Hors-série : Qui était Hildegarde de Bingen

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SPIRITUALITÉ ∙ ARTS ∙ NATUROPATHIE

Hildegarde de Bingen UNE FEMME VISIONNAIRE

PRÉFACE DE CAMILLE « HILDEGARDE ÉTAIT COMPLÈTEMENT CHAMANIQUE »


Sabah Rahmani

ÉDITO

Une « femme médecine » hors du commun… vez-vous déjà rencontré la musique et les chants sacrés d’Hildegarde de Bingen ? Je dis bien « rencontré », car la première fois qu’une amie me les a fait écouter, ce fut une véritable rencontre sensorielle, de celles qui ravissent l’âme et le corps. D’une beauté et d’une grâce qui transcendent l’espace et le temps, harmonisent le cœur… Qui était donc cette femme capable de créer ces Chants de l’extase1 ? Moniale, puis abbesse au sein d’un monastère allemand du Moyen Âge, Hildegarde de Bingen cumulait d’impressionnants savoir-faire en musique, écriture, botanique, alimentation, médecine naturelle, etc. Même si sa vie était vouée à la mystique chrétienne, avec une œuvre visionnaire digne d’une prophétesse, elle cultivait une approche holistique de l’être humain dans son environnement. Ses connaissances et ses remèdes font d’elle une pionnière dans ce que l’on appelle désormais la naturopathie. Des « recettes anciennes », évidemment à ne pas prendre à la lettre aujourd’hui, qui auraient pu être parfois qualifiées de potions de sorcière, mais dont certains principes sont toujours d’actualité. À travers la figure historique d’Hildegarde de Bingen, ce hors-série nous plonge dans une époque médiévale parfois étonnante, dans un contexte politicoreligieux marqué par des luttes d’influence où l’abbesse a joué un rôle atypique pour une femme du Moyen Âge. Une « femme médecine » qui osait aussi parler de la beauté et des effets bénéfiques de la sexualité sur la santé. Que reste-t-il de l’influence d’Hildegarde ? Quel héritage nous a laissé cette femme hors du commun revenue au goût du jour ? Certaines médecines douces s’inspirent aujourd’hui des principes d’Hildegarde de Bingen, en Allemagne surtout, et en France désormais, avec par exemple l’Institut hildegardien, premier centre de formation spécialisé francophone. On note également un restaurant qui s’inspire de sa cuisine ou des Jardins de sainte Hildegarde, jardins de plantes médicinales et de méditation. Ce hors-série, lui aussi atypique, vous propose ainsi un voyage holistique, loin des clichés, pour repenser notre rapport à la santé à l’aune de l’histoire, de la sociologie, des arts, des spiritualités, de l’herboristerie et de l’écologie. Dans leurs subtiles et complexes beautés. n

1. Hildegard von Bingen, Sequentia, Chants de l’extase, Deutsche Harmonia Mundi/BMG, 1995.

HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 3


Sommaire

3

Édito

Sa vie 16

Filles d’Ève, filles du diable

24

Un siècle entre tensions et ardeur spirituelle

26

L’appui de Bernard de Clairvaux

28

La Règle de saint Benoît selon Hildegarde : une tradition vivante

30

Une femme puissante

32

6 • KAIZEN • HORS-SÉRIE N° 19

110

L’œuvre visionnaire et prophétique

Préface : Camille, 8 « Hildegarde a tout embrassé »

Son héritage

Son œuvre

Une vie hors du commun, entre contemplation et action

Bibliographie

4

Présentation des autrices

36

Hildegarde et les animaux 46 Les vertus thérapeutiques 52 des pierres

Laurence Nobécourt, 76 « Hildegarde est une figure d’insoumission, pas une rebelle »

La sexualité : plus saine que l’abstinence ?

56

Mélody Molins, Institut hildegardien, « Hildegarde est la mère de la naturopathie »

Chanter l’harmonie céleste

58

Un jardin de simples comme au Moyen Âge

Précieuses enluminures

66

La langue inconnue : une énigme

72

Crédits

112

80

84

Catherine Braslavsky, 98 « Le chant est un instrument du spirituel » Yamu, bienvenue à la table d’Hildegarde !

102

Cuisiner selon Hildegarde. Quelques recettes et astuces…

106

Ce hors-série est illustré par des enluminures des Visions d’Hildegarde de Bingen. Pour en savoir plus : lire page 66.


Pascal Greboval et Sabah Rahmani

PRÉFACE

PRÉFACE

Camille « Hildegarde a tout embrassé »

Autrice-compositrice, interprète et actrice, Camille explore de multiples univers artistiques. Son œuvre riche et subtile a reçu de nombreux prix musicaux. L’artiste nous parle ici de l’influence étonnante de l’abbesse Hildegarde dans sa vie et dans son œuvre.

Bio express 1978 Naissance à Paris 2002 Premier album : Le Sac des filles 2006 Le Fil, album révélation de l’année aux Victoires de la musique 2009 Artiste interprète féminine aux Victoires de la musique 2012 Grand Prix Sacem de la chanson française 2018 Prix spectacle musical, tournée ou concert de l’année aux Victoires de la musique pour le « Ouï Tour »

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Comment avez-vous découvert l’œuvre d’Hildegarde de Bingen ? Je devais avoir environ 18 ans, ma sœur travaillait à l’époque à la Fnac et avait organisé un événement culturel qui mettait en avant différentes musiques. Elle m’a fait découvrir le disque Chants de l’extase, illustré par un très beau visuel. J’ai adoré ce disque. J’ai découvert ensuite au fil des années l’œuvre d’Hildegarde, qui ne m’a jamais quittée depuis. Qu’est-ce qui vous touche chez elle ? Je pense que je n’ai pas fini de comprendre pourquoi elle me touche autant, notamment par sa musique, à la fois simple et mystérieuse. Je suis très sensible à ses chants, aux silences et à l’acoustique qui créent l’harmonie de sa musique. Dans les silences, on entend le lieu qui chante lui aussi ; il résonne, contrairement à la pop ou à certaines musiques actuelles où le son est compressé. Dans les chants d’Hildegarde, il y a moins de données harmoniques

mais plus de résonances, d’unissons, de silences que dans la musique classique orchestrale, et cela me plaît. C’est une musique ancienne. En réalité, il y a une forte dimension spirituelle, et c’est cela qui me touche. Dans l’une de vos chansons, Tout dit, vous qualifiez Hildegarde comme votre sœur. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle était sœur à la base, avant de devenir abbesse. Elle était Sœur Hildegarde. Ensuite parce que c’est une sœur d’âme. Car si ma première connexion avec elle est passée par le chant, le lien est devenu ensuite holistique. Par son travail, Hildegarde a tout embrassé, je ne dis pas « tout pensé » parce que c’est audelà de la pensée, c’est vraiment très organique. Elle a pris les choses à brasle-corps, elle a embrassé son temps. Et cela me touche énormément. Cette chanson, comme Hildegarde, parle aussi de l’existence d’un monde invisible constamment présent, qui nous relie à des forces et aux gens qui ne sont


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Une vie hors du commun, entre contemplation et action

16

Filles d’Ève, filles du diable

24

Un siècle entre tensions et ardeur spirituelle

26

L’appui de Bernard de Clairvaux

28

La Règle de saint Benoît selon Hildegarde : une tradition vivante

30

Une femme puissante

32

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Qui est Hildegarde de Bingen ? Née en Allemagne au XIIe siècle, elle sera toute sa vie guidée par un destin hors du commun. Si elle entre au monastère dès l’âge de 8 ans, pour devenir moniale, puis abbesse, elle se consacre aussi à l’écriture, la médecine, la musique et joue un rôle important dans la sphère politique de son époque. Sa place de femme atypique au Moyen Âge, elle la doit également à ses œuvres visionnaires qui suscitent un vif intérêt. Canonisée et nommée docteur de l’Église par le pape Benoît XVI en 2012, elle succède ainsi à Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila et Thérèse de Lisieux. Une figure historique encore peu connue du grand public, qui se dévoile au fil de ce chapitre… HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 15


Audrey Fella

SA VIE

Une vie hors du commun, entre contemplation et action

Mystique, visionnaire et prophétesse, Hildegarde de Bingen est une « conscience inspirée du XIIe siècle1 », d’après l’historienne Régine Pernoud. Elle a écrit des livres savants, composé de la musique, créé un langage et soigné avec ses propres remèdes naturels. Autant d’œuvres qui ont contribué à son grand rayonnement et son influence jusqu’à nos jours.

 La Visionnaire Hildegarde, submergée par des flammes ardentes, enregistre ses visions, assistée de Volmar, qui documente l’expérience.

ée en 1098 près d’Alzey en Hesse rhénane, dans l’Empire germanique, Hildegarde est issue d’une famille noble de Bermesheim. De santé fragile, elle grandit tant bien que mal grâce aux soins de sa nourrice. Puis elle reçoit ses premières visions à l’âge de 3 ans. Dieu se manifeste à elle sous la forme d’une grande « lumière2 », écritelle. Raison pour laquelle ses parents, Hildebert et Mechtilde, la consacrent très tôt au service divin, comme il est d’usage à l’époque dans l’aristo­cratie. À 8 ans, la petite fille entre ainsi au monastère bénédictin « double » de SaintDisibod, dans la vallée de la Naye : celui-ci se compose de deux enclos séparés de moniales et de moines, réunis sous l’autorité d’un même abbé. Elle devient oblate sous la tutelle de son « éducatrice », l’abbesse Jutta de Sponheim. Autrement dit, elle bénéficie de la vie monastique sans prononcer de vœux. Avec cette dernière,

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Hildegarde apprend les psaumes de David et comment les chanter en l’honneur de Dieu sur le psaltérion décacorde, un instrument de musique à dix cordes. Elle découvre l’Évangile et les principaux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. De cette manière, elle se familiarise avec les connaissances dont elle a besoin pour suivre les offices religieux. Elle apprend à écrire en langue vernaculaire, mais pas en latin – cet apprentissage étant réservé aux hommes. Dès cette époque, ses dons musicaux ne font plus de doute : la musique et le chant l’accompagneront toute sa vie. Allant « de vertu en vertu3 », observant la charité, l’humilité et la simplicité, comme la Règle de saint Benoît le demande, Hildegarde prononce ses vœux vers 1112, à 14 ans, et reçoit le voile des mains de l’évêque Otto de Bamberg. Toujours visitée par la lumière divine, elle cache ses dons à ses sœurs en religion, sauf à son amie Richardis de Stade. Au long des années, Hildegarde traverse de nombreuses périodes de maladie, au point qu’elle n’a que rarement l’usage de ses jambes pour marcher. Mais si son corps souffre, son esprit se raffermit dans la foi qui


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Frédérique Basset

SA VIE

Une femme puissante

Visionnaire, poétesse, musicienne et première naturopathe d’Europe, Hildegarde de Bingen est aussi une femme politique engagée qui a entretenu une abondante correspondance avec les personnages les plus puissants de son époque. Sans les ménager !

u milieu du XIIe siècle, la réputation d’Hildegarde, la visionnaire, dépasse vite les frontières de son monastère. Ses écrits sont encouragés par Bernard de Clairvaux [lire page 28] qui l’invite en novembre 1147 au synode de Trèves afin de rencontrer le pape Eugène III. C’est à cette occasion que l’archevêque de Mayence présente le Scivias : « Sache les voies » ou Livre des visions1, au souverain pontif. « Nous sommes émerveillés, déclare le pape, que Dieu manifeste de nouveaux miracles à notre époque, et qu’il t’ait baignée de son esprit de telle sorte qu’on dit que tu vois, comprends et annonces de nombreux secrets. » Grâce à cette bénédiction papale, la porte-parole de « Celui qui parle et ne se tait pas » jouit d’une grande autorité pour intervenir dans la vie politique et contribuer à la réforme d’une Église toujours plus riche et puissante. Hildegarde entre­ tiendra dès lors une abondante correspondance avec les papes, les évêques, les abbés de monastères, les prévôts, les prêtres, les moines, les nobles et même avec les empereurs Conrad III et

Frédéric Ier, dit Barberousse. Lorsque ce dernier, qui règne entre 1152 et 1190, prétend nommer le pape et s’opposer au souverain pontife légitimement élu, Hildegarde n’hésite pas à le menacer : « Prends donc garde que le Souverain Roi ne te renverse à terre par suite de l’aveuglement de tes yeux qui ne voient pas droitement comment tu tiens dans ta main le sceptre de ton règne. Sois donc tel que la grâce de Dieu ne te manque pas. »

CONSEILS ET RÉPRIMANDES Alors que Barberousse redevient maître de la composition de l’épiscopat allemand et que la papauté est par conséquent entre les mains du pouvoir politique, Hildegarde réprimande le pape Anastase IV : « Ô homme aveuglé par ta science, qui t’es lassé de réprimer la jactance et l’orgueil chez les hommes qui sont placés sous ta protection. Pourquoi ne tranches-tu pas la racine du mal qui étouffe les herbes bonnes et utiles, celles qui ont goût de douceur et suave odeur ? Tu négliges

Porteuse d’un message qui la dépasse, Hildegarde transgresse les limites permises aux femmes.

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la fille du Roi, la Justice, qui est aimée des puissances supérieures et qui t’avait été confiée. » Elle poursuit : « Le monde est à présent dans la lâcheté, il sera bientôt dans la tristesse, puis dans la terreur. » À la fin de sa lettre, Hildegarde exhorte le pape : « Toi donc, ô homme, puisque tu sembles avoir été constitué pasteur, lève-toi et cours plus vite vers la Justice de façon que devant le Médecin suprême tu ne sois pas accusé pour n’avoir pas purifié ta bergerie de sa malpropreté et de ne l’avoir pas ointe d’huile. » La renommée de sainteté d’Hildegarde devient si grande que de puissants personnages la consultent régulièrement, telle une « pythie ». Comme P h i l i p p e d ’A l sa ce , comte de Flandre, qui lui écrit avant de partir en croisade à Jérusalem en 1177 : « Je vous demande humblement que, selon ce que vous a accordé la miséricorde divine, vous demandiez à Dieu ce qu’il me faut faire et que vous veuillez bien me dire votre conseil. »

UNE TOURNÉE DE PRÊCHES Porteuse d’un message qui la dépasse, Hildegarde transgresse les limites permises aux femmes. Elle n’a de cesse d’admonester les clercs et de s’adresser aux princes pour défendre l’Évangile face aux volontés de puissance. À 60 ans, ses visions la poussent à prêcher hors de son monastère au cours de quatre tournées dans les cathédrales de Trèves, Cologne, Mayence et Metz afin de dénoncer les abus du clergé et l’hérésie cathare. À une époque où les femmes n’inter­viennent jamais en public… Mais qui peut arrêter cette abbesse alors que la dépravation du clergé met en danger l’Église, corrompue par l’achat des charges, la dégradation des mœurs, la désobéissance et la collusion entre pouvoirs civil et religieux ? Par les fleuves, par les routes, l’infatigable Hildegarde sillonne donc la Germanie. Loin d’être condamnée pour manque de respect envers la hiérarchie, elle fait trembler le cœur des ecclésiastes, leur rappelant qu’ils ont été choisis pour faire entendre et transmettre la parole de Dieu. Ses sermons marquent

tant les esprits que les prélats la prient de leur transmettre par écrit ce qu’elle leur a exprimé de vive voix, même si ses critiques sont souvent empreintes d’une extrême véhémence : « Vous devriez être les piliers de la puissance de l’Église, vous devriez la soutenir, comme les piliers qui supportent les extrémités de la Terre, mais vous êtes prostrés, vous ne maintenez pas l’Église, vous vous réfugiez dans la caverne de vos plaisirs, vous n’enseignez pas à ceux qui vous sont confiés et vous ne leur permettez pas de rechercher auprès de vous la doctrine, en leur disant “Nous ne pouvons pas tout faire”… Parce que vous ne le faites pas, on dit de vous : “Ceux-là sont souillés et fébriles comme des ivrognes, toute leur sagesse a disparu.” Vous devriez être le jour, vous êtes la nuit. Soyez ou l’un ou l’autre ; choisissez dans quel camp vous voulez être. » Son camp, Hildegarde, elle, l’a choisi dès l’enfance, guidée jusqu’à son dernier souffle par « la lumière vivante qui illumine ce qui est obscur ». n

1. Le Scivias d’Hildegarde de Bingen décrit vingt-six de ses visions mystiques. Toutes les citations de cet article en sont extraites.

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œu Son

L’œuvre visionnaire et prophétique

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Hildegarde et les animaux

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Les vertus thérapeutiques des pierres

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La sexualité : plus saine que l’abstinence ?

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Chanter l’harmonie céleste

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Précieuses enluminures

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La langue inconnue : une énigme

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vre L’œuvre d’Hildegarde de Bingen réunit d’impressionnantes connaissances et pratiques dans des domaines aussi divers que la botanique, l’alimentation, la médecine naturelle, la musique et l’écriture. Au-delà d’une vie dédiée à la mystique chrétienne, l’abbesse cultive une approche holistique de l’être humain dans son environnement. Plantes, animaux, pierres, éléments… La nature est au cœur de ses remèdes pour soigner le corps et l’esprit. De même qu’Hildegarde n’hésite pas à louer les vertus de la sexualité. Les arts, particulièrement la musique et les chants, sont aussi au cœur de son œuvre. Plongée dans un univers passionnant du Moyen Âge… HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 35


Audrey Fella

SON ŒUVRE

L’œuvre visionnaire et prophétique

L’œuvre d’Hildegarde de Bingen est foisonnante. Trois ouvrages majeurs révèlent sa vision originale de l’univers, régi par une unité divine, où le monde et l’être humain, le corps et l’âme, la nature et le salut sont interdépendants. Cela n’est pas sans conséquence sur la destinée humaine, qui est de participer à la Création et de parachever l’œuvre divine.

 La Roue céleste 250 ans avant le célèbre Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, Hildegarde de Bingen représente l’homme dans l’univers : son « œuf cosmique » [voir page 59] laisse place à une « roue céleste », dynamique, au centre de laquelle se dresse l’homme, intrinsèquement lié à Dieu.

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es trois livres prophétiques de l’abbesse – Scivias : « Sache les voies [du Seigneur] », Le Livre des mérites de la vie et Le Livre des œuvres divines – se composent de ses visions et de leur commentaire détaillé. Inspirés par les grands thèmes et les grands textes de la Bible – parmi lesquels la Genèse et l’Apocalypse –, ces ouvrages posent un regard neuf sur le contenu de la foi, tout en restant fidèles aux Pères chrétiens et à leurs messages. Par ailleurs, ils essaient de répondre aux doutes et aux interrogations d’une époque en crise. Alors que l’Église cherche un nouveau souffle, Hildegarde, la visionnaire, tente en effet de ramener ses contemporains égarés sur la voie du salut. Toutes ses visions délivrent une connaissance profonde de l’univers et de l’être humain, du fonctionnement et des caractéristiques du firmament et de la Terre jusqu’à ceux du corps et de l’âme. Le but étant d’aider les humains à se réaliser pleinement de leur vivant.

Une clé de l’œuvre d’Hildegarde est cette vision unifiée de l’univers et de l’être humain, qui repose sur l’analogie profonde entre les natures terrestre et céleste de l’un et de l’autre. Comme il est écrit dans La Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste, fondateur de l’alchimie moderne, « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». L’humain est un miroir dans lequel se reflètent l’univers et toute la Création. Fort de ce legs, il est responsable de lui-même autant que de la Création, liée à lui. En retour, celle-ci a le pouvoir d’influer sur lui en mal ou en bien, de le déstabiliser ou de le conforter. C’est pourquoi il doit choisir entre une vie soumise aux passions et aux tribulations, et une vie qui aspire au salut, trouvant sa raison d’être dans l’amour et la sagesse. Le génie littéraire de l’abbesse réside dans la manière dont elle décrit chaque réalité matérielle et spirituelle, en associant constamment les éléments cosmiconaturels au corps et à l’âme humaine.


XXXXXX • SON ŒUVRE

cadrage a retravailler

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Frédréique Basset

SON ŒUVRE

Hildegarde et les animaux

Passionnée par le vivant, Hildegarde s’est attelée à décrire le monde animal, proche et lointain, et ses multiples richesses. En tant que médecin, elle s’intéresse également aux rapports entre monde animal et alimentation et propose des remèdes pour soigner humains et animaux.

Les êtres vivants, les animaux, les oiseaux, les poissons, les plantes et les arbres fruitiers recèlent d’extraordinaires ressources dont aucun homme n’a idée si elles ne lui ont pas été révélées par Dieu », note Hildegarde dans Le Livre des œuvres divines. Inspirée par ses visions, mais aussi par ses observations de la nature et sans doute de nombreuses lectures, notamment de Pline l’Ancien ou de

Humeurs, tempéraments et éléments Dans la pensée du Moyen Âge, le rapport entre corps et âme est si étroit qu’il est impossible de séparer les maladies de leur signification spirituelle. Pour le philosophe et médecin Avicenne, les passions sont une cause courante de maladie. En parlant d’humeurs et de tempéraments, Hildegarde reprend les notions développées par Hippocrate. Selon lui, l’univers est composé de quatre éléments auxquels correspondent quatre humeurs du corps humain : le phlegme (ou lymphe) relié à l’eau, le sang à l’air, la bile jaune au feu et la bile noire à la terre. La prédominance chez un individu de l’une de ces humeurs détermine le type de maladie auquel il sera exposé, la façon de le soigner, mais aussi le caractère de l’intéressé (ou tempérament). Claire Eggermont

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Dioscoride, elle s’intéresse largement à la faune dans son œuvre scientifique. Physica ne comprend pas moins de quatre livres répartis en grandes catégories zoologiques : poissons, volatiles (oiseaux et insectes), animaux (quadrupèdes) et reptiles, soit environ 170 espèces recensées. Elle y mentionne les caractéristiques de chaque animal avec une précision étonnante : milieu naturel, anatomie, comportement, mode de locomotion, remarquant par exemple que si tous les poissons nagent dans l’eau, ils n’évoluent pas à la même profondeur, tout comme les volatiles volent à des altitudes différentes. L’abbesse indique également comment les animaux sont sources de nourriture et de remèdes pour les êtres humains. « Les animaux qui dévorent les autres et qui sont nourris d’aliments corrompus et qui se multiplient en engendrant des portées, comme le loup, le chien et le porc, sont contraires à la nature de l’homme, comme de manger des plantes inutiles, parce que l’homme ne se comporte pas ainsi. Mais le bétail qui est nourri de pâtures pures, comme le foin ou des aliments semblables, et qui ne se multiplie pas en engendrant des portées, est bon à manger pour l’homme comme les herbes bonnes et utiles. » n


Un bestiaire domestique et sauvage Chien « Le chien est très

chaud et a quelque chose de commun et de naturel en soi avec les coutumes des humains. Il réalise et comprend l’être humain, l’aime, vit volontiers avec lui et est fidèle. Le diable déteste le chien pour sa loyauté envers les humains. Le chien reconnaît la haine, la colère et la perfidie et aboie souvent après vous […] S’il y a un cambrioleur dans la maison ou quelqu’un qui veut voler, il grogne et le menace, et se dirige vers lui différemment des autres. Il vous poursuivra en traquant son parfum avec son nez et en vous traquant. De cette façon, le voleur peut être reconnu. Le chien a parfois le pressentiment d’événements heureux ou tristes dans le futur ou déjà dans le présent. Conformément à son intuition, il grogne, les révélant. Quand les événements futurs sont bons, il est heureux et remue la queue, quand ils sont tristes, il est triste et gronde. »

Chat

« Le chat est plus froid que chaud ; il attire en lui les humeurs mauvaises et n’a pas horreur des esprits aériens, pas plus que ceux-ci ne l’ont en horreur. Il a également une sorte de parenté naturelle avec le crapaud et le serpent. Au plus fort des mois d’été, quand la chaleur est la plus élevée, le chat demeure sec et froid : alors il a soif, si bien qu’il lèche le sol et les serpents […] Le suc qu’il en tire forme en lui une sorte de poison, si bien que son cerveau et sa chair sont vénéneux. Il ne se plaît pas en compagnie de l’homme, sauf de celui qui le nourrit. »

Cerf

« Le cerf a en lui une chaleur soudaine, mais il se refroidit peu ; il est chaud et tranquille et se nourrit d’herbes pures. Quand il sent que ses bois ne poussent plus, il comprend alors qu’il commence à se dessécher et à perdre son agilité. Il va alors dans une rivière et respire les vapeurs qui s’en élèvent. Sorti de l’eau, il broute sur les berges des herbes qui lui conviennent. Sa chair est bonne à manger, pour les bien portants comme pour les malades. Si on mange les chairs du cerf, chaudes, mais non brûlantes, on purge et on allège son estomac. Celui qui mange du foie de cerf se protège le la goutte et purge et allège son estomac. »

Chevreuil

« Le chevreuil est tempéré et doux ; il a une nature pure. Il aime gravir les montagnes et rechercher l’air ; il n’est ni très chaud ni très froid, mais tempéré. Sur les montagnes, il recherche les herbes qui croissent grâce à l’air et les mange : ainsi, il se nourrit d’aliments purs et sains. Sa chair est bonne à manger pour les bien portants comme pour les malades. Si on mange sa chair, celle-ci fait disparaître les humeurs fétides. » HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 47


Son

héri Laurence Nobécourt, « Hildegarde est une figure d’insoumission, pas une rebelle »

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Mélody Molins, Institut hildegardien, « Hildegarde est la mère de la naturopathie »

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Un jardin de simples comme au Moyen Âge

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Catherine Braslavsky, « Le chant est un instrument du spirituel »

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Yamu, bienvenue à la table d’Hildegarde !

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Cuisiner selon Hildegarde. Quelques recettes et astuces…

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tag ge Que peut-on retenir de l’œuvre d’Hildegarde de Bingen ? Pourquoi suscite-t-elle aujourd’hui de nouveau la curiosité ? « Hildegarde est la mère de la naturopathie », rappelle Mélody Molins, fondatrice du premier institut de formation hildegardien en France. Remèdes naturels, jardin de simples, alimentation saine et variée, recettes créatives, inspirations artistiques, quête spirituelle… Ses influences sont encore nombreuses. Adaptés au goût du jour, la pensée et les savoir-faire d’Hildegarde de Bingen ont su traverser les siècles. Rencontre avec plusieurs de ses aficionados… HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 75


SON HÉRITAGE

Frédérique Basset

MÉLODY MOLINS, INSTITUT HILDEGARDIEN

« Hildegarde est la mère de la naturopathie »

Guérie d’une grave maladie par la méthode d’Hildegarde de Bingen, Mélody est devenue naturopathe. En 2009, elle crée à Saint-Avé, près de Vannes, en Bretagne, l’Institut hildegardien, premier centre de formation francophone de référence.

l faut parfois traverser de grandes épreuves pour trouver son chemin. Mélody Molins en a fait la douloureuse expérience. À l’adolescence, la jeune fille souffre d’une grave maladie. Elle est incapable de marcher ou de s’alimenter seule, et les médecins qu’elle consulte lui annoncent qu’ils ne peuvent rien pour elle. Mélody cherche d’autres pistes pour se soigner… en vain. Jusqu’au jour où, dans les années 1990, on lui offre un livre d’Hildegarde de Bingen. « Je devais trouver des solutions, se rappelle-t-elle, et vu l’état dans lequel j’étais, je me suis dit que je pouvais tester les préparations d’Hildegarde et que je verrais bien si elles étaient efficaces ou non. » À l’époque, ces préparations sont commercialisées en Allemagne seulement, non en France. Internet n’existe pas encore, et l’adolescente ignore où et comment les commander. Par ailleurs, elle ne connaît personne qui s’intéresse à Hildegarde et aucun naturopathe spécialisé dans son domaine. « Il a fallu que je me débrouille toute seule, raconte-t-elle. J’ai acheté les plantes, je les ai broyées pour fabriquer des recettes maison. Et ces recettes m’ont fait du bien ! Ma maladie a été pour moi le moyen de découvrir Hildegarde, et d’un problème, j’ai non seulement trouvé une solution, mais aussi une vocation. » 80 • KAIZEN • HORS-SÉRIE N° 19


les formulations, car les posologies étaient floues à l’époque : Hildegarde dosait ses préparations à l’aide de coques de noix. Ils ont tout traduit avec précision en grammes et en millilitres. De mon côté, j’ai adapté les écrits d’Hildegarde aux habitudes alimentaires françaises. » Mélody en est intimement convaincue, les préceptes d’Hildegarde sont résolument modernes et adaptés à notre monde contemporain. « Ce qu’elle a décrit – les maladies auto-immunes, le processus du cancer… – était visionnaire, et l’être humain n’a pas tellement changé depuis neuf cents ans. Les recettes qui fonctionnaient alors fonctionnent aujourd’hui avec la même

Les préceptes d’Hildegarde sont résolument modernes et adaptés à notre monde contemporain. efficacité. D’ailleurs, si les gens adhèrent à cette approche, c’est bien parce que les résultats sont là. Elle était tellement en avance sur son temps ! Elle affirmait que l’intestin était la base de tout, ce qui est avéré de nos jours. Dans son régime, elle indiquait qu’on ne devait pas consommer certains aliments comme le porc, les poireaux, les prunes, les pêches ou les fraises, car ils ne sont pas bons pour la santé. Les personnes qui souffrent de douleurs articulaires en ont beaucoup moins quand elles suppriment ces aliments. »

UNE SOURCE D’INSPIRATION Le chemin parcouru avec Hildegarde n’a pas toujours été facile pour Mélody. « Au début, j’ai dû m’accrocher ! Quand on est pionnier, on essuie tous les plâtres ! Mais personne ne m’a mis de bâtons dans les roues. Comme j’ai été guérie grâce à cette méthode, j’ai pu convaincre d’autres personnes. Et le bouche-à-oreille a très bien fonctionné. Ma plus grande récompense, ce qui me motive plus que tout autre chose, ce sont les gens qui me remercient et me disent, “grâce à vous ou grâce aux cours que j’ai suivis à l’institut, j’ai trouvé des solutions pour moi ou mes proches”. Ces retours positifs m’aident à dépasser les contraintes administratives inhérentes à l’entreprise. »

Hildegarde est depuis de nombreuses années une véritable source d’inspiration pour Mélody. Non seulement pour son approche, mais aussi en tant que femme. « Elle a osé des choses qu’elle a été la seule à faire à son époque. Elle a notamment tenu tête aux autorités religieuses en soignant dans son couvent une personne qui n’était pas croyante. Elle avait une tolérance et une ouverture d’esprit incroyables au sein d’une société qui n’en avait pas. Elle avait du cran, n’avait peur de rien, c’était un peu une féministe avant l’heure. Comment ne pas la trouver inspirante ? » À 39 ans, Mélody Molins est convaincue d’être la preuve par l’exemple que la méthode d’Hildegarde de Bingen donne des résultats. Complètement guérie aujourd’hui, elle continue néanmoins de suivre ses préceptes. « Je m’alimente quotidiennement avec ses recettes et fais régulièrement des cures de plantes. » Est-ce grâce à ces recettes qu’elle déborde d’énergie ? Quand elle n’est pas à l’institut ou ne participe pas à des congrès internationaux, où elle donne des conférences, Mélody Molins s’emploie à diffuser la parole d’Hildegarde à travers ses livres. En 2015, elle a créé les éditions IH et écrit trois ouvrages : Hildegarde pour les débutants, Hildegarde dans ma cuisine, Hildegarde et les pierres. Trois autres titres consacrés à la lithothérapie sont parus en mars 2022. « Ce qui m’importe aujourd’hui, conclut-elle, c’est de rendre le savoir universel d’Hildegarde accessible à tous. » n

POUR ALLER PLUS LOIN Institut hildegardien 10C rue Joseph Le Brix, 56890 Vannes 02 97 62 85 81 • institut-hildegardien.com • contact@institut-hildgardien.com HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 83


Frédérique Basset

SON HÉRITAGE

Un jardin de simples comme au Moyen Âge

Dans tous les monastères médiévaux, la pharmacie se trouvait au jardin. Un jardin de culture au dessin riche en symboles, mais aussi un lieu de méditation où s’exerçait la vie spirituelle. Comme Hildegarde, créez à votre tour votre jardin de plantes médicinales. Rien de plus simple !

es hôpitaux tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas à l’époque médiévale. On venait se faire soigner dans les monastères. Dans celui d’Hildegarde, comme dans tous les monastères du Moyen Âge, le jardin comportait un herbularius ou « jardin de simples ». Planté d’espèces médicinales et aromatiques, il était essentiel pour fournir la pharmacopée issue des plantes. Clos de murs, il était alimenté en eau de source par un puits ou une fontaine et remplissait deux fonctions : à la fois utilitaire pour soigner les maux du corps, et méditatif pour élever l’esprit. Car plus qu’un simple lieu d’agrément ou de culture, il faisait partie intégrante de la vie spirituelle des moines et moniales. Alors qu’à l’époque médiévale, le cercle révèle le divin, le carré exprime le terrestre, c’est-à-dire l’univers créé. Les jardins de plantes médicinales au temps d’Hildegarde sont donc toujours des carrés au nombre de quatre. Un chiffre symbolique, qui évoque les quatre évangiles, les quatre points cardinaux et les quatre éléments, l’air, la terre, l’eau et le feu. Source de vie, la fontaine, quant à elle, symbolise les quatre fleuves du paradis. 84 • KAIZEN • HORS-SÉRIE N° 19

Le jardin de simples d’Hildegarde, c’était sa pharmacie, dans laquelle elle cueillait les plantes qui permettaient de maintenir l’équilibre, aussi bien du corps que de l’âme, pour éviter la maladie. Une approche avant tout préventive.

LA SAUGE, REMÈDE PAR EXCELLENCE Quelles espèces poussaient dans l’herbularius d’Hildegarde ? On y trouvait des plantes comme la rue, hautement toxique, mais qu’Hildegarde utilisait pour « apaiser les bouillonnements excessifs du sang chez l’homme », ou encore la tanaisie, toxique elle aussi, « efficace contre toutes les humeurs superflues qui s’écoulent ». Aujourd’hui, on évitera bien sûr d’utiliser ces espèces et l’on préférera des plantes dont les propriétés médicinales et l’innocuité sont avérées ! La sauge officinale, dont on dit encore aujourd’hui « qui a de la sauge dans son jardin n’a pas besoin de médecin », est le remède par excellence contre les maux d’estomac, les migraines ou les rhumatismes : « Celui qui souffre de rhumatisme doit cuire la sauge dans l’eau et la boire, et les humeurs et les mucosités diminueront en lui », ou encore l’aigremoine pour soigner « celui qui a perdu le savoir et le bon sens ». Pour Hildegarde, la verveine était


 Jardin médiéval de Bois Richeux (Eure-et-Loir). La ferme de Bois Richeux est l’une des plus anciennes fermes de France, établie à l’époque celte, au centre de la forêt des Carnutes, près d’Orléans, aujourd’hui plus grande forêt domaniale de France.

Le jardin de simples remplissait deux fonctions : à la fois utilitaire pour soigner les maux du corps, et méditatif pour élever l’esprit.

HORS-SÉRIE N° 19 • KAIZEN • 85


SON HÉRITAGE • UN JARDIN DE SIMPLES COMME AU MOYEN ÂGE

Graines d’herboristes MODE D’EMPLOI

ous les ingrédients sont réunis pour créer à votre tour un beau jardin de simples. Commencez par dessiner quatre carrés d’environ 1 mètre de côté, surélevés de 20 centimètres, ce qui permettra de réchauffer la terre et de maintenir l’humidité du sol. Chaque carré doit être séparé par des allées en croix pour faciliter le drainage et la circulation du jardinier. Entourez les carrés d’une bordure de buis ou, comme à l’époque d’Hildegarde, de plessis (des haies composées de branches tressées de châtaignier, de noisetier, d’aulne ou de frêne). Au milieu, installez une fontaine ou, si ce n’est pas possible, une vasque d’eau. Les oiseaux vous en seront reconnaissants Choisissez les plantes médicinales et aromatiques qui correspondent le plus à vos envies et vos besoins, et surtout celles qui se sentiront bien dans votre jardin. Privilégiez les variétés locales, adaptées au climat et à votre sol afin qu’elles puissent s’épanouir sans avoir besoin de trop de soins. La très grande majorité de ces plantes se plaisent en plein soleil. Bien entendu, les traitements chimiques, nuisibles à la terre, à l’air mais aussi aux vertus médicinales des plantes, sont à bannir. Après la plantation, n’oubliez pas de bien arroser. Voilà, votre jardin est prêt à accueillir non seulement des plantes, mais aussi les insectes pollinisateurs qui raffolent de leur parfum !

LE TEMPS DE LA RÉCOLTE D’une façon générale, on ne récolte les parties utiles de la plante que quand celles-ci sont fraîches, c’est-à-dire lorsque les fleurs sont à peine ouvertes et les feuilles bien vertes. Une fois cueillies, disposez-les dans un panier en osier pour éviter la fermentation. Tout de suite après la récolte, faites-les sécher sur des planches dans 88 • KAIZEN • HORS-SÉRIE N° 19

un endroit abrité du soleil, sec et suffisamment aéré. Après quelques jours, placez-les dans des bocaux fermés hermétiquement afin de bien les conserver et rangez-les dans un endroit sec pour empêcher le développement de moisissures. Un rhume, une digestion difficile ? Le remède est dans votre jardin ! Cueillez quelques feuilles ou fleurs, mettez-en une pincée dans une tasse et versez de l’eau frémissante dessus. Couvrez, laissez infuser entre cinq et dix minutes et filtrez avant de boire. À votre santé !



Frédérique Basset

SON HÉRITAGE

Cuisiner selon Hildegarde Quelques recettes et astuces…

Mélody Molins, créatrice de l’Institut hildegardien, n’a de cesse de partager l’approche du bien-être développée par l’abbesse. Une démarche holistique qui a aussi toute sa place en cuisine : la preuve en quelques conseils alimentaires et recettes, gourmands et bons pour la santé !

Le fenouil

« Le fenouil contient une douce chaleur, et sa nature n’est ni sèche ni froide. Mangé cru, il ne fait pas de mal à l’homme. Et, de quelque façon qu’on le mange, il rend le cœur joyeux ; il procure à l’homme une douce chaleur, une bonne sueur et assure une bonne digestion. Sa graine est également de nature chaude et elle est bonne à la santé de l’homme si on l’ajoute à d’autres plantes dans les médicaments. Celui qui mange du fenouil ou de sa graine chaque jour à jeun diminue le flegme et la décomposition, adoucit l’odeur de son haleine, et s’assure une bonne vue grâce à sa bonne chaleur et à ses bonnes propriétés. » 106 • KAIZEN • HORS-SÉRIE N° 19

Soupe au fenouil Ingrédients pour 6 personnes 5 fenouils 6 carottes 1 l d’eau Cumin, sel et poivre 100 ml de crème d’amande

RECETTE 1. Lavez les légumes et coupez-les en petits morceaux. Mettez-les dans une marmite, ajoutez l’eau et assaisonnez avec le cumin, le sel et le poivre. 2. À la fin de la cuisson, ajoutez la crème d’amande avant de mixer le tout.


Steak au pois chiche et à l’épeautre Ingrédients pour 8 à 10 steaks 100 g de farine d’épeautre non hybridé 200 g de farine de pois chiches 3 œufs 200 g de gruyère de chèvre ou de brebis 2 c. à s. de cumin, sel et poivre

RECETTE 1. Mettez tous les ingrédients dans un saladier et formez une pâte compacte. 2. Dans une poêle huilée, disposez des ronds en forme de steaks. Faites cuire environ 3 minutes de chaque côté.

L’épeautre « L’épeautre est un excellent grain,

de nature chaude et plein de force, et plus doux que les autres grains : à celui qui le mange, il donne une chair de qualité, et fournit du sang de qualité. Il donne un esprit joyeux et met de l’allégresse dans l’esprit de l’homme. Sous quelque forme qu’on le mange, soit sous forme de pain, soit dans d’autres préparations, il est bon et agréable. »

Salade aux graines de chanvre

Le chanvre « Le chanvre est chaud, et il pousse

quand l’air n’est ni trop froid ni trop chaud, telle est sa nature. Sa graine contient la santé, et, pour les gens en bonne santé, il constitue une saine nourriture ; dans l’estomac, il est léger et utile, parce qu’il diminue quelque peu les écoulements d’humeurs, on peut le digérer facilement et il diminue les humeurs mauvaises et renforce les bonnes. »

Ingrédients pour 2 personnes Salade verte 1 betterave cuite 10 châtaignes cuites 4 c. à s. de grain ou riz d’épeautre cuits 1 c. à c. de graines de chanvre

Sauce 1 c. à c. de moutarde aux orties 2 c. à s. de vinaigre de vin 5 c. à s. d’huile de tournesol 2 c. à s. d’huile de chanvre Sel et poivre

RECETTE 1. Garnissez deux bols avec la salade. 2. Ajoutez la betterave coupée en dés et cinq châtaignes finement effilées.

3. Ajoutez le grain ou le riz d’épeautre cuit et les graines de chanvre. 4. Ajoutez la sauce et mélangez le tout.

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Pourquoi s’intéresser à Hildegarde de Bingen, une abbesse du Moyen Âge ? Parce que c’était une visionnaire. Dans les deux sens du terme. Est-ce parce qu’elle a eu des visions qu’elle était visionnaire ou parce qu’elle était visionnaire qu’elle a eu des visions ? Nous ne le saurons jamais ! Ce qui est établi, en revanche, c’est qu’elle a semé des graines qui, depuis, ont fleuri : • Naturopathie (soin par les plantes, alimentation saine, équilibre des énergies…) : Hildegarde de Bingen est une pionnière de cette approche holistique. • Féminin : au Moyen Âge, alors que la féminité questionne, voire inquiète, Hildegarde de Bingen évoque le désir charnel, la semence masculine (semen) et l’écume féminine (spuma)… • Arts (chant, poésie, enluminures…) : Hildegarde de Bingen laisse une œuvre totale, à (re)découvrir. • Politique : dans un univers très patriarcal, Hildegarde de Bingen conseille les puissants : les papes, Henri II d’Angleterre, etc. Toute sa vie, Hildegarde de Bingen, aussi sage qu’audacieuse, a fait preuve d’une grande modernité. Près de mille ans plus tard, son œuvre est plus que jamais d’actualité et source d’inspiration dans de nombreux domaines (médecines douces, nutrition, musique, littérature…)

L 13367 - 19 H - F: 12,00 € - RD

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« Quoi que vous pensiez ou croyiez pouvoir faire, faites-le. L’action porte en elle la magie, la grâce et le pouvoir. » Goethe


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