KIBLIND Magazine NumĂŠro Souvenirs
LaGaîtéLyrique Établissement culturel de la Ville de Paris Partenaire diffusion
Tom Haugomat x KIBLIND Collection inédite de carnets de souvenirs illustrés par Tom Haugomat et imprimés en Riso par KIBLIND Atelier
À découvrir sur kiblind-store.com et chez KIBLIND, 25 rue Bouteille, Lyon 1er — 69 rue Armand Carrel, Paris 19e
Photo : Florent Tanet
Édito Après s’être enquillé quelques kilos de madeleines, la réponse était sans appel : le mélange œufs-farine-citron-lait ne provoque pas, en soi, une réaction chimique à même d’activer notre mémoire. Il nous a simplement rendus gras, ce qui n’est pas plus mal avec l’hiver qui vient. Nous avons donc dû suivre d’autres chemins, d’autres pistes pour trouver l’essence du souvenir, ce qui le rend si puissant dans notre esprit. Lui qui est capable de nous faire rire, pleurer, de nous rendre colérique, mélancolique, aimant, tient-il vraiment dans une boule à neige fabriquée dans un pays à très faible coût du travail ? De l’avis général de notre conseil de sages, non. Le souvenir est partout, dans chaque chose, dans chaque geste. Nous avons simplement essayé d’en décortiquer quelques-uns.
Kiblind magazine n°63 – Souvenirs HIVER 2017-2018 SÉLECTION 1/2 12 INTRO PICTOS
Souvenirs 22
INTERVIEW
Tom Haugomat 24
CARNET DE VOYAGE
Pin's 30
DISCUSSION
Winona Ryder, à la recherche du temps perdu 52
INTERLUDE
La madeleine de Proust 55
REPORTAGE GRAPHIQUE
Resta 80 56
INTERLUDE
C'était mieux avant ! 35
RÉTROGRAPHIE
Boîte à souvenirs 64
CRÉATIONS ORIGINALES
Souvenirs dessinés 36
INTERLUDE
Boule à neige 69
DISCUSSION
Internet c'était mieux avant 48
OUTRO
Playlist souvenirs par Forever Pavot 70
DISCUSSION
La Musique imaginaire 50
SÉLECTION 2/2 72
Contributeurs
Clément Arbrun –
Journaliste chez Rockyrama, Slate, Le Tag Parfait ou Les Inrockuptibles, Clément Arbrun a eu l'excellente idée de vouloir écrire pour nous. Et figurez-vous bien que ça a matché sévère, d'autant plus quand il nous a parlé de sa passion pour les films d'auteurs comme Clueless.
Romain Badouard – Romain Badouard effectue des recherches du plus haut intérêt dans le domaine des mouvements populaires. Il est alors tout naturellement devenu maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise et a sorti le livre Le Désenchantement de l'internet chez FYP à l'automne 2017.
Tom Haugomat – Oh, il n’a pas fallu bien longtemps à Tom Haugomat pour séduire tout ce que le monde compte d’yeux aguerris. Ses grandes illustrations silencieuses, aux formes épurées et aux aplats diablement efficaces, s’enfoncent dans la rétine jusqu’à provoquer l’admiration. Pourtant, il n’était pas dit que le Parisien se fraie un chemin dans l’illustration, lui qui était plutôt attiré à l’origine par l’animation qu’il a étudiée aux Gobelins et expérimentée avec Bruno Mangyoku. Quelques commandes pour Évian, XXI ou Le Monde le convaincront qu’il peut bien s’épanouir dans ces deux branches du dessin. En tout cas, on est refait de sa couverture.
Matthieu Chiara – Parisien grand et ancien de la HEAR de talent, Matthieu Chiara monopolise notre attention depuis deux ans grâce à son excellent Hors-Jeu (éd. L'Agrume) et son Dessins variés, effets divers à l'origine de sa présence ici.
Malina Cimino – Passionnée de longue date par l'illustration et les jolies choses, Malina Cimino œuvre çà (Beware) et là (nous) pour partager tout son amour. Elle fait bien.
Contributeurs
Adrien Durand –
Basil Sedbuk –
Il arrive souvent qu'à force d'écouter de la musique, on veuille en parler. Il arrive moins souvent qu'on devienne le rédacteur en chef du plus passionnant site de musique français, Le Drone, mais bon c'est arrivé à Adrien Durand apparemment.
Basil Sedbuk est un passionné d'illustration qui abreuve son monde sur son excellent blog, LaBelleIllustration.blogspot.com.
Michel Lagarde –
Ce genre de type qui sait parler de tout, en tout lieu, à toute heure. À la tête de son petit business Edition, etc, Thibaut Hofer fournit la presse et les clients privés qui ont l'intelligence de faire appel à lui.
Michel Lagarde a su associer le statut de mémoire vivante de l'illustration française avec celui de connaisseur patenté des évolutions actuelles. Un savoir qu'il distille via ses éditions Michel Lagarde, son agence Illustrissimo et la galerie Treize-Dix.
Lasse & Russe – Cet homme grand sévit dans les régions nordiques de la France, voire même à Dunkerque, où il réside. Inspiré par le rap, les hallucinations et tout ce qui se trouve entre les deux, il avoine de ses dessins la galerie Arts Factory, Vice ou les revues Franky (et Nicole) et Lagon. lazpit.com
Elora Quittet – Brillante diplômée lyonnaise en management de stars, Elora a également l'avantage de porter hautes les couleurs du FC Sochaux-Montbéliard dont elle conserve précieusement un gobelet effleuré par les lèvres pulpeuses de Ryad Boudebouz.
Manon Raupp – Férue de musique indépendante jouissive, Manon Raupp, depuis Toulouse, fabrique tout aussi indépendamment son fanzine Ductus Pop.
Ted Supercar/Thibaut Hofer –
Martin Sztajman – Le cofondateur de Fidèle éditions et ancien étudiant à Angoulême n'a pas oublié d'ajouter l'humour à l'élégance de son allure. Une drôlerie qu'il diffuse via sa propre maison mais aussi sur le site du Monde ou dans la revue franco-libanaise Salamande dont est issu le « perfect_moments.jpg » de ce numéro.
Florent Tanet – Depuis 2013 Florent se consacre exclusivement à sa passion pour la photographie et à la direction artistique, en particulier pour tout ce qui ressemble à des natures mortes. Il travaille pour Le Monde, Vogue, New Yorker, entre autres facéties.
Delphine Zehnder – Ancienne du Petit Bain parisien, Delphine est également amoureuse de la bande dessinée dont elle colporte les ébats autant qu'elle peut.
STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Direction Kiblind & Klar : Jérémie Martinez Jean Tourette Gabriel Viry Team Kiblind Magazine : Maxime Gueugneau & Simon Bournel-Bosson - Agathe Bruguière Alix Hassler - Jérémie Martinez - Justine Ravinet Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Réviseur : Raphaël Lagier Merci à : Matthieu Sandjivy, Alexandra Beaume Direction artistique : KIBLIND Agence (www.kiblind.com)
INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni Couverture : Arcoprint Milk 300g - Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Orphéon (Marine Stephan) Imprimeur : DEUX-PONTS Manufacture d'histoires www.deux-ponts.fr Édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . 27 rue Bouteille - 69001 Lyon 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris 04 78 27 69 82 - www.kiblind.com Le magazine est diffusé en France. Liste complète sur www.kiblind.com. Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 20 pages pour la région Rhône-Alpes. ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. Ce sera Anouk dès demain... THX CBS. Contact : redaction@kiblind.com
www.clermont-filmfest.org Clermontferrandshortfilmfestival @Clermont_Court #ClermontFF18
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INSTANT INSTA
hellogritti
brest.brest.brest
strapazin
gabalca
klauskremmerz
foam_magazine
jochengermer
yann_lebec
evanmcohen
ushikima
pingszoo
reynald.feracci
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LE BULLETIN DE L'AUTOMNE
SCREEN SHOT Ce qu'il se passe sur internet, reste sur internet
Dans notre monde de performance, il était temps que les saisons et ceux qui les font reçoivent une juste sanction.
Neutralité du net
Les États-Unis et leur merveilleuse commission fédérale des télécoms ont voté la fin de la neutralité du net en autorisant les FAI à moduler leur débit à leur guise en fonction des contenus. → Les concours de zizi : 2/10
→ L'Apocalypse en sifflotant : 1/10
En voilà deux qui ne pensent qu'à eux. Voir des zizis n'est pas gênant en soi, mais quand les nouilles en question sont des ogives nucléaires et qu'on menace de faire sauter la planète c'est moins jojo. Hein Donald et Jong-un ?
On ne peut pas dire qu'on ne savait pas. Quand ils sont 15 000 scientifiques à se mettre d'accord pour dire qu'on fait à peu près n'importe quoi - et surtout rien du tout dans la lutte contre la dégradation de l'environnement, il faudrait sans doute y prêter une oreille.
Emma
→ Les blagues ratées : 5/10
C'est vrai que ce clash n'a plus aucun sens. Mais c'est quand même un peu drôle que Booba ait voulu sortir son album le jour de l'anniversaire de Rohff. Malheureusement, il a leaké un peu trop tôt et puis, entre nous, il ressemble moins à un Trône qu'à un bon fauteuil à placer devant la télé.
→ Tout est dépeuplé : 4/10
La France, cette mère aimante, a perdu son plus beau fils, son Johnny, son préféré. Alors, elle a pleuré, cette France, elle s'est tordue de douleurs pendant quarante jours et quarante nuits, ne trouvant ni repos, ni sommeil. Jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive qu'il lui restait quand même Patrick Fiori.
Les applications peuvent aussi être autre chose qu’une perte de temps, à l’image d’Enterre-moi mon amour qui suit le parcours d’une réfugiée syrienne à travers l’Europe. Messages 2.0
→ Balance ton porc : 9/10
Si la guerre est loin d'être gagnée, la prise de conscience a débuté. Les femmes, en racontant leur calvaire quotidien, les agressions fréquentes et les drames, parfois, ont porté un sacré coup à la vision masculine de la société et rappelé ce constat terrible : la moitié de l'humanité est une proie potentielle pour l'autre.
→ Britney > Léonard de Vinci : 10/10
Après avoir inventé la pop des années 2000, Britney Spears a encore une fois marqué l'humanité de son génie. Elle a cru bon d'époustoufler l'internet en peignant de magnifiques fleurs dans sa tenue du dimanche, au doux son de la Marche turque de Mozart. Léonard n'était qu'un con.
Les bénis Messages à caractère informatif sont revenus sur nos écrans pour motiver à nouveau le gagnant qui est en nous. Et, chose superbe, ils ont découvert Internet.
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ARCHIVE DE SAISON Michel Lagarde fouille dans ses précieuses archives pour raviver un souvenir d'antan qui nous fascine toujours autant.
Peut-être que son nom si français ne vous dira rien ; il serait pourtant dommage de passer à côté du génie caché sous la signature d’A.F. André Farkas, plus connu sous le nom d’André François, est né en Roumanie en 1915. Installé en France dès 1934, il est l’un des artistes du dessin les plus influents de sa génération, avec son compatriote Saul Steinberg. Ses couvertures de Vogue, de Punch, de Graphis ou du New Yorker lui ont assuré dès ses débuts une notoriété internationale. De Londres à New York, de Zurich à Tokyo, il reste pour beaucoup d'illustrateurs et pour plusieurs générations une référence absolue. En France, Prévert collabora avec lui en 1952 pour Lettre des îles Baladar; puis l’éditeur Robert Delpire, cet autre grand homme, l’imposa définitivement avec Les Larmes de crocodile en 1954. Deux livres mythiques, toujours réédités. N’oublions pas de fêter également l’affichiste, le décorateur de théâtre, le sculpteur. La majeure partie de son œuvre a brûlé lors d’un incendie ravageur dans son atelier, un soir funeste de décembre 2002 à Grisy-lesPlâtres. Au même moment se tenait une rétrospective de son œuvre graphique à la bibliothèque Forney. Petit à petit, ses livres pour la jeunesse réapparaissent chez Memo ou à l’École des loisirs. Parmi ses admirateurs inconditionnels, Janine Kotwica qui a tant œuvré pour préserver sa mémoire en créant le centre André François à Margny-lès-Compiègne. Elle prépare une exposition et un cycle de conférences à l’école Estienne et à la BnF à partir du mois de janvier 2018 — Michel Lagarde
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PERFECT_ MOMENTS .JPG Martin Sztajman nous fait partager ces délicieux instants où le temps semble s'arrêter. Ce visuel est tiré d’une série à retrouver dans la revue Samandal (@samandalcomics). Vous pouvez retrouver Martin chez Fidèles Editions, sur lemonde.fr tous les dimanches pour sa série Rhétoriques et sur son tumblr : martinsztajman.tumblr.com.
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CITY GUIDES
Envie de voyage Une couverture suffit parfois à nous transporter loin des tracas du quotidien, dans une ville où il fait bon vivre, ivre, se dégourdir ou simplement dormir.
Les guides de voyage aiment l'illustration, qui, elle même fait voyager... Comme quoi, tout se tient. De nombreux illustrateurs se retrouvent ainsi en couverture de ces petits ouvrages fort pratiques quand on a perdu l'internet ou tout simplement la tête. On en a choppé quelques-uns qui fricottent aussi parfois avec le graphisme et la typographie : - La collection Taschen/New-York Times, 36 Hours, un classique joliment illustré par différents artistes (ici Olimpia Zagnoli). - Le Emmenez-moi de la SNCF qu'on vous offre si vous avez la chance de cotoyer la 1ère classe, avec un illustrateur/trice par an. Cette année c'est Lillidesbellons qui s'y colle. - Monocle et son éternel Satoshi Hashimoto en couverture de leur célèbre guide lifestyle et chicos. - Le trendy Lost in qui ose la typographie, répétée qui plus est. Tiens... - Une petite carte de Copenhague agrémentée de jolis dessins de Matt Chase, le tout édité par les élégants Herb Lester Associates. - City cycling créé par Rapha et Thames & Hudson, la collection pratique de guides des villes européennes à vélo. - Enfin, les Travel Books de Louis Vuitton qui ont l'extrême bon goût de laisser s'exprimer les artistes invités.
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C’est vrai, on ne peut pas le nier, les années 80 c’était chouette. On pouvait s’habiller n’importe comment et rester élégant. On pouvait écouter de la house et voter pour Bernard Tapie. On pouvait aussi regarder des clips et jouer à des jeux vidéo très mal faits. Des jeux vidéo qui semblent avoir retourné le cerveau de nos rappeurs préférés cet automne. Kekra et Doums ont en effet décidé de se faire un petit plaisir en sortant, à quelques jours d’écart, les clips de « Tout seul » et « Dans le sang », façon jeu d’arcade. Et c’est bien vrai que c’est plaisant. En revanche, on est assez loin de l’originalité puisque quelques mois avant c’était Roland Jenkees (c’est une lubie chez lui, c’est vrai), plus tôt, on a eu Birdy Nam Nam et en 2011, The Toxic Avengers et Orelsan sortaient un clip « Arcade Edit » de leur horrible « N’importe comment ». Mais à ce jeu-là personne ne battra le roi du biz, 2080 et son « My Megadrive ».
FAITS DIVERS
— Dessins variés, effets divers, Matthieu Chiara
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JEU DES 7 ERREURS Lasse & Russe
JEU DES 7 ERREURS Lasse & Russe
LOGOS :-) Bon ok, les logos avec des sourires en coin, ça a toujours existé. Mais avec le retour du smiley, le rythme s'est considérablement accru. Petit clin d'oeil, non exhaustif, à cette bande de joyeux drilles : les jeunes (Z pour enfants, It's Nice That, I-D Vice), les voyageurs (l'agence de voyage Tui ou la ville de Duesseldorf), les corporate (Pages Jaunes, Gü Desserts, Amazon et LG Mobile) et un des derniers venus, Lapeyre, qui a, malencontreusement changé son slogan et son logo. Pour voir le smiley, il faut y mettre un peu du sien... Et encore, on n'a pas mis Carrefour.
Photo : Florent Tanet
Souvenirs Souvenirs Souvenirs Souvenirs Souvenirs Souvenirs
intro pictos
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L'homme regarde sa vilaine Tellement de faux
.
qu'il a
du mal à déchiffrer, mais... Oui, c'est bien ça, le temps est passé super vite. Il a plus de 30 ans maintenant. Elle est bien loin l'époque des couches- culottes. Toutes ces misères, tous ces bonheurs, il en a parcouru des pour en arriver là. Il essaie de se souvenir de ce qui l'a amené ici, de ce qui aurait dû l'en écarter. Il vise
Souvenirs
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l'étagère avec ses
, ses diplômes,
ses cartes postales, ses
photos.
Tout ce qui a fait sa vie est rangé là et tient dans un
. C'est ridicule,
c'est comme résumer un voyage à ses empreintes de
. C'est ça
le souvenir ? Peut-être, ça et quelque chose de plus grand, les deux à la fois. Les objets agissent comme des
pour fermer la lumière.
Et dans cette salle noire peut enfin se projeter le
de notre vie.
Interview
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Jeune illustrateur parisien, Tom a marqué les esprits rêveurs avec son livre Hors-pistes sorti en 2014. Depuis, ses somptueuses illustrations au cadrage et à la lumière soignés ont trouvé une place de choix dans de nombreux médias prestigieux (New Yorker, Le Monde, XXI) et sur des communications de marques de type costaud (Évian, Volkswagen, etc.).
Tom Haugomat, l'aventure intérieure Avec son compère Bruno Mangyoku, le jeune loup a fait ses premiers pas dans l’animation et ça se voit. Ses illustrations « cinématographiques », véritables arrêts sur image, témoignent d'instants suspendus et nourrissent des émotions qui viennent de làdedans, au plus profond. Et créer de lointaines réminiscences.
Tu te souviens des dessins de cette époque ? Je transpirais beaucoup au début parce que j’avais un dessin qui n’était pas tout à fait au point techniquement. En réalité, j’ai plus été pris pour ma capacité à raconter des histoires, pour ma curiosité plastique et mon côté touche-à-tout. L’école, ils se sont dit : « Si on les combine avec les gros dessinateurs de ouf, ça devrait faire de bons films de fin d’année. » C’est sûr qu’avec les mecs comme Bastien Vivès de la classe du dessus, t’avais de quoi te poser des questions. Ils dessinaient des mains en perspective de folie, t’avais l’impression que ça
glissait tout seul, avec une facilité déconcertante… Je faisais pas trop le malin avec mes trucs en mode construction, pas du tout sensibles. Je faisais des dessins qu’on pourrait qualifier d’un peu franchouillards, parfois à la limite du glauque. La libération est venue en deuxième année avec un mec qui s’appelle El Diablo, un des créateurs des Lascars. Il nous a demandé de faire une histoire réalisée en flash en 10 minutes… Et là, on ne nous emmerdait plus à faire un Merlin l’enchanteur… On était dans la mise en scène et ça m’a complètement libéré. J’étais avec mes petits décors, mon bricolage, etc. Un minimum d’images pour dire un maximum de choses. J’ai appris plein
de trucs. J’ai un peu tordu le truc en réalité. J’ai toujours un dessin académique pas dingue mais j’aime travailler sur la photographie, la mise en scène, la narration.
" Il [El diablo] nous a demandé de faire une histoire réalisée en flash en 10 minutes… Et là, on ne nous emmerdait plus à faire un Merlin l’enchanteur… "
Travaux d'études.
Quelques souvenirs de ta formation ? Après le bac… comment dire... J’étais un étudiant assez médiocre au lycée, un gros fumiste. Donc quand je suis arrivé avec mes bulletins à l’Atelier de Sèvres (école préparatoire aux écoles d’art), parce que de toute façon je voulais faire du dessin, ils m’ont dit « quand même, sur votre bulletin il est écrit que l’obtention de votre bac relèverait du miracle »… Bon, ils n’y ont pas cru quoi. J’ai eu mon bac mais c’était trop tard. Du coup, je me suis dit que j’allais me cultiver un peu. J’ai fait une première année en histoire de l’art et archéologie. Pour être honnête, c’était plus une année de transition. Une année où on se dit qu’il faudra bien bosser à un moment ou à un autre. J’ai surtout beaucoup dessiné... L’année d’après, je suis entré à l’Atelier de Sèvres et j’ai découvert ce truc fou : on pouvait te noter sur un dessin que tu avais fait ! Génial ! J’ai investi les Gobelins en 2008 à la suite de la prépa. Là j’ai rencontré Bruno (Mangyoku) avec qui je fais les films d’animation, Vincent (Mahé), qui est aussi illustrateur et tous les amis avec qui je partage encore l’atelier aujourd’hui.
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Images tirées du court-métrage Jean-François, Tom Haugomat & Bruno Mangyoku - 2009.
Interview
Tes inspirations justement ? Les voyages et la culture. J’ai toujours été sensibilisé par ma mère, qui était institutrice, au monde de l’art et aux expositions en particulier. Je m’inspire de pas mal d’autres choses que de l’illustration en tant que telle. Je suis fan du Japonais shoji ueda, des compositions en noir et blanc super-minimalistes par exemple. Essayer de rendre une atmosphère avec seulement deux aplats. Mon premier truc, c’était d’ailleurs des dessins à la gouache de Robinson et la vie sauvage avec juste un magenta et un rouge sur de vieilles pages jaunies. Puis j’ai découvert Blexbolex,
Hors-pistes, Tom Haugomat & Maylis de Kerangal, éditions Thierry Magnier, 2014. Frères d'exil, Kochka, Flammarion Jeunesse, 2016. Visuel réalisé pour la revue XXI, "Saison dans l'herbe".
Tu as toujours vécu à Paris ? Oui... C’est assez paradoxal quand on voit mes dessins... Je crois que quand je me retrouve au cœur de la nature, c’est d’autant plus fort pour moi. Mais oui, enfant je vivais dans le 14e arrondissement. On allait jouer chez les copains. Assez jeune, j’ai pu sortir avec les potes en mode gang, 400 coups. Même si avec l’âge et les enfants, je suis moins « dépendant à la ville », je suis toujours très proche de Paris, des amis et de l’ambiance de travail qui va avec. On travaille ensemble dans un cadre plutôt sympa. Avec Bruno par exemple, on s’est toujours suivi. Quand on a quitté les open spaces des boites de prod parisiennes, pour s'installer à l'atelier, ça a été une révélation! On a eu la chance d’avoir assez vite du boulot, qu’on pouvait en plus se refiler entre nous, et vivre de notre dessin. C’est assez grisant de travailler en équipe et très utile, j’ai beaucoup besoin de l’avis des autres. Pour l’animation c’est pareil. Et puis on a un peu commencé en même temps. Nos objectifs ont changé au même moment. Avant, c’était de pouvoir vivre de notre dessin, maintenant on peut se concentrer vraiment sur nos travaux.
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Visuel réalisé pour l'Obs, "Ghosting".
Tom Haugomat
Et tes souvenirs marquants en matière de travaux réalisés ? Le premier film réalisé en 2009 avec Bruno, Jean-François (visible sur Youtube), un film d’animation de cinq minutes qui a été diffusé par Arte. C’était hyper-libérateur. Avec Bruno, on était un peu stressés de quitter l’école et de trouver un travail. J’avais vu une annonce de Cube creative. On pouvait faire notre film en étant payés et eux, ça leur faisait une bande démo. Ça nous a motivés. En septembre, on est arrivés avec un projet assez
solide. L’histoire fait d’ailleurs écho à ce qu’on vivait alors... Le film, c’est l’histoire d’un nageur, un monstre physique, qui gagne toutes les compétitions. Par flashbacks, on comprend que petit, il essayait par tous les moyens d’atteindre une bouée au large d’une plage normande, sans jamais y arriver. Après une énième compétition remportée, lassé de son quotidien, il décide de retourner sur cette fameuse plage. Et là, cette star de la natation, cette montagne de muscle, va l’atteindre… à pied, car c’est marée basse. Il atteint enfin son objectif… C’est ce qu’on était en train de faire tous les deux avec Bruno finalement en faisant ce film. On avait touché notre bouée à nous et c’était bon ! C’est le truc le plus sincère, le plus pur qu’on ait jamais fait, je trouve. L’animation aura toujours une place particulière dans mon
travail de toute façon, avec ce rapport particulier à la musique par exemple. Sinon, comme projet, il y a évidemment Hors-pistes, le livre avec Maëlis où j’ai « fixé » mon style. La mécanique du livre me ressemblait et le projet personnel aussi, avec l’exposition et les différents supports. C’était il y a trois ans déjà... Et puis, franchement, ce voyage au Japon de cette année, qui était fou. Pour les commandes plus commerciales, j’ai gardé un bon souvenir de ma collaboration avec la marque de bières canadiennes Stanley Park Brewing. C’est vrai qu’aujourd’hui, j’ai moins d’appréhension pour les publicités. Ma plus grande appréhension, maintenant, c’est de faire des affiches… Je me dis, les gens, ils vont mettre ça chez eux… Ça me stresse. C’est un visuel tout seul qui vit chez des gens…
Visuels pour les étiquettes de bière Stanley Park Brewery - 2017
Jean François Martin, des types qui sont des maîtres en la matière et qui n’en finissent pas de se réinventer. J’adore, dans le dessin, tout ce qui n’en est pas en fait : le cadrage, les lumières, les formats. Les expos ça marche aussi pour se nourrir. J’ai vu récemment au BAL l’exposition de Clément Cogitore, « Bragunio ou la communauté impossible ». Deux familles au milieu de nulle part en Sibérie qui n’arrivent pas à s’entendre. Des chasseurs-pêcheurs qui sont capables de tuer des ours mais qui n’arrivent pas à gérer leur toute petite communauté. Cette année, j’ai aussi pas mal voyagé donc ça permet de voir autre chose. Ma copine, qui travaille l’estampe, a eu une résidence à Montréal en février. Je l’ai suivie et j’ai passé un mois à bosser là-bas sur mon prochain livre. Et puis j’ai découvert Yakushima au Japon avec le projet de The Jaunt. Ils défraient quatre jours pour une destination de notre choix en échange de dessins… Le rêve. Puis j’en ai profité pour prolonger sur l’île de Kyushu en famille. Se nourrir de vrais trucs, ça m’a permis de choper de nouvelles couleurs, de nouveaux cadrages, de nouvelles images, etc.
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Campagne pour ÉVIAN - 2016
Interview
Tom Haugomat
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Interview & portrait : Jérémie Martinez
Croquis pour The Jaunt, 2017.
Parmi les images souvenirs que tu as réalisées pour la collection de carnets en Riso avec Kiblind en janvier, laquelle tu retiendrais ? Celle du parapente par exemple. Je me faisais un peu chier pendant que mon père faisait du parapente pendant des heures. Au début, tu as une espèce de fascination pour l’objet volant et puis en fait, tu rentres vite dans ta bulle. Lui il volait, moi je glandais à jouer à Zelda sur Gameboy Pocket, complètement englobé par la nature environnante. Quand tu es petit, tu ne te rends pas compte à quel point ces ambiances te marquent. C’est aussi ces vacances-là où on faisait de l’alpinisme dans le parc des Écrins. C’est des souvenirs qui sont restés. Même si je suis un gros Parisien qui vit dans sa brume, j’ai quand même besoin de dessiner ça. C’est des moments qui m’ont forgé. C’est toujours un fantasme d’essayer de maîtriser la nature. À Yakushima, on a pris un typhon… J’étais carrément en panique. Loin de la maîtrise... Mais ça fera de belles images.
À travers (titre provisoire) - Sortie prévue en septembre 2018 aux éditions Thierry Magnier
Et demain ? Je viens de finir un livre aux éditions Thierry Magnier qui devrait sortir en septembre 2018. J'ai tout fait seul cette fois. C'est l'histoire d'un type passionné d'astronomie, le livre est essentiellement composé de diptyques. Mais j'en dis pas plus pour l'instant!
Visuels issusde la collection de carnets Kiblind X Tom Haugomat, 2018.
" Lui [mon père] il volait, moi je glandais à jouer à Zelda sur Gameboy Pocket, complètement englobé par la nature environnante. Quand tu es petit, tu ne te rends pas compte à quel point ces ambiances te marquent."
Carnet de voyage
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Pin's
Il y a trente ans tout pile, la France découvre un étrange phénomène : le pin’s publicitaire enflamme tout le pays, arboré fièrement et jusqu’à l’excès, pour revendiquer sa participation au Téléthon et ses petits pêchés mignons, comme le 7up, l’Armée de terre ou Autoroute FM. De ce monde oublié, rempli de souvenirs, demeurent encore quelques anciens combattants…
Pin's
N'en déplaise aux amateurs de cyclisme, Jean-Paul Adam n'est pas la F.I.V. télévisée de Thierry Adam et Jean-Paul Ollivier. Et pourtant, lui aussi a une carte de presse et une maison parfaitement calibrée, juste au bord de la départementale, pour attendre l'étape de plaine qui peut être n'arrivera jamais. Dans cette Haute-Normandie, bassement pluvieuse, Jean-Paul Adam a aussi un avantage sur tous ses confrères : une collection de pin's, spécialisée dans les médias, qui n'a rien oublié d'Antenne 2, des fausses promesses de France 3 (« Génération Sensations ») ni évidemment du Tour de France. Dans le peloton des collectionneurs de pin's qui s'épuise, avec le temps, comme dans un col hors catégorie, Jean-Paul Adam fait assurément partie des hommes de tête : avec ses 8 000 pièces, il dispose d'une des plus importantes collections françaises et d'une âme de baroudeur. « Le plus intéressant, c'est la chasse », pose-t-il, dès notre arrivée, à l'image de l'imposant classeur dans lequel il recense tous les modèles existants en rayant méthodiquement ceux qu'il possède. 2017. L'année est peut-être passée inaperçue, mais pas pour certains : c'était le trentième anniversaire du pin's sur le sol français, ou d'un nouveau débarquement venu d'Amérique, à l'image des bannières étoilées pincées systématiquement sur chaque blaser présidentiel. Dans cette affaire, il y a une ombre du marketing sportif à qui Jean-Paul Adam devrait beaucoup, comme la plupart de nos vide-greniers : ancien publicitaire, Gilles Bertoni dirige la communication de Roland Garros et introduit le premier pin's français lors de l'édition 1987 du tournoi. En vérité, le larron avait saisi l'occasion, l'année précédente, lorsqu'un journaliste de NBC lui avait offert ce goodies aux couleurs
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de la chaîne américaine. Mais quoi qu’il en soit, Porte d’Auteuil, c’est jeuset-et-match : le pin's s'arrache avec les lunettes Ray Ban, auxquelles il est associé et ouvre une période de cinq ans pendant laquelle tout autre objet sponsorisé ou textile floqué peut aller sèchement se rhabiller. « On a connu une véritable frénésie. En quelques mois, tout le monde s'est mis à faire des pin’s. Pour le public, c’était un véritable signe de reconnaissance et d’appartenance, à tel point qu’on se faisait même arrêter dans la rue lorsque l’on portait un modèle un peu recherché !». On imagine un peu le racket au bord de la départementale, ce jour sans personne, mais il est vrai que les pin's avaient alors acquis des valeurs sans égal, symboliques mais aussi financières. Vendus 30 francs pièce (7€) et toujours assez prisés,
les modèles Roland Garros atteignaient par exemple des sommets à la revente : jusqu'à 20 000 francs (3 000€) pour certaines éditions limitées.
« Coucou, c’est Sophie Favier » Malgré ses lèvres de silicon, la Social Valley n’a pas le monopole de l’épingle. Et au-delà d’un anglicisme forcené, le pin's peut également se raccrocher à des racines plus locales. Bien avant Roland Garros, il y eut d’abord un match, vers 1917, entre les ancêtres de Boris Becker et Guy Forget : c'est la guerre, la vraie et l'apparition des premières médailles militaires, qui vont être les premières à créer de l’identité sous la forme d'un petit objet attaché près du coeur. Le pin's français
Carnet de voyage
aurait seulement vécu quelques années avant l’overdose, mais il s'inscrirait en réalité dans une histoire centenaire dont le savoir-faire est une des pierres angulaires. Fondée en 1803, la maison Arthus-Bertrand, célèbre médailliste français, a ainsi offert au pays le pire et le meilleur : un rejeton fan d’hélicoptère, mais aussi des pin’s de bijoutier. « L’histoire moderne du pin’s est d’ailleurs liée à l'évolution des matériaux qui explique sa mise en orbite autant que sa perte de valeur », raconte Jean-Paul Adam. Le spécialiste l’explique notamment grâce à un petit tableau, dédié à Guignol, dévoilant tout le process de fabrication, un peu plus compliqué qu’il n’y paraît : création du moule, matrice en métal, diffusion de l'émail dans les alvéoles… Arthus-Bertrand et quelques fabricants français produisaient alors des objets haut-degamme et signés, comme ceux de Roland Garros, Lacoste ou Perrier. Mais lorsque le pin's s'est généralisé partout, les moules en plastique et l'Epoxy (une résine collée avec de la peinture) ont rapidement pris le relais et la direction de Taiwan. On trouve ainsi de tout dans le bureau foisonnant du collectionneur normand : des pin's rares et précieux, dont les patineurs artistiques de la 2, la Carte aux trésors de France 3 ou une série complète dédiée aux plus beaux villages de France. Mais également du toc, à peine dissimulé, comme un rasta défoncé par une mauvaise résine ou les fameux pin's parlants de TF1. La chaîne a fait le pari de l’innovation en lançant une série de modèles permettant d’actionner les voix enregistrées de Bernard Montiel, Dorothée ou le « Tout à fait Thierry » de JeanMichel Larqué. « Le public pouvait
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" À une période, on se faisait même arrêter dans la rue lorsque l’on portait un modèle un peu recherché ! "
Pin's
jouer en appelant un numéro ou un 36 15 surtaxé. Je doute qu’il y ait eu beaucoup de gagnants, mais je les ai tous récupérés. Ecoutez, c’est Sophie Favier : on a le même cheveu sur la langue… » À la fin des années quatre-vingt, les pin’s publicitaires sont omniprésents avec certains domaines de prédilection comme les médias, les sports ou les métiers, notamment les pompiers. « Je me suis spécialisé dans les premiers, car je suis moimême journaliste et il y avait de quoi faire avec toutes les antennes locales, les émissions et les grands événements médiatiques ». En 1992, les JO d’Albertville forment une sorte de paroxysme du pin's français et le début d'une nouvelle épreuve : la descente. « C’est à cette période que j'ai vraiment commencé à m'y intéresser, après ma femme, alors que le pin’s passait un peu de mode
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mais devenait un véritable objet de collection, sorti de son contexte promotionnel ». Jean-Paul Adam devient ainsi « philopin ». Il se met en chasse, achète, échange, revend, épluche les revues spécialisées (L'Argus du Pin's, Pin's up), participe à des salons, découvre Internet : son site personnel n’est plus alimenté mais il revendique encore plus de 3 000 annonces gratuites et le statut définitif de plaque tournante des collectionneurs de pin’s. Faut pas déconner.
Olympin’s « La collection est une pathologie et le collectionneur, un grand malade inoffensif ». Avec ces mots, Gilles Bertoni nous a tous bien épinglés et Jean-Paul Adam l’assume sans sourciller. En 2003, il lance même une sorte d'hôpital de campagne, à
Louviers, avec le Salon international du pin's, réunissant plusieurs centaines de visiteurs et toute la crème du pin's français. C’est le cas par exemple de Jacques Bescond, ancien propriétaire du Bar Romain à Paris et collectionneur invétéré (plus de 10 000 pièces). « Nous avons organisé cinq éditions successives avec beaucoup de succès. On fabriquait même nos propres pin’s, vendus au profit de la CroixRouge. » La manifestation s’arrête finalement en 2008, si bien qu'il ne reste aujourd'hui que trois événements dédiés sur tout le territoire, dont le Salon de Saint-AmandMontrond à l’automne. La France du pin's se désertifie, ce qui n'est pas tout à fait étonnant après 25 ans d'abstinence sur la poitrine de ses habitants. Mais le retour de hype ne serait pas si loin, au même titre que toutes les années 90 avec leur
Carnet de voyage
panoplie de salopettes, Bombers ou Doc Martens . « À plusieurs reprises, j'ai été contacté par des jeunes créateurs qui recherchaient des fabricants. » Certains géants du secteur (Asos, Zara) se sont également remis à éditer des séries. Le pin's reste également au coeur de la culture commerciale de certaines grandes marques. C'est le cas de Coca-Cola qui a lancé le premier pin's publicitaire dans les années soixante et comptabiliserait aujourd’hui plus de 3 000 modèles officiels. Au pays de Mickey, le pin's est également un produit dérivé majeur, utilisé notamment pour animer une communauté de passionnés, plutôt dingos. « Disney sort près de 500 nouveaux pin's chaque année et organise des Pin Trading pour les échanger. Ils avaient même loué un stand à Louviers ! ». L’engouement reste vivace à tel point que certains modèles rares se monnaient encore comme au siècle dernier. C’est le cas du Mickey's Mac Club, sorti en 1991 en édition limitée, à l'époque du partenariat entre
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Apple et Disney : cette tête de rongeur, aux couleurs de Macintosch, peut encore se négocier jusqu’à 5 000 dollars sur e-bay ! « Il est probable que les JO 2024 contribuent également à relancer le pin's sur le sol français car c'est toujours un moment privilégié pour les éditeurs et les collectionneurs, avec les modèles proposés par les organisateurs, les médias ou les sponsors. À chaque olympiade, un village du pin’s leur est généralement dédié… » Retour à Iville chez notre ami JeanPaul. Les JO sont également bien présents sous les vitrines, mais Planète Pin’s a un peu jauni sur les piles d’archives. Edité jusqu'à 40 000 exemplaires à la grande époque, le magazine est devenu Phone Cartes, quasiment du jour au lendemain. « Ils ont pris le virage », commente le philopin, comme si les télécartes ou le rayon de soleil étaient ici davantage qu’on lointain souvenir… Texte : Gabriel Viry Photos : @yohann.borel
Pin's
Interlude : c'était mieux avant !
LES VÊTEMENTS FLUO Les années 90 étaient cette époque bénie où se balader en jogging vert et violet fluo ne choquait personne. Alliant confort, style et sécurité (visibilité maximum sur une route en pleine nuit !), on ne peut que pleurer l’uniforme d’une génération, qui, et c’est un mystère, ne semble pas décidé à revenir sur le devant de la scène fashion.
LE MINITEL On nous taxera peut-être de mauvaise foi mais, sincèrement, on l’a encore en travers de la gorge. On tenait un truc made in France, on avait le futur des télécommunications mondiales entre nos mains, quand un certain « Internet » est venu mettre le boxon et briser notre glorieux destin.
Illustration et pictos : Agathe Bruguière Texte : Alix Hassler
LA VIE SANS PORTABLE ET SANS INTERNET Fut un temps, il paraît qu’on entretenait des conversations ininterrompues lorsque l’on était avec quelqu’un, que l’on regardait même l’autre dans les yeux ; que l’on était à l’heure aux rendez-vous ; que l’on envoyait des lettres d’amour écrites à la main, avec des petites ratures au blanco ; que l’hypocondrie était tout à fait limitée (cimer Doctissimo) ; que l’on était tranquille, que l’on ne s’inquiétait même pas pour nous quand on était injoignable pendant 2H d’affilée. Vous y croyezvous ?
LE NIVEAU DES ÉLÈVES AU BACCALAURÉAT C’est bien connu, année après année, le « niveau baisse » et le bac est donné à des lycéens qui ne le méritent pas.
JOHNNY HALLIDAY RIP Jojo parti trop tôt. LE R’N’B FRANÇAIS Parce que Tragédie, Leslie, Willy Denzey, Assia et Matt Houston. Faut-il vraiment un argumentaire ?
LES MINIKEUMS Les Minikeums incarnent le temps révolu d’un goûter de 16h30 englouti devant un programme de qualité à la téloche. Entre 1993 et 2002, ces petites marionnettes ont accompagné notre jeunesse, et ont, pour sûr, contribué à faire de nous des gens biens. Au diable les Z, Y et autres Millenials, on était de la Minikeums génération. Alors, quand 15 ans plus tard, on a appris qu’un remake de l’émission culte portait Kev Adams en star du show, entouré de Norman et Louane, on a plongé tête baissée dans un passéisme de circonstance.
L’AMOUR Claudia Schiffer et David Copperfield, Britney Spears et Justin Timberlake, Brad Pitt et Jennifer Aniston, ils nous ont fait croire à l’amour puis, paf, fait salement déchanter. Et si notre cœur n’était pas assez meurtri par la cruelle réalité, nous devions encore nous prendre en pleine poire la rupture de Cathy et David Guetta. Finies les douces illusions, à partir de là, on est toujours restés persuadés que l’amour, ça n’existe pas !
C’ÉTAIT MIEUX AVANT ! — Dans un monde instable, à l’horizon incertain, le souvenir est un refuge. Ah qu’il est bon d’inviter la nostalgie à notre table ! Ah que c’était mieux avant ! Pris du « syndrome du rétroviseur », nous avons dressé la liste, totalement subjective, il va de soi, un peu débile naturellement et sans logique aucune, des choses que l’on regrette un chouilla.
Créations originales
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Éloïse Rey | Une aiguille dans une botte de foin, Allonzier-la-Caille, 1994 eloiserey.fr
CrĂŠations originales
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Hyperbaudet | L'Alpha, Papa et Pauline, Iholdy, 1986 hyperbaudet.com
CrĂŠations originales
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Camille Deschiens | Papa ne sait pas lire une carte, l'autoroute, souvent camilledeschiens.tumblr.com
CrĂŠations originales
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Hicham Amrani | Holidays, Strasbourg, aoĂťt 2017 hichamamrani.tumblr.com
CrĂŠations originales
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Florent Grattery | La chamaille comme ĂŠducation, la maison, 1992 ou 1993 cargocollective.com/florentgrattery
CrĂŠations originales
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Pia-Melissa Laroche | Vauls-le-PĂŠnil, 1989 piamelissalaroche.fr
Créations originales
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Léa Djeziri | Pinzuti, Désert des Agriates, Corse, 4 septembre 2015 leadjeziri.wordpress.com
CrĂŠations originales
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Magali Brueder | RandonnĂŠe avec Rebecca, 4 novembre 2017 magalibrueder.fr
CrĂŠations originales
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Roberto MassĂł | Madrid with my girlfriend, last years cargocollective.com/robertomasso
CrĂŠations originales
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Simon Bailly | 23h47, Berlin sans google maps, fĂŠvrier 2016 simon-bailly.tumblr.com
Créations originales
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HICHAM AMRANI
FLORENT GRATTERY
Le dessinateur strasbourgeois n'est pas le petit poucet qu'il faut couver et accompagner; Hicham Amrani est un grand, de ceux dont on écrit les légendes, de ceux qui se dressent contre l'injustice et l'inégalité, de ceux qui défendent la liberté et la justice, de ceux qui, en un mot, sont les gloires de l'humanité. Il est en effet le cofondateur de Psoriasis éditions. hichamamrani.tumblr.com
Là-bas, dans le nord, dans cette ville que les Français surnomment capitale, existe Florent Grattery. Il y a fait ses études, d'abord une mise à niveau chez Estienne puis une formation en cinéma d'animation à l'ESAD ; il y travaille, apportant ses bienfaits pour Canal+, France 24, XXI, La Quadrature du net ou Bosco del Rey ; il y vivra , on l'espère, des moments formidables. cargocollective.com/florentgrattery
SIMON BAILLY
HYPERBAUDET
Nous avons affaire ici à un bon élève. Le meilleur même puisqu'il est sorti major de promo de l'ESAL d'Épinal. Un titre qu'il est loin de voler aux vues des réalisations effectuées depuis lors pour l'Imagerie d'Épinal, XXI, Télérama, Alternatives économiques ou les éditions du Pourquoi pas ? simon-bailly.tumblr.com
Comme vous l'aurez remarqué, Hyperbaudet n'est pas vraiment son état civil. Il s'agit de l'alias de la citoyenne Marie Baudet qui offre au monde ses illustrations silencieuses au charme quasiment insoutenable. La Rochelaise, passée par Cinécréatis à Nantes, est directement passée dans le top de nos artistes préférés. hyperbaudet.com
MAGALI BRUEDER
PIA-MÉLISSA LAROCHE
Dans la vie, il arrive de rencontrer des gens pénibles, parce que trop bons partout et tout le temps. C'est le cas de Magali Brueder qui, non contente de nous éberluer avec ses illustrations, se révèle aussi avoir énormément de talent pour la photographie et le design graphique. Très pénible. magalibrueder.fr
Le travail de Pia-Mélissa Laroche est en tout point exceptionnel. De ses observations, la Parisienne tire la matière première de ses réalisations qu'elle soumet à un rude traitement : le sien. Structure, forme, géométrie, tout se fond dans sa tête pour donner lieu à des rêves étranges, à la fois extrêmement précis et terriblement mystérieux. piamelissalaroche.fr
CAMILLE DESCHIENS La première fois que nous avons croisé un dessin de Camille Deschiens, étudiante à la HEAR de Strasbourg et membre de la revue L'Ennui, notre cœur s'est mis à vaciller. Qu'est-ce qu'il se passe ? Quel est cet amour qui nous tombe dessus en masse ? C'était il n'y a pas très longtemps et nous ne nous en sommes toujours pas remis. camilledeschiens.tumblr.com
ROBERTO MASSÓ
LÉA DJEZIRI
ELOÏSE REY
Poursuivant ce qu'on appelle le classique « parcours de l'est » (ESAL d'Épinal + HEAR de Strasbourg), Léa a tout de même pris le temps de se perdre un peu, en œuvrant pour les éditions du Pourquoi pas ? et les éditions du Jasmin ou montant avec quelques copains le collectif et la revue Tardigrade. leadjeziri.wordpress.com
La merveilleuse dessinatrice jeunesse qu'est Éloïse Rey, nous l'aimons depuis bien longtemps. Depuis que nous avons reçu le premier numéro de La Tribune du Jelly Rodger dont elle est la directrice de publication et que nous lisons le journal Biscoto où elle réalise des illustrations poétiques tous les mois. eloiserey.fr
Voilà cinq ans, Roberto Massó sortait dans les rues de Salamanque, fier de son diplôme des Beaux-Arts obtenu dans l'université de la ville. Qu'est-ce qu'il lui reste aujourd'hui ? Hein ? Eh bien un talent fou qu'il montre dans ses diverses expositions et ses publications pour Fosfatina notamment. cargocollective.com/robertomasso
Discussion
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Internet, c’était mieux avant
Qu’est-il arrivé à notre bon vieil Internet ? Censure, propagande, surveillance des populations : le réseau semble s’être mué en outil despotique qui aurait fait rêver le Big Brother d’Orwell. Il y a encore une dizaine d’années pourtant, Internet était encore perçu comme un outil au service de la démocratie et de l’émancipation des citoyens. Que s’est-il donc passé ?
Discussion
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" Je préfère risquer l’emprisonnement ou toute autre conséquence négative que risquer que l’on limite ma liberté intellectuelle et celle des gens autour de moi. " En juin 2013, lorsque la journaliste Laura Poitras rencontre Edward Snowden dans la chambre d’hôtel où il s’est réfugié à Hong Kong, elle ne peut s’empêcher de l’interroger sur ses motivations. Le jeune homme vient de fuir les États-Unis avec en poche des preuves des écoutes massives réalisées par la NSA. Il entend également révéler l’existence du programme PRISM, qui consiste pour l’agence de sécurité américaine à capter, stocker et analyser les informations en circulation sur le web, avec la bénédiction des géants de la Silicon Valley qui lui livrent sans sourciller les données de leurs usagers. En décidant de rendre publiques ces informations, Snowden se rend coupable d’espionnage et de haute trahison. Il ne pourra vraisemblablement jamais rentrer dans son pays d’origine, à moins de passer le restant de sa vie derrière des barreaux. Face à la caméra de la journaliste, il se confie. « Je me suis souvenu de ce qu’était Internet avant les écoutes, il n’y avait pas d’équivalent dans l’histoire de l’humanité. N’importe où, des enfants pouvaient discuter d’égal à égal avec des experts à l’autre bout du monde, de n’importe quel sujet et à tout moment, de manière totalement libre et en étant assurés que l’on respecte leurs idées [...]. Aujourd’hui, les gens
s’autocensurent et plaisantent même de finir “sur la liste” lorsqu’ils donnent à une cause politique ou interviennent sur un forum. Les gens s’attendent à être surveillés. Beaucoup font attention à ce qu’ils tapent dans leur moteur de recherche, car ça laisse des traces. Tout cela restreint les limites de leur exploration intellectuelle. Je préfère risquer l’emprisonnement ou toute autre conséquence négative que risquer que l’on limite ma liberté intellectuelle et celle des gens autour de moi. ». Edward Snowden est né en 1983. Il a été enfant dans un monde sans Internet, adolescent à l’arrivée des connexions bas débit dans les foyers et était déjà adulte quand sont apparus les premiers réseaux sociaux. Passionné d’informatique, il a goûté aux espoirs qu’ont fait naître ces nouvelles technologies : la libre circulation des connaissances, l’intelligence collective, l’autogestion des communautés, le renforcement du pouvoir d’agir des citoyens et la transparence des institutions. Ces valeurs démocratiques véhiculées par Internet n’ont rien d’un hasard : elles correspondent au projet politique des pères fondateurs du réseau. Dans les années 1960 et 1970 aux États-Unis, ces ingénieurs marqués par la contre-culture de leur époque ont voulu développer un réseau ouvert
Romain Badouard
et décentralisé. Ouvert, pour que n’importe qui puisse à partir d’une simple connexion accéder à des informations, en produire et en diffuser. Décentralisé, pour qu’aucun filtrage ou censure sur les contenus ne puisse avoir lieu à partir de postes de contrôle, comme c’est le cas pour les autres médias. Ce projet libertaire, les pionniers ne l’ont pas formulé dans un manifeste, ils ne l’ont pas affirmé dans un discours, ils l’ont incorporé dans l’architecture du réseau, dans son design. L’ouverture d’Internet au grand public dans les années 1990, puis sa rapide démocratisation au cours des années 2000, ont engendré une recentralisation du réseau autour de quelques services web. Les GAFAM (pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) produisent des services tellement plébiscités par les internautes qu’ils représentent aujourd’hui la grande majorité des usages du web. Les flux de données produits par les internautes transitent par leurs serveurs, qui sont devenus autant de postes de contrôle sur le réseau, à partir desquels sont facilitées des opérations de surveillance ou de censure, transformant ainsi un « mai 68 numérique » en « grille-pain fasciste » pour reprendre l’expression de la journaliste Titiou Lecoq. Les attentats de 2015, la prolifération des discours haineux en ligne et les fake
news auront fini d’achever les idéaux des pionniers : aujourd’hui, les géants du numérique interviennent directement sur les contenus sans attendre les injonctions des tribunaux ou des États. Le grand ménage réalisé par Facebook en 2017, pendant lequel la plateforme de réseau social aurait supprimé plus d’une centaine de pages dans l’opacité la plus totale, en est une bonne illustration. Parmi elles, les pages d’Égalité & Réconciliation et d’Alain Soral, notoirement connues pour diffuser des propos complotistes et antisémites, mais aussi des sites parodiques plus inoffensifs comme NordPresse.be. Dans tous les cas, le réseau social n’a pas souhaité communiquer sur les critères à partir desquels les suppressions avaient été décidées. Si la lutte contre les propos haineux et les fausses informations est légitime et importante, l’absence de transparence de Facebook soulève des inquiétudes quant aux risques liés à la délégation des pouvoirs de censure à des entreprises privées. C’est de l’avenir de notre liberté d’expression qu’il s’agit, et le chemin vers Big Brother est pavé de bonnes intentions. Peut-être que dans dix ans, à la manière de Snowden, nous nous souviendrons avec nostalgie de cette époque où nous pouvions publier sur Internet sans demander l’autorisation d’une multinationale.
Texte : Romain Badouard Le Désenchantement de l’internet. Désinformation, rumeur, propagande, FYP Éditions, 2017. Images : Kiblind
Discussion
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La Musique imaginaire
Je me souviens parfaitement comment je suis devenu obsédé par le basket. Durant l’été 1992, j’ai regardé (on ne disait pas binger à cette époque) les JO de Barcelone et j’ai vu la Dream Team de Jordan, Pippen, Barkley (que j’ai adoré) pulvériser la planète entière et inventer quasiment un autre sport. J’ai commencé le basket dans le club de ma ville à la rentrée suivante. Cette obsession pour le basket (auquel j’ai joué sous la neige, sous la pluie, sous un cagnard tel que la peau entière d’une de mes oreilles est tombée) a côtoyé avant de lui laisser sa place, une obsession pour la musique encore plus intense. Une nouvelle drogue dont l’arrivée dans ma vie est beaucoup plus difficile à retracer car elle n’est pas associée à une image forte.
En partant à la recherche de mes souvenirs (ceux que l’on construit et reconstruit à chaque fois qu’on rescénarise l’histoire de sa vie pour un tiers), j’ai pu retrouver quelques indices de cette passion brutale et brûlante qui a pris quasiment toute la place dans ma vie de mes 12 à mes 35 ans. Il y a d’abord eu une pochette de disque : celle de « Harvest » de Neil Young, que mon père jouait sans cesse à la maison. Un disque que je préférais aux Beatles dont la simplicité des mélodies et le fait qu’elles s’insinuent contre mon gré dans ma tête me rendaient cinglé. Et il y a eu une cassette achetée au rayon culturel de l’hyper d’à côté « We Can’t Dance » de Genesis. Par son abnégation, le tout jeunot représentant du câble local avait convaincu mes parents
de nous installer une quinzaine de chaînes dont MTV. C’est là que j’ai vu le clip de « I Can’t Dance » : Phil Collins au milieu des filles à la plage, était beaucoup moins beau que Jordan, moins fort que Magic Johnson et sûrement beaucoup moins loyal que Pippen, mais je sentais bizarrement qu’il avait plus à m’offrir qu’un paquet de joueurs musclés qui me dépassaient de 40 cm. En zappant, je me suis retrouvé face à une scène qui liait mes obsessions pour le sport, les filles et la musique qui commençaient à faire leur chemin dans ma tête : le clip de « Smells Like Teen Spirit ». Alors certes les pompom girls étaient faméliques, mais mon préféré, Krist Novoselic avait un physique de basketteur. Je pouvais plonger la tête la première dans
Adrien Durand
ce nouveau monde dont la mélancolie allait m’accompagner à merveille dans ma chambre d’ado. À cette époque, la musique était un mystère entier. Les livrets des disques ne comportaient souvent qu’une seule photo du groupe et il fallait attendre le soir pour qu’Alternative Nation (l’émission rock de MTV) ouvre les portes d’un monde verdâtre et jauni dont les héros s’appelaient Beck, Trent Reznor et Courtney Love. Ma consommation de musique était à cette époque freinée par mes maigres moyens et je me souviens parfaitement du jour où j’ai pénétré dans les rayons de la médiathèque (la connotation sexuelle est volontaire) et que j’ai pu emprunter les disques des groupes qui étaient cités dans les remerciements par les quelques passeurs que je voyais tard sur la télé américaine. J’ai découvert Dinosaur Jr, Butthole Surfers, Will Oldham, Cat Power, Pavement. J’écoutais beaucoup de disques dont les auteurs restaient des mystères entiers pour moi : je n’avais absolument aucune idée du visage que pouvaient avoir les trois quarts des musiciens
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qui m’obsédaient. Jusqu’à ce que parfois une chronique, une pochette ou un clip poussé par un programmateur un peu tête brûlée me donne à voir ce folklore de classe moyenne blanche américaine qui pétait les plombs. À cette époque pré-Internet, mon imaginaire marchait à pleine balle et j’abordais les disques que j’écoutais comme les livres que je lisais. Kerouac, Burroughs, Buzz Osborne et Jay Mascis devaient probablement avoir à peu près le même visage dans mon esprit. Un jour, j’ai lu une brève news dans une publication française en traînant dans un kiosque. Elliott Smith s’était suicidé. C’était un vieux numéro et ça devait faire quatre mois que le chanteur s’était poignardé dans le cœur. Mon imagination m’a décrit la scène comme si j’y étais et j’ai ressenti une énorme tristesse teintée de violence. Ce chanteur que j’écoutais depuis quelques mois seulement (et dont le visage grêlé ornait les pochettes de disque) n’était pas simplement un personnage de fiction dans le gros bazar de mon esprit adolescent où se retrouvaient Michael Stipe, Patti
Smith et Billie Joe pour boire des coups. Il avait eu une vie et une mort dans le monde réel. Une dizaine de mois plus tard, le vendeur ambulant est revenu sonner chez nous. Il nous a installé Internet. Je me souviens très bien du bruit du modem, des coupures pendant que je téléchargeais tout le punk hardcore que je découvrais (huit heures pour un album des Descendents, il fallait rester zen) et des photos et magazines que scannaient un peu partout des nerds fans de musique et qui apparaissaient sur l’écran de mon gros PC. Mon imaginaire était sacrément spoilé. Aujourd’hui, chaque journée passée sur Internet nous « épileptise » à coups de centaines d’images de nos héros musiciens. Pour s’inventer un monde fantasmagorique, il reste les livres, même si je me suis bien rendu compte que Jack Kerouac ressemblait plus à Chris Isaak qu’à Kurt Cobain.
Texte : Adrien Durand Images : Kiblind
" À cette époque, la musique était un mystère entier. "
Discussion
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Winona Ryder : à la recherche du temps perdu Je me souviens de Winona. Ses sourires précieux, son regard angoissé, sa folie sourde, sa mélancolie grunge qu’elle traînait comme autant de sapes tendances. L’icône des années 1990.
Clément Arbrun
Je me souviens de Winona. L’allumée toujours branchée. Panoplie goth ou cardigan gris épuré, maquillage punky ou blazers de working girl, oripeaux grunge ou cuir sexy, nonchalance cool et lipstick givré... Winona était stylée à en crever, tels les « draps de haute couture » des fantômes de Beetlejuice – dans lequel elle décoche qu’« être mort, c’est la super-classe ». WR a traversé les années 1990 de la façon la plus appropriée, car la plus tourmentée : cynisme, lassitude, désespoir, perdition, violence. Quoi de plus normal en cette ère meurtrie par l’opération Tempête du désert, le suicide de Kurt Cobain, la tuerie de Columbine ? La femme est l’avenir de l’homme, mais Winona par son saisissant spleen était nostalgique avant même d’avoir vécu. Dans Heathers (1988), elle est une Bonnie Parker teenage qui trouve en un outlaw taré son Clyde Barrow (Christian Slater, entre James Dean et Johnny Depp). Quintessence de son temps, elle possède l’ambiguïté provoc de Madonna – girl-scout et lolita, pucelle et « salope » dixit les dialogues. Jusqu’à ce dernier plan où l’ado en sang revient des enfers (son bahut en flammes)... et se grille une clope. « Maintenant que tu es morte, tu vas faire quoi de ta vie ? », ironise son amant. C’était ça, Winona : une âme errante bloquée au Purgatoire, une fille fashion côtoyant les défunts et suivant à la lettre trois credo – « grandir, mûrir et mourir ». Tim Burton l’a faite ange (blonde diaphane tournoyant au ralenti sous les flocons dans Edward aux mains d’argent) et quasi-démon – l’ado gothique à la robe de mariée rougeâtre de Beetlejuice. Cou pur à pénétrer d’un coup de dents (Dracula, 1992) ou ensorceleuse de Salem (La Chasse aux sorcières, 1996), Winona était la synthèse romanesque de notre âge ingrat, vierge suicidaire pervertie, sensible et sensuelle as fuck. Une femme-enfant tutoyant
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" Winona réveillait en nous des émotions sincères de gamin trop timide : nous ne rêvions pas de coucher avec elle, juste d’être amoureux. le Diable, aspirant à l’au-delà ou cherchant simplement à survivre. À l’instar de Kirsten Dunst, avec qui elle partage un mélodrame (Les Quatre Filles du Dr March) et une propension à la melancholia, Winona réveillait en nous des émotions sincères de gamin trop timide : nous ne rêvions pas de coucher avec elle, juste d’être amoureux. De la sauver. De quoi ? D’elle-même, je crois. Dans Une vie volée (1999), on lui diagnostique un « trouble de la personnalité borderline » – elle serait névrotique, impulsive, instable. Borderline. Le mot lui sied à la perfection. Comme son si singulier look de tomboy. L’espace de 10 ans elle s’est glissée de la maison hantée (Beetlejuice) au vaisseau fantôme (Alien 4). Sans cesser de côtoyer la grande crevure, qu’il s’agisse du sida (Génération 90, 1994), de la voix de John Lennon (Une vie
volée) ou du xénomorphe. Aucun de ses rôles ne fut bouleversant, chacun renforçant l’image qu’elle s’était fabriquée. Un film avec Ryder est un film d’auteur(e). Sa fixation mystique pour la spiritualité envahit la moindre de ses œuvres, qu’elle soit une gamine pieuse lisant La Vie des saints pendant que JFK se fait flinguer (Les Deux Sirènes, 1990) ou une bouddhiste passant ses derniers jours sur Terre (Un Automne à New York). Ainsi enchaînée aux mêmes thématiques, émotions et personnages, la star parvient à ne jamais vieillir. À l’image du souvenir, elle demeure identique, immuable, intacte. D’ailleurs, elle ne nous évoque que des fantômes : Audrey Hepburn, Natalie Wood ou encore Jean Seberg – sa coupe garçonne aidant. « Il n’y a que Liz Taylor et toi qui puissent s’en sortir avec de tels sourcils ! », déplore Cher dans Les deux sirènes. Puis dans
Clément Arbrun
Sex and death 101, comédie macabre où elle incarne une mante religieuse sado-maso, il lui suffit de porter une perruque pour se la jouer Louise Brooks. Dans le fond, la belle nous rappelle que chaque souvenir découle d’une croyance : la mystification d’un passé que l’on regrette et fantasme, la crainte superstitieuse d’un présent qui nous effraie, l’absence de foi en l’avenir. Se rappeler, voilà le cœur de sa filmo. C’est elle, la narratrice d’Edward aux mains d’argent. De sa mémoire éclot ce conte de fées. Avec Une vie volée, sa
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bipolarité s’esquisse en fragments de flashbacks. Dans Génération 90, elle filme ses potes pour conserver des bribes de cette jeunesse sacrifiée. Cela nous renvoie à Beetlejuice, où son premier contact avec l’au-delà se fait... à coups de polaroids – son gros appareil photo noir devenant l’excroissance de son dressing. Winona est un souvenir ambulant. Dans Un Automne à New York, elle se sait mourante. De fait, elle est ce passé qui ne fait que passer. Le moindre de ses rires « se brise comme un éclat de verre » souffle Prévert. Des années
après quelques déboires judiciaires, Winona a trouvé la rédemption. Dans Stranger Things, elle revendique sa condition d’icône nineties. Il y a 30 ans, elle dansait au gré des flocons de neige. Désormais, il s’agit plutôt d’une boule à neige dans laquelle elle serait enfermée, condamnée à être « LA » Winona Ryder, à se « raviver » ad vitam. Le seul souvenir qui la hante, c’est le sien. Brrrr.
Texte : Clément Arbrun Images : Kiblind
Top 6 - Souvenirs de ma jeunesse
Alicia Silverstone
Melissa Joan Hart
Avant d’être Batgirl, elle fut Cher, la fashionista facétieuse de Clueless, addict à Channel et Calvin Klein, âme glam et mine mutine. Mannequin à six printemps, lolita dans Crush, sexy chick en socquettes et Doc Martens chez Aerosmith, Alicia a exploré le pays des merveilles... avant de sombrer.
Star de Sabrina l’apprentie sorcière, férue de gin, de poupées creepy et de Picasso. BFF avec Britney Spears, MJH entre dans le showbiz à 7 ans, se fait connaître à 15, rêve d’être Shirley Temple. Une couv’ cul(te) de Details la dévoile en lingerie aux côtés de Carmen Electra et Alyssa Milano. Nostalgie.
Claire Danes
Fairuza Balk
« L’amour est une fumée faite de la vapeur des souvenirs », aurait pu souffler Shakespeare à Claire Danes, éternelle Angela, 15 ans et Juliette aux ailes d’ange. Après avoir côtoyé Winona dans Little Women, elle cause la perte de Léo-Roméo sous fond de Lovefool. Un corps pur dans une nation bruyante.
sorcière tatouée de Dangereuse alliance, ovni ésotérique sans lequel Charmed n’existerait pas, cet ex enfant-star de Disney est le pendant trash de la Winona goth. Icône borderline, elle narre Beyond Clueless, beau docu dédié aux teen movies de la génération MTV.
Neve Campbell
Jennifer Love Hewitt
Teint noir aspergé de rouge (sang) et sourires rares, elle est l’anti-bimbo. D’où ce fun à la voir en emballer une vraie dans Sexcrimes ou morfler en martyr dans Scream, pierre angulaire (mortuaire) du slasher. Révélée dans La Vie à cinq, Neve est une reine du ballet, et sa filmo une vaste danse macabre.
Scream queen à 18 ans (Souviens-toi l’été dernier), enfantée par Disney Channel (la série Kids Incorporated) puis starisée par La Vie à cinq, elle sera ressuscitée sur petit écran avec Ghost Whisperer. Du love, elle en ressent pour son amie Gwyneth Paltrow, les tueurs en ciré et les « tiny tops ».
Dorothy nerveuse de Return to Oz et
Interlude : la madeleine de Proust
QUÉSACO ? Cette expression consacrée est inspirée d’un passage du célèbre roman de Marcel Proust, « À la recherche du temps perdu », plus précisément du premier tome intitulé « Du côté de chez Swan » (1913). Le narrateur y raconte qu’un jour d’hiver, sa mère lui propose un petit goûter. Portant à ses lèvres une cuillère de thé chaud dans laquelle il a laissé s’amollir un morceau de madeleine, un souvenir enfoui lui apparaît tout à coup. « Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. » « Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (…), ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. » Et l’auteur de théoriser l’ « édifice immense du souvenir » à travers l’odeur et la saveur, et cet anodin morceau de madeleine.
Illustration et pictos : Agathe Bruguière Texte : Alix Hassler
A DEUX DOIGTS D’ÊTRE UNE BISCOTTE Fin 2015, les ébauches d’ « À la recherche du temps perdu » sont publiées pour la première fois par les éditions des Saints Pères. C’est le choc et le début de l’affaire dite « de la madeleine ». On découvre en effet que l’auteur a longuement hésité sur le choix de l’élément à tremper dans le thé. « Marcel, prudent, (…) envisage diverses pâtisseries. Après avoir imaginé une tranche de pain grillé, il médite autour d'une biscotte. » Perturbant.
PÂTISSERIE SIGNATURE Pourquoi diantre, alors, avoir penché pour la madeleine ? Jean-Paul Enthoven, amoureux de l’œuvre proustienne, croit avoir trouvé la solution : dans son écrit, Marcel Proust évoque la « Petite Madeleine » > PM > Les initiales de Marcel Proust. À méditer.
A CHACUN SA ROUTE, À CHACUN SA MADELEINE Depuis Proust, la « madeleine » est entrée dans le langage courant. Bien entendu, il ne s’agit pas de prendre l’expression au pied de la lettre. Ne soyez pas surpris si votre madeleine est un sauté de veau à l’estragon préparé par votre maman ou le gâteau choco-marrons de votre 8ème anniversaire. L’important, c’est le souvenir. Promis, on ne vous jugera même pas s’il s’agit de tripes à la provençale.
SALUT LA LORRAINE ! C’est indéniable, Marcel Proust a contribué grandement à la célébrité mondiale des madeleines. Cependant, ce petit gâteau n’a pas été inventé par sa tante Léonie mais par Madeleine (logique) Paulmier, à Commercy, dans la Meuse. En 1755, cette jeune servante de la marquise Perrotin de Baumont, sauva un diner promis au fiasco - le cuisiner ayant claqué la porte -, en reproduisant les gâteaux de sa grand-mère. Audacieusement, elle les moula dans des coquilles Saint-Jacques. Bim, la madeleine était née. Une « merveille » selon le duc Stanislas, qui donnait la réception.
COUCOU LE MARKETING Quand un concept repose autant sur l’émotion que celui de Proust, c’est du pain béni pour les marques. Le marketing sensoriel ou le retro-marketing cherchent à produire en nous l’effet madeleine. Bonne Maman et Herta nous vendent ainsi un retour en enfance pendant que Mixa nous promet de retrouver la peau de nos 2 ans.
LA MADELEINE DE PROUST — Est qualifiée de « madeleine de Proust » toute chose qui déclenche une réminiscence. Par un élément de la vie quotidienne, un geste, une odeur, la personne est plongée involontairement dans un souvenir, le plus souvent lié à l’enfance.
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Illustration : Simon Bournel-Bosson Texte : Maxime Gueugneau
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Et si la madeleine de ce cher Marcel devenait un pain de campagne rassis, fourré aux tripes et au saindoux ? Qu’elle ne nous était pas servie par une mère aimante mais enfoncée bien au fond de la gorge par un inconnu ? Bienvenue à Stars 80, la tournée !
Habitués à des aventures plus concrètes, il nous a été difficile de savoir par quel biais il fallait prendre la thématique impalpable du souvenir. Qui se souvient de quoi ? Et de quelle manière ? Tous, nous nous autorisons à garder ceci de privé et d’unique : notre mémoire
est à nous et nos souvenirs sont des fabrications personnelles. Il fallait qu’on trouve un endroit commun de la fabrique des souvenirs ou, tout du moins, de leur évocation. La musique a, parmi d’autres pouvoirs, cette facilité à creuser un sillon dans notre esprit, à y inscrire des
moments de joie et de peine que l’on peut se remémorer à plusieurs. Elle sera donc le fil rouge de notre reportage. Mais comme nous sommes des gens un peu fragiles, nous n’avons rien trouvé de mieux qu’une tournée de sexagénaires en
forme molle pour la représenter. Le principe affiché de la tournée Stars 80 n’est pas si dégueulasse : d’anciennes célébrités rappellent à leur public qu’ils se sont amusés et se souviennent qu’ils ont été aimés. À première vue, on est dans une sorte
de contrat gagnant-gagnant d’où ne sortirait qu’une seule richesse, la joie, équitablement partagée entre tous. Évidemment, il n’en est rien. Mais encore fallait-il la débusquer cette évidence, aller s’y confronter à ce bazardage de souvenirs vendus
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comme des paquets de choco Rik & Rok. En bons héros sans peur et sans reproche, nous avons franchi les portes du Zénith Dijon. Le spectacle est, comme de bien entendu, tout à fait étonnant. La salle immense est pleine à craquer
et pourtant quelque chose ne va pas. Est-ce le visage vitrifié de Julie Pietri ? Est-ce l’hommage lourdingue à Johnny Hallyday ? Estce la mise en beauté de Sabrina ? Non, tout cela est convenu et attendu. Il y a autre chose. Quelque
chose de plus décoratif, de plus global, de plus immobile. Un bref regard autour de nous nous fait prendre conscience de ce je-nesais-quoi : tout le monde est assis. C’est donc ça. C’est donc ça qui donne cette étrange ambiance, si
loin de « la nuit de folie » promise par le descriptif Auchan.fr. Alors, dans ce moment de perdition, nous remercions le Crédit Mutuel d’avoir fourni à tout le monde de petites loupiotes à agiter. Pour Plastic Bertrand, par exemple, qui s’est
lancé dans une reprise chaotique de « Cargo de nuit », elles sont spécialement précieuses car elles lui offrent un public déchaîné là où il n’y a que cuissots fainéants et bras flageolants.
C’est marrant comme la vie, parfois, peut se foutre de vous. On a beau être là, conscient du superflu de la chose, bourré jusqu’à la moelle de réflexions sarcastiques et sinistres, il y a toujours un moment où on se laisse prendre par la taille. Un
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instant de grâce où on se dit qu’on est quand même mieux ici qu’en taule ; que si la plus grande part de bonheur est sans doute à trouver dans le compte en banque de Cheyenne Productions, il nous en reste aussi un peu. Ce moment fut
pour nous celui où un Phil Barney sans âge, ou presque, s’avança sur la scène le cœur à nu et la guitare à la main. Alors nous savions. Nous savions que cette vague soudaine de slime musical ferait surgir le chanteur de karaoké qui
palpite en nous. Et les vannes ont effectivement lâché. Avec « Un seul enfant de toi », Phil Barney nous poussa sur la pente savonneuse du beuglement. Et nous l’avons descendue sans honte, préférant le remords au regret et
hurlant cette chanson déprimante avec le sourire aux lèvres. Pour être honnêtes, ces vannes-là étaient soumises depuis longtemps à rude épreuve. Les passages successifs de François Feldman, Jean-Pierre Mader ou Lio nous
avaient mis au bord du gouffre. Seul le public apathique et la bandeannonce de Stars 80, la suite – oui, celle avec les blagues pédophiles de Jean-Luc Lahaye – nous avaient empêchés de perdre pied et de beugler « Joue Pas » avec le yaourt
de circonstance. Car, malgré le cynisme crasse de la production, l’attitude caricaturale des célébrités et l’engouement discret du public, une sorte de démon pervers persiste à nous susurrer dans l’oreille : « Vas-y, tu les connais
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par cœur ; elles sont à toi aussi ces chansons, elles font partie de toi ; que tu le veuilles ou non, c’est la mémoire collective de tout un peuple ; de toute façon, le choix est simple : soit tu ronchonnes dans ton coin drapé dans ton intégrité,
soit tu reprends une bière et tu vas chanter très faux avec tout le monde. » On n’a pas eu le choix. Il faut dire qu’il faisait drôlement chaud dans ce Zénith. Alors, après Phil Barney et une bière, ce fut le tour de Thierry Pastor, puis d’Émile
& Images, puis de Jean Schultheis, Patrick Coutin, Début de Soirée, Pauline Ester, Laroche Valmont... les noms tournent dans nos têtes... ils se mélangent, il y en a trop, ils... ils... ils sont si vieux... JEAN-LUC LAHAYE !
On sursaute. Hein ? Que se passet-il ? Le pointeur d’adolescentes ? Il est pas en prison lui ? Nous y étions finalement montés sur ce nuage en carton, mal scotché par Cheyenne Productions. Mais voilà que nous retombons durement sur terre. Pas lui, franchement. Ils ont
failli nous avoir ces salauds avec leurs souvenirs en bois. On y était entré dans la nostalgie collective, dans ce formatage putassier de la mémoire qu’on nous a servi deux heures durant. C’était minable et honteux, mais ça nous avait permis de rigoler. Là, avec Lahaye, ils sont
allés trop loin. Ils nous ont rappelé que tout ça était bien pire qu’un spectacle catastrophique, c’était un enterrement première classe de la Dignité pour 48 € l’entrée. On ne s’en souvient pas, mais on est sûr que les années 1980, même son versant débile, valent mieux que ça.
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KODAK,
boîte à souvenirs
Kodak, boîte à souvenirs
« Ô temps ! suspends ton vol », méditait romantiquement Lamartine devant le lac du Bourget en 1820 ; « You press the button, we do the rest » lui répondit pragmatiquement Georges Estman en 1888. Arrêter le temps et fixer l’instant dans une imperturbable éternité : le rêve de Dorian Gray, sur pellicule. C’est bien connu, les couleurs du souvenir résistent beaucoup mieux sur papier photo que dans la machine neurophile et à obsolescence programmée qui nous sert de cerveau. Aujourd’hui, le numérique a fait changer notre consommation et notre usage de la photo. On se souvient de l’époque des soirées diapo, des albums, des pellicules enroulées avec grand soin et de celles qu’on a foirées en ouvrant le boîtier à la lumière, des appareils jetables, des 24+3 poses, du patron de la boutique où on faisait développer les photos et de la complicité ambiguë qui existait malgré nous, puisqu’il connaissait la moitié de nos vies… Kodak, c’est un peu cette boîte à souvenirs, avec un double sens : celui du boîtier précieux ou jetable, qui nous a permis d’emprisonner tous ces moments personnels ; et celui d’une grosse entreprise qui a connu grandeur et décadence, dont l’image de marque reste bien ancrée dans nos mémoires. L’histoire commence à Rochester, dans l’État de New York, en 1880. George Eastman, en bon entrepreneur passionné, caresse l’ambition un peu folle de rendre la photo accessible à tous. Pas la photo-souvenir des noces et banquets familiaux, déjà petit à petit vulgarisée, mais la véritable photo amateur : celle
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que tout un chacun pourrait réaliser lui-même, n’importe où, sans avoir à s’encombrer des plaques de verres lourdes et fragiles utilisées jusqu’à présent. Il crée alors la société Eastman Dry Plate Company, qui deviendra son laboratoire pour la mise au point de plaques souples et résistantes en nitrate de cellulose, premier pas vers l’individualisation du dispositif. Et quelques années plus tard, en 1888, apparaît le premier appareil portatif utilisant ce support novateur, enduit sur une face d’une pellicule photosensible qui deviendra célèbre : l’appareil photo « Kodak ».
« Clic clac, merci Kodak ! » Ce nom, qui ne fait référence à rien de particulier, a été imaginé de toutes pièces par George Eastman himself : « J'ai inventé ce nom moi-même. La lettre « K » a toujours été une de mes préférées : elle me semble forte et incisive. Il ne me restait plus qu'à essayer toutes sortes de combinaisons de lettres pour constituer un mot qui commencerait et se terminerait par la lettre K ». C’est pas à Kiblind qu’on va le contredire… On raconte également qu’il souhaitait pour son invention un mot court et qui puisse se prononcer de façon identique dans toutes les langues (ce que permettent le O et le A). Comme quoi, il était déjà bien conscient du potentiel international de son invention lorsqu’il déposa ce nom pour sa marque. En matière de communication, Eastman était très attentif aux modes de son époque, à la publicité grand public naissante et à
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« J'ai inventé ce nom moi-même. La lettre “ K " a toujours été une de mes préférées : elle me semble forte et incisive. Il ne me restait plus qu'à essayer toutes sortes de combinaisons de lettres pour constituer un mot qui commencerait et se terminerait par la lettre K. »
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ses recettes qu’il jugeait juteuses. Lorsqu’il présenta le premier Kodak, il avait déjà un slogan en tête : « you press the button, we do the rest ! », petite phrase tambourinée d’emblée sous forme publicitaire dans tous les grands journaux et magazines, puis sur les panneaux d’affichage et murs peints du pays, si bien qu’en moins d’un an elle était dans toutes les têtes. Et même s’il aimait écrire ses textes, il fit appel dès les premières années aux meilleures agences du pays pour déployer son image de marque. Ainsi apparut la « Kodak Girl », porte-étendard à la silhouette engageante, qui revenait chaque année sous des traits différents avec un nouvel appareil. Puis des enseignes lumineuses se propagèrent dès la fin du siècle dans les grandes capitales, pour faire rayonner les cinq lettres connues de tous. Eastman avait réussi : tout le monde pouvait à présent prendre des photos, en appuyant sur un bouton.
Pocket money Avec des appareils toujours plus petits, plus simples d’utilisation et des produits de qualité encore supérieure, la société rebaptisée Eastman Kodak Company trace son sillon sur le XXe siècle. En 1898, Kodak lance le Folding Pocket Kodak, un appareil photo de poche à soufflet en accordéon, qui permet encore plus de liberté de transport. Parallèlement, avec le développement considérable du 7e art, Eastman va s’associer avec Charles Pathé pour mettre au point ses pellicules destinées au cinématographe. En 1935, deux ans après la mort de son fondateur, la marque innove encore avec le Kodachrome, la pellicule couleur la plus vendue au monde, référence pour les professionnels du cinéma et les futurs paparazzi, qui fixera pêle-mêle : l’explosion du dirigeable Hindenbourg, l’ascension de l’Everest, l’assassinat
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de JFK et les premières images de la Terre depuis la Lune… Kodak commercialise à la même période l’Instamatic, un petit appareil peu coûteux, qui se vend à 50 millions d’exemplaires, provoquant définitivement la démocratisation de la photo amateur.
jouer avec le Kodak Fun, un de ces appareils jetables que l’on avait tous pour partir en voyage scolaire ou en colonie, déclinés ensuite en version étanche pour les vacances à la mer. Et on y faisait gaffe à nos 27 poses disponibles, 27 souvenirs potentiels sur papier brillant – pas un de plus ! – et qu’on se partageait ensuite en échangeant les négatifs. Sans verser dans le « c’était-mieuxavant » (jamais !), l’argentique créait un rapport avec la photo différent d’aujourd’hui : elle restait forcément réservée aux moments un peu rares, pas ordinaires, dont on voulait vraiment garder une trace imprimée ; car la pellicule n’était pas infinie, et on réfléchissait à deux fois avant de sortir l’engin et d’appuyer sur le bouton. Puis il y avait ce moment d’excitation assez extraordinaire, où on allait récupérer les tirages au magasin, donnés de la main à la main dans une petite boite rectangulaire par quelqu’un qui avait tout vu avant nous et qui glissait parfois, mi-géné mi-complice, un petit « eh ben, elle était bien la fête… ». Alors on sortait vite de la boutique, et à peine sur le trottoir on déballait le paquet pour découvrir, enfin, les 27 images qu’on avait prises. À présent, on a la vilaine habitude de bombarder à toute volée avec nos smartphones, de prendre 10 photos à la fois pour être sûr qu’il y en ait une de bonne, de stocker des milliers de clichés sur nos machines ou dans les clouds, et de les laisser là, sans véritablement prendre le temps de faire le tri.
Kodakettes Pour se montrer, la société continue de bien choisir ses canaux et ses ambassadeurs. Et à de rares exceptions près, comme une illustration de Savignac en 1963, Kodak signe évidemment ses pubs en négatif. En France, par exemple, elle entreprend avec Paris Match une longue collaboration – quoi de plus naturel quand on se remémore la base line qu’arborait l’hebdo à l’époque : « le poids des mots, le choc des photos ». Mais dans les années 80, c’est la révolution des spots télé. Young&Rubican, l’agence de com qui s’occupe de la marque, a la folle idée de confier la réalisation à Jean-Paul Goude : il imagine les fameuses « kodakettes », avec leur maillot rouge et blanc rayé et leur bonnet ventouse. Résultat, un lion d’or à Cannes. Dans la continuité, avec son style issu du clip et son rythme tendu, Jean-Baptiste Mondino réalise en 1989 pour Kodacolor Gold le spot culte des « Voleurs de couleurs », qui berce encore les nostalgiques de Culture Pub. Les trois petites canailles accompagneront la marque jusqu’aux années 2000, notamment pour
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Fin de pellicule L’avènement du numérique, justement, annonce le déclin progressif de Kodak. Au début des années 2000, la concurrence internationale (et surtout asiatique) a déjà plusieurs longueurs d’avance face au géant américain de jadis, qui n’arrivera pas à rattraper son retard. Et quelle ironie, quand on sait que Kodak avait mis au point la photo numérique dès 1975, mais avait prudemment
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choisi de la laisser de côté de peur qu’elle mette à mal son empire de pellicules. Une mort annoncée, en somme. En juin 2009, la dernière pellicule Kodachrome est produite. En 2012, Kodak dépose le bilan. Pour sortir de la faillite, la société centenaire vend ses brevets, plus de 1100, notamment à Google, Amazon et Apple ! Et depuis, la légendaire marque jaune tente doucement de sortir la tête de l’eau, en cherchant à se positionner sur le marché des
technologies numériques ; d’ailleurs, tout récemment, avec une nouvelle caméra Super 8 et un Smartphone. Il paraitrait même, contre toute attente, que Kodak entreprendrait de ressusciter son film positif Ektachrome pour 2018… Info ou intox ? Qui sait… le célèbre slogan ne disaitil pas « Kodak, toujours un déclic d’avance » ? On s’en souvient bien en tout cas. Texte : Jean Tourette
Interlude : la boule à neige
ITINÉRAIRE D’UNE BOULE - L’origine de la boule à neige remonte à l’Exposition universelle de 1878, à Paris. Cependant, il faut attendre 1889 pour faire le buzz : la Tour Eiffel est inaugurée et immédiatement consacrée en version miniature et enneigée. - Après s’être paré un temps de motifs religieux, le bibelot connaît un nouvel essor dans les années 30 avec l’arrivée des congés payés, le développement du tourisme et du slip de bain. A l’intérieur des sphères magiques : les stations balnéaires en vogue. - Dans les années 50, la production touche Hong Kong et devient mondiale. Depuis, on englobe à tout va : les mascottes-stars des pubs, le père-Noël et les sculptures de Rodin. Une parfaite démonstration de l’« effet boule de neige ».
Illustration et pictos : Agathe Bruguière Texte : Alix Hassler
COCORICO Bravo à l’Ain, numéro 1 sur la boule ! En effet, deux irréductibles entreprises du premier département, la maison Bruot et la société JLK, fabriquent encore des boules à neige made in France ; pas moins de 180 000 sphères cette année ! Clou du spectacle, il paraît que leur neige tombe plus longtemps que la neige de leurs consœurs asiatiques.
LA SOLUTION AU CHÔMAGE ? La gérante de la boutique de souvenirs « Les Parisettes » a eu le nez creux en commercialisant des boules à neige à l’effigie d’Emmanuel Macron. Vendus à Paris et au Touquet, ces souvenirs présidentiels s’arrachent. Des 48 pièces produites initialement, 3 000 nouvelles boules ont été commandées à l’entreprise Bruot. Une aubaine pour la PME de l’Ain qui a dû embaucher deux intérimaires pour honorer la demande. Joyeux Noël !
BLAGUE DE BOULE Pendant 7 ans, un journaliste normand a bien berné le monde. Sur Wikipédia, il conte la légende de la boule à neige : celle-ci aurait été inventée à Bayeux par Georges Lenepveu qui cherchait un objet hors du commun pour conquérir sa douce. La boule devait lui rappeler les paysages de sa Lituanie natale. Chroniquée en 2012 sur France Inter, cette genèse romantique interpelle les historiens qui font peu de temps après la lumière sur ce canular.
PASSION BOULES Parfois, l’amour pour les boules à neige devient si grand qu’on se transforme en chionosphérophile (le nom savant des collectionneurs des sphères neigeuses). Par exemple, Arielle Dombasle ou encore Patrick Kanner, ancien ministre et détenteur de près de 800 boules, sont de ceux-là. Pour aller plus loin, deux sites de référence retracent les collections de compatriotes moins célèbres mais tout aussi mordus du bibelot : snowdomes.free.fr et bouleaneige.com.
LA MÉTHODE BOULE Stress au travail ? Insomnies ? Enfants turbulents ? N’hésitez plus, la boule à neige est LA solution. Pour s’assurer un retour au calme, il suffit : - D’Agiter furieusement la boule pour évacuer les émotions négatives - Se concentrer sur les paillettes et plonger dans un doux état de contemplation En déportant votre attention sur la boule magique, retrouvez un état d’apaisement total.
LA BOULE À NEIGE — Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, la boule à neige a le mérite de trôner fièrement sur bon nombre d’étagères de France et de Navarre. Ce bibelot décoratif, grand classique du cadeau-souvenir, se présente sous la forme d’une sphère transparente, dans laquelle sont introduits un liquide et des paillettes blanches. Une fois la boule retournée, il se met à neiger ; en réaction, les yeux du spectateur s’embuent le plus souvent d’émotion.
Outro
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s r i n e v u o S t s i l t y o a l v P a P r e v e r o F . . par.
Émile Sornin, qui porte le projet Forever Pavot, s’est plongé dans ses souvenirs pour nous en sortir 13 morceaux en forme de madeleines.
The Misfits – She (1977) Madvillain – Figaro (2004) Blonde Redhead – Falling Man (2004) GZA – Liquid Swords feat. RZA (1995) Jordy – Dur dur d’être Bébé ! (1992) Meshuggah – New Millennium Cyanide Christ (1998) Jay Reatard – My Shadow (2006) Nirvana – (New Wave) Polly (1992) Rage against the Machine – Bulls on Parade (1996) Serge Gainsbourg – La Horse (1969) Ennio Morricone - Guerra e pace, pollo e brace (1968) Dick Annegarn – L’Institutrice (1974) Galt MacDermot – Ripped Open by Metal Explosion (2001) Le dernier album de Forever Pavot, La Pantoufle, est sorti le 10.11 chez Born Bad Records. En concert le 26.01 au Novomax (Quimper), le 02.02 à L’IBoat (Bordeaux), le 07.02 à l’Ubu (Rennes), le 08.02 à la BaraKaSon (Rezé), le 22.02 au Tetris (Le Havre), le 14.03 à La Ferme d’en haut (Villeneuve-d’Ascq), le 15.03 à La Maroquinerie (Paris) et le 16.03 au Sans Réserve (Périgueux).
1’18’’ 2’30’’ 3’26’’ 4’30’’ 3’23’’ 5’35’’ 3’18’’ 1’48’’ 3’50’’ 3’37’’ 4’53’’ 2’25’’ 4'13''
• CLUB •
SAM 27 JANV GET IN STEP
JEU 01 FEV LES INOUIS DU PRINTEMPS DE BOURGES ELECTRO ÎLE DE FRANCE
LUN 29 JANV
LORD HURON + FLYTE
DIMENSION + UPGRADE + MERIKAN B2B DISPROVE + DOSSA & LOCUZZED + ZOREL + KELIB
APOLLO NOIR + PUZUPUZU + PEANUTS + L’AGE D’OR + EPSILOVE
JEU 30 NOV
SAM 09 FEV
L'ENTOURLOOP FT TROY BERKLEY & N'ZENG
MER 07 FEV MAKE IT DEEP PRÉSENTE JAPAN CONNECTION
SOICHI TERADA + KUNIYUKI TAKAHASHI + SAUCE81 + GROOVE BOYS PROJECT
BRNS
MER 14 FEV
SAM 10 FEV
THE SOFT MOON
HIGHLY SUSPECT
VEN 16 FEV
THERION + IMPERIAL AGE + NULL POSITIVE + MIDNIGHT ETERNAL
DIM 25 FEV
ANVIL
• CLUB •
LUN 26 FEV
VEN 02 MARS
ALVVAYS
FU MANCHU
MAR 06 MARS
JEU 08 MARS
NOIZE SUPPRESSOR + DAY-MAR + MAISSOUILLE + MABROOK + AKASHA + SON SAM 10 MARS
VEN 09 MARS
MYRATH
HALO
VEN 02 MARS BORN TO RAVE
WHOMADEWHO
VANCE JOY
MAR 13 MARS
FRANK CARTER & THE RATTLESNAKES + DEMOB HAPPY
VEN 30 MARS
JEU 19 AVRIL
VEN 20 AVRIL
OF MICE AND MEN
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PARC DE LA VILLETTE
L
E |
MER 02 MAI
IGORRR
T
PARIS 19E
R
SAM 14 AVRIL
PRIMORDIAL
KNOWER
SAM 21 AVRIL
IDLES
JACOB BANKS
SAM 07 AVRIL
THE TEMPERANCE MOUVEMENT
RHYE
MER 21 MARS
RHAPSODY
OBITUARY
VEN 23 MARS
W
VEN 16 MARS
MER 14 MARS
A
B
DIM 06 MAI
NL
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N
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THE DEAD DAISIES O
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Sélection 2/2
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magazine
Entorse POUSSIÈRE D’ÉTOILES Le monde se divise en deux catégories. Il y a, d’un côté, le basket des James Harden, Lebron James et Kevin Durant. Celui qui s’étale, celui qui prend toute la place. Celui qui brille. Et puis, dans la traîne de cette comète de superstars, il y a l’autre basket, qui se joue à cinq pareil, mais sur une autre planète. C’est le basket de la poussière, de la foulure, de la passion. Le basket des durs au mal. Si Stéphane Peaucelle-Laurens et Alexandre Couailhac ne dénigrent pas le spectacle fanfaron de la NBA, leur petit cœur bat pour la victoire qui s’arrache à coup de dents. Ceuxlà, qui regrettent dès l’édito l’effondrement de la Yougoslavie car son équipe aurait à coup sûr battu la Dream Team US aux JO 92, annoncent directement la couleur : leur magazine, Entorse, ne sera pas celui des 4×4 rutilants et des Air Jordan, mais bien celui des Clio 3 portes et des slip-on d’Atemi. Car si ce jeu-ci n’est pas le plus charmeur, c’est sans doute le plus beau. Il y a, dans le coaching d’Éric Girard, dans la carrière de Laurent Sciarra, dans la culture philippine du basket ou dans la remontée du club de Charleville-Mézières quelque chose de plus précieux qu’un triple-double :
une âme. Et pour présenter ce diamant dans les meilleures conditions, il lui fallait un écrin. Stéphane Peaucelle-Laurens et Alexandre Couailhac le lui ont offert. En confiant la conception graphique et le choix des illustrations au studio Helmo, ainsi que l’éditorial photographique à Benjamin Schmuck, les deux fondateurs d’Entorse ont fait le choix du haut niveau. Ainsi se déploient sur ce très grand format les images de Simon Roussin, Thomas Chéné, Kitty Crowther, Bonnefrite et, bien sûr, celles de Helmo et de Benjamin Schmuck, pour un résultat qui vient gratter le ciel en termes de plaisir visuel. Nous avons donc ici, non seulement une vision rafraîchissante du basket-ball, se recentrant sur les fondamentaux, mais en plus une audace de graphisme et de mise en page qui offre à l’amateur une véritable expérience. MVP deux fois. M. Gueugneau
Entorse #0, sorti le 07.12, 130 pages, 17 € entorsemagazine.fr
Sélection 2/2
71
Revue Pan #4 LE PINCEAU ET LA PLUME Un beau jour, Jérémie Fischer et Jean-Baptiste Labrune en ont eu assez. Toutes ces armes et toutes ces larmes inutiles, le temps était venu de la réconciliation : liés depuis la nuit des temps, la poésie et le dessin ne pouvaient plus continuer à s'ignorer. Le dessinateur et le poète se sont donc retrouvés autour de la table pour donner l'un à l'autre ce qui lui manquait. À l'un la figuration interprétative, à l'autre le déploiement de la pensée. Ils virent alors que cela était bon et donc ils continuèrent jusqu'à imaginer la Revue Pan. Celle-ci en est à son 4e numéro en 4 ans ; une rythmique bien huilée qui permet de peaufiner au mieux l'objet comme cette dernière sortie en est la témoin avec les travaux remarquables des auteurs (Anne-Sophie Plaisant, Stéphane Bataillon, Jean-Baptiste Labrune, etc.) comme des illustrateurs (Yann Kebbi, Caroline Gamon, Marine Rivoal, etc.) De la beauté de l'alliance. M. Gueugneau
Revue Pan #4, sortie le 24.11 chez les Éditions Magnani, 184 pages, 18 € revuepan.com
Mydriasis
Dans l’Infini
NICE TRIP Ils voulaient voir, ils voulaient vivre. Les trente-neuf contributeurs de Mydriasis, ont gardé les yeux ouverts plus longtemps que nous autres. Après que le soleil fut couché, après qu’il se fut relevé, ils sont là, dormant peu, se droguant pas mal, s’amusant beaucoup pour se construire des moments hors du temps. Ce livre, coordonné par Irwin Barbé et mis en page par Clémentine Léon et Gautier Scerra (aka Service Local), rassemble les photos de ces vivants, donnant un portrait fascinant de cette façon totale d’envisager la musique et la fête. En ressort un univers où le réel lâche enfin la grappe à ceux qui veulent exister.
ET AU-DELÀ Les éditions 2024 nous avaient déjà fait le coup. Avec un certain Gustave Doré. Et deux fois en plus. Mais là, c’est différent. Si la maison strasbourgeoise revient dans le passé, c’est pour nous présenter une nouvelle tête, celle du mystérieux G.Ri, auteur fantaisiste et fantastique du début du XXe siècle. À la suite de Jules Verne, mais avec un nouvel atout, le dessin – qu’il a splendide –, G.Ri nous conte les rêves stellaires de son époque, relançant, après Albert Robida, la trépidante saga de la bande dessinée de science-fiction française. Pour l’Histoire ou plus simplement pour la forme, encore un indispensable de chez 2024.
M. Gueugneau
M. Gueugneau
Mydriasis, sortie courant janvier en auto-édition, 144pages, 30 €
Dans l’Infini et autres histoires de G.Ri, sorti le 15.11 chez les éditions 2024
irwinbarbe.com
editions2024.com
Sélection 2/2
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Sorcières
L'Ennui
CALENDRIER Nouvelle année oblige, c’est la saison des calendriers, support parfait pour l’image (qui représente souvent son intérêt majeur aussi, on va pas se mentir). Celui-ci est édité par l’Atelier Boucherie, établi à Marseille, et met en lumière, chaque mois, des portraits de femmes et des événements autour de la notion de sorcière à différentes époques, accompagnés d’un petit texte explicatif. Un calendrier engagé qui parle aussi bien de Jacqueline Sauvage que d’ordalie durant l’Égypte ancienne. L’année dernière, il était intitulé « A Life defiant », ou 12 mois pour 12 femmes atypiques. On y reconnaît les dessins des dessinatrices Élodie Lascar et Amélie Laval, qui se partagent cette nouvelle année 2018 en risographie bichro.
ACTIVITÉ PÉRISCOLAIRE Et oui. Les injonctions de Guillaume Dégé, grand inspirateur des nouvelles générations d'illustrateurs et directeur de la section illustration de la HEAR strasbourgeoise continue donc de porter leurs fruits. Le nouveau et juteux rejeton de cette école miracle est donc L'Ennui, où on retrouve les jeunes mais déjà remarquables Péixe Collardot, Lucile Ourvouai, Marthe Péquignot, Emi Clarke, Étienne Ciquier, Sébastien Sans-Arcidet ou encore Camille Deschiens, à retrouver quelques pages en arrière. Preuve que l'illustration venue de Strasbourg a encore de beaux jours devant elle.
Sorcières, calendrier par l’Atelier Boucherie, disponible
L'Ennui #3 à paraître le 25 janvier 2018 à Angoulême, 150 pages, 20€ facebook.com/ fanzinelennui
M. Gueugneau
boucherie.biz
Malina Cimino
The Parisianer 2050
Bien, Monsieur #8
On se souvient avec bonheur de l’année 2014 où nous avions acquis The Parisianer, premier du nom. Mais oh, quelle joie, The Parisianer est de retour, version 2050, avec 53 illustrateurs triés sur le volet par Aurélie Pollet et Michaël Prigent, chargés d’imaginer la capitale dans 33 ans. Avec Jun Cen, Aline Zalko, Maxime Mouysset, Ugo Bienvenu, Maïté Grandjouan, Alain Pilon, Lou Rinh, etc.
Oui, certes, ce n’est pas la première fois que nous parlons de la revue Bien, Monsieur portée par Juliette Mancini et Elsa Abderhamani. Mais nous avons plusieurs raisons : 1° on fait ce qu’on veut, 2° c’est une revue super et 3° elle change de format, s’offre 40 pages de plus et invite dans son dernier numéro Jochen Gerner, Oriane Lassus, Lucas Ferrero ou encore Lison Ferné.
> The Parisianer 2050, sorti le 16.11 chez 10/18, 152 pages, 18,90 € > theparisianer.fr
> Bien, Monsieur #8, sorti le 26.11, 96 pages, 12 € > revue-bienmonsieur.fr
La Grande Expédition
L’Iconographe
Les éditions L’Agrume ont l’œil gourmet et le cœur à l’ouvrage. Voilà les conclusions que nous pouvons tirer de la sortie du magnifique et grandiose La Grande Expédition qui nous raconte en 8 mètres de long et en dessins merveilleux l’aventure du vivant. La magie du talent de Clémence Dupont faisant le reste.
Sorti de l’esprit frais de L’Éditeur singulier alias Jean-Christophe Napias, L’Iconographe arrive comme une louange adressée à la créativité des illustrateurs. À ceux-ci a été demandé de réaliser la couverture du livre de leur choix, offrant ainsi un matériau parfait pour exercer leurtalent.EtletravaildeLorraineSorlet,AnneMargot Ramstein, Tom de Pékin, Icinori, Édith Carron et de leurs 45 collègues est imparable.
> La Grande Expédition de Clémence Dupont, sorti en septembre 2017, 76 pages, 24 € > lagrume.org
> L’Iconographe , ouvrage collectif sorti le 19.10 chez La Table ronde, 112 pages, 24 € > editionslatableronde.fr
Sélection 2/2
73
Musique
Franck Vigroux INDUS Partout chez Vigroux, on sent l’influence de la musique concrète héritée de l’avant-garde schaefferienne, cette fois travaillée sur le mode de la musique industrielle. L’album, qui diffère des précédents par son bouillonnement, est saturé de vrombissements assourdis, de stridences sidérurgiques, de craquettements sinusoïdaux et d’autres artefacts sonores qui campent une atmosphère pré-apocalyptique nappée de plages mystico-synthétiques. L’équilibre audacieux entre analogique et numérique, volontairement enregistré en stéréo, se traduit par un dépouillement marqué qui confère aux réflexions rageusement bruyantes de Vigroux sur la fuite en avant du monde, une profondeur sémantique à défaut d’être sonore. Brute et tassée, la barricade devrait tenir encore un temps. Ted Supercar
Barricades de Franck Vigroux, sorti le 04.12 chez Erototox Decodings erototox.com
Death of Lovers AMANTS POP Après un premier EP sorti en 2014, les membres de Death of Lovers s’étaient consacrés à Nothing, leur groupe parallèle, excellent bien que dans un registre différent. Ils sortent maintenant un premier album de pop romantique, dont les rythmiques et le son des synthés semblent tout droit déversés des années 1980. D’un romantisme assumé, parfois grandiloquents (« Divine ») et à la frontière du suranné, les morceaux semblent néanmoins étonnamment épurés, à l’image de la pochette. Bandeson parfaite pour dancefloor triste, pas si lisse qu’il n’y paraît (« The Absolute » et son saxophone final). Manon Raupp
The Acrobat de Death of Lovers, sorti le 24.11 chez Dais Records daisrecords.com
Death and Vanilla En 2015, pour le festival Cinemascore de Castellón, le duo suédois Death and Vanilla offrait au film Le Locataire de Polanski une nouvelle bande originale surclassant aisément celle, originelle, de Philippe Sarde. Fire Records a la bonne idée d’éditer cette pépite pour ravir les gens qui, par mégarde, ne se seraient pas rendus en Espagne en 2015. > Death and Vanilla, The Tenant , sortie le 02.02 chez Fire Records > firerecords.com
Eiger Drums Propaganda Il est bien compliqué de savoir qui se cache derrière ce disque, si ce n’est qu’une moitié du duo lyonnais Pilotwings, Louis E Bola, y prend une large part, et que ça se sent. Entre ambient surannée, mysticisme new age, vaudou brionnais et japonisme éthéré, Eiger Drums Propaganda s’installe tranquillement comme l’un des disques les plus captivants de l’année, alors même qu’à l’heure où on écrit ces mots, elle n’a pas commencé. > Eiger Drums Propaganda , S/T, sortie le 02.02 chez Macadam Mambo > macadam-mambo.com
Sélection 2/2
74
OUF
Musique
Charlie O. SAUVÉS Voilà des années que La Souterraine nous gâte de ses petits bonheurs auditifs à prix libres à contre-courant de l'offre musicale actuelle. Histoire de définitivement ranger le fameux adage "c'était mieux avant" au placard, le collectif débarque avec sous le bras, sa dernière idée lumineuse : une anthologie musicale du présent, rassemblant 22 titres d'artistes français composés entre 2015 et 2017. Un écrin contenant les mots doux et la poésie d'Antoine Léonpaul, de Biche, de CHATON, de Groupe Mostla et de bien d'autres prophètes underground du XXIe siècle. Elora Quittet
OUF, l'anthologie souterraine, compilation sortie le 8.12 chez La Souterraine souterraine.biz
Le sémillant Charlie O. a choisi comme arme de prédilection l’orgue. C’est étonnant, certes, mais pas si fou à l’écoute de son dernier projet M2, où le Marseillais transforme, tord, sublime les fréquences sorties de l’orgue de l’église SainteMarguerite. Plus qu’un exercice de style, M2 est le témoignage d’une maîtrise parfaite d’un instrument alliée à des idées remarquables. > Charlie O., M2 , sorti le 24.12 chez Sounds Like Yeah ! > soundslikeyeah.com
Fondation Le duo français Fondation n’est pas de ceux qui ont connu la gloire des années 1980. Pourtant, leur musique faite de variations ambient et kraut autour de synthétiseurs méritait qu’on s’y penche franchement. C’est ce qu’a fait le tout neuf label Tunnel Vision qui réédite avec raison l’album Le Vaisseau blanc de 1983 qui mêle à la prose de H.P. Lovecraft à la musique hypnotique d’Ivan Coaquette et Anannka Raghel. > Fondation, Le Vaisseau blanc, sorti le 14.12 chez Tunnel Vision Records > tunnelvisionrecords.bandcamp.com
Rolla
G Perico
Rolla, le producteur du crew Lyonzon, a sorti son plus beau tableau Velleda et aligné ses tactiques de jeu. 14 pour être exact, incluant un profil varié de joueurs dont Lala &ce, Mazoo, Art Wike, Luni Sacks, le RTT Clan, etc. Et ça finit toujours de la même façon : une promenade dans la défense et une lucarne façon Juninho.
On pourrait décerner un merci d’honneur pour l’année 2017 de G Perico, le rappeur Angelino qui a sorti trois projets en 2017. Mais on se contentera de dire que le dernier en date, 2 Tha Left (où on croise Curren$y, Mozzy et Nef the Pharaoh), est sans éraflure, la recette G-Funk + 2017 de Perico se perfectionnant avec le temps.
> Équipe Type de Rolla, mixtape sortie le 11.11 et disponible sur Itunes > soundcloud.com/rollarsk
Tomaga Il faudra un jour penser à faire la bise à Valentina Magaletti et Tom Relleen. Leur dire qu’ils sont bien gentils de maintenir à ce niveau cette musique chamanique qu’ils réalisent, et qu’elle est pour nous devenue absolument comme une drogue. L’écoute de Memory In Vivo Exposure se révèle ainsi être une nouvelle transe, trouble, mystérieuse et cajolante. > Tomaga, Memory In Vivo Exposure , sorti le 05.12 chez Hands in the Dark > handsinthedarkrecords.com
> G Perico, 2 Tha Left , sorti le 08.12 chez Caroline Records > twitter.com/bgperico
Kaviar Special La vie ne peut pas être tout le temps retournés acrobatiques et shoots au buzzer. Pour gagner, il faut avant tout savoir se reposer sur ses fondamentaux. Et, en France, peu de groupes savent comme les Rennais de Kaviar Special les fondamentaux du rock garage. Ils les subliment une fois encore sur Vortex, leur nouvel album. > Kaviar Special, Vortex , sortie le 26.01 chez Howlin Banana Records. > howlinbananarecords.com
Sélection 2/2
75
Alice Wietzel, Elise Rigollet & Joséphine Ohl
CALENDRIER 12 € Un voyage 2018 en riso 4 couleurs, à la découverte des traditions étrangères. > alicewietzel.tictail.com
Shopping
Good Day Club Anna Wanda Gogusey
CARNET DE COLORIAGE 15 € Il paraît que le coloriage aide à se détendre. Et bien, sachez que c’est encore plus vrai quand on crayonne les illus d’Anna Wanda Gogusey.
T-SHIRT 25 $ Store créatif basé à Brighton, au Royaume-Uni, le Good Day Club a le chic pour s’associer à la crème des illustrateurs (Daiana Ruiz, Atelier Bingo, etc.) pour sa collection de T-shirts et de sweats. > gooddayclub.com
> annawandagogusey.tictail.com
Groduk + Boucar Hector de la Vallée JEU DE 54 CARTES 22 € Il n’aura jamais été aussi plaisant de jouer à la bataille ou au président qu’avec ce jeu signé Hector de la Vallée. > hectordelavallee.bigcartel.com
PAIRE DE CHAUSSETTES entre 15 et 20 € Des chaussettes à l’image de ce duo : du mignon, du fun et beaucoup de talent ! > tictail.com/grodukboucar
Lasse & Russe
CALENDRIER ASTROLOGIQUE DE L’ART 14 € Des blagues et des horoscopes illustrés par le génial Lasse & Russe. De quoi passer une année fameuse. > lesrequinsmarteaux.com
Sélection 2/2
Astropolis L’Hiver PIC À GLACE
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Festival Antigel PRÈS DU CHAUFFAGE
Comme tous les ans, le festival Astropolis de laine retrousse sa chemise canadienne et vient fendre l’hiver en deux, le temps d’une semaine de musiques électroniques frappantes. Cette année n’est pas la plus moche avec Kerri Chandler, Legowelt, DJ Stingray et Deux Boules Vanille.
Plutôt que d’éparpiller les disciplines et les artistes aux quatre vents, les Genevois ont décidé de s’en remettre à Antigel. Et ils font bien, parce que le festival a du goût. Avec Pierre Rigal, Einstürzende Neubauten, Fred Frith, Islam Chipsy, David Mambouch & Marion Leclercq, Ayelen Parolin, etc.
Du 20.02 au 26.02 à Brest
Du 26.01 au 17.02 à Genève
Ciné-court animé LE TEMPS QU’EST COURT Le festival du court-métrage d’animation de Roanne est le boss. Le meilleur. Le plus fort. L’année dernière, il a rameuté plus de 200 courtsmétrages d’animation venus de 40 pays différents. Cette année risque de voir encore plus grand, avec toujours ses six compétitions et ses nombreuses rétrospectives. Du 19.03 au 25.03 à Roanne
Mirage Festival 6e édition
Expérience des réalités
4 — 8 Avril 18 Les Subsistances Lyon
Central Vapeur LE BERCEAU
Festival Circulation(s) SAUTS DE CABRI
Festival Mirage Art, Innovation et Cultures Numériques
www. miragefestival.com
VORTEX INTERDIMENSIONNEL
Le festival d'illustration Central Vapeur est des immanquables de l'année. Parce que c'est à Strasbourgs, parce que c'est fait avec amour. La nouvelle édition met en avant la perfide Albion avec l'invitation très spéciale faite à Marcus Oakley. On croisera également le collectif Nous Vous, Mökki, L'Ennui, Adrià Fruitos, Sandrine Thommen et on zonera au salon des indépendants.
Allons, Charles, que le festival Circulation(s) bondisse sur sa chaise en ne cessant de dire Europe, Europe, Europe, il n’y a rien de plus normal. Il s’agit en effet du cœur de son discours, lui qui réunit ce que la photographie émergente européenne a de meilleur pour une exposition géante au Centquatre avec 50 photographes et une marraine de choix, la curatrice Susan Bright.
La manifestation lyonnaise dédiée aux arts numériques nous gâte déjà par son bon goût. Mais elle nous permettra cette année de nous offrir une vie meilleure – ou autre du moins, en se chargeant de nous transporter dans les réalités alternatives concoctées pour nous par la crème des artistes d’aujourd’hui.
Du 15.03 au 25.03 à Strasbourg
Du 17.03 au 06.05 à Paris
Du 04.04 au 08.04 à Lyon
Événements
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Lors de la cérémonie de remise des Étoiles du design 2018 au Centre Pompidou hier soir, L’Observeur du design 2018 a couronné une création du studio Des Signes. Parmi les trois projets labellisés, une étoile à été décernée à la signalétique de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine de Charenton.
FIBD 2018 LE GRAND MEZZÉ
How to Love ZOUBISOU BISOUS
Marie Guillard DESSINS D'INTÉRIEUR
Tout le monde. Il y a (quasi) toute la bande dessinée au festival d’Angoulême in et off, c’est son avantage. L’autre avantage, c’est la place laissée au concours Jeune Talent, grand révélateur de dessinateur. Marion Fayolle, Guillaume Chauchat, Clément Paurd, Juliette Mancini ou encore Adrien Herda sont passés par là, il nous tarde de voir les prochains.
Mine de rien, Le Petit Bain y a pris goût. Ce festival iconoclaste qui allie bande dessinée et musique est une des marques de fabrique de la supersalle parisienne. Et pas la plus dégueu. How to Love #5 invite ainsi Ludovic Debeurme, Marion Duclos, Boukan Records, Requin Chagrin, Casual Gabberz, Ichon ou encore Gilles Bœuf.
Mais quelle merveilleuse idée qu'a eu Samia, la tenancière de la Slow Galerie, d'inviter dans ses murs l'illustratrice Marie Guillard. Véritable coup de cœur de cette année, le travail de la dessinatrice est doux, sensuel, caressant et vient s'imprimer durablement dans l'esprit grâce à une fausse simplicité absolument remarquable.
Du 25.01 au 28.01 à Angoulême
Du 07.02 au 10.02 à Paris
Du 14.03 au 14.04 à Paris
Ping Pong Process
Sonic Protest
Contact presse Catherine Roidot +33 (0)6 61 11 96 87 www.des-signes.fr
Piafs !
50 rue de la ClefDE 75005 Paris — tél. +33 (0)1 40 15JEAN-PHILIPPE 61 30 — studio@des-signes.fr OISEAUX BONHEUR GATIEN
Piafs !, c’est le projet porté par Maison Tangible et c’est surtout un projet super. Ils ont demandé à 15 illustrateurs (Benjamin Flouw, Delphine Dussous, Playground Paris, etc.) de réaliser une collection d’images en réalité augmentée parlant de Paris et de ses oiseaux. Et, pour notre bonheur, la galerie Treize Dix a choisi de les exposer.
Le studio Des Signes, fondé par Élise Muchir et Franklin Declouds, investit les murs de la si charmante librairie parisienne Artazart. Au programme, le déploiement de leur graphisme si élégant, eux qui ont œuvré pour les éditions Pyramyd, le Lieu du Design ou encore le CNSMD de Lyon.
À partir du 17.01 à Paris
Du 23.02 au 18.04 à Paris
Studio Muchir Desclouds
Des Sig
Des Signes étoilé par l’Observeur du design 2018
BLIND TEST Le Sonic Protest est ce genre de festival auquel on peut aller les yeux bandés. Il est rare qu’on connaisse toute la programmation, mais il est encore plus rare que celle-ci déçoive. Nouvelle illustration avec la version 2018 où l’on pourra se raccrocher à ces noms délicieux que sont Morton Subotnick, Arto Linsay, Satan, Kevin Drumm et Mohamed Lamouri. Du 07.03 au 17.03 à Paris
NOVA RECORDS PRÉSENTE
H AUTE M U S I Q U E I I N O VA
LE CO FFR ET 6 CD / prè s d e 10 0 tit re s BJÖRK | CHILDISH GAMBINO | LIT TLE DR AGON | MACHINEDRUM | L’IMPER ATRICE | MAC DEMARCO LAURA MARLING | ORCHESTRA BAOBAB | FLAVIEN BERGER | JORDAN RAKEI | PETIT BISCUIT | ELECTRIC GUEST | ALBIN DE LA SIMONE | BEAT ASSAILANT | GUTS | KLYNE | DIRTY PROJECTORS | NILUFER YANYA JONWAYNE | PETIT FANTOME | EL MICHELS AFFAIR | WASHED OUT | ASGEIR | TAYLOR MCFERRIN KING GIZ Z AR D & THE LIZ AR D WIZ AR D | TOM MISCH | JU LIA HOLTER | CHARLOT TE GAINSBOU RG
ARTWORK :
GABRIEL GARZON-MONTANO
www.nova.fr
Mirage Festival 6e édition
Expérience des réalités
4 — 8 Avril 18 Les Subsistances Lyon
Art, Innovation et Cultures Numériques
www. miragefestival.com