Pigalle, entre tapins et truands Tome 2

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LA LÉGENDE DE

MONTMARTRE

Pigalle : entre tapins et truands tome II Texte de

Catherine Tardrew



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Pigalle : entre tapins et truands tome II

Texte de

Catherine Tardrew



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t l’on ferma les maisons closes… la loi de Marthe richard, demi-mondaine tournée suffragette et défenseure de l’ordre moral, la « veuve qui clôt » de l’écrivain alphonse Boudard, est des plus simples, radicale même. elle abolit le régime de la prostitution réglementée, et donc très encadrée, par la police. Comme si proscrire l’écrin de ce « vice » qui pourrit la société, réduit des milliers de malheureuses en esclavage et remplit les poches de presque autant de truands et autres maquereaux allait la faire disparaître. Premiers visés, les lieux où cette débauche prospère. en mettant hors la loi les maisons de plaisir, on supprime à la fois les « filles de joie », leurs clients, riches ou pauvres, et tous ceux qui vivent et profitent du commerce de la chair. Plus d’ « oseille » pour les macs, plus de gagneuses, plus de maquerelles corsetées et rigides, plus de pensionnaires vêtues de peignoirs succincts, ouverts sur des charmes en vente ! Fini le « pain de fesse », le « julot » qui en bouffe, et donc la prostitution. l’idée semble géniale. législateur et opinion publique, contaminés par une même fièvre morale, sont enthousiastes. Cela ne Marthe Richard, (à gauche) la fait pas deux ans que la France et ses « veuve qui clôt » d’Antoine Blondin. Ancienne prostituée qui fit voter la alliés ont bouté l’allemand hors de loi de 1946, destinée à éradiquer la prostitution, et sut se reconvertir. l’Hexagone. la vertu va, de même, Elle joue même au théâtre. triompher du vice ! Ce 13 avril 1946, une Chambre des députés bien-pensante, et un brin naïve, adopte la loi 46-685. Il s’agit, par cette loi vertueuse, d’éradiquer le proxénétisme, ses bénéfices et ses vices. le texte est draconien. Il interdit en bloc tout ce que Paris (178 établissements) et la France (5 000) comptent de 3


maisons de tolérance, « numéros rouges » et autres « paniers fleuris » provinciaux. le racolage est, lui aussi, déclaré hors la loi ! les débats de l’hémicycle ont attiré le gratin des tenanciers, fleurs de bitume, barbeaux, maîtresses et sousmaîtresses, tous très inquiets pour leur proche avenir. les tribunes du Palais-Bourbon réservées au public sont envahies de femmes un peu trop maquillées, d’hommes Les GI, ces soldats venus d’Amérique, au feutre arrogant et aux cosdécouvrent la capitale, ses fêtes et ses tumes adaptés au port d’arme manèges. Les « petites femmes de Paris » succombent à leur charme exotique et sous l’aisselle ou à la ceinture. à leurs poches bourrées de dollars. la consternation règne. À Pigalle, l’humeur des macs est aussi glauque que la lumière des réverbères, encore faiblarde en cette période post-conflit. les bas, soie ou nylon, offerts par les soldats vainqueurs à toutes celles qui les avaient si bien accueillis s’usent vite. les élégantes aux ressources modestes redessinent, sur leurs jambes, d’un trait sombre, la couture qui souligne le galbe d’un mollet, affine une cheville. le charbon est rare, les tickets d’alimentation sont toujours en vigueur. Monsieur Marcel, qui, au 122, rue de Provence, mettait les petits plats dans les grands pour les officiers allemands et quelques riches collaborateurs, ajoutant entre les draps parfumés de ses chambres à thème ses plus jolies pensionnaires, voit son empire de luxure luxueuse promis à la destruction. les petites maisons et autres meublés sans chichis, où honnêtes pères de famille, adolescents travaillés par leurs hormones, célibataires de tout poil, voyous et travailleurs immigrés viennent apaiser leurs ardeurs, se vider, 4


sont dans la ligne de mire du vertueux législateur. Monsieur Marcel, à qui on a cherché des crosses après la libération, et qui a passé une année sous les verrous, ne retrouvera pas, malgré quelques tentatives avortées, sa splendeur d’avant guerre, ni sa sublime maison ! les autres établissements où l’amour se paie devront fermer, ou se reconvertir. À compter du 14 avril 1946, les bordels des villes de moins de 5 000 habitants ont un mois pour disparaître, ceux des municipalités de moins de 20 000 un petit trimestre ! Paris, capitale internationale du sexe tarifé, Marseille et lyon bénéficient de six mois pour se mettre en règle. le 13 octobre 1946, officiellement, la police ne contrôlera, ni ne surveillera, plus la prostitution. la Mondaine organise une dernière rafle, symbolique, le 25 septembre, ultime baroud d’honneur avant de passer la main. la place Pigalle est noire de cars de police, lourds véhicules bourrés à craquer. Un ouragan d’hommes en képi s’abat sur les hôtels trop accueillants. les filles à demi nues se rajustent à toute vitesse, les michetons enfilent en tremblant leurs pantalons. les portes claquent. dans les couloirs au tapis élimé, tout ce joli monde tente de s’enfuir en un troupeau bruyant et désordonné. Cette « der des der » se termine au quai des orfèvres, dont les corridors sont envahis par une nuée de photographes venus immortaliser la fin de la prostitution à Paris. À la fin de la guerre, les Français subissent toujours des restrictions de toutes sortes. À Paris, comme en province, il faut encore des cartes d’alimentation, de textile, pour se nourrir et se vêtir.

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« UN DÉSASTRE » la loi dote la prostitution d’un statut des plus bâtards. Ce n’est pas un délit de se vendre, les putes peuvent faire à peu près ce qu’elles veulent. leur seule punition reste le blâme moral. en revanche pas question pour un « julot » de relever la « comptée ». Ça, c’est définitivement hors la loi, comme tenir un hôtel, un « claque », louer des studios où ces dames se livrent au commerce de la chair. Hypocrisie, ou naïveté ? encore plus naïf, il est prévu que les « filles », dont les fiches de police seront détruites, ont la possibilité d’être rééduquées et reclassées. Pure utopie ! les péripatéticiennes échappent au contrôle de la police pour passer sous celui du ministère de la Santé publique ! encore faudrait-il que cette administration ait les moyens d’une ambition qu’elle n’a jamais revendiquée. devant les policiers, les filles tremblaient… un peu. Confrontées à d’altruistes assistantes sociales, elles rigolent sec ! l’écrivain Pierre Mac orlan, l’un des plus fins connaisseurs des lieux de plaisir de Montmartre et Pigalle, se désole. Il est le témoin, navré, de la chute « d’une civilisation mil- Le Chabanais, l’une des maisons closes les plus huppées de Paris, dut fermer ses portes, comme lénaire qui s’écroule ». tous les autres bordels. Et la baignoire qu’utilisait le prince de Galles, héritier du trône d’Angleterre, pour ses menus plaisirs est vendue, comme tout le mobilier, aux enchères.

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Si les inspecteurs de la Mondaine se soucient peu de la fin d’une culture qu’ils vivent au quotidien, et ne trouvent pas spécialement romantique, ils sont tout aussi atterrés que Mac orlan, et très inquiets pour l’après... Pour le commissaire principal gally, à l’époque patron de la Mondaine, « sur le plan policier la loi du 13 avril 1946 fut un désastre ». C’est d’autant plus grave que cette loi, conçue en dépit du bon sens, ne peut pas aider à la lutte contre le proxénétisme. elle ne fera que le transformer, le faire disparaître, un temps, des radars de la grande Maison. Supprimer, d’un trait de plume, les maisons et tout un personnel désireux de ménager les représentants de l’ordre, ces flics qu’ils voient pratiquement tous les jours, c’est priver ces derniers de sources de renseignements et de toute possibilité de surveillance un peu sérieuse ! la menace de fermer un établissement n’était-elle pas, souvent, le moyen le plus efficace de délier une langue ? dans la capitale, le glas sonne le 1er janvier 1947. en théorie, il ne doit plus y avoir après cette date fatidique ni boxon, ni maison, ni hôtel de passe… Plus de tapins, plus de truands, plus de proxénètes, dont la coupable industrie tombe sous le coup de la loi. en principe ! la reconversion programmée des tapineuses n’est qu’une généreuse illusion. Même ponctionnées par leurs souteneurs, les filles gagnaient plus d’argent en écartant les cuisses qu’en faisant des ménages ou en servant derrière un bar. et les très rares ayant l’énergie et les capacités de se transformer en sténodactylos, employées de bureau, coiffeuses ou vendeuses ne peuvent espérer gagner, à la fin du mois, qu’un piteux salaire. en se vendant, elles gagnaient plus en une nuit ou quelques heures, déduction faite du pourcentage du mac, qu’en un mois des emplois subalternes auxquels elles peuvent prétendre. Habituées à ne rien faire de leurs dix doigts, la cervelle ramollie par des années d’oisiveté, les gagneuses ne savent guère que subir les mâles, et les entretenir. elles ne le feront plus dans des institutions aux règlements austères, mais protecteurs. Peur du gendarme envolée, après la « démission » brusque des tenanciers et des sous-maîtresses, les pensionnaires qui s’offraient dans 7


Devant les bistrots pas toujours louches, de jeunes femmes très accueillantes sont prêtes à céder aux messieurs nantis qui cherchent l’aventure.

des salons plus ou moins propres, plus au moins décents, repartent, en solo et trébuchant sur leurs talons d’avant guerre, à l’assaut du macadam. Un unique et bien ambigu avantage : plus d’horaires contraignants, ni de couvre-feu. Plus de bordels organisés ? C’est à voir ! les filles, habituées à un semblant de structure, trouvent refuge dans ce que l’on appellera, très vite, les « clandés ». Certaines soupirent de soulagement. la génération d’après guerre des proxénètes investit dans la pierre. l’encadrement de ces demoiselles n’a pas beaucoup changé. Il est simplement devenu nettement plus brutal. les 178 maisons closes que comptait la capitale sont, en moins de six mois, remplacées par plus de 500 bordels clandestins. les plus élégants, dans les petites rues qui montent du faubourg Montmartre vers Pigalle et le Sacré-Cœur, se déguisent, parant les fenêtre de jolis rideaux, en salons de thé, salons de massage, cabinets d’esthétique, clubs privés où les serveuses, esthéticiennes et danseuses ne résistent pas longtemps aux crissements attractifs du billet de banque. les filles en jupe ultracourte, perchées sur les tabourets des bars de nuit, ne se font pas prier. Sur un simple regard, elles descendent volontiers de leur piédestal pour rejoindre, avec leurs invités d’une heure, les chambres qu’elles louent dans les meublés du voisinage. rue Frochot, les piaules du Macao sont très prisées. les tapins de Pigalle, symbole de nuit chaude, ont la cote.


dans la hiérarchie de la prostitution, elles se situent au-dessous des jeunes élégantes qui se laissent emballer dans les bars aux allures de club anglais qui font le charme un peu sulfureux des rues proches des Champs- élysées. Si elles gagnent moins que ces aristocrates de la galanterie, leurs tarifs sont le double de ceux des « gagneuses » de la rue Saint-denis, le triple de ceux des « pierreuses » des boulevards extérieurs ! À Pigalle, la prostitution a toujours été associée à une certaine idée de la fête. C’est au sortir de restaurants et de cabarets réputés que beaucoup de bourgeois montés des quartiers chic se laissent prendre. les macs, les tauliers, ont une autre classe que les julots dont les filles écument le bitume prolétaire de la rue Quincampoix et des Halles. Ils ont des feutres de qualité, leurs pardessus sont en poil de chameau, même si les lieux où leurs filles reçoivent sont moins chic que leurs habits. Paul tadéi et Jean Irma La douce, héroïne de la pièce éponyme, dary, élégants rescapés des raconte les aventures d’une prostituée au grand luttes entre gangs parisiens cœur. Colette Renard y tient le rôle-titre. et corses des années trente, gèrent des chambrettes rue tholozé et rue de douai. en aval de la rue des abbesses, les petits hôtels de la rue andré-antoine affichent complet toutes les nuits, souvent le jour. À la réception, le veilleur de nuit quitte à peine son journal pour tendre la clef, jette un vague 9


regard sur ceux qui montent. dans les établissements les plus huppés, le linge, draps et serviettes indispensables pour les nécessaires ablutions, est discrètement changé après chaque furtive rencontre. le couple peut repartir, sens du micheton apaisés, porte-monnaie de la fille un peu plus gonflé. les policiers de la Mondaine, un certain nombre d’entre eux en tout cas, savent être aussi myopes que les concierges d’hôtel ! Monique Willemin raconte dans la Mondaine, histoire et archives de la Police des Mœurs que le commissaire gally avait reçu « le feu vert du cabinet du préfet pour gérer » la prolifération anarchique et dangereuse des « clandés ». on va donc, en fermant pour la forme un certain nombre de claques, « tolérer » ceux dont les tenancières savent se montrer souples, compréhensives, histoire de garder un contrôle minimum. les vieux clients sont enchantés de ce retour à l’ordre normal, sinon moral, des choses. lors de la première assemblée générale de la toute récente onU à Paris, au trocadéro, diplomates et journalistes peuvent aller, sans crainte, se délasser dans les trois établissements autorisés pour la circonstance ! Monique Willemin précise que l’une des obligeantes tenancières de l’un de ces « lupanars de l’ONU » avait suggéré d’ellemême « d’installer des micros dans les chambres » ! Comme au bon vieux temps du Chabanais, du Sphynx et du 122 ! ouf ! en gros, les ex-gérantes de « maisons » devenues patronnes de « clandés » peuvent dormir aussi tranquilles qu’avant guerre, à condition qu’elles répètent à leurs « condés » les confidences sur l’oreiller de quelques personnages importants, ou influents. d’honorables correspondantes, en quelque sorte ! loi de 46 ou pas, accommodement avec le « 36 » ou pas, au lendemain de la guerre Pigalle a perdu bien de son cachet d’antan. l’endroit séduit toujours, mais semble fané. effet des restrictions qui perdurent, les lumières sont chiches, et sous la lueur blafarde les filles n’ont pas toujours très bonne mine. l’écrivain rené Fallet, vieil habitué, se désole en une description teintée de regrets nostalgiques : « À Pigalle, les rues ne sont pas pavées de mauvais garçons en casquettes. Les girls ne se baladent nues que sur leurs scènes. Les putains n’ont pas toutes une mère à 10


nourrir. Les pères de famille n’en tombent pas amoureux tous les jours. Les barbeaux ne les battent pas chaque soir. Le romantisme du cran d’arrêt déplié et du mégot collé sur la lèvre inférieure est mort. Son souvenir, pas encore, mais ça viendra. »

COUP DE TORCHON les gueuses n’ont pas gagné au change. la vertueuse loi Marthe richard, censée libérer les prostituées, a totalement raté son objectif, n’a pas éradiqué le choquant phénomène social. elle l’a déplacé, dissimulé. les autorités, un temps désemparées, inventent vite une riposte : cibler les racoleuses. le racolage, la sollicitation d’un éventuel client, demeure, lui, strictement prohibé. et, là encore, il y a un monde entre la théorie et la pratique. d’autant que le vieux, et hypocrite, prétexte de protéger la santé est toujours en vigueur. les fleurs de bitume ne restent-elles pas le vecteur privilégié de toutes ces vilaines maladies sexuellement transmissibles dont les plus graves rongent le cerveau et rendent fou, les plus bénignes sont douloureuses ou simplement irritantes ? Pis, elles sont une menace pour la société… et la paix des ménages ! les époux vo- Discrètement aguicheuse, la gagneuse dont la jupe dévoile tout juste la cuisse, compte sur le lages, à la recherche des plai- galbe d’icelle pour attirer le micheton. 11


sirs les plus pervers, risquent de choper des maladies honteuses, et très désagréables. la loi a, un peu, desserré le cordon sanitaire qui encadrait strictement les filles. elles peuvent, plus que jamais, transmettre leurs germes pourris à de très honnêtes mères de famille. la définition du racolage, seule activité que la justice peut toujours réprimer et condamner, est d’un beau flou artistique. Une imprécision dont les flics de la Mondaine, avec le peu de moyens qui restent à leur disposition, vont user, et abuser, pour rétablir un semblant d’ordre. la chasse est ouverte. les « paniers à salade », rentrés au garage après avoir si bien servi sous l’occupation et lors des exaltantes nuits de la libération de Paris, reprennent du service. Ils grimpent en hoquetant la rue Fontaine, glissent autour de la place Pigalle, cahotent sur le boulevard de Clichy, peinent dans la rue lepic, s’enfoncent en disparaissant presque dans le lacis des petites rues de Montmartre, brusquement révélés par les halos de lumière qui désignent boîtes et bars. les hommes de la Brigade de nuit, yeux aux aguets, scrutent l’obscurité à l’affût d’une contrevenante. les juges à la morale stricte ont une vision très restrictive de la pratique prohibée. toute femme debout devant une porte d’immeuble est suspecte. Malheur à celle qui se tient devant une entrée

Pour les besoins du film Irma la douce les paniers à salade ont repris du service. Et les actrices sont plus propres que nature.


d’hôtel, dont la jupe est un peu courte, le visage trop fardé ! Son compte est bon : elle racole ! les filles, malgré leurs cris et parfois quelques coups de griffe, sont poussées sans ménagement dans les disgracieux véhicules. Ça s’appelle le « coup de torchon ». dans l’étroit habitacle grillagé, l’odeur, cocktail de parfums bon marché, de sueur, d’alcool, de poudre de riz, devient vite nauséabonde. direction : le deuxième étage du 36 quai des orfèvres, où se trouvent les bureaux de la Brigade mondaine. Secondé par une assistante sociale supposée aguerrie, un policier blasé pose les questions, toujours les mêmes. et rédige, d’une écriture soigneuse, ou à la machine, une fiche individuelle. C’est fastidieux, long, et le plus souvent parfaitement inutile. dans le couloir, c’est le boxon : les filles chantent à pleine voix éraillée les derniers refrains canailles, entonnent un répertoire riche en injures et expressions ordurières. les plus lasses se laissent glisser sur le sol, y Arrivée à la prison-hôpital Saint-Lazare, où les filles sont envoyées pour se faire soigner des coups de pied de ronflent quelques mi- Venus (les maladies vénériennes) reçus. Les cars de police nutes avant, ou après, les raflent par dizaines chaque nuit. 13


leur tour de passer à la question. Si le carnet de santé de la fille est en règle, elle est relâchée au petit jour. elles sont des dizaines à émerger dans un matin aussi blafard que leur figure au maquillage délavé. le pas fatigué, l’haleine fétide et les aisselles poisseuses, elles regagnent leurs garnis. Pour y dormir quelques heures avant de se remettre au turbin. À Pigalle, il y eut toujours peu d’authentiques maisons closes, et aucune n’atteignit jamais la notoriété des 122, Chabanais, Sphynx et autres vastes boudoirs consacrés au sexe rémunéré. en revanche, la prostitution, comme commerce et bizness, s’y exerce sous toutes ses formes. les radeuses des boulevards, les horizontales, les hôtesses montantes, les entraîneuses, les michetonneuses modestes, les indépendantes, si elles ne se vendent pas dans les mêmes établissements, ou ne partagent pas tout à fait le même carré de bitume, sont géographiquement Ce ne sont pas les aristocrates du sexe qui proches les unes des autres. hantent la rue de Budapest, à deux pas de la gare Saint-Lazare. Ici, les pierreuses pratiquent des et quand les temps sont tarifs… modestes. durs, les aristocrates de la profession n’hésitent pas, pour un extra, à déborder sur le terrain de leurs consœurs. les « petites femmes de Pigalle » n’ont pas volé leur renommée mondiale. 14


À suivre...


LA LÉGENDE DE MONT MARTRE

Pigalle : entre tapins et truands tome II Texte de Catherine Tardrew Le premier tome de Truands et Tapins faisait découvrir les plaisirs canailles et tarifés que lorettes, péripatéticiennes, et autres fleurs de trottoir dispensaient à tous ces messieurs avides de chair à vendre. Il racontait aussi les histoires de ces hommes qui firent régner la peur et couler le sang dans les rues, et s'amusaient tant dans les cabarets célèbres. Le second tome reprend le fil d'une légende à peine interrompue par la fermeture des maisons closes, en 1947. Les Corses, les Arabes, plus tard Russes ont pris le relais. On tire toujours autant rue Fontaine, les règlements de comptes se poursuivent. Les « putes », leurs macs et les bars où ils se retrouvent sont toujours là, les néons ont remplacé les quinquets éclairés au gaz. Et si les splendides demi-mondaines du 19e siècle ne sont plus qu'un charmant souvenir, d'autres « gagneuses », flamboyantes ou pathétiques, ont pris le relais. Des hôtels d'abattage de la rue de la Charbonnière aux coquets studios des impasses de Montmartre, la chair se négocie toujours autant. Les bandes de blousons noirs ont remplacé les Apaches. Les truands s'appellent désormais Zemour ou Panzani, ont des attachés de presse, mais la fête, toujours un peu glauque, continue. Pigalle a un peu perdu de son charme désuet, mais les voyeurs se régalent dans les peep-show, au petit matin, les travestis ont la mine grise et la joue râpeuse. Les touristes s'en moquent, les supermarchés sexy regorgent de coquineries abordables ! Et au Moulin Rouge, on danse toujours le cancan.

19,90 €


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