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IRBA, parole d’expert : hommes et femmes au combat, tous égaux ?
IRBA, parole d’expert
Hommes et femmes au combat : tous égaux ?
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Alors que le ministère des armées vient de recevoir le label Egalité, seulement 8% des militaires en OPEX sont des femmes. Sur le champ de bataille, égalité, équité, ça veut dire quoi ? Rencontre avec la MC Alexandra, chef de l’unité physiologie de l’exercice et des activités en conditions extrêmes à l’IRBA.
Physiquement, quelles sont les différences entre les hommes et les femmes ?
Des différences anthropométriques et physiologiques : les femmes sont plus petites et ont une masse musculaire plus faible, en particulier dans le haut du corps. Les niveaux d’aptitude physique aérobie sont également plus faibles chez la femme. Sur une épreuve d’endurance cette différence est de 20 à 30 %. Sur une épreuve de traction elle atteint plus de 50% car le rapport poids-puissance est défavorable par rapport à un homme. Par contre, sur des exercices de gainage elles sont au même niveau que les hommes.
Quelles sont les conséquences sur l’aptitude des femmes à occuper certains postes ?
Les femmes sont désavantagées par rapport à la plupart des hommes dans toutes les tâches où il faut lever ou transporter des charges lourdes donc dans tous les métiers des armes de mêlée. La physiologie a un retentissement sur l’aptitude à occuper ces emplois.
Quel est l’apport de la recherche sur ce sujet ?
Les études montrent que les femmes se blessent plus que les hommes. Il y a plus de risque de blessure traumatique notamment en formation initiale. Le type de blessure est également différent en fonction du sexe. Prenons l’exemple d’une marche d’approche avec charge, une femme, de par sa stature va devoir faire des pas plus grands pour suivre la cadence augmentant ainsi les contraintes mécaniques sur les os porteurs, favorisant la survenue de fracture de fatigue liée à la répétition de ces microtraumatismes qui fragilisent l’os. On observe 10 fois plus de fracture du bassin chez les femmes en formation dans l’infanterie que chez leurs collègues masculins. C’est une blessure grave. Le commandement doit donc prendre des mesures pour fixer la cadence de marche sur le plus petit du groupe, si les conditions opérationnelles le permettent.
Un entraînement spécifique peut-il combler les différences ?
Les combler complètement, non, ou plutôt pas pour toutes les femmes. Dans le cadre du Research Task Group OTAN Physical employment standard, nous avons étudié l’incidence de l’entrainement sur les performances féminines qui effectivement augmente la zone de chevauchement entre les performances des hommes et des femmes : les femmes les plus « fortes » devenant plus performantes que les hommes les plus « faibles ». Néanmoins, ce recouvrement de performance reste partiel et s’il
atteint 70% pour les activités aérobies, il ne dépasse guère les 30% pour une épreuve comme les tractions. Selon le seuil de performance fixé et nécessaire pour tenir l’emploi, on peut donc imaginer après une sélection des meilleures candidates de leur donner les moyens de passer ce niveau seuil. En Norvège, les femmes bénéficient d’un parcours personnalisé de 18 mois (sans être dissociées complètement de leurs collègues masculins). Par exemple, au lieu de deux séances hebdomadaires de renforcement musculaire du haut du corps, elles en ont quatre.
Le SSA est-il sollicité sur ces questions ?
L’EMA nous sollicite actuellement sur les barèmes des épreuves physiques pour les concours d’entrée dans les grandes écoles militaires. Nous avons aussi participé au GT mixité avec les états-majors où nous avons défendu l’idée qu’indépendamment de la question de la mixité, c’est la notion même d’aptitude physique qu’il convient de revisiter pour la mettre en adéquation avec un poste plutôt que de mesurer une aptitude physique générale.
Le point déterminant est que l’évaluation de la condition physique spécifique devrait être un passeport garantissant une aptitude à occuper un emploi. Le SSA travaille donc avec les forces (avec l’armée de terre en particulier) pour définir quelles sont les qualités physiques nécessaires pour occuper tel ou tel poste. Cette notion d’aptitude physique spécifique s’affranchit du sexe et des barêmes genrés. Par contre, le barême genré,
doit être conservé pour le CCPM 1 afin de ne pas pénaliser les femmes,
notamment sur leur notation.
Cette sélection sur les aptitudes ne risque-t-elle pas d’écarter les femmes de certains postes ?
Certaines femmes, oui, mais aussi certains hommes ! Le métier de militaire est un métier opérationnel. Notre plus-value, en tant que médecin, est de nous prononcer sur les métiers où la capacité physique est importante. Définir des tests en se basant sur les tâches réalisées dans le métier de fantassin permet d’être réaliste et de préserver l’opérationnalité de nos troupes sans discrimination a priori liée au sexe.
En tant que femme militaire et médecin physiologiste, quel est votre message ?
Nous devons garantir que les femmes militaires retourneront en bonne santé à la vie civile. En tant que médecin, on
doit rappeler y compris à celles qui prônent la féminisation des emplois, qu’il n’est pas acceptable que les femmes se blessent. Il faut bien sélectionner le personnel au départ. L’équité commence là.
J’ajouterais que beaucoup d’hommes se sentent lésés par rapport aux barèmes des femmes. Prenons l’exemple des tests TAP où les femmes font un maintien de traction et non pas des répétitions de tractions, ce qui est effectivement en rapport avec le mouvement requis lors d’un saut en parachute ; pourquoi ne pas évaluer les hommes sur la base de ce même test ? De même, on pourrait imaginer des épreuves collectives où la performance du groupe serait évaluée. En effet, au combat il ne s’agit pas de trainer un mannequin de 100 kg, lorsqu’il s’agit d’évacuer un blessé, on n’est jamais seul.