Kiblind 66 - Automne 2018

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KIBLIND Magazine NumĂŠro Hasard



Agathe Bruguière pour KIBLIND et Uni-ball


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Agathe Bruguière pour Kiblind et Adobe

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Le hasard fait bien les choses.

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Photoshop


Photo : Florent Tanet Eli Serres

Édito Maintenant que Dieu est mort (pour certains du moins), il manque un truc. Qui va se charger de nous faire de petites surprises ? Qui va s’occuper de nous pendant les dimanches d’hiver ? Qui, enfin, va nous guider sur le chemin de la vie ? La science, bien sûr. La science évidemment. Mais comment comprendre ces cascades abstraites qui nous tombent dessus en se présentant comme vérités immuables et invincibles. Pour nous qui n’aimons rien d’autre que la fainéantise intellectuelle, il fallait un objet miracle, un concept qui centralise toutes les causes et les conséquences, un explicator. Le hasard remplit parfaitement ce rôle. Car il nous exempte de toute responsabilité et éradique raison, sens et mécanique pour ne laisser qu’un chaos confus d’où sortiraient aléatoirement des événements, des gens, de l’argent, une crotte de chien sous la semelle ou ce fabuleux Murphy faisant sa loi. Car il est simple, neutre et sans bavure. Car il est si doux de pouvoir trouver une explication qui ne demande pas d’explications, on se jette, on l’embrasse et on en parle pendant une bonne partie des 100 pages qui vont suivre.


Kiblind magazine n°66 Hasard - Automne 2018 ENTRÉE 10

ENQUÊTE

INTRO PICTOS

65

Hasard

Au hasard de Thierry Hazard

24

INTERLUDE

INTERVIEW

70

Kine Andersen

Comme par hasard

26

DISCUSSION

CRÉATIONS ORIGINALES

72

Hasards dessinés 34

DISCUSSION

La vie trouve toujours un chemin 52

RÉTROGRAPHIE

Les dés sont jetés 55

INTERLUDE

Bienvenue au casino

Au hasard de Genève REPORTAGE GRAPHIQUE

Le plaisir de perdre 75

DISCUSSION

Petite éloge des disques du hasard 81

PLAYLIST

Hasard par Pablo Padovani de Moodoïd

60

84

DISCUSSION

SORTIE 87

Un algorithme jamais n'abolira le hasard 62


Contributeurs

ROCA BALBOA Voilà une petite paie que nous adorons le travail de Roca Balboa, elle qui se balade sur la fine ligne qui relie la mignonnerie à la dépravation. Membre de Retard, vue chez Vice ou Brain et dans les diverses soirées où elle tatoue, elle continue mine de rien son œuvre de séduction.

ÉLODIE BOUHLAL Parce qu’elle possède un téléphone intelligent et qu’elle a donc le pouvoir de traîner sur Etsy, Pinterest, Instagram et Internet en général, on lui a demandé de nous dénicher les meilleurs créateurs, les meilleures collaborations, les choses jolies.

HARRY CATURE

KINE ANDERSEN Pour la couverture de ce numéro, nous souhaitions placer le brumeux concept du hasard dans le grand bain de l’efficacité. La Norvégienne Kine Andersen sait faire ça. Ses dessins ne tortillent pas, ils mettent des coups de latte. Celle qui a étudié à l’Université d’Oslo, puis de Bergen, et qui continue à vivre à Bergen ses 28 ans passés, prend un malin plaisir à ne pas tourner autour du pot. Elle le regarde, l’explose et repart. Le message ne fait pas un pli, le doute n’est pas permis. Passé le premier coup de sang, mille et un signes apparaissent et donnent à cette révolte soudaine la profondeur de la maturité. Les couleurs vives, qui nous ont assaillis immédiatement, laissent peu à peu apparaître les obsessions de Kine : le féminisme, la vanité des apparences et les addictions. Et c’est là qu’on est bien contents et hyper-fiers de vous présenter Kine Andersen, en couverture de notre numéro « Hasard ».

Un jour, on proposait à Harry Cature de repeindre le plafond de la chapelle Sixtine. Ayant du respect pour les jeunes, il laissa le boulot de Michel tranquille et retourna à sa passion : la comptabilité. Sinon, il fait sur Internet les meilleures caricatures depuis le gars de Montmartre, à Paris.

MATTHIEU CHIARA Parisien grand, talentueux ancien de la HEAR, Matthieu Chiara monopolise notre attention depuis deux ans grâce à son excellent Hors-Jeu (éd. L’Agrume) et son Dessins variés, effets divers à l’origine de sa présence ici.

MALINA CIMINO Passionnée de longue date par l’illustration et les jolies choses, Malina Cimino œuvre çà (Beware) et là (nous), et puis là aussi (agence Costume 3 Pièces) pour partager tout son amour. Elle fait bien.


Contributeurs

PABLO GRAND MOURCEL

ZELDA MAUGER

NICO PRAT

L’illustrateur parisien et membre du trio Maison Solide aime beaucoup dessiner de belles personnes car ça lui fait penser que chaque être humain possède en lui la faculté de vivre ses rêves et non de rêver sa vie. Alors il en dessine, beaucoup. Pour Trois Couleurs, Rixe et Vanity Fair, entre autres.

Ancienne graphiste chez Vice, aujourd’hui œuvrant pour Greenpeace, Zelda est également une dessinatrice. Elle a aussi pour hobby de combler chaque mètre carré de son appartement avec des piles compactes de livres, fanzines et autres bouts de papier reliés qu’elle adore.

Nicolas Prat s’est apparemment rendu indispensable aux yeux des rédacteurs en chef. Journaliste pour Rockyrama, C8 ou Tsugi il est aussi passé par Le Mouv, DumDum, Technikart et Gonzaï, et s’amuse avec son copain Joe Hume pour « Joe & Nico » sur MCM.

MICHEL LAGARDE

JULIEN « WAXIST » MINARRO

Férue de musique indépendante jouissive, Manon Raupp, depuis Toulouse, fabrique tout aussi indépendamment son fanzine Ductus Pop.

Michel Lagarde a su associer le statut de mémoire vivante de l’illustration française avec celui de connaisseur patenté des évolutions actuelles. Un savoir qu’il distille via ses éditions Michel Lagarde, son agence Illustrissimo et la Galerie Treize-Dix.

MAXIME LANCIEN Des gens qui savent apprécier la flânerie, il n’y en a pas tant. Maxime Lancien est l’un de ceux-là, spécialiste de la marche en ville, grand voyageur et fondateur de la formidable revue Le Paysageur avec Claire Fau. Il a aussi travaillé pour Le Monde diplomatique, Libération, Fish Eye, etc.

ALEXANDRE LÉCHENET Quand on dit Internet, il y a Nichonsnous dans l’internet qui va avec. Alors, quand on sent monter l’envie de web, c’est bien souvent qu’on se tourne vers ce brillant magazine. C’est là qu’on a trouvé Alexandre, son fondateur.

JULIA MAHLER ET ALICE SCHNEIDER / LA RÉGULIÈRE Convaincus que l’ouverture il y a un an de la librairie-café-galerie La Régulière (Paris) constituait un miracle en bonne et due forme, nous avons demandé à ses deux tenancières de nous donner leurs trucs et astuces pour lire des choses vraiment très jolies.

Collectionneur compulsif de vinyles, le Lyonnais Julien Minarro s’est vite rendu à l’évidence : il devait les partager. C’est pour ça qu’il est devenu DJ sous le nom de Waxist et qu’il œuvre pour Le Mellotron et LYL Radio ou encore compile des raretés pour Favorite Records.

GEOFFROY MONDE Si l’auteur lyonnais n’est pas aujourd’hui guide des savants du monde, c’est uniquement parce qu’il n’a pas candidaté. L’auteur de De rien, Serge et demi-serge et Tout ou rien est pourtant proche de savoir tout sur tout (97 %). Il partage avec nous ce qu’il entend par « techniques de dessin ».

NATACHA PASCHALE En un livre auto-édité, son Fake Vogue, Natacha Paschale a réussi à mettre à genoux tous les petits aficionados du dessin. Nous en sommes évidemment. Cyrillus aussi, la direction artistique de Grazia itou et les connoisseurs de chez Agent 002 également.

NICOLAS PELLION Quand on dit rap, il y a Nicolas Pellion qui va avec. Certainement l’un des meilleurs connaisseurs en France, il participe à l’émission « La Sauce » sur OKLM, a écrit pour l’Abcdrduson, Libération et Yard et a surtout créé son propre site Purebakingsoda.

MANON RAUPP

DAVID RAIFFÉ / LIBRAIRIE MOLLAT Lors de nos passages à Bordeaux, la librairie Mollat ne manque pas de nous attirer telle Juliette son Roméo. Son expert en graphisme, David Raiffé, a l’extrême obligeance de faire du zèle et de nous donner ses conseils livresques même hors les murs.

FLORENT TANET Ce directeur artistique parisien est ce genre de photographe qui mêle goulûment son art aux autres champs qui le passionnent, le graphisme et la sculpture au premier chef.

DELPHINE ZEHNDER Ancienne du Petit Bain parisien, Delphine est également amoureuse de la bande dessinée dont elle colporte les ébats autant qu’elle peut.


STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Direction Kiblind : Jérémie Martinez Jean Tourette  Gabriel Viry Team Kiblind  Magazine : Maxime Gueugneau & Agathe Bruguière - Alix Hassler - Jérémie Martinez - Elora Quittet Justine Ravinet - Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Réviseur : Raphaël Lagier  Merci à : Matthieu Sandjivy Direction artistique :  KIBLIND Agence (www.kiblind.com)

INFOS Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g et Symbol Freelife Gloss 200g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Orphéon (Marine Stephan) Imprimeur  : Musumeci S.P.A. www.musumecispa.it Édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . 27 rue Bouteille -  69001 Lyon 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris  04 78 27 69 82  - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé en France. www.kiblind.com. www.kiblind-store.com Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 16 pages pour la région Rhône-Alpes. ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Contact : redaction@kiblind.com


Établissement Culturel de la Ville de Paris


Entrée

12

IN THE MOOD Quotidiennement, nous développons des TOC lorsqu’il s’agit de stocker sur notre ordinateur tout ce qu’on voit passer et qui est beau. Ci-joint notre défouloir.

Revue

Novum > Typoint Revue

Decay > Acumulate Ldn

Disque

Whales de Brace Brace ! > Maxime Mouysset

Affiche

Marché noir 2018 > Sixtine Gervais

Disque

Lassen de Eventyrer Helena Lund Ek

Revue

Migrant #4 > Offshore Studio


Entrée

13

Flash Tattoos sur ces deux pages

> Léa Le Faucon

K7

Escapism de H Takahashi > Bobby Houlihan

Revue

Beneficial Shock! #3 > Phil Wrigglesworth

Disque

Asile de The Rebels of Tijuana Albert S. Rivera

Revue

Les Others > Jérémie Fischer Affiche

Thee Oh Sees > Arrache toi un oeil

Affiche

Freakshow festival > Félicité Landrivon Disque

New Center Of The Universe Vol.3, compilation > Carolyn Hawkins


Entrée

À L'ANCIENNE

14

Pour remédier à notre ignorance, le galeriste, agent et éditeur Michel Lagarde nous plonge dans l'œuvre d'une légende des arts dessinés.

Frans Masereel

Frans Masereel, autoportrait, tiré de Le Soleil, 1919

Frans Masereel est pour beaucoup le précurseur du roman graphique. Cet artiste engagé, humaniste et pacifiste n’aura de cesse de dénoncer à travers son travail les horreurs de la Grande Guerre et les ravages du capitalisme. Après un apprentissage à l’Académie des beaux-arts de Gand, il s’installe à Paris en 1911, où il fait la connaissance de Stefan Zweig, Romain Rolland et Pierre Jean Jouve, s'acoquine avec le Salon de l'Araignée et s’initie à la gravure sur bois. Après la guerre sortent quelques-uns de ses livres-clés dont Mon Livre d’heures, Le Soleil et Histoire sans paroles. Rendons grâce aux éditions Martin de Halleux qui se lancent dans une politique ambitieuse de réédition avec trois ouvrages extraordinaires pour faire découvrir cette oeuvre unique à une nouvelle génération de lecteurs : Idée et La Ville, ses deux chefsd'œvres, et la monographie monstre L’Empreinte du monde (664 pages !) qui retrace l’essentiel de son œuvre.

Frans Masereel, planche tirée de La Ville, 1925

Frans Masereel, autoportrait, tiré de Mon livre d'heures, 1919

Frans Masereel, planche tirée de La Ville, 1925

(1889-1972)

Frans Masereel, La nuit, 1936.

> Idée et L'Empreinte du Monde, sorties le 04.10. > La Ville, sortie en mars prochain aux éditions Martin de Halleux. > Exposition au Centre Wallonie-Bruxelles, à Paris, à partir du 07.11. > martindehalleux.com


Le communiquĂŠ de Natacha Paschale


Entrée

16

ARTISTE PAINT Harry Cature

Cristiano Ronaldo du Windows 95, Rafael Nadal du Paint, Harry Cature dessine la pop culture comme personne : avec un mulot.

FAITS DIVERS Matthieu Chiara Dessins variés, effets divers

Parfois, on adore se marrer des mésaventures de ceux qu’on appelle les vrais gens. On dirait que Matthieu Chiara aussi.


lieu infini d’art de culture et d’innovation direction José-Manuel Gonçalvès

2018 2019 au CENT UATRE PARIS la saison des 10 ans 01 53 35 50 00 www.104.fr

artistes : Christiane Jatahy, Anne Teresa De Keersmaeker, Zsuzsanna, Raphaël Dallaporta, Mathieu Pernot, Marie Vialle, Jean-François Spricigo, Bruno Beltrão, Walid Raad, Le Grand Cerf Bleu, Cirque Trottola, Winston McAnuff et Fixi, Lia Rodrigues, Yoann Bourgeois, Collectif OS’O, Sébastien Barrier, Erwan Ha Kyoon Larcher, BAUM & invités, Mélissa Von Vépy, Clara Le Picard, Benoît Bradel, Rosemary, Standley et Dom La Nena, Johann Le Guillerm, Pablo Valbuena, Christine Angot et Célie Pauthe, Chloé Dabert,

Tsirihaka Harrivel et Vimala Pons, Martin Zimmermann, Anne Paceo, Albin de la Simone et Valérie Mréjen, Elise Chatauret, Jacques Gamblin, Kaori Ito et Miraï Moriyama, Alessandro Sciarroni, Olivier Dubois, Thibaud Le Maguer, Théo Mercier et Steven Michel, Christian et François Ben Aïm, Emilio Calcagno, Mathieu DesseigneRavel, Alban Richard, le GdRA, Josef Nadj, Marco Da Silva Ferreira, Angelin Preljocaj, collectif les bâtards dorés, Chloé, Arthur H, BERLIN, Rokia Traoré, Fabrice Melquiot et Camille&Manolo, Dimitri de Perrot.


Entrée

18

POINTS À RELIER

LE KIKI BLUFF

Roca Balboa

Une Marie-Louise est une bordure de couleur neutre, placée entre le cadre et l’œuvre, dont l’objectif est de susciter le fameux « effet wahou ». Mais quelle est l’origine de ce terme ?

01 Il s’agit d’une tentative en scred de l’Académie française pour re-populariser ce prénom. 02 C’est une référence à Marie-Louise Bonaparte, la deuxième épouse de Napoléon, qui a rendu IN ce type d’encadrement à la cour impériale, dans les années 1810. 03 Au commencent était Michel Polnareff qui a voulu mettre en valeur une photo de sa Marylou. (Réponse 2, même si l’étymologie n’est pas formellement établie !)

TUTO

Geoffroy Monde


Entrée

19

JE

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EntrĂŠe

20

INSTANT INSTA

mindsparklemagazine

studio_lindhorst_emme

xavierlissillour

mica_warren

julesmagistry

mariemohanna

typeclass_lobe

studiofeixen

choodraws

Hey pssstt... ça se passe aussi par ici

zelootillustrations

klassethomas

kiblind



Photo : Florent Tanet


hasard hasard hasard hasard hasard hasard


intro pictos

24

Pour convoquer le hasard, certains parlent d’alignement des

. D’autres de loi

de Murphy. Ça dépend de l’humeur. On peut aussi jeter une paire de

mais

il faut bien savoir que jamais cela n’abolira le hasard. Peu importe les images dont on se sert et les métaphores qu’on empile : leur multitude indique l’omniprésence du hasard. Parce que l’omniscience est encore bien loin de nous, il reste l’explication la plus pratique. N’importe quel caillou dans la de

ou billet

dans le caniveau se retrouve

mis dans le même sac : celui du hasard.


Hasard

25

Il esquive les

et donne la réponse

unique. Il est ce vide de la pensée qui permet de le remplir de tout et n’importe quoi. Il explose la

de causalité

et répand son baume apaisant sur nos

anxieuses. On est allé tester

cette formule magique, la prendre dans tous les sens, depuis les

jusqu’au

digging, en passant par Internet, le jerk et la ville de Genève. On a aussi demandé à huit illustrateurs de nous dessiner leur vision personnelle du hasard. Car après tout, mieux vaut un discours.

qu’un grand



Interview

27

Kine Lilloy Buchanan Andersen dessine des femmes, dévêtues parfois et seules très souvent. Si la jeune Norvégienne en est arrivée là aujourd’hui, c’est tout sauf un hasard. Toute petite déjà, dans la petite ville de Porsgrunn, au sud du pays du Nord, elle fabriquait des magazines de mode qu’elle vendait à ses voisins, y compris au prêtre de l’église locale. Si l’illustratrice a posé aujourd’hui ses valises à Bergen,

Kine Andersen, la solitude pop venue du nord elle conserve un fort penchant pour la solitude et ses accessoires (cigarettes, lucky cat, chips, bière, tigre, etc.). Ses couleurs vives contrastent avec les visages mélancoliques des ses héroïnes. Sans doute le souvenir d’une adolescence face à la mer et à la dureté de ses congénères. Cigarette aux lèvres, elle scrute aujourd’hui la société et ses marqueurs générationnels pour mieux les détourner.


Comment expliques-tu ce choix de gamme colorée, si caractéristiques de ton travail ? À vrai dire, je ne sais pas exactement pourquoi ! Mais j’ai toujours aimé les couleurs fortes. J’aime le pop art et j’adore les années 1990. J’ai aussi une très mauvaise vue, alors peutêtre que cela a un impact sur les couleurs que j’utilise. J’ai aussi choisi cette palette de couleurs pour donner une cohérence à l’ensemble de mes illustrations, l’une de mes passions, sur Instagram et sur mon site, comme s’il s’agissait d’une collection.

De la même manière, de nombreux éléments reviennent dans tes dessins… Je mets beaucoup de moi-même dans l’illustration que je fais. La femme nue illustre la vulnérabilité des humains et le tigre la force intérieure que nous avons tous en nous, que nous ne voyons ni ne sentons pas toujours. La cigarette est présente comme un signe de lien social. Lorsque nous nous sentons seuls, c’est un moyen d’obtenir un contact social avec d’autres personnes. Les femmes que je dessine sont des personnes introverties qui voudraient pouvoir créer du lien avec l’autre, mais n’y arrivent pas toujours. Par conséquent, elles se retrouvent toujours seules à la maison, buvant et fumant des cigarettes au lieu d’aller faire la fête. Quant au chat porte-bonheur, c’est un symbole auquel tout être humain peut croire, s’il essaie juste de croire en lui-même.

Woman and fish

Es-tu devenue illustratrice par hasard ? J’ai toujours été intéressée par l’illustration, l’art et le design. Quand j’étais petite, je fabriquais des magazines de mode et je les vendais à mes voisins, y compris au prêtre de l’église locale. Je ne suis pas chrétienne, je ne suis pas protestante baptiste, mais il m’aimait bien quand même. J’ai étudié l’esthétique à l’université d’Oslo et l’art à l’université d’art et de design de Bergen. Je travaille maintenant comme illustratrice et artiste indépendante.

28

Bay

Interview

Beer

" Porsgrunn est une ville où être cool, c’est circuler en voiture, écouter de la trance et porter des petites jupes très serrées. Je n’étais pas ce genre de fille et je ne suis jamais vraiment rentrée dans l’adolescence."


The dogowner

Cellulite Party

Daddys little girl aint a girl no more

Kine Andersen 29


Interview

30

lLqour store

Ass Complex

" Je suis aussi très intéressée par le random art comme le graffiti et le graffiti removal, les brickwalls, la culture hip-hop et les combinaisons de couleurs aléatoires, les marques populaires (logos), l’industrie de la mode, le féminisme et l'architecture."


Qu’est-ce qui t’inspire ? Mon environnement c’est certain. Internet évidemment aussi. Ça dit beaucoup sur les pensées et l’apparence des autres. Je suis aussi très intéressée par le random art comme le graffiti et le graffiti removal, les brickwalls, la culture hip-hop et les combinaisons de couleurs aléatoires, les marques populaires (logos), l’industrie de la mode, le féminisme et l'architecture..

Great day for a White Trash wedding

Pourquoi l’adolescence est-elle aussi présente dans tes dessins ? Je viens d’une très petite ville de Norvège, qui porte le nom de Porsgrunn. C’est une ville où toutes les personnes du même âge, de la même génération se connaissent ou du moins savent qui vous êtes. C’est une ville où être cool, c’est circuler en voiture, écouter de la trance et porter des petites jupes très serrées. Je n’étais pas ce genre de fille et je ne suis jamais vraiment rentrée dans l’adolescence. Du coup, je me suis sentie un peu seule quand j’ai grandi. Lorsque je suis allée au lycée, je séchais souvent les cours et je prenais le bus jusqu’au terminus. La dernière station était à la pointe de la Norvège ; là, je pouvais m’asseoir et regarder la mer. Ici, si jamais vous prenez un bateau, vous arrivez au Danemark. C’était très agréable de rester assise là, d’être seule et de réfléchir. Maintenant, je suis entourée de gens qui m’aiment, mais j’aime toujours autant être seule, et je profite de la solitude très souvent. J’ai grandi en étant bisexuelle et cela m’a sans doute rendue un peu différente des autres personnes de mon âge. Je n’ai jamais eu peur d’être différente mais les gens, eux, avaient un peu peur de moi… Du coup, je n’ai jamais été victime d’intimidation ! Simplement les filles de ma classe m’ignoraient, et j’avais surtout des amis garçons.

31

Cry myself to sleep

Kine Andersen


Take me home

Interview 32


Kine Andersen

33

Eye of the tiger

Quelques références de films, de livres ou d’albums piochées au hasard dans tes classiques ? Un Pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence de Roy Andersson, La Course au mouton sauvage d’Haruki Murakami. Et Control de Joy Division. Et si tu pouvais rencontrer quelqu’un fortuitement lors d’une déambulation nocturne ? Bill Hicks (humoriste américain spécialiste de l’humour noir, mort à l’âge de 32 ans, en 1994)..

Wild Plastic

Oh boy

Et quels sont tes projets pour les mois à venir ? Je travaille sur un projet de faux groupe de musique avec mon amie Vilde Dansen. Le projet inclut une série de pochettes d’albums, des clips musicaux sans son et aussi une tournée qui n’a jamais eu lieu. Je fais aussi beaucoup de peinture ces jours-ci, que je vais exposer dans un futur proche. J’écris aussi beaucoup de

poésie, je ne sais pas ce que je vais en faire mais je pense que ça peut peutêtre donner un livre un jour. Quand j’aurai pris un peu de distance avec la douleur de mes mots. Pour finir, quelques mots sur cette femme en couverture ? C’est une femme seule. Elle passe beaucoup de temps au casino local pour rencontrer des gens. Elle a vraiment tendance à fumer beaucoup, mais elle se sert de ses clopes pour parler aux gens qui fument comme elle. Après avoir passé beaucoup de temps au casino, elle est devenue accro au jeu et ça a causé sa perte. Elle n’a plus d’argent. Elle essaie de se refaire… en jouant au casino… Ce n’est pas une fille très chanceuse. Elle est du genre à manger beaucoup de bonbons et à en faire son régime. J’espère qu’elle rencontrera quelqu’un qui pourra la rendre heureuse et chanceuse pour une fois. Interview : Jérémie Martinez Portrait : Kine


Créations originales Créations originales Créations originales Créations originales


Paul Lannes | Ciel dégagé en fin de journée


Créations originales

36

PAUL LANNES Un jour, Paul Lannes est descendu de son petit village entouré de montagnes en Haute-Savoie pour se frotter à deux des meilleures écoles d'art : la HEAD de Genève puis la HEAR de Strasbourg. Bien lui en a pris car il a pu alors participer à la fondation de deux collectifs, Repro du Léman et Mökki et sortir A qui appartiennent les ombres quand il n'y a plus personne et Les Cendres avec Manon Debaye. De très très bonnes choses. Aujourd’hui, il vit toujours à Strasbourg où il occupe ses journées à se promener et dessiner des couchers de soleil. paul-lannes.tumblr.com

COMMENT AS-TU PENSÉ TON DESSIN ? Je me promenais dans une forêt en montagne en me demandant quel dessin le hasard allait pouvoir m’inspirer. Un orage a commencé à gronder et à se rapprocher dangereusement. Je tentai de me rassurer : « Je suis entouré d’une quantité d’arbres fièrement dressés vers le ciel et tous plus attrayants que moi. Ce serait un sacré manque de chance si la foudre venait à me tomber dessus ! » Pourtant, on ne sait jamais … Pressant le pas, je me promis que si je survivais à ce déluge, je témoignerais

de cet épisode par une image inspirée de cette expérience. Je dépeindrais la petitesse de l’homme face aux catastrophes de la nature. Saviez-vous d’ailleurs que les aléas naturels étaient nommés « natural hazards » en anglais ? À ce titre, quoi de plus aléatoire que la chute d’une météorite ? Bonne nouvelle, j’ai survécu.

LA DERNIÈRE CHOSE QUI TE SOIT ARRIVÉE PAR HASARD ? Vous ne m’aurez pas à ce jeu-là. Je sais que le hasard n’existe pas. Il n’y a que des rencontres de causalités

différentes, imbriquées les unes aux autres. Seule les limites de notre esprit nous poussent à décrire comme « hasardeuse » la survenue d’un évènement dont la prédictibilité est trop complexe.

PILE OU FACE ? ARGUMENTE. Je choisis pile. Qu’il y a t’il de plus fascinant que de s’intéresser à l’envers du décor, de plonger dans les eaux troubles qui se cachent derrière le visage d’un homme ou d’une femme, de s’aventurer là où l’être humain n’est pas ?


Holly Stapleton | Lucky Bamboo


Créations originales

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HOLLY STAPLETON De son propre aveu, la Canadienne Holly Stapleton, 23 ans, passée par la Concordia University de Montreal, est nouvelle dans le monde de l’illustration. De notre point de vue, on dirait qu’elle est déjà au-dessus de pas mal de gens plus expérimentés. Ce qui, apparemment, se voit pour d’autres gens puisqu’elle nous avoue avoir déjà pas mal de clients. Une gloire pour laquelle elle aime remercier les forces mystérieuses de la nature ainsi qu’Instagram. hollystapleton.ca

EXPLIQUE-NOUS TON DESSIN. J’étais très contente de pouvoir faire quelque chose sur ce sujet parce que le hasard, la fortune est un concept très important dans ma vie. J’ai eu la chance dernièrement de faire de super collaborations avec des artistes et entreprises que j’adore. On dirait qu’il y a une sorte de mystérieux retournement de la situation, du destin. J’ai dessiné une sorte d’autoportrait, me mettant

en scène dans cette zone spéciale qu’il me semble avoir trouvée dans un coin de ma tête, où naissent les idées. Là où les connexions se font.

CROIS-TU AU DESTIN ? Je crois au destin mais les événements récents m’ont conduite à penser que le destin n’est pas quelque chose sur lequel on n’a aucune prise. On dirait bien que la chance peut se trouver si on regarde à la bonne place.

EST-CE QUE TU AS AIMÉ LUCKY GIRL AVEC LINDSAY LOHAN ? Je l’ai vu il y a très très longtemps. J’ai aimé la façon dont il explore ce concept des forces de la nature sur lequel on n’a aucun contrôle.


Marie Mohanna | Le Temple d'Or


Créations originales

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MARIE MOHANNA 25 ans, un diplôme à l'ECV Paris, des amis chez Quintal éditions, une parution dans Papier Magazine et, ah oui, déjà deux romans graphiques (Infiniment chez Bang éditions et Dans son ombre). Oui, voilà, c'est comme ça qu'on distingue les prodiges du reste de la population. mariemohanna.fr

COMMENT AS-TU PENSÉ TON DESSIN ? Selon moi, le casino, c’est le temple du hasard. Et celui de Monaco est le plus fou que j'ai vu. Il se situe dans un bâtiment somptueux de style belle époque, conçu par Charles Garnier. Le côté traditionnel de la salle et les moulures tranchent complètement avec les machines à sous hyper futuristes. Le tout donne une impression de flottement dans un espace-temps pas du tout définissable. C'est ce que j'ai voulu représenter ici.

LA LOI DE MURPHY, HASARD OU RÉALITÉ SCIENTIFIQUE ? Si j'en crois mon expérience je dirais que c’est carrément une réalité scientifique. (A ce propos, et c’est pas une blague, mon ordi a planté pour la première fois de son existence pendant que je finissais cette illu...). Malgré tout, je reste quelqu’un d'optimiste alors je préfère croire que c’est juste le hasard qui fait mal les choses...à chaque fois.

TA TECHNIQUE POUR GAGNER À LA BATAILLE Si c'est moi qui mélange, et qui distribue, je suis à peu près certaine de gagner. Ou sinon je joue contre un super mauvais joueur. Ils sont tellement convaincus d'être seuls face au monde entier que peu importe le jeu, ils perdront tout le temps.


Marylou Faure | Lucky Charm


Créations originales

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MARYLOU FAURE Les créations jolies de Marylou Faure ont l'incroyable pouvoir de susciter l'adoration de tous. À 28 ans, la Londonnienne diplômée d'un master en Art Graphique et Direction Artistique à Penninghen, est en effet à la tête d'un gigantesque peloton d'admirateurs parmi lesquels on peut compter Fubiz, Creative Review, It’s Nice That, Etapes, YCN, etc. www.maryloufaure.com

COMMENT AS-TU PENSÉ TON DESSIN ?

TON PREMIER ACHAT SI TU GAGNES AU LOTO ?

J’ai voulu représenter le Hasard d’une façon ludique, avec un personnage qui joue ces amours sur une partie de dé.

J’achète un appart quelque part pour avoir un pied à terre et ensuite je pars voyager :)

TU PARIES COMBIEN ? Pas grand chose :) 5-10 euros maximum!


Anapurna| The Hunt


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ANAPURNA Ana Sainz Quesada est une artiste et illustratrice madrilène doublement diplômée de l’Universitat de Barcelone (beauxarts) et de l’Universidad Complutense de Madrid (professorat) qui doit sans doute avoir le pouvoir de se décupler puisqu’elle fait de la peinture, du dessin, de la gravure, de la broderie, ses propres vêtements, des peintures murales et travaille sur son second roman graphique. Et en plus, ça marche : le premier, Chucrut, a reçu le Fnac-Salamandra Graphic Prize. www.instagram.com/anapurna_

EXPLIQUE-NOUS TON DESSIN. D’habitude, je n’explique pas mes dessins en termes de sens car je pense que chacun doit voir ce qu’il a envie de voir et essayer, dès le premier coup d’œil, de chercher une signification cachée, même si une explication peut avoir lieu par la suite. Puisque tu me demandes, je dirais ça : quand j’ai pris connaissance du thème, j’ai immédiatement pensé aux stands de tirs des fêtes foraines et aux compétitions

d’armes à feu. Les deux ont leur lot de hasard, de chance, de fortune, mais dans l’un il ne s’agit que d’un jeu là où dans l’autre on joue avec des armes véritables qui peuvent nous ôter la vie – la vie qui est en soi toujours une question de chance et de fortune.

ES-TU UNE FEMME CHANCEUSE ? Ça dépend de quoi on parle. Je me sens très chanceuse : j’ai une famille et des amis merveilleux – ce sont vraiment

les meilleurs – et je fais ce que j’aime le plus, même si c’est pas évident d’en vivre. D’un autre côté, dans ma vie de tous les jours, je suis un manche. La loi de Murphy est mon quotidien.

SUR QUEL CHIFFRE TU JOUES AUX DÉS ? ARGUMENTE. 3. C’est un chiffre sournois. Parfait pour vivre en coloc, et pas tant quand il s’agit du couple. J’ai toujours aimé la difficulté


Pepa Prieto Puy | Hasard


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PEPA PRIETO PUY Tout droit venue de Galice pour apporter mélancolie, humour et magie à la morosité du quotidien, Pepa est chez nous la bienvenue. Elle a commencé son aventure graphique avec le collectif Firecream puis a continué en diffusant les aventures de son mignon enfant, Jessenia le Ténia, chez Tik Tok, Fosfatina et RV papers. Elle travaille actuellement à deux comics, toujours dans l’édition indépendante. pepaprietopuy.tumblr.com

COMMENT EST VENUE L’IDÉE DE TON DESSIN ? J’ai simplement pensé à des situations où le hasard intervenait.

POURQUOI ON CONTINUE DE JOUER AUX JEUX DE HASARD ALORS QU’IL N’Y A AUCUNE CHANCE DE GAGNER ? Peut-être parce que c’est important d’avoir cette petite part de magie dans nos vies, où on perd le contrôle.

PIERRE, FEUILLE OU CISEAUX ? ARGUMENTE. Papier, parce que tu n’imagines pas à quel point ça peut être puissant.


Sara Kakizaki | Looking Around


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SARA KAKIZAKI Cette tokyoïte de 27 ans nous était encore inconnue il y a peu. Drame de vivre à 9 884 km de la capitale japonaise sans doute. Et puis nous avons installé Internet et, miracle, nous avons pu prendre connaissance du travail d’illustration de cette ancienne étudiante en graphisme, ayant travaillé avec les bières Kirin, les bières Heartland, Magazine House Co. et NHK Publishing. Pas encore de publication, mais on espère beaucoup. sarakakizaki.jimdo.com

EXPLIQUE-NOUS TON DESSIN. Regarde autour de toi, le hasard est partout.

POURQUOI KYLIE MINOGUE DEVRAIT-ELLE ÊTRE PLUS CHANCEUSE ?

QUEL NUMÉRO TU CHOISIS À LA ROULETTE ? POURQUOI ?

Elle est déjà assez chanceuse comme ça.

Mon anniversaire est en août. Du coup, je choisirais probablement le 8 pour mon premier coup.


Victoria Roussel | Printemps Arctique


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VICTORIA ROUSSEL Cette chère Victoria Roussel, 26 ans, lyonnaise, séduit notre œil avec insistance depuis maintenant quelques années. C'est la faute, sans doute, à la qualité de ses illustrations au style unique, surfant entre onirisme et fantastique. Et grâce à cela, sans doute que cette diplômée d'un Master en communication culturelle a pu travailler avec le CNRS, la Gaité Lyrique, La Maison du Chocolat, la revue Pli et bien d'autres. victoriaroussel.com

COMMENT AS-TU PENSÉ TON DESSIN ? Comme un ballet fantastique de sculptures aléatoires, déambulant au hasard du vent et des courants.

QUI DANS LA 5E COURSE ? Alors dans la 5e c'est direct Ablette (les joueurs de The Witcher comprendrons)

HÉRACLITE A DIT « UN TAS DE GRAVATS DÉVERSÉ AU HASARD : LE PLUS BEL ORDRE DU MONDE ». D’ACCORD OU PAS D'ACCORD? Plutôt d'accord, même si je dois avouer que si on dispose ces gravats en de beaux Cairns, c'est un bel ordre tout aussi appréciable!


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Discussion

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La vie trouve toujours un chemin

Jurassic Park, classique du cinéma réalisé par Steven Spielberg, aurait tout aussi bien pu être un classique du cinéma réalisé par James Cameron. L’affaire ne s’est jouée qu’à quelques heures. Alan Grant, interprété par Sam Neill, aurait pu avoir les traits de Harrison Ford. Ian Malcolm, ceux de Jim Carrey, si Jeff Goldblum n’avait passé son audition avant. La vie est une question de hasards. Elle trouve son chemin parfois en dépit du bon sens, ou de nos envies. Mais elle le trouve. Et, comme nous l’explique la « rock star » Malcolm tout au long du film sorti en 1993, « c’est comme ça ».

Petit rappel des faits à l’attention de celles et ceux qui dorment depuis près de trois décennies : à partir d’une goutte de sang absorbée par un moustique fossilisé, le milliardaire John Hammond et son équipe ont réussi à faire renaître des dinosaures. Il s’apprête maintenant à ouvrir le plus grand parc à thème du monde. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Pas vraiment un spoiler : les dinosaures bouffent tout le monde. Voici pour le pitch du film. Un film inspiré d’un livre, paru en 1990. Le titre est le même, le pitch est le même, mais l’auteur, Michael Crichton, a pris grand


Nico Prat

soin de saupoudrer son intrigue de milles références scientifiques, théories étranges et dessins complexes. Il est comme ça : diplômé de la Harvard Medical School, le natif de Chicago est fasciné par les avancées scientifiques de son temps, qu’il n’hésite pas à mettre en scène. Ses détracteurs voient en lui un charlatan utilisant à mauvais escient des concepts qu’il ne maîtrise pas. Ses fans et la presse en font le pionnier d’un nouveau genre, le techno-thriller. Et dans Le Parc jurassique, c’est peu dire qu’il se fait plaisir, trouvant le moyen de mécontenter tout le monde. Comment ? La théorie du chaos. Concept à la fois flou et précis. La théorie du chaos a vu le jour vers 1900, lorsque des mathématiciens comme Jacques Salomon Hadamard (1865-1963) et Jules Henri Poincaré (1854-1912) se penchèrent sur l’étude des corps en mouvement. Flash forward, en 1960 : Edward Lorenz, chercheur en météorologie dans le Massachusetts, tente de mettre au point un système d’équations visant à modéliser la convection, c’est-à-dire le transfert d’énergie thermique au sein d’un fluide en mouvement, dans l’atmosphère. Simple ? Sur le papier, oui. Mais c’est là qu’il réalise ce qu’est le chaos, et qu’il peut poser des mots dessus : des modifications extrêmement infimes des conditions initiales conduisant à des résultats différents, imprévisibles. En 1963, Lorenz fait

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part de sa trouvaille, et déclare dans un article que le battement d’ailes d’un papillon à une extrémité du globe pourrait bien modifier le climat à l’autre extrémité. La théorie du chaos, ou l’effet papillon, c’est cela. Pour représenter cette théorie, les chaoticiens utilisent des itérations (que Crichton représente dans son roman). Maintenant, recollons les morceaux. Ian Malcolm l’explique lui-même dans Jurassic Park : « Le Tyrannosaure n’obéit à aucun schéma de groupe ni aucun horaire de parc d’attraction. C’est l’essence du chaos. » Ian Malcolm, tout au long du film, et plus encore du roman, bien plus riche en science que son adaptation sur grand écran, est en quelque sorte un prophète. Du chaos donc. Visitant le laboratoire où sont fabriquées les bestioles, Malcolm interroge tout naturellement un des scientifiques sur la possibilité pour les dinosaures de se reproduire entre eux. On lui assure qu’aucun dinosaure ne peut naître en dehors du laboratoire, car ce sont uniquement des femelles. Réponse sans équivoque : « S’il y a une chose que l’évolution nous a apprise, c’est qu’on ne peut maîtriser la vie. Elle se libère… elle brise toutes les barrières ». Nous sommes au tout début du film. Nous avons beau connaître l’histoire, et donc savoir qu’en effet un malheur va se produire, Malcolm, ici, verbalise le chaos, tout simplement en repérant ce que nous pourrions appeler un angle mort, soit une minuscule

« Le Tyrannosaure n’obéit à aucun schéma de groupe ni aucun horaire de parc d’attraction. C’est l’essence du chaos. » Ian Malcolm


Nico Prat

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itération, entraînant par la suite des catastrophes : ici, un fragment d’ADN de crapaud permettant en effet aux dinosaures de changer de sexe, rendant le parc instable. Mais là encore, le film ne fait que survoler l’aspect scientifique de toute l’entreprise. Le roman, lui, en est riche. Au début de chaque chapitre, un diagramme, emprunté à la théorie du chaos, annonce l’entropie qui condamne le projet. Le destin à la grecque est ici remplacé par la théorie du chaos, qui condamne un système fermé à évoluer vers le désordre. Ollivier Pourriol est un philosophe, romancier, essayiste et conférencier, et fan de Jurassic Park, le livre. Selon lui, « il s’agit là d’une belle réactivation d’un mythe, modernisé en utilisant la science contemporaine comme une nouvelle forme du destin. Les Grecs appellent ça l’hubris, le défaut de celui

qui sort de l’ordre naturel et se prend pour un dieu. La dikè, ou justice naturelle, fait que tout revient à l’équilibre à la fin, selon une loi de compensation stricte : celui qui a fait preuve de démesure doit être ramené à la mesure. C’est un livre dont le projet est inspiré de la philosophie grecque, et qui utilise la science contemporaine et la théorie du chaos pour moderniser le mythe de Prométhée ». Le chaos et le hasard donc, comme éléments déterminants d’un destin qui serait en fait, finalement, tout tracé. Le hasard, une fois théorisé, existe-til encore ? Ian Malcolm avait en tout cas vu juste. La vie trouve toujours un chemin. Et ça fait mal !

Texte : Nico Prat Images : Kiblind

Six films sur le hasard Le Hasard

Slice

Réalisé en 1981 par Krzysztof Kieslowski Un homme, une gare, un train en marche, et trois destinées potentielles : attraper le train, lui courir après, ou calmement le regarder filer. Le film, interdit pendant six ans par le régime communiste en Pologne, dépeint ses trois possibilités. Le Festival de Cannes et Martin Scorsese admirent. Nous aussi.

Réalisé par Austin Vesely en 2018 Rien à voir avec le hasard, mais cette production A24 sur le meurtre d’un livreur de pizza dans lequel Chance The Rapper tient un rôle pivot nous intrigue au-delà du raisonnable. Zazie Beetz, alias Domino dans Deadpool 2, est également de la partie. Coïncidence ? Sans aucun doute.

Deadpool 2

Lady Chance

Réalisé en 2018 par David Leitch “Mais c’est quoi son pouvoir exactement ?”. Telle fut la question des novices en sortant de la salle face à la prestation de Zazie Beetz, vue dans Atlanta, et ici dans le rôle de Domino. Réponse courte : la chance, son cerveau contrôlant automatiquement les objets autour d’elle. Une mauvaise chute ? Un canapé pour amortir le choc, là, posé, par hasard. Le film est aussi nul que le pouvoir est cool.

Réalisé par Wayne Kramer en 2003 Réparons ici autant que possible cette injustice : personne n’a vu Lady Chance, alors laissez sa chance à ce petit film d’une rare douceur. William H. Macy y joue un poissard embauché par un casino pour propager un peu de cette poisse sur les joueurs. Il rencontre un jour une femme, chanceuse, elle. L’amour est au rendez-vous. Et c’est très beau.

Les Choses de la Vie Réalisé par Claude Sautet en 1970 Le hasard, il est là sans qu’on le sache, sans qu’on n’y prenne réellement garde. Claude Sautet a mis en images ces petits moments qui ne portent pas de nom. Un monument, tout simplement.

Yes Man Réalisé en 2008 par Peyton Reed Jim Carrey décide un beau jour de répondre Oui à tout, quelle que soit la question, quel que soit le défi. Film banal dans la veine d’un Menteur Menteur sorti onze années auparavant, Carrey y tente le tout pour le tout. Dommage que le film ne soit pas à la hauteur de son pitch, malgré deux ou trois belles fulgurances.


Rétrographie

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Les dés sont jetés Hasard, jeu et géométrie

Aurélie Noury - Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (rubik's cube), 2005 - Encre noire appliquée au pochoir, 6,3 x 6,3 x 6,3 cm


Rétrographie

On compare souvent la vie à un jeu, plus ou moins heureux, dans lequel on ne gagne pas à tous les coups. On paye même parfois durement le prix d’une manche, et en définitive, à la fin on perd toujours la partie. Est-ce une fatalité ? En un double sens, oui. Mais les chemins sont nombreux et les sentiers pas forcément balisés. Si bien qu’il arrive parfois qu’au croisement de deux routes, on se retrouve dans l’incapacité rationnelle de prendre une direction. Pourtant il faut avancer. Alors on jette les dés. Et on croise les doigts pour que le hasard nous ait conduits vers le bon choix, et que la chance nous soit favorable. Le gain se révèlera, toujours, plus tard. Ainsi soit-il.

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Le hasard, c’est l’expression figurée de notre humaine limite. S’il n’y avait pas cette part d’incertitude, petit grain de magie qui rend un résultat imprévisible, cette invisible cause qui produit une conséquence indéterminée, bref, si nous savions tout d’avance, eh bien nous serions des dieux. Le flot ininterrompu des événements s’avancerait, prévisible et imperturbable, sans plus jamais nous surprendre. Et on s’ennuierait sacrément. Heureusement, l’Homme n’est ni infaillible ni omniscient. Ce qui lui permet de goûter aux choses de la vie en prenant les bonnes et mauvaises décisions durant un temps indéterminé, mais certainement compté.

Aléa et autres coups du sort Hasard, ce mot qui sonne comme un vent chaud du Sud de la Méditerranée, vient de l’Arabe az-zahr, qui signifie littéralement le dé, et par extension le « jeu de dés ». Zahr veut aussi dire « fleur », et un dessin en ornait la face victorieuse du cube. On comprend mieux pourquoi les dés sont la plus belle métaphore du hasard : ils sont une seule et même chose. Déjà les Romains avaient usé de l’objet ludique pour nommer cette force qui fait barrage à l’anticipation : l’ « alea jacta est », que l’on traduit habituellement par « le sort

Le hasard, c’est l’expression figurée de notre humaine limite.

(1) Dés et jetons antiques

(2) Dés de rôliste


Les dés sont jetés

en est jeté » grâce aux fins interprètes de César au bord du Rubicon, faisait avant tout référence au cube qui sert à jouer. Alea, c’est le jeu de dés. On raconte que les dés existent depuis toujours (1). Ils seraient les descendants des osselets, issus des os de la cheville ou du poignet d’animaux, notamment l’astragale, jeu auquel on joue depuis la Préhistoire. Partout dans le monde antique on trouve leur présence : dans les tombes de la vallée de l’Indus, sur les bords du Fleuve jaune ou dans la vallée du Nil. On connaît la numérotation étrusque grâce à la découverte de dés en ivoire portant les six premiers chiffres, et on sait par ailleurs qu’ils étaient très populaires à Rome pour le jeu ou la divination, bien qu’ils fussent rigoureusement interdits, sauf durant les Saturnales, les grandes fêtes du solstice d’Hiver. Les chevaliers jouaient aussi beaucoup pendant les longues périodes de siège et c’est d’ailleurs certainement à l’époque des Croisades qu’ils ramenèrent le mot arabe dans leurs coffres à butin.

Les Cinq Solides de Platon Les six faces du dé doivent leur origine à la forme primitive de l’astragale, progressivement buriné pour arriver au volume homogène et régulier du cube. Le hasard est alors limité à six possibilités. Ce qui tombe assez bien, puisque les érudits associaient volontiers le chiffre 6 à l’Univers, nombre idéal, symbole de l’harmonie, de la beauté et de la perfection. Les faces du dé indiquent les 6 directions possibles : le haut, le bas et les quatre points cardinaux ; et traditionnellement, la somme de deux faces opposées donne 7 (1+6 / 2+5 / 3+4), un autre chiffre-absolu

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(3) David Mazzucchelli, Asterios Polyp

Tétraèdre, hexaèdre, octaèdre, dodécaèdre et icosaèdre. (4) Les polyèdres platoniciens comme symboles des éléments constitutifs de l’univers


Rétrographie

qui rassemble les quatre éléments et les trois principes alchimiques, image de la grande union de l’Esprit et de la Matière. C’est dire comme un simple dé est chargé sur le plan ésotérique. Peut-être simplement parce qu’il est impossible de voir plus de trois faces en même temps… Mais il existe encore bien d’autres modèles, permettant ainsi de faire de la numérologie à volonté. Rendus populaires dans les 70’s par le développement des jeux de rôle, les dés plus excentriques à 4, 8, 10, 12 ou 20 faces (2) ont fait leur apparition sur les plateaux bouillants de Warhammer et Donjons et Dragons. Le « rôliste » a en général toujours avec lui sa trousse, avec des stylos pour remplir sa fiche de perso et le pack indispensable de D4, D6, D8, D10, D12 et D20, pour les tirages et les lancers. Là où le jeu rencontre à nouveau la géométrie, la philosophie et la mystique, c’est que – par hasard ? – les cinq principaux dés à jouer correspondent exactement aux polyèdres réguliers fondamentaux, autrement appelés les « cinq solides de Platon ». Ces cinq volumes emblématiques de la géométrie euclidienne, admirés par les mathématiciens pour leur symétrie, leur esthétique et leur perfection, sont les seuls solides convexes, taillés dans la sphère, à posséder des faces polygonales identiques et régulières (3). Par ordre croissant, et selon la numérotation grecque : le tétraèdre, 4 faces, 4 triangles équilatéraux ; l’hexaèdre, 6 faces, 6 carrés ; l’octaèdre, 8 faces, 8 triangles équilatéraux ; le dodécaèdre, 12 faces, 12 pentagones ; l’icosaèdre, 20 faces, 20 triangles équilatéraux. De quoi ouvrir au hasard le champ des possibles. La vitalité de ces cinq formes et leur association au philosophe tiennent aussi au fait que Platon les a rattachés dans le Timée aux symboles élémentaires

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(6) Tarot de Grimaud

le Bateleur est la première lame des arcanes majeurs du Tarot. Il ouvre le jeu en lançant les dés.

(6) Les joueurs, Georges de La Tour


Les dés sont jetés

du Cosmos : le tétraèdre pour le Feu, l’hexaèdre pour la Terre, l’octaèdre pour l’Air, l’icosaèdre pour l’Eau, et le dodécaèdre pour l’Univers tout entier (4). Et reliés ainsi à la mécanique cosmique, ils ont rejoint la postérité éternelle des Idées-Formes. Pas mal pour de simples dés. Aujourd’hui, il est possible de trouver des dés à plus de 20 faces, bien plus. Le top, c’est le zocchièdre, un dé à 100 faces, une sphère presque parfaite, mais dont l’utilisation est laborieuse tellement il roule bien.

« Dieu ne joue pas aux dés » Nous sommes en 1927, au 5e Congrès de Solvay. L’évènement rassemble la fine fleur des physiciens du début du siècle, réunis pour parler électrons et photons. À cette époque, l’ère de Newton et du déterminisme est en train de s’effriter, après avoir connu l’âge d’or durant le grand siècle du scientisme. On parle à présent d’incertitude, d’indécidabilité, d’indétermination. Le Hasard semble s’immiscer dans la froide rigidité des sciences dures, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. C’est dans ce contexte qu’Einstein lâche sa célèbre phrase aux admirateurs d'Heisenberg et de l’École de Copenhague : « Dieu ne joue pas aux dés ». Einstein n’était nullement déiste, et même franchement athée. Ce qu’il a voulu exprimer ainsi, c’est que le hasard n’existe pas dans la Nature, en tant que mécanique. Tout est soumis à des lois de causalité incontournables. Mais tout ne se calcule ni ne se prédit pour autant. Sans quoi on réintroduirait le fatum dans le monde. Par exemple, dans le cas d’un lancer de dés (5) : en théorie, si nous maîtrisions l’ensemble des éléments du système physique au moment

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de jeter le dé, c’est-à-dire que nous possédions la connaissance totale et parfaite du dé lui-même (forme, matière, équilibre, position des arêtes), de la main qui le lance (caractéristiques anatomiques, peau, fermeté, chaleur), de la surface où il atterrit (matière, résistance, dureté, pente, aspérité) et du mouvement de jet (orientation, inclinaison, force), alors, avec une absolue précision, il serait physiquement possible de réussir son jet à tous les coups. Et sans tricher. C’est d’ailleurs sans doute pour ça que les casinos favorisent l’usage de gobelet et d’un tapis vert bien réglementé.

Mais nous ne sommes pas des machines. Alors nous croyons au hasard, à la contingence, au fortuit, à la chance et la fortune ! Et nous allons gaiement à la table du Bateleur (6) pour lui voler ses dés et les jeter en l’air. Quoi de plus romantique en fait que de mettre sa raison en pause le temps d’une aventure à la croisée des chemins, non par fatalisme, surtout pas, mais par pure esthétique : pour la beauté du geste. Alors hurlons avec Mallarmé, dans une entêtante houle typographique (7) : « un coup de dé jamais n’abolira le hasard ».

(7) Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (Extrait)

« Toute Pensée émet un Coup de Dés » (Stéphane Mallarmé) Texte : Jean Tourette


Interlude

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Bienvenue au casino En milliards de dollars, revenu brut des casinos mondiaux en 2016

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Part représentée par les casinos dans le chiffre d’affaires mondial des jeux d’argent, en 2017

Plus grand casino du monde : 7e plus grand bâtiment de la planète, 3 400 machines à sous, 870 tables de poker, 3 000 chambres, 24 restaurants-bars

26 %

Venetian Macao, Chine

LAS VEGAS ÉTABLISSEMENTS POSSÉDANT UNE LICENCE DE JEU

TEMPS MOYEN PASSÉ PAR UN VISITEUR À JOUER EN UN JOUR

FRANCE

1200 3,9H 201

87,32 %

Casinos en France, en 2017

La part des machines à sous dans les recettes des casinos français, en 2017

EN MILLIONS DE DOLLARS, PLUS GROS JACKPOT JAMAIS REMPORTÉ EN 2013 (39 710 826 $ EXACTEMENT)

40

520 000 euros Nombre de braquages du casino d’Annemasse entre 2003 et 2016, le record de France !

Plus gros vol réalisé dans un casino, en 2003… à Annemasse !


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Illustration : Agathe Bruguière Texte : Alix Hassler

Le casino est un monde à part. Décors scintillants, cliquetis incessants, les verres s’y remplissent et les porte-monnaie s’y vident. Les veinards au jeu y croisent les insomniaques fauchés, les yeux roulants inlassablement au rythme des machines à sous. À la recherche d’un bon shoot d’adrénaline ou d’une fortune miraculeuse, les aventuriers de la nuit bâtissent la légende d’un lieu qui empoche le jackpot en faisant espérer un coup de pot.

Joueurs de légende The Run

Suitcase Man

Entre 1992 et 1994, Archie Karas fait fructifier 50 dollars de mise initiale en 40 millions de dollars. Une ascension fulgurante qui lui vaut le juste surnom de « The Run ». Mais la roue tourne toujours et dès 1995, notre flambeur file à toute blinde vers les bas-fonds des montagnes russes de sa vie. Il laisse échapper, en trois semaines à peine, 11 millions de dollars au craps, 2 millions au poker et 17 autres au baccara. Pas d’bol.

En 1980, un dénommé William Lee Bergstrom se pointe au casino Binion’s Horseshoe de Las Vegas avec deux valises en mains. L’une contient 770 000 dollars ; l’autre est vide. En posant sa valoche pleine sur la case « Ne passe pas » d’une table de craps, Willy tente le diable et force le destin puisque le chanceux barjo double sa mise. Il gagne au passage un surnom plutôt classe.

The Kid

Prince of Whales

Considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire, Stuart Errol Ungar, dit « The Kid », a remporté 3 fois les championnats du monde de poker (seul Johnny Moss, surnommé the Grand Old Man, en a fait autant). Mais derrière les millions du Kid se cache un tas de poudre blanche. Après avoir commencé à consommer de la coke pour rester concentré au jeu, l’homme ne s’arrête plus de prendre des lignes, jusqu’à en mourir, retrouvé inerte dans une chambre de Las Vegas en 1998.

Passionné de blackjack, le milliardaire australien Kerry Francis Bullmore Packer a empoché des gains faramineux. Son plus gros coup : 19,5 millions d’euros au MGM Grand Las Vegas. Un joueur si veinard que le « Prince of Whales », après avoir touché 10 millions de livres, fut tout bonnement interdit de se rendre au casino Crockfords de Londres. Il déclara, un brin crâneur : « J’ai toujours rêvé d’être exclu d’un casino pour avoir trop gagné. » Nous aussi. Sans oublier Patriiiiiick Bruel !

Le cocktail de l’automne Rien de tel qu’un casino cocktail pour épater vos amis au cours d’une soirée jeux. Mélanger dans un shaker, avec de la glace pilée .

4 CL DE OLD TOM GIN 1 CL DE MARASQUIN 1 CL D’AMER À L’ORANGE 1 CL JUS DE CITRON FRAIS SERVIR LE BREUVAGE DANS UN VERRE À COCKTAIL DÉCORÉ D’UNE TRANCHE DE CITRON ET D’UNE CERISE CONFITE.


Discussion

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Un algorithme jamais n'abolira la hasard Le hasard n’existe pas sur Internet. Comme dans n’importe quel outil informatique, tout n’est que calcul. Or, la chance ne peut être calculée. Tout au plus peut-elle être simulée, ou générée à partir de comportements imprévisibles.


Alexandre Léchenet

Des informaticiens ont réfléchi à des formules pour feindre le hasard. Un immense champ de recherche existe pour trouver les formules générant le faux hasard le plus crédible dans le moins de temps possible. Les générateurs aléatoires ont une utilité dans un tas de domaines, notamment en cryptographie. Plus on met de points d’entrée aléatoires dans les formules, plus il est difficile de prévoir à l’avance des moyens de la contrer. Surtout qu’il y a moyen d’imaginer des méthodes assez originales. En entrant au siège de Cloudflare, une société qui propose des systèmes de distribution de contenus sécurisés en ligne, on est accueilli par un mur de lava lamps, ces lampes des années 1980 dans lesquelles une matière se forme et déforme avec la chaleur. Des ingénieurs de l’entreprise expliquent comment les bulles imprévisibles dans chaque lampe permettent de sécuriser leurs machines. Une caméra filme en permanence un mur de 80 lava lamps et à chaque instant, l’image du mur devient un élément unique parmi d’autres d’un générateur de hasard utilisé par une machine lorsqu’elle démarre. Le hasard, outre le fait qu’il sécurise les connexions, permet également d’être plus efficace. Dans ses plus petits entrepôts, le géant du commerce en ligne, Amazon, a découvert que ranger les différents objets aléatoirement accélérait la préparation des livraisons. Il faut donc imaginer un employé de l’entreprise recevant un carton de tubes de dentifrice. Plus question pour lui de se rendre dans l’étagère

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des produits commençant par un « D ». Il ouvre le carton et remplit, au gré de ses envies, les boîtes qui passent sous ses yeux alors qu’il se promène dans l’entrepôt. Tout cela est bien sûr consigné et, au moment de préparer la commande, il y a plus de chances qu’un tube soit à côté. Et même dans les entrepôts où les humains ont été remplacés par des machines, celles-ci adoptent la même méthode de rangement. Voilà un bon argument à opposer aux sourcils froncés sur un bureau rangé selon un « bordel organisé ». Même correctement calculé par des machines, parfois le hasard n’est pas satisfaisant. Imaginons que pour une soirée, on crée une playlist à partir des dix albums que nous aimons bien. Premier coup de sonnette, on clique sur « Lecture aléatoire ». Si on entend coup sur coup les quatre chansons de David Bowie ajoutées dans la playlist, on doutera sérieusement des compétences des cerveaux derrière la fonction « Shuffle ». C’est ce qu’expliquaient des ingénieurs de Spotify en février 2014 : « Nous avons appris que nos utilisateurs n’aimaient pas le hasard parfait. » Ils ont donc créé un nouvel algorithme de lecture aléatoire. Une formule qui correspond à ce que les auditeurs attendent d’une fonction, c’est-à-dire qu’elle évite les « grumeaux » et empêche deux titres d’un même artiste de se suivre. Face à ces armées d’ingénieurs, le hasard peut également être un moyen de défense. Il y a quelques années, un artiste et développeur, Darius Kazemi,

L’homme est si prévisible qu’un tracker correctement calibré peut distinguer les comportements réels de ceux simulés au hasard


À naviguer

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Wikipédia «Un article au hasard» Pour naviguer sur Wikipedia le nez au vent, la fonction « Un article au hasard» est parfaite. Elle pioche aléatoirement dans les deux millions d’articles, que ce soit «The Joshua Tree Tour 2017», Alain Robillard ou Personnages secondaires de «La Vie de croisière de Zack et Cody».

random.org random.org est le site idéal pour générer aléatoirement un tas de nombres et de combinaisons. Que vous souhaitiez laisser au hasard (calculé) le choix des chiffres de l’Euromillions ou d’un pile ou face, le site propose un tas de «hasards» différents.

Chatroulette Lancé en 2009, Chatroulette a eu une célébrité aussi brève qu’elle fut retentissante. Le concept était de connecter, au hasard, deux utilisateurs, qui se filmaient (ou filmaient leur entrejambe). Le groupe de rock Faith No More a même diffusé en direct sur Chatroulette un de ses concerts.

Générateurs de mites et de Fanta Depuis 2015, le compte Twitter @mothgenerator poste chaque semaine un papillon de nuit généré aléatoirement. Et si vous préférez boire un coup, @fakefantas propose des Fanta aux goûts bizarres, entre aubergine, serpent en fourrure et Sushi Fanta.

Random Darknet Shopper Mediengruppe Bitnik, un couple d’artiste, a imaginé, sur le modèle du Random Shopper de Darius Kazemi, un robot qui achète des produits au hasard sur le «darknet». Viagra, fichier d'1,8 millions d’adresses e-mail valides, livre de cuisine française… Les achats permettent de montrer la diversité des produits proposés sur le «darknet», loin des clichés partagés par les médias.

Random name generator À la recherche d’inspiration pour écrire une nouvelle ou d’un simple pseudonyme pour commenter sur Internet ? Le random name generator propose des noms générés aléatoirement. Quelques paramètres permettent de préciser le pays d’origine, le genre de la personne ou encore le style de livre.

a imaginé Random Shopper. C’est un petit script qui choisit aléatoirement des produits sur Amazon – parmi les disques, DVD et livres – pour un budget de 50 dollars. « Alors que je travaillais sur ce projet, j’ai compris que les trucs aléatoires étaient beaucoup plus intéressants que les choses que me recommande Amazon à chaque fois », expliquait-il au site Motherboard. Un des buts poursuivis par le programmeur est d’exploser la bulle de filtres dans laquelle nous enferme Amazon, en ne proposant que des produits « inspirés de votre historique de navigation » ou « qui pourraient vous plaire ». Ce dispositif, qui ajoute une dose de hasard à nos comportements en ligne, est une des armes de l’offuscation. Cette stratégie consiste à noyer une vraie information au milieu d’une botte de foin de fausses informations pour tromper les algorithmes. TrackMeNot propose ainsi aux utilisateurs d’envoyer une palanquée de recherches Google avec plein de mots choisis aléatoirement pendant que l’utilisateur fait ses propres recherches. Le programme est développé notamment par Helen Nissenbaum,

chercheuse spécialiste dans la vie privée au MIT et auteure d’un livre sur l’offuscation. Hélas, l’homme est si prévisible qu’un tracker correctement calibré peut distinguer les comportements réels de ceux simulés au hasard. Surtout les nombreuses traces qu’on laisse malgré soi sur Internet sont autant d’indices de comportement. Heure de coucher identifiée grâce à l’activité sur Facebook, sites qui ne sont visités qu’une seule fois… Les méthodes d’offuscation ainsi détectées ne feront que catégoriser l’utilisateur parmi les personnes tentant vainement de protéger leur vie privée sur Internet. Alors, pour partir le nez au vent, il faudra essayer le hasard dans la vie réelle. Hasard organisé encore, où on prendra la prochaine rue à gauche, quelle qu’elle fût. Ou encore le septième train affiché sur le tableau des départs en arrivant à la gare, se promettant de descendre à la septième gare. Et de visiter ChavilleRive-Gauche, un dimanche matin. Texte : Alexandre Léchenet Images : Kiblind


Enquête

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Au hasard de Thierry Hazard

Nul n’est censé se souvenir de Thierry Hazard. Mais nul n’est censé ignorer Le Jerk qui fait encore la loi, trente ans après, dans la plupart des salles des fêtes. C’est l’histoire d’une disparition, après un gros succès populaire, que nous avons tenté de poursuivre, quitte à prendre quelques libertés avec la banalité d’une fin de carrière.


Enquête

Thierry Hazard Thierry Hazard est un pur produit des années quatre-vingt. Nuque longue, brosse tombante et demi-frange. Pantalon de cuir et veste de couleur. Style de merde. Épopée musicale où tout est permis, dont un groupe de jeunesse appelé GPS (Garage psychiatrique suburbain) et une carrière solo de niveau Top 50. En 1990, il dégomme tout avec son premier album Pop Music et un méga-tube, Le Jerk, dont le CD 2 titres s’écoulera à plus de 500 000 exemplaires, formant un sillon laser pour ses autres créations. Passée complètement inaperçue, deux ans plus tôt, La Poupée psychédélique fait alors également disque d’or, malgré une histoire un peu bizarre de « slip inviolable » et de « joujou préféré 100 % matière synthétique ». On n’a toujours rien compris, mais confessons tout de suite que Pop Music se jouait aussi à domicile et que nous n’y étions pas totalement insensibles. En quelques mois, Thierry Hazard devient ainsi une étoile filante de la chanson française avec un nom

de scène un peu plus magique que le réel (né Gesteau). « Je suis arrivé là un peu par hasard », confessaitil sobrement dans Platine, la Bible de la variété. « Pop Music aurait pu ne jamais voir le jour, confirme Daniel Glikmans, l’un des artisans du Jerk, car c’est une compilation de chansons enregistrées en amont.

Le quart d’heure de gloire de Thierry Hazard dure près de deux ans, puis patatras : en 1993, son deuxième album fait un bide monumental malgré un titre en forme de prouesse marketing : Où sont passés les beatniks ?. Plusieurs singles avaient cartonné, donc l’album est sorti ! » Il obtient inévitablement le même succès : plus de 600 000 copies soit un vrai score de BG dans une année

de millésimes entre Patrick Bruel, François Feldman ou Roch Voisine. Les métaux précieux s’enchaînent ainsi sur les disques encadrés, dont certaines répliques circulent encore sur eBay (199 euros le modèle or). Le quart d’heure de gloire de Thierry Hazard dure près de deux ans, puis patatras : en 1993, son deuxième album fait un bide monumental malgré un titre en forme de prouesse marketing : Où sont passés les beatniks ?. Du jour au lendemain ou quasi, le chanteur disparaît complètement, encore un peu plus vite qu’une vidange express dans un garage psychiatrique suburbain. Retrouver Thierry Hazard, cela ne sert à rien, et personne n’y est encore arrivé. Mais on pourrait se mettre bien avec 700 000 Français qui fréquentent Télé Loisirs et le hissent régulièrement sur le podium des chanteurs regrettés, entre MC Solaar (repêché) et Billy Crawford. En revanche, la tâche s’avère ardue, car il appartient à une époque sans Internet et les rares témoins restent complètement silencieux. Daniel Glikmans


Au hasard de Thierry Hazard

ne lâche rien, si ce n’est une promesse de lui transmettre notre demande. Les membres de GPS nous ignorent, notamment le guitariste Thomas Darnal passé, depuis, par la Mano Negra, la techno cubaine et le tatouage. Le fan-club est mort, sans doute dès le siècle dernier. Et Christophe Salengro, incarnation de « Roger » dans le clip du Jerk, est également parti cette année, après quinze années de mandats à la tête de Groland. Bref, personne pour nous aider, simplement 42 minutes assez éprouvantes de Pop Music pour chercher des indices et autant de contre-vérités.

Compiègne et Polynésie « Non, vous n’êtes pas chez Thierry Hazard. Au revoir ». Ben, en fait : si. On a commencé simplement avec les pages blanches en se disant, fort naïvement, que Thierry Gesteau était retourné dans sa ville

y r r e i h T zard Ha

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d’origine (Compiègne), qu’il n’était pas sur liste rouge et qu’il avait conservé son nom de scène pour s’exposer à tous types de canulars. Cette combinaison faite, Thierry Hazard est là, sous nos yeux ; on a son 03 (60 40 XX XX) et il habite rue Mar. Fayolle. C’est parfait, on adore Marion Fayolle ! Mais la discussion tourne à bâtons rompus, plutôt dans le registre de la rupture téléphonique que du bâtonnet croustillant. Et pourtant, ce Thierry Hazard a le profil, la brosse, un âge a priori concordant et la passion du plastique qui fait directement écho à la technicité de la Poupée psychédélique (« ceinture inoxydable », « t-shirt biodégradable », « bikini insubmersible », « oreilles bioniques »...) Ca sent la reconversion à plein nez et vas-y qu’on aurait même pris un peu le melon, malgré l’orthographe, sur Viadeo. « J’ai travaillé comme ajusteur-outilleur pour la réalisation et l’entretien de moules de soufflage pour l’auto-

Thierry Hazard mobile et le flaconnage bidon. Avec Plastic Omnium, ma qualification et ma connaissance professionnelle mon permit de former des outilleurs dans le monde entier (...) Thaïlande, Chine, Allemagne, Slovaquie, Angleterre, Brésille. » La voilà enfin, la carrière internationale, car le Jerk, c’est bien marrant mais bien français, alors que l’autre tourne encore à 1 000 euros par jour, depuis 40 ans, avec un seul tube (Patrick Hernandez). Un autre scénario pour l’exil : Thierry Hazard aurait choisi les îles selon une vieille tradition de la chanson française consistant à aller s’enterrer loin d’ici, comme Jacques Brel aux Marquises, Saint-Barthélemy pour Johnny ou Laurent Voulzy, déjà cramé à l’approche de Marie-Galante. En métropole, en effet, les temps sont durs et c’est encore l’auteur du Jerk qui envoya le pavé, avant les ricochets, dans un autre tube : « La Sécu, le loyer, la vignette, la TVA, les impôts, les parcmètres. Chaque matin au courrier, des PV, des factures ! Les temps sont durs... ». Le départ en Polynésie est donc plausible et une poignée d’irréductibles alimente l’hypothèse, depuis qu’un certain Thierry Hazard officie sur les ondes d’NRJ Papeete. Thierry Hazard a été DJ et animateur comme Thierry Hazard. Thierry Hazard est un habitué de


Enquête

Radio Nostalgie, repris depuis par le groupe NRJ de Thierry Hazard. Mais Thierry Hazard ne ressemble pas du tout à Thierry Hazard, même en l’imaginant sans la nuque et avec un teint moins surgelé que la période picarde. Thierry Hazard n’est donc pas Thierry Hazard et Thierry Hazard se marre, le long du lagon, comme sur son profil Facebook en guise de provocation pour nous-mêmes : « originaire de Compiègne ». Même l’ancien Président polynésien Gaston Flosse en rigole, non loin de sa prison, car les temps sont encore moins durs que ce que le chanteur avait alors prédit depuis la capitale : « De toute façon, j’ai lu dans le journal que même à l’Élysée, ça va mal. Tous les ministres, pour payer leurs impôts, vont faire la manche à la sortie du métro. »

Thierry, Eden et cie « Je suis heureux d’apprendre, en regardant la télé, que mon fils nous a payé une maison. » C’est un peu le monde à l’envers mais nous sommes

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en Belgique, près de la frontière, où les riches Français viennent parfois poser leurs valises, comme le clan Mulliez (Auchan) et son rayon charcuterie (G. Depardieu). À Braine-leComte, petite ville de tranquille de 20 000 habitants, Thierry Hazard n’est pas de ceux-là : il en est originaire et a transformé une terre promise au football amateur en véritable jardin d’Eden. Thierry Hazard a joué, semi-pro, dans le club voisin de La Louvière avant de rencontrer Carine, également prof de sport et passionnée de ballon. Thierry et Carine, c’est un peu Roger et Joséphine dansant Le Jerk, si ce n’est qu’ils sont plus attentifs au temps additionnel qu’au bus de 18h17. Ils ont eu quatre garçons, comme Gustave, Alphonse, Arthur et Philibert, mais leur ont choisi des prénoms un peu plus compatibles avec un album Panini : Eden, Thorgan, Kylian et Ethan. Tous sont joueurs professionnels dans l’ombre de l’aîné, considéré comme l’un des meilleurs attaquants du monde et le plus cher de l’histoire, devant Neymar, s’il de-

vait quitter son employeur anglais. « Eden se verrait bien au Real », s’agite Thierry Hazard depuis des mois. Mais le transfert a finalement échoué, malgré des discussions avancées, rétro-éclairant les Hazard dans « les brouillards de Londres », le dernier tube du chanteur avant son Frexit. Pour la maison familiale de Braine-le-Comte, pas d’inquiétude, Eden a tout réglé : « Papa, t’es bien gentil avec ta guitare électrique et tes royalties. Moi, je me fais 400 000 euros chaque semaine à Chelsea... » On a suivi, à l’envers, l’itinéraire de Jacques Brel. On se retrouve, encore une fois, avec une voix nasillarde, une famille de substitution et 22 chansons en boucle, un peu pénibles sur le long. Sur Internet, heureusement, l’espoir fait vivre, comme l’Amérique : selon une rumeur persistante, quoiqu’un peu fripée, Thierry Hazard s’y serait installé. Il y aurait une femme dans l’histoire et peut être les beatniks, définitivement incompris dans son pays d’origine. Pour certains col-

Thier Haza ry rd


Au hasard de Thierry Hazard

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Thierry et Carine Hazard ont eu quatre garçons, comme Gustave, Alphonse, Arthur et Philibert, mais leur ont choisi des prénoms un peu plus compatibles avec un album Panini : Eden, Thorgan, Kylian et Ethan.

y r r e i Th rd Haza porteurs, le chanteur avait aussi le projet d’y apprendre la comédie. Il est donc curieux d’apprendre qu’un énième Thierry Hazard débarque, en novembre, non loin des plages de Normandie, avec un spectacle complètement home-made et roue libre : « Les affaires sont mes affaires ». Baseline : « Du rire et des larmes. Attention, ça va faire mal. » On assisterait donc au grand retour de Thierry Hazard et la ressemblance physique est cette fois troublante. Mais Thierry Hazard est bel et bien comédien avec une carrière au théâtre de longue date, entre la voie classique (Racine, Shakespeare, Ionesco) et le trottoir du boulevard. Ses photos pullulent sur le web, dès qu’on s’intéresse au chanteur, et sont régulièrement publiées par erreur. Tant mieux pour le comédien, qui semble apprécier le regard sur soi-même, à l’image de la bio sur son site perso : « Le regard aiguisé de Thierry envers la société moderne d’aujourd’hui, son

esprit et son audace, nous plongent dans un contexte contemporain qui nous pousse par l’humour à la réflexion, quel que soit notre âge... » Thierry Hazard n’est encore pas Thierry Hazard, même si sa citation préférée, empruntée à Jules Renard, pourrait expliquer bien des choses sur la disparition immédiate du chanteur : « Je n’ai jamais eu la chance de rater un train qui allait s’écraser. » Comment ne pas retrouver Thierry Hazard ? C’est devenu l’idée et on n’aurait pas pu mieux faire en cherchant une anguille dans une botte d’homonymes. Il ne reste plus qu’à compter sur son mail, qui va arriver, ou sur le hasard qui tient aussi entre vos mains : 40 000 chances, sur 67 millions de Français, de tomber sur ce magazine.

Texte : Gabriel Viry


Interlude

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Comme par hasard Coïncidences ? Je ne crois pas !

En 1895, il n’y a que deux voitures dans tout l’État de l’Ohio. Mais les conducteurs trouvent le moyen de se rentrer dedans, constituant probablement le 1er accident de l’histoire.

Dans les années 1930, un Américain de Detroit sauve, à un an d’écart, deux fois le même bébé qui tombait du 4e étage d’un immeuble.

En 1974, dans les Bermudes, un type est tué par un taxi alors qu’il conduisait sa mobylette. Un an plus tard, son frère meurt dans les mêmes conditions, sous les roues du même taxi (et avec le même passager dedans).

L’Histoire au hasard

Jadis

1492

1674

Préférant courir les jupons que s’occuper de ses brebis, un berger oublie pain et fromage dans une grotte. Il retrouve son en-cas quelques mois plus tard, couvert de moisissures. Le miracle s’accomplit : il découvre le Roquefort.

À la suite d’une erreur de calcul d’environ 10 000 km, Christophe Colomb découvre l’Amérique, un petit continent de 42,55 millions de km2.

Un marchand de tissus, Antoni van Leeuwenhoek, utilise des loupes pour juger de la qualité des étoffes. Derrière ses lentilles ultra-grossissantes, il observe pour la première fois les bactéries qui « nagent », pépouzes.


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Illustration : Agathe Bruguière Texte : Alix Hassler

La vie est une galerie de hasards et de coïncidences. Cet ami croisé à l’autre bout de la planète ? Que le monde est petit ! Ce bus raté après avoir loupé le métro puis le tram ? Jamais deux sans trois ! Cette tartine qui tombe côté confiture ? Coup du sort ! À l’aléa de notre quotidien se mêle la destinée de l’Humain. Le hasard, ce petit malin, provoque des concours de circonstances pas si anodins qui façonnent le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Heureux hasards du quotidien, ou presque !

Naissance Être le spermatozoïde gagnant : 1 chance sur 200 à 300 millions. Alors hop, on retourne bosser son crawl à la piscine.

Amour Rencontrer l’homme/la femme de sa vie : une chance sur 285 000 selon les calculs de Peter Backus, un doctorant en économiede l’Université de Warwick, en Angleterre. Mouais, on préfère s’en remettre à la magie du destin (ou à Tinder).

Argent Miser sur les bons numéros au loto : 1 chance sur 19 068 840. Mais après tout, n’est-ce pas du rêve qu’on achète ?

1844

1956

Le dentiste Horace Wells assiste à une séance scientifique où l’on observe les effets hilarants du protoxyde d’azote, lorsqu’il constate qu’un participant, blessé en chutant de l’estrade, ne semble ressentir aucune douleur. Testant sa trouvaille (en se faisant arracher lui-même une molaire !), il invente l’anesthésie.

Dans les années 1950, Joseph McVicker observe que les enfants s’amusent avec la Play-Doh, utilisée à l’époque comme pâte à nettoyer le papier peint. Le finaud repositionne alors le produit sur le marché des jouets. Une idée pas dégueu : 600 tonnes de pâte à modeler de la marque sont vendues chaque année en France.

1977 Ichiro Endo, un ingénieur travaillant chez Canon, lâche un fer à souder brûlant qui tombe sur une seringue remplie d’encre, créant une forte éclaboussure. L’imprimante à jet d’encre est inventée. Un hasard bienvenu quand on sait que le marché mondial pèse aujourd’hui 8,7 milliards de dollars par an.


Discussion

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Toute la saveur de Genève contenue dans cet extrait du livre Queue d’Arve de l’écrivain Charles-Albert Cingria. Un cornet pour un sac, le Mandement pour la campagne viticole derrière la ville et une envie irrépressible de se promener, de flâner. Genève fait chavirer le cœur des peintres de paysage, à l’instar de Carl-Ludwig Hackert. Aujourd’hui on continue de partir, d’une soirée folle par exemple avec autre chose que des petits pains dans un cornet, qui sait, pour rejoindre le Bain des Pâquis et plonger dans une douce transe matinale. L’oud, la kora, la batterie et le yodel ont coloré en août chacune des aubes du Bain des Pâquis. Cette jetée géniale à Genève offrait la meilleure scène de concert qui soit, les Aubes Musicales, quand la ville dort encore un peu : la vue sur la rade de Genève, quand le soleil se lève derrière le Salève. Située en Haute-Savoie, le Salève, à la silhouette douce, reste « la montagne des Genevois. » Populaire et branché, le Bain des Pâquis accueille la foule qui vient y faire un pas de côté. Plage, buvette, hammam et massages, l’esprit des lieux s’arrime au phare au bout de cette presqu’île de béton. Le mot poésie, en lettres rouges au sommet du plongeoir, matérialise l’idée même des Bains.

Au hasard de Genève : une flânerie suisse


Maxime Lancien

La flânerie se prête aussi bien à Genève qu’à Paris ou Londres. Cette activité est essentiellement urbaine pour Baudelaire, le premier à l’incarner et dessiner le profil fugace du flâneur. La superficie de Genève, toute petite comparée à ces consœurs française et britannique, autorise la déambulation hasardeuse, sans risque d’épuisement. Passez le long du quai du Mont-Blanc, prenez le temps de profiter du spectacle depuis ce vaste balcon, observez les cygnes et les mouettes, voyez les vaporetti bicolores relier le quartier des Pâquis aux Eaux-Vives, de l’autre côté. Le jet d’eau n’est pas une simple attraction. « Il sanctifie l’esprit du lac et le matérialise dans son jaillissement », explique l’auteur Pierre Gascar, sensible à sa magie. « Ohhhhhhhh, aaahhhhh... » On imagine les exclamations, il y a cent ans, des Genevois qui admiraient le premier jet d’eau, soupape d’une usine à turbines un peu loin là-bas. La décision fut prise de déplacer le jet d’eau dans la rade. La colonne d’eau signale Genève très loin dans le paysage, que l’on arrive par le train depuis Lausanne ou par voilier, à la manière des marins d’eau douce du Léman, si chers à l’écrivain Guy de Portalès. Les grands hôtels le long du quai du Mont-Blanc vendent aux riches touristes le paysage originel de la peinture européenne. Rien que ça. La Pêche miraculeuse de Conrad Witz (une œuvre de 1444 exposée au Musée d’art et d’histoire) met en scène le Christ dans une vue d’ensemble avec les montagnes des Voirons, le Môle et le petit Salève. Le peintre Ferdinand Hodler représenta toute sa vie ce cadre naturel sublime. Le grand maître du XIXe siècle s’éteignait il y a cent ans tout juste dans son appartement du quai du Mont-Blanc.

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« – Très promenade, Genève. – En effet, très. On adore partir. Dans le Mandement par exemple, avec des petits pains dans un cornet. Comme ça stupidement, un dimanche, un lundi. »

Derrière cette prestigieuse adresse, on passe rue de Berne, rue de Fribourg et rue de Zurich. On s’y perd et découvre peu à peu l’atmosphère coquine des Pâquis (ce qui signifie pâturage en dialecte arpitan). C’est le Pigalle local, loin des banques austères et des sociétés de négoce. La gare Cornavin, toute proche, contribue au bourdonnement des piétons, des passants pressés. Les autorités ont placé les Pâquis sous vidéosurveillance il y a quatre ans mais le quartier conserve comme il peut une âme romantique, en décalé, un petit monde hors-la-loi assumé. À cinq minutes à pied des Pâquis, le Pont des Bergues mène à l’île Rousseau. La statue du philosophe rappelle l’origine genevoise de l’illustre homme. Rousseau contribua à la prise de conscience des Européens autour du paysage et à la renommée du Léman. Flâneur, rêveur et promeneur solitaire, la marche lui était aussi essentielle que la botanique. Interdit de séjour à Genève en raison de ses idées pro-


Maxime Lancien

À explorer Delhi :Adventures in a Megacity Sam Miller, Penguin Books India Sam Miller, correspondant de presse à Delhi, tombe amoureux de cette ville folle, mal comprise, voir mal aimée. Seule solution pour ébaucher un portrait de la mégapole indienne, l’arpentage. Sam Miller, avec ses gribouillis de cartographie, dessine une exploration érudite et amusée de Delhi.

Paris, quinze promenades sociologiques Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Payot Flâner à Paris va de soi, c’est dans la capitale en transformation au XIXe siècle que l’idée voit le jour. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot proposent une mise en bouche pour les piétons curieux de comprendre davantage quels mondes et quelles géographies cohabitent à Paris.

Suite vénitienne Sophie Calle, 1980 La Suite vénitienne de Sophie Calle est une œuvre classique. Photographies, textes et cartes fournissent matière à une histoire de filature à Venise. Sophie Calle se met dans les pas d’un inconnu. Sophie Calle joue avec le hasard, la ville et l’observation.

London Orbital Iain Sinclair, Actes Sud, 2016 L’autoroute M25 ceinture Londres ; l’infrastructure, énorme à l’échelle humaine, entraîne Iain Sinclair et ses amis dans une expérience physique éreintante. Un travail d’historien, une approche psychogéographique et politique.

Les Passagers du Roissy Express François Maspero, Anaïk Frantz, 1990, Seuil L’écrivain François Maspero et la photographe Anaïk Frantz embarquent à bord du RER B et racontent Paris à travers la ligne bleue. « Pour une croisière au long cours », explique François Maspero. Nous sommes en 1989. Un livre passionnant et plein d’humour.

Walkscapes, la marche comme pratique esthétique Francesco Carreri, Actes Sud, 2013 Membre fondateur du collectif italien Stalker, Francesco Carreri livre « une histoire de la ville parcourue ». Le mouvement Stalker (dont le nom est tiré du film d’Andreï Tarkovski) naît à Rome pendant l’hiver 1990. Ses adhérents explorent les vides de la ville, ses marges, ses friches.

74 gressistes (Le Contrat social fut brûlé), Rousseau trouva refuge dans l’art de la marche et la botanique. « Je raffole de la botanique : cela ne fait qu’empirer tous les jours. Je n’ai plus que du foin dans la tête, je vais même devenir plante moi-même un de ces matins... », écrit-il un jour à une de ses lectrices, Mme Delessert. L’île Rousseau, amarrée au Pont des Bergues, fait face au centre culturel de la Cité du Temps. Juste derrière, on trouve l’Île, laquelle héberge à sa pointe la librairie-galerie Papiers Gras, bien connu des amateurs de bande dessinée et d’illustration. À deux pas de là, un isthme termine cette traversée de Genève. Juste ce qu’il faut d’espace pour admirer le courant du Rhône, sonder son bleu profond. Les peupliers y offrent une ombre légère, la halte invite à se désaltérer. La roulotte des Lavandières, du nom de cette promenade sur le fil, propose aux Genevois de quoi bien commencer la soirée. Le Bâtiment des Forces Motrices côtoie l’Usine, d’une ancienne industrie à l’autre, d’un opéra à un club. Poussez les portes de l’Usine pour goûter la nuit locale. La Gravière, à quelques minutes à pied en direction de l’Arve, entraîne un peu plus Genève dans la danse. Très promenade, Genève, certes, mais aussi très libre, très fête. Après tout. Texte & Images : Maxime Lancien


Reportage graphique

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Illustration : Simon Bournel-Bosson Texte : Maxime Gueugneau

Le plaisir de perdre

Pour avoir une vraie idée débile, il faut des champions. Aussi, au bar, quand Simon brandit sa pièce d'un euro en affirmant qu'on devait absolument jouer à pile ou face, les conditions sont optimales. J'ai un geste, j'ai un truc, je fais pile à tous les coups, insiste-t-il. Au bout de dix minutes – pénibles

minutes – et avec un ratio d'environ 70/30 pour le pile, la démonstration semble éclatante : Simon est spécial. Le hasard déclame-t-il, ne fait sa loi qu'avec les naze. Moi, je le dompte. Si je peux faire pile à presque tous les lancers, affirme-t-il, ça veut dire que je peux tordre la chance dans le sens

que je veux, tu sais, comme l'enfant bizarre qui tord la cuillère dans Matrix. Et là voilà, elle est là l'idée qu'il ne fallait surtout pas avoir. L'idée qu'on a suivie parce que le temps pressait. L'idée qui consistait à passer la journée dans des lieux où on pouvait jouer notre argent.


Reportage graphique

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On commence mollement au tabacpresse. Un simple tabac-presse ? Très peu pour nous. C'est celui de la place des Terreaux, à 50 mètres de l'Hôtel de Ville et donc nimbé de puissance et de gloire. Face à la buraliste, Simon le tacticien joue les naïfs, le sans-pouvoir, le moldu. : donnez-nous ceux qui gagnent le plus, hein. Sourire niais. La vendeuse nous prend de court. Franchement c'est tout pareil, répond-elle,

c'est tous des attrape-nigauds. Elle a tellement tort. Et l'émotion alors ? Que devient ce moment du grattage où on a l'impression que tout le cosmos se niche dans une carte de 15cm2 ? Pour gratter ces bulles de magie, le calme et la sérénité sont essentiels. Un PMU du 8e, ce sera parfait. On commande deux verres de vin parce qu'on a besoin de contenance et de légèreté. On sort la pièce parce qu'on veut des ongles propres. Black Jack, Vegas, Astro, Cash. Rien. Même le MaxiGoal nous fait la gueule. Attends, attends. Simon.

Attends. Le Mots Croisés. 50€. On a gagné. Explosion. Allez hop, les cartes à gratter, ça dégage, on passe au niveau supérieur : c'est parti pour l'Amigo. On est euphoriques, on comprend rien, on s'en fout. La dame à côté de nous et ses dix tickets en main nous font de l'œil. On sent que, comme elle, on peut laisser l'animation la plus sordide du XXIe siècle nous tenir en haleine. Et, oui, c'est le cas. Le jeu nous tend, nous fait rêver, nous fait sombrer. Nous fait rêver, nous fait sombrer. Nous fait sombrer. Bon.

" Franchement c'est tout pareil, c'est tous des attrape-nigauds "


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Jusqu'ici tout va bien. Mais le loup n'est jamais loin. Notre prochaine arène est le PMU City. Cet improbable QG des paris mutuels urbains est aux réunions de courses rupines ce que la knacki est à l'araignée de bœuf : un cousin vachement lointain. Dans le rôle des amateurs chics à chapeaux, des gens qui ont l'air d'avoir passé leur vie ici, au milieux des machines automatiques à paris, entre passe-temps et espoirs improbables. Et dans le rôle des deux débilos, nous. Les courses, diffusées

sur écran géant, durent à peine deux minutes. Elles sont les soleils fugaces de cet endroit. Le reste se passe dans l'ombre des tuyaux percés et des soliloques inquiétants. Il faut jouer. C'est ici que nous nous devons de préciser deux-trois petites choses. Le PMU ne se laisse pas dompter en un jour. Le PMU est truffé de subtilités. Nous avons compté approximativement 1452 façons de parier. Peureux et largués, nous avons choisi le jeu le plus nul, le simple placé, à savoir trou-


Reportage graphique

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" Ah ça pour prendre notre pognon y a du monde, mais pour laver les chiottes..."

ver un cheval parmi les trois premiers. Alors, vas-y, gars-de-la-caisse-quidoit-passer-des-journées-vraimentlouches, prends nos 7,5€ et mets tout sur Belle de Manche placée dans la 1e de Vichy. À notre grand étonnement, nous gagnons ce premier pari. Idem dans la réunion de Pornichet. L'argent coule à flots, mon bon Simon, on a gagné 20€ avec ces deux coups de maîtres. Alors c'est vrai... Simon, tu avais raison. La chance ploie devant toi comme la fourmi devant le lion. On vous remet la même ? Simon faiblit. Il est trop

confiant. Il veut s'enfoncer plus profond dans la mécanique. Oui, répond-il au marchand de rêves, et si vous voulez jouer, on va jouer. Un rapide coup d'œil au journal lui confirme ce qu'il pensait : ce sera L'Ami Gaby GAGNANTE. Tonnerre de tonnerre. Cette journée commence à faire de l'effet. Nos esprits s'enflamment en même temps que le PMU City s'anime. L'ambiance qui fut feutrée gagne en ivresse à mesure que le jour baisse. La salle subit les conséquences inévitables des pauses canettes de 8,6° que s'octroie une (petite) partie de la population. Ah ça pour

prendre notre pognon y a du monde, beugle un gars particulièrement chouette, mais pour laver les chiottes, y a plus personne. Elles sont dégueulasses tes chiottes, assène-t-il au type de la caisse. On est pas des cochons, hein, y a que de la volaille ici, hahahaha. Dans la salle c'est la marade. Puis le type se met à parler de la chatte d'une dame de son crew, aussi mal en point que lui et qui vient de rentrer faire de la monnaie. On serait bien restés, vraiment. Mais les affaires nous appellent.


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Pour l'instant, après trois tests, l'invraisemblable proposition de Simon se vérifie : il a vraiment un truc. Son bras de fer contre le hasard le donne gagnant de 60€ sur la journée (oui, L'Ami Gaby a été disqualifiée pendant la course et on a rendu 10€ au PMU). Il était temps de lui trouver un adversaire à sa taille. Par un étrange concours de circonstances, les casinos Partouche ont eu le droit d'installer un de leurs rejetons à Lyon, dans la Cité internationale. Bingo. Tu vas voir Simon, c'est la Ligue des champions du hasard. On ne peut pas gagner, c'est le but de ces endroits, Le Pharaon va nous plumer comme il plume les gens depuis vingt ans. Il y a toujours un moyen, répond-il en faisant semblant de décrypter les hiéroglyphes qui décorent les murs des chiottes, et s'il y a une faille je la trouverai, ne t'en fais pas. M. Partouche, à bon entendeur.

" C'est le pays des rêves Maxime, ici tout est possible "


Reportage graphique

Son entreprise de démolition démarre par une machine à sous sans grand pouvoir. On appuie sur le bouton, ça tourne, jamais ne nous rend notre argent. Parfait. Simon ne semble pas vaciller sur ses positions. Tout est normal, Maxime, c'était pas la bonne, c'est tout. On s'est précipités, on a été si naïfs, analyse-t-il. Hahaha, rit-il, de vrais amateurs. Il faut être plus patient, tâter le terrain et sentir les fluides, je vais la trouve la bonne machine, assure un Simon plus sûr que jamais, celle juteuse, remplie à ras bord de biffs, prête

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à éjaculer sur nous tous ses petits sous. C'est le pays des rêves Maxime, ici tout est possible. Et ce fut le début de notre lente dégringolade. Non mais attends, on a les trois 7 là et on gagne que 5€ ? Ça y est Simon comprend. En une demi-heure, on fait 4 machines, on perd 45€. Pourtant, autour de nous, tout nous affirme que la vie est belle et que nous sommes à deux doigts de pouvoir nous payer une piscine intérieure. Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Sommes-nous enfermés dans les sous-sols de l'enfer ?

Qui prend notre argent dans nos poches ? Où est ton pouvoir Simon ? Je me souviens des ces moments où nous parions sur les canassons, où nous grattions jusqu'au sang les jeux de la FDJ, assurés que la monnaie suivrait. Ici tout est glissant. Nous ne pouvons rien agripper, aucune aspérité, on tombe. Dans un dernier élan de désespoir, on tente la roulette, ultime et grandiose finale de cette journée. Le symbole pur du hasard. Simon ? C'est le moment.

Mais Simon n'est plus là. Je ne le vois plus, je m'en fiche. Le 21, mise sur le 21. Les jeux sont faits. Je deviens fou, je perds, j'essaie de prédire l'imprévisible. Je suis moi, merde, je ne suis pas comme tous ces crétins qui perdent leurs salaires dans ce minable petit casino. Je peux maîtriser ce truc. Simon arrive à faire tomber la pièce quand il veut sur pile. Ou presque. Il y a bien quelque chose à faire. Et si je me fie au tableau de statistiques que le casino nous met sous le nez, il y a quelque chose à faire. Non ? Il y a forcément un truc. Je remets de l'argent, c'est juste que j'avais pas compris la première fois. Simon me regarde. C'est plus très amusant maintenant.


Discussion

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Julien Minarro alias "Waxist"

Petit éloge des disques du hasard J’achète des disques depuis pas loin de 20 ans, ayant commencé à fréquenter les boutiques à l’adolescence pour acheter des 45 tours de reggae. Depuis, mes goûts ont évolué au gré des rencontres, des échanges, des « tuyaux » des aînés DJ et collectionneurs. À l’époque, tout à ma soif de découverte de musiques qui n’appartiennent pas à ma génération (les années 1970 principalement), je n’ai pas forcément appréhendé la montée en puissance d’Internet dans le petit monde du disque vinyle – contrairement à mes aînés. Tous disent en effet que l’arrivée de plateformes telles que Discogs en a profondément bouleversé les codes et les habitudes – pour le meilleur et pour le pire. Chacun peut maintenant acheter quasiment n’importe quel disque sur Internet, quand il fallait souvent attendre de longs mois pour mettre la main sur une pièce particulière. Les disques rares de leur génération ne sont en effet plus toujours les nôtres. Car tout ou presque peut maintenant se trouver grâce à Internet, moyennant finances, patience et inventivité parfois.


Discussion

Ce phénomène est à l’image de l’évolution générale de notre rapport collectif à la musique au travers du numérique. L’impératif d’efficacité a pris le dessus là aussi. Tout semble et doit être disponible tout de suite, on peut télécharger (légalement ou illégalement) quasiment n’importe quel album ou single pour une somme modique. Les plateformes commerciales se souviennent de vos achats précédents, et vous suggèrent (vous dictent ?) quoi acheter ensuite en fonction de vos supposés goûts. Par extension, le développement des plateformes musicales digitales et des réseaux sociaux a profondément transformé le rapport qu’ont les DJ et autres amateurs de musique à leur propre culture et identité musicale. Depuis quelques années, le phénomène du « track ID » semble être l’alpha et l’oméga d’une nouvelle génération de clubbers : on ne compte plus les forums, stories Instagram et commentaires Soundcloud le lendemain du set de tel DJ connu. Des groupes Facebook se sont même emparés du « créneau » et sont suivis par des milliers de comptes. Ainsi, il est de moins en moins rare de voir des aspirants DJ baser exclusivement la construction de leur propre set sur des références

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qu’ils ont « apprises » d’une poignée de gros DJ. Bien entendu, le rôle d’influenceur de ces derniers a toujours existé, mais Internet en démultiplie aujourd’hui l’effet, au risque de focaliser les morceaux joués en clubs sur un spectre relativement limité à quelques grandes tendances. Au demeurant, a-t-on réellement besoin de « tout » connaître ? Certaines personnes sont totalement hostiles au « cover up » par exemple (c’est-à-dire au fait pour un DJ de ne pas divulguer une référence). DJ ayant été biberonné relativement « à l’ancienne », j’accepte de ne rien connaître de ce morceau qui me renverse à chaque fois que je l’écoute dans le mix d’un tel ou d’un tel. C’est sa sélection, et dans mon esprit, ce morceau restera toujours attaché à ce DJ en particulier. Il y a quelques années, j’ai entendu un morceau de Gospel Disco complètement fou dans le mix d’un de mes DJ préférés (qui est aussi une connaissance). La référence était cachée bien sûr, et j’ai passé des années à réécouter ce mix sans savoir exactement ce que c’était. J’aurais pu lui envoyer un message et lui demander, mais je ne l’ai jamais fait. Et puis, un beau jour, je suis tombé dessus au hasard d’une après-midi dans un magasin de disques.


Julien Minarro alias "Waxist"

Internet est une construction humaine, le réseau fonctionne sur la base d’algorithmes et laisse donc finalement peu de place au hasard, voire n’en laisse aucune, contrairement à la vraie vie. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve que ça a quand même un petit côté déprimant, ce manque de spontanéité – malgré l’aspect pratique indéniable. L’exact opposé se trouve selon moi dans les vide-greniers, brocantes et autres Emmaüs que je continue à fréquenter pour trouver des disques dès que j’en ai l’occasion. Ces « événements » éphémères sont une invitation à la perte de temps, à la curiosité et au hasard des rencontres. Il faut se déplacer. Parfois (souvent ?) pour rien. On ne sait jamais ce que l’on va y trouver. Il faut accepter de parcourir des caisses entières de 45 tours de Mireille Matthieu ou

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de Johnny… Mais, pour le même prix qu’un morceau en digital (1 euro), on tombe sur d’excellents disques, des pièces rares ou pas, au petit bonheur la chance. Tout cela crée aussi des souvenirs. Qui se souvient exactement du moment où il a cliqué pour acheter un morceau sur iTunes ? Il m’arrive d’acheter des morceaux en digital pour des raisons pratiques, mais j’ai beau me forcer, aucun souvenir particulier ne me revient de leurs achats. Par contre, j’arrive à me souvenir assez clairement des moments où j’ai « ramassé » certains disques dans ces occasions : le lieu, la saison, le temps qu’il faisait… Et parfois même du vendeur, pour peu qu’il ait été folklorique ! Texte : Julien Minarro alias "Waxist" Images : Kiblind

La preuve avec cette petite sélection très subjective Henri Guedon & Les Contesta

Ogoun Ferraille - Jazz Septet

(marché aux puces, Bastia) On m’avait dit que je ne trouverais pas de disques en Corse. Mon père me parle quand même d’une brocante à Bastia et on va y faire un tour avec les enfants pour se balader « rapidos » entre une glace et un tour de manège. Dans le premier bac où je regarde, je tombe sur cet excellent et rare disque de jazz antillais dans un état parfait pour 1 euro.

(brocante, Isère) Ce disque de jazz funk français des années 1970, plutôt confidentiel, a attiré mon attention par sa pochette. Il contient d’excellents morceaux dont une beauté d’inspiration brésilienne, « Maracana », que j’affectionne particulièrement.

Chosen Few You Are Everything to Me

Sade - Love Is Stronger than Pride

(vide-grenier, Arcueil) J’ai trouvé ce disque fabuleux en banlieue parisienne, à deux rues de chez moi. Un vendeur proposait des maxis dance 90 endommagés. Au milieu, cette pochette si reconnaissable : un cœur rouge sur fond blanc. Le mystère de la présence de cette beauté à cet endroit reste entier à ce jour.

Michel Magne Moi y’en a vouloir des sous (Emmaüs, Isère) Disque trouvé dans un Emmaüs de province, il s’agit de la BO d’un film avec Jean Yanne qui contient un super morceau funk « Superchic Genial » qui a tout à fait sa place dans un DJ set.

(vide-grenier, Lyon) Un disque plutôt courant, tout n’étant bien sûr pas affaire de rareté. Les vide-greniers sont aussi l’occasion parfaite pour ajouter à sa discothèque des incontournables « classiques » : cet album de Sade a fait partie de mon adolescence via mon père qui l’écoutait beaucoup en CD. Je ne rate jamais une occasion de ramasser ce genre de disques intemporels.

Ikwezi - Ikwezi (brocante, Isère) Pour finir, un excellent disque de soul/funk sorti en Allemagne en 1981, aux influences jazz, afrobeat et disco. J’ai trouvé une copie en excellent état dans une brocante estivale à un prix de brocante !


Playlist

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d r a s a H t i s i n l a y v a o Pl d a P o l b a P . . par. d ï o d o de Mo

Bon élève, Pablo Padovani, aka Moodoïd, s’est prêté au jeu de notre playlist hasardeuse en écoutant 13 albums à l’aveuglette chez son disquaire préféré.

Fables of Faubus - Charles Mingus Blind and Quiet - Pablo's eye Les yeux Noirs - Ivan Rebroff Yellow Magic (Tong Poo) - Yellow Magic Orchestra Civil (Explore) - Ben Prunty Invito al Viaggio - Franco Battiato Karmacoma - Massive Attack Gibraltar Dub - Imhotep Bloody Shadows from a Distance - Lena Platonos Sette note - From "Sette note in nero" - Vince Tempera The Robots - 2009 Remastered Version - Kraftwerk Requiem for Elja - Denis Frajerman Heroina - Kastrieste Philosophen Ex-guitariste de Melody’s Echo Chamber, Pablo est à l’origine de Moodoïd, projet protéiforme se baladant entre jazz, pop psyché et rock progressif. Après son premier album « Le Monde Möö » sorti en 2014 chez Entreprise, Moodoïd récidive avec « Cité Champagne » sorti tout récemment chez Because.

8’14’’ 1'26’’ 3’17’’ 6’20’’ 2’41’’ 3’37’’ 4’15’’ 5’36’’ 3'04’’ 2'25’’ 6’12’’ 2’26’’ 5'19''


• Club LUN 17 SEPT YOUNGBLOOD BRASS BAND

MER 19 SEPT THE ARISTOCRATS

SAM 22 SEPT PARKINGSTONE

LUN 01 OCT THE FRATRELLIS

MAR 09 OCT THE AMITY AFFLICTION

SAM 13 OCT LFSM BATUK + RÊVERIE + GAVLYN + DJ LALA + ENKRYPT

JEU 11 OCT DESIIGNER

VEN 19 OCT MATT SIMONS

• Club SAM 20 OCT CLUB DUB STATION #63 CHANNEL ONE SOUND SYSTEM

SAM 03 NOV IMPERICON NEVER SAY DIE BEING AS AN OCEAN + NORTHLANE + ALAZKA + CASEY + POLAR + CURRENTS + THOUSAND BELOW

LUN 29 OCT SLAVES

VEN 09 NOV EMANCIPATOR ENSEMBLE

JEU 25 OCT THE GARDEN

MAR 23 OCT 6LACK

SAM 27 OCT KHRUANGBIN

MER 07 NOV FRANK TURNER AND THE SLEEPING SOULS

DIM 04 NOV ZAPP

MER 14 NOV VILLAGERS

LUN 12 NOV TESSERACT

SAM 10 NOV MARLON WILLIAMS

• Club VEN 16 NOV BLACK BOMB A

JEU 15 NOV BLACK ROOTS

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PARC DE LA VILLETTE

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SAM 17 NOV PARIS SOUND CLASH SOUL STEREO SOUND SYSTEM

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Magazine

Regain RETOUR VERS LE FUTUR Si la chanson est bien connue, on dirait qu’elle est encore un peu difficile à fredonner. Cette ritournelle qui nous dit « on a fait n’importe quoi, il faudrait commencer à arrêter, ça va bien maintenant » ne fait pas grand tube chez nos amis les nourriciers. Pourtant, à l’heure où nous sommes en train de voir la catastrophe fondre sur nous comme les oiseaux d’Hitchcock, il serait grand temps d’apprendre de nos erreurs passées. De les froisser. De les manger. Et de reprendre là où nous en étions avant de « faire n’importe quoi », comme le dit la mélodie. Certains sont déjà en route et chantent le refrain à tuetête. Une nouvelle génération paysanne réapprend à lire l’heure pour la caler sur le temps de la nature. Le magazine Regain tombe ainsi à pic pour se faire le porte-voix de ce mouvement qui monte, en attendant qu’il soit majoritaire comme le voudrait l’évidence. Regain comme une renaissance, comme se reconnecter, comme retourner à la terre et l’écouter. On n’échappera pas, ici ou là, à une dose de naïveté mais le pragmatisme étant en train de nous tuer, on ne refusera aucune candeur. D’autant que la majorité des articles ici proposés démontrent surtout une vérité éclatante : c’est possible et ça marche. Avec l’appui de gens comme Gilles Luneau (reporter, proche de José Bové) et le spécialiste de la permaculture Victor Coutard, la directrice de la publication Daphné Hézard s’assure un matelas de compétences plutôt

confortable. Une qualité littéraire qu’elle double, bien vu, par une direction artistique pas dégueu. Grâce au studio Funny Bones et à sa graphiste Marie Marotel, le magazine agricole a pris le parti de l’élégance et du quasi tout photographique (on notera la présence bienvenue de l’illustratrice formidable Marie de Beaucourt). La couverture qui laisse toute la place à une photo de Fred Lahache annonce une couleur renforcée ensuite avec l’invitation faite aux photographes Aron Palcman, Coke Bartrina et Adrianna Glaviano de participer à ce premier numéro qui ne fait, alors, que gagner en beauté. Daphné Hézard et son équipe auront eu l’audace de ressortir, en 2018, un magazine agricole. Aussi incongru que cela puisse paraîtree, il suffit de le lire pour se rendre compte qu’il était plus que temps. Alors que les débuts de l’agriculture intensive ont été accompagnés, dans les années 1950, de nombre de revues en expliquant tous les bienfaits, il est sans doute indispensable, à l’heure d’une large remise en question de ce modèle, de documenter cette mutation nécessaire. Rien que pour ça, Regain est une excellente nouvelle. M. Gueugneau

Regain, n°2 sorti le 21.09, 146 pages, 7,50€ regain-magazine.com


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Hell’O Monsters : Untitled Odyssey MONOGRAPHIE Collectif belge né en 2006, Hell’O monsters propose une œuvre graphique fantasque et carnavalesque. Leur imaginaire foisonne d’êtres anthropomorphes, de squelettes, de personnages cartoonesques, d’oiseaux et autres animaux hybrides aux épidermes bigarrés, rencontre improbable entre l’univers d’un Jérôme Bosch et l’esthétique d’une Nathalie du Pasquier. Les compositions rythmées de motifs floraux et architecturaux offrent des tableaux où les créatures s’entremêlent dans des poses énigmatiques et des processions dansantes à la fois familières et troublantes. Du dessin aux fresques murales, en passant par la peinture, cette monographie présente la rétrospective d’une œuvre qui au fil des ans conserve son pouvoir d’enchantement et sa singulière étrangeté. David Raiffé

Hell’O monsters : Untitled Odyssey de Jérôme Meynen et Antoine Detaille, sorti aux Éditions CFC, 304 pages, 39 € maisoncfc.be

Benoît de Coco

Kimi le vieux chien

SALADE DE FRUITS Eugène Riousse, prix Jeunes Talents 2013 au Festival d’Angoulême, brillant ordonnateur de la revue Vignette (avec Alice Saey et Baptiste Filippi), et élève surdoué de la HEAR de Strasbourg, Eugène Riousse, disions-nous, devait normalement rouler sur le monde de la bédé depuis des ans. Mais il a fait du cinéma. Pour son premier livre aux éditions Magnani, il reprend enfin son héros fétiche Benoît de Coco, mihomme mi-coco, pour nous emmener sur une île où les pulsions très humaines prennent la forme d’une salade de fruits. Son dessin naïf et méticuleux, absurde et majestueux caresse comme il se doit ce récit fou.

ERRANCE Ces dernières années, le travail de Nylso n’a que rarement brillé par une joie sauvage et une allégresse délirante. Mais, alors que le bonheur nous est vendu comme un paquet de piles, on reprendra volontiers de la mélancolie délicate de Kimi le vieux chien, bête en fin de vie et bien trop lucide sur ce qu’il est, ce qu’il fut et ce que nous allons devenir. À cette tristesse de peu de mots qu’est l’errance de Kimi répond le dessin de Nylso, magistral foisonnement de traits, dépeignant méticuleusement la nature adorée jusqu’à l’hypnotisme. Après Gros ours et petit lapin (déjà chez Misma) et Cabanes, Nylso continue un travail bouleversant dans la forme et le fond.

M. Gueugneau

M. Gueugneau

Benoît de Coco d’Eugène Riousse aux éditions Magnani, 96 pages, 22 €

Kimi le vieux chien, sorti chez Misma Éditions, 144 pages, 20 €

editions-magnani.com

misma.fr


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Les Rigoles NUIT MAGIQUE L’auteur des Noceurs a encore sévi et quel bonheur ! Une ville, la nuit, la fête. En ouvrant Les Rigoles, on entre immédiatement dans un univers féerique, enivrant et bigarré où l’on suit plusieurs personnages un peu fous, un peu seuls qui profitent de la nuit pour devenir un autre, se perdre, se laisser porter… Ça fourmille, ça bouge, ça vit ! Les pages sont composées à l’envi : illustrations pleine page, vignettes avec ou sans cadre, une profusion de détails, des dialogues surréalistes. Grâce à une narration hors norme, à des aquarelles lumineuses, à une liberté graphique époustouflante, Brecht Evens nous offre un imposant récit choral rempli de mille merveilles. Avec brio, il rend hommage aux lieux nocturnes et nous montre à quel point la nuit est belle, pleine de ses lumières et de ses folies ! Delphine Zehnder

Near Sex Experience

Les Rigoles de Brecht Evens, sorti chez Actes Sud BD, 336 pages, 29 €

Pour l’amour consommé, combien de forêts abattues, de chefs-d’œuvre conçus et de navets avalés ? Du presque, du faillir, du manquer-à-rien, pas un trait ou si peu. Matthieu Chiara, Guillaume Chauchat et Baptiste Filippi, trois des grands virtuoses actuels du dessin, s’assemblent pour pallier le vide artistique qui entoure la quasi-rencontre amoureuse. C’est beau, ingénieux, voire drôle et tellement gratuit que ça en devient indispensable.

actes-sud.fr

Love at first sight TORN «  Le ciel parfait est tempête  », et Natalie Imbruglia n’est pas la seule à l’affirmer : Dans le ciel tout va bien – le discret DLCTVB pour les intimes, persiste et signe un nouveau fanzine céleste, Love at First Sight, paru au printemps. L’opus fait collection de voûtes sombrement feutrées et de cieux bardés d’éclairs, économe, cette fois, dans sa palette : on évolue sous des noirs charbonneux, entrelacés de stries bleues et roses incandescentes. Le tout est réalisé par l’artiste lui-même, habilement imprimé au risographe, en tout petit tirage comme à son habitude. Bonus pour les Rennais : une exposition aura lieu courant septembre.

> Near Sex Experience de M. Chiara, G. Chauchat et B. Filippi, autoédité à compte d’auteur, 96 pages, 100 exemplaires > À retrouver en festival ou commander à courrier.chauchat@gmail.com

Nez à Nez Graphiste obstiné et dessinateur obsessionnel, Tim Lahan aime tordre la matière visuelle pour la faire rentrer dans des cases qu’il a lui-même défoncées. Alors qu’il s’attaque au domaine du livre jeunesse, il persiste. Nez à Nez se divise en pages de droite et pages de gauche, intérieur et extérieur d’une maison qui, drôlement, se remplit de personnages, de formes, de couleurs avec une maîtrise de la composition rare pour la discipline.

Zelda Mauger

Love at First Sight de Dans le ciel tout va bien, sorti en autoédition, 24 pages, 17 € Nez-a-Nez_COUV.indd 1

danslecieltoutvabien.tumblr.com

25/06/2018 16:44

> Nez à nez , de Tim Lahan disponible chez Les Fourmis Rouges, 72 pages, 15 € > editionslesfourmisrouges.com


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Rien ne fera venir le jour

MYTHIQUE Après la seconde guerre mondiale, le manga japonais voit naître de nouveaux dieux. Osamu Tezuka est le premier d’entre eux, qui avec Metropolis, Le Roi Léo et Astroboy devient le début et la fin de toute chose. Mais alors que Tezuka plane au-dessus de notre monde, porté par ses nombreux fidèles et suiveurs, Yoshihiro Tatsumi va créer l’alternative. Aux récits héroïques, manichéens et déconnectés du maître, le jeune auteur japonais introduit à la fin des années 1950 le genre gekiga, sorte de naturalisme manga de l’après-guerre qui plonge dans les zones d’ombre du miracle japonais. Description sans filtre d’un quotidien mortifère, le travail de Tatsumi est d’une noirceur et d’un réalisme percutants, que les années n’ont pas fait mollir. Rien ne fera venir le jour, qui regroupe douze histoires publiées en 1970, est le deuxième tome anthologique édité par Cornélius et le deuxième indispensable. M. Gueugneau

Rien ne fera venir le jour de Yoshihiro Tatsumi, sorti chez Cornélius, 336 pages, 31,50 € cornelius.fr

Poussière DIMENSIONS Geoffroy Monde possède deux super-pouvoirs : le dessin et l’humour. En huit ans et une volée de livres (citons De rien, le plus connu), il a plié l’affaire en excellant dans les deux domaines. Sa nouvelle série, Poussière, s’aventure quant à elle sur les terres, plus étonnantes, de la science-fiction. Difficile à juger sans la suite, le premier volume pose quand même quelques bases très intéressantes. Les multiples réalités du scénario offrent un terrain de jeu parfait aux différents Geoffroy Monde qui habitent dans Geoffroy Monde. Techniques changeantes, tons variés, paysages divers, contextes mouvants : le Lyonnais, sur ce premier tome, met en place ce qu’il faut pour déployer ses nombreux talents. Une peur point, pourtant : que tout cela soit adouci par le format bande dessinée très classique choisi ici. M. Gueugneau

Rencontres du 3e type Poussière t. 1 de Geoffroy Monde, sorti chez Delcourt, 64 pages, 15,50 €

editionsdelcourt.fr

PAS TROP NORMAL Nouvelle édition pour les quatre illustrateurs bordelais à l’origine du collectif et maison d’é dition Mondo Zero. Ils avaient déjà frappé fort en déclinant tout un univers autour de la pizza avec TV Party ou de la bagarre pour le sobrement intitulé La Bagarre. C’est aujourd’hui au tour de la science-fiction de passer sous leurs crayons et ceux d’une sélection affûtée de dessinateurs.trices pour l’édition collective Rencontres du 3e type. Un résultat qui baigne en plein paranormal, alimenté par des univers barrés et talentueux en provenance des quatre coins de la planète. Malina Cimino

Rencontre du 3 e type, ouvrage collectif, sorti à la mi-septembre chez Mondo Zero, 84 pages, 18 € mondozero. bigcartel.com


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Ted, Drôle de Coco ÂME SENSIBLE Ted a une place bien précise dans le métro, une chemise du samedi et mémorise un nombre incalculable d’informations sans importance, bref il va sans dire que Ted est un drôle de Coco ! Émilie Gleason, jeune autrice passée par la HEAR, s’inspire du personnage de son grand frère atteint du syndrome d’Asperger. Son trait nerveux et radical dépeint avec justesse et subtilité le quotidien pas tout à fait normal d’une famille pas tout à fait comme les autres. Julia Mahler & Alice Schneider

Ted, Drôle de Coco d’Émilie Gleason, aux éditions Atrabile, 128 pages, 17 € atrabile.org

Xibalba

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Soirée d’un faune L’après-midi d’un faune de Mallarmé ayant déjà son prélude avec Debussy, il ne restait que la suite à Ruppert & Mulot : la Soirée d’un faune. Ça leur va. Sur une édition type carte routière – rénovant mine de rien le mode de lecture en BD –, ils racontent la soirée à peu près débraillée du faune parmi les danseurs, les baiseurs, les bières, le mur d’escalade et l’hélicoptère. Entre autres. > Soirée d’un faune de Ruppert & Mulot, disponible chez L’Association, 11 × 25 cm plié, 132 × 100 cm déplié, 14 € > lassociation.fr

Un petit coin de Paradis Le feutre a ses adeptes, ses élus. Outil sournois, il peut provoquer le crash comme l’admiration. Il faut que son maître sache quoi lui chuchoter. Magali Brueder semble pour le coup avoir trouvé les mots bleus comme le prouve sa fascinante démonstration dans son livre Un petit coin de Paradis, sérieusement imprimé en riso chez Fidèle Éditions. > Un petit coin de paradis de Magali Brueder, sorti chez Fidèle Éditions, 24 pages, 18 € > fidele-editions.com

HOLLYWOOD C’est pas pour irriter la concurrence, mais force est de constater que Simon Roussin est de plus en plus puissant. Deux ans après son Prisonnier des glaces, où il faisait montre de toute sa science du fabuleux dans son récit comme dans son dessin, le voilà qui revient avec un spin-off des aventures de Charles, Ferdinand et Helen. André, pilote dans l’Aéropostale, se retrouve coincé dans un village indien à la frontière du Guatemala duquel surgissent tout un tas de fantômes. Et pendant ce temps, Simon Roussin jubile. Dans un style peut-être plus humble que dans Prisonnier des glaces, il réussit une fois de plus son pari de confondre l’âge d’or hollywoodien et la bande dessinée. L’Amérique du Sud des années 1930 lui offre un terrain de jeu parfait pour s’offrir des personnages caricaturaux comme il les aime et dérouler son récit d’aventure. À partir de cette mécanique bien huilée, il peut tranquillement jouer ses deux immenses atouts : un dessin époustouflant et un remarquable sens de la mise en scène. M. Gueugneau

Xibalba de Simon Roussin, sortie le 06.10 aux Éditions 2024, 224 pages, 25 € editions2024.com


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Borja Flames

Musique

Domenique Dumont

DÉDALE Casse-tête synthétique, la musique de Borja Flames demande de ne pas avoir peur de se perdre dans un labyrinthe truffé d’étrangetés avant d’atteindre la jouissance cérébrale. Courant d’un écouteur à l’autre jusqu’à se figer sur le phrasé cosmico‑hispanique du Parisien, la musique de la moitié du groupe June et Jim se construit et se déconstruit au rythme des percussions parfois irrationnelles, du synthétiseur souvent épileptique et de mélodies à la précision purement architecturale. En résulte un enchevêtrement déluré d’émotions et d’exaltations tribalo-futuristes.

SOLAIRE L’été ne se termine que si on l’a décidé. Et on a décidé que non. Comment le repousser ? En écoutant en boucle le nouvel album du duo letton Domenique Dumont, moyen simple et économique de baigner dans la plénitude la plus complète. Muscles décontractés, le soleil pénétrant notre esprit et nos poumons emplis de vapeurs d’allégresse. Nous voilà habités par les huit précieux morceaux de Miniatures de Auto Rhythm, courant exotica/disco où bongos et synthés 80’s se caressent au son de la voix d’une France Gall nouvelle génération. Elora Quittet

Elora Quittet

Rojo Vivo de Borja Flames, sortie le 19 octobre sur Les Disques du Festival Permanent / La Saule lesdisquesdufestivalpermanent.bandcamp.com

Miniatures de Auto Rhythm de Domenique Dumont disponible chez Antinote antinoterecordings.bandcamp.com

Hermit and the Recluse

Bruce Haack

46 ans, pompier et originaire de Brownsville, Ka est revenu d’entre les morts voilà dix ans. Ancien du groupe Natural Elements au début des 90’s, il se réveille en 2008 grâce à GZA et un album, Iron Works. Récits infernaux, flow grumeleux, productions dépouillées : Ka raconte sa rude existence jusqu’à s’hypnotiser lui-même. Pour Orpheus vs. The Sirens, en collaboration avec le producteur Animoss, il fait de son parcours une épopée homérique version New York sale et gluant.

Maître de la musique synthétique dès les années 1960 et génial expérimentateur aux côtés des Perrey et autres Kingsley, Bruce Haack a su insuffler de l’humain à ses machines : sa folie furieuse pour son album culte The Electric Lucifer et sa foi pour ce Preservation Tapes, inédits dénichés par Telephone Explosion et issus de sa période chrétienne. Un mélange entre grâce, humanité et électronique dont le pouvoir enchanteur est bien plus puissant que prévu.

> Orpheus vs. The Sirens de Hermit and the Recluse (Ka + Animoss) disponible chez Obol for Charon Records > brownsvilleka.com

> Preservation Tapes de Bruce Haack, disponible chez Telephone Explosion > telephoneexplosion.bandcamp.com

Djokovic

Coming Soon

Publié discrètement sur Soundcloud après être resté plusieurs années perdu dans les méandres du numérique, l’EP du Breton Djokovic – également claviériste de Lesneu – est un joyau pop en bonne et due forme : des riffs de guitares à la tendresse irrésistible, des harmonies vocales à la Slowdive et des mélopées à vous en faire chialer de bonheur. EQ

On les a connus à l’époque où une bouteille de Biactol trônait encore fièrement sur notre lavabo. Ils ont beaucoup grandi depuis et ont su évoluer en mettant en avant tous leurs atouts, à commencer par leurs empreintes vocales singulières et leur faculté de faire fusionner pop sixties et folk actuelle. Un doux mélange rehaussé par un savoureux soupçon de psychédélisme.

> Cosmos EP de Djokovic disponible en autopromotion > djokovic.bandcamp.com

> Sentimental Jukebox de Coming Soon, disponible chez Kidderminster > kidderminster.bandcamp.com


Sortie

93

George Clanton

Musique

Smokescreens

ÉPOPÉE Il a fallu peu d’années passées sur Terre pour que George Clanton accomplisse d’aussi grandes choses que la création de l’excellent label 100 % Electronica ou de ses side projects Mirror Kisses et ESPRIT 空 想. Éduqué à l’école d’Internet option Limewire et Picasa, le surdoué 2.0 s’est imprégné de tout ce qu’il a pu y croiser en route pour sortir son premier album éponyme, « Slide », un « opéra vaporwave » mêlant R&B, pop et chillwave avec une résonance définitivement punk. Un disque réalisé de A à Z par le New-Yorkais et devenu quasi instantanément un classique.

INSTANTANÉS Après un premier album éponyme découvert l’été dernier grâce au label espagnol Meritorio Records, les Californiens de Smokescreens reviennent avec Used to Yesterday, sorti au début de l’été chez Slumberland Records. Ces dix titres (dont une reprise de l’obscur groupe néo-zélandais Wasp Factory) sont de vrais classiques instantanés et devraient ravir les fans de Flying Nun et de Sarah Records, tant les harmonies vocales, les guitares carillonnantes et la basse chaude se mêlent délicieusement. Manon Raupp

Elora Quittet

Slide de Georges Clanton disponible chez 100 % Electronica

Used to Yesterday de Smokescreens, sorti le 13.07 sur Slumberland Records

music.100percentelectronica.com

slumberlandrecords.com

Z Money BROSSE À CHEVEUX Z Money sépare ses syllabes par chauffage puis refroidissement, les déforme comme la matière d’une lampe à lave, pour recréer chimiquement les grands couplets de Gucci Mane. Chiraq Mogul, justement sorti sur le label de son idole, est une impeccable démonstration de charisme et de nonchalance. Un synthé coule à l’intérieur d’un bâton de pluie, une caisse claire tourne comme la trotteuse d’une horloge, des glaçons s’entrechoquent : tous ces bruitages donnent à sa trap music un côté presque relaxant, comme si nous écoutions un bainmarie d’héroïne en ASMR. Nicolas Pellion

Chiraq Mogul de Z Money, sorti le 16.08 chez 1017 Eskimos Records twitter.com/zmoneyworld

Orgue Agnès À l’annonce de l’album, de l’excitation s’écoule par tous les pores. Rassurons-nous, les attentes seront comblées. Sur À une gorge, Orgue Agnès, qui réunit Sourdure, Èlg et 1er Chasseur, poursuit l’objectif solo de ses membres en continuant à trois la recherche d’une transe folklorique. Le résultat est à la hauteur, foisonnant de trouvailles sonores, frappant et hypnotique : une messe tribale dont on sort converti.e. > À une gorge d’Orgue Agnès, disponible chez Standard In-Fi, Three:four et A1000P > wearethreefour.bandcamp.com

Ratgrave On les imagine aisément assurer la première partie d’Herbie Hancock. Pour l’instant, les deux Berlinois de Ratgrave se sont simplement contentés de sortir un des albums les plus incroyables de l’année. Fuzz, jazz, hip hop, P-Funk, bossa nova… Tout y est et semble former un jam maîtrisé à la perfection, courant du premier au dernier morceau sans jamais s’épuiser, nous laissant là, simplement bouche bée. EQ > Ratgrave de Ratgrave, disponible chez Apron Records > apronrecords.bandcamp.com


Sortie

94

Jolies choses

01

01

Bonnet « Best Balls Bat » de Carne Bollente carnebollente.com 02

Tapis Daniel Mesina pour Gur Tapis Ferréol Babin pour Gur rugbygur.com

02

03

Chemise en lin « Beach Girl » de GKero gkero.fr 04

Coussin par Amber Davenport etsy.com/uk/shop/AmbersTextiles

03

05

Set Cartes postales Julie Flamingo Illustrations par All The Ways To Say pour Paris Illustrations par Charlotte Molas pour Bordeaux julieflamingo.bigcartel.com 06

04

Céramique Dodo Toucan Ourson, pingouin, vases dodo-toucan.com

05

01 06


Sortie

95

Jolies choses

07

07

Tote bag par Élise Enjalbert tictail.com/eliseenjalbert 08

Trousse et miroir de sac par Eleanora Arosio eleonoraarosio.tictail.com 09

Basket capsule: Veja x Oliver Jeffers veja-store.com 10 08

T-Shirts par Victoria Roussel tictail.com/rousselvictoria 11

Pin's par Blandine Pannequin blandinepannequin.bigcartel.com 09

01

12

Carnet par Maison Fondée maisonfondee.net

12

10

11 Sélection par E. Bouhlal


Sortie

96

1–2–3 Novembre 2018 Grande Halle de la Villette

Bon Iver — Kaytranada Mac DeMarco — Etienne Daho Blood Orange — Daniel Avery CHVRCHES — The Voidz Chromeo — DJ Koze John Maus — Jeremy Underground Stephen Malkmus & the Jicks Unknown Mortal Orchestra — Peggy Gou Bagarre — Car Seat Headrest — Avalon Emerson Yellow Days — Rolling Blackouts Coastal Fever

40es Rencontres TransMusicales

October Tone Parties 2018

PUISSANCE

OKTOBERFEST

Dream Wife — Tirzah — Lewis OfMan

Pitchfork Music Festival Muddy Monk — Snail Mail — Cola Boyy Boy Pablo — G Flip — Michael Rault pitchforkmusicfestival.fr

FOUDRE

#P4Kparis

Une fois de plus, les Strasbourgeois de chez October Tone (T/O, Hermetic Delight, Pauwels…) ont la clairvoyance de faire offrande de leurs bons goûts au public en conviant à leur sauterie annuelle Camera, Hey Colossus, Bleib Modern et Aventur, pour ne citer qu’eux. Un de ces jours, leur bonté les perdra.

Rassembler dans une même ville tant de musiciens volcaniques de toutes origines prêts à exploser à la face du monde d’une seconde à l’autre, c’est fort. Nous faire passer du rock psyché du Moyen-Orient (Al Qasaar) à l’italo disco (Bruno Belissimo) ou à l’afro funk (Arp Frique), c’est ultra-fort et c’est en décembre à Rennes.

Mais quel éclair de génie a frappé l’esprit de ce grand manitou américain qu’est Pitchfork lorsqu’il s’installa en 2011 à la Villette. Grâce à lui et à Super! nous est servi sur un plateau d’argent le fleuron des groupes indé internationaux, dont cette année Unknown Mortal Orchestra, Bon Iver et Muddy Monk.

Du 25.10 au 28.10 à Strasbourg

Du 05.12 au 09.12 à Rennes

Du 01.11 au 04.11 à Paris

Paris Podcast Festival

BD Colomiers

Jeudi 25 octobre Aperçu public Ven. 26 octobre > 19 h Vernissage

24h de l’illustration

illustration Eloïse Rey - Graphisme Central Vapeur

25-26 OCT 2018 À LISAA

HAMILTON

BALADODIFFUSION

Plus féroces que les 24 heures du Mans, plus utiles que les 24 heures du Mölkky… les 24 heures de l’illustration opposeront comme chaque année une vingtaine de cadors du crayon sur un thème précis, sans autre échappatoire possible que celui de l’imagination. Tremble, Sebastian Vettel. 1 A rue Thiergarten 67000 Strasbourg lisaa.com

CENTRALVAPEUR.ORG

Du 25.10 au 26.10 à Strasbourg

ALTERNANCE

En 2004, on écoutait des podcasts de DJ sur notre iPod Shuffle. 14 ans plus tard et après avoir un peu mué, ce sont des podcasts « natifs » qu’on viendra écouter à La Gaîté Lyrique, une culture sonore narrative à contre-courant qui sera représentée sous forme de rencontres, d’écoutes collectives et d’ateliers. C’est le futur et c’est gratos.

Derrière cette somptueuse affiche d’Anne Laval se cache un passage obligatoire pour tous les amoureux du neuvième art. Expositions, promenades dessinées ou projections… Autant de croisements artistiques protéiformes sous l’égide de la liberté absolue d’expression que de raisons d’y mettre les pieds.

Du 19.10 au 21.10 à Paris

Du 16.11 au 18.11 à Colomiers


Agenda

97

Lyon - Du 22 au 24 novembre 2018

Jeanne Added

Jazzy Bazz + Corine Riddim Collision

Nadsat w/ Casual Gabberz

Voiron (live) + Krampf + Sentimental Rave

PRIÈRE

La Mverte (DJ set) + The Mauskovic Dance Band + Kēpa

Voilaaa Sound System + Usé + La Jungle + LAAKE + CORPS Ko Shin Moon + Damé + Glitter + Amar du désert Vince Dolphin + Vincent Black + Ambeyance

Formula Bula TAPIS ROUGE

riddimcollision.org Son nom nous est aussi familier que l’arrière-train de Kim Kardashian et pourtant chaque année, il nous surprend encore. 20 ans que Riddim Collision nous fournit notre dose d’excitation pré-hivernale avec une programmation des plus aventureuses. Cette année, Vince Dolphin, Sentimental Rave et Usé nous délivreront du commercial. Amen.

De la douceur pour les yeux et pour l’esprit, le Formula Bula de Ferraille Prod nous en sert à la pelle chaque année. Pour sa 6e édition, le festival de BD accueille Émile Bravo, Daniel Goossens, Martes Bathori, Cizo, Nylso, Aude Picault et Anne Simon, et nous concocte des expositions magistrales, un super-loto et une croisière-dédicace orchestrée par Le Dernier Cri.

Du 22.11 au 25.11 à Lyon

Du 28.09 au 30.09 à Paris

Positive Education Festival

Festival Accès)s( #18

SPORT Depuis 2014, les fortes têtes de Positive Education montent les marches qui les mènent à la reconnaissance éternelle deux par deux et à pieds joints. Pour cette quatrième édition, Marcel Dettman, Laurent Garnier, Manu le Malin, Paula Temple, Soft War et Simo Cell viendront leur filer un coup de main pour qu’ils atteignent définitivement le sommet. Du 08.11 au 11.11 à Saint-Étienne

ARTIFICIELLE

Musiques Volantes CÉLESTE Pendant 23 ans, Musiques Volantes a été le carrefour de multiples bizzareries synthétiques et bidouillages avant-gardistes. Avant de tristement disparaître dans la nature, le festival messin nous lègue une programmation grandiose portée par Kate NV, Nova Materia, Maestro et Sister Iodine. Les 9 & 10.11 à Metz

Rouxteur FIBRE

Plus que jamais ancré dans les problématiques actuelles, le festival aquitain Accès)s( interroge le rapport entre nature et technologie à travers des installations audiovisuelles et des procédés immersifs. Un humain qu’on adore, Vox Low, y sera notamment pour montrer toute l’étendue du pouvoir des machines.

On connaît la capacité de Mains d’Œuvres à faire des choses super. La création du Rouxteur Festival figure en haut de cette liste. Ce rassemblement dédié aux cultures numériques propose une exploration des ondes à travers le champ sonore, artistique ou humain. Deux jours d’immersion où analogique et vivant ne feront qu’un.

Du 11.10 au 08.12 à Bilière

Les 05.10 & 06.10 à Saint-Ouen


KIBLIND x ADOBE STOCK présentent

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