KAIZEN 57 : Vivre avec la forêt

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JUILLET AOÛT 2021

DÉCRYPTAGE

MIELS

PAS SI NATUREL !

COUV SOLUTIONS

ÊTRE PAPA… ÇA S’APPREND

AUTONOMIE

SLACKLINE

UN FIL DE VIE

FORÊT

VIVRE AVEC LA

INTERVIEW

BEL/LUX 7,20 € - CH 11 FS - ESP 7,40 € - DOM 7,40 € TOM 850 XPF - MAR 80 MAD - TUN 11,90 TND

CORINNE MASIERO

1 « L’ÉCOLOGIE, C’EST UN QUESTIONNEMENT »


Éditeur SARL EKO LIBRIS au capital de 98 913 € Siège social 74A, rue de Paris - 35000 Rennes info@kaizen-magazine.fr www.kaizen-magazine.com

EDITO

Magazine bimestriel numéro 57 Juillet-août 2021 Imprimé sur papier certifié PEFC Fondateurs Cyril Dion, Yvan Saint-Jours, Patrick Baldassari et Pascal Greboval Directeur de la publication Patrick Baldassari Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin Journalistes multimédias Maëlys Vésir Marius Gouttebelle Directrice administrative et financière Céline Pageot Attachée commerciale Aurore Gallon Community manager Joséphine Pierre Gestionnaire service abonnements Delphine Le Louarn Stagiaires pour ce numéro Alicia Blanchet Léopold Picot Marie Thomazic Abonnements et commandes 74A, rue de Paris - 35000 Rennes abonnement@kaizen-magazine.fr Tél. 02 23 24 26 40 Direction artistique, maquette et mise en pages • www.hobo.paris hobo.paris - hobo@hobo.paris Tél. 06 12 17 87 33 Photo de couverture © www.plainpicture.com Prépresse Schuller-Graphic 18, rue de l’Artisanat 14500 Vire Tél. 02 31 66 29 29 Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (Imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières-les-Vallées SIRET : 539 732 990 000 38 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0322 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. 05 63 94 15 50 Distribution MLP Vente au numéro pour les diffuseurs Destination Média • Tél. 01 56 82 12 00 contact@destinationmedia.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peuvent être reproduits sans l’autorisation du magazine. Merci.

Pascal G reboval

MISE

ÉDITO À NU Q

«

ue la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être, mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. » Cette invitation personnelle de l’empereur Marc Aurèle, rédigée il y a près de deux mille ans, a gardé toute sa pertinence. Surtout en cette période d’effondrement ! Oui, on peut le dire : l’effondrement a commencé. Pas au sens millénariste, apocalyptique, mais selon l’acception donnée par Cynthia Fleury : « l’effondrement d’un accès équitable à toutes les ressources qui ont fait la modernité ». Un exemple volontairement simple : l’abricot. Un des symboles savoureux de cette saison estivale ! La récolte d’abricots en France en 2021 devrait accuser une baisse de plus de 40 % par rapport aux années précédentes. En cause : les gelées d’avril, fruits du dérèglement climatique. À la suite de cet épisode, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie clamait qu'il s'agissait de la « plus grande catastrophe agronomique du siècle » ! Deux mois plus tard, début juin, il arbitre, avec le gouvernement, un fléchage des aides de la PAC en faveur des utilisateurs de pesticides et engrais au détriment des adeptes du bio. Cherchez l’erreur ! L’effondrement est aussi intellectuel. Pour protester contre cette décision, des centaines d’agriculteurs et d’agricultrices ont aussitôt manifesté en tenue d’Adam et Ève. « Le gouvernement met les agriculteurs bio à poil », dénoncent-ils. C’est dans cette même tenue que Corinne Masiero a apporté son soutien aux intermittents du spectacle lors de la cérémonie des Césars en mars 2021, badigeonnée en rouge sang du slogan « no culture, no future ». La mise à nu avant la mise à mort ? La mise à nu symbole de l’effondrement, ou de la métamorphose ? L’actrice croit davantage en la seconde option [lire page 6]. Nous serions dans un moment qui va favoriser l’éclosion de mutations équivalentes à celles du Front populaire. Dès lors, l’effondrement devient un épisode joyeux ! Pour savourer cette joie, nous avons besoin de courage. Comme l’ont eu ces Français·es en 1936. Courage de ne plus céder aux sirènes de la facilité. Courage de prendre soin des écosystèmes qui nous entourent. Courage de rester droit, face à son miroir, le matin. Courage de retisser du lien. L’été est un moment propice pour emmagasiner du courage. Alors je vous souhaite de faire le plein de courage ! n

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SOMMAiRE RENCONTRE Corinne Masiero

K AI ZEN N° 5 7 - JUIL L ET- AO ÛT 2 0 21

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ET SI ON LE FAISAIT ENSEMBLE ? 46 Domaine naturel d’Hostens, des bains de forêt pour tous

D.I.Y. Fruits rouges, bonne mine garantie !

CHRONIQUE Christophe André La vie dans les bois

JE VAIS BIEN, LE MONDE VA MIEUX 74 Slackline, un fil de vie

SOMMAIRE

CHRONIQUE 12 Quitterie de Villepin La nécessité des réunions non mixtes

EN CHIFFRES 14 Jeux olympiques, quelle médaille en carbone ?

EN QUÊTE DE SENS 52 Émile Auté, de restaurateur à paysan du thé

ENQUÊTE L’apiculture, un élevage intensif comme un autre ?

GOÛT DE L’ENFANCE Des ateliers pour apprendre à être père

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CRÉATEURS DE CULTURE Je suis la piste, le pistage pour se reconnecter au vivant

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VENT D’AILLEURS Espagne Paître avec les loups

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MOTS CROISÉS Tour de France, à quand le maillot vert ?

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BD Benoît Guillaume L’écovolontariat

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LA NATURE MISE À NU 20 Les moustiques communs, pas faciles à défendre, et pourtant…

DOSSIER

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VIVRE AVEC LA FORÊT

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PORTFOLIO

ALEXANDRE SATTLER LES HIMBAS

Un don ponctuel ? Un don mensuel ? * www.okpal.com/soutenir-kaizen-magazine * Dons déductibles d’impôt à 66 %

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EN CHIFFRES Amande, un arrière-goût amer

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VIVRE EN OASIS Multikulti, l’art de cultiver le lien

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BD Mathilde Ruau Stento Au potager ! Haro sur le mildiou !

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CUISINE Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? Tofu soyeux En mode zéro déchet ! Concombre

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SÉLECTION KULTURELLE

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CHRONIQUE Dominique Bourg Éloge de l’arbre

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Origine du papier : pages intérieures : Belgique ; encart : Allemagne ; couverture : Pays-Bas. Taux de fibres recyclées : 0 %. Ce magazine est imprimé sur un papier issu de forêts gérées durablement. Eutrophisation : Ptot = 0,018 kg/t. Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement.

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R e ncon t r e

CORINNERENCO MASIERO DÉCRYPTAGE

Pascal G reboval et Sabah R ah m an i Mar ie- Cl ém en ce D av id

Connue du grand public pour la série Capitaine Marleau, Corinne Masiero l’est aussi pour son engagement aux côtés des intermittents, des précaires. Pour Kaizen, elle évoque son engagement écologique et féministe. Une rencontre sans langue de bois.

BIO EXPRESS 1964 Naissance à Douai (Nord) 1979 Fait un tour d’Europe en stop, revient en France passer un bac littéraire, puis sombre dans l’alcool, la drogue et la prostitution 1993 Apparaît dans Germinal de Claude Berri 2013 Nommée au César de la meilleure actrice pour Louise Wimmer de Cyril Mennegun Depuis 2015 Incarne Capitaine Marleau dans la série de France 3

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Vous avez connu un parcours difficile dans votre jeunesse : la drogue, la rue… Avez-vous l’impression d’incarner ce qu’on appelle aujourd’hui la « résilience » ? Mon parcours ne se résume pas à la came et au tapin. D’autres choses m’ont créée et m’ont forgée, sinon je ne serais pas là à vous parler. Je ne suis pas un cliché. Je ne revendique rien pour personne. Si des gens prennent mon parcours comme modèle, ça leur appartient. Mais bien sûr que la résilience, ça me parle, parce que j’en suis un des produits. Il y a beaucoup à dire sur la résilience ; des gens ne peuvent pas y accéder. C’est le fruit d’un certain travail sur soi, et on n’a pas tous la possibilité de le faire. La résilience ne peut exister qu’avec un réseau de gens autour de soi, dans la vie de tous les jours, des gens qui tendent la main à un moment. Comment ça s’est passé pour vous ? Ça a été le théâtre. Vingt minutes de ma vie qui ont tout changé. J’avais 28 ans. Depuis toujours, je cherchais un sens à ma vie. J’étais avec des gens qui faisaient du théâtre, qui m’hébergeaient, me trouvaient des jobs. Je les ai accompagnés pour donner un coup de main, charger des camions. Et pendant qu’ils répétaient, la metteuse en scène nous a proposé de venir avec eux faire un échauffement corporel. Donc je suis montée sur le

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plateau. Je ne connaissais pas cet univers. On a fait des exercices physiques et après, on a fait des jeux d’acteurs. Et là, je me suis dit : « J’ai l’air con, mais personne n’est dans le jugement. » Ça a duré vingt minutes. Et quand ça s’est terminé, la metteuse en scène a dit : « Bon, maintenant, on va commencer les répétitions. » J’ai répondu : « Moi, je reste là. » Elle m’a donné un rôle sur la pièce suivante et depuis, je n’ai jamais arrêté de jouer. Vous dites ne pas être un exemple, mais pour s’en sortir comme vous l’avez fait, pensezvous que cela tient à une part de chance ou que c’est à chacun de se prendre en main ? Oui, il faut se bouger le cul. Mais parfois, on est dans un état personnel, psychologique ou physique, qui ne le permet pas. On peut aussi faire partie d’une frange de la société qui ne le permet pas, car on n’a pas les codes. Je viens d’un milieu prolo. Il n’y avait pas d’artistes dans ma famille. Ce n’était pas un truc envisageable. Le vrai métier, c’était travailler à l’usine ou, au mieux, monter un magasin. Le reste, c’était pour les bourges. Donc on ne peut pas toujours se bouger le cul tout seul ; c’est important d’avoir des gens autour de soi qui nous montrent d’autres choses, pour prendre de nouvelles habitudes. Il faut aussi accepter d’avoir tort, ne pas avoir peur de l’inconnu. Comme quand tu es habitué à bouffer


DÉCRYPTAGE

ONTRE

“L’ÉCOLOGIE, C'EST UN QUESTIONNEMENT "

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Quitterie de Villepin DÉCRYPTAGE

C h r o n ique

EXPLOR AT R IC E EN DÉMOC R AT IE

Bast ie n D u b o i s

S

LA NÉCESSITÉ

CHRONIQUE Quitterie de V

DES RÉUNIONS NON MIXTES

i c’est juste pour pouvoir se parler “entre soi” de ce qu’on subit, il y a des cabinets de psy pour ça, il y a des associations pour ça. L’Université, ce n’est pas En thérapie sur Arte ! » Le 23 mars 2021, voilà ce que Caroline Fourest déclarait sur LCI face à David Pujadas au sujet des réunions non mixtes du syndicat étudiant Unef. Je fus interloquée par cette phrase, par son mépris. En renvoyant sine die des victimes du racisme sur le divan, cette dame renforce leur isolement, les empêche de qualifier collectivement leur problème et, finalement, les assigne à l’expulsion. Cela m’a cependant donné matière à réfléchir sur mon expérience personnelle des réunions non mixtes auxquelles je participe actuellement dans le cadre du parcours « Investies » créé par et pour des femmes se préparant aux responsabilités politiques. Le programme a été monté en dehors des partis, entre femmes. Pourquoi ? Parce que

«

« Les victoires sociales arrivent quand des femmes et des hommes qui souffrent d’un même problème se réunissent pour y remédier. » celles qui en furent à l’origine, dont je fais partie, y ont traversé des obstacles très importants et ont subi des violences inacceptables. À l’époque, je me demandais souvent si c’était moi qui étais trop sensible pour nager dans ces eaux troubles. Comme beaucoup de militantes et militants, de tous horizons confondus, je m’étais engagée pour servir mon pays. Au début, tout était rose, beau ; je m’y suis déployée corps et âme. Et très vite, le tableau s’est assombri : élections internes où les gens sont prêts à s’entre-tuer, fraudes, menaces, harcèlement, violences sexistes, etc. Tous ces

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usages toxiques ne sont même pas conscients tant ils sont ancrés. Au bout de six ans à 200 %, j’ai quitté cet engagement partisan, dans un réflexe de survie et de protection de mon intégrité. J’ai mis du temps à cicatriser, et ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard, en allant à la rencontre de nombreuses femmes passées par la politique, que je me suis rendu compte à quel point nos expériences étaient similaires. Ça n’était donc pas nous qui étions inadaptées, c’était le système politique qui était dysfonctionnel. Sans aller vers mes paires, je n’aurais pas compris ce caractère systémique qui nécessite une prise en charge collective. Cette reconnaissance d’une réalité partagée nous a permis de nous mobiliser à nouveau. Les victoires sociales arrivent quand des femmes et des hommes qui souffrent d’un même problème se réunissent pour y remédier. Les écolos, les syndicats, les victimes de racisme, de discrimination à l’embauche, de violences sexuelles… notre société est tout entière construite sur des réunions non mixtes ! J’interprète la peur à l’encontre de ces réunions comme celle d’une auto-organisation qui émancipe, qui aide à la construction, qui amène à l’engagement dans le débat public, à la prise de décision collective. Un être qui va vers les « autres » pour comprendre et apprendre exprime clairement son désir de vivre en société, à l’opposé des accusations de séparatisme et de division dont il peut être la cible. On évolue de cercle en cercle. On a toutes et tous vécu des phénomènes de radicalisation, à un moment ou à un autre de nos vies, où l’on adhère complètement à une cause, parfois en s’y perdant. Au fur et à mesure, on apprend à discerner, à faire grandir notre esprit critique. Le lieu qui nous relie est celui de la démocratie accueillant chacune et chacun, d’où que l’on vienne, pour élaborer ensemble nos destinées communes. n


N ol wen n Weil er

E n q u e^ t e

DÉCRYPTAGE

L e Cil Ver t

L’APICULTURE, UN ÉLEVAGE INTENSIF COMME UN AUTRE ?

ENQ

Quoi de plus naturel qu’une abeille butinant une fleur ? Derrière cette image idyllique se cachent des pratiques qui le sont moins : usage de pesticides, sélections génétiques en cascade, voire maltraitances. Si les abeilles vont mal, c’est aussi (parfois) à cause de l’apiculture.

Q

uand on pense à l’effondrement des abeilles, on se désole des pulvérisations de pesticides dans les champs, on regrette que la biodiversité se soit tant appauvrie et on redoute le réchauffement climatique qui aggrave la situation. Bien réelles, ces menaces en cachent une autre, insoupçonnée : les pratiques apicoles elles-mêmes. Le vétérinaire spécialisé Gilles Grosmond cite le point « déterminant » de la manipulation génétique, avec des rachats de reines « plus performantes » venues du monde entier : « En même temps qu’ils ont importé des reines, les apiculteurs ont importé des virus, beaucoup de virus, car les abeilles sont les seuls animaux d’élevage que l’on ne contrôle pas aux frontières. » Le résultat de ces échanges mondiaux non maîtrisés est réellement problématique.

CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DISETTES « Dans les années 1950, retrace Gilles Grosmond, on avait une ou deux ruches par ferme, avec des colonies d’abeilles noires, sédentaires, sur lesquelles on trouvait une à deux souches de virus. Les abeilles avaient appris à vivre avec et à y résister. Aujourd’hui, chaque colonie est infectée par cinq ou six virus. » Tout cela s’est fait si rapidement que les insectes n’ont pas eu le temps de 16

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s’adapter. « En 2014, lors de mes premiers travaux, on identifiait moins de vingt virus, cite Anne Dalmon, chercheuse à l’Inrae, spécialiste des virus de l’abeille. Aujourd’hui, on est à plus de cent virus, dont une dizaine vraiment pathogènes. » Le varroa, acarien parasite arrivé au gré des échanges mondiaux, joue un rôle clé dans cette dissémination des virus. Il reste « la voie majeure de transmission », remarque Anne Dalmon, et peut avoir un effet démultiplicateur des virus. Les butineuses domestiques sont d’autant plus vulnérables qu’elles font face à la raréfaction de leurs ressources alimentaires. « Les disettes, provoquées par les changements climatiques, en affaiblissant les abeilles, pourraient favoriser indirectement la prolifération des virus », note Anne Dalmon. « Quand on a débuté, en 1986, on faisait 15 à 20 kilos de miel par ruche en zone de montagne. Là, on ne fait plus rien du tout, illustre Gilles Deshors, qui pratique l’apiculture bio depuis plus de trente ans. Nous ne savons pas exactement pourquoi. C’est peut-être à cause de la sécheresse, avec des fleurs qui, du coup, ne font plus de nectar. » Il évoque aussi les coups de gel qui sévissent juste après de grosses chaleurs, mettant à mal les fleurs qui avaient éclos, celles des acacias notamment, dont les abeilles sont friandes.


DÉCRYPTAGE

QUÊTE TRANSHUMANCES ET CONCURRENCE Pour Bernard Bertrand, apiculteur et fondateur de la revue Abeilles en liberté, les virus s’échangent d’autant plus facilement que les ruchers grossissent, provoquant des rassemblements d’insectes sur des espaces réduits, et qu’ils sont baladés à travers la France, voire l’Europe, pour suivre les floraisons : « Après la Seconde Guerre mondiale, l’élevage des abeilles s’est industrialisé, les transhumances se sont systématisées, facilitées par la généralisation des véhicules à moteur. » Aujourd’hui, 40 % de la production française de miel est produite en transhumance1. Et plus les élevages sont gros, plus ils transhument. Seulement 4,3 % des apiculteurs ayant moins de 50 ruches déplacent leurs ruches sur de longues distances contre 67 % de ceux ayant plus de 400 ruches (et 45 % de ceux ayant entre 150 et 399 ruches). En même temps qu’elle favorise la transmission des maladies, la concentration de colonies dans des grands ruchers condamne certains butineurs – notamment les abeilles solitaires – à la famine, car il y a alors une forte concurrence sur les ressources alimentaires. L’installation de ruches sur les toits de Paris a entraîné une chute du nombre d’abeilles solitaires dans la capitale. Sceptique sur cette notion de famine, Gilles Deshors admet

que la multiplication de colonies dans un même périmètre peut poser problème : « Il y a de plus en plus d’apiculteurs. Nous étions 500 en 1989, nous sommes 3 600 aujourd’hui, constate-t-il. Si l’on ajoute cela au changement climatique, avec de grandes zones qui ne miellent plus, on a de vrais risques de concurrence sur les aires de butinage. »

TROP DE SUCRE POUR NOURRIR LES ABEILLES ? D’aucuns – apiculteurs non professionnels – reprochent aux producteurs de miel d’accroître sans cesse la taille des ruches, obligeant les abeilles à augmenter les volumes produits, et les poussant au-delà de leurs forces. Une abeille pèse

« Après la Seconde Guerre mondiale, l’élevage des abeilles s’est industrialisé, les transhumances se sont systématisées. » 100 milligrammes et elle transporte dans son jabot 40 milligrammes de nectar, à partir duquel elle fabrique le miel. « C’est réellement une sportive de haut niveau, souligne Gilles Grosmond.

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DOSSIER

M ari on Paq uet Si mon Pouyet

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VIVRE AVEC LA

FORÊT Elle abrite contes et légendes, histoires magiques ou terrifiantes, elle stimule notre imaginaire. Elle est symbole de liberté, de vie sauvage, voire de mysticisme. Elle est le refuge d’une riche biodiversité, produit notre oxygène, filtre notre eau et couvre près du tiers du territoire métropolitain1. La forêt fascine, et 83 % des Français considèrent qu’elle est importante dans leur vie2. Malgré cela, la forêt française est menacée, notamment par l’exploitation intensive des bois, dont trois quarts appartiennent à des propriétaires privés. Il est temps d’agir pour la préserver : en se reconnectant à son monde, apprenons à sauver le nôtre !

Découvrez le portrait de Guillaume Ougier, sculpteur de forêt sur https://kaizen-magazine.com/ article/guillaume-ougier-sculpteur-de-foret 1. « Inventaire forestier. Le mémento », édition 2020, IGN. 2. D’après un sondage OpinionWay pour Reforest’Action, février 2020.

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SIER

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DOSSIER

VIVRE AVEC L A FORÊT

LAURENT TILLON DOSSIER-PORTFOLIO

« Se promener en forêt renforce notre système immunitaire » Des profondeurs du sol jusqu’à la cime des arbres, en passant par le dessous de leur écorce, la forêt abrite un monde fascinant. Laurent Tillon, biologiste, ingénieur forestier à l’ONF, membre du CNPN1 et auteur d’Être un chêne. Sous l'écorce de Quercus nous invite à sa rencontre.

BIO EXPRESS 1977 Naissance en Eure-et-Loir 1998 Intègre l’ONF 2005 Chargé de la biodiversité à la direction générale de l’ONF Première participation au CNPN 2015 Docteur en biologie et écologie 2017 Scientifique expert de la forêt et des chauves-souris au CNPN

BONUS WEB ENTRETIEN VIDÉO AVEC LAURENT TILLON

Pourquoi avons-nous besoin de la forêt ? En ces temps de pandémie, chacun réalise à quel point la nature peut lui manquer, et particulièrement les grands espaces comme la forêt, symbole de liberté. Nous en avons besoin d’un point de vue psychologique, et ce bien-être ressenti en forêt s’explique de façon biologique : pour résister aux attaques extérieures – un insecte dévoreur de feuilles, par exemple – les arbres produisent des molécules chimiques. Certaines de ces molécules sont transmises dans l’air pour prévenir les autres arbres de la forêt, mais il n’y a pas qu’eux qui en profitent ! Les promeneurs aussi. Elles déclenchent chez l’homme la production de lymphocytes, bouclier face aux bactéries et aux virus. Oui ! se promener en forêt ou s’asseoir au pied d’un arbre renforce notre système immunitaire ! Mais ce n’est pas tout : après une agression, lorsque l’arbre cicatrise, il produit des ions négatifs, dont certains s’échappent également dans l’air et ont pour effet de réduire le taux de cortisol, l’hormone du stress chronique. Ces ions réduisent aussi le rythme cardiaque et, par effet domino, les risques cardiovasculaires. Ces découvertes sont récentes. Nous les devons notamment à des chercheurs japonais qui, dans les années 2010, ont étudié les bienfaits de pratiques comme la sylvothérapie2. La science a validé ce qui n’était qu’un ressenti mais, pour que cela soit efficace, il faut que l’écosystème forestier fonctionne correctement. Qu’est-ce qu’une forêt qui fonctionne bien ? Nombreux sont ceux qui pensent qu’un arbre mort est synonyme de mauvaise santé ; or, cela

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fait partie du cycle naturel. La lutte pour la survie amène justement la production de molécules protectrices. Durant longtemps, les gestionnaires ont eu tendance à retirer le bois mort, pour faire « propre », mais une forêt qui fonctionne bien est une forêt diversifiée, avec du bois mort naturel, de la végétation pouvant entraver le déplacement, des essences variées, des champignons, de la faune… Une biodiversité qui communique en réseau. Prenons l’exemple des champignons : ils ne savent pas synthétiser les sucres pour croître et fructifier. Ils ont donc besoin de l’aide d’autres organismes ; et quoi de mieux que les arbres ? Dans cette symbiose, le champignon récupère les sucres produits par l’arbre via ses racines. En échange, il lui permet d’accéder à des oligoéléments et d’être connecté à ses congénères. Une souche peut ainsi survivre plusieurs années après avoir été privée de son feuillage. La faune joue aussi un rôle important dans cet écosystème, notamment le loup : prédateur des chevreuils et autres espèces qui mangent les jeunes pousses, il entraîne un comportement de vigilance et de fuite chez ses proies, permettant le renouvellement de la forêt. La connaissance de ces interactions devrait inciter gestionnaires et législateurs à revoir leur politique de la forêt. Personnellement, je trouve magique que les arbres, êtres si différents de nous, améliorent notre bien-être. Comment revoir les modèles de gestion et de politique forestières ? Pour reprendre l’exemple du loup, il suffirait d’arrêter de le tuer. Il y a d’autres façons de gérer


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sa cohabitation avec le pastoralisme [lire page 62]. Mais d’autres problématiques menacent les forêts. L’industrialisation notamment, qui concerne des parcelles privées, détenues par des investisseurs [la forêt est le troisième portefeuille d’investissement, après les valeurs boursières et l’immobilier, NDLR] et gérées comme des champs d’arbres. Ces plantations rectilignes, monoessences, à croissance rapide, sont récoltées au bout de trente à quarante ans seulement et abattues en coupes rases [lire encadré page 26], appauvrissant durablement le sol forestier. Certains pays, comme la Suisse, ont interdit les coupes rases depuis longtemps. Autre problématique : la crise écologique, qui frappe les forêts de plein fouet. Dans l’Allier, par exemple, 10 000 hectares de la forêt de Tronçais dépérissent en raison des sécheresses à répétition. Personnellement, je pense que si on laisse faire, la forêt va se transformer et des essences différentes suivront celles qui ne pourront s’adapter. Mais comment continuer à produire du bois ? L’humain a besoin de cette ressource autant que de contrôler tout ce qui l’entoure. Même si, dans l’imaginaire collectif, la forêt est perçue comme un espace sauvage, elle ne l’est plus du tout. Toutes les forêts de plaine et d’Île-de-France ont fait l’objet de l’exploitation du bois, à tel point qu’à la fin du xixe siècle, le couvert forestier ne représentait plus que 13 % de notre surface métropolitaine. Depuis, ce chiffre a triplé, mais les forêts restent quasiment toutes gérées, coupées ou plantées en fonction de nos besoins humains. Une anecdote à ce sujet : dans les années 1950, l’État commande la plantation de millions de jeunes pins pour en faire des poteaux pour lignes téléphoniques, supposées désenclaver les campagnes. Mais les arbres poussent bien plus lentement que la politique des hommes et entre-temps est inventé le poteau en béton. Ainsi, la forêt évolue aussi en fonction des demandes, qui ne cessent de changer. D’un autre

© Ingrid Bailleul

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côté, je n’imagine pas que nous puissions nous passer de bois. Que se passerait-il si nous laissions toutes les forêts évoluer librement ? Il faudrait remplacer cette matière par du béton ou du plastique, se chauffer à l’électricité ou au gaz… Ce serait tout aussi catastrophique. L’équation n’est pas simple ! Peut-on trouver un juste milieu ? Oui. Il existe des modes de gestion plus doux, comme la futaie irrégulière, pratiquée dans les forêts d’Île-de-France de l’ONF : plutôt que de tout raser sur 1 hectare, nous prélevons les arbres de façon à mainPOUR ALLER PLUS LOIN tenir le couvert forestier. Sans introduction de nouveaux • Laurent Tillon, Être un chêne. plants, nous laissons la forêt se Sous l’écorce de Quercus, régénérer seule. Mais toutes les Actes Sud, 2021 forêts publiques ne sont pas

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J’ACHÈTE MA FORÊT, MODE D’EMPLOI SIER Pas besoin d’être un professionnel pour acheter une forêt. En France, trois quarts des zones forestières sont des propriétés privées et même si la tendance est à la concentration, près des deux tiers des propriétaires possèdent moins de 4 hectares1. Des terrains qui dépendent de régimes spéciaux et dont les subtilités méritent quelques conseils pratiques.

TROUVER UN TERRAIN Outre les sites internet de petites annonces, ceux de l’ONF et des cessions immobilières de l’État répertorient des maisons forestières ainsi que des bois publics à vendre partout en France. Des bonnes affaires sont à guetter sur le site web des enchères publiques. La Safer, l’organisme d’État qui a pour but de faciliter l’achat de terres agricoles par des porteurs de projets, répertorie sur son site, proprietes-rurales.com, tous les biens à vendre, dont certains peuvent être acquis sans vocation agricole première. Si vous avez identifié une parcelle précisément, vous pouvez chercher ses références en mairie, au service du cadastre des impôts ou sur les sites en ligne cadastre.gouv.fr ou geofoncier.fr, avant de demander le nom du propriétaire à ces mêmes organismes. À l’initiative des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), certains départements ont mis en place des bourses foncières forestières dans lesquelles sont cartographiées les parcelles à la vente. Il existe également une dizaine d’agences immobilières spécialisées.

FINANCER SON PROJET Les prix de vente sont très hétérogènes, surtout pour les petites forêts. En 2019, le prix moyen à l’hectare était de 4 190 euros2. Il existe par ailleurs une taxe foncière sur les propriétés non bâties. Vous pouvez choisir de financer votre terrain seul : via votre épargne ou un prêt personnel, mais vous pouvez aussi choisir de mener un projet collectif. Les différentes formes de propriété

collective (association, groupement, etc.) permettent de bénéficier de dons ou de l’épargne citoyenne, en fonction du statut juridique choisi.

DÉFINIR LES RÈGLES Chaque forêt a un propriétaire, qui l’est de tout ce qui constitue sa forêt. De fait, ramasser des champignons ou des châtaignes dans une forêt privée est un vol qui peut coûter cher : de 135 euros à 45 000 euros et trois ans de prison. À vous de choisir ce que vous souhaitez autoriser et interdire sur votre terrain : cueillette, chasse, bivouac… Des panneaux, en évidence aux entrées de la forêt, s u f fi s e n t s o u ve n t p o u r a f fi c h e r c e tt e réglementation.

SE FORMER La gestion forestière implique de très nombreuses activités : analyser la forêt, son contexte géographique, son histoire, rédiger un plan simple de gestion (obligatoire à partir de 25 hectares), suivre le développement et l’état sanitaire, entre autres missions relatives au but poursuivi. Pour se former, le RAF POUR ALLER PLUS LOIN propose des stages et des initiations à différentes techniques : utilisa• Pascale Laussel, Marjolaine tion d’une tronçonneuse, débarBoitard et Gaëtan du Bus dage à cheval… Les CRPF proposent de Warnaffe, Agir ensemble également de nombreuses formaen forêt. Guide pratique, tions à destination des propriéjuridique et humain, Éditions taires forestiers. n Charles Leopold Mayer, 2018 1. Source : Agreste, décembre 2015. 2. Source : Société forestière, « Indicateur du marché des forêts en France 2020 ».

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DOSSIER

VIVRE AVEC L A FORÊT

SEGRÂCENOURRIR AUX FORÊTS DOSSIER-PORTFOLIO

COMESTIBLES

S

Dans sa serre, Damien Dekarz arrive à obtenir les conditions propices au développement d’une mini forêt tropicale.

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DOSS

Inspiré de l’écosystème forestier, la forêt-jardin permet de produire en abondance, et avec peu d’efforts, des fruits, noix, légumes, champignons, mais aussi du bois, entre autres richesses, et ainsi de tendre vers l’autonomie. Un modèle perpétué par les peuples racines, et dont les savoirs sont adaptés à nos latitudes par des passionnés comme Damien Dekarz.

ur 3 hectares de prairies quasiment plates, dans le Limousin, Damien Dekarz plante les graines et boutures d’une nouvelle forêt comestible. Depuis l’acquisition de ce terrain, il y a trois ans, il a mis en terre plus d’un millier d’arbres de quatre cents variétés différentes, dont 80 % ont une vocation comestible : « une trentaine de pommiers et pruniers différents, mais aussi des fruitiers moins connus, comme le feijoa [ou goyavier du Brésil, NDLR], le caraganier, qui produit des gousses de haricot, l’arbre à salade, aux feuilles comestibles… » Les 20 % restants correspondent à des espèces mellifères [voir bonus web page 18] ou fourragères, mais certaines servent aussi à créer de l’humus, comme les saules, à l’entrée du jardin : « Ces arbres poussent très rapidement, décrit Damien. Je coupe leurs branches qui, tombées au sol, produisent de la matière organique, comme elles pourraient le faire naturellement dans une forêt. » Car le principe est bien de s’inspirer de l’écosystème forestier, « modèle le plus fertile et le plus productif qui soit », affirme le passionné.

DES KIWIS QUI GRIMPENT AUX POMMIERS Ainsi, comme dans une forêt naturelle, les plantes sont enchevêtrées selon différentes strates de végétation : la canopée correspond aux grands

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arbres (châtaignier, noyer…), viennent ensuite les arbres plus petits (noisetier, pêcher, sureau…), les buissons (groseillier, goji, myrtillier…), les herbacées (tomate, poivron, chou, ortie…), les couvresols (fraisier, consoude…), les racines et tubercules (pomme de terre, carotte…), les lianes grimpantes (vigne, kiwi, ronce…), parfois originales comme cette akébie, « sorte de liane à courgettes ». « Toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins, précise Damien. Les tomates, par exemple, ne pourront pas se développer correctement si trop d’arbres leur font de l’ombre. » Le permaculteur crée donc des espaces avec différents degrés d’ombrage. Il dispose aussi d’une serre, dans laquelle l’humidité, la chaleur, mais aussi la végétation ont tout d’une forêt tropicale : « On va pouvoir manger nos premiers citrons et mandarines, se réjouit Damien dans cette jungle comestible composée également de vignes et bananiers. » Des espèces exotiques mélangées aux locales que le permaculteur ne distingue pas : « On oublie que la plupart des légumes et fruits consommés couramment ne sont pas locaux du tout. La tomate vient d’Amérique du Sud, le figuier de Grèce, le blé d’Afrique… Depuis que l’homme voyage, il transporte des graines. »

UN RONCIER COMME PÉPINIÈRE Les animaux, champignons et plantes aquatiques sont également associés aux cultures. « Attention à ne pas faire plouf ! », prévient Damien, devant une mare à peine visible : « On a planté du faux cresson d’eau, qui a rapidement pris toute la place ! Plus loin, des poules gambadent : « ces animaux sont en fait d’origine asiatique et vivent


PO R TFOLIO

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PORT

Alexandre Sattler

LES HIMBAS UNE CULTURE MILLÉNAIRE

Peuple d’éleveurs semi-nomades de plus en plus sédentarisés, les Himbas vivent au contact des éléments, de la terre, du feu sacré et du bétail… là où l’eau se fait rare, dans la région semidésertique du Kaokoland – « terre lointaine » – au nord de la Namibie. Chez eux, le troupeau a une valeur sociale et spirituelle centrale. C’est d’ailleurs autour de l’enclos à bétail que s’organise le campement familial traditionnel, le kraal, parsemé d’une dizaine de cases. Au cœur de cette culture millénaire, au-delà des clichés touristiques, les femmes perpétuent l’art de la beauté rituelle. Jupe en peau, colliers ornant leur poitrine dénudée, tresses enduites d’ocre couvrant leur chevelure, leur élégance honore celle des vaches rousses, symboles de force et de fécondité. Face au réchauffement climatique et aux sécheresses successives qui déciment les troupeaux, et alors que la modernité galopante frappe à leur porte, les Himbas résistent. Comme ils l’ont toujours fait… n POUR ALLER PLUS LOIN • www.gaia-images.com

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Compensant un accès limité à l’eau, les femmes enduisent leur corps d’un onguent pour se purifier et se protéger du soleil, et se parfument avec un encens antibactérien.

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PORT L’onguent dont les femmes s’enduisent le corps, de la tête aux pieds, est composé d’hématite (ocre rouge) réduite en poudre et de graisse animale.

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Le rôle des femmes himbas est essentiel pour conserver les traditions millénaires.

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Sabah Rahmani Anne-Sophie Mauffré

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Et si on le faisait ensemble ?

DOMAINE NATUREL D’HOSTENS

DES BAINS DE FORÊT ENSE POUR TOUS Premier site certifié de bains de forêt en France, l’Espace naturel sensible Domaine d’Hostens et Lagunes du Gât-Mort (Gironde) valorise désormais auprès de tous les publics les bienfaits de la nature sur la santé. Ce site pilote s’inscrit dans un « plan départemental de l’arbre » qui mise sur la résilience du territoire et conjugue préservation et prévention.

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e me suis plongé dans l’observation de la nature, des feuilles, des insectes, d’un nuage à travers le reflet de l’eau. Je me suis donné le temps. Je les ai regardés, et j’ai eu l’impression que le temps était suspendu. Ce fut un moment très poétique et de réflexion sur notre mode de vie », témoigne Alexandre Humbert. Au cœur de la forêt du domaine naturel d’Hostens, il avance aux côtés du groupe, en silence, le pas léger. Avec le temps suspendu, l’espace amplifié par les sens, la forêt se dévoile : les parfums se révèlent, les couleurs s’illuminent, les mélodies chantent… Il est temps de se mettre en phase avec la nature, là où la vie reprend son rythme. Là où le corps et l’esprit retrouvent une harmonie. Loin de leurs bureaux, Alexandre et ses collègues, agents territoriaux du Département de la Gironde, participent à une expérimentation en vue de la certification du premier site français officiellement dédié aux bains de forêt. Pendant deux jours, ils ont été conviés à s’immerger dans la forêt, à l’observer, l’écouter, la sentir, la toucher et la goûter, pour mesurer ses effets sur leur bienêtre. Un parcours sensible guidé par Bernadette

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Rey, formatrice canadienne certifiée en shinrin yoku (bain de forêt pratiqué au Japon), venue spécialement du Québec : « Depuis longtemps, nos sociétés se sont mises au-dessus de la nature et la forêt est devenue fonctionnelle. Nous avons oublié la plupart de nos sens à force d’être bombardés d’images qui font souvent de nous des consommateurs. Se réconcilier avec eux permet de se reconnecter avec la nature. On en tire des bienfaits physiologiques, psychologiques, voire spirituels. »

REVENIR À L’ESSENTIEL Petit sac à dos, gourde, pique-nique, chaussures de marche… chacun est venu équipé pour cette balade sensorielle. Si les téléphones portables ont été mis en sourdine, chaque participant du groupe témoin s’est vu remettre un tensiomètre pour mesurer sa tension artérielle et son rythme cardiaque avant et après chaque séance de trois heures. Durant ces pauses, chacun est également invité à remplir un questionnaire anonyme lié à ses états émotionnels à l’instant t : stress, fatigue, calme, colère, vitalité, joie… Toutes les impressions sont relevées sur des échelles d’humeur et les évolutions mesurées au fil des parcours.


SOLUTIONS 1.

1. Le bain de forêt est ponctué de temps d’éveil sensoriel. Le plan d’eau et la magie de ses reflets procurent calme et sérénité. 2. Marcher pieds nus dans la forêt développe l’attention à elle et à… soi-même. Un pas vers la pleine conscience.

EMBLE

Lorsque Bernadette invite le groupe à se déplacer pieds nus sur une partie des chemins, certains découvrent des sensations nouvelles. « C’est la première fois que je me balade dans la forêt pieds nus. Ce n’est pas désagréable, même si au début c’est froid et humide, mais à un moment on oublie et on revient à l’essentiel. On se rapproche du minéral et du végétal, on a plus de sensations et on renoue avec la simplicité », note Magali Dufourcq. « Pieds nus, j’allais de plus en plus lentement, je me suis arrêté et me suis rendu compte que j’étais plus attentif. J’ai découvert que si je prenais soin de ne pas blesser la nature, elle ne me blesserait pas. Cette marche méditative ne concernait pas que ma pleine conscience dans la nature mais aussi la pleine conscience de la forêt. Mon attention à elle et son attention à moi étaient une seule et même chose », ajoute avec émotion Philippe Villetorte, directeur du Pôle territorial de solidarité des Hauts de Garonne. « Ne plus séparer la santé de la forêt et la nôtre », soutient Pascale d’Erm. L’autrice et réalisatrice de Natura (livre et documentaire), sollicitée pour ce

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projet de certification en qualité de guide, rappelle que plus de 450 études scientifiques montrent les bienfaits de la nature sur notre santé. Diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, stimulation des défenses immunitaires, augmentation de la concentration, mais aussi baisse du taux de cortisol (hormone du stress), les immersions conscientes en forêt offrent de multiples bienfaits pour la santé [lire Kaizen, n° 39]. Si la contemplation de la nature en général permet de s’apaiser, en forêt, le rôle des arbres est essentiel. En effet, ces derniers sécrètent – particulièrement au printemps – des phytoncides (molécules d’huiles essentielles) dans l’atmosphère, capables de détendre le corps lorsque l’on se balade avec un rythme lent et une respiration profonde. Habituée aux randonnées, Magali relève le contraste avec son quotidien urbain et trépidant : « J’ai été particulièrement surprise par le fait de marcher si lentement pour prendre le temps d’observer chaque détail et écouter. J’étais hors tout, hors temps, hors code, hors quotidien. Il

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Laure Delacloche, collectif Solvo

,GoU^t de l enfance

SOLUTIONS

An ton in Weber , col l ectif Sol vo

DES ATELIERS POUR APPRENDRE À

GOÛT DE ÊTRE PÈRE Prendre un cours pour devenir père ? Vraiment ? Donner le bain en toute sécurité, se projeter dans la parentalité, s’impliquer plus et mieux… Dans les Hauts-de-France, les ateliers d’Yves Lecointe mêlent théorie et pratique pour aider les futurs papas à prendre leur place à l’arrivée de l’enfant.

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« Adrien et Romain (à droite) sont amis de longue date. « C’est unique de devenir père en même temps, confie Romain. Notre génération est plus “papa poule”. On est pour l’égalité des sexes jusqu’au bout. »

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à, ta couche est à l’envers », lance Yves Lecointe à Romain, ingénieur et la trentaine. « Ma hantise, c’est exactement ça », rit le second, penché au-dessus d’une poupée très réaliste de la taille d’un nourrisson. Venu avec son meilleur ami, il est l’un des quatre hommes à suivre cet atelier un peu particulier, qui le prépare à devenir père. Dans l’auberge de jeunesse d’Amiens, le formateur déambule d’un futur père à l’autre et distille ses conseils : prendre le temps de connaître les vêtements avant la nais-

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sance de l’enfant, et sélectionner les plus simples à enfiler. « Le jour de la naissance, habillez votre enfant vous-même plutôt que de laisser l’aidesoignant·e le faire. Vous tremblerez comme moi, mais vous vous engagerez profondément. » Entre deux conseils techniques, Yves Lecointe, éducateur spécialisé auprès d’enfants à troubles du comportement depuis dix ans, s’attaque aux clichés encore ancrés : « Le maternage peut être fait à 100 % par le père. Le problème, c’est que, traditionnellement, notre société n’implique pas assez les pères dans la parentalité. » Selon une enquête de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) de 2016, environ un père sur deux a le sentiment que la société considère son rôle comme moins important que celui de la mère. « Et trop souvent, les pères pensent que s’impliquer, c’est aller regarder les poussettes dans le magasin de puériculture. » Les études le montrent : les hommes passent 41 minutes par jour à s’occuper de leurs enfants, contre 95 minutes pour les femmes. Et le rééquilibrage est lent : entre 1999 et 2019, le temps consacré par les pères aux tâches parentales n’a augmenté que de 9 minutes, toujours selon l’Unaf. Ces disparités d’implication sont un facteur de mal-être psychique des femmes. Beaucoup ressentent une grande solitude après l’accouchement, relevait en juillet 2020 Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargé de l’Enfance et des Familles. Cette solitude est un facteur


SOLUTIONS

L’ENFANCE aggravant de la dépression post-partum, qui touche environ une femme sur dix. Ces différences sont aussi le creuset d’inégalités professionnelles. « La place du père est nécessaire au bon équilibre de la famille, insiste Yves Lecointe, notamment pour que les femmes soient libérées de leur charge mentale et qu’elles puissent s’investir en dehors du foyer. » Un « point de vue féministe », assume-t-il, même s’il ne prononce pas le mot durant ses ateliers.

GÉRER LE QUOTIDIEN D’UN NOUVEAU-NÉ Yves Lecointe fait asseoir les pères en arc de cercle et diffuse une vidéo sur la plasticité cérébrale chez les enfants. Sa journée de formation, lancée au printemps 2019, commence à être bien rodée. « Aujourd’hui, quand on prépare l’arrivée d’un enfant, tout est axé sur la grossesse et l’accouchement, regrette-t-il, au détriment de la gestion du quotidien lorsque l’enfant est né. » Yves Lecointe souligne également à quel point les mères sont « encadrées », alors qu’il « n’existe pas grandchose » pour les pères à l’heure actuelle. Retour à la pratique. C’est l’heure du bain pour les poupons. Le formateur dégaine quatre baignoires et montre à ses élèves comment immerger le bébé en toute sécurité. Les futurs pères reproduisent le geste de verrouillage de l’épaule, très concentrés, puis sortent le nourrisson en veillant à lui tenir la tête. « Mince, je l’ai pris comme un

chaton, à une main ! », se désole Romain. Le rire est général – et un peu anxieux ? Par petites touches, les futurs pères présents dévoilent leurs préoccupations. Acheter une chaise haute évolutive, est-ce une bonne idée ? Comment gérer les relations avec des grandsparents envahissants ? « Beaucoup de choses vont changer cette année, votre salon sera en bazar, votre voiture sera plus chargée… Trop souvent, les pères n’anticipent pas assez les grands changements de vie provoqués par l’arrivée de leur enfant », prévient Yves.

Démonstration d’écharpe de portage par Yves Lecointe, le formateur. « C’est le niveau advanced », rit Romain devant l’apparente complexité de la manœuvre.

ÊTRE UN SOUTIEN AFFECTIF Le formateur n’évite pas non plus un sujet délicat : la survie du couple à l’arrivée de l’enfant. « Un couple sur quatre se sépare à l’issue de la première année de vie du bébé. Statistiquement, cela va toucher l’un de vous. » Les pères accusent le coup. « C’est énorme », lâche Adrien. « Entretenez votre vie intime : laissez des post-it affectueux quand vous partez au travail, retournez assez vite au restaurant ou confiez l’enfant quelques heures, pensez à reprendre une vie sexuelle, etc. » Sur la place du père pendant l’accouchement et les premières semaines, son message est très clair : « Vous devez être un soutien affectif. Évitez d’être un coach pendant l’accouchement, votre femme sait comment elle doit respirer. Évidemment, ce n’est pas vous qui choisissez

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D.I.Y. Sy l vie Ha m p i ki a n O l ivie r D e g o rc e et A m a n d i n e Ge e r s

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FRUITS ROUGES BONNE MINE GARANTIE ! Grâce aux variétés tardives, la saison des fruits rouges – fraises notamment – est de plus en plus longue. Une bonne raison pour profiter pendant plusieurs mois des vertus cosmétiques de leurs précieux actifs naturels. IL ÉTAIT UNE FOIS… Les fraises font partie des ingrédients majeurs des recettes de cosmétiques naturels. Au cours de l’histoire, on les a associées à quelques beautés légendaires. Ainsi, Diane de Poitiers, connue pour avoir conservé sa splendeur jusqu’à sa disparition, à plus de 60 ans, aurait utilisé du jus de fraise mélangé à du lait pour nettoyer son visage. On raconte aussi que, sous la Révolution, la belle Madame Tallien, surnommée « Notre Dame de Thermidor », prenait régulièrement des bains de fraises et d’eau tiède pour conserver la douceur de sa peau. Pour chacun de ces bains, il fallait écraser 10 kilos de fraises : un luxe inimaginable en cette période troublée, plus connue pour les bains de sang ! Quant aux framboises et autres fruits rouges, dont les enfants ont toujours aimé se barbouiller la figure, ils ont fait leur apparition plus récemment dans les recettes de beauté.

LES HUILES DE FRUITS Outre la framboise, on trouve sur le marché des huiles cosmétiques précieuses extraites des pépins ou noyaux de fruits gourmands. On peut citer par exemple les huiles d’argousier, de baies1 d’açaï, de baies de goji, de cassis, datte (dattier du désert), grenade, prune de Gascogne, tomate. Riches en acides gras essentiels, elles ont des vertus anti-âge, lissent la peau et embellissent le teint. 1. En botanique, le terme « baies » désigne des fruits à pépins, quelle que soit leur taille (la citrouille est une baie). Les fruits à noyau sont des « drupes », y compris lorsqu’ils sont de petite taille (alise, cerise, merise, sorbe).

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D.I

LES FRUITS ROUGES SOUS LA LOUPE Les fraises sont particulièrement riches en acides de fruits (acides alpha-hydroxylés, AHA), en facteurs antioxydants et en vitamines, notamment C et groupe B. Elles sont hydratantes et délicatement exfoliantes (elles aident à éliminer les cellules mortes). Elles stimulent et tonifient la peau, aident à lutter contre le vieillissement cellulaire et préviennent les rides. Enfin, selon la tradition, appliquée quotidiennement, la pulpe de fraise fraîche serait salutaire contre les imperfections et les taches de rousseur. Les propriétés des fraises et des autres fruits rouges n’étant pas altérées par le froid, vous pouvez les employer sous forme surgelée (mixez-les une fois décongelées, puis utilisezles lorsque leur température convient). Les framboises ont une composition voisine de celle des fraises, mais elles sont souvent moins acides et donc davantage conseillées aux peaux fragiles. De plus, leurs pépins contiennent une huile végétale riche [lire encadré]. Par conséquent, on a tout intérêt à les mixer finement dans les masques pour bénéficier de leur apport en acides gras précieux. Les autres fruits rouges (cassis, cerise, mûre, myrtille, etc.) sont des sources exceptionnelles d’antioxydants. Ils sont antirides, hydratants et tonifiants. Toutefois, on les emploie peu à l’état frais dans les cosmétiques faits maison, car ils peuvent tacher la peau, même si ce n’est que passager. L’allergie est l’autre effet indésirable des fruits rouges, plus grave cette fois-ci. Il va de soi que si vous êtes concerné, mieux vaut éviter leur usage en cosmétique ! n


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I.Y

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je vais bien, le monde va mieux

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Véron iqu e B u r y

SLACKLINE

UNJEFIL DEBIEN VIELE M VAIS Vous pensez que la slackline, ce n’est pas pour vous ? Détrompez-vous ! Cette activité a le vent en poupe et se révèle accessible à qui persévère un minimum. Au final, vous y gagnerez en sérénité et en équilibre. Une vraie belle découverte.

C

haque week-end, c’est le même rituel. « Du monde à la pagode aujourd’hui ? Je suis en route ! » Quelqu’un poste un message sur le mur du groupe Facebook de l’association Parislack et une trentaine de passionnés réagissent aussi sec. Trois heures plus tard, les arbres du bois de Vincennes se parent de rubans colorés, orange, rouge, vert, bleu. Les lignes se tirent d’un tronc à un autre dans une atmosphère joyeuse et légère. Tout à coup, une sorte de silence s’installe. Les rires et discussions se font plus discrets et les sangles tendues se courbent au fil des pas des équilibristes en herbe.

Un spectacle gratuit pour les promeneurs, un moment de méditation pour ceux qui marchent désormais pieds nus sur ces longues sangles larges de 3 à 4 centimètres. « Quand on commence, on ne peut plus s’en passer, c’est très addictif », sourit Michel, capuche sur la tête, deux masques superposés sur le nez. À 75 ans, ce retraité aux mille petits boulots est un habitué. « J’ai découvert la slackline il y a quatre ans, en promenant mon chien au bord de ce lac. Au début, je me suis dit que ce n’était pas pour moi, mais quinze jours plus tard, j’ai acheté une sangle dans un magasin de sport pour essayer. Ça a été le meilleur investissement de ma vie ! » Depuis, le retraité se sent comme rajeuni : « Cela m’a tellement transformé. Je me suis redressé, remusclé. Je me sens beaucoup plus en forme qu’avant. Cela m’a aussi apporté davantage de confiance en moi et ouvert aux autres alors que j’étais un grand timide. » Le doyen du groupe n’hésite plus à s’adresser aux curieux. Il prend même un malin plaisir à prodiguer ses conseils et initier les nouveaux venus.

MOMENT PRÉSENT ET OUVERTURE Car la slackline, c’est aussi un partage, un échange, une ouverture. « Il n’y a pas de clubs, pas de fédération, c’est une pratique qui est encore très libre », rappelle Redouane N’ser, président de Parislack, association qui fédère les slacklineurs parisiens autour de gros projets, organise des évènements et fait rayonner la slackline au-delà du bois de Vincennes. Mais, ici, en ce samedi 74

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MONDE VA MIEUX

printanier, Redouane est « un slacklineur comme les autres », il vient « pour le plaisir ». Le plaisir de mettre un pied, puis un autre, sur cette fine sangle, en équilibre, à quelques centimètres du sol, et de se recentrer à l’intérieur de soi. « C’est très méditatif », assure le quadragénaire qui a découvert la discipline il y a seulement quatre ans. « Quand tu es sur ta ligne, tu es obligé d’être dans le moment présent. Tu ne peux pas penser à autre chose, tu ne peux pas tricher. Tu dois faire attention à tes mouvements, mais en même

temps, tu n’es pas non plus dans le contrôle. Beaucoup de choses se font par réflexe ou acquis à force de marcher sur ces lignes. Comme une connexion avec ton corps. Et un détachement de l’esprit. Tu es concentré, mais tu laisses aller les sensations. » À quelques mètres, sur une ligne parallèle, Louna, 23 ans, s’exerce à se redresser de la position assise. Pas facile. Pour autant, la jeune femme, qui a découvert l’activité l’été dernier, l’assure : « Ça s’apprend assez vite, mais il faut être persévérant au début. Personnellement,

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BD - au potager !

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cui sin e

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CUISINE SOYEUX

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UNE AIDE CULINAIRE SI LÉGÈRE ! Sous ses airs un peu ramollo et fade, le tofu soyeux cache bien son jeu ! Substitut aux œufs ou à la crème, aliment caméléon pouvant s’inviter dans des recettes aussi bien sucrées que salées, ce tofu à la texture de flan a une place toute trouvée sur nos tables d’été.

CUISINE

DIFFÉRENCE AVEC LE TOFU FERME Moins solide et plus nacré que le tofu ferme, à michemin entre le yaourt et le flan, ce tofu offre une texture gélatineuse et soyeuse qui se prête à de multiples préparations culinaires faisant entrer en jeu la crème, le yaourt ou les œufs. Il s’agit en réalité d’un tofu moins égoutté et pressé que son cousin coupé en cubes. Mais le principe de fabrication reste le même : du lait de soja chauffé (à une température plus basse que pour un tofu ferme) et mélangé avec un agent coagulant salé (comme le chlorure de magnésium nigari) ou acide (jus de citron, vinaigre). Notons toutefois que le tofu ferme contient trois fois plus de protéines que le tofu soyeux.

UN INGRÉDIENT PLUS QU’UN PRODUIT À CONSOMMER TEL QUEL On lui reproche parfois sa saveur, insipide ou rappelant le petit-lait. Pourtant, ce défaut se transforme en qualité puisqu’il fait ressortir le goût des ingrédients qu’il accompagne. À l’instar d’un blanc d’œuf, le tofu soyeux ne se consomme pas tel quel. Sa texture plus épaisse que la crème de soja permet de réaliser de délicieuses tartinades apéritives, des entremets bien fermes ou des gâteaux de type clafoutis. Une fois ouvert, conservez-le 3 jours maximum au réfrigérateur. LÉGER ET PEU GRAS Le tofu soyeux est source de protéines (11 %), mais il est surtout connu pour son côté rassasiant et digeste et pour sa faible teneur en lipides (3 à 4 %) : de précieux atouts pour cuisiner léger ! Il contient également de la lécithine, qui régule le mauvais cholestérol, et est riche en magnésium et en vitamines B et E.

RECETTES EXPRESS

• Omelette sans œufs : mixez 250 g de tofu soyeux avec 125 ml de crème soja, 120 g de farine de pois chiche (ou 100 g de farine de petit épeautre + 20 g de farine de maïs), 100 ml d’eau, 1 gousse d’ail écrasée, 1 pincée de curcuma, 1/2 c. à c. de sel et poivre. Faites chauffer une petite poêle à feu vif, ajoutez un trait d’huile d’olive et versez l’appareil au tofu soyeux. Laissez cuire 1 minute, puis baissez le feu. Ajoutez des pommes de terre sautées, des tomates séchées ou des champignons grillés. Couvrez et laissez cuire à feu doux pendant 10 minutes. Saupoudrez de persil haché. Variante : utilisez cette même base de recette pour un appareil à quiche en mettant 80 g de farine. • Pannacotta et son coulis de fraises : mixez 300 g de tofu soyeux avec 400 ml de lait d’amande, 120 g de sucre blond de canne, 1 c. à s. rase de fécule de maïs et 2 c. à c. d’agar-agar. Faites bouillir ce mélange durant 30 secondes en fouettant régulièrement. Répartissez-le dans 6 petites verrines. Laissez refroidir avant de placer 1 heure au réfrigérateur. Mixez ensuite 300 g de fraises avec 70 g de sucre et 1 c. à c. d’agar-agar. Faites bouillir ce mélange durant 30 secondes en fouettant régulièrement et répartissez-le dans les verrines. Placez au réfrigérateur au moins 4 heures avant de décorer avec quelques fraises. Variante : utilisez cette même base de recette pour un appareil à crème brûlée en ajoutant 1 c. à s. de chicorée en poudre. • Ganache au chocolat : mixez 400 g de tofu soyeux avec 200 g de chocolat à pâtisser fondu. Cette ganache express est parfaite pour garnir les macarons, recouvrir un gâteau roulé ou un layer cake (gâteau en couches). • Crème glacée à la framboise : dans un superblender, mixez 400 g de tofu soyeux placé au préalable 20 minutes au congélateur avec 400 g de framboises surgelées et 150 g de sucre de canne. Versez directement dans un contenant hermétique avant de replacer cette glace au congélateur ou consommez-la de suite. Variante : remplacez les framboises par des myrtilles surgelées.

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C h r o n ique Bast ien D u b o i s

d o m iAUTONOMIE nique bourg P HILOSOP HE

ÉLOGE DE L’ARBRE CHRONIQUE

ADOMINIQUE lors que la déforestation atteint à l’échelle globale des sommets, il importe de dresser l’éloge de nos amis les arbres. Qu’on me permette d’évoquer une anecdote lourde de sens. Recevant il y a quelques années une personnalité du Bénin, je me souviendrai à jamais de son étonnement face à la présence des arbres sur nos territoires. On lui avait manifestement vendu la déforestation comme un signe de modernité, alors que nos pays ont fortement lutté contre ce phénomène à compter de la seconde moitié du xixe siècle. De tous les animaux, nous sommes sans conteste les plus prétentieux, ceux qui s’estiment audessus du lot commun ; illusion contre laquelle luttait déjà François d’Assise. Sommes-nous toutefois de taille vis-à-vis des arbres ? Nous disposons certes de nombreux points communs. Nous partageons avec eux une caractéristique

nous nous sommes étendus quasiment à la Terre entière. Il n’est pas durablement d’habitat humain où les arbres ne peuvent vivre, à la seule exception de la civilisation inuit. Une différence fondamentale nous sépare cependant, les arbres remontent les nutriments des profondeurs du sol, protègent et nourrissent les autres vivants, alors que nous nous sommes fait une spécialité de détruire la vie. Cela suffirait à les considérer plus proches des dieux que nous ne le sommes. Notre histoire, bien que plus récente, est inséparable de la leur. Elle avait pourtant mal commencé, puisque la savane a été propice à l’avènement par redressement du genre Homo. Quoi qu’il en soit, nous ne nous sommes ensuite plus jamais quittés. Les sociétés prénéolithiques étaient probablement à dominante forestière et l’on y pratiquait chasse et cueillette. Même si les sociétés néolithiques et post-néolithiques (communautés agraires du néolithique, puis empires agraires, cités marchandes et sociétés industrielles) se sont construites en déforestant, la forêt est restée le réservoir de leur imaginaire. Elle a été des millénaires durant la demeure indiscernable du sauvage et du sacré. Parmi les sociétés agricoles, seules les sociétés amazoniennes ont été respectueuses de la forêt. Les autres sociétés post-néolithiques ont toutes eu en commun la passion de la déforestation, parfois jusqu’à leur propre effondrement. L’amour du charbon et l’essor de la société industrielle, l’exode rural ont paradoxalement desserré l’étau des sociétés traditionnelles du Nord sur les forêts. Même assagie, notre relation aux arbres ne se départira pas pour autant des liens ambivalents que la vie noue avec elle-même : aimer les arbres ne nous interdira pas d’en abattre. Une société écologique serait une société qui à la fois reforesterait et solliciterait beaucoup plus les forêts et autres végétaux ; un peu comme un éleveur permacole aime et tue ses animaux. n

BOURG

« Parmi les sociétés agricoles, seules les sociétés amazoniennes ont été respectueuses de la forêt. » insigne parmi les vivants, la station debout. Eux et nous sommes les seuls à ne pas avoir le regard rivé au sol, mais à tutoyer les cieux. Ne sommesnous pas cependant en comparaison des nabots ? Autre point commun, humains et arbres sont à la fois des individus (tel arbre nous paraîtra plus remarquable qu’un autre, difficile de le dire d’une fourmi par rapport à une autre) et des êtres sociaux, communicants, capables d’entraide grâce à des signaux chimiques divers. Si les arbres venaient à disparaître, je crains que les êtres humains ne les suivent rapidement, ne serait-ce que parce que sans eux les pluies ne s’aventureraient pas jusqu’au cœur des continents. Eux et 98

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