Kaizen 64 : Quelles énergies pour demain ?

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demainpourénergiesQuelles? SEPTEMBREOCTOBRE2022 N° 64 UN MIX DE SOLUTIONS POUR SORTIR DES ÉNERGIES FOSSILES ET DU NUCLÉAIRE TND11,90TUN-MAD80MAR-XPF850-TOM€7,40DOM-€7,40ESP-CHF11CH-€7,20BELUX 13360L -64-F: 6,50 € RDHNI VIVE LES BÉBÉS SANS COUCHES ! L’AGRICULTURE BIO PEUT-ELLE LENOURRIRMONDE CHAMPIGNONS? EN MODE ZÉRO DÉCHET

Après négaWatt, RTE et l’Ademe ont publié des scénarios qui proposent un mix énergétique décarboné à l’horizon 2050.

SOBRIÉTÉ P eut-on encore douter ? encore attendre ? Avec les incendies en Gironde, en Bretagne, en Espagne, au Portugal, les températures caniculaires un peu partout cet été [j’espère qu’il n’y aura pas d’autres évènements plus importants entre la rédaction et la publication de ce numéro], il devient difficile de reléguer la ques tion du dérèglement climatique aux calendes grecques. Nos sens n’étaient pas trop confrontés au « danger immédiat ». Cette fois, les signes sont tangibles. Depuis quarante ans, on pratique la politique de l’autruche, on relègue à plus tard les mesures. Le « monde d’après » n’est pas advenu après le Covid. Émergera-t-il après cet été 2022 ? Les émotions estivales se mueront-elles en bonnes décisions ? Attendons…

Alors, pourquoi les gouvernements ne suivent-ils pas ? Pourquoi écouter les scientifiques pour la gestion du Covid et pas pour le climat ? Parce que tapie dans l’ombre de la sobriété énergétique, se cache la décroissance. Les deux suivent les mêmes courbes. Pour l’instant, on ne sait pas créer de croissance sans augmenter le recours aux énergies fossiles (à l’échelle mondiale). Mais devons-nous garder la croissance comme boussole ? La sobriété serait un chan gement de cap, qui demande planification, concertation. C’est un vrai défi.

N° 64 - KAIZEN 3 Éditeur SCOP SARL à capital variable La Maison écologique 9, rue de la Bégassière 35760 Montgermont Magazine bimestriel numéro 64 Septembre-octobre 2022 Directricewww.kaizen-magazine.comdelapublication Nadia Guillaume Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin Directrice artistique Marion Elbaum Journaliste multimédia Alicia Blancher Community manager Charlotte Peyrethon Attachée commerciale Aurore Gallon Chargée de relation client Kristell Dessier Assistante comptabilité Margaux Jouenne Stagiaire pour ce numéro Louise Lucas Abonnements et commandes 9, rue de la Bégassière 35760 abonnement@kaizen-magazine.frMontgermont0299028293 Photo de couverture © Vertigo Artography Conception maquette Hobo - www.hobo.paris Impression Imprimerie SIEP ZA des Marchais – Rue des Peupliers 77590 Bois-le-Roi SIRET : 438 943 235 000 61 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0324 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. : 05 63 94 15 50 Distribution MLP Vente au numéro pour les diffuseurs Destination Média • Tél. : 01 56 82 12 00 l’autorisationneAucuncontact@destinationmedia.frtexteniaucuneillustrationpeuventêtrereproduitssansdumagazine.Merci.Originedupapier:Allemagne Taux de fibres recyclées : 0 % Ptot : 0,017 kg/t Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement Pascal GrebovalEDITO GAGNONS LE DÉFI DE LA

Depuis les années 1970, on nous le répète – et Philippe Bertrand [lire page 6], après seize années passées à relayer les initiatives citoyennes sur France Inter, nous le rappelle encore : « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! » Ce n’est pas du vent ; donnons leur vie ! n

Tout le monde est responsable à son échelle. La priorité est de réduire l’usage des énergies fossiles. Depuis deux siècles, avec l’usage intensif du charbon, puis du pétrole, nous sommes en état d’ébriété énergétique, et l’heure est venue de commencer une cure drastique de désintoxication. Ce qui semblait une utopie, il y a dix ans, peut se dessiner : on peut se passer de pétrole et de nucléaire. C’est aujourd’hui bien documenté et notre dossier s’en fait le relais [lire page 18].

Enfin… pas trop, car nous devons agir maintenant. Il n’est plus temps de savoir si ce sont les citoyens, les entreprises, les politiques qui doivent faire leur part.

4 KAIZEN - N° 6 4 ArgoscollectifFrahan,deHenryEléonore©-ArgoscollectifDerigny,Jérômine©-ArtographyVertigo© KAIZEN N° SEPTEMBRE-OCTOBRE64 2022SOMMAIRE RENCONTRE 6 Philippe Bertrand « La seule solution, c’est le local » EN CHIFFRES 13 Miel : gare à surconsommationla ! ENQUÊTE 14 L’agriculture bio peut-elle nourrir la planète ? JOURNAL D’UN NÉOTONOME 62 Épisode Jonathan4Attias Trouver sa terre LOW-TECH LAB 64 Remorque à vélo Courses en selle ! JE VAIS BIEN, 66 LE MONDE VA MIEUX Bloc en extérieur Un aveccorps-à-corpslanature AU POTAGER ! 70 Mathilde Ruau Les tomates vertes CUISINE 72 Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? Miel En mode zéro déchet ! Champignons SÉLECTION KULTURELLE 78 CHRONIQUE 82 Dominique Bourg Ruscisme 18 CHRONIQUE 41 Gilles Farcet Sobriété énergétique QUELLES ÉNERGIES POUR DEMAIN ? ET SI ON LE FAISAIT 42 ENSEMBLE ? La pause Brindille aide les jeunes aidants VOYAGE À LA RENCONTRE 46 DU VIVANT Parc naturel régional du BaladesHaut-Languedocgourmandes PORTFOLIO 50 Jérômine Derigny Singapour à la fraîche GOÛT DE L’ENFANCE 58 Bébés sans couches Les atouts de l’hygiène naturelle infantile

Comment vous est venue l’idée des « Carnets de campagne » ? Je n’ai eu aucune intuition. En 2006, la nouvelle direction de France Inter [avec Frédéric Schlesinger, N.D.L.R.] m’informe que je ferai partie de l’équipe de rentrée et me précise : « On a un pr ojet pour toi. C’est un quart d’heure pour faire la transition entre une émission de divertissement très “parisienne” [comme « La Bande originale », N.D.L.R.] jusqu’à 12 h 30 et le traditionnel “Jeu des 1 000 €” » Je leur réponds que je ne suis pas venu à France Inter pour parler des régions et qu’un quart d’heure, c’est insensé ! Et pour faire quoi ? Comme je n’ai pas eu trop le choix, au bout de quinze jours, j’ai envoyé à la direc tion une vague idée, en trois points : un lieu, un évènement, une personne. Et évidemment, ils ont accepté. C’est parti très vite, sans que je sache ce qui allait me tomber sur la tête et que j’allais éviter toutes les fêtes du cornichon et de l’andouillette au profit de groupements coopératifs, de réseaux culturels, d’associations performantes, de l’innovation sociale, de l’intelligence collective. Ce que je ne connaissais pas, ou très mal. Et dont je n’imaginais pas la profusion et la puissance. Quelles rencontres ou initiatives vous ont le plus marqué ? Je n’ai pas montré uniquement des projets de l’économie sociale et solidaire, mais ces petites entre prises – TPE ou PME – qui innovent

BIO EXPRESS 1958 Naissance à Dijon 1985 Intègre une locale de Radio France 1996 Intègre France Inter et coanime « Zinzin » avec Hervé Pauchon 2006-2022 « Carnets de campagne » 2018 Publie Manifeste pour demain. L’économie sociale et solidaire, une voie pour l’avenir (Libre & Solidaire)

6 KAIZEN - N° 6 4 Pascal Greboval et Sabah Rahmani rencontre

PHILIPPE BERTRAND « LA SEULE SOLUTION, C’EST LE LOCAL » De 2006 à 2022, Philippe Bertrand a animé l’émission « Carnets de campagne » sur France Inter. Sans relâche, il a mis en lumière des initiatives favorisant le renouveau de l’agriculture, l’économie, la culture… Il a ainsi mis à jour les contours d’un autre modèle de société. Au moment où il passe le relais à Dorothée Barba, nous revenons sur ces seize années de journalisme de solutions.

m’intéressent particulièrement. Je pense, par exemple, à ces trois ingénieurs du Territoire de Belfort qui proposent un nouveau concept. Une dalle octogonale constituée de déchets plastiques et de déchets de pales d’éoliennes – car on commence à démanteler les premières éoliennes qui ont 20 ans d’âge et arrivent en fin de course. Dans les pales, il y a du polystyrène, des polymères très diffi ciles à recycler. Ces dalles ont l’avan tage d’être perméables, de remplacer le bitume qui asphyxie les sols, d’être antidérapantes, démontables, donc transposables, sur des parkings, des zones de passage. C’est peut-être un marché de niche, mais j’applaudis à deux mains. Ces entrepreneurs créent de l’emploi, ils ont une intelligence qu’ils mettent en com mun. Une prise de conscience qui conjugue transition écologique et innovation. Mais il y a tellement d’autres secteurs. Je pense notam ment à tout ce qui relève du travail manuel, longtemps déconsidéré, alors qu’il exprime une forme d’intelligence. Ces porteurs de solutions ont-ils changé leur regard sur le monde ? Pour tous, ce fut une révolution complète. Tous ont la même conclusion. Surtout ceux qui avaient une activité lucrative et ont choisi un autre mode de vie, plus simple mais plus éclairant. « On gagne beaucoup moins bien notre vie, mais on est plus heureux, ça n’a pas de prix », disent-ils en chœur. Et d’ajouter : « J e donne du sens à ma vie, à mon travail. » Les deux vont de pair. C’est une forme d’altruisme. Ce n’est pas calculé. Cela leur donne-t-il de la force pour surmonter les obstacles ? Il faudrait regarder au cas par cas – car je ne suis pas un organisme de statis tiques ! –, mais sur une échelle de dix ans, et avec les trois mille fiches que j’ai malaxées pour faire le livre Carnets de campagne, ce sont à peu près 80 % de ces initiatives qui tiennent bon. Et environ 20 à 25 % de perte ou de cessation d’activité. Toutefois, depuis mars 2020, on est plus dans le main tien pour certaines, étant donné la crise économique qu’a provoquée la crise sanitaire. Un secteur en particulier vous paraît-il plus en avance ? Ils sont tous en retard par rapport aux urgences ! C’est une réponse facile. Mais elle est réaliste. On pourrait dire l’agri culture, mais de quelle agriculture parlonsnous ? Il y a de plus en plus de jeunes qui s’ins tallent, mais ce n’est pas de l’agriculture comme on l’entendait aupara vant. On est plus dans des activités paysannes. Ces jeunes agriculteurs n’ont pas attendu qu’on leur flèche le parcours en leur disant : « C e serait bien de faire du « C’est parti très vite, sans que je sache ce qui allait me tomber sur la tête et que j’allais éviter toutes les fêtes du cornichon et de l’andouillette au profit de groupements coopératifs, de réseaux culturels, d’associations performantes, de l’innovation sociale, de l’intelligence collective. »

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AbramowitzFrance/ChristopheRadio©

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La meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas. Nous devons, collectivement, agir sur la demande en énergie en réduisant notre consom mation […] » Qui aurait pu croire que cette injonction émane un jour des dirigeants d’Engie, EDF, TotalEnergies ? Pourtant ce sont bien Catherine MacGregor, Jean-Bernard Lévy, Patrick Pouyanné qui ont rédigé cette tri bune pour Le Journal du Dimanche en juin 20221 !

On pourrait leur mettre le nez dans leur flaque de pétrole, de gaz ou d’uranium et leur rappeler plusieurs choses. Que bon nombre de Français·es sont confrontés quotidiennement à la flambée du prix de toutes les énergies et qu’ils réduisent de fait leurs consommations. Que certains se sont privés de vacances, et qu’il est inutile de les culpabiliser davantage. On pourrait aussi inviter ce triumvirat à montrer l’exemple : avec une rémunération de près de 6 millions d’euros en 2021, en hausse de 52 % par rapport à 2020, Patrick Pouyanné n’est pas un modèle de sobriété ! Et les inciter à un peu plus de cohérence : le gouvernement d’Ouganda a validé le projet pétrolier de TotalEnergies en Afrique de l’Est ; ainsi, l’oléoduc EACOP qui traversera seize aires naturelles protégées émet tra 33 millions de tonnes de CO2. Bref, soyons lucides : cette injonction est d’abord une défense de leurs intérêts.

Texte : Pascal Gr eboval La guerre en Ukraine a bousculé les équilibres, notamment au sujet de la question énergétique. Longtemps snobée, la sobriété a le vent en poupe à présent. Reste à savoir quels types d’énergies nous devons développer. Éléments de réponse avec ce dossier.

ArtographyVertigo©

UN TOURNANT, UNE CHANCE Cependant cette tribune marque un tournant dans le débat public. D’autant qu’elle intervient quelques semaines après une déclaration similaire du ministre Bruno Le Maire, appelant tous les Français à « faire un effort » sur leur consommation de chauffage. Ce qu’a rappelé Emmanuel Macron le 14 juillet. Ce qui était perçu comme une utopie radicale est devenu souhaitable pour les décideurs. Ne soyons pas dupes : ce changement de ton est la conséquence de la guerre en Ukraine ; aucun d’eux n’a connu une épiphanie écologique. Pour preuve, la loi sur le pouvoir d’achat votée cet été ouvre la voie à la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold et à l’importation de gaz de schiste. En un vote, le gouver nement réussit à montrer sa double incohérence. On pourrait affiner, mais qui dit sobriété dit moins consommer. Rude ? Peut-être, mais basique. Est-ce si gênant ? Homo sapiens n’est pas né avec une carte bleue dans sa peau de mam mouth, il a besoin d’être heureux, de satisfaire ses besoins essentiels, pas d’augmenter son pouvoir d’achat ! Encore moins en utilisant du charbon vieux de 350 millions d’années, une des énergies fossiles les plus polluantes. Il eût été plus cohé rent d’interdire l’usage dans les lieux publics de tous les panneaux publicitaires qui nous incitent à consommer, c’est-à-dire à ne pas être sobres ! Sortir du dogme de la croissance, c’est nous auto riser à réduire notre dépendance aux énergies fossiles et préserver l’habitabilité sur Terre. C’est aussi une chance, comme le rappelle le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres : « Les éner gies renouvelables sont les garantes de la paix au XXIe siècle. » Elles permettent à la fois de lutter contre le dérèglement climatique et de garantir une stabilité géopolitique. n N° 64 - K AIZEN 1. « Le prix de l’énergie menace notre cohésion », par les patrons d’Engie, EDF et TotalEnergies, Le Journal du Dimanche, 25 et 26 juin 2022 [disponible en ligne].

Texte : Alicia Blancher Les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne, dont 54 % sont imputables à la voiture individuelle. Pour remédier à cette dépendance aux énergies fossiles et aux pollutions engendrées, l’UE va interdire la vente des véhicules neufs thermiques en 2035. Une solution qui décarbonera en partie nos déplacements, mais qui élude d’autres leviers primordiaux pour « verdir » notre mobilité à quatre roues, comme la sobriété.

Voiture(s) du futur Pourra-t-on rouler au vert ?

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Silencieuse, discrète, ino dore… La voiture électrique est souvent présentée comme l’avenir des véhi cules motorisés individuels. Plus écologique sur le papier que la voiture thermique, car moins émettrice de GES à l’usage, elle peine néanmoins à s’installer dans le paysage automo bile. Son coût à l’achat, l’autonomie des batteries, et le manque de bornes élec triques 1 freinent encore son succès. Depuis début 2022, un peu plus de 70 000 voitures électriques se sont ven dues en France, contre environ 100 000 véhicules diesel, selon les données du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Les détracteurs de la voiture électrique pointent aussi du doigt les impacts environnemen taux de sa fabrication, notamment ceux liés à sa batterie, gourmande en métaux rares : lithium, cobalt, manga nèse, nickel… Leurs extraction, raffi nage et transport entraînent de nom breuses externalités négatives dans les territoires où ils sont exploités, comme en Amérique du Sud. Sans compter qu’une grande partie des batteries est aujourd’hui fabriquée en Chine, pays qui tire son énergie principalement des centrales à charbon.

Pour Aurélien Bigo, auteur d’une thèse sur les transports face aux défis de la transition énergétique2, les émissions de GES liées à la fabrication d’un véhi cule électrique sont largement com pensées par les émissions liées à son usage. « Sur l’ensemble du cycle de vie d’une voiture en France, les émissions d’un modèle électrique sont trois fois moins élevées par rapport à un modèle thermique », souligne le chercheur associé à la chaire Énergie et prospé rité de l’Institut Louis Bachelier. Le coût énergétique de la fabrication du véhi cule électrique serait compensé dès 50 000 à 70 000 kilomètres parcourus. Ce chiffre peut bien sûr varier en fonc tion du lieu de production ou encore de la taille du véhicule. Plus la voiture est volumineuse, plus la batterie est lourde et riche en métaux. C’est pourquoi les petits modèles sont préconisés pour les trajets du quotidien, qui représentent la majeure partie de nos déplacements, tandis que des alternatives à la voiture serviraient pour les trajets de plus longue distance, qui nécessiteraient sinon une multiplication de la taille de la batterie du véhicule. De plus, il est fort probable que les départs en vacances simultanés de millions de Français l’été compliqueraient la recharge des batteries, dont les bornes seraient alors prises d’assaut.

NÉCESSAIRE SOBRIÉTÉ Si l’interdiction des véhicules neufs thermiques à l’horizon 2035 est un « bon signal » d’après Aurélien Bigo, la mesure reste « insuffisante » pour répondre à nos objectifs climatiques. Tout d’abord, l’électrification du parc automobile en France3, soit quarante millions de véhi cules environ, entraînera une hausse de la consommation d’électricité d’environ 100 térawattheures par an, selon l’ingé nieur – la consommation annuelle est actuellement de 470 térawattheures. Une augmentation qui ne mettra pas en péril la demande d’électricité, selon les derniers scénarios du Réseau de trans port d’électricité4, mais qui est signifi cative. Pour le chercheur, « l’usage de la voiture électrique doit être combiné à d’autres modes de transports au quotidien, comme le vélo ou les trans ports en commun en ville, mais aussi le covoiturage ou l’autopartage dans les zones peu denses, où il y a moins d’alternatives à la voiture ». Le mot d’ordre : sobriété.

EN FINIR AVEC L’AUTOSOLISME Les trajets courts effectués en covoitu rage ont largement augmenté ces der niers mois en France. Le Registre de preuve de covoiturage (RPC)5 a recensé 434 169 trajets en mai 2022, soit quatre fois plus qu’en mai 2021 (105 627). Ces augmentations semblent se corréler avec la hausse récente des prix du car burant. Pour Emmanuelle Fourmil, de l’association éhop6, qui encourage la fin de l’« autosolisme » en Bretagne en collaborant avec les entreprises et les collectivités, le levier économique ne permet cependant pas de pérenni ser la pratique du covoiturage. « Dès que les prix reviennent à la normale, les automobilistes reprennent leurs vieilles habitudes », relate la chargée de Tugdualcommunication.LeCocqachangé sa routine il y a deux ans. Chaque lundi matin, à 8 h 25, ce trentenaire dépose ses deux filles à l’école municipale d’Acigné, près de Rennes, puis retrouve son collègue Édouard Lecalier sur le parking. « Pile à l’heure ce matin ! » charrie ce dernier en prenant place à l’avant du véhicule. Quelques kilomètres plus loin, Carole Clenet grimpe à son tour dans la voi ture. Direction La Courrouze, nouveau quartier de la capitale bretonne. Ces trois salariés du groupe Legendre – qui a participé à un défi d’éhop pour faire tester le covoiturage à ses employés en avril dernier – partagent leur trajet une à trois fois par semaine, sur 22 kilo mètres, pour rejoindre ensemble le siège social. « Une évidence d’un point de vue environnemental » pour Tugdual, dont les lunettes rectangulaires contrastent avec sa veste rouge à l’éffigie des Vieilles « Sur l’ensemble du cycle de vie d’une voiture en France, les émissions d’un modèle électrique sont trois fois moins élevées par rapport à un modèle thermique.

UrkvanShutterstock/T.W.© N° 64 - KAIZEN 29

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Texte : Léopold Picot e t Sabah Rahmani Sur l’île de Groix, dans le Morbihan, la famille de Xavier et Julie Lépine vit dans une maison autonome en électricité et en eau dans le village de Port-Lay. Un mode de vie plein de bon sens et accessible à tous – ou presque. Reportage.

Vivre en autonomie à la maison

« ON N’EST PAS DES CONSOMMATEURS » Dans le fonctionnement même de l’habitat, composé de trois chambres, d’un atelier, d’un petit salon-cuisine et d’une salle de bains, tout a été pensé pour ne pas peser sur l’énergie solaire. « En hiver, le frigo est éteint d’octobre à mars ; les denrées sont conservées à l’extérieur, plein nord, tandis que le poêle à bois chauffe la maison. L’été, c’est l’inverse, on rebranche le frigo et on éteint le poêle », expliquent Julie et Xavier. Ici, priorité à la lumière, peu consom matrice d’énergie : seuls un ordinateur – allumé une à deux heures par jour –, des smartphones et une petite console de jeux viennent consommer une par tie de l’électricité. Pas de veilleuse ni de« L’important est de revenir à des choses simples et logiques, qui se vivent dans une joie volontaire. »

MOINS ET MIEUX Plus que sur l’autonomie, la famille mise sur la « simplicité énergétique. Je préfère cette expres sion à celle de “sobriété énergétique”, plus tristou nette, car l’important est de revenir à des choses simples et logiques, qui se vivent dans une joie volontaire », justifie Xavier. Faire donc moins et mieux, tout au long de l’an née. « L’hiver, on consomme moins de 700 watts par jour ; l’été, avec le frigo branché, on atteint environ 1 200 watts par jour. » Et depuis quelques mois, la famille a installé un chauffe-eau solaire qui fonctionne six mois de l’année. Le reste du Julie et Xavier Lépine et leurs trois enfants ont la vie belle dans leur nid groisillon autoconstruit. Une frugalité heureuse et choisie qui fait plus que jamais sens aujourd’hui.

LépineXavier© Ici, simplicité rime avec beauté. Au détour d’une rue de Port-Lay, sur l’île de Groix, dans une jolie mai son entourée de 8 000 mètres carrés de jardin, le couple Lépine et ses trois enfants vivent avec frugalité. Entièrement bâtie à partir de maté riaux de récupération, la maison vise l’autonomie en énergie et en eau depuis sa construction en 2015. Pour le couple, donner une nouvelle vie aux matières et consommer moins allait de soi pour des raisons écologiques, mais aussi économiques. D’après Xavier, n’importe qui peut tendre vers la simplicité et l’autonomie : « J’ai construit la mai son avec seulement 12 000 euros tout ronds, grâce à l’utilisation de matériaux de récupération, et en investissant dans des panneaux solaires neufs et une cuve à eau. » En plus du capteur solaire pour le chauffe-eau, le toit porte seulement six panneaux solaires sur 10 mètres carrés, car le couple ne souhaitait pas utiliser toute la surface du toit pour gagner en confort : « On aurait pu mettre dix fois plus de panneaux solaires, avoir une surface de toit plus grande pour récupérer aussi plus d’eau, mais le but n’est pas de produire un maximum pour consommer encore plus ! »

télé. « On utilise peu d’écrans et on n’est pas des consommateurs. On préfère se promener et se bai gner. On a beaucoup de choses à faire. La maison est davantage un lieu pour se poser et dormir. »

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Si pendant les sept premières années, les quatre batteries des panneaux solaires ont permis de stocker et d’assurer tout l’apport en électricité, même en hiver, « cette année, les batteries ont lâché. On a dû se raccorder au réseau électrique le temps d’avoir le budget pour les remplacer. Mais dès qu’on installera les nouvelles batteries, nous résilierons notre contrat d’électricité dont les factures sont peu élevées », prévient Xavier.

SINGAPOUR À LA FRAÎCHE JÉRÔMINECOLLECTIFDERIGNY,ARGOS

La place forte de la finance en Asie concentre six millions d’habitants sur un territoire grand comme le Parc naturel régional du Pilat en Ardèche, la commune d’Arles ou deux fois Amiens Métropole. Bref, la ville-État étouffe dans son petit périmètre. Elle a donc décidé de mettre du vert partout : des arbres en haut des centres commerciaux, des forêts tropicales débordant des immeubles, des jungles au cœur de la cité… Ce paysage futuriste spectaculaire titille les touristes internationaux. Un vrai plaisir en plus d’une réelle nécessité, surtout en temps de pandémie. Cécile Bontron Gardens by the Bay, lieu emblématique de Singapour, a été bâti sur un polder. Ses 101 hectares acquis sur l’océan abritent une serre géante, différents écosystèmes ou encore d’immenses arbres artificiels sur lesquels poussent deux cents espèces végétales.

Tout est douceur avec le miel, au propre ou au figuré, comme en témoigne l’expression « lune de miel »… Douceur d’un lait chaud, d’une tranche de pain d’épices, douceur d’un nectar qui apaise les maux de gorge ou les bobos, et bien d’autres choses encore !

CETcuisineINGRE,DIENT BIO, J'EN FAIS QUOI ? Linda Louis MIEL LE DÉLICIEUX BUTIN DES ABEILLES !

« La seule manière d’être absolument certain que le produit qu’on achète est du miel brut, naturel et local, c’est de l’acheter directement à un apiculteur ou dans un circuit court.

Le miel bio Le miel est une substance sucrée pro duite par les abeilles à partir du nectar des fleurs (acacia, lavande, tilleul…) ou du miellat d’insectes piqueurssuceurs à partir de la sève des arbres (sapin, chêne…). C’est le seul sucre « prêt-à-manger » produit par un ani mal, mais il est aujourd’hui hautement menacé par les multiples pollutions générées par les hommes. Certains font le choix de pratiquer une apiculture respectueuse en suivant le cahier des charges du miel AB. Celui-ci prévoit que les ruches soient placées dans un environnement entouré de cultures biologiques ou sauvages sur un rayon de 3 kilomètres, sans aucune nuisance – routes, usines chimiques ou cultures traitées aux pesticides. L’apiculteur a l’obligation de laisser une réserve de miel aux abeilles pour l’hivernage, ne recourt à aucun produit de synthèse pour traiter ses ruches, les quelles sont fabriquées en matériaux naturels. La phytothérapie est la pre mière réponse pour soigner les insectes atteints du varroa ou autre maladie. Bien le choisir La seule manière d’être absolument certain que le produit qu’on achète est du miel brut, naturel et local, c’est de l’acheter directement à un apiculteur ou dans un circuit court. Ce ne sont pas la couleur ou la viscosité du miel qui indiquent sa qualité, mais son étiquette. Depuis le 1 er janvier 2022, la loi Agriculture et Alimentation impose que « pour le miel composé d’un mélange de miels […] de l’Union européenne ou d’un pays tiers, tous les pays d’origine de la récolte soient indi qués par ordre pondéral décroissant sur l’étiquette » [lire page 13]. Bien que la réglementation impose une date de péremption, le miel se conserve presque à vie, grâce à sa grande teneur en sucres (80 %) et au fait qu’il s’agit un aliment fermenté.

POUR ALLER PLUS LOIN Marie-Claire Frédéric, Guillaume Stutin, Le Miel. Guide d’usage. 40 recettes santé, beauté, cuisine, coll. « Tout beau tout bio », Alternatives, 2022 L’autrice dresse un portrait complet de ce superaliment, en expliquant en détail ses propriétés nutritionnelles, médicinales, cosmétiques et de conservation. Elle passe également en revue les différentes variétés, puis livre plus de quarante recettes où le miel est mis à l’honneur pour ses atouts bien-être (cataplasmes pour petits bobos, brûlures, cernes ; infusions…) et gourmands (sauces, condiments, conserves et pains d’épices traditionnels du monde).

Sur le nutritionnel…plan Les miels foncés sont plus riches en minéraux (potassium, phosphore, cal cium) que les miels clairs. L’apport éner gétique du miel est de 300 kilocalories pour 100 grammes contre 400 pour le sucre, tout en possédant un pouvoir sucrant 1,3 fois supérieur à celui du saccharose. Il contient des acides anti septiques (acides gluconique, lactique, butyrique…), des matières pigmentaires antibactériennes et antioxydantes (caroténoïdes dont lutéine, lycopène…), des esters et terpènes qui participent à la large palette d’odeurs et de goûts. … et médicinal Cicatrisant (plaies, brûlures, derma tites, gingivites), antibiotique, anti viral, antifongique, efficace contre les affections respiratoires hivernales et ophtalmiques, bon pour la digestion, les intestins et les défenses immuni taires… La liste des vertus médicinales du miel est longue. En raison de la pro lifération actuelle des bactéries résis tantes aux antibiotiques, la recherche sur les propriétés antibactériennes du miel connaît un regain d’intérêt.

Côté recettes Si vous comptez le cuire, choisissez un miel doux (acacia, toutes fleurs) et peu aromatique (contrairement aux miels de montagne très forts), car la chaleur prolongée a tendance à concentrer sa saveur. Les miels dits médicinaux, comme ceux de ronce ou de lavande, sont consommés crus avec un yaourt, une salade de fruits, du chèvre ou sur du pain. Ajouté avec parcimonie, ce nectar adoucit les sauces acides et caramélise les aliments. Grâce à sa teneur en glucose, il empêche la cristal lisation du sucre et permet de réussir enfin ses caramels ! C’est aussi l’ingré dient incontournable du pain d’épices [lire page 74], des gâteaux aux fruits secs et des pâtisseries orientales. n

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