

• 1 réserve de biosphère (RB)

Le Parc de Lorraine se caractérise par de grandes plaines argileuses parsemées d’étangs et de prairies, par de longs canaux, et par des coteaux bordés de vignobles et de vergers et couverts de massifs forestiers.

complexité de la tâche avant cela », confie l’homme de 47 ans qui, depuis quelque temps, propose des stages. Alors que nous nous installons pour façonner la « j ambe » d’un v erre, Frédéric nous donne un curieux conseil : « Oubliez le verre. » D evant nos visages interloqués, il s’explique : « Ce qui est important, c’est de s’amu ser avec la matière. J’arriverai toujours à faire quelque chose de vos créations, en les assemblant par exemple. » En passant la baguette de verre dans la flamme, on sent peu à peu le matériau se ramollir, on le voit rougir, on le plie, on le torsade, on l’allonge, on l’écrase,

N° 65 - KAIZEN 57
© PnrL/Bartosch Salmanski

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