10 escales en Catalogne

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COUPLÉ AVEC L’APPLI CABOTAGES

CABOTAGES LE NAUTOURISTE CATALOGNE

10 escales à l’essai

QUÉBEC

8 jours Côte Nord

FRANCE

pli p a ’ l e d o Dém 45 hall 1 L d n a st

30 balades à terre GRATUIT, NE PEUT ÊTRE VENDU


CATALOGNE : 10 escales à l’essai

L’an dernier, nous avions proposé une croisière sur la côte ligure, de Menton à Gênes. Cette année, nous sommes allés naviguer vers l’autre grande cité de la Méditerranée occidentale, Barcelone. Un aller-retour en dix escales en évitant les grandes stations balnéaires pour nous concentrer sur des ports plus originaux. Conclusion de cette balade ? Pour les ports, il n’y a pas de doute, c’est en Catalogne que le service et les équipements sont au plus haut niveau. L’italie juste derrière, et la France... a encore des efforts à faire. Pour le niveau des prix, l’Espagne est aussi au plus haut, et de loin (voir notre encadré en fin de dossier). C’est d’autant plus ennuyeux que, contrairemnt à l’Italie, on ne compense pas par des économies à terre. Les restaurants, même les bistrots à tapas, sont généralement chers et de qualité... très touristique. Pour le charme des escales, il faut savoir que le désir d’oublier le passé qui a accompagné la sortie des années noires de l’Espagne a entraîné des modernisations urbanistiques un peu sauvages. Heureusement, il y a de très belles perles que les lignes qui suivent vous feront découvrir. Le podium ? Numéro un, Llafranc, n’offre hélas que très peu de places, Port de la Selva vient juste après, avec l’avantage d’être très près de la France, ex-aequo avec l’Estartit, son arrière-pays qui mérite le déplacement et sa réserve marine. Barcelone hors-concours : chic, spectaculaire, moins cher. Mais pas fréquentable l’été.

Textes et photos Djinn et Christophe Naigeon

PORTBOU Des cigarettes et l’air des montagnes Venant du golfe du Lion, le temps de passer la frontière au cap Cerbère - redoutable par mauvais temps - et de hisser le pavillon espagnol, la première crique abrite Portbou, notre première escale catalane. Portbou signifie “port des pêcheurs”, mais pour des raisons qui diffèrent : “bou” peut désigner soit les barques, soit les boules qui font flotter les filets, soit les bœufs qui tirent les barques sur les plages... Un souvenir d’Hercule qui traversa les Pyrénées avec un troupeau de bious noirs dont certains, plus loin sur son chemin, sont restés en Camargue. La baie très fermée de Portbou est un bon abri par tous les vents sauf marins. Il y a là de bons mouillages par beau temps. Quant au port, il est tout à fait moderne, costaud. Mais nous préférons le mouillage, dans la partie Est de la petite baie. Soyons clairs : Portbou n’est pas une ville Cabotages décembre 2014 - 5

touristique pour les plaisanciers, contrairement aux amateurs de promenade en montagne pour qui le massif des Albères est une très belle alternative à la mer. Pour atteindre le Parc naturel, il faudra prendre un car ou un taxi pour la marche d’approche, mais, sans aller jusque-là, les escarpements qui se trouvent juste derrière la ville sont déjà consistants. La gare de Portbou est un monument par sa taille dans un aussi petit bourg. Comme En arrière-plan de la petite baie de Port-Bou, le massif des Albères de l’autre côté de la frontière à Cerbère, elle est chargée d’histoire, au vous assassinera pas encore avec l’additemps où les incompatibilités d’écartement tion. des voies entre France et Espagne rendaient Et aussi, pour les intoxiqués, un peu de indispensables les transbordements de mar- contrebande de cigarettes car les prix – chandises d’un train à l’autre. sans être ceux de la principauté d’Andorre Sans aller jusque-là, il est intéressant un peu plus loin au-dessus – sont attractifs de se promener dans les ruelles, de sentir pour les Français. l’ambiance déjà très espagnole alors qu’on Mais attention aux quantités importées sur vient à peine de quitter la France, de flâner votre bateau si vous n’avez pas un go-fast sur les petites places et de s’arrêter aux ter- de trafiquant professionnel… Et encore, le rasses de petits cafés populaires où on ne sémaphore de Béar vous remarquera !

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PORT DE LA SELVA Des moines, des arts et des thons

Photo Club Nautic Estartit

En haut, le monastère de Sant Pere de Rodes, en bas, l’ancienne pêche à l’“art”

Pour la première fois, nous faisons l’expérience de l’accueil à l’espagnole. Ici, c’est parfait. Le canal 9 répond presque tout de suite, en français si nécessaire, les places sont faciles à trouver et un bosco attend pour les amarres et les formalités. Port de la Selva est un très bon abri de belle saison. Après, trop exposés aux intempéries hivernales, les pontons d’accueil sont vidés. De tous les ports du cap de Creus, c’est le site le plus exposé à la tramontane. Quand le vent du nord monte à 150 ou 180 km/h, il y a tellement d’embruns que les maisons du bord de mer et les bateaux sont blancs de sel. Port de la Selva est un port de pêche depuis longtemps, grâce à un phénomène bien curieux découvert au XVIe siècle par

les moines du monastère de Sant Pere de Rodes, situé sur les hauteurs. Venus du Golfe du Lion, des bancs de poissons longeaient la côte vers Cerbère, entraient dans la baie d’El Port de la Selva et ensuite filaient tout droit vers les Baléares. Les bancs de sardines et d’anchois, suivant cet itinéraire, entraînaient derrière eux leurs plus féroces prédateurs, les thons. Les moines eurent l’idée de capturer les thons au passage. Ils financèrent la confection d’un grand filet communal pour organiser une pêche collective. Ce filet est un art : il part du bord de l’eau et, tiré vers le large par une barque à rame, décrit une boucle et revient au bord après avoir encerclé une partie du banc. Ensuite, les pêcheurs ramènent le filet sur la plage et se partagent le butin sous l’œil du patron. Cela a duré jusque dans les années 1950. Aujourd’hui, la pêche à l’art a été abandonnée. Les installations portuaires semblent gêner la ronde des thons dans la baie. En tout cas, il n’y viennent plus.

L’ESTARTIT Une ville, des îles et des pirates Cap sur les îles Medes. Ces îlots escarpés entre lesquels on peut mouiller par temps maniable, ont longtemps été des repaires de pirates qui trouvaient là un poste avancé pour attaquer les villages de la côte. Les nombreuses fermes fortifiées que l’on trouve dans toute la plaine racontent bien le danger permanent des razzias. Pas rancunière, l’Estatrit consacre aux pirates une grande fête populaire en septembre.

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L’arrivée au port de l’Estartit, excellent. Une petite ville qui a gardé son caractère même si elle ne possède pas de monument remarquable. Peu importe, c’est plutôt une ambiance tranquille et bon enfant qui en fait le charme. Page de droite : le marché de Toroella et l’une des multiples sculptures qui en ornent les maisons.

Seules les bouées blanches sont disponibles aux bateaux de plus de 9 mètres et les rouges pour les plus petits. Les vertes et les jaunes sont pour les clubs de plongée. Le port, géré par le Club Nàutic Estartit, s’ouvre sur un premier bassin abrité derrière le brise-lames. Des coffres permettent de mouiller là en sécurité, à deux coups de rame de la ville. Viennent ensuite les pontons où on est accueilli dès le premier coup de radio sur VHF, puis la capitainerie et le club-houserestaurant très chic avec un menu de la mer d’une fraîcheur totale.

L’Estartit a fait le pari de devenir une escale de premier plan. La moitié des places sont réservées aux visiteurs et une jeune française a été recrutée pour en faire la promotion en France. Agréable et tranquille, la ville n’est pas d’un pittoresque renversant. C’est une station moderne, propre, avec des immeubles bas, pleine d’espaces verts en bordure de mer et de restaurants et de commerces comme partout. La proportion touristes autochtones y est tout à fait supportable. Nous recommandons la place de l’église Santa Anna, avec des petits cafés-ta6 - Cabotages décembre 2014


Dans les petits bistrots de ce joli bourg pas abîmé par le tourisme et où il fait bon se promener, on trouve bien entendu les légendaires tapas. Mais attention, ici et partout, il y a du meilleur et du pire. Très souvent du pire car la gastronomie catalane n’a pas résisté au tourisme de masse.

À Port de la Selva, on vous recommande cependant un grand café populaire, sans chichis mais bien placé, la Bella Vista, qui sert des plats parfaitement frais et bien cuisinés “famille”, à se partager pour picorer à deux, y compris les paellas prévues pour un.Car il faut comprendre qu’en Espagne le rituel entrée-plat-dessert n’est pas un dogme. Et le Vin de la casa, pas cher, est souvent acceptable. Dernière chose, on peut manger presque à n’importe quelle heure du jour et fort tard dans la nuit.

El Port de la Selva, un bourg qui a échappé à la folie de l’urbanisme touristique

pas sympathiques, un grand espace où s’ébrouent les enfants en toute sécurité. En juin, profitez du festival international des images sous-marines et, en juillet, du très bon festival de jazz. Mais une autre idée est de prendre le bus vers l’ancien village de Torroela de Montgris. Il y a là un quartier ancien tout à fait pittoresque, surtout si on a la chance de tomber un lundi, jours de marché. Allez sur la place de la mairie : superbe architecture, produits épatants, terrasses de cafés... tout y est pour regarder vivre ce bourg authentique. À observer de près, des enseignes et des devantures Belle Époque vraiment intéressantes, ainsi que quelques entourages de fenêtres sculptés remarquables. Si vous n’allez pas en ville, plongez ! La réserve marine des Mèdes est le troisième site de plongée d’Europe : 900 “ploufs” par jour ! De nombreux clubs vous équiperont et vous guideront pour la plongée. Attention, il faut un brevet de plongée ! En tout cas, le tour des Mèdes vaut le coup. Les roches découpées font penser que les pirates y mouillaient étaient des sacrément bons marins. La réserve absolue permet de rassembler une faune marine exceptionnelle, habituée à la présence de ces drôles de poissons en combis qui nagent si mal et font des bulles bruyantes. Cabotages décembre 2014 - 7

Quand nous repasserons à Port de la Selva au retour, nous aurons l’occasion de constater que la bonne impression laissée par cette première escale était la bonne et que c’est ici l’un des meilleurs endroits de la Costa Brava.

Les Medes, paradis de nature

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PALAMOS Des pêcheurs et des bouchons Après avoir passé la baie de Llafranc, qui fait envie mais qu’on se réserve pour le retour, avoir doublé les îlots Formigas, (ne serrer ni à gauche ni à droite, attention aux roches affleurantes !), nous arrivons en vue de Palamos. Un premier port récent s’ouvre d’abord à nous, côté Est de la presqu’île. Mais notre goût nous porte vers les vieux ports en centre-ville. On fait donc le tour de la pointe et de son joli phare, et on entre dans le bassin du port qui commence par une très longue digue où accostent les navires de commerce. Du coup, parfaitement à l’abri, il est possible d’amener les voiles et de préparer les pare-battages en toute tranquillité. Aujourd’hui, viennent plutôt accoster des navires de croisière, le commerce se faisant un peu plus rare. Pourtant, il fut ici très prospère, grâce à une région de France connue pour ses vins, la Champagne. Palamos a été le plus grand port d’exportation de bouchons d’Europe à cause des caves de Dom Pérignon qui avaient apprécié la qualité des lièges espagnols et le savoir-faire local pour les fabriquer. Le port de plaisance du Club Nautico Costa Brava est d’autant plus tranquille qu’il se trouve protégé par deux autres digues. La première accueille les grands yachts, la seconde reçoit le canot de sauvetage et une belle flotte de pêche. Palamos est une escale faite pour les amateurs de poisson et de pêche. Ne rater sous aucun prétexte le marché aux poissons ouvert tous les jours de la semaine sur le port.

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Le port de Palamos, entre grands yachts et bateaux de pêche. En bas, l’école de cuisine annexe au musée de la pêche.

Dans une grande halle sont vendues les pêches à peine arrivées dans les bateaux. Tous les poissons de la Méditerranée sont là, d’une fraîcheur absolue, certains encore frétillants. C’est déjà un régal de couleurs et de parfums de mer. La présentation est superbe mais les prix atteignent aussi des sommets !

Juste à côté, il y a le musée de la Pêche. Une perfection de pédagogie et de muséographie. En navigation, peu aiment s’enfermer dans les musées. Faites exception pour celui-ci. Et pour les mômes, une école de cuisine ! Chaque jour, pour 12€ (50 € le forfait-semaine) ils sont pris en charge par un vrai chef qui leur apprend à reconnaître les poissons, à les préparer (écailler, vider, sortir les filets et les arrêtes...) et à les cuisiner. Ils sont ravis. Quant à la ville, elle ne présente pas vraiment d’intérêt touristique et il est fort difficile d’y trouver un restaurant acceptable. En tout cas, nos expériences ont été très décevantes.

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BLANÈS En travaux, mais bonne surprise ! Blanès est le dernier port des “Pyrénéessur-Mer” avant que le trait de côte ne s’abaisse jusqu’à Barcelone et au-delà. L’anse où se trouve la petite ville balnéaire est de taille raisonnable, surmontée de belles hauteurs avec château, tours... Entre un cap et un promontoire rocheux qui coupe la plage en deux anses, il y a là un petit ensemble agréable vu de la mer, sans immeubles hideux. Le port est protégé par une double diguemur en béton impressionnante. Il faut tourner loin vers la plage quand on vient du Nord pour embouquer le chenal d’entrée. Ne suivez pas les plans des guides nautiques, ils sont désormais obsolètes. En entrant, on laisse les petits métiers de la pêche à droite et on arrive… dans un vaste chantier qui laisse voir de beaux pontons tout neufs mais aussi pas mal de béton brut, des gaines de câbles et des tuyaux apparents, des machines et des ouvriers qui s’affairent. Le chantier sera achevé pour la saison 2015. Le Club de Vela de Blanès, gestionnaire du port, a signé une nouvelle concession de 20 ans et investit lourdement pour le mettre aux normes actuelles de service et de confort. Le but est de faire de Blanès l’escale préférée des Français qui traversent en direction des Baléares.

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L’arrivée dans le port, bien abrité par un escarpement rocheux. En bas, la “promenade”.

Bonne stratégie. Le lieu est bien placé, l’escale est sympathique et le port, d’après ce que nous avons pu en voir, sera à la hauteur, avec 39 places d’accueil. Un joli restaurant club-house, un personnel souriant... ça devrait aller. D’autant plus que la petite cité balnéaire offre tout ce qu’il faut pour avitailler et se détendre avant le grand saut vers le large.

Un front de mer très large offre une belle rangée de palmiers à l’ombre desquels se retrouvent des joueurs d’échecs, sur table ou sur des grands échiquiers au sol. Rien de clinquant, une offre ludique qui tient compte de toute la population, touristes ou indigènes, jeunes et vieux. Évidemment des cafés, mais aussi des bancs très larges où des centaines de personnes se retrouvent en famille le soir pour manger des glaces, bavarder, jouer de la guitare et chanter. Ambiance 90% espagnole et familiale. Pas de boum-boum, vous dormirez tranquilles. Au bout, vers le rocher qui sert de lieu de promenade, un excellent restaurant de produits de la mer, le Malica, à des prix très raisonnables et quasiment les pieds dans l’eau. Et, pour finir la soirée, juste à côté, un bar à Mojitos, le Can Tirol. Pour une escale un peu plus longue, on recommande le jardin botanique, à un quart d’heure à pied du port, créé par un allemand, Karl Faust, mort en 1952 à Blanès. Comme nombre d’hivernants qui venaient sur les bords de la Méditerranée avant-guerre, ce nordique s’est passionné pour la flore de notre Mare nostrum. L’été prochain, quand les travaux seront terminés, tentez cette jolie escale.

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BARCELONE Pour ceux qui peuvent naviguer hors-saison

L’entrée du vieux-port de Barcelone par le pont tournant. En haut, la place des Ducs de Medinacelli. En bas, la place Sant Felip, bien agréable mais de triste mémoire, à droite, une ruelle du Bari Gothic.

Bien que l’on puisse rester des heures dans son cockpit à contempler la ville vue du vieux-port, vient le moment d’aller faire quatre pas à terre, de se mêler au monde des piétons. Le premier matin, bien évidemment, on commence par le plus proche : la Rambla principale qui va de la statue de Colomb à la place de Catalogne. Le but : se balader dans cette ville à l’architecture un peu folle (parfois complètement) où l’on comprend que Gaudi a pu construire une chose aussi incroyable (belle ??) que la cathédrale de la Sagrada Familia. Mais l’été, cette rambla de légende n’est plus un boulevard où flâner le nez en l’air pour en apprécier les constructions, mais un fleuve lent où coule à double-sens une masse épaisse de touristes. On ne voit rien, on slalome entre des gens qui ne regardent qu’à travers leurs téléphones portables pour s’entre ou s’auto-photographier et se poster immédiatement sur les réseaux... Ainsi, non seulement ils déambulent dans une ville où 80% des gens sont des touristes et où 80% des 20% restants sont des employés étrangers, mais encore la regardent-ils sur un écran minuscule...

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Tout le centre de Barcelone est ainsi une immense cohue étrangère qui navigue entre les marchands de souvenirs et les restaurants-usines-à-tapas avec rabatteurs qui vous abordent avec des menus-photos comme dans Pigalle de la grande époque... Horreur des horreurs ! Un peu moins grave, le marché couvert. Bondé lui aussi, et très cher, mais il est possible sur certains étals d’y trouver des choses un peu originales (comptoir bio, par exemple). Évitez les restos sous les ar-

cades, surtout le soir. Pourtant, comme à Venise, il suffit de faire quelques centaines de mètres à gauche ou à droite de ces autoroutes piétonnes pour découvrir des quartiers autrement plus sympas et tranquilles. Nous avons particulièrement aimé le Bari Gothic, qui raconte une grande partie de l’histoire de la ville, de l’Antiquité à la Renaissance. Ruelles étroites, architectures mélangées dans un joli bric-à-brac de souvenirs pieux et laïcs. Plus gai, partout des petits bars à vin, à tapas, à toutes sortes de choses, infiniment meilleures et moins chères. On a retenu en particulier l’Oviso, sur la place George Orwell (c’est pas beau, ça ?), très agréable, aérée, avec une aire de jeux pour les enfants et de jolies maisons autour. Ce bar chaleureux offre de très bons et très frais produits. On y dîne pour moins de 15 €. Autre endroit, plus près du port, place Duc de Medinaceli, Le Grand Torino Garage café. Un endroit original, au calme devant un beau jardin. Et, pas loin de là, 19 rue Josep Anselm, le Guru, délicieux bar à cocktails qui sert aussi des petits plats pour ne pas tomber raide saoul. En somme, Barcelone est une magnifique escale qui mérite mieux qu’une visite rapide, surtout en pleine saison. Il faut y prendre son temps, dans les beaux jours de l’arrière ou de l’avant-saison. Ceux qui ont la chance de pouvoir naviguer en dehors de juillet-août seront récompensés d’avoir affronté une météo moins estivale.

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Deux clubs royaux pour escale de princes Bien entendu, nous avons choisi le Vieux Port plutôt que le port olympique, plus moderne mais moins en centre-ville. Dans le bassin, il y a deux clubs nautiques, le RCMB et le RCNB, “royaux” tous les deux, l’un est Maritimo, l’autre Nautico. C’est au second que nous avions réservé par téléphone. Inutilement, car pendant tout notre séjour de quatre jours, il y a eu des places libres dans les deux bassins. Nous attendons l’ouverture de la passerelle piétonnière (à l’heure et à la demie) qui donne accès au vieux port. Après, tout est facile, on est attendus, aidés... comme toujours, club royal ou pas. Une place en bout de ponton côté chenal et c’est le paradis : vue sur la Rambla del Mar, assez loin pour la tranquillité des oreilles, assez près pour le bonheur des yeux. Au fond, la statue de Christophe Colomb que les Barcelonais revendiquent autant que les Génois, alors que seuls les Portugais lui ont donné sa chance... Puis les superbes bâtiments des autorités portuaires de la haute époque de Barcelone. Un tour à la capitainerie. Ambiance Newport Yacht Club : salons avec chemi-

ARENYS DE MAR Chalutiers, lamparos et chantiers navals Arenys de Mar est, en plus petit que Palamos, un beau port de pêche. Nous y entrons en même temps que des chalutiers qui débarquent aussitôt à la criée. Mais on ne se gène pas, le bassin du port est large, facile à manœuvrer, très abrité. Le soir, de la terrasse du restaurant de la halle aux poissons, dans le même bassin que la plaisance, nous avons pu voir partir les lamparos. Ils sont revenus à l’aube. Pour aller en ville, il faut emprunter des passages souterrains pour rejoindre la rue principale, perpendiculaire, plutôt sympathique sans être d’un immense intérêt touristique. Et, ici, il y a 90% d’Espagnols, ce qui change de Barcelone. Cabotages décembre 2014 - 11

Deux choses à voir cependant en se promenant dans la rue principale : une jolie place de l’église et une belle halle couverte qui se trouve aussi être très bon marché, ce qui change également de la capitale. Et aussi quelques maisons de style balnéaires du siècle dernier autour du port, un endroit pour passer un bon moment dans son cockpit. C’est aussi simple que cela. Et on aime caboter ainsi. Sur cette côte de vacances où il est bien difficile de trouver une zone technique d’importance et où on cherche souvent en vain un shipchandler, il faut signaler que le port d’Arenys de Mar dispose de plusieurs chantiers dotés d’immenses hangars, de travelifts, de grues, de

nées pour les retours de mer en hiver, collections de maquettes, de demi-coques, de tapes de bouches et de guidons de clubs prestigieux, photos anciennes, bar cosy... Mais pas de pantalons blancs ni de blazers bleus à écusson en vue. Cela est réservé aux cérémonies officielles, pas imposé aux visiteurs. Polos, shorts et docksides salés acceptés. Tenues de bain fluo et tongues, un peu moins. C’est un peu vieux-jeu, mais il est bon de trouver des lieux où le beau, le raffiné, le respect des valeurs marines réunissent des propriétaires de somptueux coursiers des mers du siècle dernier et de jeunes navigateurs fauchés sur des bateaux bricolés. Deux types d’embarcations qui se côtoient dans le bassin. Et, de plus, ce port est trois fois moins cher que les autres que nous avons connus ces derniers temps. Vous êtes dans le saint des saints de Barcelone, au calme et avec une vue imprenable, tout cela pour un prix inférieur à celui d’un port-garage français.

slips, de motoristes, de voileries, de quincailleries de marine, de professionnels... bref, de tout ce qu’il faut pour caréner ou sortir son bateau en cas d’avarie.

C’est bon à savoir mais on espère bien que vous n’en aurez pas besoin !

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SANT FELIU DE GUIXOLS Des trésors cachés C’est pourtant l’heure d’affluence pour les retours, mais au premier appel radio à la pétillante Chris (qui parle français) les boscos arrivent à toute vitesse en vélo (sans freins !) pour prendre les amarres. Ici, c’est toujours la grande classe espagnole, pour les services comme pour les équipements. Mais aussi un record de prix... Trois fois Porquerolles ! Quatre fois Barcelone ! Entre les pontons et le club-house d’une belle architecture de pierre prise dans la falaise, un curieux hangar : c’est l’ancien terminal ferroviaire du port. Dedans, trône une locomotive à vapeur et une voiture en bois. Quito Pi, ancien président du Club nautique, se souvient de son enfance quand ce tortillard faisait la liaison avec la capitale régionale, Girone et nous dira : «le train allait tellement lentement que dans les montées on pouvait descendre faire pipi dans les bosquets et rattraper le wagon en courant !». La route a tout changé. Le Club Nàutic est le plus ancien de la Costa Brava. Il gère le port depuis 1945. La plaisance est née ici alors qu’il n’y avait pas de pontons, juste un bout de jetée à côté du seul bâtiment qui existait, celui

Sant Feliu en est un parfait exemple. La ville regorge de témoins de toutes les époques, du plus pur Roman à l’avantguerre civile et aux années soixante-dix, il suffit d’ouvrir les yeux, de se balader le nez en l’air (ici pas de crottes de chiens, c’est 200 € d’amende !) pour se faire raconter mille ans d’histoire : un hôpital début du XVIe siècle, immense pour l’époque, parle des grandes épidémies, un cloître fortifié roman primitif raconte la peur des Barbaresques, un casino baroque fait entendre les fiestas des Années folles et pleins de détails accrochés aux façades sont un livre d’images (imaginaire), pour qui aime observer.

Le bassin du port où évoluent beaucoup de clubs .et de voiliers de sport. En bas, la “Porta Ferrada”, monastère fortifié.

de la barque des sauveteurs en mer. Maintenant, c’est un port de taille moyenne, construit à l’époque du boom économique de l’Espagne de l’après-Franco. On en voit les traces architecturales dans la ville, vue de la mer. Comme nous a dit encore Quito Pi, «quand l’Espagne est passée du quasi sous-développement au quasidéveloppement en quelques années, on n’a plus voulu voir ce qui nous rattachait au passé».

Sinon, on ne voit plus que cet hideux immeuble où il vaut mieux habiter pour ne pas le voir et regarder seulement la mer, et d’autres choses plus modestes comme les années des Trente glorieuses ont su si bien en faire, ici comme en France en un temps où, trop souvent, nouveauté tenait lieu de beauté. Pour voir le meilleur de cette ville, il faut marcher jusqu’à la partie à l’opposé du port, vers le cloître, son château et son église, mais aussi la place de la Mairie avec un marché très coloré, des petites rues avec des architectures surprenantes. À voir aussi, en haut de la Rambla, un joli musée du jouet avec une boutique du genre qu’il vaut mieux avoir oublié sa carte de crédit dans le bateau...


LLAFRANC Trois ports en un... mais peu de places Notre statut de periodistas y a sans doute fait beaucoup, mais, quand même, une place – une seule – était libre dans ce port de 140 anneaux dont à peine 20 pour des bateaux au dessus de 10 mètres. Pourtant, relativement, ce ne sont pas les bateaux qui manquent : il y en a partout où c’est possible. Dans le vrai port, bien sûr, géré par le Club Nàutic Llafranc, bien à l’abri d’un môle-promenade qui se referme vers la plage. Mais aussi dans le mouillage organisé dans la baie avec une centaine de bateaux de moins de 8 mètres, et même sur la partie de la plage la plus à l’abri. Là, pour bien serrer les bateaux au sec, ont été installés des treuils pour les faire monter sur des rampes et les ranger en épi. Ainsi, trois sociétés privées gèrent chacune son cheptel de bateaux et de barques, dont une grande majorité de Llaguts, les pointus, anciens et modernes, qui vont se nicher au mouillage dans les calanques et les recoins de rochers. Du 1er juin au 30 septembre, la baie de Llafranc triple ainsi sa capacité et les Zodiacs qui font la navette entre le quai du port et les mouillages n’arrêtent pas de charger-décharger des passagers. Mais, dès le 30 septembre, les bateaux quittent les mouillages et la plage pour aller dans les ports à sec de l’arrière-pays. La baie est mal abritée et seuls les baCabotages décembre 2014 - 13

Les Llaguts qui font le charme de l’Espagne nautique, tirés sur la plagette. En bas, l’entrée du petit port et son bassin bien encombré. Le chemin se côte qui mène à Calella de Palafrugell, et une des maisons de ce village.

teaux qui ont un anneau au port peuvent ne pas souffrir des gros coups de vent de Sud et d’Est. Si cela vous arrive, ne tentez pas de rentrer là : il faut passer si près de la plage, dans à peine plus de trois mètres d’eau, que c’est un bon moyen de se retrouver directement à la terrasse des cafés de la promenade... avec son épave. Ici, peu de plaisanciers de passage : 70 pour la saison ! Ils sont si rares que c’est le gardien du port qui détient seul la clé des douches-toilettes et vous la donne quand vous en avez besoin... Dès qu’on s’est approchés par la mer, on a compris que ça allait nous plaire. La petite baie de Llafranc, en bas d’un escarpement de roches rouges couvertes de pinèdes luxuriantes qui cachent les villas et de petits immeubles, donne envie de passer rapidement les amarres aux taquets et de se balader. Chose amusante, les maisons et les appartements de plain-pied sur la promenade ont installé leurs tables et chaises de terrasse entre celles des restaurants et des bistrots. Les habitants dînent là, à peine séparés du flot des badauds par trois pots de fleurs. Du bout du village, il faut absolument prendre l’escalier qui mène au chemin de ronde : vingt minutes de marche facile entre pinèdes et rochers qui mène à l’autre perle de l’escale : Calella de Palafrugell. Oubliez là aussi la plage façon “sardines à l’escabèche”, et regardez plutôt l’harmonie de l’architecture de ce gros bourg qui a su garder son cachet : tout est blanc et bleu, sans enseignes ni constructions hideuses. On pourrait se croire dans une île grecque ou un village de Tunisie. On a adoré.

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La baie de Port Lligat, bien abritée, offre un mouillage organisé qui permet d’attendre une météo favorable pour passer le cap de Creus. En bas, l’entrée de la baie de Cadaquès, plus grande mais très houleuse.

PORT LLIGAT Alias port Dali, le beau mouillage L’une des rares escales qui porte ici le nom de port n’en est pas un : Port Lligat est un mouillage organisé sur coffres. Le plus beau de Port Lligat se voit du cockpit. La baie est superbe. Les rochers déchiquetés qui en font un excellent abri sont autant de sculptures et restanques

Ensuite, il suffit de marcher vingt minutes pour passer de l’autre côté de la presqu’île et se retrouver à Cadaquès. Que dire de Cadaquès qui n’ait été dit ? Que c’est une parfaite carte postale ? Que les styles des maisons sont étonnants et que chacune raconte une histoire ? Que ceux qui y sont venus il y a vingt ou trente ans seront encore une fois déçus par la marchandisation universelle ? Tout est vrai. Vu de la mer, c’est tout aussi beau. Mais la large baie de Cadaquès, si elle offre un beaucoup plus grand nombre d’amarrages, est largement ouverte au vent de mer. Pendant que nous nous y promenions, le SudEst s’est brusquement levé et à voir danser les bateaux, on se demande comment on aurait pu y tenir debout. Ou couchés ! L’histoire se termine là. Demain, retour à Sète avec plein de bons souvenirs, quelques déceptions, mais en tout cas des idées à méditer par les ports français...

encore entretenues et plantées d’oliviers font une belle géométrie en dégradés de verts. L’eau est transparente et plonger du bateau est le meilleur plan car la petite plage est faite de cailloux. À terre, la curiosité touristique du lieu est bien sûr la maison de Salvador Dali, au fond de la petite rade.

MAIS POURQUOI LES PORTS CATALANS SONT-ILS SI CHERS ? Jusqu’à 110 € pour un bateau d’un peu moins de 11 mètres. Le plus souvent autour de 70 €. Avec des mouillages très encombrés, cela fait un joli budget de croisière. Pourquoi de tels prix alors que des ports français aussi prestigieux de Cannes Port Canto ou Porquerolles demandent entre 30 et 40 € ? LES SERVICES

Les ports espagnols ont monté l’offre d’équipements et de services à un niveau qu’on ne retrouve que très rarement en France. Pontons presque toujours ouverts mais surveillés et même gardés, boscos en quantité suffisante pour ne jamais attendre ou rester sans réponse sur le canal 9, sanitaires irréprochables, machines à laver, Wifi gratuite, salons confortables et club-houses, restauration sur le quai d’honneur… Quasiment rien à dire dans les dix ports que nous avons fréquentés. Et pour cela, il faut du personnel.

CATALOGNE

LA FISCALITÉ

La Generalitat de Catalunya, la région Catalogne, d’un jour à l’autre, a multiplié par 7 la redevance que les ports doivent lui payer. Pour un port d’environ 450 places, le montant annuel qui était de quelques 25.000 € est passé à 180.000 € ! Les Pouvoirs publics ont besoin d’argent, ils taxent les riches, les propriétaires de bateaux. Du coup, les plaisanciers sont forcément de plus en plus des gens riches… LE STATUT

La quasi-totalité des ports de Catalogne sont privés, la plupart du temps associatifs, équivalent de la Loi 1901. Mais ce sont de vraies entreprises. Les sociétaires ont collectivement investi et emprunté pour faire les études et construire les ports, les gérer, en faire des outils rentables à défaut d’être lucratifs. Avec des concessions de 20, 25 ans, il faut amortir l’in-

vestissement sur la période. Avec, par exemple à Sant Feliu de Gixols, 6 millions d’euros investis. On comprend pourquoi les ports cherchent des sous-contractants : restaurant, école de voile, plongée, activités diverses… L’EXCEPTION FRANÇAISE

En France, le coût du port ne se calcule pas ainsi. Intégré au territoire, il n’a pas de telles limites de temps pour son amortissement et encore celui-ci tient-il compte des retombées indirectes, bien au-delà du territoire du port lui-même : emplois dans le nautisme et le tourisme, dépenses des plaisanciers à l’escale, activités culturelles, gain d’image et arguments d’attractivité pour la ville, le département, la région… Chez nous, un port est intégré dans une économie et une politique plus globales. Ceci explique sans doute cela. Barcelone est la seule exception à ce tableau.

14 - Cabotages décembre 2014


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