Team KIBLIND
@KIBLIND_MAGAZINE
Quel travail minutieux que de monter les étages d’un gâteau un à un et de le décorer avec soin jusqu’à ce qu’il soit suffisamment gourmand à nos yeux. « Il y a autant de recettes que de pâtissier·es » disait l’autre et il semblerait que Kiblind Magazine ait trouvé la sienne. Façonnée au quotidien par une équipe pleine de ressources. Repensée. Agrémentée par les créations d’illustrateur·rices dégoulinants de talent. Partagée et transmise comme un secret pas si secret depuis 20 ans.
Né autour de l’idée d’une grenouille et d’un yogi sur les bancs de l’Université, Kiblind Magazine en a fait du chemin. Ainsi, pour la première fois de son histoire, et dans un excès d’ego justement dosé – vous en conviendrez –, nous avons décidé de tirer la couverture à l’équipe créative de KIBLIND, invitée à monter le magazine de toutes pièces. Pour remercier toutes celles et ceux, illustrateur·rices, graphistes, rédacteur·rices, têtes pensantes, qui ont participé et qui contribuent aujourd’hui encore à écrire et à illustrer ce fabuleux périple.
En couverture donc, un gâteau d’anniversaire géant qui – à l’image de Kiblind Magazine – cache plein de surprises, et dont les toppings sont autant de plaisirs et de souvenirs qui fondent en bouche. En plongeant dans cette triple couverture, vous croiserez également quelques personnages de l’inspirant Blaise et le château d’Anne Hiversère de Claude Ponti, et décoderez peutêtre des clins d’œil plus subtils aux passions dévorantes et plaisirs coupables de l’équipe KIBLIND
Allez, vous reprendrez bien une petite part de Kiblind ?
Les nouvelles couleurs de Paris
Une illustration par KIBLIND réalisée avec les crayons Pastel Conté à Paris
Conté à Paris est la marque française experte en crayons et pastels depuis 1795, choisie par les plus grands maîtres, les étudiants des Beaux-Arts et les artistes amateurs pour la qualité de ses produits. Conté à Paris est devenue la référence pour les artistes du monde entier, offrant la plus large variété de techniques et d’effets possibles pour le dessin, l’esquisse ou le pastel.
Et découvrez la collection de posters
Conté à Paris x KIBLIND Atelier dédiée aux emblèmes parisiens
Une collection de 10 illustrations réalisées avec les carrés et crayons Conté à Paris, imprimées par KIBLIND Atelier.
Disponible à la vente à Paris,
• BOUTIQUE CHARBONNEL
13 Quai de Montebello, 75005 Paris
• KIBLIND Atelier au CENTQUATRE-PARIS
5 Rue Curial, 75019 Paris
• KIBLIND Atelier à la GAÎTÉ LYRIQUE
3bis Rue Papin, 75003 Paris.
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Si l’on persiste à s’infliger la vie, c’est que dans son incomparable bonté, celle-ci ne cesse de nous abuser avec la plus grande drogue qui soit : l’inattendu. Sans cela, quel foutu intérêt aurait-on à se lever le matin ? À quoi bon recommencer chaque jour le cycle journalier si celui-ci nous propose la même rengaine, un arc plat, une ligne droite ? On a besoin de dissonances, on a besoin d’aspérités, on a besoin de virages à 90 degrés. Ne serait-ce que pour voir de quoi on est capable pour s’y adapter. Que notre cerveau puisse s’amuser un peu, en tentant de digérer ce qu’il n’aurait jamais pensé avaler. Car la surprise, c’est ce petit jouet de la vie, une intrigue dont il faut percer le mystère, un spectacle qu’on se doit de comprendre pour pouvoir accueillir toute la diversité du monde. Elle peut se trouver au coin de la rue comme se construire sur le très long terme et elle laissera toujours le même goût : celui de l’inconnu fascinant.
La surprise, c’est pour nous de pouvoir fêter les 20 ans du magazine Kiblind. Un magazine gratuit, indépendant et spécialisé dans les arts visuels ne doit pas, ne peut pas vivre aussi longtemps. On le sait et cette longévité est pour nous un événement quotidien. Chaque jour, nous sommes stupéfait·es de pouvoir continuer cette improbable aventure, chaque jour nous sommes ravi·es d’œuvrer à bâtir le suivant, chaque jour nous sommes honoré·es de continuer à témoigner d’une création qui, elle aussi, ne cesse de nous étonner. Aujourd’hui est la plus grande des surprises, en attendant demain.
Directeur de la publication : Jérémie Martinez
Direction Kiblind : Jérémie Martinez - Jean Tourette - Gabriel Viry
Comité de rédaction : Agathe Bruguière
Maxime Gueugneau - Elora Quittet - Jérémie Martinez
Jean Tourette - Gabriel Viry
Coordination éditoriale : Elora Quittet
Team Kiblind : Noémie Arensma - Guillaume Bonneau
Romane Chevallier - Magda Chmielowska - Léa Coissard
Edmée Garcia-Mariller - Chloé Girot - Léa Guiraud
Mélodie Labbé - Rachel Lafitte - Laëtitia Lafort
Marie Lascaux - Maxime Lechleiter - Romane Lechleiter
Anne-Capucine Lequenne - Rosalie Massé
Céline Montangerand - Lara Mottin - Zoé Paille
Guillaume Petit - Morgane Philippe - Charlotte Roux
Déborah Schmitt - Éva Spalinger - Paloma Stéfani
Sara Thion - Olivier Trias - Selina Ursprung
Réviseur : Raphaël Lagier
Traducteur·rices : Anita Conrade - Mark McGovern
Direction artistique : Kiblind Agence
Imprimeur : Musumeci S.p.A. / musumecispa.it
Papier : Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni / Symbol Freelife E/E49 Country 250g Arena natural Bulk 90g / Symbol Freelife Gloss 130g Freelife Oikos 115g
Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Freight Text (Joshua Darden)
Direction artistiqe couverture Surprise : Agathe Bruguière & Léa Guiraud
Édité par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon - FRANCE 27 rue Bouteille - 69001 Lyon / 69 rue Armand Carrel75019 Paris - 04 78 27 69 82 / KIBLIND c/o Spaces - 5455 av. de Gaspé - H2T 3B3 Montréal QC
Le magazine est publié en version française et anglaise. kiblind.com / kiblind-atelier.com / kiblind-agence.com / illustration-festival.com
ISSN : 1628-4146
Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteur·rices. Tous droits strictement réservés. Merci à Matthieu Sandjivy. THX CBS.
Contact : magazine@kiblind.com
CRÉATIONS ORIGINALES
KIBLIND
ETIENNE PUAUX
Une fois n’est pas coutume. Pour nos 20 ans, la couverture a été confiée aux illustrateur·rices de l’équipe KIBLIND. Un énorme merci à Léa, Agathe, Déborah, Eva, Guillaume, Laëtitia, Magda, Maxime, Morgane, Rachel, Sara, Sélina et Zoé qui, entre Lyon et Paris n’en ont fait qu’une bouchée.
Le style matelassé de la Coréenne est fait de douceur de la matière et de joliesse des couleurs. Son fait surprenant : « L’écureuil est responsable de la plantation de milliers d’arbres dans le monde. »
The Little Gardener X zoeykimm.com
Les illustrations de Jack Fletcher fusent à travers la page comme Noah Lyles sur 100 m, grâce à une science de la dysmorphie peu égalée.
Son fait surprenant : « De 1912 à 1952, les compétitions d’art étaient des sports olympiques »
Olympic X @jackfletcherjack
Le Strasbourgeois use de son trait gracieux pour se rappeler des terres qui n’existent pas.
Son fait surprenant : « Le virus informatique « I LOVE YOU » se cachait dans des faux mails d’amour. »
iloveyou X @lechatdevenus
Le dessin de Pits a ceci de pratique qu’il embarque tous les styles, tous les degrés de figuration pour créer un monde où l’ordinaire n’est pas un mot du dictionnaire. Son fait surprenant : « Votre voisin, M. Smith, est un extra-terrestre. »
Now, who is the Alien? X pits.studio
Les dérivations colorées du diplômé de la HEAR révèlent la puissance des sentiments radicaux. Son fait surprenant : « L’apparition d’une figure magique dans une grotte. »
Déflagration X @gabriel_kalnins
Les membres débordent, les couleurs chatoient et les traits s’envolent dans les dessins de l’Italienne. Son fait surprenant : « Le jour où j’ai découvert qu’il y avait deux cacahuètes dans chaque coque. »
Peanut(s) X alicepiaggioillustrator.com
Les dessins et tatouages de Kaoura Marius sont faits d’un feu dont l’incandescence se transmet par les yeux. Son fait surprenant : « Le Mégapodius enfouit ses œufs dans les volcans pour les couver sans s’en occuper. ».
Mégapodes de Papouasie X @qualeslafechadehoy
La pureté d’une ligne simple suffit à la Parisienne pour définir les contours de dimensions mystiques. Son fait surprenant : « Mary Shelley aurait gardé le cœur de son mari enveloppé dans un poème pendant 40 ans. »
Mary X @romane.granger
X @sergipuyol
X @guayguayguayguay
X @flexidiscos
Todo Esto es Para Flexidiscos& → Par Sergi PuyolPara Ti &Lasociedad) Puyol
LE MOIS DES FIERTÉS
RÉTROGRAPHIE
PAR NOÉMIE ARENSMA , EDMÉE GARCIA-MARILLER, CHLOÉ GIROT, MARIE LASCAUX, ROMANE LECHLEITER, ANNE-CAPUCINE LEQUENNE, CHARLOTTE ROUX, ET JEAN TOURETTE
Difficile en effet d’aborder la surprise sans évoquer celui qui la provoque et la contient souvent.
Mais en regardant de plus près, que se passe-t-il quand on nous fait un cadeau ?
1 Il y a parfois une carte qui l’accompagne, le précède ou l’annonce, petite attention guidée par les bonnes manières qu’on prend grand soin de lire en contrôlant ses réactions faciales et avec beaucoup de politesse, réfrénant simultanément cette pulsion primaire qui nous pousse si fort à griller la suite du programme et à passer sans scrupules à l’étape 4.
2 Authentique et potentielle source inépuisable de singularité pour celle ou celui qui l’offre : le paquet-cadeau et son indispensable vêtement, le papier, qu’on déchire brutalement en quelques secondes ou qu’on défait méticuleusement en le repliant bien comme il faut… Ce qui ne manque pas de fournir quelques données importantes sur l’état psychologique de la personne qui l’ouvre.
3 La réaction, corrélation de plein de facteurs chimiques, physiques, neurologiques et d’un peu de conditionnement de Pavlov, qui relie par la vue le sujet et l’objet, comme celui qui donne à celui qui reçoit.
4 Enfin la voilà, la vraie surprise, la parabole de toutes les attentions et véritable signification de la façon dont nous perçoit la personne qui nous l’a fait : le cadeau ! C’est à ce moment précis que la surprise existe, brève, fugace, instantanée et unique.
5 Il ne faudrait cependant pas oublier de poser un regard attentif sur les surprises qui ne tiennent pas dans les mains. Parfois bien cachées dans les histoires écrites ou filmées, elles ont la saveur du secret deviné, lorsqu’on sait les débusquer.
6 La chute ? Bonne ou mauvaise, souhait réalisé ou espérance déçue, devant l’objet commun et impersonnel, ou bien incompréhension la plus complète face à « ça ». C’est le moment du jugement, du verdict et du dénouement.
Plaisir d’offrir, joie de recevoir ?
DEVINE QUI T’ÉCRIT !
La carte de vœux, c’est un passage quasi obligatoire quand il est question de surprise. Anniversaire, fête des mères, déménagement, nouvel emploi, désormais tout est prétexte à chercher désespérément un stylo qui marche encore pour aligner trois phrases, mal installé·e sur un coin de table, sans faire de rature.
Si l’exercice de l’écriture manuscrite tend à se perdre au profit des claviers, l’art de la carte évolue, mais perdure. Aujourd’hui, bon nombre d’entre elles sont remises en mains propres – payer un timbre étant devenu signe d’amour véritable ou d’obligation administrative – mais elles sont loin d’avoir dit leur dernier mot.
MARQUER LE COUP
Lorsqu’on fait une surprise, la carte, c’est ce qu’il va rester, la preuve que c’en était bien une, de surprise. Un bout de papier sans prétention qui rappelle à l’émoi quand l’objet ou l’expérience offerte sera devenue une habitude ou un souvenir.
La carte, c’est ce qu’on ouvre en premier. Il y a l’art de la recevoir : la découvrir, la lire avec l’émotion adaptée et feindre innocemment de ne pas voir les billets qui s’y sont glissés lorsque c’est mamie qui nous la tend.
Mais il y a aussi l’art de la choisir : il faut qu’elle soit ajustée à l’occasion et à la personne, puis on doit y écrire le fin mot que vous n’auriez peut-être pas osé dire à voix haute. C’est la confidence publique, mieux vaut coucher sur papier l’anecdote de votre rencontre avec Jeanne, lorsque vous rendiez vos piñas coladas entre deux autos un soir de Saint-Jean, que de le déballer devant toute sa famille.
D’autres fois, vous devez vous faire petit·e, comme la place laissée sur la carte de départ à la retraite destinée à Michel de la compta. Vos routes se sont croisées durant six jours ouvrés, un simple « content·e de t’avoir connu » fera l’affaire. C’est un fait, plus le texte est long, plus vous êtes proches de la personne. Choisir une carte, c’est dire « je te connais », signer la carte c’est dire « je suis là ».
CONFIDENCE POUR CONFIDENCE
« Mais quelle est l’origine de ce rituel épistolaire ? », vous demandez-vous sans doute. Eh bien, il faut attendre l’Angleterre de 1840 pour que l’invention du service postal et du timbre voie le jour. Trois années après, le directeur du Victoria and Albert Museum, Sir Henry Cole, a l’idée de placer une carte dans une enveloppe pour envoyer des souhaits à ses proches pour le 25 décembre 1843. Il missionne alors l’artiste de l’Académie royale, John Callcott Horsley, de dessiner une carte à trois volets. Il resterait environ 12 exemplaires de cette première carte de vœux au monde, imprimée en lithographie.
Par la suite, les procédés d’impression deviennent plus simples et bon marché, transformant l’attention ludique en tradition. Des noms émergent alors : Kate Greenaway ou Louis Prang deviennent des références dans l’illustration de cartes, passant des visuels de représentations religieuses à des illustrations plus éclectiques : scènes de vie, traditions, fleurs, paysages, etc. ↓
CartedevœuxparLouisPrang
Après l’âge d’or de la carte de vœux dans les années 1960 et face à la concurrence des éditeurs, l’héliogravure et la simili-gravure se généralisent pour un résultat d’impression souvent moins précis ou séduisant que celui obtenu par la phototypie. On parle alors de période « purgatoire » pour la carte postale. Le tourisme et la consommation incitent une production de masse, qui ne vise qu’à imposer un objet standardisé, la créativité étant réduite à son minimum au profit de la quantité.
P.S. : I LOVE YOU
Le principe de la carte de vœux avait donc à peu près tous les ingrédients pour disparaître à l’arrivée de l’internet : payant, lent et contraignant. Pourtant, il n’en est rien. L’Union Professionnelle de la Carte Postale nous apprend qu’en 2022, 74 millions de cartes postales étaient envoyées. Mais pourquoi diable ?
D’abord, la tradition. Les petites habitudes ont la peau dure, et peut-être encore plus dans les rituels autour d’événements à marquer d’une pierre blanche. Étrangement, lorsqu’on veut surprendre, on suit quand même une trame classique.
Ensuite, l’amour de l’objet. Comme le retour aux vinyles en musique, le « vrai message » prend de la valeur à l’heure du tout-numérique. De plus, le beau n’est pas le seul design requis pour la carte de vœux. Les amateurs de kitsch, voire de moche – n’ayons pas peur des mots – font vivre, eux aussi, le marché. Puisque nos écrans débordent de paysages sublimes, pourquoi ne pas prendre un contre-pied ?
Choisir une carte avec un fessier inconnu en premier plan ou de bébés animaux qui encensent le Poitou, c’est déjà implicitement savoir que le message ne sera pas pris au pied de la lettre. Plus la carte est moche, plus expéditeur et récepteur sont proches. C’est alors le côté cool du kitsch, trouver l’objet unique qui saura vous mettre en lumière, saluant votre esprit délicatement beauf.
Finalement, dans la carte de vœux, on ne sait jamais si le plus important est le recto, le verso, ou le geste. Mais que l’intention soit nostalgique ou ironique, elle reste symbole de plaisir, à la fois personnel et partagé. Y’a plus qu’à l’afficher sur le frigo avec un magnet La Vache qui rit.
EMBALLÉ, C’EST PESÉ
Une fois la carte remise et lue, l’heure de l’ouverture du paquet a sonné ! Ce moment exquis qui garde encore, quelques instants, le mystère du contenu alors même que le cadeau est entre les mains du récipiendaire. Bien que sa confection puisse s’avérer parfois complexe, il n’en demeure pas moins que le paquet cadeau est un rituel essentiel.
Et tout le monde en conviendra, un cadeau sans paquet, c’est quand même un peu tristoune… En plus, il faut reconnaître qu’il nous est parfois bien utile, par exemple, quand il permet de sublimer nos présents les moins sexy, j’ai nommé : cartes cadeau, argent liquide et autres « Bon pour ». Tout de suite on ne rechigne plus à regarder des tutos de 15 minutes pour avoir un emballage un peu fancy .
Mais d’où nous vient cette tradition ? Qui a eu cette idée – adorée par certain·es, questionnée par d’autres – d’affubler chacun de nos présents de ce bout de papier à la gloire éphémère ?
Eh bien, il semblerait qu’il faille remonter au XIVe siècle, en Corée, avec l’apparition des bojagi. Ces pièces de tissu carrées servaient à emballer divers objets à l’occasion de mariages ou de cérémonies religieuses bouddhistes. La technique consistait à coudre, à la manière d’un patchwork, des bouts de tissus de différentes matières : coton, soie, chanvre ou ramie afin qu’ils forment des carrés de tailles différentes. Eh oui, c’était autre chose que coller des bouts de scotch !
On retrouve également des techniques d’emballage similaires au Japon avec les furoshiki. Plus proches de ce qu’on a désormais l’habitude de voir
avec les papiers cadeau réutilisables, les furoshiki étaient des bouts de tissus, souvent imprimés, qui venaient entourer le cadeau.
Mais c’est véritablement dans les années 1910 que le papier cadeau tel qu’on le connaît maintenant – un papier fin aux motifs variés – fait son apparition. C’est la société Hall Brothers qui commercialise ces emballages pour la première fois, un peu par hasard. En effet, la société qui vendait à l’origine des boîtes d’emballage solides pour les cadeaux a fait face à une pénurie qui l’a forcée à se tourner vers du papier cadeau. Et là, la bourgeoisie américaine était conquise ! Les ventes ont si bien marché que, quelques années après, l’entreprise décide de créer et d’imprimer son propre papier.
Et c’est comme ça que ce petit bout de papier est devenu l’indispensable de nos fêtes et moments de partage. Et avec lui, son petit lot de blagues toujours plus subtiles : « Tiens tiens, ça ne serait pas un ballon de foot ? » à la vision d’un paquet manifestement plat ou le fameux : « ça c’est un livre ! » pour tout objet manifestement biscornu. Enfin, que serait le rituel du papier cadeau sans la diversité des techniques d’ouverture qu’il induit : et vous, vous êtes plutôt du genre à arracher sauvagement le papier, ruinant en un claquement de doigts des heures d’efforts, ou du genre à décrocher chaque bout de scotch méticuleusement en veillant à garder le papier intact ?
LE CADEAU EN PERSPECTIVE
Le cadeau a la magnifique fonction de faire, en principe, autant plaisir à celles et ceux qui offrent qu'à celles et ceux qui reçoivent. Le moment de la découverte, de la surprise, est un espace-temps privilégié entre au moins deux personnes, relativement codifié, plus ou moins solennel, très certainement universel. Si les formes et les usages ont évolué, le cadeau est vieux comme les sociétés humaines et pourrait bien révéler un sens et des mécanismes plus profonds que la simple et noble envie de faire plaisir et d’être gâtée. Alors allons chercher du côté de ceux qui ont les premiers étudié cette étrange pratique.
Au début du XXe siècle, l’ethnologue Marcel Mauss s’est intéressé à son utilité en allant étudier le don dans plusieurs tribus à différents endroits du globe. Il en est revenu avec un constat étonnant : le cadeau serait un « échange-volontaire-obligatoire » pour permettre aux membres d’un même groupe de se reconnaître et de confirmer les hiérarchies en place, et aux membres de groupes différents d’éviter les conflits.
C’est aussi le cas de l’anthropologue Bronislaw Malinowski (1922) qui a étudié le « système kula » qui consiste en un échange de bracelets de coquillages entre tribus voisines des lointaines îles Trobriand en Mélanésie. Extrêmement chronophage, dénué de
tout enjeu économique ou artistique, ce système de don réciproque renforce les liens entre tribus et le prestige des leaders, tout en créant une tradition au service de la paix : tout oubli ou refus peut déclencher une guerre.
De retour à notre époque, ce sujet nous emmène droit jusqu’aux fêtes de Noël et à ses rituels de rassemblement familial et de cadeaux. Au sein des mini-tribus que sont les familles, refuser un cadeau inutile, oublier un oncle éloigné, privilégier une cousine, dévier des traditions, tout cela reste à coup sûr, aujourd’hui encore, perçu comme une marque d’hostilité.
Une fois le sens social intégré, les cadeaux sont toujours, au niveau personnel, l’occasion de surprises et d’émotions
fortes. Alors que se passe-t-il dans notre cerveau pour que nous continuions cette tradition ?
Lorsque nous recevons un cadeau, notre cortex préfrontal se met en action : l’amygdale, le centre des émotions, nous permet de juger si la surprise que l’on perçoit est bonne ou mauvaise, et passe l’information au noyau accumbens qui joue le rôle d’interface entre notre ressenti et nos mouvements. Si la surprise est validée, la zone s’éclaire et active le centre du plaisir. En découlent des sourires, de la joie, un sentiment d’apaisement.
Cette réaction peut être contrastée ou nuancée, mêler des émotions positives et négatives, avec autant de recettes que l’on trouve de situations ou cadeaux inattendus. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tant de personnes aiment les films d’horreur : le sursaut de terreur, de prime abord négatif, est dans un second temps associé au plaisir.
Dans tous les cas, la surprise exacerbe les sentiments et, est d’une manière générale, addictive. Dans un monde où nous recevrions chaque jour un cadeau, nous serions sans doute bien moins ravi·es, bien moins surpris·es à chaque ouverture…
La surprise modifie aussi les comportements et devient un formidable vecteur d’apprentissage, en nous faisant découvrir de nouveaux stimuli. Comme pour
KulabraceletdeExemple
le réflexe conditionnel d’Ivan Pavlov et de son chien. Ivan démontra qu’un chien accoutumé à voir l’arrivée de sa nourriture accompagnée d’une surprise : un stimulus sonore, pouvait à la longue saliver à la seule écoute du son, qui restait associé à son repas.
Enfin, la surprise nous rend globalement heureux. Et ça, le psychologue Norbert Schwarz l’a prouvé avec une pièce de 10 cents, en installant lors d’une étude la pièce à côté d’une photocopieuse et en interrogeant peu après les sujets utilisant la machine. Gonflé·es de joie par ce cadeau imprévu, même modeste, celles et ceux qui avaient trouvé la pièce avaient un avis général sur la vie nettement plus positif que les autres qui ne l’avaient pas vue. Et il paraîtrait même, - c’est l’Université de Berkeley qui le dit,- que les personnes cultivant l’émerveillement, l’acceptation des petites surprises de la vie, présenteraient des niveaux inférieurs d’interleukine-6 (IL-6) dans leur sang, indicateur de santé très positif.
LES CADEAUX SURPRISES : UN CONCEPT MARKETING
L’anticipation, l’excitation montent et le niveau de dopamine aussi. Une fois arrivé·es à bout de ce Rubik’s Cube de papier, le Graal est enfin sous nos yeux. Et là, surprise, soit nos rêves sont exaucés, soit nous tentons tant bien que mal de cacher notre déception. Des chaussettes dinosaures, il ne fallait pas… Pourquoi sommesnous tant obsédé·es par le fait de recevoir des cadeaux ?
C’est tout d’abord physique. Quand nous recevons un cadeau, notre cerveau libère de la dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir et à la récompense. Cette réaction chimique crée une sensation de bonheur et de satisfaction immédiate.
C’est cette même sensation de récompense que nous vivons lorsque nous découvrons un cadeau offert dans un produit. 20 ans, c’est le nombre d’années qu’il a fallu à Svet pour collectionner la totalité des magnets Le Gaulois et former la carte complète des régions. Pourquoi tant de zèle ? Appelons cela la théorie du Kinder Surprise. Soyons réalistes, un Kinder, c’est bon, mais ce n’est pas non plus exceptionnel ! Alors pourquoi est-ce qu’on y revient toujours ? Sûrement à cause de l’excitation de découvrir quelle figurine se cache sous sa coque beige. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul·es. Les cadeaux des célèbres chocolats, collectionnés par petit·es et grand·es depuis plusieurs décennies, sont devenus si célèbres qu’ils se retrouvent aujourd’hui exposés dans des musées, témoins des comportements de notre société.
Mais d’où vient cette pratique, et pourquoi est-elle si courante ?
PackagingKinderSurprise
« Quand c’est gratuit, c’est toi le produit ! » La formule popularisée par Bruce Willis (ou en tous cas, sa doublure Patrick Poivey) dans une vidéo de l'agence Adesias prend ici tout son sens. Bien plus que de simples produits offerts gracieusement, les cadeaux surprises représentent une stratégie marketing puissante pour les marques. Le premier exemple significatif de cadeau surprise en marketing remonte à la fin du XIXe siècle, avec la célèbre marque de boisson gazeuse Coca-Cola. En 1887, la société distribue des bons pour des échantillons gratuits de Coca-Cola. Les chanceux·euses pouvaient alors échanger ces bons dans les pharmacies pour obtenir une boisson gratuite.
En France, c’est dès 1886, au Bon Marché, que le fondateur Aristide Boucicaut lançait le concept de « cadeau surprise » pour les plus fidèles clientes de son grand magasin parisien. Cette stratégie visait à fidéliser la clientèle en offrant un objet inattendu et plaisant lors de leurs achats. Cette innovation a rencontré un grand succès et a contribué à populariser les pratiques de marketing promotionnel dans le commerce de détail en France. Parmi les campagnes les plus marquantes, on peut aussi citer, dans les années 1960, le groupe américain Procter and Gamble, qui s’est rapidement fait connaître grâce à son coup marketing : la présence d’un cadeau dans son baril de lessive en poudre. La « lessive aux 500 cadeaux » est devenue une marque patrimoniale et tout le monde se souvient des petites figurines colorées à collectionner.
En fin de compte, les cadeaux surprises, c’est un peu comme les personnages secondaires dans les films : parfois ils volent la vedette, parfois ils passent inaperçus, mais ils ajoutent toujours un peu de piment à votre expérience d’achat.
HARENG, ŒUF ET FUSIL : CACHEZ CETTE SURPRISE QUE JE NE SAURAIS VOIR
On a fait la part belle aux cadeaux matériels, mais il serait dommage de passer à côté de ces petites surprises du quotidien, ces fèves dans la galette qui nous font nous sentir unique lorsqu‘on les découvre. Car certaines surprises nous attendent sagement, cachées au second plan d’un film ou entre deux lignes d’un livre. Mais quels sont les procédés narratifs qui misent sur nos yeux perçants pour découvrir ces références cachées ?
1 – BERCER POUR BERNER
Commençons par noyer le poisson. Souvent présent dans les films et romans policiers, le hareng rouge est un procédé narratif qui consiste à raconter des détails inutiles à l’intrigue. Quel intérêt alors ? Le hareng rouge est là seulement pour détourner l’attention du public et en général, le tromper sur l’identité de l'assassin et donc du dénouement de l’histoire. Malin, le hareng. Mention spéciale pour les grands classiques comme le plot twist inattendu de Shutter Island. D’ailleurs, si on se demande pourquoi mentionner un poisson dans une technique littéraire, c’est que le hareng rouge (le vrai, cette fois) est utilisé pour détourner l’odorat des chiens pendant les chasses.
2 – CACHER POUR RÉVÉLER
Après le poisson, viennent les œufs, et en particulier ceux de Pâques, les Easter eggs. Au cinéma, ce sont des indices ou références cachées dans les décors, les costumes, qu’ils soient visuels ou sonores. Les fans de Pixar par exemple savent très bien que chaque film est truffé de références ultra-cachées aux précédents. Et ce n’est pas par coquetterie qu’on utilise l’anglais pour définir ce procédé. L’histoire raconte que dans les années 1970, sur un plateau de tournage, des acteur·rices ont voulu faire une chasse aux œufs de Pâques. Comme ils n’avaient pas tous été trouvés, certains œufs se retrouvaient à l’écran. Malin. C’est aussi une analogie reprise par le monde des jeux vidéo. À la même époque, pour lutter contre la main mise des grandes franchises qui ne les créditaient pas, les développeurs inscrivaient leur propre signature dans certaines fonctions de leur programme. Les fans des jeux devaient alors passer beaucoup de temps pour dévoiler chaque partie du jeu, jusqu’à trouver, parfois, le nom du créateur du jeu, complètement dissimulé dans le décor.
3 – REMBOBINER POUR DÉNOUER
Si Anton Tchekhov a compris quelque chose dans la vie, c’est que le diable aussi, se cache dans les détails. Il en a même fait un grand principe d’écriture appelé en toute simplicité le fusil de Tchekhov.
« Si dans le premier acte, vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec ce fusil au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là. » Autrement dit, si un détail est souligné, c’est qu’il annonce la surprise sans qu’on le sache. Un public non averti ne comprendra alors l’importance de ce détail qu’une fois le dénouement arrivé. Mais là se cache l’art de la surprise, il faut qu’elle advienne pour qu’on la comprenne. Malin, Anton.
Ne cherchez pas, aucun œuf de Pâques n’a été caché dans cet article. Mais peut-être que c’est le cas dans le reste du numéro. Alors dupe ou pas dupe ?
CADEAU EMPOISONNÉ
Emballée soigneusement ou rapidement dans le bout de papier qu’il reste de votre dernier Noël, accompagnée d’une carte douteuse et plus ou moins bien écrite, ou encore objet de subtils mécanismes, la surprise n’est pas toujours réussie. Elle peut même être diaboliquement pensée pour nous berner.
Qui ne s’est jamais retrouvé·e à feindre l’étonnement ou, pire encore, sincèrement offusqué·e devant la surprise ? Ces cadeaux empoisonnés ne manquent d’ailleurs pas dans les références populaires, exploités pour leur ressort comique, tragique, voire cringe L’effet de ces objets de malice repose sur le désir, très humain et égoïste, de se faire offrir des cadeaux.
Petite sélection des meilleurs du pire des cadeaux empoisonnés, pour relativiser ces cadeaux dont vous vous seriez bien passé (oui mamie, on parle aussi de ces gants de toilette avec initiales brodées).
LeMogwaÏ.-LesGremlins -JoeDante,1984
Lesessuie-glacesetlunettesdeWCjetables.FriendsS.02ep.09,1995
LechevaldeTroie-Histoire deladestructiondeTroie, imprimésurvélin,1498
DATAS
C’est une avalanche de données et bientôt nous serons sous l’eau. Pourtant, des bouées existent et il faut savoir s’y cramponner.
Tant bien que mal, Kiblind tente de sauver sa peau grâce au data-design, ce savant mélange d’informations en masse et de graphisme de haute voltige. Dans ce numéro spécial Surprise, nous vous proposons une déclinaison de cinq formats data-design rapportant toutes sortes d’excentricités et de faits insolites, juste pour le plaisir des yeux.
Destiny Road
Souvent, il faut faire des choix. Mais il faut l’avouer, on ne sait jamais vraiment si le chemin que l’on prend est le bon. Pour filer la métaphore – et parce que celle de la boîte de chocolats contenant le fameux Mon Chéri que personne n’aime, on connaît –on a fait un parcours à conséquences multiples, dont vous serez l’unique responsable. Alors, vous vous en sortez comment dans le jeu de la vie ?
À partir de la case « START » suivez les flêches en fonction de vos choix. Si la flêche est accompagnée d’un numéro, rendez-vous directement à la cas correspondante. Si la case contient deux flêches, eh oui, il faut à nouveau choisir.
PRENDRE LE VÉLO
Prendre le raccourci. Il paraît qu'en traversant le pont de Pierre - qui est un peu dangereux - on gagne bien 37 minutes. 04
START
Misère ! La fête à ne pas louper est à l’autre bout de la ville, et aujourd’hui c’est férié. Pas de bus mais une FOMO bien développée, tu ne renonceras pas si facilement. Comme tu es démuni·e de permis de conduire, deux choix s’offrent à toi :
Suivre la piste cyclable. C’est la balade pépère, sans danger mais c’est long. Une fois arrivé·e il n’y aura plus de petits fours, c’est certain. 35
Tu tends le pouce avec l'assurance d'un·e professionnel·le de l'incruste. Ta veste à sequins hypnotise, deux voitures s'arrêtent. 03
Tu oublies d'aller à ta soirée et passes une nuit exceptionnelle avec ton nouvel ami.
Le pont est là, et Pierre aussi. Il tient une carabine à la main et a l'air, en effet, un peu dangereux …
Tu prends tes jambes à ton cou et tant pis pour les petits fours, tu retrouves la voie principale. 05
Tu proposes un pierre-feuille-ciseaux. Tu fais la pierre, Pierre rigole, personne n'avait jamais osé. Tu restes boire un coup de gnôle. Il a des petits fours. 09
Une femme te propose un tour dans sa camionnette. Ça sera spacieux, tu acceptes.
Un homme à moustache et veste de cuir s'arrête.
Tiens, il ressemble à Gérard Jugnot.
C'est un camion à pizzas, elle te propose de l'accompagner faire sa tournée contre des calzones gratuites. 16
35
Après 15 minutes de route, tu crèves ton pneu.
Sans attache pour ce biclou, tu l'abandonnes dans le caniveau et te mets au stop.
Incroyable, il se rend à la même adresse que toi, une aubaine comme on en fait plus.
Contrôle de police au rond-point. Apparemment, le pilote est aussi le dealer de la soirée.
Tu croises un animal blessé.
Tu culpabilises, tu pleures, tu vois flou et tu tombes.
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Sadique ou terre à terre, tu lui roules dessus pour l’achever. 36
Pas le temps de niaiser tu l’envoies en BeReal à tes potes et tu traces ton chemin.
Carton plein, elle n’a jamais autant vendu de pizzas. Tu arrêtes ta formation d’ambulancier·e pour accepter le CDD qu’elle t’offre. La veste à sequins devient votre uniforme.
Bienvenue chez Pizza Yolo.
Un inconnu en trottinette électrique, sadique ou terre à terre, te roule dessus pour t’achever.
25
Tu ne culpabilise pas, tu rigoles même.
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Tu calques tes cours de premiers secours sur ce rongeur à l’oeil apeuré. Tu balances "Staying Alive" depuis ton téléphone et tu parviens à le remettre sur pattes grace à un massage cardiaque rythmé.
Il s'avère que c'était le lapin disparu de ta pote. Elle le reconnait et te désinvite de la soirée.
Tu rentres et supprimes tous les réseaux sociaux. De "fame" à "shame", il n'y a qu'un post. Tu deviens une meilleure personne.
Tu ne sais pas tomber. Tu as la jambe cassée.
Tu expliques être un·e simple auto stoppeur·euse qui n'a rien a voir avec ces mauvaises décisions. Pendant votre déclaration, le dernier tube de Beyoncé se met à retentir. Une folle envie de chanter t'envahit.
Tu y cèdes : surprise le chef de brigade est lui aussi un fan ! Il t'a à la bonne. Il t'escorte à la soirée à toute berzingue, gyrophares allumés, grillant tous les feux rouges. Un vrai rodéo !
Tu perds l’équilibre et tu tombes un peu plus loin.
Tu sais tomber. Contre toutes attentes, les cours d'accro-gym du collège s'avèrent utiles. Tu fais deux roulades et retombes sans encombres sur tes pieds.
Ton ex que tu as ghosté·e il y a deux ans te reconnait Comme dans un film, iel t'attend à la soirée lorsque tu arrives.
Tu retiens tes vocalises, le policier vous arrête tous les deux. La nuit se termine en garde à vue. Entouré·e d'indivus louches, hanté·e par l'air pop de Queen B.
37
Tu as fait sensation avec ton mouvement, un inconnu a filmé en direct ta performance sur TikTok. Des curieux·ses à proximité affluent déjà le long de la piste cyclable pour te rencontrer.
Elle s'emporte, ces intolérances alimentaires sont en train de faire couler son business. Elle change de route.
Tu lui devais encore 200 euros. Iel les réclame. Tu les rends sous la pression médiatique.
Tu la réconfortes et lui proposes de venir à la soirée. Elle accepte car elle est aussi DJ. La fête est une grande réussite.
Sans le sou, tu te rabats vers le buffet. Il n'y a plus de petits fours.
Tu paniques et commences à crier. Elle décide de te bâillonner avec une pâte à pizza. Tu fais une réaction allergique et te réveilles sur la bas coté de la route le lendemain.
Tu repères des chocolats. Tu en prends un. C'est un Mon Chéri. Tu rentres chez toi.
Un voyage à travers les excenctricités et les absurdités de l'Histoire humaine.
Il n’y a pas de panneau « stop » à Paris, le dernier a été volé en 2013. À Paris, toutes les intersections doivent donc respectersimplement la priorité à droite.
L’Américain Jacob Chandler a trouvé les 26 le res dans une boîte de soupe Alphabet et est parvenu à les classer dans l’ordre alphabétique en l’espace de 2 minutes et 8 secondes. Chandler avoue que l’aspect le plus difficile de ce défi était de distinguer la le re M de la le re W.
Le ketchup était utilisé comme médicament dans les années 1830, il a été déclaré que les tomates étaient efficaces contre la jaunisse, les problèmes de transit ou encore contre l’indigestion. La rece e « miraculeuse » du ketchup à la tomate a donc été créée.
La tronçonneuse a été inventée pour faciliter le travail
Àl’origine, latronçonneuse prenait laforme d’une simple série de chaînons à dents.Elle était alors utilisée pour sectionner du pubis pour agrandir le diamètre du bassin et ainsi faciliter lors de l’accouchement.
Laplusgrosseboulediscodumondemesure10,33mètres dediamètreavec2500face es.Ellefututilisée auBestivalauRoyaume-Unietungrouped’ingénieur·euses adûunirsesforcespourlahisserau-dessus duparcàl’aidedecâbles.
travail des médecins accoucheurs. simple scie à chaîne munie d’une sectionner la jointure des os faciliter le passage du bébé
Legénériquedujournaltéléviséde20heures de TF1 esttirédelabandeorig inaledufilmLesDents de la mer.
Unepartieaétéréarrangéeavecdifférents effets et elle a été ralentie, cequilarendmoins reconnaissable.
Incroyable mais vrai, lorsqu'on embrasse une personne, ses germes restent dans notre bouche pendant 4 ans...
Les cro espréhistoriquessecollectionnent. L’AméricainGeorgeFrandsendétient d’ailleursofficiellement la plusgrandecollectiondugenre aumonde avec 1 277 spécimens , quelesspécialistes nomment coprolithes.
Depuis la loi anti-gaspillage du 1er janvier 2022, la France interdit l’élimination des invendus non alimentaires. Alors des entreprises comme Destock Colis ont senti le filon et rachètent ces colis abandonnés à des logisticien·nes pour les revendre au kilo dans des supermarchés ou sur internet. Zoom sur le grand loto des colis abandonnés.
Pour300€d’achat, uneVitrollaise se retrouve avecdesdizainesdegodmichés transparentssous lebras!Ellequirêvaitd’une PlayStation5,c’estraté...
Si vous pensez un iPhone, c’est possible peu probable… Apple moins d’argent en demandant rapatriement de son qu’en le rendant logisticien.
trouver possible mais Apple perd demandant le son produit rendant à son logisticien.
MYSTERY BOX LAND
B I NGO COL I S
En achetant un colis de 5kg à 47,50€ sur un site douteux, Magali reçoit des ciseaux pour enfant, du produit vaiselle périmé et des croque es pour chat... Ça respire l’arnaque à plein nez! Et oui, le business a ire parfois des gens mal intentionnés!
Australie 29 ans
b Discipline F Patinage de vitesse
b Spécificité F Annoncé perdant
b Cause de la victoire F La chute de tous les autres participants
b « Faire une Bradbury » : expression pour parler d’une réussite inattendue
→ Steven Bradbury
Chères spectatrices, chers spectateurs, nous avons aujourd’hui
à une course d’AN-THO-LO-GIE !
Suède 72 ans
b Discipline F Tir sportif
b Spécificité F Il porte un sonotone
b Plus vieux sportif de l’histoire des Jeux olympiques avec ses 72 ans et 281 jours
→ Oscar Swahn
États-Unis 5 ans
b Discipline F surf (canin)
b Spécificité F caniche de 5 ans (35 en années de chien)
b Champion du monde de l'édition 2023
→ Derby
Effectivement Anne-Capucine, iels ont créé la surprise
Royaume-Uni 30 ans
b Discipline F Tennis
b Spécificité F Est une femme b Première femme à remporter une médaille d’or aux Jeux olympiques de 1900
→ Charlotte Reinagle Cooper
États-Unis 34 ans
b Discipline F Tennis de table, football américain, course à pied
b Spécificité F Imbattable
b À parcouru les États-Unis en courant pendant :
3 ans, 2 mois, 14 jours et 16 heures
25 000 km au total
b La légende raconte qu'il serait encore en train de courir
→ Forrest Gump
Anne-Capucine, aucun·e de ces champion·nes ne partait favori·te, mais surprise en réussissant là où on ne les attendait pas ! C’est du jamais vu !
Israël 15 ans
b Discipline F La bagarre
b Spécificité F Mesure 1,60 m et pèse 50 kg
b À botté les fesses du géant Goliath avec une fronde
→ David
France 356 ans
b Discipline F La course
b Spécificité F Court à une vitesse de : 1 km/h
b Rien ne sert de courir, mieux vaut partir à point
→ La tortue de La Fontaine
Japon
b Discipline F équitation
28 ans
b Spécificité F Moine tibétain au crâne rasé
b Médaillé d’or à ses heures perdues
→ Kenki Sato
Royaume-Uni 43 ans
b Discipline F équitation
b Spécificité F est la petite fille de la reine Elisabeth II
b Avec une médaille d’or, pas besoin de prince charmant sur son cheval blanc
→ Zara Phillips
nous remémore les fameuses ghost tracks. Ces morceauxbonus,cachés Quand on pense surprise et musique, unedoucenostalgiedesannées90 parmi les pistes d’un CD, d’un vinyle ou d’une cassette, étaient une récompense inespérée pour les mélomanes les plus fidèles. Qu’il s’agisse d’erreurs, depistes espiègles, de messages cachés, ou d’un désir de contourner les conventions commerciales, les ghost tracks ont toujours ravi les fans.
Aujourd’hui, Kiblind vous propose de partir à la recherche de certaines d’entre ellesgrâce aux Spotify codes glissés dans cette page.
(Munissez-vous de l’application et cliquez sur l’appareil photo pour les trouver !)
Saison 2024 2025
LIZA MACHOVER MOIS KRÉYOL FESTIVAL FRAGMENTS #12 ÉMILIE ROUSSET & LOUISE HÉMON
LUDMILLA DABO COLLECTIF MIND THE GAP FESTIVAL IMPATIENCE REBECCA CHAILLON
DELPHINE THÉODORE MARGAUX ESKENAZI & ESTELLE MEYER ALICE SARFATI GUILLERMO PISANI
PROPOS RECUEILLIS PAR MAXIME GUEUGNEAU &
INTERVIEW CROISÉE Détours et contours
Détours contours
Cette rubrique est l’occasion de papoter un brin, entre gens bien. En convoquant plusieurs invité·es de marque pour échanger sur l’une des facettes du thème du magazine, nous faisons le choix de provoquer le rebond, de dénicher les complémentarités et de mettre en avant les différences. À partir du tronc commun qui les relie, nos intervenant·es font naître par la conversation des branches aux destinations diverses et toujours inspirantes. Attendez-vous à l’inattendu.
La vie n’est pas une ronfleuse. Toujours à l’affût, elle s’ingénie à nous étonner, à bifurquer, à prendre des virages au frein à main. Ainsi les illustratrices Maya Naruse et Agnès Hostache ont-elles fait crisser les pneus en abandonnant des carrières toutes tracées pour devenir illustratrices. Auparavant designer et architecte d’intérieur, elles ont tout plaqué pour dessiner. On les a fait discuter sur les éléments et déclics qui font de la vie une éternelle surprise.
KIBLIND Salut à vous deux ! Pour commencer, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
MAYA NARUSE Moi, j’ai fait des études de design industriel et j’ai commencé à travailler en agence. C’est suite aux expériences en agence que je me suis dit que je m’éloignais un petit peu de ma passion de base qui m’avait dirigée vers le design : le dessin.
Quand je me suis lancée en indépendant, j’ai voulu maintenir ce lien avec le dessin, le fait-main aussi. Et j’ai donc essayé de développer ce côté sensible, artistique que j’avais perdu dans le design industriel.
AGNÈS HOSTACHE Moi, j’ai fait une école d’arts appliqués. J’ai hésité avec Émile Cohl, dans laquelle j’avais été prise. Finalement, je n’y suis pas allée parce que ça me paraissait trop académique. Et aussi parce que je trouvais ça hors de prix et je ne voulais pas faire peser ça sur mes parents. Mais je n’ai pas regretté parce que j’étais en coloc avec quelqu’un qui faisait Émile Cohl et j’ai préféré mes études aux siennes qui étaient plus expérimentales. Je me disais : j'ai bien fait de ne pas faire ça.
Comme j’étais orientée plutôt communication visuelle, je suis entrée dans une agence de pub en tant que DA junior. Et ça me plaisait parce qu’on rigolait bien mais ce n’était pas très nourrissant intellectuellement. J’y ai quand même passé sept ans. Sept ans passés à mourir d’envie chaque fois que je commandais une illustration à un·e freelance.
Passés aussi à être entourée de gens qui me disaient que mon truc, c’était vraiment de dessiner. À un moment, je leur ai dit qu’il fallait que je parte parce que je voulais dessiner. Là, j’avais l’impression de ne plus dessiner que des voitures et des paquets de lessive. J’avais un petit handicap, c’est que je ne savais pas trop dessiner les perspectives, c’est peut-être pour ça que j’ai décidé de faire de l’archi ensuite.
Je me suis mise à mon compte. C’était une époque où la photo avait pris l’ascendant sur l’illustration. Et moi, je n’étais pas très sérieuse à mon compte. J’avais une copine qui avait un magasin de brocante et j’allais beaucoup l’aider. Au bout d’un moment, je me suis dit qu’il fallait que je trouve un « vrai métier », et j’ai repris mes études.
Peut-être pour combler mes lacunes en perspective mais surtout pour avoir des projets où l’on empile les connaissances, où l’expérience est un atout, je me suis orientée en architecture. Pas architecte DPLG mais architecte d'intérieur.
Donc j’ai repris une formation en école d’arts appliqués dans ce qu’on appelle maintenant le design d’espace.
KIBLIND Ces premières expériences, qu’est-ce qu’elles vous ont apporté ?
AGNÈS HOSTACHE En agence de pub, j’ai appris la notion de « concept », j’ai appris à travailler hyper vite, j’ai appris à synthétiser mes idées, à communiquer par l’image, à travailler avec d’autres gens. C’était très formateur. Ce n’était pas que rigolo. On se posait beaucoup de questions pour être les plus pertinent·es possible. En archi, ça a été très structurant. Il fallait être très organisée et logique. J’ai beaucoup aimé travailler sur des projets très longs.
KIBLIND Le fait d’être du côté du client aussi t’a peut-être permis de comprendre les rouages ?
AGNÈS HOSTACHE Oui, oui, je pense que ça m’a beaucoup aidée. J’étais entourée de chef·fes de fabrication et de toute la chaîne d’impression et j’ai approché les bonnes méthodes pour gérer tout ça.
KIBLIND Maya, on a vu que tu avais commencé dans le design toi. L’UX/UI ?
MAYA NARUSE J’ai commencé dans le design d’interaction. À l’époque, on parlait pas encore d’UX/UI mais ça s’apparentait un peu à ça. Effectivement, l’expérience que ça m’a apportée, c’est de travailler aussi avec de gros groupes. C’était une petite agence mais on bossait avec Orange, Eiffage, Mantronics, etc. C’est vrai que cette première expérience professionnelle m’a beaucoup plu. Je trouvais que ça bougeait bien, on apprenait beaucoup de choses ↓
en travaillant. C’était un domaine qui, à l’époque, était un peu nouveau. Donc, il y avait aussi des idées, c’était innovant, on expérimentait des choses, on faisait un peu de prospective, c’était chouette.
Ensuite, j’ai aussi travaillé en architecture. J’ai appris le système dans lequel on travaille dans ce domaine : avec des ingénieur·es, avec des maître·sses d’ouvrage, des promoteur·ices, des paysagistes, des botanistes, ce qui a peut-être un lien avec la suite de mon parcours.
C’est en travaillant dans l’architecture que j’ai été sensibilisée au développement durable et donc à l’écologie. C’est quelque chose qui m’a beaucoup parlé et qui reviendra par la suite.
KIBLIND Est-ce que, au moment de ces premières expériences professionnelles, le dessin est encore présent ?
AGNÈS HOSTACHE Moi je dessinais tout le temps en fait. Mais je faisais des crayonnés pour commander une photo ou une illustration ou un rough même. C’était très rapide comme crayonné mais il le fallait dans un premier temps pour montrer aux commerciaux·ales les idées qu’on avait et comment on allait les mettre en forme. C’était mon métier en fait, mais je dessinais pour d’autres, je ne dessinais pas pour moi.
MAYA NARUSE Un peu pareil, j’étais pas mal amenée à utiliser le dessin pour faire des storyboards mais c’était du dessin rapide. En revanche, j’ai vu l’émergence de la 3D dans le dessin d’architecte et la supplantation du dessin par d’autres techniques numériques dans les métiers du design. J’ai commencé à travailler en 2008 et à partir de cette période, ça a commencé à prendre le dessus. Le dessin s’est complètement perdu, en tout cas du côté client. Côté créa, c’est quelque chose qui existait encore pas mal et on communiquait au travers du dessin. Mais côté client, l’attente
c’était d’avoir du visuel qui fasse photographique, qui fasse réel. Aujourd’hui, on verrait les 3D de l’époque, on rigolerait, mais bon.
KIBLIND Et à côté, vous faisiez des dessins pour vous, sur votre temps libre ou vous rentriez regarder la télé comme tout le monde ?
AGNÈS HOSTACHE J’ai le souvenir d’avoir toujours continué de dessiner, mais pas tant que ça. Je me souviens que quand je me suis mise à mon compte, j’avais l’impression de ne plus rien avoir à dire. D’être asséchée. De ne pas avoir cultivé mon propos à moi et mon univers. Mais je dessinais. J’ai même des souvenirs de dessins que mon fils gribouillait. En archi, je m’occupais de toutes les parutions graphiques de l’agence.
MAYA NARUSE Moi je ne me souviens plus trop mais je pense que j’ai vraiment repris en me mettant à mon compte. Avant ça, quand j’étais en agence, c’était juste pour l’usage professionnel. Le dessin pour le plaisir était un peu parti. En plus, à l’époque, j’avais mon groupe de musique et c’était plus important que le dessin.
AGNÈS HOSTACHE Tu faisais de la musique ?
MAYA NARUSE Oui, oui, mais j’ai arrêté. C’était du punk-noise [le groupe s’appelait Deaf, pour info, ndlr].
KIBLIND Si cette pratique avait un peu disparu, qu’est-ce qui a provoqué le déclic de vous dire « allez, je fais ça pour vivre » ?
MAYA NARUSE J’ai fait un burn-out À l’époque, on n’en parlait pas donc on n’appelait pas ça comme ça. J’ai décidé d’arrêter de travailler en agence et de me lancer à mon compte. Mais c’est aussi le moment où j’ai plus pris le temps et où je me suis posée la question de ce qui pouvait encore me faire vibrer. On s’est mis à voyager, on est ↓
retournés dans la nature, à la montagne. Et le rituel, quand on est créa, c’est de dessiner quand on part en voyage. Je pense que c’est revenu avec ça. Avec le constat que je n’y arrivais pas. Je n’arrivais pas à transmettre ce que je voulais en dessin. Et c’était un peu frustrant. Donc je me suis dit qu’il fallait m’y remettre plus sérieusement.
AGNÈS HOSTACHE Du coup, toute seule ?
MAYA NARUSE Toute seule, oui. Alors, il y avait peut-être eu un autre truc que j’ai oublié. Quand je travaillais, en parallèle j’avais un collectif qu’on avait monté quand j’étais étudiante. On montait des expositions et on faisait un petit bulletin mensuel sur le principe du cadavre exquis. On se challengeait chaque mois pour sortir quelque chose. C’était pas forcément du dessin, ça pouvait être autre chose, du texte, de la photographie, des techniques numériques mais ça m’apportait un peu ce côté de liberté créative.
KIBLIND De là à faire le grand saut ?
MAYA NARUSE J’avais vu en agence que les clients demandaient de la 3D, du numérique, et c’était frustrant. Donc, je me suis intéressée à ce qui était fait-main, les techniques artisanales : la linogravure, la typographie, etc. Avec cette émergence de la 3D et du numérique, je me disais qu’on s’éloignait de ce qui faisait le propre de l’illustration : la sensibilité, la transmission des émotions, être aussi dans quelque chose de plus mystérieux, jouer sur les non-dits. J’avais envie de m’orienter vers le fait-main. Mais bien sûr, quand j’ai commencé, je ne proposais pas uniquement ça parce que ce n’était pas forcément ce qui était attendu.
KIBLIND Et toi, Agnès, qu’est-ce qui t’a fait quitter cette agence de pub, la première fois ?
AGNÈS HOSTACHE En fait, moi aussi j’ai oublié que j’avais monté un collectif [rires, ndlr].
Nous, notre truc, c’était de monter des expos dans des lieux atypiques. Bref. Quand j’ai quitté l’agence de pub, c’était parce que je voulais dessiner plus. Donc je me suis mise à mon compte mais j’étais pas très sérieuse, donc je l’ai mal fait, donc je gagnais mal ma vie, donc je me suis dit qu’il fallait que je trouve un « vrai métier » pour mieux gagner ma vie. Donc, je suis allée en archi.
Pendant que j’étais en agence d’archi, j’ai eu un gros souci personnel. Et ma première réaction a été de me dire : « génial, je vais avoir plein de temps pour dessiner ». Je me suis dit que c’était grave...
J’ai repris les carnets à ce moment-là et je me suis mise à dessiner tout le temps, tout le temps, tout le temps. C’était vraiment ma manière à moi de compenser mes problèmes. Des problèmes qui m’ont éloignée de l’emploi pendant environ un an. Une fois passé ça, j’ai tout tenté pour revenir dans l’agence d’archi, parce que j’adorais mon métier. Mais il se trouve que je n’avais plus ma place, ce qui est un grand classique apparemment.
Sur les conseils d’une amie, je suis allée voire une kinésiothérapeute, qui est quelqu’un qui interroge ton corps. Mon amie me disait : « je sais que tu n’es pas trop là-dedans, mais fais-moi confiance ». Je lui fais toujours confiance, donc j’y suis allée, mais sans trop y croire. Cette dame m’a dit que j’avais une addiction. Et moi je l’ai regardée un peu de haut en lui disant que c’était n’importe quoi. Et elle me dit que c’est pas une addiction comme on l’entend d’habitude, mais c’est quelque chose qui vous empêche à chaque fois d’avancer, c’est une chose à laquelle vous pensez tout le temps. Et là, ça s’est éclairci. À chaque fois que je pouvais évoluer dans une espèce de carrière comme on l’entendait à l’époque, je fermais la porte et je repartais de zéro pour pouvoir continuer à dessiner. Il fallait que j’entende ça. ↓
Et puisque je n’avais plus ma place à l’agence d’archi, je me suis mise à mon compte en me disant que j’allais continuer les missions d’archi et dessiner en même temps, pour voir ce qui allait prendre le pas. Et c’est allé hyper vite, en cinq-six mois j’avais mon contrat au Lézard noir [pour sa première BD Nagasaki, parue en 2019, ndlr].
KIBLIND Tu es devenue illustratrice mais tu es aussi devenue autrice de BD, ce qui ne va pas forcément de soi ?
AGNÈS HOSTACHE
Oui, mais moi j’avais vraiment envie de raconter des histoires. Avant, je ne me l’autorisais pas. Au départ, je m’étais plutôt fait un book d’illustratrice. Je l’avais envoyé à différent·es agent·es. Puis, je suis alléemontée à Paris le présenter à Michel Lagarde [éditeur et agent d’illustrateur·rices, fondateur d’Illustrissimo, Agent 002 et Lezilus, ndlr]. Il m’a reçue, il a regardé mon travail, il l’a trouvé super bien et il m'a dit « je ne vous prends pas parce qu’il faut que vous fassiez des livres, il ne faut pas que vous fassiez de la pub ». Ça m'a donné une espèce de légitimité à me tourner vers l’édition.
J’avais des ami·es qui étaient auteur·rices, qui ne faisaient que ça et qui gagnaient très mal leur vie. J’avais des enfants et je me disais que ça allait être compliqué. Mais grâce à ce que m’a dit Michel Lagarde, j’ai osé.
J’avais aussi rencontré Laurent Zorzin de Arts Factory qui m’avait proposé une exposition mais j’estimais que ce que j’avais à l’époque, je ne pouvais pas le montrer. Et puis, j’avais vu Carl Huguenin de chez Artazart qui m’a suivie depuis tout ce temps.
KIBLIND Et toi, Maya, comment est-ce que tu vis ça ? Tu n’es pas toute seule, déjà, donc c’est différent. Est-ce qu’il y a de la peur, du soulagement ?
« J’étais un peu éco-anxieuse et très sensible aux questions de l’écologie et de la biodiversité, et le fait de rencontrer des agriculteur·rices qui sont engagé·es et investi·es, ça m’a beaucoup parlé et c’est comme ça que je me suis lancée ».
Maya NaruseMAYA NARUSE Je me sens libérée par rapport à mes expériences d’agence. Quand on lance l’atelier Goo ltd, on est trois [dont son compagnon Raphaël Leboucher, ndlr] et on n'était pas spécialisés en illustration. On était un collectif de créatifs et on proposait différentes choses. Avec cette particularité, qu'on a un peu plus développée par la suite, autour du dessin et du fait-main. Raphaël était sur la partie plus éditoriale du faitmain, et moi sur la partie plus illustration. La difficulté qu’on a eu, c’est qu’on avait une approche de designers/graphistes et on cherchait plutôt des clients. On proposait de l’illustration dans notre travail mais on ne s’assumait pas en tant qu’illustrateur·rices. C’est quand on a lancé le projet « Goo loves Japan » qu’on a eu envie de se faire plaisir avec l’illustration. On a dû tenir un certain rythme pour en faire une série et ce projet a créé plein de synergies, de rencontres avec d’autres personnes, des événements – qui se sont un peu taris avec le Covid. C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’aimerais faire de l’illustration. La difficulté, c’était aussi de se positionner en tant que collectif auprès d’agents. L’illustration c’est une pâte, c’est un style, donc c’était plus compliqué de se positionner par rapport à ça. ↓
→ Illustration extraite de la prochaine BD d'Agnès Hostache, Dina
→ Goo loves JapanÀ l'envers du Japon
→ → Illustration extraite de Désordres d'Agnès Hostache et Maxime Gueugneau, en paraître en octobre aux éditions Matita
→ Maya NaruseIllustration du reportage , GAEC de la Tournerie, Hors-série n°2 La Main à la Pâte du Journal l'Âge de Faire
→ → Illustration extraite de Désordres d'Agnès Hostache et Maxime Gueugneau, en paraître en octobre aux éditions Matita
→ Goo loves JapanSanctuaire d'Asakusa
Vous avez fait le grand saut aussi financièrement en passant d’emplois salariés à illustratrices. Est-ce que vous vous étiez fixé des limites de temps, des objectifs particuliers pour cette reconversion ?
AGNÈS HOSTACHE Moi, comme j’ai été licenciée économique, j’ai eu droit à deux ans de chômage. Ma conseillère de Pôle Emploi c’est assez rare pour le souligner - m’a dit « je vous interdit de gagner votre vie pendant un an, vous ne faites que dessiner et on verra après ». C’était aussi un beau feu vert. J’avais donc un peu de temps devant moi et je me posais pas trop la question du moyen terme car quand on a décidé de changer, il y a comme un mur devant soi, on ne sait pas ce qu’il y a derrière, mais si on prévoit tout, on ne le fait pas. On a besoin d’une forme d’insouciance et il faut accepter de ne pas pouvoir tout contrôler quand on fait ça. J’ai changé plusieurs fois de métier, et à chaque fois, je ne me posais pas trop la question de m’inscrire dans le temps. Il y avait une sorte d’urgence à faire un truc qui était plus important que le reste.
Toi, c’est pareil Maya, j’imagine que les gens comme nous n’ont pas toujours des parcours très linéaires et c’est ce qui fait nos particularités à chacun·e. J’aime bien l’idée d’être traversée par différentes disciplines et les choses qui doivent se faire se font.
KIBLIND Au quotidien, qu’est-ce que ça change d’être seule chez soi d’un coup devant sa table de travail ?
AGNÈS HOSTACHE Moi, je suis passée par des grandes agences où on était très nombreux·ses à de tout petits studios d’archi où on était deux ou trois. Mon truc, c’est que je voulais être à mon compte et en archi, je savais que c’était hyper compliqué en termes d’assurance, de responsabilités, etc. Je ne voulais avoir de comptes à rendre à personne. Je suis assez solitaire.
L’autre chose qui me motivait, c’est de pouvoir travailler à la main. J’avais l’impression qu’en travaillant en agence, il n’y avait plus trop de place accordée au faitmain car il y a des réflexions de rentabilité qui nous en empêchent.
MAYA NARUSE Moi, personnellement, ça m’a manqué un peu, pas forcément le côté agence mais le fait d’être remise en question, d’avoir des regards extérieurs, critiques parce que nous, dans notre collectif, forcément, on trouvait que ce qu’on faisait était sympa mais est-ce qu’on arrivait à le vendre tel quel ? Je pense que je manquais de regards critiques par rapport à mon travail. Quand j’ai rencontré des agent·es, iels me disaient que je faisais trop de choses différentes et qu’il fallait choisir un style pour qu’on sache ce que je pouvais proposer.
Pour la question économique : bon, on n’est pas forcément plus riche en étant agriculteur·rice, mais un des éléments qui m’a amenée à une réflexion en termes de reconversion, c’était aussi cette notion de
« J’ai repris les carnets à ce moment-là et je me suis mise à dessiner tout le temps, tout le temps, tout le temps. C’était vraiment ma manière à moi de compenser mes problèmes ».
Agnès Hostache
précarité dans le sens où on ne sait pas de quoi le lendemain est fait. Moi, je sais que j’ai un gros défaut en matière de démarchage, de communication pour vendre mon travail, etc. Autant dessiner toute seule dans un coin, ça me va bien, mais ensuite, en faire quelque chose, c’est là où j’ai eu le plus de difficultés, ce qui m’a amenée à faire d’autres activités en parallèle. Et puis finalement, cette précarité, le fait de devoir jongler entre plusieurs boulots en ne m’épanouissant nulle part, m’a décidée à basculer complètement.
AGNÈS HOSTACHE Ça fait combien de temps que tu travailles en agriculture ?
MAYA NARUSE Là, je suis sur ma deuxième saison. J’ai fait des formations et j’ai commencé à travailler vraiment dans les champs en 2023.
KIBLIND Autant vos autres métiers étaient connectés au visuel, autant c’est un virage à 180 degrés entre rester seule dans son atelier et être dans un champ à labourer la terre…
MAYA NARUSE Effectivement, après, je pense qu’il y avait plein de petits indices. Entre autres, je vous ai parlé de mon expérience avec des paysagistes et des botanistes, quand on travaillait sur des aménagements paysagers écologiques. Ce qui m’a réorientée vers ce métier-là, ce sont des rencontres que j’ai faites. J’ai déménagé de Lyon vers Collongesau-Mont-d’Or suite au Covid et donc plus près de la nature, et j’ai eu le plaisir de rencontrer des agriculteur·rices en vrai. C’était un moment de ma vie où je me posais la question de rester sur ce fil où je naviguais entre l’illustration et un établissement de design [Bellecour École, ndlr] où je travaillais en tant que directrice pédagogique, sachant que cette situation ne m’était pas confortable. J’ai réfléchi à ce qui me semblait important à ce moment-là de ma vie. J’étais un peu éco-anxieuse et
très sensible aux questions de l’écologie et de la bio-diversité, et le fait de rencontrer des agriculteur·rices qui sont engagé·es et investi·es, ça m’a beaucoup parlé et c’est comme ça que je me suis lancée.
KIBLIND Comment ont réagi vos proches suite à ces revirements de situation ? Est-ce que c’était inquiétant pour elleux ou est-ce qu’iels sont enthousiastes de voir que vous faites enfin ce que vous vouliez faire ?
AGNÈS HOSTACHE Moi, je suis plutôt entourée de gens qui me motivent à continuer. J’ai cette chance-là. Mon mari savait mieux que moi que c’était ça ce que je devais faire, et il est très fier. Il a fallu que j’accepte à un moment de dépendre un peu de lui et ça, ça a été un vrai frein pour moi par contre. Je ne voulais pas et il m’a convaincue en me disant « si c’était l’inverse, ça ne te poserait pas de problème ». Il y a eu un gros débat là-dessus et c’est toujours pas facile pour moi car évidemment, quand on fait le métier qu’on fait, c’est toujours avec des petits bouts de ficelle. C’est difficile à assumer tout le temps. À la problématique commune des auteur·rices vient s’ajouter celle de la condition des femmes. Mais tout le monde me soutient et me pousse à continuer, c’est plus moi qui me décourage parfois. Mais j’ai la chance d’avoir des projets au long cours, donc quand je signe pour un livre, je signe pour deux ou trois ans. Je sais que ça va être la galère financière, mais il n’y a pas de surprises, je le sais et j’ai signé pour ça. Je travaille énormément pour faire d’autres choses à côté : des rencontres, des ateliers, des candidatures de résidence, des montages de dossiers pour avoir des aides, etc. C’est un peu ma manière d’être à la hauteur des attentes qu’il pourrait y avoir autour de moi, même s’il n’y en a pas vraiment.
MAYA NARUSE Moi aussi, j’ai été toujours très soutenue par mon conjoint, par mes parents également. Quand je me suis mise à mon compte, ça n’a pas créé particulièrement ↓
de réactions. Là, le changement est assez radical donc ça a plus provoqué de réactions dans mon entourage et je me sens assez fière. Les réactions que j’ai autour de moi sont très positives. On a vu récemment avec la crise des agriculteur·rices aussi à quel point ce métier est essentiel et vital. Il transforme nos paysages, nos modes de consommation. L’environnement économique fait que c’est pas toujours celles et ceux qui sont les plus vertueux·ses qui sont les mieux positionné·es. Mais j’ai été agréablement surprise par les réactions de mon entourage. Ma mère me fait beaucoup rire, mon nouveau métier la passionne. Elle n’arrête pas de m’envoyer des conférences du collège de France sur le sujet des herbes, des plantes, de la diversité génétique des plantes, etc. Plein de sujets qui touchent à l’écologie et à la culture végétale et animale. Je suis aussi maintenant bénévole à la bergerie urbaine, j’aime bien aussi ce rapport aux animaux. C’est super chouette, je pense que je n’avais pas autant de soutien quand j’étais illustratrice.
KIBLIND Tu parles donc de l’illustration au passé ?
MAYA NARUSE Le dessin a encore une place car j’avais justement comme projet de faire un tour des fermes des Monts d’or et d’en faire un reportage illustré. J’ai rencontré une personne qui fait un podcast et qui m’a proposé qu’on fasse ce tour ensemble sur la Métropole de Lyon, lui avec son podcast et moi avec le dessin, et qu’on fasse une édition autour de ça. Donc ça n’est pas enterré mais je ne veux plus avoir de pression sur ce qu’il faut faire, ce qui marche auprès du public, etc. J’utilise un médium qui me plaît pour retranscrire une ambiance, des échanges, une émotion qui m’intéresse.
AGNÈS HOSTACHE Et sinon, ça t’arrive encore de dessiner pour toi ?
MAYA NARUSE Récemment, non.
AGNÈS HOSTACHE Tu es portée par ton nouveau métier et il te remplit.
MAYA NARUSE Oui, j’ai plein de conférences à écouter (rires).
AGNÈS HOSTACHE Et du coup, tu as gardé un statut de freelance ?
MAYA NARUSE Oui, j’ai gardé un statut de freelance, mais je suis en auto-entreprise donc je n’ai rien à déclarer.
24 – 25
Angelin Preljocaj
Dimitri Chamblas
Cécile Loyer
Amala Dianor
Mufutau Yusuf
Boglárka Börcsök & Andreas Bolm
Mickaël Phelippeau
Cécile Proust, Anne Décoret-Ahiha & Jacques Hoepffner
Alonzo King
LINES Ballet
Dalila Belaza
Golden Stage Tour
Hofesh Shechter
Dovydas Strimaitis / Lukas Karvelis
Jérôme Bel & Estelle
Zhong Mengual
Romain Brau
Machine de Cirque
Katerina Andreou
Leïla Ka
CCN – Ballet de Lorraine | Maud
Le Pladec + Marco da Silva Ferreira
Bruno Benne
Rocío Molina
Les Douze Travelos d’Hercule
Collectif Petit
Travers & Quatuor
Debussy
Nicolas Barry / Marie Gourdain
Abou Lagraa & Ballet de l’Opéra de Tunis
François Chaignaud & Aymeric Hainaux
Ballet de l’Opéra de Lyon | Merce
Cunningham +Christos
Papadopoulos
Dorothée Munyaneza & Kae Tempest
Grupo Corpo
Ramon Lima
Marlène Saldana & Jonathan Drillet
Joana Schweizer
Crystal Pite & Jonathon Young
La Bouche Cabaret
Ballet national de Marseille –(LA)HORDE
Anne Martin
Tiago Guedes
NDT 2 | Marcos Morau + Botis Seva
Ayelen Parolin
Aïcha M’Barek & Hafiz Dhaou
Compagnie MPTA –Mathurin Bolze
Galactik Ensemble
Hoghe + Schulte & Emmanuel Eggermont
Tom Grand Mourcel & Vera Gorbatcheva
Jeune Ballet du CNSMD de Lyon
+ House On Fire
Premières parties
Cabaret
Ce que l’âge apporte à la danse
Histoire(s) de la danse
Cosmologies
Festival Écrans Mixtes
Festival utoPistes
Camping CN D
IMAGIER
Les images fixes qui vont suivre sont toutes issues de très courtes boucles vidéo existantes réalisées par des artistes incroyables. Laissez-les vous surprendre par leur version animée en scannant cette petite chose située dans le coin gauche.
JocelynCharles@JOCELYNCHARLES1
Mathieu Labrecque MONSIEURMATHIEULABRECQUE.COM
Thomas Bryson-King EVERYONESFAVOURITE.NET
Une exposition proposée par la Fondation Art Explora
En partenariat avec
Ouverture les week-ends, jours fériés et pendant les vacances scolaires. Prolongez la visite avec le parc de sculptures, l’aire de jeux et la guinguette estivale. Réservation sur hangar-y.com
Monira Al Qadiri, Seismic Song, 2022REPORT
Kiblind Surprise. Répétez le thème de ce numéro 10 fois à haute voix sans vous arrêter. Sa consonance ne vous rappelle t’elle pas un délicieux souvenir ? C’est bien de lui dont nous parlons : l’œuf Kinder Surprise. Sa coque ovale mi-chocolat mi-lait aurait pu suffire à attirer les chaland·es. Pourtant, c’est la capsule jaune en plastique cachée à l’intérieur qui renferme le vrai trésor. Recherché, désiré, échangé, le précieux jouet Kinder Surprise est un objet de convoitise et de collection. Zoom sur ces objets entourés de souvenirs et sur celles et ceux qui les accumulent religieusement.
Vous avez forcément déjà croqué un de mes confrères. Je profite d’être encore en un seul morceau pour vous raconter mon histoire, ou plus précisément celle des jouets que j’ai enfanté depuis 50 ans. Fabriqués par séries, les jouets Kinder Surprise sont passés entre des millions de mains d’adultes et d’enfants depuis 1974.
LA SURPRISE KINDER
« DÉMONTABLE »
Jouet à assembler grâce à une grappe de petites pièces et autocollants.
DONALD Série:Donald et ses amis (1988)
« MONOBLOC »
Jouet déjà constitué en un seul bloc. Il peut être accompagné d'un accessoire.
FRANCESCO PIE Série:Astro comic (1999)
PEINTÀLAMAIN Jouetsaccompagnésd’unenoticedemontage appeléeBPZ(Beipackzettel) +d’unebandeprésentanttouslespersonnages delasérie.
PRÉSENCEATTENTIONCONTIENTUNJOUET.DEPETITESPIÈCES.LASURVEILLANCED’UNADULTEESTRECOMMANDÉE CertifiéparLNE MPG(MagicProductionGroup) →Luxembourg Design&productiondesjouets KinderSurprise&KinderJoy /FR /IT DE
MATÉRIAUX:Plastique/Bois/Métal KINDERSORPRESA-DATEDECRÉATION:1974 INVENTIONATTRIBUÉEÀMICHELEFERRERO DATED’ARRIVÉEENFRANCE:1976 NOMBREDESÉRIESFRANÇAISESEXISTANTES:environ140 comprenantlessériesprincipalesetlesséries souslicence.
Parmi les milliers de figurines sorties en France depuis 1976, certaines sont rattachées à des licences bien connues comme Disney et Mattel, alors que d’autres sont le fruit de l’imagination débordante d’illustrateur·rices talentueux·euses comme le français André Roche, père de la série des mythiques Happy Hippos. Pour les valoriser, les séries de jouets sont mises en scène dans des décors en trois dimensions appelés des dioramas. Pour vos beaux yeux, nous avons rassemblé ici 12 figurines Kinder Surprise cultes françaises, de la création de la marque à aujourd'hui.
1976/77
SOLDATS DE 1900
4 figurines – monoblocs – métal
→ Premiers jouets Kinder Surprise édités en France
N°1 : CAPITAINE
1992
LA BANDE DES HIPPOS 10 figurines monoblocs plastique
→ peintes à la main
N°K93 N.183 :
1989
PANTHÈRE ROSE 12 figurines démontables plastique
N°8 : AU REPOS
1987
MICKEY ET SES AMIS
8 figurines – démontables – plastique
→ Première collection de figurines démontables sous licence en France
N°8 : CLARABELLE
1997
LES FANTOMINI
10 figurines – monoblocs – plastique
→ Phosphorescentes
N°2 : PAPA FANTO & FANTO OUAF
1998 ASTÉRIX EN AMÉRIQUE
14 figurines monoblocs – plastique
Série la plus longue jamais crée, constituée de figurines mais aussi de puzzles, aimants, cache-boutons, autocollants...
N°11 : ASSURANCETOURI
2002
LE SEIGNEUR DES ANNEAUX
8 figurines – monoblocs et démontables – plastique
→ peints à la main
N°6 : FRODON
2000 ANIMAUX
4 figurines monoblocs bois
N°K00 N.121 : HÉRISSON
2004
APPAREILS ÉLECTROMÉNAGERS
6 figurines démontables plastique
N°C136 : GRILLE-PAIN
2014/15
SÉRIE SPÉCIALE 40 ANS
14 figurines monoblocs et démontables plastiques
N°FF226 : ELÉPHANTOS
2008
LAPINS DE PÂQUES
8 figurines monoblocs
Lapins recouverts d’un fin duvet
N°TT121 : LAPIN BLANC
2024 • BARBIE
8 figurines – démontables – plastique
→ Jeu qui s’active grâce à un QR code sur la BPZ
N°VD405 : BARBIE ARCHITECTE
Tant de possibilités qui ont réveillé chez quelques chineur·euses invétéré·es une folle envie de collection. On a eu la chance de plonger dans les univers de Monique et Rémy, deux ovokindersurprisophiles animé·es par la quête de l’objet et par une douce nostalgie de l’enfance.
MONIQUE
ACTIVITÉ → retraitée
LIEU DE RÉSIDENCE → Puy-de-Dôme
DÉCLIC → « Dans une brocante, il y avait ces petites figurines et plus j’avançais, plus j’en voyais sur d’autres stands. Alors j’ai posé la question, j’ai demandé ce que c’était.
J’ai commencé à regarder un peu et je me suis vite prise au jeu »
DEPUIS → 1994 COLLECTION → + de 6-7000 figurines Kinder Surprise
OBJETS INSOLITES → Maquettes construites à la main pour accompagner les figurines
RANGEMENT → Classés dans des boites par année dans le garage
CONSOMMATION DU CHOCOLAT → non
LES FIGURINES KINDER, C’ÉTAIT MIEUX AVANT → non
AUTRES COLLECTIONS → les cloches, les pots bleus
PREMIÈRE FIGURINE → Astérix
FIGURINE PRÉFÉRÉE → Ballettanzerinne
« Ce petit mexicain, je l’ai trouvé à Emmaüs dans un fatras pas possible. Quand on en trouve un et qu’on s’aperçoit qu’il est de 70, de 80, c’est formidable ».
« Ce qui est jouissif, c’est d’acheter un lot, c’est la chasse aux trésors »
« Le plaisir, c’était aussi en brocante, dès que je trouvais un truc qui pouvait aller dans un décor, je le prenais. Par exemple, pour ce château, ces espèces de décorations, c’est improbable, c’est moche mais là, ça se justifie ».
« C’est la grosse plaisanterie de la maison mes collections. »
DEGRÉ DE COLLECTIONNITE → 4/5
« De 94 à 2010, ça valait le coup de faire des brocantes. Les gens savaient que ça se vendait, iels faisaient leurs fonds de tiroirs. En ce moment, on n'en trouve plus du tout en brocante. »
« Tout le monde dit que ceux de maintenant sont moins bien, mais je ne trouve pas. »
« Avant les bouquins en allemand sortaient tous les ans, maintenant tous les deux ans »
« Je montais en Bretagne avec mes valises pleines de Kinder, j’ai même fait des stands là bas. »
TIPS D’INITIÉ·ES
• Secouer l’oeuf pour savoir ce qu’il se cache à l’intérieur
• Scruter les plis des cartons pour vérifier qu’une pièce ne s’y cache pas
• Peser les oeufs maxi Kinder au rayon fruits et légumes et prendre ceux qui ont des poids différents
• Faire copain copain avec les chefs de rayon pour récupérer les PLV Kinder Surprise
RÉMY
ACTIVITÉ → chef de cuisine, restaurateur
LIEU DE RÉSIDENCE → Presqu’île de Crozon
DÉCLIC → « J’ai commencé comme beaucoup de gens en étant petit. On a un jouet, puis un deuxième, puis un troisième et on les garde et on les met de côté. »
DEPUIS → 1987-88 COLLECTION → + de 60.000 figurines, peluches et objets dérivés de la marque Ferrero
MASTERPIECE → œuf publicitaire de 2 mètres de haut
GRAAL → Figurine d’un soldat en 14 pièces datant de 1976, l’année de création de Kinder
« Ça prend de la place, ma pièce n’est pas non plus immense, mais je pense qu’avec 350/300m2 j’aurais assez pour exposer tout. »
« Les BPZ, c’est très dur à trouver aussi parce que dans 99% des cas, l’enfant quand il mange le chocolat, il garde le jouet et le papier part à la poubelle avec la coquille. »
« Une année, j’ai acheté 800kg de pièces détachées. Dès que j’avais un moment, j’allais trier et reconstituer les pièces. »
« On est imposables sur la vente des Kinder. J’ai eu la surprise l’année dernière de recevoir ma feuille d’impôts avec écrit "ventes imposables"».
COMMENT CHASSER LE GRAAL ?
• Déambuler au petit bonheur la chance dans des vide-greniers, brocantes, ressourceries
• Communiquer et échanger entre collectionneur·euses
• Rejoindre des associations spécialisées comme « Jouets sans frontières »
• Se rendre à des salons spécialisés dans les jouets ou au salon Kinder Surprise annuel comptant 10 à 12 exposant·es
• Se rendre dans une des boutiques spécialisées dans les jouets Kinder en Allemagne
OBJETS INSOLITES → toutes les boites Kinder Surprise sorties en France encore fermées, un babyfoot gonflable Kinder, 400 peluches Kinder…
RANGEMENT → Exposés dans une pièce à l’étage
CONSOMMATION DU CHOCOLAT → non
LES FIGURINES KINDER, C’ÉTAIT MIEUX AVANT → oui
AUTRES COLLECTIONS → aucune
DEGRÉ DE COLLECTIONNITE → 5/5
« Les minuscules pièces sont quasiment introuvables, elles font 1 cm de long et quelques millimètres de large. C’est toutes ces petites pièces qu’on arrive pas à retrouver qui donnent de la valeur à ces figurines, et le goût de la collection. »
« Une des figurines les plus rares, c'est le Pumuckl allemand. Une lampe ultra violet existe pour savoir si c’est un vrai ou un faux. Il y a plusieurs versions du parapluie selon l’atelier où il a été fait. Ça va de 900 à 4000 euros rien que pour le parapluie. La figurine, on s’en fout presque. »
« Les Géo Trouvetou, c’est une seule figurine déclinée dans 10 combinaisons de couleurs différentes. Comme il y a 8 figurines dans cette série, ça fait 80 figurines différentes. »
« Il y a plein d’objets que je n’ai pas encore trouvés. Il y a en gros 150 références Kinder par an, et Kinder adore faire une figurine en 4, 5, 6 couleurs différentes donc au final, s'il y a 6 couleurs par référence, c’est tout de suite énorme. »
REPORT
Les concerts surprises, c'est vieux comme le monde. Mais l'histoire s'est accélérée avec la capacité de les filmer et même de les organiser ! À Montréal, les shows secrets font le plein tandis que, depuis Paris, les expériences surprenantes de La Blogothèque ont atteint l'âge de voter, mais pas celui de vieillir...
Sans surprise, l’adresse mystère est arrivée, par mail, 36 heures avant le point de ralliement. Il est fixé le lendemain à 7 PM, au cœur du downtown de Montréal, devant un lieu dont le nom passe-partout est déjà un indice sur sa vie ordinaire d’espace de coworking. Rien de plus remarquable en arrivant, si ce n’est l’acquisition du sésame, après avoir croisé par hasard deux organisateurs qui trimballent une envie de pause clope avec leur terminal de paiement. Au deuxième étage, une grande porte noire, presque intimidante, est le dernier poste-frontière avant la nouvelle ses- sion de concerts secrets organisée, depuis une dizaine d’années, par l’équipe locale de Sofar. « On organise jusqu’à trois soirées par mois dans des lieux inattendus : appartements, jardins, bureaux… Le public s’inscrit sur une liste d’at- tente pour chaque événement, sans connaître la programmation à l’avance. Les participant·es sont choisi·es, sur tirage au sort, en fonction de la jauge possible – 66 places pour ce soir. » Le décor de scène est improvisé mais soigné avec ses plantes abondantes, ses tapis d’Orient et ses guirlandes de loupiotes. L’ambiance d’avant-concert est résolument montréalaise : cosmopolite, tranquille et naturelle, après avoir enlevé ses chaussures, sorti les cannettes de son sac ou les pizzas de leur car- ton. Les langues se croisent et se mélangent, on perçoit notamment une Française qui si- tue le paysage (« Ça mange des clémentines en Quechua… ») ou un couple d’apparence lati- no, en visite depuis Las Vegas. Organisateur de concerts depuis 2016, Louis-Alex lance la première artiste, Lapelúda, accompagnée d’un batteur et d’une bassiste. Originaire de Montréal, elle va interpréter une partie de son « concept album », sur les violences sexuelles, dont chaque chanson raconte les étapes de son drame, de l’innocence de l’enfance à l’« hibernation dans les bois »… On a déjà connu mieux, comme ambiance, mais l’interpréta- tion est magnifique au même titre que le cou- cher de soleil qui illumine les grandes baies
vitrées, derrière la scène, au milieu des gratte- ciel. Après un tonnerre d’applaudissements, le changement de plateau fait presque office de sas de décompression, à base de bruits de chips et de kombucha en libre-service, avant l’entrée en scène d’une autre chanteuse pop folk, Olivia Khoury.
Fondée en Angleterre en 2009, Sofar Sounds est une start-up spécialisée dans les évé- nements musicaux et les concerts secrets organisés, à l’origine, dans des appartements privés londoniens. C’est désormais une plateforme internationale qui a utilisé les nouvelles technologies pour développer son concept partout dans le monde, avec plus de 400 grandes villes actives et une filiale à Boston. « À Montréal, on est sur un modèle un peu différent, insiste l’équipe locale, car on a choisi le mode non commercial et c’est unique en Amérique du Nord. Nos soirées n’ont pas pour objectif de faire du profit, contrairement à d’autres villes qui reversent 15 % de commissions à l’entreprise sur les ventes de billets. Elle nous laisse simple- ment utiliser sa marque, son concept et ses outils, notamment digitaux, en tant que “curateurs”. » À Montréal, pour chaque soirée, plus de 600 candidats s’inscrivent, en moyenne, sur la liste d’attente. « Grâce à la loterie, on peut faire tour- ner le public, même si j’ai rencontré quelqu’un, ce soir, qui a été tiré au sort trois fois de suite… » Plus de 10 % des spectateur·rices sont des touristes, ce qui est important mais pas forcément éton- nant dans une métropole fortement marquée par la musique live et jamais au bout de ses surprises…
Jeux d’arcade
Originaire de Montréal, Arcade Fire a marqué la scène pop-rock internationale des années 2000. Le groupe au format minibus a toujours été adepte des concerts surprise, comme en 2005, à New York, lorsqu’il en improvise un,
à 2 heures du matin, à la sortie du métro Union Square, devant 15 passant·es… Dans sa ville d’origine, il s’est également produit, sans crier gare, dans des endroits improbables, comme une discothèque de salsa ou le parking d’un centre commercial, en 2010, avant la sortie de son troisième album à succès, The Suburbs. Arcade Fire a également inspiré d’autres expériences qui ont transporté le concept du concert surprise dans une autre galaxie, celle de l’Internet, à l’époque où la France a encore de quoi se la raconter avec ses Skyblogs et Dailymotion, lancé en même temps que YouTube. En 2005, Christophe Abric (@Chryde) assiste, impatient, à la première date française du groupe canadien au Nouveau Casino de Paris. Journaliste tech à LCI, fondateur d’un blog musical, La Blogothèque, il a définitivement choisi le camp du nouveau millénaire, celui qui achète déjà sur Internet et possède des appareils photo numériques avec des millions de pixels… Au Nouveau Casino, c’est justement la folie : à la fin du concert, Arcade Fire descend dans la fosse et sort jouer quelques minutes dans la rue, suivi par une poignée de spectateur·ices, car la grande majorité du public est restée bloquée à l’intérieur par les vigiles. Chryde ne fait malheureusement pas partie des chanceux·euses, mais quand il raconte l’épisode à un ami, la réaction est implacable pour la suite de l’histoire : « Mais pourquoi personne n’a filmé ça ? » Le journaliste pense alors à Mathieu Saura, alias Vincent Moon, un jeune photographe et réalisateur parisien qu’il a rencontré quelques mois plus tôt. Le premier « concert à emporter » sort au printemps 2006 après avoir emmené The Spinto Band, un groupe américain du Delaware, dans un bar de quartier de la porte de Clignancourt. Dans la foulée, le tandem réalise plusieurs vidéos chaque semaine, en ciblant d’abord les formations pop-rock indé de passage à Paris, en phase avec l’univers musical du média : Grizzly Bear, The Kooks, I’m from Barcelona, Cold War Kids, etc. « Il faut se remettre dans le
contexte, raconte Chryde, c’était complètement nouveau : on filmait des concerts à l’arrache, organisés du jour au lendemain, dans des lieux improbables et on les diffusait sur Internet, où il n’y avait rien d’autre ! Très concrètement, on discutait avec le manager puis on fixait un rendez-vous avec le groupe qu’on mettait dans la rue, ou n’importe où… Personne ne savait ce qui allait se passer et l’élément de surprise était justement primordial, à la fois pour les artistes et pour le public qui se trouvait là par hasard. » Adepte de la caméra au poing et d’une réalisation physiquement engagée qui n’appartient qu’à lui-même, Vincent Moon fait aussi appel à « sa mémoire cabossée » : « On s’est retrouvés, avec Chryde, sur l’idée que les nouveaux outils pouvaient permettre de libérer une certaine créativité qui, finalement, nous ramenait vers l’intime… Mon rôle dans l’histoire était de traduire cela à l’image avec très peu de choses, juste quelques lignes directrices : le plan séquence (pas de coupes), les bruits alentour et, évidemment, l’improvisation du moment, avec les moyens du bord. » Rapidement, les concerts à emporter circulent sur les plateformes vidéo. « Des groupes en tournée ont commencé à nous contacter, complète Chryde. Les musiciens se côtoyaient dans les mêmes endroits, notamment à Brooklyn, et ils devaient se raconter qu’il y avait deux Parisiens surexcités qui allaient faire n’importe quoi avec les prochains ! » Les tournages se calent, à la dernière minute, entre deux rendez-vous promo. « Pour les artistes, qui n’avaient souvent pas vu la lumière de la journée, on apparaissait comme une vraie respiration, surtout quand on leur disait qu’on allait jouer de la musique dans les rues de Paris ! Le temps était toujours super-contraint, mais c’est ce que je préférais, explique Vincent Moon, quand on n’avait aucune marge de manœuvre et qu’on était vraiment sur le fil… » En 2010, à l’occasion de son concert à l’Olympia, c’est justement Arcade Fire qui contacte l’équipe de La Blogothèque et décide, avec elle, de filmer la surprise avant le concert officiel. Pour ce 41e concert à emporter, l’expérience est incroyable : les dix membres du groupe et le tandem se serrent
dans un monte-charge pour interpréter une version complètement lunaire de Neon Bible avec le papier déchiré d’un magazine en guise de percussions ; puis deux autres chansons au mégaphone, au cœur de la fosse, devant un public littéralement émerveillé et survolté.
Filmer la musique
Le succès viral des concerts à emporter élargit l’assise de La Blogothèque, qui multiplie les expériences dans des configurations toujours plus surprenantes : Phoenix au pied de la Tour Eiffel ou à l’étage d’un bus touristique, Michael Stipe (REM) dans un silo à grains, Alicia Keys en guest incognito dans un café parisien, Rone de nuit dans un terminal de Roissy, etc. Plus de 500 concerts ont ainsi été ainsi tournés depuis 18 ans. « Le concept n’est plus tout jeune et on en fait moins qu’avant, admet Chryde, sachant que c’est beaucoup plus difficile à réaliser aujourd’hui : l’espace public, c’est compliqué et les téléphones ont aussi complètement transformé le rapport au corps et à la spontanéité… » D’autres réalisateur·rices ont pris le relais de Vincent Moon qui, après une centaine de films, est parti voyager. « J’ai une approche très punk de ma pratique de l’image ! Quand on a commencé à recevoir des propositions financières, je me suis dit que ça allait jouer contre nous et qu’il était temps de partir, à un moment où j’avais aussi envie de voir du pays… Depuis 15 ans, je parcours le monde à la découverte des musiques traditionnelles que je filme et documente dans un projet global, open source, “Petites Planètes” ! Il m’arrive encore de filmer des concerts à emporter, selon les endroits où je vais, mais c’est une autre temporalité, complètement libérée du rythme et du monde musical. »
En parallèle, La Blogothèque est devenue une boîte de production reconnue qui poursuit son projet de filmer la musique, parfois le spectacle
vivant, dans toutes ses dimensions : captations de concerts et de festivals (Arte Festival, Air, The Libertines pour la rentrée), clips (Aya Nakamura, The Blaze, The National), documentaires, etc. Les réalisateurs ont changé mais les fondamentaux du début font toujours partie de la signature visuelle, à l’image des films en plan-séquence réalisés pour Yseult, Angèle & Damso ou même Justin Timberlake ! Dans le sillage des concerts à emporter, l’équipe a également lancé de nouvelles expériences, surprenantes, autour de la musique live. Chaque mois, par exemple, les « soirées de poche » proposent un concert dans un appartement (Mac DeMarco, Vampire Weekend, etc.) pour lequel le public est tiré au sort. Elle a également initié et filmé le format « One 2 one » dans le cadre du People Festival (ou 37d03d) à Berlin, entre 2016 et 2018 : « Des artistes internationaux·ales étaient réuni·es dans un hôtel, pendant cinq jours, pour travailler ensemble, avec un week-end de festival à la fin. Le public ne savait pas qui il allait voir et on a proposé de kidnapper une spectateur·rice au hasard, entre chaque set, pour assister à un mini-concert en face-à-face, dans une chambre, avec Feist, Bon Iver ou Damien Rice… »
Pochette-surprise
Avec plus de 180 millions de vues cumulées et 1 300 vidéos, les expérimentions de La Blogothèque ne passent pas inaperçues. Les concerts surprise font même des petits, un peu partout. À Paris, par exemple, le magazine Les Inrocks en organise cinq dans cinq quartiers différents, le même jour, à l’occasion de son changement de formule en 2017. Partenaire de l’événement, Deezer exploitera encore plus largement le filon en étendant le format de ses « sessions » à des mini-concerts sur des balcons parisiens, visibles de la rue, comme avec Bob Sinclar ou Kendji Girac – les pires voisins. Plus largement, les concerts inattendus ont largement
intégré la to-do list de l’industrie musicale et de son marketing de l’étonnement, depuis que Beyoncé sort un album sans prévenir ou que Daft Punk fait écouter son petit dernier, pour la première fois, dans une foire agricole en plein désert australien… Il en va de même pour les concerts et autres happenings surprise qui se multiplient depuis une dizaine d’an- nées, jusqu’à satiété : Shakira à Times Square ; Justin Bieber dans un match de la NHL ; U2 dans le métro de Kiev puis devant un casino de Las Vegas avant sa résidence-événement ; les Stones et Lady Gaga dans un petit club new-yorkais, en septembre, devant 650 pri- vilégiés, etc. Malgré les apparences et les grosses ficelles, tout n’est pas forcément pré-écrit dans un manuel de marketing pour les nuls. Le retour à l’intimité et à la proxi- mité avec le public peut aussi expliquer les annonces surprise, comme celle de Lana Del Rey, qui remplit l’Olympia de Paris en quatre minutes, une semaine seulement avant la date du concert, parmi une liste d’attente record de 420 000 personnes ! Et quand Alicia Keys squatte quelques mois plus tard le piano en libre-service de la gare St Pancras, à Londres, les téléphones crépitent mais rien ne dit que c’était un objectif en soi et que la spontanéité n’a aucun droit de parole…
Fondée par un spécialiste du marketing pas sé par Stanford, le secteur de l’Amérique (Disney, Coca-Cola), de l’alcool et de l’assu rance, Sofar Sounds illustre également cette tension entre l’économie de l’inattendu et l’engagement artistique. Au Workbase, Thaïs s’élance dans la nuit de Montréal pour un troi sième concert mystère, établi cette fois sur une formule seule en scène accompagnée d’un clavier et de son laptop. Il y a des airs d’Angèle dans sa voix, qui combine la chanson poétique avec une ambiance électro, un peu en décalage avec les deux sets très folk et le concept même du sofa. La jeune Québécoise, née en France,
commence à se faire remarquer après un pre- mier album, des passages réguliers dans de grands festivals et un beau placement de pro- duit surprise dans la bande-son d’un épisode d’Emily in Paris. « L’idée de Sofar, c’est quand même de permettre à des jeunes artistes de se faire connaître. D’ailleurs, ici, iels sont rémunéré·es soit au cachet, soit en échange de la captation vidéo et des photos du concert, qui sont importants, mais pas toujours accessibles, en début de carrière. » La chanteuse Pomme est passée par ce type de concerts, notamment à Montréal, avant de se faire repérer. Au Québec, c'est aussi le cas de Beyries, artiste pop-folk à succès, que l’on a récemment retrouvé dans le métro pour… un concert surprise, au profit de La Société cana- dienne du cancer.
La soirée se termine sur une entêtante chan- son électro-nostalgique sur Paris, dont le re- frain sent la fin (« et dans le taxi je pleure… »), après deux heures de découvertes séduisantes pour un budget raisonnable (30 $CA, soit 20 €). Demain, Louis-Alex reprendra la route avec son autre casquette de représentant de la marque de kombucha, dont on a un peu abusé, avant d’organiser un nouveau « voyage musi- cal » qui nous emmènera sans doute vers une nouvelle destination mystère… De l’autre côté de l’océan, Vincent Moon est comme toujours
Infos
¦ lablogotheque.net
¦ vincentmoon.com
¦ petitesplanetes.earth
¦ Illustration "soirée de poche" : Thomas Baas / La Blogothèque
¦ Photos : La Blogothèque
Karine Laurence pour Sofar
¦ sofarsounds.com Montréal : @sofarsoundsmtl (Instagram) @sofarmontreal (YouTube)
Saison 24-25
Christiane Jatahy
Lina Majdalanie / Rabih Mroué
Christian Rizzo
Clotilde Hesme / Maud Lübeck
Leïla Ka
Jean-Claude Gallotta
Cirque Trottola
Christos Papadopoulos
Anne Teresa De Keersmaeker
Stéphanie Aflalo / Hubert Colas
Nosfell
Ludovic Lagarde
Deena Abdelwahed
Jacques
Alain Platel
Isaac Delusion
LES BASIQUES
On a bien rigolé jusque-là, mais il est grand temps de revenir aux fondamentaux : la bande dessinée. Histoire de prolonger la thématique de ce numéro «Surprise», nous avons choisi de vous faire (re)découvrir des extraits d’œuvres hors normes par deux auteur·ices qui ont passé leur temps à pousser les murs de leur discipline. Et grâce à elleux, la maison du neuvième art est aujourd’hui bien plus agréable à vivre. Mesdames, Messieurs : Marc-Antoine Mathieu et Julie Doucet.
RETRO ACTUEL
JULIUS CORENTIN
ACQUEFACQUES, PRISONNIER DES RÊVES, MARC -ANTOINE MATHIEU, DELCOURT,
On ouvre un livre de Marc-Antoine Mathieu en fermant les yeux. Comme avant une surprise ; et aussi comme quand on se prépare à rêver. On se laisse aller, on lâche prise, on s’abandonne, sans savoir ce qu’on va trouver mais avec la certitude que quelque chose va arriver, quelque chose d’inattendu, d’imprévisible, d’incohérent peut-être, mais qui nous est familier et qu’on va accueillir en confiance, justement, les yeux fermés. On tombe ; on descend ou on monte – peu importe – dans des univers sans repères orthonormés, où la géométrie euclidienne est un jeu qu’on déjoue avec délice, où ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, où réalité et rêve se superposent, s’imbriquent, s’emboîtent en cascade, passant d’un monde à l’autre sans logique consciente, sans marches, jusqu’à la fin de l’histoire. Jusqu’au réveil.
1990-2020
En 1990 sortait le premier tome d’une série qui n’avait pas encore conscience d’ellemême, et dont le plan ne suivait aucun déterminisme éditorial : L’Origine, une aventure de Julius Corentin Acquefacques, Prisonnier des rêves.
« Je pensais que ce serait un livre sans suite. Je ne savais pas où ça m’emmènerait. J’avais déjà dessiné quelques histoires courtes, de quatre ou cinq pages, avec mon frère qui écrivait des nouvelles, un peu à la Foerster, Buzzati, une sorte de réalisme fantastique. Et parallèlement je faisais des affiches, de la sculpture, de l’illustration. Puis la BD a réapparu à ce moment comme une forme d’urgence, quelque chose d’instinctif. Ça a donné L’Origine. “Prisonnier des rêves”, c’est venu comme ça ; parce que ça m’a toujours plu de questionner les rêves. Grâce aux rêves, on est totalement libre. »
Cette liberté, Julius Corentin Acquefacques ne semble pas la goûter avec le même enthousiasme. Ou bien ignore-t-il qu’il a la clé de sa prison, cachée quelque part dans le labyrinthe de son inconscient. Et à chaque fois qu’il se réveille, souvent en tombant du lit, il se demande s’il ne vient pas plutôt de pousser la porte d’un nouveau songe. Car, à bien y regarder, la réalité qui l’entoure a toujours quelque chose d’étrange, de dérangeant, d’anormal. Comme quand il remarque un matin au réveil que, ce jour-là, le plafond de sa chambre a disparu, ou bien que son monde est soudainement dépourvu de perspective, ou encore qu’il fait partie d’une histoire dont il reçoit par courrier le récit au fur et à mesure qu’il s’écrit. Surprise…
Julius Corentin Acquefacques est en effet sur-pris, systématiquement, coincé dans un univers qui lui échappe, dont il va faire l’expérience métaphysique, transcendante, de la mise en abyme. « Dans le premier tome, Julius Corentin réalise qu’il est dans un monde
en 2D alors qu’il y a un monde en 3D qui le dépasse. C’est une analogie de nous-mêmes, qui vivons dans un monde en 3D tout en imaginant un monde supérieur en 4D. Inaccessible sauf par la poésie ou l’art. L’art dévoile une autre dimension du réel, sans axiome. La texture du réel. Et elle n’est pas très loin de la texture du rêve. »
Et la matière du rêve déborde sur la matière du livre. C’est là l’autre surprise que nous fait Marc-Antoine Mathieu ; car, à chaque épisode, l’ouvrage que l’on tient va porter physiquement les stigmates du sujet qu’il aborde : une case volontairement découpée comme une fenêtre ouverte nous fait voyager dans le temps deux pages plus loin ; un jeu sur la quadrichromie va questionner l’apparence véritable de ce que l’on perçoit ; une spirale de papier qui s’ouvre comme un vortex sur une autre dimension, un infra-rêve ; un album qui se lit dans les deux sens, où le début et la fin se confondent, tout en se réunissant au centre ; des planches en 3D, avec des lunettes qui s’insèrent à la fois dans les pages et dans la narration ; un livre dont l’impression est décalée, commençant à la page 7 sur la couverture, dans lequel les personnages vont passer tout le fil de l’histoire à cheminer sur ce décalage ; des découpages et des changements de tailles de papier, pour relativiser sur l’infini, grand ou petit. Chaque livre est un livre-objet, dont l’altération matérielle n’est pas un jeu gratuit, mais est directement reliée au sens de l’histoire, et plus largement, au sens tout court, avec cette impression récurrente d’une grande fractale.
« Il y a une réflexion sur le medium, parce qu’il y a une réflexion sur l’être. Un doute ontologique. Julius Corentin est toujours surmonté d’un “!” ou d’un “?”, pris entre l’extrême surprise et la catastrophe qui lui arrive. Puis le doute apparaît. Est-ce vraiment là ? C’est ce qui fait l’âme humaine, à la fois piégée et mue par ces deux choses : la contemplation, l’étonnement (!) et de l’autre côté l’effroi et le doute (?). Et quelle plus belle catastrophe que celle du support lui-même, du livre. C’est comme un vertige, être au bord du gouffre, au bord du cosmos. Julius Corentin est toujours confronté à un medium qui n’est pas le bon. Il ne sait pas où il est ; il n’est pas où il croit être. Comme nous. Et c’est impossible à savoir. Il est toujours à côté de la plaque. On est à côté de la plaque. En ce sens, Julius Corentin est un petit reflet de ce que l’on est tout un chacun, à commencer par moi. Les personnages qu’on crée sont forcément un petit miroir de nous-mêmes. »
Pour Julius Corentin Acquefacques, comme pour Marc-Antoine Mathieu, la surprise est fondatrice. Elle est manifeste, dès l’origine, dans cette incroyable série commencée il y a plus de trente ans, et qui n’a à ce jour pas de fin, comme elle n’avait pas de prétention à s’installer dans le temps. Elle arrive, elle émerge, elle surprend, imprévisible et inattendue, et se déroule, hors du temps et de l’espace, comme un ruban de Möbius.
POUR LIRE +
SÉRIE EN 7 TOMES, PARUE CHEZ DELCOURT :
→ L’ORIGINE, 1990
→ LA QU…, 1991
→ LE PROCESSUS, 1993
→ LE DÉBUT DE LA FIN / LA FIN DU DÉBUT, 1995
→ LA 2,333è DIMENSION, 2004
→ LE DÉCALAGE, 2013
→ L’HYPERRÊVE, 2020
PRISONNIER-DES-REVES.ORG
SUICIDE TOTAL , JULIE DOUCET, L'ASSOCIATION, 2023
Julie Doucet avait pourtant juré. Elle l’avoue même dans la première page de Suicide total, un livre au format leporello paru en 2023 chez L’Association : elle ne devait plus se dessiner. Elle avait abandonné l’autoportrait il y a des années de ça pour s’envoler vers des cieux multiples, passant par la poésie, l’édition et la sculpture, pour se raconter autrement et raconter autre chose. Mais voilà, on ne se refait pas. Julie Doucet a donc rechaussé les crampons dans un livre hors norme, à son image, toujours surprenante.
La grande histoire de Julie Doucet commence là où finissent ses études d’art, en 1988. C’est à ce moment-là qu’elle fait son entrée dans le monde merveilleux du fanzinat avec le début de ses légendaires cahiers appelés Dirty Plotte. 1988, c’est l’heure de gloire d’une certaine bande dessinée américaine mythifiée par les revues RAW, dirigée par Art Spiegelman et Françoise Mouly, et Weirdo montée par les époux Crumb – deux revues que la Montréalaise côtoiera de près, de même que le Wimmen’s Comix de Trina Robbins. C’est l’apogée d’une mise en scène de soi dans ses aspects les moins romantiques avec un dessin à l’avenant, aux outrances revendiquées et sans maniérisme académique, le revers de la médaille des comics visuellement spectaculaires et aux discours lointains. Dirty Plotte reprend ces codes de l’ultra-subjectivité et de l’intimité sans limite. Julie Doucet n’est pas la première, certes, puisqu’Aline Kominsky-Crumb, par exemple, l’avait précédée dans cette impudeur confessionnelle. Mais l’artiste d’obédience Riot Grrrl percute ce monde du comix – dénomination usuelle de cette bande dessinée américaine underground – en poussant tous les curseurs à leur maximum. Son point de vue féministe vient se croiser avec un récit autofictionnel où rien n’est épargné à personne et surtout pas à elle. Son corps devient le réceptacle de ses fantasmes et de ses fluctuations mentales autant que d’une certaine affirmation de soi et elle le met en scène sans tabou. Parler de soi veut dire parler de ses fluides autant que faire part de ses réflexions sur un monde qui, déjà, ne tournait pas rond. De toute façon, tout est lié. Un trait en noir et blanc, trash, vient compléter ce tableau et situe l’expérience féminine en milieu urbain, moderne et donc fortement régi par les hommes.
Dirty Plotte fait sa renommée – toute relative, hein, puisque nous parlons de fanzines, puis de publications indépendantes – et son style brutal mais non dénué de tendresse continue sa route au gré de ses divers déménagements, aux États-Unis et en Europe. Mais la bande dessinée, ça va bien deux minutes. Julie Doucet prend le parti de s’évader de cette prison dorée au début des années 2000 en développant des formes et des esthétiques qui se trouvaient jusque-là à l’état larvaire dans son travail. Alors que son nom brille d’un certain éclat dans le monde du neuvième art, elle prend un premier virage détonnant, donc, quand elle vient s’intéresser à la poésie, approfondir le collage, user de la gravure et de la sérigraphie, s’essayer au film d’animation et à la sculpture ↓
en même temps qu’elle devient une illustratrice fort demandée. L’objet livre lui fait également de l’œil, et elle revient à ses premières amours du fanzinat en montant sa maison d’auto-édition qui n’édite qu’elle, le Pantalitaire, dans lequel elle peut triturer l’édition. Née dans la marge, la Canadienne y retourne en empruntant mille et un chemins, tous, en apparence, plus surprenants les uns les autres. Pendant vingt ans, elle s’exclut elle-même du champ de la bande dessinée, disons, classique, jusqu’à un retour fracassant par les honneurs d’abord, d’un Grand Prix de la ville d’Angoulême en 2022, puis par le livre, avec Suicide total, donc.
Ce dernier ouvrage est, en soi, une surprise. Ce revirement inattendu de Julie Doucet vers la bande dessinée et l’autofiction intervient alors qu’on la pensait loin des basses besognes du neuvième art. Ce livre prend l’allure d’une boucle artistique mais aussi temporelle puisqu’elle revient sur un épisode directement en lien avec ses Dirty Plotte et cette fin des années 1980 qu’elle avait déjà largement ratissée. Elle y raconte comment elle fit la connaissance d’un français, via les envois postaux de ses productions, puis comment elle le rencontra pour de vrai, pour une histoire d’amour fulgurante et européenne. Elle y multiplie les allers-retours entre son moi du passé et le regard qu’elle lui porte aujourd’hui, commentatrice de son propre vécu et historiographe de cette période dont elle fait revivre les stars et les objets iconiques au milieu d’un bestiaire sauvage dans un graphisme qui vient remplir chaque coin de la feuille comme une mémoire qui déborderait de souvenirs.
Fractalisation de soi, multiplication de la parole, maîtresse des animaux et grande ordonnatrice du temps, Julie Doucet se fait demi-déesse de sa propre mythologie. Mais étonnant, le livre l’est aussi par sa forme, sans doute mûrement réfléchie quand on connaît la passion de Julie Doucet pour l’édition en tout genre. Car, en termes de comics, nous voilà sur de l’original. Point de case ni de page dans Suicide total mais un dessin d’un bloc qui se déploie sur un leporello – une bande de papier continue pliée en accordéon – de près de vingt mètres dont chaque volet est à lire de bas en haut, comme il a été dessiné. Et on revient à l’image des récits antiques, avec ce leporello comme un bas-relief nous narrant les exploits d’une démiurge, capable du don d’ubiquité temporelle et contant sa propre légende en même temps qu’elle narre une époque oubliée et fantastique. Une période durant laquelle la marge – par ailleurs physiquement inexistante dans ce format-là – est devenue son centre et le centre d’une bande dessinée qui voyait naître ses nouveaux rois et ses nouvelles reines. Julie Doucet avait juré qu’elle ne parlerait plus d’elle, mais devant Suicide total, on ne peut que lui pardonner ce parjure.
POUR LIRE +
→ Parle-moi d'amour ! d'Aline Kominsky-Crumb et Robert Crumb, Denoël, 2011
→ Maxiplotte de Julie Doucet, L'Association, 2021
→ L'Intégrale Wimmen's Comix, Collectif, Komics Initiative, 2019
→ Last girl standing de Trina Robbins, Bliss Comics, 2022
POUR EN SAVOIR +
→ > Julie Doucet, une rétrospection au Musée Tomi Ungerer à Strasbourg (FRANCE) jusqu'au 3 novembre 2024
DISCUSSIONS
Pour continuer de creuser notre thème « Surprise », nous avons laissé trois expert·es le raccrocher à leurs domaines de prédilection. Ainsi le sociologue Michael Bourgatte se demande-t-il si les technologies numériques sont encore capables de nous ébaubir. Le professeur d’art Thomas Durel scrute, lui, les représentations de l’étonnement au fil du temps. Et enfin, la journaliste cinéma Judith Berlanda-Beauvallet dit non à la ringardisation des jump scares dans les films d’horreur.
LE JUMP SCARE : UN SURSAUT PAS SI SOT?
Mettre un coup de projecteur sur les femmes dans les films d’horreur, voilà la noble quête que Judith Berlanda-Beauvallet s’est donnée, grâce à ses chaînes YouTube et Twitch «Demoiselles d’horreur ». Également journaliste ciné chez Écran Large et RTS, elle questionne pour ce numéro «Surprise » la technique de narration la plus connue du cinéma d’horreur : le jumpscare.
À l’heure où le terme discutable d’elevated horror est accordé comme une médaille aux films d’épouvante suffisamment contemplatifs pour que la critique rétive au genre les trouve intelligents, il est de bon ton de désigner le jump scare comme marqueur d’un cinéma horrifique facile, commercial et bas du front. Surreprésenté dans les œuvres calibrées sur un modèle Blumhouse depuis que la marque s’est fait un nom sur Paranormal Activity, le jump scare est devenu synonyme de pop-corn qui vole et d’ados bruyants dans le fond des salles du samedi soir. Objet de tous les mépris cinéphiliques et emblème des mauvais films de flippe, cet artifice de mise en scène mérite-t-il tant de haine ? ↓
Comme son nom l’indique, le jump scare renvoie par métonymie à l’effroi qu’il provoque et qui s’exprime à travers un sursaut. À l’écran, il est le plus souvent la combinaison d’une apparition visuelle brutale et d’un son fort et inattendu, mais il peut aussi être uniquement l’un ou l’autre. C’est davantage la réaction provoquée qui le définit que sa nature véritable, et là se trouve le premier problème... Car, certes, le jump scare fait partie du vocabulaire de l’horreur, mais celle-ci est un genre vaste et protéiforme qu’on est souvent tenté d’identifier en fonction de la peur qu’il engendre. Or, la peur étant largement subjective et changeante, elle ne peut être utilisée seule comme critère pour identifier l’horreur comme objet de cinéma. Il en va de même pour le jump scare, qui, si chacun peut se figurer une idée de ce qu’il est, ne peut supporter de définition fixe et universelle. Bien des sons et des images sont capables de faire sursauter un spectateur ou une spectatrice sur son siège sans qu’aucune intention horrifique ne se cache derrière (le cacatoès de Citizen Kane, pour ne citer que lui), et bien des spectres et autres tueur·euses auront essayé d’en faire de même sans y parvenir. Une constance se vérifie néanmoins dans son utilisation consciente par les cinéastes : vouloir maintenir le public en tension.
En réalité, bien plus que de terroriser, le rôle du jump scare est davantage de causer du stress et de maintenir l’attention en alerte. En cela, le sentiment qu’il cherche à provoquer est bien loin de l’angoisse parfois profonde et durable que peuvent susciter les films d’horreur par des procédés beaucoup moins tape-àl’œil. Et même si cette ambition est immédiatement assumée par les ficelles évidentes du jump scare, il semblerait que ce diable en boîte soit tout de même perçu comme trompeur, promettant la peur mais n’offrant qu’une réaction physique, presque chimique, incontrôlable mais sans aucun effet durable. Qu’est-ce qui saura tenir les spectateur·rices éveillé·es la nuit, entre le souvenir d’une porte qui claque dans Conjuring ou celui d’une silhouette blanche aux cheveux longs et noirs qui s’avance lentement vers l’écran de télé dans Ring ? Ces spectateur·rices désirent, évidemment, ce qui les empêchera de dormir (même s’iels peuvent être amené·es à le regretter au bout d’un certain nombre de nuits blanches), parce qu’il est humain de rechercher la sensation forte.
Mais cette préférence pour un sentiment d’épouvante plus enveloppant et signifiant n’explique pas le mépris envers le jump scare : ce n’est pas parce qu’on attend avec impatience le plat de résistance qu’on va cracher dans la soupe. N’y a-t-il pas au fond, dans cette opposition un peu simpliste entre épouvante sophistiquée et chair de poule triviale, les restes de cette bonne vieille dichotomie entre corps et esprit ? Le jump scare est-il indigne d’un cinéma d’horreur qualitatif et ostensiblement intellectuel parce qu’il en appelle uniquement à la bassesse d’un corps qui réagit à un signal comme un chien réagit à un coup de sifflet ?
Peut-être est-ce la raison pour laquelle il est parfois désagréable (voire un tantinet humiliant) de se laisser avoir par un jump scare en pleine salle de cinéma : nous renvoyant à notre animalité et à notre manque de contrôle sur nous-même, qui plus est face à une menace qui n’existe pas réellement, le jump scare trahit notre faillibilité en tant qu’êtres rationnels.
Bien qu’il existe depuis bien avant l’apparition des sagas Scream, Halloween, Conjuring et autres (La Féline de Jacques Tourneur est l’un des possibles inventeurs du jump scare horrifique avec la scène au cours de laquelle Alice marche dans la rue de nuit et que l’arrivée soudaine d’un bus surprend le spectateur), le procédé est aujourd’hui plus identifié que jamais, sans doute parce qu’il est également plus utilisé que jamais. Sa propagation semble le rendre de plus en plus vulgaire et prévisible, comme le montre la vision d’un film comme Immaculée, réalisé par Michael Mohan et sorti au premier trimestre 2024, qui se donne un certain standing dans ses premières séquences, puis semble perdre des points de QI à chacun des innombrables jump scares qui viennent avilir ses effets de suspens. Difficile, pourtant, d’attendre du cinéma d’horreur qu’il renonce à l’un de ses artifices les plus caractéristiques. Aussi, la nouvelle tactique de certain·es metteur·euses en scène consiste à jouer avec l’attente des spectateur·rices. Par exemple, s’il y a beaucoup de reproches possibles à faire à Scream 5, réalisé par Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin et sorti en 2022, le film a le mérite, dans la logique méta qui fait tout le sel de cette saga, de tenter une réécriture du jump scare. Tout du moins, une réécriture de son rythme. Car face à un public un tant soit peu averti et biberonné aux effets de surprise, il peut être très compliqué de réussir à recréer l’état de tension nécessaire au précieux sursaut : trop habitué à la technique de la porte qui se ferme en révélant la partie du cadre où se trouve la menace, ou de la scène classique d’un personnage qui marche le long d’un couloir sombre en travers duquel va sauter un chat courroucé, le public n’est plus si facile à surprendre. C’est pourquoi la longue séquence qui voit Ghostface assassiner Judy Hicks et son fils est notable : jouant à contretemps de la musique habituelle, en utilisant les mêmes techniques mais en les assemblant autrement, elle réussit à mettre les spectateur·rices dans l’incertitude. Au moment où Judy s’approche lentement, couteau en main, d’une porte restée ouverte, le rythme est lent et le cadre est serré sur elle, de manière qu’on ne puisse pas voir ce qui l’entoure. Non seulement ce moment de tranquillité visuelle est propice au surgissement du boogeyman, mais ce qui trompe réellement es spectateur·rices, c’est le calme qui s’installe au son. L’oreille des fans de films d’horreur sait que lorsque la musique et les bruitages la mettent en veilleuse, c’est pour mieux frapper les tympans dans la seconde qui suit. Ici, lorsque Judy ferme la porte et se retourne vers la caméra, c’est le moment où tout notre corps sait intimement, dans les moindres recoins de nos nerfs, que la menace va surgir.↓
Or, à la seconde propice, rien n’arrive. On s’est fait berner, le jump scare sera finalement pour plus tard. Mais si ! À l’instant suivant, c’est finalement le fils de Judy qui surgit dans le cadre pour lui parler, accompagné d’une note stridente complètement hors de propos. En ayant déplacé le jump scare d’une seconde à peine, le film chante volontairement faux sur la partition connue pour en inventer une nouvelle. La note de musique qui vient souligner la surprise, elle, est un pur commentaire humoristique de la part des réalisateur·rices aux spectateur·rices, qui iels viennent de réussir à tromper non pas en déjouant leurs attentes, mais en les décalant. Avec cette pirouette, le jump scare passe d’aveu de faiblesse de mise en scène à technique habile et réfléchie. Mais là aussi, est-ce que la potentielle surutilisation d’une nouvelle formule finira, à terme, par dévaluer le travail de celles et ceux qui se réapproprient le jump scare ?
Peut-être, si d’ici là le jump scare ne disparaît pas, tout simplement. Car s’il existe depuis presque aussi longtemps que les films d’horreur, il est aujourd’hui le bouc émissaire de tous les maux d’un cinéma de genre qui commence à peine à obtenir une réelle reconnaissance critique (en admettant que la Palme d’or de Julia Ducournau permette réellement de « laisser entrer les monstres »). Aussi, s’il est encore très prisé pour des productions aussi rentables que discutables comme La Nonne et sa suite, sa dépréciation aux yeux d’un public pour qui jump scare est presque devenu un gros mot pourrait finir par le faire passer de mode. Plus la fameuse elevated horror d’Ari Aster et Robert Eggers et l’identité A24 se font une place dans le cinéma de genre, plus la technique du sursaut se ringardise. Pourtant, comme n’importe quel outil de cinéma, le jump scare n’est jamais que ce qu’on en fait, et s’il est souvent résumé à ses pires exemples, sa pertinence narrative et horrifique peut aussi être réelle. Qui pourrait vouloir, par exemple, retirer à Insidious la fulgurance de l’apparition du démon rouge et noir derrière l’épaule de Josh lorsqu’il discute avec sa mère ? Glissée dans le montage d’un champ/contre-champ, sa simplicité fait sa force, et le jump scare devient véritable levier horrifique, plus que simple agitateur de tension. Dernièrement, la jeune réalisatrice Arkasha Stevenson a démontré, avec le spinoff La Malédiction : l’Origine, que certains sursauts sont bons à prendre et que les vieilles formules, si tant est qu’on en maîtrise l’art, fonctionnent encore. Sans doute faudra-t-il, à l’avenir, tout simplement reconsidérer le jump scare comme l’objet noble de narration et d’épouvante qu’il peut être lorsqu’on veut bien l’utiliser comme tel.
SURPRISE DANS L’ART, ART DE LA SURPRISE
Professeur d’arts plastiques et d’histoire des arts au lycée public de Saint-Just à Lyon, Thomas Durel en connaît un rayon et l’a prouvé entre autres en participant à plusieurs expositions, notamment au Centquatre à Paris et à l’Institut Paul Bocuse.
Parce que le thème s’y prête étonnamment bien, il revient pour nous sur la représentation de la surprise dans l’art.
Dans une de ses œuvres en prose intitulée L’esprit nouveau et les poètes, Guillaume Apollinaire déclare : « La surprise est le grand ressort du nouveau. » Nous pouvons nous étonner, de la part de cet acteur majeur de la modernité artistique, de ce qui ressemble fort à un poncif voire à une lapalissade. Car la notion de surprise semble être en effet, depuis que l’art existe, un ressort esthétique incontournable de toute œuvre réussie, propre à modifier durablement notre rapport au monde.
Il ne s’agira pas ici, bien sûr, de faire la liste de toutes ces œuvres d’art à même de susciter notre étonnement, mais plus modestement de tenter de retracer la généalogie de la représentation de cette émotion à travers quelques peintures, gravures et dessins, qui – par la pertinence des choix techniques, plastiques qu’ils convoquent – constituent en outre d’agréables surprises pour notre œil.
L’histoire de la représentation de la surprise commence sans doute avec Giotto (1266-1337), qui met un terme à une représentation symbolique du monde propre à l’époque médiévale préférant la recherche de l’immuable, la transmission de concepts, à l’expression d’émotions éphémères comme la surprise. ↓
L’artiste réalise, entre 1303 et 1305, un ensemble saisissant de peintures à fresque, dans une petite chapelle à l’architecture très dénudée, l’Arena à Padoue. Tous les épisodes sacrés se déroulent sur un même fond bleu magnifique qui remplace le traditionnel fond d’or et qui suscitera l’admiration d’un jeune touriste épris de culture : Marcel Proust.
Attardons-nous un instant sur un des épisodes : La Résurrection de Lazare. Giotto cherche à nous livrer une représentation illusionniste de la scène sacrée, comme si l’épisode se déroulait réellement, sous nos yeux. La peinture à fresque, qui nécessite de travailler vite, rend impossible le traitement des détails mais les couleurs sont franches, rythmées, et s’associent parfaitement aux formes claires des protagonistes qui possèdent des proportions réalistes, ont du poids et du volume. À la vue de cet homme capable, d’un simple geste de la main, de ramener à la vie un être mort et enterré, femmes et hommes représentés par Giotto sont traversé·es par la même surprise. Iels la manifestent pourtant, dans leurs postures et l’expression de leurs visages, de manière à chaque fois singulière. Lazare, au teint verdâtre, est encore trop secoué par le miracle dont il est l’objet, et trop entravé par ses bandelettes, pour exprimer plus clairement la sienne.
Avec le retour des mythes gréco-latins à la Renaissance, la surprise prend une connotation plus érotique, avec le jeune Actéon qui, au cours d’une partie de chasse, découvre la chaste déesse Diane entourée de ses nymphes, au bain. Titien (1488-1576) représente l’instant prégnant de la scène, le moment où Diane, surprise dénudée par un Actéon habillé, esquisse un mouvement de recul, cherchant à couvrir sa pudeur, aidée en cela par sa garde rapprochée. La surprise n’étant pas toujours « heureuse », cet affront vaudra au pauvre Actéon d’être métamorphosé en cerf et dévoré par ses propres chiens. Mais cette surprise réciproque est surtout un prétexte, pour le grand coloriste qu’est Titien, à déployer tout son génie dans la représentation et le traitement des chairs féminines.
Dans le baroque de la Contre-Réforme, l’expression des émotions humaines en peinture est encouragée par l’Église catholique ; il s’agit d’émouvoir et de convaincre le croyant de rester dans son giron. Le Souper à Emmaüs du génial Caravage (1571-1610) représente, dans un espace peu profond et sous une lumière tranchée, deux hommes attablés, encadrant le Christ ressuscité, qu’ils viennent tout juste de reconnaître. L’expression de leur surprise est extraordinairement convaincante, crédible. En effet, le peintre délaisse l’imaginaire, l’idéalisation, au profit de la représentation naturaliste de modèles choisis parmi le petit peuple qu’il côtoie et qu’il fait poser dans son atelier. L’un, de dos, esquisse le geste de se lever, effrayé ; l’autre, de profil, écarte les bras, stupéfait.
Les deux hommes portent les stigmates d’une vie difficile, les vestes sont déchirées aux coudes, les cheveux sont gras et épars, les visages ridés, couperosés. Ils contrastent fortement avec le calme de l’aubergiste debout et la solennité du Christ bénissant.
Dans son Autoportrait aux yeux hagards, Rembrandt (1606-1669) délaisse l’histoire sainte ou mythologique pour nous livrer une image minuscule – puisque cette gravure fait la taille d’un timbreposte – de son propre visage, cadré serré. L’expression de surprise est ici assez marquée, les pupilles concentrent les valeurs les plus foncées. L’artiste se fait acteur apeuré à la vue de quelqu’un ou quelque chose situé en dessous de lui, hors champ. Cet autoportrait allie à merveille fugacité de l’émotion et spontanéité du faire, avec un dessin sur la plaque de métal qui alterne habilement plusieurs écritures : traits droits, incurvés, en boucles. On éprouve en fait la délicieuse sensation que le traitement des formes, des matières et des lumières est effectué et pensé dans un même et unique geste, virtuose.
Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi Louis XIV et directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, tente de rationaliser ce savoir empirique qu’est la représentation des émotions. En 1668, il donne à l’Académie une célèbre conférence qu’il illustre de planches, afin de livrer à tout·e étudiant·e une véritable méthode pour apprendre à dessiner correctement les passions. La représentation de la surprise n’existe pas en tant que telle, elle est complexifiée et associée à l’admiration dans un très beau dessin à la pierre noire, d’un buste féminin idéalisé, vu de trois quarts.
Cette conférence connaîtra un grand succès et trouvera un prolongement au milieu du XVIIIe siècle, avec l’instauration, à l’initiative du comte de Caylus, d’un Concours de la tête d’expression ; et le thème de la surprise sera, pendant deux siècles, régulièrement proposé aux étudiants de l’Académie. Ceci explique peutêtre la réticence des artistes modernes et rebelles à représenter la surprise, émotion désormais codifiée, associée à un enseignement académique devenu sclérosé, moribond. Dans l’Olympia d’Édouard Manet (1832-1883), œuvre phare de la Modernité, seul le chat noir tressaille à notre vue. La jeune femme représentée n’est plus une déesse effarouchée, c’est une vraie femme impassible, indifférente aux moqueries des bourgeois·es pudibond·es et hypocrites sur sa nudité. La véritable surprise est désormais du côté des spectateur·rice brutalement confronté·es à une image neuve de la femme et du monde.
«TOUT CE QUI EXISTE DANS L’UNIVERS EST LE FRUIT
DU HASARD ET DE LA NÉCESSITÉ»
Attribué par Jacques Monod à Démocrite
Professeur en sciences de l’information et de la communication et spécialisé dans la vidéo, les images et le numérique, Michaël Bourgatte sait comme personne décrypter les bouleversements qui impactent notre quotidien numérique. Pour ce numéro, il analyse les surprenants engrenages dans lesquels les modèles de l’attention et de la recommandation nous entraînent.
Dans le courant des années 1940, une communauté pluridisciplinaire de mathématicien·nes, de physicien·nes, d’anthropologues et de psychologues se forme autour d’un projet nommé « cybernétique ». Il s’agit pour eux d’étudier les relations entre les humains et les machines, ouvrant la voie à une réflexion fondamentale sur ce qu'on parviendra, dans le futur, à déterminer grâce aux technologies et sur ce qui, au contraire, continuera à relever du hasard. Quand il fait paraître Pour un humanisme numérique en 2011, en plein boom technologique (apparition de la fibre, de la 4G, explosion du web social avec les réseaux sociaux, démocratisation des smartphones…), l’historien Milad Doueihi reprend à son compte les travaux de Norbert Wiener (le principal artisan du mouvement cybernétique) et pose l’hypothèse de l’entrée de la communauté humaine dans un nouveau stade de son existence qu’il appelle « humanisme numérique ». Cet « humanisme numérique » renvoie à deux choses. Les êtres humains ont exploré le monde et installent désormais un nouveau type de relation entre eux via les machines communicantes (les ordinateurs connectés entre eux grâce au réseau internet). Ils donnent ensuite de plus en plus de place à ces machines avec lesquelles ils dialoguent, des machines dépourvues d’intelligence, mais capables de donner le change. Ce dialogue s’installe en suivant un modèle probabiliste. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l’ordinateur moissonne toutes les données auxquelles il a accès et formule une réponse en faisant la synthèse de ces données. En langue savante, on parle d’abord de raison computationnelle pour nommer cette rationalité de la machine qui est façonnée à partir d’une accumulation finie de connaissances ; on parle ensuite de logique algorithmique pour nommer le résultat qu’elle va délivrer. La réponse peut être bonne ou appropriée ; elle peut aussi être imparfaite, inadaptée ou fausse. Pourquoi ? Parce que l’ordinateur n’a accès qu’aux données présentes sur le réseau. Tout le reste lui est étranger. Sa capacité à adapter une réponse aux questions qui lui sont adressées est également relative. Il n’a pas une pleine conscience des attentes ou des envies de son interlocuteur·rice humain·e. Ainsi les machines peuvent-elles nous surprendre, pour le meilleur, mais aussi pour le pire.
Évoquons d’abord cette expérience commune de la recommandation façonnée par des croisements statistiques plus ou moins complexes pouvant prendre en compte des déterminations sociologiques (être une femme, un homme, avoir 20 ans ou 40 ans…), l’historique d’une activité (de consultation, d’écoute…), les goûts de nos ami·es (repéré·es grâce à nos profils Instagram, Facebook…) ou encore les goûts d’inconnu·es ayant les mêmes goûts que nous. Des données qui peuvent être pondérées par le service lui-même, afin de fidéliser les internautes, ou par une entreprise qui souhaite vendre des biens ou des services en les mettant en avant. ↓
Le résultat peut être surprenant et nous ouvrir les portes de découvertes musicales ou cinématographiques sur Spotify ou Netflix. La recommandation algorithmique est alors saisie comme quelque chose de fantasque ou de merveilleux qui nous aura permis d’écouter une pépite éthio-jazz totalement inconnue, un groupe de shoegaze en tous points identiques à un autre qu’on connaissait déjà, de voir un slasher indépendant hongrois ou une Rom Com dans laquelle a joué cette actrice britannique qu’on adule et qui nous était inconnue. On peut même avoir de bonnes surprises en achetant un objet banal sur Amazon, les recommandations de la plateforme ouvrant un monde de possibles. Mais à l’inverse, ce modèle au fondement d’internet peut conduire à de mauvaises surprises : regarder un film qui ne nous intéresse pas, bien sûr ; acheter un produit inadapté, bien évidemment ; tandis qu’une recommandation peut aussi et plus simplement ne pas répondre à nos attentes.
Retenir les internautes dans un environnement numérique, favoriser leur engagement et éventuellement les rendre captifs, nécessite aussi de les surprendre. C’est un procédé qui est au cœur de ce qu’on appelle l’« économie de l’attention ». Le scroll infini sur les réseaux sociaux en est l’archétype. Ainsi, c’est en faisant le pari d’une surprise continue, et pourquoi pas éternelle, qu’Instagram ou TikTok tentent de capter et de retenir l’attention de leurs usager·ères. Les vidéos courtes se succèdent ainsi indéfiniment et ce qui va décider de la poursuite ou de l’arrêt de la consultation, c’est le maintien ou non de l’effet de surprise. Ces services de réseautage social doivent ainsi trouver un équilibre entre des sujets d’intérêt, leur mobilisation, leur répétition, mais aussi des ruptures de rythme ou de ton nécessaires au maintien de l’attention.
Ces modèles de la recommandation et de l’attention ont un impact fort sur la vie des êtres humains et leurs prises de décision aujourd’hui : ils impactent leur éthique, leur moral ou encore leurs comportements. Ainsi, on ne sera pas surpris·e de voir apparaître pêle-mêle dans les recommandations périphériques des vidéos YouTube de polémistes masculinistes, virilistes, traditionalistes ou extrémistes (comme Bench&Cigars, Papacito ou encore Julien Rochedy), des contenus offensants pour les musulman·es de France, des documentaires parlant du nazisme ou des extraits de films potaches. On peut, par contre, être surpris·e de la capacité des algorithmes à façonner ici un univers de la gauloiserie aussi cohérent. Cela confirmerait-il la faiblesse intellectuelle des idéologies droitières dont les contours resteraient aussi facilement définissables par une machine dépourvue d’intelligence fine et d’esprit critique ? Rappelons à ce sujet que l’entreprise Cambridge Analytica, exploitant illégalement des données personnelles d’utilisateur·rices du réseau social Facebook, aura réussi à peser sur des élections à la demande et en faveur de can-
didats peu scrupuleux de la droite républicaine américaine comme Ted Cruz lors de la primaire de 2016, ainsi que Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2017, ou encore allant dans le sens de la campagne pro-Brexit au Royaume-Uni en 2020.
Les intelligences artificielles posent à nouveaux frais ces questions, car elles précisent et enrichissent nos relations sociales et nos relations avec les machines. On ne peut qu’être surpris·e par leur capacité à répondre à des besoins élémentaires, mais aussi par leur invraisemblable capacité à ne jamais parvenir à s’adapter à des besoins particuliers. Le machine learning simple d’un chatbot va ainsi être au plus près des attentes humaines en suivant une arborescence de réponses à des questions reconnues comme étant statistiquement les plus communes. Ainsi les agents conversationnels des opérateurs internet (Orange, SFR, Bouygues, Free…) parviennent-ils sommairement à aiguiller les clients sans jamais parvenir à s’adapter aux besoins particuliers de chacune des situations auxquelles ils sont confrontés. Les IA prédictives s’inscrivent dans une dynamique à peu près semblable, même si elles marquent le pas, en ce sens où elles sont capables d’affiner leurs échanges avec les humains au regard d’informations personnelles qu’ils leur délivrent (Deezer, Apple TV…). Les IA génératives se montrent, par contre, plus surprenantes, car elles sont capables de formuler des réponses satisfaisantes qui peuvent être affinées de manière collaborative entre les humains et les machines, comme c’est le cas avec la plus célèbre d’entre elles : ChatGPT. Un prompt de départ permet de formuler une requête (faire la synthèse d’un texte, rédiger une lettre à partir de notes, répondre à une question théorique, traduire un document…). Mais l’effet de surprise prend fin dès lors qu’on lui adresse des questions complexes (à caractère éthique, moral ou scientifique) ou qu’on entre dans l’analyse fine de la proposition qui est faite, comme c’est le cas avec le générateur d’images Midjourney travaillant à partir de modèles simples et d’archétypes. Le dernier exemple est celui du deep learning permettant l’exploration complexe d’un sujet à partir d’une hypothèse difficile à sonder, voire irrésolvable pour l’humain seul, comme dans les cas du traitement automatique du langage ou de la reconnaissance faciale. On ne peut qu’être surpris·e par la puissance et la finesse des calculs qui sont ici exécutés, mais qui souvent ne dispensent pas les scientifiques ou les expert·es mobilisant ce type de technologies d’opérer des vérifications à la marge pour s’assurer de la pertinence de la réponse fournie par la machine.
Dans ce maelström technologique, des propositions pour le moins surprenantes retiennent l’attention. On pensera à Replika, avatar de l’OS conversationnel imaginé par Spike Jonze dans son film Her (2013), à laquelle Scarlett Johansson a prêté sa voix pour donner la réplique à Theodore, héros déprimé en instance de divorce incarné par Joaquin Phoenix. ↓
Replika permet aux utilisateur·rices de se créer des ami·es virtuel·les avec lesquel·les il est possible de discuter pacifiquement, comme l’exprime cette jeune fille dans le documentaire IA, quand les émotions s’en mêlent (Bicknell, 2021). Cependant, quiconque aura expérimenté le service aura aussi constaté que cette paix relationnelle à un prix : celui de ne pas avoir d’opinion tranchée, en particulier sur des questions politiques ou religieuses. Ainsi, un·e ami·e Replika tentera toujours de tempérer la discussion, de vous retourner la question ou carrément de changer de discussion pour aller vers quelque chose de plus léger, davantage en lien avec le bien-être ou la santé de l’utilisateu·rice. Mais cela est-il surprenant quand on se rappelle soudainement qu’une machine n’est pas pourvue d’intelligence au sens de l’intelligence humaine ?
Une intelligence humaine capable de surprises et d’étonnements, car dotée d’une incroyable capacité à se laisser émerveiller, en général et par ce que le numérique va lui proposer. Ainsi, en cliquant sur le bouton « j’ai de la chance » du moteur de recherche Google, peut-on se laisser surprendre par une proposition en dehors des sentiers battus ou parfaitement en adéquation avec ce qu’on recherche. D’autres, errant sur Google Street View auront-ils exhumé des clichés surprenants, à l’instar de l’artiste Jon Rafman compilant des captures d’écran sur son site 9-eyes (personnes montrant leurs fesses ou faisant un doigt d’honneur à la Google car, prostitué·es sur des bords de routes, personnes urinant ou ayant des rapports sexuels, etc.). Enfin, convient-il d’indiquer qu’une simple balade dans les profondeurs du web peut surprendre, tant il est finalement aisé d’acheter de la drogue ou des armes, de lire ou d’adhérer à des discours belliqueux, de voir ou de rencontrer des personnes en quête d’aventures sexuelles exotiques ou extrêmes ? Avec le numérique, les surprises semblent se raréfier, mais dans les plis de la toile, pour qui sait les chercher, en vrai, elles pullulent.
Pour aller plus loin : Sociologie d’internet, Jean-Samuel Beuscart, Éric Dagiral & Sylvain Parasie, Armand Colin, 2016. Mila Doueihi, Pour un humanisme numérique, Le Seuil, 2011. Des objets qui parlent?Et ce qu’il reste aux humains, François Perea, MkF, 2022.
Qui, mais qui nête, on ne saurait dire. fantastiques qu’on n’aperçoit amies imaginaires que bien ? Sont-elles des muses de la nature ? Oui et non. le prétexte pour Nylso ses fraîches prairies et casion pour lui de questionner des livres à la beauté dialogue touchant avec le nouveau livre d’un chaque fois mille pétillements
LESJULYS
qui sont les Julys ? Pour être tout à fait hon dire. Sont-elles des lutins, des génies, des êtres n’aperçoit qu’au mois de juillet ? Sont-elles des les enfants peuvent observer s’iels regardent muses pour les dessinateur·ices amoureux·ses non. Tout ça à la fois en fait. Elles sont surtout de retourner dessiner ses arbres bien-aimés, les forêts subaquatiques. Les suivre est l’oc questionner cette obsession même, dont il tire reposante et à la virtuosité subtile, dans un avec sa descendance. artiste unique dont le Rotring provoque à pétillements au cœur.
JULYSNYLSOAfin de faciliter les vies précaires Weissmüller distille quelques bons conseils dans des pages aux allures de gravures intemporelles, quotidien des êtres humains une fois les diverses financières) enfin passées. Car une fois percées siècle, il faudra bien tout recommencer. peint-il les amours, les architectures et les de nouvelles symboliques, de nouvelles tenues, hiérarchies afin de refonder une civilisation a au moins l’avantage de tout remettre à
de Miroslavde nos ami·es des siècles futurs, Miroslav dans son livre de dessins le Nantais décrit ce qui pourrait bien être le diverses apocalypses (climatiques, nucléaires, percées ces bulles d’angoisse qui pèsent sur recommencer. Ainsi Miroslav Weissmüller dé les modes de vie des futurs, nous proposant tenues, de nouvelles religions et de nouvelles civilisation qui, si elle ne propose pas de tout régler, plat. Et d’être d’une sensationnelle beauté.
Miroslav Weissmüller, Ion édition, 32 pages, 10
FOOD
Étape 1
LA PÂTE À PAIN
La surprise, on la veut partout et l’assiette n’est pas en reste. Écarquillez vos mirettes, on va revenir aux bases de la cuisine avec le bien nommé pain -surprise. Non, pas la baffe inattendue que vous colle votre pote bourré·e en dansant sur le dancefloor, mais bien ce plat fourre-tout qui n’a pas attendu instagram pour étonner les convives.
PAR NOÉMIE ARENSMA
On ne va pas vous mentir, le pain-surprise a un nom qui claque, mais question talent requis en cuisine, la barre est basse. Alors on va faire comme si tout le monde avait une machine à pain (ce qui est probable après les confinements passés et d'après le nombre de machines à pain dans une attente morose sur Leboncoin) :
– Prenez votre robot avec le fameux crochet à pétrir et mélangez le sel, la farine T65, la levure de boulanger et le beurre fondu, puis versez l’eau tiède petit à petit. Dans cet ordre, c’est le droit chemin. Pour un pain-surprise plus surprenant, osez faire à votre guise.
– Pétrissez votre pâte à vitesse 2 pendant 10 à 15 minutes ou à vitesse 10 pendant 20 secondes.
– Recouvrez le bol avec un torchon et laissez lever votre pâte 45 minutes. Elle doit doubler de volume (comme nous après un buffet à
– Avec un pinceau et l’œuf battu, dorez-la et marquez-la à l’aide d’un couteau. Cuisez le pain (on vous épargne le timing, si vous maîitrisez la machine à pain vous maîtrisez sans doute le four)
– Une fois votre pain-surprise totalement refroidi, placezle quelques heures au frigo. Voilà, l’étape du bluff est passée, maintenant vous pouvez juste aller dans une boulangerie. Une fois revenu·e avec votre pain boule à 5 euros, reprenez.
Étape 2
Pain-surprise
LA DÉCOUPE
– Enlevez le chapeau du pain à l'aide d'un couteau et videz-le par l’intérieur sans couper le fond, comme une citrouille à Halloween. Sortez la mie et placez-la au congélateur au moins 1 heure.
– Coupez-la en deux, dans le sens de la hauteur.
– Coupez maintenant chacune des moitiés en huit (ou choisissez un chiffre au hasard et tentez votre chance).
Étape
3
LA GARNITURE ET L’ASSEMBLAGE
– À l'aide d'une spatule, garnissez vos tranches de mie avec les préparations de votre choix : saumon, jambon, fromage frais, tapenade… Sky is the limit, tout ce qui se mange peut être dans le pain-surprise, une strate après l’autre.
– Replacez vos tranches de mie de manière à les fermer comme un sandwich dont chaque bouchée est différente.
– Coupez-les en trois et disposez vos sandwichs dans le pain-surprise. Ni vu ni connu.
– Refermez le pain-surprise avec son chapeau (chic) puis filmez-le et conservez-le au frais jusqu'à la dégustation.
TADAAAM !
Et oui, la plus grande surprise du pain- surprise, c’est peutêtre qu’il n’est finalement pas si surprenant. Une pile de sandwichs dans une croûte de pain, en somme.
Le musée ambulant.
Exposition du 12 avril au 22 septembre 2024
À l’occasion de cette exposition, KIBLIND Magazine a demandé à 10 artistes lyonnais·es de créer des illustrations originales à partir d’une émotion suscitée par chacun des dix films de Miyazaki.
Retrouvez les 10 affiches sur : kiblind-atelier.com