MASTÈRE AMUR
VILLES, TERRITOIRES ET TECHNOLOGIES
NOUVELLES MOBILITÉS : LA RÉVOLUTION TANT ATTENDUE ? ENCADRÉ
PAR
KARIM
M.
/
ANTOINE
PICON
BADAOUI
Introduction
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Le terme révolution est un néologisme surexploité dans le champ des nouvelles technologies. En effet, depuis l’avènement des nouvelles technologies de l’information, chaque innovation est présentée comme tel. « Ceci est une révolution ». La phrase fétiche de Steve Jobs est le meilleur indicateur de cet enthousiasme parfois exagéré à chaque étape franchie. Si ces avancés ont clairement amélioré le quotidien et le comportement humain, il serait peut-être litigieux de parler de changement drastique dans tous les domaines. S’il serait de mauvaise foie de nier les changements qu’ont provoqué les nouvelles technologies dans beaucoup de domaine avancées, il faudrait prendre des précautions dans ce jugement
pour ne pas catégoriser chaque invention comme un changement majeur dans l’histoire de l’humain, classant sur le même piédestal des outils capables de modifier de fond en comble le mode opératoire d’un type d’industrie et une application de rencontre éphémère. Les nouvelles technologies permettent d’accomplir des actions de manière plus rapide, plus efficace et plus aisée. Seulement, la notion de révolution se niche dans la nature même de ces actes, non pas dans la manière avec laquelle elles sont exécutées. Ainsi, ce document se penchera sur le cas des nouvelles mobilités afin d’essayer de comprendre si celles-ci seront une mutation dans notre manière de nous déplacer ou une simple amélioration des déplacements actuels. Cette importance sera déterminée en grande partie par les impacts que celles-ci pourront avoir sur le tissu urbain, les rapports aux infrastructures et la logique d’acteur du domaine des transports tant au niveau public que privé. L’urbanisation et la croissance démographique de ces deux derniers siècles ont entraîné une augmentation rapide du nombre de véhicules et de véhicules,
particulièrement en Asie, en Afrique et en Amérique latine dans des pays qui n’ont pas su se doter d’une politique efficiente en terme de de transport collectif. Si 50% de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, il est prévu que ce pourcentage atteigne les 70% d’ici l’an 2050i. En parallèle, cela équivaudrait à un milliard de voitures supplémentaires selon les estimations qui viendraient s’entasser dans des rues déjà saturées. Si aucune mesure radicale n’est prise, ces voitures menacent d’asphyxier les villes de demain dans tous le sens du terme et peuvent impacter de manière négative la dynamique urbaine à travers plusieurs mécanismes. Concernant le volet environnemental, la pollution et l’émission grandissante de gaz à effet de serre est une un problème alarmant. Socialement, cette dépendance vis-à-vis de l’automobile crée inégalités, ségrégations et division sociales. Economiquement, une congestion continue de la ville pourra avoir un impact sur le rendement de ses acteurs. Ainsi, quels seront les modèles de mobilités des villes de demain et quels impacts auront-ils sur la société ?
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I-Les plateformes collaboratives 1. Une nouvelle voie
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Au cours du siècle dernier, le monde n’a réussi à apporter que des changements mineurs et progressifs dans l’efficacité et l’infrastructure des systèmes de transport. Graduellement, cette situation est en train de changer. Les progrès de la technologie de l’information et de la communication, l’interdépendance, la collecte de données et les études analytiques accélèrent une révolution technologique qui transformera radicalement le secteur des transports. Les plates-formes d’échange d’informations en ligne facilitent plus que jamais l’adéquation entre l’offre et la demande et contribuent ainsi à développer une économie participative en pleine croissance. Il est important de signaler que cette prise de conscience de la numérisation des mobilités est en parti dû à un acteur inattendu : Uber. En effet, celui-ci fut un véritable tsunami dans le secteur des transports de particulier. Ce genre de service a toujours existé et n’a fait qu’évoluer dans le temps. Les voitures de louages et « remises »
sont devenues des Voiture de transport avec chauffeur. Seulement, ils n’étaient qu’un complément au système classique de taxi. Avec l’apparition des nouvelles technologies, ces véhicules sont devenues un concurrent crédible à ces taxis en proposant une alternative plus économique et, dans un sens, plus pratique.
2. Deux
solides
alternatives
Les acteurs de la mobilité collaborative sont en train de fournir de nouvelles organisations et des solutions technologiques pour encourager l’utilisation de covoiturage et d’auto-partage. De nombreux défis demeurent spécifiques aux deux pratiques telles que la prévisibilité pour le premier et le coût d’investissement des systèmes sans clé pour le deuxième. Des défis transversaux demeurent en suspens concernant les
stratégies adoptées par les différents acteurs de ces solutions. Il est essentiel de souligner que certaines des solutions développées par ces nouveaux acteurs sont basés sur leur complémentarité avec les transports publics. Par exemple, le potentiel de développement de l’autopartage dépend de l’accès des utilisateurs à d’autres modes de transport Pour leur voyage quotidien. Les solutions de mobilité partagée doivent donc être considérés comme des maillons d’une seule chaine.
3. Des
défis toujours en question
Ces nouveaux acteurs font tous face au défi de trouver un « Business Model ». Le transport est traditionnellement un secteur non rentable, et donc de peu d’intérêt pour les acteurs privés. Cela explique pourquoi les premières plates-formes de covoiturage et d’auto-partage ont été développés avec le soutien des pouvoirs publics. Malgré leurs innovations, ces nouveaux scenarios de la mobilité positionnés dans la courte distance ont encore du mal à se développer. Ce défi est encore plus grand dans les zones moins densément peuplées, où le nombre minimal d’utilisateurs pour la rentabilité du projet est plus difficile à atteindre. Il y a donc de nouvelles interrogations qui se posent concernant les zones périurbaines et rurales.
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II-La voiture autonome 1. Un impact conséquent
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Tout comme l’avènement des transports collectifs de masse et l’introduction de l’automobile moderne ont permis à nos villes de repousser leurs limites dans le passé, les véhicules autonomes connectés ont le potentiel de modifier nos villes modernes. L’adoption généralisée des véhicules autonomes peut potentiellement améliorer considérablement l’efficacité de nos réseaux de transport et réduire leurs impacts environnementaux, en particulier si l’adoption des véhicules autonomes s’accompagne de l’augmentation prévue des voitures électriques, de l’autopartage et du co-voiturage cités précédemment. Les véhicules autonomes transformeront également le paysage urbain actuel car notre dépendance à l’égard de certaines infrastructures existantes, parmi lesquelles les parkings, diminuera. Audelà de cela, l’introduction des véhicules autonomes aura des impacts étendus sur de nombreux aspects de la société en mettant l’accent sur
la création et la maintenance des infrastructures de transport et en imposant une série de questions juridiques en suspens. Alors que le terme «véhicule autonome» peut se rapporter à beaucoup de choses différentes, il est communément admis qu’il s’agit d’un « «Un véhicule autonome est un véhicule capable d’effectuer des trajets de manière sûre et efficace, sans chauffeur, dans toutes les conditions normales de circulation, de circulation et de météo» ii.
2. Une
complexe
classification
Il existe 5 niveaux d’automatisation d’un véhicule iii. Le niveau 0 représente l’automobile dans laquelle le conducteur a un contrôle total et à tout instant des fonctions principales du véhicule. Des assistances telles que le
système antiblocage des roues (ABS) ou l’électro stabilisateur programmé (ESP) viennent s’ajouter au panel des véhicules de niveau 1. Les véhicules de niveau 2 ont toujours besoin d’un conducteur humain mais un système automatisé peut effectivement conduire certaines parties de la tâche de conduite comme c’est le cas pour le Park Assist ou le régulateur adaptatif. Le niveau 3 est celui de l’automatisation conditionnelle. Il s’agit d’une conduite effectuée par un système automatisé que dans certaines conditions environnementales et de trafic (uniquement sur autoroute par exemple) avec interventions humaines nécessaires. Les voitures autonomes de Google et Tesla notamment en sont à ce niveau de développement actuellement. Le niveau 4 représente un véhicule d’automatisation élevée. La conduite est effectuée par un système automatisé dans certaines conditions / environnements avec des systèmes de secours en place si le conducteur humain ne répond pas à la demande d’intervention. Enfin, le
niveau 5 représente une automatisation complète du véhicule. Il n’y alors Aucune exigence d’intervention humaine. Le Véhicule peut circuler librement sans occupant à bord.
3. Des
perspectives développement
de
Les voitures personnelles ne sont que la partie visible de l’iceberg lorsqu’il s’agit de réaliser le véritable potentiel de cette autonomie. Le système de transport intelligent est le véritable enjeu de cette thématique. Il est défini comme « en tant que systèmes dans lesquels les technologies de l’information et de la communication sont appliquées dans le domaine du transport routier, y compris les infrastructures, les véhicules et les usagers, la gestion du trafic et la gestion de la mobilité, ainsi que les interfaces avec d’autres modes de transport. » iv
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Il s’agit de technologies avancées d’information et de communication qui offrent des transports plus sûrs, plus efficaces et plus respectueux de l’environnement. Les STI englobent t des notions telles que les communications Véhicule-à-Véhicule (V2V), véhicule-à-infrastructure (V2I) et finalement les communications véhicule-àtout (V2X).
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Le protocole V2X prévoit que les véhicules pourront communiquer avec d’autres véhicules, des infrastructures, des réseaux de flux comme la gestion des intersections et des routes, et enfin d’autres usagers et dispositifs routiers. Avec un système de transport intelligent entièrement intégré, les données seront continuellement collectées grâce au réseau de capteurs des infrastructures et des véhicules. La circulation, la congestion ainsi que les pics horaires d’utilisation de la route pourront être analysées. Cela permettra à l’avenir d’améliorer le flux de trafic et le volume du réseau, de prévoir la maintenance dans les infrastructures de transport, de disposer de moyens de financement, de péage plus précis et de services de covoiturage autonomes efficaces.
4. De
nouvelles opportunités foncières Les véhicules autonomes ont également le potentiel de transformer notre utilisation des terres urbaines. CISCO a estimé que 30% des embouteillages dans les zones urbaines sont causés par des conducteurs qui cherchent des places de stationnement disponibles. v A Londres, villes très congestionnées, on estime que ce chiffre pourrait atteindre 45% de la ville. Avec un système de transport intelligent qui surveille constamment la disponibilité des places de stationnement et informe les véhicules autonomes, ces temps de latence pourraient être considérablement réduits. Bien que cette amélioration puisse sembler purement esthétique dans l’abstrait, une étude a démontré l’impact probable des véhicules sur le développement urbain et les besoins en infrastructure vi. Selon le document, les nouvelles zones de développement urbain désignées comme zones dédiées aux véhicules pourraient offrir entre 15% et 20% de surface aménageable supplémentaire par rapport à un aménagement urbain central typique, grâce à la suppression de presque toutes les places
de stationnement, mais aussi à la simplification des routes. A titre de comparaison, environ 16% du centre de Londres était couvert par des places de stationnement. Cette étude estime que 50% à 70% de cet espace pouvait être débloqué lorsque les véhicules autonomes seront adoptés créant ainsi des centaines de millions de livres de valeur foncière additionnelle.
5. Des
suspens
questions
en
Les innovations numériques ne sont pas une solution miracle qui réglera toutes les faiblesses des mobilités actuelles. Une question très difficile se pose quant à la façon dont les questions d’équité peuvent être abordées en termes d’accès au service d’une manière qui maximise les économies de coûts dans un environnement où la technologie évolue rapidement. D’abord, Une mobilité durable dans son aspect social se doit d’être inclusive. Seulement, d’autres problèmes pourront se poser. Le fonctionnement dans un environnement mixte
pourra être un obstacle au fonctionnement optimal des voitures autonomes. La question de la sécurité entre voiture intelligente et utilisateurs imprévisibles ne respectant pas forcément les règles imposées et assimilés par le véhicule est d’une importance capitale, en témoigne l’incident mortel du 20 mars 2018 impliquant un véhicule autonome d’Uber et une personne traversant hors du passage piéton. Un tel accident à obligé l’entreprise a renforcer son arsenal technologique de sécurité. D’autres avancées reposant sur le machine learning sont en cours d’étude. Cependant des conséquences inévitables d’un genre différents seront à déplorer si aucune précaution n’est prise. Un trajet parcouru par des véhicules autonomes sera optimisé par rapport à un trajet mixte. On pourra penser que certaines collectivités, dans le cadre de sa politique de développement des mobilités et de la sécurité, fermera la porte aux voitures classiques en créant des parcours exclusivement dédiés aux véhicules autonomes. Ainsi, ils expulseront implicitement les usagers n’étant pas dans la capacité de renouveler leur véhicule ne disposant pas de ces technologies.
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Conclusion
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Les nouvelles mobilités ont toujours été un sujet de fascination. De la voiture volante dépeintes dans les villes du futures à la téléportation visibles dans les œuvres de science-fiction, ce domaine est porteur d’un grand intérêt sociétal. Ayant pu plus ou moins maîtriser le flux et l’échange des informations digitales, les deplacements physiques sont désormais la cible des nouvelles technologies. Cellesci peuvent effectivement améliorer la sûreté et l’efficience des mobilités. En contrepartie, de nouvelles formes de ségrégations peuvent éventuellement apparaître. Si beaucoup de dolaines se passionnent pour la partie technique de cette problématique, il est impératif d’enclencher une réflexion relative aux impacts sociétaux de ces avancées.
Notes
i Unesco, « Rapport mondial sur la culture et le développement urbain durable »
ii WSP Parsons Brinckerhoff and Farrells, « Making better places : Autonomous Vehicles and future opportunités » iii National Highway Traffic Safety Administration, « Automated Driving Systems 2.0 : A Vision For Safety » Directives du parlement européen 7 Juillet 2010, document 2010/40/EU iv NRMA, ‘Accelerating Our Smart Transport Future’ (Report, NRMA, 2016) v WSP, Parsons Brinckerhoff & Farrells, « MAKING BETTER PLACES : Autonomous véhicules and future opportunités »
Biblographie Laura Brimont, Mathieu Saujot and Oliver Sartor, ( 2017) « Accelerating Sustainable Mobility with Autonomous Vehicles », Field Actions Science Reports [Online] Kanter, R.M. (1994). Collaborative advantage - the art of alliances. Harvard Business Review, Darms, M., Rybski, P., & Urmson, C. (2008). Classification and tracking of dynamic objects with multiple sensors for autonomous driving in urban environments.. Comité transport de IESF & institut VEDECOM (2016) « Véhicule autonome : Perspectives d’usages et enjeux. »
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